Tumeurs endocrinesthoraciques et digestives
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Éric BaudinMichel Ducreux
Tumeurs endocrinesthoraciques et digestives
ISBN-13 : 978-2-287-35573-8 Springer Paris Berlin Heidelberg New York© Springer-Verlag France, Paris, 2008
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Maquette de couverture : Jean-François Montmarché
Au titre de la formation médicale continue, l’achat de cet ouvrage vous donne droit à deux crédits.
Éric Baudin
Institut Gustave-Roussy39, rue Camille Desmoulins94805 Villejuif
Michel Ducreux
Institut Gustave-Roussy39, rue Camille Desmoulins94805 Villejuif
FMC
Liste des auteurs
Marie-Françoise Avril Service de dermatologieHôpital Cochin27, rue du Faubourg-Saint-Jacques75679 Paris Cedex 14
Éric Baudin Médecine nucléaire et oncologie endocrinienneInstitut Gustave-Roussy39, rue Camille-Desmoulins94805 Villejuif Cedex
Valérie Billard Service d’anesthésie-réanimationInstitut Gustave-Roussy39, rue Camille-Desmoulins94805 Villejuif Cedex
Françoise Borson-Chazot Service d’endocrinologieHôpital neurologique et neurochirurgical Pierre-Wertheiner59, boulevard Pinel69394 Lyon Cedex 03
Guillaume Cadiot Hôpital Robert Debré Service d’hépato-gastro-entérologieAvenue du Général Koenig 51092 Reims Cedex
Catherine Cardot-Bauters Clinique Marc LinquetteCHRU de LilleRue du Pr. Laguesse 59037 Lille Cedex
Philippe Chanson Service d’endocrinologie et des maladies de la reproductionHôpital Bicêtre78, rue du Général-Leclerc94275 Le Kremlin-Bicêtre
Mohammed Cheikh Service d’anesthésie-réanimationCentre hospitalier de Lagny31, avenue Général-Leclerc77400 Lagny-sur-Marne
Olivier Corcos Service de gastro-entérologieHôpital Beaujon100, boulevard du Général-Leclerc92110 Clichy
Carine Corone Service de médecine nucléaireCentre René-Huguenin35, rue Dailly 92210 Saint-Cloud
Thierry de Baère Service de radiologie interventionnelleInstitut Gustave-Roussy39, rue Camille-Desmoulins94805 Villejuif Cedex
Michèle d’Herbomez Clinique Marc LinquetteCHRU de LilleRue du Pr. Laguesse 59037 Lille Cedex
Sonia Delaporte-Cerceau Service d’anesthésie-réanimationHôpital Necker - Enfants Malades149, rue de Sèvres75743 Paris Cedex 15
Clarisse Dromain Service de radiodiagnostic et imagerie médicaleInstitut Gustave-Roussy39, rue Camille-Desmoulins94805 Villejuif Cedex
Michel Ducreux Service de gastro-entérologieDépartement de médecineInstitut Gustave-Roussy39, rue Camille-Desmoulinset département de cancérologieHôpital universitaire Paul-BrousseRue P. Vaillant-Couturier94805 Villejuif Cedex
Dominique Elias Service de chirurgie générale carcinologiqueInstitut Gustave-Roussy39, rue Camille-Desmoulins94805 Villejuif Cedex
Francesco Giammarile Service de médecine nucléaireCentre hospitalier Lyon Sud165, chemin du Grand-Revoyet69495 Pierre-Bénite Cedex
VI Tumeurs endocrines thoraciques et digestives
Marc Giovannini Service de gastro-entérologie-endoscopieInstitut Paoli-Calmettes232, boulevard Sainte-MargueriteBP 15613273 Marseille Cedex 9
Diane Goéré Service de chirurgie viscérale et digestiveInstitut Gustave-Roussy39, rue Camille-Desmoulins94805 Villejuif Cedex
Pierre Goudet Service de chirurgie viscérale et urgencesHôpital général21033 Dijon Cedex
Joël Guigay Département de médecineInstitut Gustave-Roussy39, rue Camille-Desmoulins94805 Villejuif Cedex
Valérie Hervieu Service central d’anatomie et cytologie pathologiquesINSERM U45Hôpital Edouard-Herriot5, place d’Arsonval69437 Lyon Cedex 03
Peter Kamenicky Service d’endocrinologie et des maladies de la reproductionHôpital Bicêtre78, rue du Général-Leclerc94275 Le Kremlin-Bicêtre
Sophie Leboulleux Service de médecine nucléaire et de cancérologie endocrinienneInstitut Gustave-Roussy39, rue Camille-Desmoulins94805 Villejuif Cedex
Côme Lepage Registre Bourguignon des cancers digestifsInserm UMR 266Faculté de médecine7, boulevard Jeanne d’ArcBP 8790021079 Dijon Cedex
Cécile Le Péchoux Département de radiothérapieInstitut Gustave-Roussy39, rue Camille-Desmoulins94805 Villejuif Cedex
Catherine Lombard-Bohas Service d’oncologie médicaleHôpital Edouard-Herriot5, place d’Arsonval69437 Lyon Cedex 03
Liste des auteurs VII
Jean Lumbroso Service de médecine nucléaire et de cancérologie endocrinienneInstitut Gustave-Roussy39, rue Camille-Desmoulins94805 Villejuif Cedex
David Malka Unité de gastro-entérologieDépartement de médecineInstitut Gustave-Roussy39, rue Camille-Desmoulins94805 Villejuif Cedex
Emmanuel Mitry Service d’hépato-gastro-entérologie et oncologie digestiveCHU Ambroise Paré9, avenue Charles de Gaulle92100 Boulogne
Patricia Niccoli-Sire Service d’endocrinologieCHU Timore254, rue Saint-Pierre13385 Marseille Cedex 05
Dermot O’Toole Service de gastro-entérologieCHU d’Angers4, rue Larrey49933 Angers Cedex 9
Philippe Ruszniewski Service de gastro-entérologieHôpital Beaujon100, boulevard du Général-Leclerc92110 Clichy
Jean-Yves Scoazec Service central d’anatomie et cytologie pathologiquesINSERM U45Hôpital Edouard-Herriot5, place d’Arsonval69437 Lyon Cedex 03
Antoine Tabarin Service d’endocrinologieHôpital du Haut-L’Évêque5, avenue de Magellan33604 Pessac Cedex
Jacques Young Service d’endocrinologieHôpital Bicêtre78, rue du Général-Leclerc94275 Le Kremlin-Bicêtre Cedex
VIII Tumeurs endocrines thoraciques et digestives
Avant-propos
Malgré leur relative rareté les tumeurs endocrines présentent la particularité d’in-téresser de très nombreux spécialistes. En particulier, différents cliniciens tels queles gastro-entérologues, les endocrinologues, les chirurgiens et les cancérologuesprennent régulièrement en charge ce type de patients. Au-delà de la grandevariété symptomatique de la maladie, il existe de multiples spécificités en termesde suivi biologique, d’imagerie, et d’anatomo-pathologie qui méritent d’êtredécrites précisément et cet ouvrage apporte une information récente et détailléedans ce sens. Une justification supplémentaire à cette publication provient del’apparition de nouveaux marqueurs biologiques de ces tumeurs, l’application denouvelles techniques d’imagerie et les modifications itératives des classificationspathologiques qui imposaient à l’évidence une mise au point récente et pratique.
