Trame verte et bleue et infrastructures en Franche-Comté
Réflexions autour d’un diagnostic régional concerté
ROGEON Géraldine
Master 2 mention Évolution, Patrimoine Naturel et Sociétés Spécialité Systématique,
Évolution et Paléontologie, parcours Expertise faune flore, inventaires et indicateurs de
biodiversité.
Promotion 2008-2009
Encadrement : DIREN de Franche-Comté, Arnaud PIEL
Remerciements
Je m'excuse par avance de la taille de cette partie mais il y a de nombreuses personnes sans qui l'élaboration
de ce projet n'aurait été possible.
Ainsi je souhaite avant tout remercier Arnaud Piel pour son incroyable énergie positive, son soutien et pour
toute l'expérience qu'il a bien voulu partager avec moi. Merci également à toute l'équipe de la DIREN de
Franche-Comté pour la chaleur de son accueil et l'incroyable disponibilité de chacun. Merci tout
particulièrement à Patrick Seac'h directeur par intérim de la DIREN et à Gautier Grienche chef de service
attentif du Développement Durable, de l'Evaluation Environnementale et des Paysages (S.D.D.E.P.).
Je tiens bien sûr à remercier l'ensemble des acteurs du groupe de travail « infrastructures et trame verte et
bleue » et à saluer leur mobilisation qui nous a permis d'envisager la gestion du territoire autrement. Merci
donc : aux Fédérations des Chasseurs de Franche-Comté, à la L.P.O., au centre ATHENAS, au CPEPESC, à
l’OPIE , au conservatoire botanique et au CREN de Franche-Comté, aux agents des services environnement
de A.P.R.R., R.F.F., V.N.F., R.T.E. et E.R.D.F., aux agents du service environnement et à ceux du service
des routes des Conseils généraux et des D.D.E.A. du Doubs, de la Haute-Saône et du Jura, au Conseil
régional de Franche-Comté, de la DIRE Est, de la DRIRE et aux agents de l'O.N.C.F.S. et de la SNCF.
En espérant qu'ils continuent dans la voie du développement durable...Merci de m'avoir fait confiance.
Ce travail n'aurait pu se faire sans le soutien de personnalités qui ne sont pas directement impliquées dans ce
projet mais qui par leurs précieux conseils et leur disponibilité m'ont permis d'avancer. Je pense ici à Mr
Trouvilliez J., Mr Baguette M., Mme Richard D. et Mr Siblet J.P. du MNHN, à Mme Dulac E. de l'Ifore, à
Mr Foltete J.C. de l’Université de Franche-Comté et à Mr Moratin R. de Alsace Nature.
Mais aussi à des organismes ayant bien voulu contribuer gracieusement à la réflexion en mettant à
disposition les données produites par leur structures ou en acceptant de se pencher sur la problématique,
merci donc au P.N.R. du Haut-Jura, à Mme Vanpeene S. du Cemagref et au Conseil général de l'Isère.
Merci aussi, bien sûr à mes amis et ma famille, soutien indispensable à tout étudiant en examen, rédaction
ou remise en question constante de son travail, moment bien connu rendant l'étudiant associable et
lunatique…
Un petit mot pour finir à mes collocs de la « loge » de la DIREN qui ont bien voulu partager ce bureau
pendant quelques mois, conférant un peu de chaleur à ce petit local.
3
Table des matières Introduction..................................................................................................................................1
1 / Contexte de l'étude........................................................................................................................3
1.1 / Site d'étude...............................................................................................................................3 1.2 / Initiatives de la DIREN Franche-Comté..................................................................................3 1.3 / Attentes du groupe de travail ...................................................................................................5
2 / Etat des connaissances et objectifs de l’étude.............................................................................5
2.1 / Impact des infrastructures de transport sur les déplacements terrestres ..................................5 2.1.1 Considérations générales....................................................................................................5 2.1.2 Les particularités des infrastructures étudiées ...................................................................7
2.2 / Objectifs détaillés et champ d'étude.........................................................................................9
3 / Elaboration d'une méthodologie d’évaluation de la perméabilité potentielle des infrastructures à la faune sauvage..................................................................................................11
3.1 / Potentiel fragmentant intrinsèque aux infrastructures linéaires étudiées...............................11 3.1.1 Le réseau routier...............................................................................................................11 3.1.2 Le réseau de voies ferrées.................................................................................................12 3.1.3 Les canaux.........................................................................................................................13 3.1.4 Les réseaux des lignes électriques ....................................................................................13
3.2 / Les points de perméabilité .....................................................................................................13 3.3 / Les points de conflits .............................................................................................................14
4 / Diagnostic de perméabilité potentielle des infrastructures linéaires à la faune sauvage appliqué à la Franche-Comté..........................................................................................................15
4.1 / Potentiel fragmentant intrinsèque aux infrastructures linéaires étudiées...............................15 4.1.1 Le réseau routier...............................................................................................................15 4.1.2 Le réseau de voies ferrées.................................................................................................17 4.1.3 Les canaux.........................................................................................................................20 4.1.4 Le réseau des lignes électriques........................................................................................20
4.2 / Les points de perméabilité .....................................................................................................21 4.3 / Les points de conflits .............................................................................................................23 4.4 / Valorisation des diagnostics ..................................................................................................23
5 / Le groupe de travail : ses ambitions et actions futures ...........................................................25
5.1 / Une dynamique à soutenir, à entretenir et à développer........................................................25 5.2 / Des questions ou des idées à approfondir .............................................................................25
5.2.1 Mobiliser le Grand public.................................................................................................26 5.2.2 Vérifier l'utilisation potentielle d'ouvrages d'art par la faune .........................................26 5.2.3 La formation des cadres et agents techniques en charge de la maintenance des infrastructures linéaires et de la gestion des espaces verts. ......................................................27
5.3 / Vers un programme FEDER..................................................................................................27
Conclusion.........................................................................................................................................29
Références bibliographiques ...........................................................................................................30
Annexes
Tables des figures et des tableaux
Figures
Figure 1 : Localisation du territoire d'étude: la région Franche-Comté au sein des régions biogéographiques
européennes. Caractérisation des principales entités paysagères de Franche-Comté
Figure 2 : Représentation schématique de l'état de fragmentation de la Franche-Comté. (Lethuillier, 2007)
Figure 5 : Localisation et caractérisation des voies ferrées de Franche-Comté. Localisation des collisions
observées par les agents S.N.C.F. entre 2004 et 2008
Figure 6 : Représentation graphique de la vitesse maximale autorisée par ligne de voie ferrée en Franche-
Comté.
Tableaux
Tableau 1 : Calcul des valeurs des coefficients affectés aux tronçons routiers (Alsace Nature, 2008)
Tableau 2 : Classes des valeurs des tronçons du réseau routier fragmentant (Alsace Nature, 2008)
Tableau 3 : Valeur de l'indice affecté au tronçon d'un canal en fonction de la nature des berges et
représentation graphique associée.
Tableau 4 : Synthèse des résultats obtenus suite à l'application de l'indice de fragmentation pour le réseau
routier de Haute-Saône.
Tableau 5 : Synthèse des résultats obtenus suite à l'application de l'indice de fragmentation pour le réseau
routier du Jura.
1
Introduction
La crise...de la Biodiversité
Les évaluations actuelles font état d'une grande érosion de la biodiversité (Teyssedre, 2004.). Cette
disparition en masse de la biodiversité est qualifiée de sixième crise d'extinction mondiale (Leakey et Lewin,
1996). Cette dernière a comme particularité d'être indiscutablement le fait de l’Homme et d'arriver à une
vitesse très supérieure à celle des extinctions naturelles (Smith et al., 1993 ; Harrison et Pearce, 2000). Les
changements d’utilisation des sols sont considérés comme la première cause de cette érosion (Vitousek,
1992 ; Vitousek, 1994). Ils se traduisent le plus souvent par une perte et une fragmentation de l’habitat
originel (Saunders et al., 1991 ; Fahrig, 2003).
Une menace majeure
La fragmentation des habitats naturels est aujourd’hui reconnue comme une menace majeure pour la
biodiversité par la Convention sur la Diversité Biologique de Rio de Janeiro (1992). De nombreuses
recherches s'appuient sur la théorie de la biogéographie des îles (Wilson et Mac Arthur, 1967) et utilisent le
modèle « métapopulation » de Levins (1969) pour évaluer les conséquences de la fragmentation de l'habitat
et envisager l'avenir des populations. A long terme, il semble insuffisant de maintenir la biodiversité dans des
milieux naturels certes protégés, mais isolés les uns des autres (Bennett, 2002). En effet, la connexion des
habitats joue un rôle très important pour la viabilité des espèces (Hargrove et al, 2004)
Des corridors
La notion de corridors est évoquée en 1981 par Forman et Gordon pour résoudre en partie le débat sur les
questions de taille et de forme des réserves optimales à la conservation de la Biodiversité (« Single Large or
Several Small debate »). Les corridors ou plutôt les connexions biologiques1 (Clergeau et Désiré, 1999),
permettraient de faire le consensus entre les approches alors débattues en proposant la création d'un réseau
d'aires protégées. La mise en place de ce réseau de protection dynamique devra permettre de palier en partie
à la fragmentation des milieux et au réchauffement climatique, en augmentant le potentiel adaptatif et en
facilitant les migrations de la Faune et de la Flore (Vanpeene et Bielsa, soumis à consultation).
1 Connexions biologiques : Notion permettant de s'intéresser à tout un ensemble de corridors ou de structures susceptibles d'être utilisés par toutes sortes d’animaux.
2
Nombre de conventions internationales (Convention sur la Diversité Biologique de Rio (1992), Directive
Habitats (1992), stratégie paneuropéenne de la diversité biologique et paysagère (1995)...), marquent une
prise de conscience des politiques et de l’opinion publique, des conséquences écologiques des activités
humaines. La préservation de la biodiversité devient donc un enjeu éthique, économique, social et politique
(Blondel, 2002).
La France, quant à elle, s'est engagée en faveur de la Biodiversité en renforçant sa politique de mise en
œuvre des réseaux écologiques à l'échelle de son territoire via la Stratégie Nationale pour la Biodiversité
(2004) et le Grenelle de l'environnement (2007). Ainsi l'engagement n°73 du Grenelle de l'environnement
vise à déterminer une trame verte et bleue maillant l'ensemble du territoire avec des déclinaisons régionales
d'ici 2012 (Site Internet du Grenelle de l'environnement).
L'impact des infrastructures sur les connexions biologiques
Les infrastructures linéaires2 s'imposent comme l'un des obstacles majeurs à la constitution d'une trame verte
et bleue. Parmi les 16 grands choix stratégiques de la politique « trame verte et bleue » du Grenelle de
l'environnement, les points 11 à 13 concernent les infrastructures linéaires. Le point 11 reconnaît le rôle des
infrastructures linéaires existantes dans la fragmentation des paysages et l’isolement des populations
(Vanpeene et Bielsa, soumis à consultation). La superposition des infrastructures de transport à des territoires
à la perméabilité de plus en plus faible est loin d’être négligeable (Institut Français de l'Environnement,
2006). Ainsi, certaines grandes infrastructures linéaires engendrent des coupures majeures dans les
écosystèmes, d’autres superposent leurs effets à des matrices paysagères simplifiées ou à des écosystèmes
déjà dégradés. S’y conjugue une altération de l’ensemble des flux d’espèces terrestres, handicapés par des
réseaux secondaires et notamment routiers, toujours plus denses (Alsace Nature, 2008).
Problématique de l'étude
Cette étude tente d'établir une proposition d'évaluation de l'impact des infrastructures de transport existantes
sur les flux écologiques, en vue d'identifier les modalités du maintien/et ou du rétablissement des connexions
naturelles. Le diagnostic régional proposé devrait permettre de légitimer et d'appuyer des projets concertés
par un groupe d'acteurs engagés et conscients de leur responsabilité.
2 On entend par infrastructures linéaires l'ensemble des ouvrages et des aménagements constituant les réseaux de
communication et de distribution(routes, voies ferrées, canaux, réseaux électriques...)
3
1 / Contexte de l'étude
1.1 / Site d'étude
La Franche-Comté est une région française qui regroupe quatre départements : le Doubs (25), le Jura (39), la
Haute-Saône (70) et le Territoire de Belfort (90) (figure 1).
Figure 1: Localisation du territoire d'étude: la région Franche-Comté au sein des régions biogéographiques européennes. Caractérisation des principales entités paysagères de Franche-Comté.
Avec une surface de 16 202 kilomètres carrés, la Franche-Comté représente près de trois pour cent du
territoire français. Proportionnellement à sa population, c'est la première région industrielle de France, six
emplois sur 10 sont dans le tertiaire. C'est une région qui reste cependant principalement occupée par
l'agriculture et la forêt. Cette dernière occupe à elle seule 42 pour cent du territoire.
Espace intermédiaire entre le monde rhénan au nord et la liaison rhodanienne au sud, mais également espace
d’articulation entre les massifs des Vosges et les massifs jurassiens et alpins, la Franche-Comté pourrait
avoir un rôle pivot dans la préservation et le développement de la diversité biologique à l’échelle européenne
(figure 1) (Site Internet de la DIREN Franche-Comté).
1.2 / Initiatives de la DIREN Franche-Comté
Depuis quelques années, la DIREN de Franche-Comté œuvre à la définition du réseau écologique régional.
C’est dans ce contexte qu'elle lance une étude sur la fragmentation du paysage dans la région en 2007. Cette
© EEA, Copenhagen (2008), modifié par G.Rogeon (2009) © IGN (2003), BD carthage, labo THEMA (2000) et DIREN de Franche-Comté (2005) modifié par G.Rogeon (2009)
4
étude montre que la Franche-Comté est une région globalement préservée de la fragmentation. Elle n’est
cependant pas complètement épargnée puisqu'on distingue clairement une « diagonale de fragmentation »
due aux grandes infrastructures qui traversent la région (routes nationales, voies ferrées) (figure 2).
Figure 2: Représentation schématique de l'état de fragmentation de la Franche-Comté. (Lethuillier, 2007)
Les déplacements Sud-Nord de la faune semblent être compromis entre le jura et le reste de la région mais le
rôle des vallées alluviales en tant qu’espaces privilégiés des déplacements de la faune n’est pas remis en
question (Lethuillier, 2007). Parallèlement, Coulette S., stagiaire à la DIREN en 2007, propose une
cartographie des réseaux écologiques pour la Franche-Comté. Elle est basée sur des cartes de « coût
déplacement » pour des groupes faunistiques terrestres inféodés aux continuums forestier, agricole extensif
et paludéen. Si celles-ci se doivent d'être complétées par des études de terrain, un ajout de continuums
supplémentaires et des croisements d'informations, elles constituent déjà une base de travail intéressante. En
2008, afin de compléter ses connaissances sur sa trame verte et bleue, la DIREN Franche-Comté lance une
étude de recensement des passages à faune et des points noirs de la région (Loisy, 2008). Cette initiative n'a
pas connu le succès escompté en terme de diagnostic mais a cependant abouti à la création du groupe de
travail régional « infrastructures et trame verte et bleue » (annexe 1). Ce groupe de travail a été constitué
dans l'objectif de réaliser rapidement des actions visant à « l'effacement » des points de conflits entre la
trame verte et « trame grise »3.