En plus de ces particularités de caractérisation et de compréhension, lestumeurs endocrines posent régulièrement des problèmes de prise en charge enpratique clinique et la rareté des référentiels abordant pleinement cesproblèmes thérapeutiques rend souvent la décision difficile.
Pour toutes ces raisons, un ouvrage de référence sur les tumeurs endocrinesmanquait dans de nombreuses bibliothèques où il trouvera naturellement sa place.
Les coordonnateurs de cet ouvrage se sont appuyés sur le réseau des spécia-listes de ces tumeurs appartenant au Groupe des Tumeurs Endocrines (GTE)afin d’obtenir des chapitres clairs, concis et actuels sur toutes ces facettes de cestumeurs fascinantes par leur complexité et leur polymorphisme. La mobilisa-tion rapide et sans faille de ces acteurs a permis rédaction de cet ouvrage quinous l’espérons vous apportera une information de qualité facilement utilisabledans votre pratique quotidienne.
Les auteurs remercient les Pr Schlumberger et Rougier pour leur rôle majeurdans l’organisation de cette thématique à l’institut Gustave Roussy. Les auteursremercient également les membres du Groupe français des Tumeurs Endo-crines (gte.com) qui ont participé à la rédaction de cet ouvrage et en ont assuréla qualité.
Éric Baudin et Michel Ducreux
Introduction
Les tumeurs endocrines (TE) sont définies par l’expression de protéines destructures et de produits hormonaux communs aux neurones et aux cellulesendocrines. Cette définition englobe un groupe de tumeurs dérivées de l’endo-derme, également appelées gastro-entéro-pancréatiques (GEP) ou dérivées duneuroectoderme. Ces dernières ne seront pas traitées dans cet ouvrage à l’ex-ception de quelques chapitres où il nous a semblé intéressant de couvrir cettethématique en tant que modèle applicable aux tumeurs endocrines GEP. De lamême manière, les carcinomes endocrines à petites cellules, qui sont depuistoujours pris en charge par les oncologues et les pneumologues, ne seront pasabordés dans ce livre en dehors de quelques chapitres où ils constituent unmodèle intéressant de prise en charge des carcinomes endocrines peu différen-ciés.
La prise en charge des tumeurs endocrines est souvent considérée commecomplexe par les cliniciens. Cette complexité peut s’expliquer par leur faibleincidence, par la diversité des terminologies utilisées pour les désigner, par ladiversité des sièges et les multiples aspects de leur caractérisation qui serontdétaillés dans cet ouvrage. La pluridisciplinarité et les approches locales, régio-nales, nationales en réseau sont donc indispensables.
Les TE GEP partagent des caractéristiques communes qui font leurs singu-larités, comme la variété des grades histopronostiques, la capacité de sécrétionshormonales, s’accompagnant ou non de retentissement clinique, la multiplicitédes marqueurs biologiques, l’association potentielle au sein de syndromes deprédisposition, la place prépondérante de l’imagerie scintigraphique fonction-nelle, l’hypervascularisation comme vecteur de qualité de l’imagerie conven-tionnelle. Des paramètres pronostiques communs résultant en une prise encharge thérapeutique similaire amènent également à considérer ces tumeurscomme une entité clinique unique.
La première partie de cet ouvrage fait le point sur les caractéristiquescliniques et pronostiques des tumeurs endocrines gastro-entéro-pancréatiques
(TE GEP) non à petites cellules. La seconde partie discute séparément les diffé-rentes armes thérapeutiques.
Dans ce livre, nous avons fait le choix d’une approche transversale fondéesur les caractéristiques communes transversales de ces tumeurs à l’exceptiondes tumeurs de Merkel traitées dans un chapitre autonome. Cette approchenous semble la plus simple pour aborder ce groupe de tumeurs. L’influence dechaque primitif est donc rappelée au sein de chaque chapitre.
Nous utiliserons le terme de « tumeur endocrine » ou « tumeur neuroendo-crine », pour définir des tumeurs bénignes ou malignes. Le terme de tumeurendocrine est consacré par la dernière classification de l’Organisation mondialede la santé (OMS) 2000 des tumeurs digestives, mais il n’est pas reconnu par ladernière classification OMS 2004 des tumeurs pulmonaires et thymiques quimaintient la terminologie de tumeurs neuroendocrines. Le terme « carcinoïde »se référera aux tumeurs bien différenciées. Le terme carcinome sera employépour définir les tumeurs malignes.
Nous espérons que la lecture de cet ouvrage vous apportera une meilleurecompréhension de cette pathologie et vous convaincra du caractère indispen-sable d’une approche multidisciplinaire.