3 « La trame grise » représente, par opposition à la trame verte, le réseau d'infrastructures.
5
1.3 / Attentes du groupe de travail
Cette étude, en réponse à l’attente du groupe de travail « infrastructures et trame verte et bleue » tente de
créer une représentation dynamique des zones de conflits observées ou attendues. Cette représentation a pour
objet de simplifier la complexité des relations entre la faune sauvage terrestre et le réseau d'infrastructures
linéaires. Comme toute modélisation, de par sa simplification, elle sera non exhaustive et seulement
qualitative. Cette représentation du diagnostic régional doit permettre :
− d'apporter une lisibilité de la perméabilité du réseau ;
− d'orienter les priorités d'actions et d'aménagement du territoire menant soit à la résorption des points
de conflit, soit au maintien des continuités écologiques ;
− et de préciser et/ou documenter la fonctionnalité de connexions supposées dans le cadre de
l’élaboration du schéma de cohérence régionale de la trame verte et bleue.
Au vue des compétences des acteurs mobilisés, les acteurs du groupe de travail ont souhaité restreindre
l'étude aux déplacements terrestres, en ciblant plus particulièrement les infrastructures de transport (réseaux
routiers et ferrés, le réseau de canaux) et ceux de transport d'énergie. Les coupures naturelles ou surfaciques
(zones commerciales, zones agricoles intensives etc...) ne sont pas traitées ici.
2 / Etat des connaissances et objectifs de l’étude
Les infrastructures linéaires définies d’intérêt pour cette étude étant préalablement identifiées, un premier
travail bibliographique recensant les impacts et enjeux de ces infrastructures et les retours d’expériences dans
leur évaluation et traitement a été entrepris. Il permet d’observer l’état des connaissances et le champ des
possibles des analyses à mener.
2.1 / Impact des infrastructures de transport sur les déplacements terrestres
2.1.1 Considérations générales
Les infrastructures de transport affectent les écosystèmes terrestres et aquatiques de diverses manières :
destruction, dégradation, pollution, dérangement…(Forman et alexander, 1998).
Les effets des infrastructures peuvent être, selon Vanpeene Bruhier et Dalban Canassy (2006) d’ordre direct,
indirect, induit ou positif. Du fait de la combinaison de ces effets à différentes échelles, les infrastructures de
6
transport ont un impact sur les habitats et la faune sauvage qui est disproportionné par rapport à la surface
occupée par la voirie (Jackson, 2000).
Les effets directs traduisent les conséquences immédiates d'un tracé, dans l'espace et dans le temps.
Ainsi, de manière non exhaustive :
-la perte et la dégradation de la qualité des habitats dues, entre autres, à l'infrastructure et à son activité et
aux pollutions chroniques ou ponctuelles ;
-l'introduction dans les écosystèmes d'espèces dites invasives (Vanpeene Bruhier et Dalban Canassy, 2006) ;
-la mortalité par écrasement. En valeur absolue, la mortalité représente une source importante de
prélèvement de la faune en termes d'espèces, de biomasse ou d'individus (Sétra, 2005). Pour un certain
nombre d'espèces, elle peut s'additionner à d'autres facteurs et conduire à l'extinction de la population (e.g.
Vanpeene Bruhier et Dalban Canassy, 2006). Toutefois l'impact de la mortalité par collisions sur les
populations est souvent sur-estimé (Forman et Alexander, 1998).
Il est raisonnable de considérer que s’il y a collision de manière répétée et localisée, c’est qu’il doit
exister à cet endroit une connexion biologique, conflictuelle mais encore un tant soit peu fonctionnelle. Les
recherches sur la mortalité des grands mammifères due à la route ont démontré que ces accidents ne se
produisent pas au hasard mais sont regroupés géographiquement (e.g. Hubbard et al., 2000 ; Clevenger et al.,
2001 ; Joyce et Mahoney, 2001). Il serait cependant réducteur de considérer que compter les cadavres
d’animaux percutés pourrait permettre de comprendre la relation entre les routes et la faune (Clevenger et al.,
2003). De nombreux facteurs, tel que le type d'occupation du sol, doivent également être pris en
considération. Néanmoins, la mortalité par collision de la faune par des véhicules est l'effet le plus visible de
la circulation sur la faune sauvage (Clevenger et al., 2001). Par conséquent il est l’un des indicateurs souvent
étudiés.
Les effets indirects sont dus à la fragmentation et à la dégradation des écosystèmes. Ainsi, de
manière non exhaustive:
-Avec la perte d'habitat, l'effet barrière4 est le facteur le plus impactant des infrastructures sur la
biodiversité. L’effet barrière a tendance à créer des métapopulations et à bloquer les processus de
4 L’effet barrière peut être défini comme la probabilité qu’un organisme, arrivé au bord d’un élément du paysage
(route, haie, rivière...) ne le traverse pas. (Site internet de la DIREN Bretagne)
7
recolonisation (Andrews, 1990). Il a de graves conséquences sur la génétique des populations, surtout si la
population est petite. (Forman et Alexander, 1998)
- Le dérangement notamment dû au bruit, aux vibrations, à la lumière, provoque, entre autres un grave
phénomène d'évitement des abords des routes. (Forman et Alexander, 1998 ; Reijn et al., 1995)
- Les routes sont sources de pollution et de modification des paramètres biotiques et abiotiques. Elles
affectent de manière drastique la biodiversité et favorisent les espèces ubiquistes et opportunistes ou encore
invasives (comme par exemple l'Ambrosia artemisiifolia).
Les effets induits par l'ouvrage sont liés aux changements d'usage du sol postérieurs à la construction
et à la mise en service de l'infrastructure. (Vanpeene Bruhier et Dalban Canassy, 2006).
Il est cependant important de souligner que malgré le constat précédent de nombreux effets négatifs
des infrastructures linéaires sur la faune et plus largement les écosystèmes, il peut y avoir par l'effort de
compensations et d'accompagnements des effets positifs. La création de dépendances routières constitue par
exemple des zones de transition entre les habitats des paysages traversés et peut jouer un rôle de refuge pour
la faune et la flore. Les zones d'emprunts de matériaux secs peuvent fournir des habitats de qualité pour
certaines espèces patrimoniales (batraciens, reptiles…) et enfin les bords de routes sont souvent colonisés en
tant que nouvel habitat. (e.g. Vanpeene Bruhier et Dalban Canassy, 2006)
2.1.2 Les particularités des infrastructures étudiées
Les impacts provoqués par le réseau routier sont plus importants que ceux générés par les autres types
d'infrastructures (Alsace Nature, 2008). Ceux-ci cumulent une mortalité importante, avec un fort potentiel
fragmentant et sont sources de nombreuses pollutions (Vanpeene Bruhier et Dalban Canassy, 2006). Les
infrastructures routières ont un impact sur les flux d'espèces qui fluctue suivant leurs caractéristiques
intrinsèques (largeur, fréquentation, aménagements...).
Le réseau ferré provoque les mêmes effets généraux que pour la route : effet « barrière », de mortalité, de
substitution, de fragmentation et de dégradation de l’habitat. Cependant si plusieurs études ont été menées
sur les conflits route/faune et flore ces dernières années, très peu ont été réalisées sur les conflits train/faune
([Sn], 2002). L’impact des transports ferroviaires sur le morcellement des habitats mérite également d’être
8
approfondi, il existe un risque potentiel de conflit engendré par les trains. D’une manière générale, la
problématique est donc faiblement documentée (Vanpeene Bruhier et Dalban Canassy, 2006).
On sait cependant que, par rapport aux routes, les voies ferrées présentent des différences notables. La
plupart forme une barrière plus perméable en terme d'écologie du paysage. Leur emprise est moins large, la
bande de déroulement est réduite aux rails, la fréquence de passage des véhicules y est nettement moindre et
l'effet barrière thermique démontré dans le cas des routes notamment pour les insectes est probablement
moins net pour les voies ferrées (Sétra, 2000). Cependant, en ce qui concerne les Lignes à Grande Vitesse
(L.G.V.) le problème est différent. La présence de clôtures systématiques les rend imperméables à la grande
faune et les interstices entre les rails et le basalte réduits à néant empêchent le franchissement des voies par
les amphibiens. 96 % des collisions sur les lignes à grande vitesse sont des collisions avec la faune sauvage,
alors qu'elles ne représentent que 25% sur les lignes classiques (Sétra, 2000).
Même si les canaux et rivières forment souvent des corridors linéaires, certains types d'aménagements des
rives peuvent induire une coupure importante. Le nombre de noyades d'animaux essayant de franchir les
canaux, bien que difficile à évaluer, semble beaucoup moins important que la mortalité liée aux
infrastructures routières (Sétra, 2000). L'impact de ces infrastructures n'étant cependant pas anodin, il
convient d'identifier les secteurs à enjeux. Les mortalités de la faune par noyade dans les voies d’eau ne sont
pas liées à l’intensité du trafic mais à l’infrastructure elle-même (Becart et Brutin, 2002). On sait que
l'utilisation de palplanches et dans certains cas, de béton a un fort effet cloisonnant. Si la technique a été
appliquée aux deux cotés de la berge, on observe une mortalité par noyade non négligeable (Alsace Nature,
2008). Il en va de même dans une moindre mesure pour les aménagements de type gabion et fascine (Oberti
et al., 2000) (annexe 2).
En ce qui concerne les réseaux électriques, il convient de distinguer:
-le réseau de transport comprenant les lignes électriques « haute et très haute tension » ou « H.T.B. »
gérées par le réseau de transport d'électricité (R.T.E.)
-le réseau de distribution qui comprend les lignes « moyenne et basse tension » gérées par Électricité
Réseau Distribution de France (E.R.D.F.) et la Société Coopérative D'intérêt Collectif Agricole D'Electricité
(SICAE).
9
-le réseau de lignes électriques du Réseau Ferré de France (R.F.F.) pour les lignes aériennes de
traction électrique. Les câbles aériens, situés à une hauteur de six à 12 m, constituent un danger pour les
oiseaux passant à faible hauteur (rapaces, anatidés, columbidés et quelques passereaux) et les chiroptères.
(Sétra, 2000)
Les lignes électriques génèrent une mortalité par collisions et électrocutions (Czajkowski et Thauron, 1990).
Les caractéristiques de l’emprise sous la ligne et de la maintenance sont également importantes (période de
maintenance, modes de gestion des emprises etc.) (Vanpeene et Bielsa, soumis à consultation).
2.2 / Objectifs détaillés et champ d'étude
A la lumière de l’analyse bibliographique réalisée et des données potentiellement mobilisables dans le cadre
de l’étude, les principaux indicateurs retenus pour réaliser un premier diagnostic régional de l'état de
perméabilité des infrastructures sont la mortalité de la faune, qu'elle soit directe (collisions...) ou indirecte
(noyades...), ainsi que le niveau de perméabilité potentiel, intrinsèque à certaines infrastructures linéaires.
La majeure partie de la littérature porte sur l'étude de la faune vertébrée. Les espèces de vertébrés sont
souvent les plus facilement identifiables et de taille suffisamment grande pour être observées depuis un
véhicule en marche. Aussi, au vu de ces éléments et de la surface à étudier, ce diagnostic est établi et repose
sur les déplacements déjà complexes des vertébrés. Il faudra cependant veiller à étendre un maximum le
champ de prise en compte taxonomique au cours des réflexions préalables à la réfection ou à la construction
de toute infrastructure.
En accord avec la bibliographie et le groupe de travail, cette étude s’appuiera donc sur trois axes pour
caractériser la perméabilité potentielle des infrastructures pour la faune :
- l’analyse du potentiel fragmentant intrinsèque5 des infrastructures ;
- le recensement et la caractérisation des points de perméabilité : ce sont les ouvrages existants
pouvant permettre le franchissement des infrastructures linéaires de transport par la faune. Il est
intéressant de les étudier et de les recenser pour pondérer le potentiel fragmentant intrinsèque aux
5 On entend par potentiel fragmentant intrinsèque à l’infrastructure, l’importance de l’effet barrière dû aux
caractéristiques propres à l’infrastructure (taille, fréquentation..) indépendamment des facteurs externes.
10
infrastructures. L’objectif serait de les localiser puis de les étudier afin de préciser leur utilisation
et/ou les aménagements à prévoir pour rétablir des connexions biologiques ou optimiser leur
utilisation par la faune ;
- les points de conflits : le recensement régulier de cadavres est un outil intéressant qui permet de
localiser à coût réduit des secteurs à enjeux où des animaux traversent préférentiellement et de
fournir des informations sur les types de déplacements impactés (migration, dispersion des jeunes
etc.) (Vanpeene et Bielsa, soumis à consultation).
L'outil choisi, devant nous permettre de croiser la localisation géographique avec une base de données
complexe est le logiciel de Système d'Information Géographique Mapinfo, version 7.8.
Il est également important de noter que l’étude réalisée a été menée dans le cadre d’un groupe de
travail régional. La réflexion méthodologique et scientifique a donc dû être partagée et validée avec
l’ensemble des acteurs concernés moyennant des efforts continus d’écoute et de concertation.
Pour asseoir la réflexion et mobiliser les structures, tous les acteurs régionaux en lien direct ou indirect avec
le groupe de travail et la problématique «infrastructures et trame verte et bleue» ont ainsi été rencontrés.
Cette prise de contact nous a permis de nous connaître, de comprendre les attentes et stratégies de chacun et
de partir sur une bonne base de travail commune. Un questionnaire informel est rédigé (annexe 3), il sert de
trame lors des entretiens. L'utilisation de cet outil a pour objectif d'évaluer, de la manière la plus objective
possible, les jeux d'acteurs, les contributions envisageables, et de ne rien oublier des objectifs à débattre.
Suite à chaque entretien, une fiche synthétique est rédigée. Dix acteurs faisant parti du groupe de travail et
plus de 33 autres n'y participant pas (ou pas encore) mais apportant une valeur ajoutée à la réflexion ont été
contactés et rencontrés (annexe 4). Cette démarche certes « chronophage », s'est avérée par la suite
indispensable.
11
3 / Elaboration d'une méthodologie d’évaluation de la perméabilité potentielle des infrastructures à la
faune sauvage
Cette partie tentera d’établir une méthodologie permettant la caractérisation du potentiel fragmentant des
infrastructures, en accord avec la bibliographie, le groupe de travail « infrastructures et trame verte et bleue »
et les données à priori disponibles.
3.1 / Potentiel fragmentant intrinsèque aux infrastructures linéaires étudiées
L’objectif ici est de décrire les infrastructures suivant leurs caractéristiques propres, indépendamment de tout
autre facteur externe. Il s’agit bien sûr d’indices ne permettant pas seuls, de tirer de conclusions quant au
potentiel fragmentant de l’infrastructure. Il faudra par la suite pour mieux hiérarchiser les enjeux, pondérer et
compléter ce travail par un croissement d’informations : type d’occupation du sol, trame verte et bleue, voies
de migration connues ...