XII Tumeurs endocrines thoraciques et digestives
Embryologie et anatomopathologie
Classification histologique des tumeurs endocrines .................. 3V. Hervieu et J.-Y. Scoazec
Épidémiologie
Épidémiologie des tumeurs endocrines ....................................... 21C. Lepage et J. Guigay
Bilan clinique, biologique et classifications
Tumeurs endocrines gastro-entéro-pancréatiques (TE GEP)Classifications, présentations cliniques, marqueurs biologiques ..................................................................................... 29
É. Baudin, M. Ducreux et M. d’Herbomez
Particularités du syndrome de Zollinger-Ellison ........................ 45G. Cadiot
Particularités de l’insulinome ...................................................... 53P. Chanson et P. Kamenicky
Comorbidité et particularités des complications des tumeursendocrines sécrétrices de sérotonine ............................................ 63
E. Mitry
Particularités des tumeurs endocrines avec sécrétion ectopiqued’ACTH ........................................................................................... 69
J. Young et A. Tabarin
Sommaire
XIV Tumeurs endocrines thoraciques et digestives
Imagerie
Imagerie conventionnelle des tumeurs endocrines .................... 91C. Dromain
Échoendoscopie et tumeurs endocrines ...................................... 101M. Giovannini et P. Niccoli-Sire
Imagerie isotopique des tumeurs endocrines gastro-entéro-pancréatiques ......................................................... 115
C. Corone
Syndromes de prédisposition
Syndromes de prédisposition héréditaires aux tumeursendocrines gastro-entéro-pancréatiques ..................................... 129
C. Cardot-Bauters
Facteurs pronostiques
Tumeurs endocrines gastro-entéro-pancréatiques (TE GEP) :facteurs pronostiques .................................................................... 141
É. Baudin, D. Malka, J. Guigay et M. Ducreux
Traitements
Anesthésie des tumeurs endocrines ............................................. 149V. Billard, M. Cheikh et S. Delaporte-Cerceau
Chirurgie des tumeurs endocrines (primitif et métastases) ...... 169D. Elias et D. Goéré
Prises en charge des tumeurs endocrines du duodéno-pancréas des NEM 1 ...................................................................................... 185
P. GoudetPrises en charge des tumeurs endocrines du duodéno-pancréas de la maladie de Von Hippel-Lindau ............................................ 191
P. GoudetTraitement antisécrétoire des tumeurs endocrines .................... 195
O. Corcos, D. O’Toole et P. RuszniewskiChimiothérapie des tumeurs endocrines ..................................... 215
M. Ducreux, É. Baudin et C. Lombard-BohasTraitement locorégional des métastases hépatiques de tumeursendocrines ...................................................................................... 233
T. de BaèreRadiothérapie des tumeurs endocrines ....................................... 249
S. Leboulleux et C. Le Péchoux
Radiothérapie métabolique des carcinomes endocrines bien différenciés ..................................................................................... 267
S. Leboulleux et J. LumbrosoRadiodétection peropératoire des tumeurs endocrines ............. 289
F. Giammarile et F. Borson-Chazot
Particularités des tumeurs de Merkel
Tumeur de Merkel : du diagnostic au traitement ........................ 301M.-F. Avril
Glossaire et termes synonymes ..................................................... 309
Sommaire XV
Embryologieet
anatomopathologie
Classification histologiquedes tumeurs endocrinesV. Hervieu et J.-Y. Scoazec
Les tumeurs endocrines sont des tumeurs rares, développées aux dépens desglandes endocrines (comme l’hypophyse, la thyroïde, la surrénale) ou despopulations de cellules endocrines dispersées au sein de nombreux organes(comme le tube digestif, le pancréas, les poumons…) (tableau I). Certainesd’entre elles se rencontrent même dans des organes dépourvus de populations
Localisation et type Hormones principales
Hypophyse ACTH, PRL, GH, TSH, FSH/LH
Parathyroïde Parathormone
Carcinome médullaire de la thyroïde Calcitonine
Thymus ACTH
Poumons Sérotonine, calcitonine, bombésine
Estomac Histamine, sérotonine
Duodénum Sérotonine, gastrine, somatostatine
Jéjunum et iléon Sérotonine, substance P
Appendice Sérotonine, substance P
Côlon et rectuma. Sérotonine, substance Pb. Entéroglucagon, PP/PYY
PancréasInsuline, glucagon, somatostatine, polypeptidepancréatique, VIP, gastrine, calcitonine
Paragangliomes :– tête et cou– système sympathique
Dopamine, noradrénalineSérotonine, dopamine, noradrénaline
Phéochromocytome (médullo-surrénale) Adrénaline, noradrénaline
Cortico-surrénale Hormones stéroïdes
Tableau I - Principales tumeurs endocrines et leurs produits hormonaux (selon la classification OMS,2000).
significatives de cellules endocrines normales, comme le thymus, le foie, lesvoies biliaires, le rein ou l’utérus (1).
Certaines conceptions embryologiques, aujourd’hui abandonnées, ontdéfendu l’idée que la plupart des cellules endocrines partageaient une origineembryologique commune, à partir de précurseurs migrant de la crête neuralevers les tissus périphériques où leur localisation définitive permettait, selon lescas, le développement d’organes endocrines individualisés ou de populationsrésidentes de cellules endocrines dispersées. Selon cette hypothèse, les cellulesendocrines des tissus périphériques feraient partie d’un système commun, lesystème APUD (pour Amine Precursor Uptake and Decarboxylation), ainsinommé en raison d’une des propriétés fonctionnelles partagée par denombreuses cellules endocrines ; cette origine embryologique et ces propriétésfonctionnelles communes expliqueraient les analogies observées entre lestumeurs supposées dériver de ces cellules. Les études embryologiques récentesont montré que le système APUD, au moins tel qu’il était conçu initialement,n’existe pas. Même si certaines cellules endocrines ont effectivement uneorigine neuro-ectodermique, la plupart d’entre elles naissent à partir desmêmes précurseurs que l’ensemble des autres cellules épithéliales de l’organe,ou du segment d’organe, où elles sont localisées ; c’est le cas notamment descellules endocrines du poumon et du tube digestif (incluant le pancréas) (2).