3.1.1 Le réseau routier
Le but est de cibler les routes cumulant le plus d'effets sur la faune sauvage pour hiérarchiser le potentiel
fragmentant de chaque tronçon routier. La littérature met en exergue de nombreux paramètres impactants :
bruits, densité du trafic, équipements des voies, gestion des bords de routes etc... mais peu de références
traitent de manière approfondie des effets de chacun. Le manque de bibliographie sur certains sujets et/ou le
peu de données détenues n'ont pas permis de les faire ressortir de manière formelle dans cette étude.
Ainsi, d'après la littérature (e.g. Sétra, 2000 ; Alsace Nature, 2008) les trois principaux paramètres de
description des routes considérés comme les plus pertinents, sont :
-la largeur de la chaussée ;
-le trafic routier ;
-et l'équipement de la voirie (grillages, bassins...).
C'est pourquoi l'étude s’appuie sur ces derniers pour proposer un indice de fragmentation du réseau routier de
la Franche-Comté. Les seuils des indices sont déterminés d'après le rapport COST 341 (Sétra, 2000), et les
indices d'après Alsace Nature (2008) (tableau 1 et tableau 2).
12
trafic/largeur <=4 m 4<>10 m >=10 m Axes "équipés" 6 non connu 2 3 4 7 <=2500 veh/j 2 3 4 7 2500<>10000 veh/j 3 4 5 7 >=10000 veh/j 4 5 6 7
Tableau 1 : Calcul des valeurs des coefficients affectés aux tronçons routiers(Alsace Nature, 2008)
Classe coefficient impact estimé du tronçon routier description
4 7 Très important Tous les grands axes routiers équipés, quel que soit le trafic.
3 5-6 Important Routes standards avec trafic fort 3 voies et + non équipées avec trafic moyen à fort
2 3-4 Assez important Routes standards avec trafic moyen maximum 3 voies et + non équipées avec trafic faible ou non connu
1 2 Moindre Petites routes avec trafic connu Tableau 2: Classes des valeurs des tronçons du réseau routier fragmentant (Alsace Nature, 2008)
3.1.2 Le réseau de voies ferrées
Le manque de bibliographie et leur contenu parfois contradictoire rend difficile la réalisation d'un indice de
perméabilité des infrastructures ferroviaires. Comme pour le réseau routier, la littérature met en exergue de
nombreux paramètres potentiellement impactants mais le manque d'études et/ou le peu de données détenues
n'ont pas permis de les faire ressortir de manière formelle dans le diagnostic.
Il a donc été décidé de représenter les valeurs de certains facteurs jugés impactants en s'appuyant sur les
sources bibliographiques les plus nombreuses, les plus récentes et/ou à vocation de guide. On sait ainsi que la
fréquence des passages et surtout le nombre de voies influencent la faune de part et d'autre de la ligne
(Vanpeene Bruhier et Dalban Canassy, 2006), à ceux-ci s'ajoutent les facteurs « vitesse » des trains et
équipement de la voie (Vanpeene et Bielsa, soumis à consultation). C'est pourquoi la hiérarchisation de
l'impact potentiel des voies ferrées sur les déplacements de la faune sauvage proposée se fait essentiellement
grâce à l'étude des données concernant la mortalité, la fréquence des passages, le nombre de voies et la
vitesse des trains. La Franche-Comté ne dispose pas encore de LGV mais en sera bientôt dotée (Branche Est
de la LGV Rhin Rhône reliant sur 140 km Auxonne (21) à Petit-Croix (90) – mise en service 2011). Celle-ci
est d'ores et déjà prise en compte dans l'analyse du réseau de voies ferrées.
6 Les axes « équipés » recouvrent les grands axes routiers équipés d’engrillagement, de murets, de systèmes de drains et
bassins de rétention des eaux. Par défaut, est considérée comme axe « équipé » toute route supérieur ou égale à 3 voies qui dispose d’au moins un de ces équipements.
13
3.1.3 Les canaux
Les classes et les seuils des indices sont calculés en fonction du type d'aménagement des berges (Alsace
Nature, 2009 ; Oberti et al., 2000) (tableau 3).
Berge droite Berge gaucheValeur totale du coefficient
du tronçon (addition)Représentation
Berges en palplanches/béton ou toute autre technique empêchant la remontée des vertébrés
3 3 6 Classe 3
Berges en gabions ou fascines 2 2 4 Classe 2Berges en enrochement 1 1 2 Classe 1Berges naturelles 0 0 0 Classe 0 Tableau 3 : Valeur de l'indice affecté au tronçon d'un canal en fonction de la nature des berges et représentation graphique associée.
3.1.4 Les réseaux des lignes électriques
Au vu de la bibliographie, le diagnostic du potentiel fragmentant intrinsèque du réseau de lignes électriques
(réseau de transport et de distribution électrique et réseau de traction électrique de R.F.F.) se base sur une
cartographie des lignes électriques équipées ou non de dispositifs anti-collisions et anti-électrocutions. Il est
également important de caractériser l'emprise sous les lignes : modes d'interventions et de gestions de la
végétation et pour la maintenance, existence d'une convention de gestion favorisant la biodiversité.
(Vanpeene et Bielsa, soumis à consultation).
3.2 / Les points de perméabilité
Il a été demandé à chaque gestionnaire d'infrastructure et acteur local faisant partie du groupe de travail, de
localiser les ouvrages permettant le passage de la faune. Il serait judicieux de compléter la localisation des
ouvrages dédiés au passage de la faune par le référencement et la description des ouvrages n'ayant pas été
conçus initialement comme passage à faune mais étant utilisés par celle-ci comme tel. L'objectif est de
repérer tous les ouvrages existants, puis de les étudier au cas par cas, afin de préciser leurs potentialités et/ou
les mesures d'aménagements connexes à réaliser pour assurer ou rétablir une fonctionnalité maximale de
l'ouvrage.
14
3.3 / Les points de conflits
Pour une raison de lisibilité et de faisabilité, nous avons fait le choix de représenter les collisions par groupe
d'espèces biologiquement proches et facilement identifiables (annexe 5). Ce choix de représentation n'est
cependant valable qu'à l'échelle régionale. A l'échelle locale et pour certains taxons particulièrement
sensibles et emblématiques (Lynx lynx, Tetrao urogallus etc...) une analyse spécifique devra être faite.
Une première définition des points « noirs » (annexe 6) de la région Franche-Comté fut présentée lors de la
première réunion du groupe de travail (animée en mars 2009). Cette définition acceptée par les différents
acteurs du groupe de travail s'appuie en grande partie sur des données biologiques (écologie des
populations...). Elle est plus précise qu'aucune autre définition déjà énoncée mais n'a pas été appliquée ni
approfondie pour diverses raisons. En effet, nous ne disposons pas dans l'immédiat des connaissances ni des
données nécessaires à l'application de cette définition. Cette réflexion n'est cependant pas abandonnée et peut
ouvrir sur un sujet de recherche ou de thèse.
Fort de cette constatation, nous nous sommes alors penchés sur une définition de point de conflit basée sur
une méthode statistique. En accord avec la littérature (Flahaut, 2001 ; Clevenger et al., 2003) et après
concertation avec un géographe statisticien (Foltête M., Laboratoire THEMA, Université de Franche-
Comté), il a été décidé d'effectuer le repérage des points de conflits par autocorrélation spatiale locale
adaptée (Cressie, 1993). La méthode se base sur une cartographie des points de collisions (représentés par
des points) entre la faune et les véhicules sur les routes, représentées par une polyligne. Les points de
collisions sont insérés manuellement dans une table de Mapinfo et codés en « Lambert 2 carto ». A chaque
point sont associées des données sur l'individu percuté (espèce, maturité sexuelle, état du cadavre), les
attributs paysagers (occupation du sol), le type d'aménagement (équipement de la voirie...) ainsi que des
données temporelles (date de découverte du cadavre).