La modification des conceptions embryologiques explique en partie lesvariations, et parfois les incertitudes, concernant la nomenclature et la classifi-cation des tumeurs endocrines qui ont marqué les dernières décennies.Quelques points importants doivent être soulignés :– le terme de tumeurs « neuroendocrines », très utilisé pendant une certaine
période (3), n’est plus aujourd’hui considéré comme le plus adapté (1, 4) : ceterme soulignait explicitement le fait que les cellules endocrines tumorales ex-priment habituellement des marqueurs de type neuroendocrine et renvoyaitimplicitement au concept d’une origine neurale des cellules endocrines. Demême, le terme d’APUDome, qui faisait référence de manière encore plus ex-plicite au concept embryologique de système APUD, doit être aujourd’hui to-talement abandonné ; le terme aujourd’hui adopté par les classificationsinternationales des tumeurs digestives (1, 4) est celui de tumeurs endocrines ;
– le terme de carcinoïde a eu, et conserve encore, de nombreuses acceptions :dans son acception la plus restreinte, défendue notamment par la plus récenteclassification OMS des tumeurs endocrines (1), ce terme est réservé aux tu-meurs endocrines, digestives ou thymiques, associées à un syndrome carci-noïde clinique dû à l’hypersécrétion de sérotonine ; dans une acceptionbeaucoup plus large, qui n’est pas encore complètement abandonnée aujour-d’hui, le terme de carcinoïde est employé pour désigner des tumeurs endo-crines bien différenciées, qu’elles soient bénignes, de malignité incertaine ouauthentiquement malignes ; dans cette acception, le terme de carcinoïde resteofficiellement utilisé dans la classification des tumeurs endocrines du pou-mon (5). Par analogie, dans le tube digestif, le terme de carcinoïde reste sou-vent employé, notamment dans la littérature clinique ou radiologique, pour
4 Tumeurs endocrines thoraciques et digestives
désigner les tumeurs endocrines digestives bien différenciées, quel que soitleur produit de sécrétion et indépendamment de leur éventuelle associationà un syndrome fonctionnel (4).
Les tumeurs endocrines posent à l’anatomopathologiste plusieursproblèmes :– leur identification, habituellement facile, sauf dans certains cas particuliers
qui peuvent constituer de véritables pièges diagnostiques ;– l’identification du site de la tumeur primitive devant une lésion métastatique
révélatrice ;– l’évaluation du risque de malignité et du profil évolutif, qui représente un défi
majeur et encore très imparfaitement résolu ;– l’identification et la classification de certaines formes frontières, notamment
des tumeurs dites mixtes, endocrines et exocrines.Nous envisagerons successivement la démarche diagnostique face à une
suspicion de tumeur endocrine, les principes de la classification actuelle destumeurs endocrines et leurs principales caractéristiques en fonction de leurlocalisation.
Identifier les étapes du diagnostic histologique
Éléments du diagnostic anatomopathologique
Le diagnostic histologique de tumeur endocrine repose sur des argumentshistologiques, histochimiques et immunohistochimiques (1, 3-5).
Arguments histologiques
Plusieurs éléments sont très évocateurs :– à faible grandissement, l’architecture générale de la tumeur est habituellement
caractéristique : les tumeurs endocrines ont une architecture le plus souventlobulaire ou trabéculaire ; le stroma est d’abondance variable, mais toujourstrès vascularisé (fig. 1) ;
– à fort grandissement, les cellules tumorales ont un aspect très stéréotypé ; ellessont monomorphes ; leur taille est le plus souvent moyenne ; leur noyau, àchromatine fine, est en position centrale ; leur cytoplasme est abondant et àlimites nettes (fig. 2).
Le plus souvent, le diagnostic de tumeur endocrine est posé dès ce stade. Ilest néanmoins habituel de le confirmer par des arguments supplémentaires,histochimiques ou immunohistochimiques. Ces arguments deviennent essen-tiels dans les formes atypiques ou peu différenciées, lorsque la nature endocrinede la prolifération tumorale est difficile à établir formellement sur les seulséléments morphologiques.
Classification histologique des tumeurs endocrines 5
Arguments histochimiques
Les colorations histochimiques, utilisées pour l’identification des cellules endo-crines, normales et tumorales, sont rappelées ici essentiellement pour mémoire,car elles ont été très largement supplantées par les techniques immunohistochi-miques, plus reproductibles et d’interprétation plus facile (3-5). La colorationde Grimélius est une coloration argentique, permettant la mise en évidence del’argyrophilie, c’est-à-dire la capacité des cellules à réduire les sels d’argent enprésence d’un réducteur extérieur ; elle est positive dans la plupart des cellulesendocrines périphériques, normales et tumorales. La coloration de Fontana-Masson est une coloration permettant la mise en évidence de cellules endo-crines argentaffines, c’est-à-dire capables de réduire les sels d’agent sans apportde réducteur extérieur ; elle n’est positive que pour les cellules endocrines,normales ou tumorales, sécrétant la sérotonine.
Arguments immunohistochimiques
L’anatomopathologiste a aujourd’hui à sa disposition une large gamme demarqueurs capables d’aider à l’identification des cellules endocrines normaleset tumorales et susceptibles d’être mis en évidence dans les conditions habi-tuelles de fixation et de traitement des tissus, ce qui en facilite considérablementl’utilisation (3). Il faut distinguer entre les marqueurs spécifiques des tumeursendocrines et ceux qui ne sont pas spécifiques de ces tumeurs, mais qui aidentà l’identification de certains de leurs sous-groupes, comme celui des tumeursd’origine neuro-ectodermique : ils sont résumés dans le tableau II (1, 3).
Les marqueurs spécifiques des tumeurs endocrines peuvent être répartis enplusieurs groupes. Les marqueurs endocrines proprement dits sont associés auxgrains de sécrétion contenant les hormones endocrines. Le plus utilisé enpratique est la chromogranine A (fig. 3), marqueur très spécifique des cellulesendocrines, normales et tumorales. La sensibilité de ce marqueur est cependantparfois prise en défaut. Il est donc nécessaire d’y associer un second marqueur,
6 Tumeurs endocrines thoraciques et digestives
Fig. 1 - Aspect typique d’une tumeur carcinoïdede l’intestin grêle à faible grandissement : la pro-lifération a une architecture lobulaire et un stro-ma abondant (HES, × 150).