Les facteurs influençant la mortalité sont nombreux et majoritairement liés à l'intensité et à la vitesse de la
circulation (Jones, 2000), à la configuration géométrique de la route (Finnis, 1960), à la structure spatiale des
paysages et à la présence ou non de connexions biologiques (Forman et Alexander, 1998) mais aussi au
mode de gestion des bords de route, à la saison et à l'heure de la journée (Joyce et Mahoney, 2001 ;
Clevenger et al., 2003). C'est pourquoi il parait primordial de croiser l'indice produit avec d'autres données
15
(cartes de répartition des espèces, cartes d'occupation du sol...) et avec les informations apportées par cette
étude.
4 / Diagnostic de perméabilité potentielle des infrastructures linéaires à la faune sauvage appliqué à la
Franche-Comté
Les méthodologies établies précédemment ont été appliquées lorsque cela était possible (disponibilité de
données) en région Franche-Comté. Il s’agit d’une proposition d’analyse de l’état de perméabilité potentiel
des infrastructures linéaires de Franche-Comté à l’instant t qui pourra cependant être complétée
ultérieurement.
4.1 / Potentiel fragmentant intrinsèque aux infrastructures linéaires étudiées
4.1.1 Le réseau routier
L'analyse de l'état de perméabilité tel que défini méthodologiquement a été appliquée aux routes
départementales et autoroutes de la Haute-Saône et du Jura (figure 3 et 4). En l'absence de données, toutes
les routes et les départements n'ont pas pu être étudiées.
4.1.1.1 Le réseau routier de Haute-Saône
Les routes étudiées en Haute-Saône sont considérées comme étant les principales routes départementales par
le Conseil général et représentent 37,39 % du réseau routier de la Haute Saône.
Longueur en km % sur total %total routes étudiées Total des routes 8911.69 100 Routes étudiées 3331.89 37.39 100
Impact moindre 588.05 6.60 17.65 Impact assez important 1954.90 21.94 58.67
Impact important 682.15 7.65 20.47 Impact très important 0 0 0
Tableau 4 : Synthèse des résultats obtenus suite à l'application de l'indice de fragmentation pour le réseau routier de Haute-Saône.
On observe sur la figure 3 que la Haute-Saône est une région relativement bien préservée de la fragmentation
liée aux infrastructures routières. Elle n'est traversée par aucune autoroute, ni infrastructure définie comme
ayant un impact potentiellement très important et seulement 20,47 % du réseau étudié (soit 7,65 % du réseau
total) semble avoir un impact potentiellement important (tableau 4). La majorité des routes départementales
étudiées a un impact qui est assez important mais 69 % du réseau reste non étudié ou a un impact jugé
moindre. On ne peut donc, au vue de l'information disponible, tirer de conclusion définitive sur le potentiel
fragmentant intrinsèque des routes en Haute-Saône.
4.1.1.2 Le réseau routier du Jura
Longueur en km % sur total %total routes étudiées Total des routes 10356.37 100.00
Routes étudiées 1063.86 10.27 100 Impact moindre 0 0 0
Impact assez important 483.48 4.67 45.45 Impact important 492.90 4.76 46.33
Impact très important 87.48 0.84 8.22 Tableau 5 : Synthèse des résultats obtenus suite a l'application de l'indice de fragmentation pour le réseau routier du Jura. Les routes étudiées sont considérées comme étant les principales routes départementales par le Conseil
général et représentent seulement 10,27 % du réseau routier du Jura (tableau 5). La présence de l'autoroute
A36 est responsable du classement de 8 % des routes étudiées comme ayant un impact très important. On
observe que la majorité des routes étudiées a un impact sur la faune jugé important (46,33%) ou assez
important (45,45%) (figure 4). Le département du Jura est moins étudié que celui de la Haute-Saône, les
mêmes conclusions concernant l'interprétation des données s'imposent. En l'état de connaissance il est
difficile de tirer des conclusions de cette analyse.
4.1.2 Le réseau de voies ferrées
Les efforts conjugués des Réseaux Ferrés de France et de la Société Nationale des Chemins de Fer (S.N.C.F.)
(qui a récemment rejoint le groupe de travail « infrastructures et trame verte et bleue ») nous ont permis
d’avoir des données précises quant au trafic, à la largeur des voies, la localisation des ouvrages d’art mais
aussi quant aux collisions entre les trains de la S.N.C.F. et la faune sauvage. Autant de données intéressantes,
car s’il n’existe que peu de références bibliographiques sur le sujet cela nous a quand même permis de faire
ressortir l'axe de communication Dole-Montbéliard (figure 5) comme étant l'axe potentiellement le plus
impactant sur la faune sauvage à déplacement terrestre en Franche-Comté. En effet, cet axe se caractérise
par: une fréquentation en moyenne statistiquement plus élevée que sur l'ensemble du réseau (W=1594,5 et
p<0,001) ; il est l'un des axes ou la circulation autorisée est l'une des plus rapide (figure 6) et elle est l'une
des deux seules voies doubles de Franche-Comté (largeur maximale en Franche-Comté). La ligne Dole-
17
1000 42000 54000 55000 838000 847000 850000 851000 852000 852306 854000 856000 859000 860000 865000 868000 869000 871000872000 875000 878000 8800000
20
40
60
80
100
120
140
160
Vitesse maximale autorisée en moyenne
Num
éro
de la
lign
e R
FF
con
cern
ée
Montbéliard semble également particulièrement accidentogéne puisqu'elle concentre 16 des 26 collisions
observées en 5 ans sur l'ensemble du réseau. Par ailleurs, de par sa localisation, cet axe vient appuyer l’aspect
particulièrement structurant et fragmentant de l’assemblage d’infrastructures de transport traversant
la Franche-Comté d’est en ouest (figure 2).
Figure 5 : Localisation et caractérisation des voies ferrées de Franche-Comté. Localisation des collisions observées par les agents S.N.C.F. entre 2004 et 2008
Figure 6 : Représentation graphique de la vitesse maximale autorisée par ligne de voie ferrée en Franche-Comté. Les lignes sont codées et définies suivant les référentiels de R.F.F.. La donnée de l'axe codé « 852000 », cerclée de rouge, correspond à l'axe de communication Dole-Montbéliard. La barre d'erreur représente l’écart-type de la série.
La S.N.C.F. ayant récemment rejoint le groupe de travail, l'aménagement d'un protocole nous permettant
d'obtenir plus d'informations sur les collisions avec la faune ou/et les impacts observés peut être envisagé.
19
20
4.1.3 Les canaux
Voies Navigables de France en Franche-Comté (V.N.F.) ne dispose pas encore d'un Système d'Information
Géographique (SIG) ou de données exploitables en ce sens. La localisation et la caractérisation des
aménagements des berges ne peuvent donc pas être envisagées dans l'immédiat. Toutefois un programme
répertoriant les berges les plus critiques d’un point de vue sécuritaire est mené par un bureau d’études. A
terme, environ 140 km de berges devraient être décrites et cartographiées. L'aménagement des canaux à
enjeux permettant de réduire leur impact sur les flux biologiques est relativement simple et peu coûteux
(Alsace Nature, 2008). La protection des berges par des techniques végétales, en plus de constituer un
excellent refuge pour la faune aquatique, permet la remontée des principales espèces concernées par les
noyades. Par ailleurs, le principe est simple puisque la mise en œuvre de ces techniques nécessite une pente
plus douce que tout autre ouvrage de consolidation (Becart et Brutin, 2002). Cependant la protection des
berges par des techniques végétales demande bien souvent une période de chômage7 plus importante que
celle demandée en cas de stabilisation des berges par palplanche ce qui occasionne un coût plus important
pour V.N.F. justifiant ainsi la faible utilisation de la technique. V.N.F. étudie cependant de plus en plus cette
solution. Un dispositif permettant aux mammifères de prendre appui pour remonter sur la crête de la berge
peut également être mis en place (échelles à gibier). Aucun aménagement de ce type n’est installé sur le
réseau franc comtois. Il est cependant à noter que V.N.F. a rejoint le groupe de travail « infrastructures et
trame verte et bleue » et se trouve disposé à travailler en concertation et à partager des informations. De plus,
grâce à une volonté locale forte, il est envisagé que la réfection de berges à l’aide de palplanches soit, lorsque
cela est jugé nécessaire (forte accidentologie...), accompagnée par la pause d’une échelle à gibier.
4.1.4 Le réseau des lignes électriques
Les données concernant la localisation et les statuts des lignes électriques « haute et très haute tension »
ainsi que celles concernant les sections équipées de protection aviaire ont été mises à disposition du groupe
de travail par R .T.E.. Nous pouvons ainsi observer que les secteurs considérés localement par R.T.E. et les
7 Chômage : C'est une période d’arrêt de la navigation, qui peut durer plusieurs semaines durant lesquelles seront
réalisées toutes les opérations d'entretien et de réparation impossibles à effectuer lorsque les bateaux circulent et lorsque le canal est en eau.
21
associations naturalistes comme les plus sensibles (à ce jour 1,44 % du réseau électrique géré par R.T.E) sont
équipés de protection anticollision pour l’avifaune en Franche-Comté.
Le réseau de distribution des lignes « moyenne et basse tension » gérées par E.R.D.F. ne dispose pas encore
de protection aviaire. De plus le réseau étant à la fois important et complexe, il n'a pas été jugé opportun de
mettre la base de données associée à notre disposition dans le cadre de l'élaboration d'un diagnostic régional.
E.R.D.F. a cependant rejoint le groupe de travail, mettant à la disposition de celui-ci lorsque cela sera
nécessaire, les données de statut et localisation de ses lignes électriques. Par là même E.R.D.F. a ouvert le
dialogue avec les associations de protection de la Nature, suivant ainsi la démarche adoptée depuis quelques
temps par R.T.E.. En effet R.T.E., en étroite collaboration avec le milieu associatif s’engage à résoudre les
conflits majeurs entre ses infrastructures et la faune à l’occasion de travaux sur les lignes. Il est également
important de signaler la présence de conventions de gestion favorisant la biodiversité des emprises des lignes
entre le milieu associatif et R.T.E..
Le réseau de lignes électriques aériennes pour la traction électrique de R.F.F. a également pu être identifié,
cartographié et mis à disposition du groupe de travail par R.F.F..
Les données recueillies ont permis la réalisation d’une cartographie du réseau de lignes électriques, de ses
attributs (voltage etc...) et des équipements de protection pour l’avifaune de Franche-Comté (figure 7).
4.2 / Les points de perméabilité
Les structures gestionnaires ou propriétaires d'ouvrages ayant pour objectif de faciliter le franchissement des
infrastructures par la faune sauvage et étant en capacité de les caractériser et de les localiser nous ont
gracieusement fourni ces informations. Ainsi les ouvrages facilitant le passage de la faune ont été recensés
sur les routes départementales du Doubs, la future L.G.V. et sur l’ensemble du réseau autoroutier. A.P.R.R.
nous a fourni la localisation et la caractérisation des passages existants sur l'autoroute A39. Une première
sélection d‘ouvrages d’art pouvant être utilisés par la faune pour franchir l’A36 a été réalisée. En effet l’A36
qui traverse la Franche-Comté d’Est en Ouest ne possède qu’un seul ouvrage spécifique pour la faune.
L’A36 est jugée comme particulièrement structurante en Franche-Comté (Lethuillier, 2007), il sera donc
judicieux d’étudier, d’une part l’utilité potentielle des ouvrages observés pour le franchissement de la faune
et d’autre part les aménagements à prévoir pour augmenter leur fonctionnalité.
Selon J.Carsignol (cité par Alsace Nature), une description exhaustive de ces passages potentiels peut être
faite à raison de 20 km de réseau par jour. Au moins deux structures possèdent des ouvrages qu’elles
ne peuvent à ce jour situer mais ont engagé un travail de localisation qui nous permettra de réaliser un
état des lieux plus complet d’ici peu.
4.3 / Les points de conflits
Les acteurs du groupe de travail possédant des informations liées aux collisions (données chiffrées ou dires
d’expert) ou ayant des doutes quant à la perméabilité de certaines infrastructures linéaires ont accepté de
confier leurs données afin de localiser si possible les points de conflits prioritaires, où des aménagements
seraient urgents pour améliorer la perméabilité de l’ouvrage.
Malgré la bonne implication de chacun, le jeu de données obtenues est difficilement exploitable. En effet, les
biais liés au recouvrement, à l'observateur et à la précision de la localisation géographique des données sont
très importants. La donnée est inégalement répartie d'un site à l'autre et ne permet pas dans tous les cas
d'observer des points noirs tels que définis méthodologiquement.
4.4 / Valorisation des diagnostics
Si certaines analyses nous permettent d’observer des tendances, les résultats ne nous permettent pas de
définir clairement des enjeux d’actions immédiates. Le diagnostic obtenu n'est pas satisfaisant, il demande à
être complété par un apport d'informations sur la biodiversité, les connexions biologiques mais aussi sur les
facteurs permettant la caractérisation des infrastructures. La méthodologie utilisée dans cette étude est une
proposition qui reste à développer à la lumière de nouvelles connaissances scientifiques, des approches et des
retours d'expériences développés par d'autres structures. Cette méthodologie est également biaisée par
l’hétérogénéité des méthodologies de relevé et de traitement de l’information utilisés par les organismes, les
observateurs, le recouvrement et le manque d'indices fiables réduisant ainsi son utilisation à une fonction
indicatrice et transversale à d'autres approches.
Cependant, si les données disponibles ne nous ont pas permis d’élaborer un diagnostic permettant d’ores et
déjà la mise en place d’actions structurantes, elles nous ont toutefois permis de consolider les hypothèses
23
24
concernant la présence d’une « diagonale de fragmentation » en Franche-Comté et d’obtenir des
informations importantes concernant des réseaux d’infrastructures linéaires encore méconnus.
Les figures 3 et 4 superposent les analyses pratiquées sur le réseau routier et ferré aux zones définies
comme noyaux de biodiversité par Coulette S. (2007) ou possédant un état fonctionnel intéressant et devant
être préservé, aux zones urbanisées et à la localisation des passages à faune. On note que si le diagnostic est
incomplet, il nous permet cependant de distinguer certaines zones à enjeux. Ainsi la partie Nord du Jura est
occupée par un ensemble de zones à enjeux environnementales mais aussi par un nombre important
d'infrastructures jugées potentiellement très fragmentantes. La Haute Saône, qui semble moins impactée que
le Jura, voit également une zone d'enjeux environnementale se dessiner clairement dans le nord du
département.
Afin de caractériser au mieux les enjeux de continuité pour l’avifaune, la cartographie obtenue par la
synthèse des informations concernant les réseaux des lignes électriques a été mise en relation avec un essai
cartographique des principaux couloirs de migrations, zones d’hivernage et des zones noyau pour l'avifaune
en Franche-Comté (figure 7). La cartographie produite nous permet d'identifier les principales zones à enjeux
pour l'avifaune la plus susceptible d'être impactée par les lignes électriques.