Fig. 2 - Détail de la prolifération tumorale dansune tumeur endocrine du pancréas ; les cellulessont de petite taille, relativement monomorphes,mais avec quelques atypies (HES, × 450).
choisi dans la gamme des marqueurs dits neuroendocrines, car ils sontcommuns aux cellules endocrines et aux neurones. Certains sont associés à lamembrane d’organites intracellulaires, les vésicules neurosécrétoires, quiressemblent aux vésicules synaptiques des neurones : le plus utilisé de cesmarqueurs est la synaptophysine (fig. 4). D’autres marqueurs neuroendocrinessont à localisation cytosolique (comme l’énolase spécifique des neurones, ouNSE, peu utilisée en pratique car peu spécifique, et la protéine PGP9.5, quimériterait une utilisation plus large, en raison de sa bonne sensibilité). Certainsenfin sont membranaires, comme Leu7 (CD57) ou la protéine N-CAM
Classification histologique des tumeurs endocrines 7
Tableau II - Caractéristiques immunohistochimiques des principaux types de tumeurs endocrines.D’après (1).
+ : constamment exprimé ; – : constamment indétectable ; ± : exprimé dans la majorité des tumeurs ;± : exprimé dans de rares tumeurs ; +* : exprimé seulement par les cellules sus-tentaculaires.
Localisation et type Marqueurs spécifiques Marqueurs non spécifiques
Chromo-granines
Synapto-physine
Cytokéra-tines
Vimentine
Antigènecarcino-
embryon-naire
ProtéineS100
Hypophyse ± + ± – – ±
Parathyroïde + + + – – –
Carcinome médullairede la thyroïde
+ + + – + ±
Thymus + + + – – –
Poumons + + + – – –
Estomac + + + – – –
Duodénum + + + – – –
Jéjunum et iléon + + + – – ±
Appendice + + + – – ±
Côlon et rectum + + + – – –
Pancréas + + + – – –
Paragangliomes :– tête et cou
– système sympathique++
++
––
+*+*
––
+*+*
Phéochromocytome(médullo-surrénale)
+ + – +* – +*
Cortico-surrénale - ± + – – –
(CD56). En pratique, la confirmation du diagnostic de tumeur endocrinerepose le plus souvent sur l’association d’au moins deux, et de préférence troismarqueurs immunohistochimiques : un marqueur endocrine, comme la chro-mogranine A, et au moins un marqueur neuroendocrine, comme la synapto-physine, Leu 7 ou PGP9.5.
Détermination du profil hormonal
Une forte proportion de tumeurs endocrines est capable de synthétiser et/ou desécréter une ou plusieurs hormones (tableau I). Plusieurs techniques sont à ladisposition de l’anatomopathologiste pour déterminer le profil hormonal d’unetumeur endocrine :– la microscopie électronique est une technique aujourd’hui historique : c’est
elle qui a permis les premières classifications morphofonctionnelles des tu-meurs endocrines (les grains de sécrétion endocrine ont des caractéristiquesultrastructurales différentes pour chaque hormone) ; son utilisation est au-jourd’hui plus que restreinte ;
– l’immunohistochimie est la plus utilisée : de nombreux anticorps dirigéscontre les principales hormones sont actuellement commercialisés ;
– l’hybridation in situ est utile dans certains cas particuliers, notamment lorsqueles cellules endocrines tumorales synthétisent des formes d’hormones indé-tectables par les anticorps conventionnels.
Plus récemment, des techniques de polymerase chain reaction (PCR) ont étéutilisées pour identifier la présence d’acide ribonucléique messager (ARNm)d’hormones peptidiques dans des extraits tissulaires.
Il faut insister sur le fait que ces diverses techniques permettent seulementde conclure à la synthèse, mais non à la sécrétion, au sens strict, d’une ouplusieurs hormones par les cellules endocrines tumorales. Il est donc essentielde corréler les données morphologiques aux données cliniques (existence d’unsyndrome d’hypersécrétion hormonale) et aux résultats des dosages hormo-naux dans le sang périphérique. Une tumeur endocrine est dite fonctionnelle
8 Tumeurs endocrines thoraciques et digestives
Fig. 3 - Expression de la chromogranine A par uncarcinome endocrine bien différencié de l’iléon(immunoperoxydase, × 260).
Fig. 4 - Expression de la synaptophysine par uncarcinome endocrine bien différencié de l’iléon(immunoperoxydase, × 260).
lorsqu’elle s’associe à un syndrome clinique d’hypersécrétion hormonale. Danstous les autres cas, y compris lorsqu’un ou plusieurs produits de sécrétionpeuvent être détectés par des techniques morphologiques, la tumeur est ditenon fonctionnelle.
La détermination du profil hormonal a plusieurs applications pratiquesdont l’application en routine est discutée :– la classification morphofonctionnelle des tumeurs endocrines : particulière-
ment importante dans certaines localisations (hypophyse), elle est utile, maisnon indispensable dans d’autres (pancréas) ;
– une aide à l’identification du site primitif devant une métastase révélatrice :ainsi, la mise en évidence d’une synthèse de sérotonine oriente-t-elle en pre-mier lieu vers une origine digestive ; cependant, le degré de spécificité de cesmarqueurs en immunohistochimie reste très mal étudié ;
– une aide pour la prise en charge du malade : les hormones identifiées peuventse révéler ultérieurement des marqueurs utiles pour la surveillance postopé-ratoire et le diagnostic des récidives.
Diagnostic différentiel
Principaux problèmes du diagnostic différentiel
Les principaux problèmes de diagnostic différentiel se posent dans plusieurssituations différentes. Nous en citerons trois exemples :– devant une tumeur bien différenciée, apparemment endocrine, savoir recon-
naître une forme rare de tumeur épithéliale : ainsi, dans le pancréas, certainestumeurs rares, comme les tumeurs pseudopapillaires et solides, voire les tu-meurs acinaires, sont souvent confondues avec des tumeurs endocrines ; c’estavant tout le profil immunohistochimique qui permet de trancher dans cescas difficiles ;
– devant une tumeur peu différenciée, ressemblant à un carcinome endocrineà petites cellules (voire à grandes cellules), savoir éliminer un autre type detumeur peu différenciée (lymphome, sarcome, tumeur neuro-ectodermiqueprimitive [PNET]) : là encore, le profil immunohistochimique est essentiel ;les carcinomes endocrines expriment constamment les marqueurs neuroen-docrines (comme la synaptophysine), habituellement l’antigène épithélialmembranaire (EMA) et la protéine p53, rarement les marqueurs endocrines(chromogranines) et n’expriment pas les marqueurs lymphoïdes (antigènepan-leucocytaire, CD45), ni le CD99, typique des PNET ; attention cepen-dant, les carcinomes endocrines à petites cellules expriment souvent le c-kit(CD117), ce qui ne doit pas les faire diagnostiquer à tort comme des sarcomesou des mélanomes atypiques ;
– devant une tumeur apparemment peu différenciée, ressemblant à un carci-nome endocrine à petites cellules, savoir reconnaître un carcinome de Merkel :le contexte clinique est souvent évocateur, la conservation de l’état général
Classification histologique des tumeurs endocrines 9
contrastant avec la présence d’une dissémination métastatique parfois révéla-trice et un aspect histologique très inquiétant ; l’expression de la cytokératine20 en grains cytoplasmiques est très caractéristique et permet d’éviter un fauxdiagnostic de carcinome à petites cellules, entraînant une prise en charge agres-sive et inadaptée.
Tumeurs mixtes, endocrines et non endocrines
C’est un problème complexe, que nous n’aborderons pas en détail. Un pointessentiel est que le diagnostic de tumeur mixte ne doit pas être porté en excès.Il doit être réservé aux tumeurs comportant un contingent morphologique-ment identifiable d’au moins 30 % (certains disent même 50 %) de cellulesendocrines tumorales associées à un contingent de cellules tumorales nonendocrines (1). En conséquence, le terme de tumeur mixte ne doit pas êtreappliqué à des tumeurs exocrines typiques comportant une population disper-sée de cellules endocrines manifestement non tumorales. Il ne doit pas être nonplus appliqué à des tumeurs peu différenciées présentant une différenciationendocrine (ou neuroendocrine) occulte, révélée uniquement par des techniquesimmunohistochimiques.
Trois principaux cas de figures sont possibles (1) :– les tumeurs composites, formées par deux contingents distincts et séparés ;– les tumeurs combinées, où les deux contingents sont distincts, mais étroite-
ment mêlés ;– les tumeurs amphicrines, où les mêmes cellules sont à la fois endocrines et
exocrines. Les localisations digestives, et notamment appendiculaires et co-liques, sont les plus fréquentes.
Évaluer le degré de malignité et prédire l’évolution :les facteurs histopronostiques
Les facteurs histopronostiques validés sont relativement peu nombreux et nedoivent pas être considérés comme des critères absolus de malignité (1, 6). Lesprincipaux sont :– la taille : les tumeurs de petite taille sont de pronostic plus favorable que les
tumeurs volumineuses ; toutefois, le seuil au-dessous duquel une tumeur atoutes les chances d’être bénigne varie en fonction de la localisation ;
– la présence de signes d’invasion locale (invasion tissulaire, engainements pé-rinerveux et invasion vasculaire) et de dissémination métastatique (ganglion-naire ou à distance) : elle signe le caractère malin de la prolifération tumorale ;
– l’index mitotique et/ou l’index de prolifération : la présence d’une forte acti-vité proliférative, évaluée par l’index mitotique ou par l’index de proliféra-tion, est associée à un risque de malignité augmenté ; ce paramètre est utiliséessentiellement pour la classification des tumeurs endocrines digestives,
10 Tumeurs endocrines thoraciques et digestives
pancréatiques et pulmonaires ; l’indexmitotique est évalué en comptant lenombre de mitoses dans plusieurschamps à fort grandissement ; l’indexde prolifération est évalué par comp-tage du nombre de cellules tumoralesexprimant la protéine nucléaire Ki67,un marqueur des cellules en cycle cel-lulaire, révélé par une technique im-munohistochimique (applicable auxtissus fixés et inclus en paraffine de-puis l’apparition de l’anticorps mo-noclonal MIB-1) (fig. 5). Il fautnéanmoins souligner l’absence destandardisation des techniques utili-sées pour la détermination de l’indexmitotique et de l’index de proliféra-tion, ce qui en limite la reproductibi-lité ;
– la nécrose est un facteur validé uniquement pour les tumeurs endocrines bron-chopulmonaires.
Le manque de sensibilité des facteurs histopronostiques actuellementvalidés incite à la recherche de nouveaux marqueurs, comme l’expression de lasous-unité β de la HCG (6) ou l’évaluation de la densité vasculaire intratumo-rale (7).
Nomenclature et classification des tumeurs endocrines
Nomenclature et terminologie
Nous avons déjà, dans l’introduction, abordé plusieurs problèmes de nomen-clature posés par les tumeurs endocrines :– Faut-il les appeler neuroendocrines ou endocrines tout court ?– Quelle est la signification du terme « carcinoïde » et quand faut-il l’employer ?
Insistons sur deux points supplémentaires :– la classification des tumeurs endocrines ne se fait pas sur le typage des cel-
lules endocrines présentes dans la prolifération tumorale ; les essais de classi-fication « morphofonctionnelle » se heurtent à deux obstacles : l’absence deprédiction de l’évolutivité et le fait que, dans la plupart des tumeurs endo-crines, plusieurs populations différentes coexistent ;
– les termes d’insulinome, glucagonome, etc. doivent être réservés à des tumeursendocrines fonctionnelles, accompagnées d’un syndrome clinique traduisantl’hypersécrétion hormonale.
Classification histologique des tumeurs endocrines 11
Fig. 5 - Expression de Ki67 (détection par l’anti-corps monoclonal MIB-1, applicable sur descoupes de tissu fixé et inclus en paraffine) dansles noyaux de quelques rares cellules tumorales(immunoperoxydase, × 320).
Classifications OMS des tumeurs endocrines
L’OMS a proposé récemment des classifications pour :– les tumeurs endocrines pulmonaires (1999) : cette classification s’intègre dans
le cadre plus général de la classification des tumeurs pulmonaires (5) ;– la classification des tumeurs endocrines survenant dans les sites suivants : hy-
pophyse, parathyroïdes, surrénales, tube digestif et pancréas (2000) (1) ; celledes tumeurs endocrines digestives a été réactualisée partiellement dans le cadreplus général de la nouvelle classification des tumeurs de l’appareil digestif (4).
De plus, les problèmes posés par les tumeurs endocrines, rares ou exception-nelles, survenant dans d’autres localisations anatomiques sont abordés dans lesclassifications dédiées à chacun de ces organes.
Les deux classifications récentes des tumeurs endocrines respectivementpulmonaires et digestives visent un objectif identique : offrir une classificationhistopronostique permettant l’adaptation de la prise en charge thérapeutique etde la surveillance. Elles reposent sur des principes comparables : distinguerplusieurs groupes de tumeurs endocrines d’évolutivité différente à l’aide decritères histopronostiques simples et reproductibles. Cependant, la terminolo-gie utilisée et les critères proposés varient selon la localisation (tableau III).
La classification OMS des tumeurs endocrines digestives (2000) distinguetrois groupes principaux (1) :– les tumeurs endocrines bien différenciées, incluant des tumeurs d’évolution
bénigne et des tumeurs de comportement incertain lors du diagnostic initial(qui peuvent se révéler, a posteriori, bénignes ou malignes de faible grade) : àtitre d’exemple, les critères de diagnostic de ces deux sous-groupes dans letube digestif sont indiqués dans le tableau IV ;
– les carcinomes endocrines bien différenciés, tumeurs malignes de bas grade :les signes retenus comme témoignant de la malignité sont :
- la taille (> 1 cm dans l’estomac et l’intestin grêle, > 2 cm dans le pancréas,l’appendice, le côlon et le rectum) ;
- l’extension locale (la présence d’une invasion au-delà de la sous-muqueuseest considérée comme un signe de malignité, sauf cas particulier) ;
- la présence de métastases ;– les carcinomes endocrines peu différenciés, tumeurs malignes de haut grade,
formées de cellules basophiles de taille petite ou moyenne, très invasives, avecdissémination métastatique ; dans le tube digestif, ces tumeurs se rencontrentessentiellement dans l’œsophage, l’estomac et le pancréas ; elles sont excep-tionnelles dans l’intestin grêle.
L’application de cette classification est parfois complexe ; un algorithme estproposé pour la faciliter (fig. 6).
Des propositions de classification TNM et de grade histologique ont étérécemment formulées par un groupe européen mais elles doivent être validéescliniquement avant que leur utilisation ne soit recommandée (8).
La classification OMS des tumeurs endocrines pulmonaires (1999) recon-naît quatre groupes de tumeurs (5) :
12 Tumeurs endocrines thoraciques et digestives
Classification histologique des tumeurs endocrines 13
– les carcinoïdes typiques, homologues des tumeurs endocrines bien différen-ciées du tube digestif ;
– les carcinoïdes atypiques, homologues des carcinomes endocrines bien diffé-renciés du tube digestif ;
– les carcinomes endocrines à grandes cellules (peu différenciés), non indivi-dualisés dans la classification des tumeurs endocrines du tube digestif ;
– les carcinomes endocrines à petites cellules, homologues des carcinomes en-docrines peu différenciés du tube digestif.
Dans le poumon, contrairement au tube digestif, les caractères cytologiquesdes cellules tumorales ont une importance pour la classification : (a) dans lescarcinoïdes typiques, les cellules sont monomorphes, sans atypies, (b) dans lescarcinoïdes atypiques, les atypies cellulaires sont plus fréquentes, (c) dans lescarcinomes à grandes cellules, les cellules tumorales sont de grande taille ou detaille intermédiaire, avec des atypies fréquentes et de possibles foyers denécrose, (d) dans les carcinomes à petites cellules, les cellules tumorales sontpetites, à cytoplasme basophile et leur noyau présente une chromatine fine etnucléolée.
Le second critère important est l’index mitotique et la présence éventuellede nécrose (tableau III).
Principales caractéristiques des tumeurs endocrinesen fonction de leur localisation
Les principales localisations des tumeurs endocrines sont rappelées dans letableau I. Nous décrirons brièvement leurs caractéristiques morphologiques etles bases de leur classification.
Les tumeurs endocrines de l’hypophyse sont rares et presque constammentbénignes (adénomes hypophysaires). Le terme de carcinome est réservé aux trèsrares tumeurs associées à des métastases ou à une invasion cérébrale. Le termed’adénome atypique est proposé pour désigner des tumeurs présentant dessignes d’agressivité locale. Les tumeurs hypophysaires sont souvent associées àdes syndromes fonctionnels dus à une hypersécrétion hormonale (tableau I).La caractérisation immunohistochimique du profil hormonal, souventcomplexe, est indispensable à la classification morphofonctionnelle précise deces lésions.
Les tumeurs parathyroïdiennes sont également le plus souvent bénignes. Lesadénomes sont des tumeurs composées en proportion variable de cellules prin-cipales et de cellules oncocytaires. D’autres types cellulaires, comme les cellulesdites claires, sont parfois présents. Les adénomes parathyroïdiens sont habituel-lement fonctionnels et sont responsables de près de 85 % des cas d’hyperpara-thyroïdismes primaires. Les carcinomes sont exceptionnels. Les authentiquesadénomes parathyroïdiens doivent être distingués des hyperplasies réaction-nelles, observées dans les cas d’hyperparathyroïdismes secondaires.
14 Tumeurs endocrines thoraciques et digestives
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Classification histologique des tumeurs endocrines 15
Tableau IV - Critères de diagnostic des tumeurs endocrines digestives bien différenciées (OMS, 2000).
Site Taille (cm) Invasion vasculaire Syndrome fonctionnel
Tumeursbénignes
Tumeurs decomportement
incertain
Tumeursbénignes
Tumeurs decomportement
incertain
Tumeursbénignes
Tumeurs decomportement
incertain
Estomac ≤ 1 cm > 1 cm – +–
(saufinsulinomes)
+
DuodénumJéjunum proximal
≤ 1 cm > 1 cm – + – +
Jéjunum distal Iléon
≤ 1 cm > 1 cm – + – –
Appendice ≤ 2 cm > 2 cm – + – –
CôlonRectum
≤ 2 cm > 2 cm – + – –
Pancréas ≤ 2 cm >2 cm – + – –
Aspect cytologique
Peu différencié Bien différencié
Métastases connues ?
Extension locale ?
Taille ?
Carcinome endocrine
peu différencié
Carcinome endocrine
bien différencié
Oui
Oui
Oui
Oui
Non
Non
Non
TEBD
bénigne
TEBD
d'évolution incertaine
< Valeur seuil
> Valeur seuil
Index mitotique > 2/10 HPF
Index de prolifération > 2 %
Tumeur endocrine bien différenciée (TEBD)
Pas d'angio-invasion
Pas d'engainements périnerveux
Pas de syndrome fonctionnel
Non à au moins
un paramètre
Fig. 6 - Algorithme pour l’utilisation de la classification OMS des tumeurs endocrines digestives (2000).
Nous n’envisagerons pas ici en détail les tumeurs thyroïdiennes, les plusfréquentes des tumeurs endocrines, qui posent des problèmes spécifiquesdépassant largement le cadre de cette mise au point. Seuls les carcinomesmédullaires, producteurs de calcitonine, ont les mêmes caractéristiques histo-logiques que les autres tumeurs endocrines productrices d’hormones pepti-diques.
Les tumeurs endocrines du thymus sont très rares. Leur classification estcalquée sur celle des tumeurs endocrines du poumon. La valeur pronostique decette classification appliquée aux lésions thymiques reste cependant à démon-trer (9).
Les tumeurs endocrines du poumon font l’objet d’une classificationmorphologique spécifique de l’Organisation mondiale de la santé (OMS),reconnaissant quatre types principaux (9) :– les carcinoïdes typiques ;– les carcinoïdes atypiques (ou carcinomes endocrines bien différenciés) ;– les carcinomes endocrines à grandes cellules (ou intermédiaires) ;– les carcinomes endocrines à petites cellules (comportant plusieurs variants
cytologiques).Des classifications alternatives en grades tumoraux (de 1 à 3) ont été égale-
ment proposées (10). Beaucoup de tumeurs endocrines pulmonaires sécrètentdes hormones ectopiques, parfois responsables de syndromes fonctionnels,comme des hormones hypothalamiques (hormone antidiurétique [ADH],ocytocine, corticotropin releasing hormone [CRH], thyroid stimulatinghormone [TRH], growth hormone-releasing hormone [GH-RH]), hypophysaires(adrenocorticotrophic hormone [ACTH], prolactine [PRL], growth hormone[GH], follicle stimulating hormone/luteinizing hormone [FSH/LH]) ou entéro-pancréatiques (insuline, somatostatine).
Les tumeurs endocrines digestives sont les plus fréquentes des tumeursendocrines, après celles de la thyroïde (4, 11). Les tumeurs endocrines de l’es-tomac sont essentiellement des tumeurs à cellules ECL ; elles comportent troisformes cliniques principales :– le type I, associé à une gastrite chronique atrophique ;– le type II, associé à une gastropathie hypertrophique avec hypergastrinémie ;
les types I et II sont caractérisés par la présence de lésions souvent multipleset de petite taille ;
– le type III, sporadique, se présentant comme une masse souvent unique par-fois peu différenciée (4).
Les tumeurs de l’intestin grêle se présentent habituellement comme depetites masses polypoïdes de la paroi digestive, souvent multiples. Les plusfréquentes sont les tumeurs à cellules entérochromaffines, sécrétant la séroto-nine : ce sont les carcinoïdes au sens strict du terme (4). Leur aspect histolo-gique est habituellement très caractéristique : architecture lobulaire, cellulesmonomorphes bien différenciées, stroma fibreux abondant. Ces tumeurs sontplus fréquentes dans le jéjunum distal et l’iléon. Des formes plus rares existent,notamment dans l’intestin proximal (duodénum et jéjunum proximal) : gastri-
16 Tumeurs endocrines thoraciques et digestives
nomes, somatostatinomes, paragangliome gangliocytique (4). Les tumeurs del’appendice sont fréquentes, mais souvent peu agressives. Outre les formes clas-siques (notamment de type carcinoïde), il existe une incidence importante detumeurs mixtes, exocrines et endocrines, classiquement connues sous le termed’adénocarcinoïdes, dont il existe plusieurs formes histologiques (4). Lestumeurs du côlon et du rectum sont fonctionnellement hétérogènes (tumeursà cellules entérochromaffines et tumeurs à cellules L, sécrétant notamment l’en-téroglucagon), mais ont en commun la particularité d’exprimer la phosphataseacide prostatique (4).
Les tumeurs du pancréas forment un groupe très hétérogène (4). Leur archi-tecture et les caractères morphologiques des cellules tumorales sont variables.Les tumeurs fonctionnelles incluent une large gamme de lésions, comme lesinsulinomes, les glucagonomes et les vipomes ; des tumeurs à sécrétion ecto-pique (gastrine, calcitonine, etc.) sont également rencontrées. Les tumeurs nonfonctionnelles sont les plus fréquentes.
Les paragangliomes forment un groupe relativement homogène de tumeursendocrines bien distinctes par leurs caractéristiques morphologiques et fonc-tionnelles. Ils sont définis par une prolifération de cellules endocrines produc-trices d’amines (dopamine, adrénaline et/ou noradrénaline) associées à unepopulation très spécifique, celle des cellules sus-tentaculaires, exprimant laprotéine S100. Deux principaux groupes de paragangliomes peuvent êtredistingués :– les tumeurs de la médullosurrénale ou phéochromocytomes, souvent associés
à un syndrome d’hypertension artérielle ;– les tumeurs du système parasympathique, préférentiellement localisées de part
et d’autre de l’axe vertébral (depuis la base du crâne jusqu’à la vessie).La prédiction du risque de malignité est particulièrement difficile (1).
Formes familiales des tumeurs endocrines
Plusieurs syndromes génétiques prédisposant à la survenue de tumeurs endo-crines GEP sont connus (12) :– le syndrome de néoplasie endocrinienne multiple de type 1 (NEM 1) : tu-
meurs endocrines hypophysaires, parathyroïdiennes, bronchiques, thymiques,gastriques, duodénales, pancréatiques, corticosurrénaliennes ;
– la neurofibromatose de type 1 : somatostatinomes duodénaux ;– le syndrome de von Hippel-Lindau (VHL) : tumeurs endocrines pancréatiques
et phéochromocytomes ;– la sclérose tubéreuse de Bourneville : tumeurs pancréatiques.
Il n’existe pas d’aspect morphologique spécifique prédisant l’existence d’unde ces syndromes. Le contexte est cependant souvent évocateur : lésions d’hy-perplasie insulaire du pancréas dans la NEM 1, lésions pancréatiques ou diges-tives associées dans la neurofibromatose de type 1 et le syndrome VHL.
Classification histologique des tumeurs endocrines 17