Par ailleurs, au delà du diagnostic produit, la mise en place de cette étude dans le cadre du groupe de travail a
permis de faire participer à la réflexion un nombre croissant d’acteurs, les sensibilisant de fait à la
problématique des continuités écologiques, permettant un échange entre les organismes présents et ouvrant le
dialogue entre les associations et les gestionnaires d’infrastructures. La mobilisation des acteurs du groupe de
travail pour transmettre les données permettant la réalisation d'un diagnostic régional de la perméabilité des
infrastructures en Franche-Comté a fini par se faire de manière réelle. Pour la première fois, des acteurs aux
objectifs divers se sont mobilisés et ont accepté de mettre en commun des données parfois ressenties comme
sensibles.
Par ailleurs, si ce travail ne nous a pas permis de définir les points de conflits prioritaires, il nous a permis
d’observer de manière concertée un manque de données, d’échanger sur les différents protocoles utilisés
pour localiser les conflits entre la faune et les infrastructures, de mettre en contact certains acteurs afin
25
d’étendre les protocoles et de définir une stratégie pour atteindre un état de connaissance suffisant pour
déterminer les zones à fort enjeux.
5 / Le groupe de travail : ses ambitions et actions futures
5.1 / Une dynamique à soutenir, à entretenir et à développer
L'ampleur des enjeux, les lobbies et les politiques du secteur de l'environnement provoquent souvent des
crispations, cristallisant les débats. Les jeux d'acteurs s'en trouvent pollués, faisant parfois oublier l'objectif
principal, souvent commun ou partagé par les acteurs de la préservation de la biodiversité. C’est ici que la
démarche de rencontrer chaque acteur individuellement s’est avérée indispensable. De ces rencontres est née
une confiance réciproque qui nous a permis d’envisager de manière sereine une collaboration future où les
attentes et les positions de chacun sont clairement formulées, comprises et respectées.
Dans ce contexte de jeux d’acteurs parfois épineux, la dynamique impulsée par le groupe de travail
« infrastructures et trame verte et bleue » est remarquable. Ainsi des acteurs, tels que la fédération régionale
de chasse, voient leur protocole de recensement de la mortalité extra cynégétique du Jura reconnu et soutenu
dans son extension régionale par des Conseils généraux, des gestionnaires d'infrastructures et des
associations de protection de la Nature...
L'urgence de préservation de la biodiversité, mise en exergue par une récente et collective prise de
conscience politique et citoyenne (Grenelle de l'environnement...), justifie l'importance de l'existence d'un tel
groupe de travail. Aussi nous semble-t-il nécessaire de valoriser et de continuer d'animer cette réflexion. Car
si la dynamique est bonne, elle demeure fragile, doit être entretenue et de nombreux sujets restent à traiter.
Conscient de l'intérêt de la démarche engagée, suite aux résultats obtenus lors du diagnostic de perméabilité
potentiel et aux échanges qui ont eu lieu avec les membres du groupe de travail, une réflexion menant à
l'émergence d'un programme d'action régional ambitieux se dessine.
5.2 / Des questions ou des idées à approfondir
Nous pensons que la réalisation d’un programme régional, doit pour réussir être effectué dans la
concertation. Or de nombreuses questions et idées restent à approfondir et à débattre.
26
5.2.1 Mobiliser le Grand public
De plus en plus de protocoles de récolte de données sur la faune ou la flore reposent sur la participation du
Grand public (Viginature, le projet des chemins de la vie en Isère...). Certains acteurs du groupe de travail,
conscients de l’intérêt de l’exercice en terme de sensibilisation du public, restent cependant réservés quant à
la mobilisation du Grand public dans un objectif de connaissance. L’utilisation d’outils et de protocoles
mobilisant le Grand public nous parait certes risquée (mobilisation, validité des données obtenues…) mais
intéressante et potentiellement puissante. Ainsi, un premier protocole est proposé afin de rassurer sur la
démarche, son utilité et ses possibilités (annexe 7). Ce premier protocole s'appuie sur des expériences
connues et reconnues du type Viginature. Il accentue les aspects liés aux développements d'outils,
permettant de sensibiliser le Grand public, de le mobiliser via des interfaces et des pratiques dynamiques,
mais aussi de veiller à la plus grande intégrité possible des données transmises. Avant diffusion, ce premier
protocole est transmis au M.N.H.N. pour vérification et validation de la démarche.
5.2.2 Vérifier l'utilisation potentielle d'ouvrages d'art par la faune
L'aménagement d'ouvrages d'art existants pour faciliter le passage de la faune sauvage se fait régulièrement
(com. pers. J. Carsignol). Cet aménagement n’aura peut-être pas le même potentiel d'utilisation par la faune
qu'un ouvrage prévu à cet effet mais il permet d'optimiser l'existant pour éviter une coupure définitive entre
les métapopulations. Cette démarche, en complément d'aménagements structurants devant permettre le
rétablissement des continuités écologiques, répond aux engagements pris par l'Etat lors du Grenelle de
l'environnement (Vanpeene et Bielsa, soumis à consultation).
Certains acteurs restent très prudents quant à l’aménagement de passages potentiellement utilisés par la
faune et restent à convaincre de l’intérêt d’exploiter l’existant. C’est dans ce cadre qu’un protocole de suivi
est développé (annexe 8), il devra nous permettre d’identifier sur une zone très réduite:
-s'il est raisonnable d'imaginer des passages de faune dans des ouvrages non prévus à cet effet,
-si le passage est avéré, de réfléchir aux modalités (aménagement…) permettant d'optimiser l'utilisation
de l'ouvrage par la faune.
-Il permettra également de tester l'intérêt de certaines méthodes de suivi notamment sur des sites
fréquentés par un grand nombre d'utilisateurs (V.T.T., marcheurs...).
27
Afin de réfléchir à l'intérêt et à la faisabilité d'un suivi étendu aux ouvrages d'art potentiellement intéressants
des infrastructures linéaires à une échelle régionale.
5.2.3 La formation des cadres et agents techniques en charge de la maintenance des
infrastructures linéaires et de la gestion des espaces verts.
Ce volet du programme, fortement demandé par le groupe de travail, comprend la mise en place et
l’évaluation d’un programme de formation des cadres et agents techniques en charge de la maintenance des
infrastructures linéaires et de la gestion des espaces verts. Il se veut être un programme novateur et adapté à
ces acteurs qui ont un rôle majeur dans le maintien ou l'obtention du bon état des continuités écologiques.
Une première rencontre avec des agents responsables de l'entretien de la route m'a permis de prendre
conscience d'un trop grand éloignement culturel entre les techniciens de routes et les acteurs de la protection
et gestion de l’environnement : le vocabulaire, la lecture du territoire, des enjeux diffèrent fondamentalement
et empêchent l’émergence de visions et projets partagés. L'enjeu est de pouvoir formuler clairement leurs
attentes, les besoins et une forme de formation adéquate. Un rapprochement est nécessaire et une démarche
dans ce sens doit être prévue préalablement puis concomitamment à l'élaboration d'offres de formation.
5.3 / Vers un programme FEDER
Fort de son expérience, après de multiples concertations, évolutions et réorganisations, le groupe de travail
« infrastructures et trame verte et bleue » et la DIREN de Franche-Comté soutiennent le portage d'un projet
de type FEDER.
Ce projet a pour objectif principal la protection de la biodiversité par le biais de l’élaboration d’un outil de
connaissance et de suivi de la « perméabilité » à la faune des infrastructures linéaires de Franche-Comté pour
appuyer la définition et mise en œuvre concrète de la Trame Verte et Bleue.
Les réseaux d'infrastructures de communication terrestre et fluviale mais aussi les réseaux de distribution et
de transport électrique aérien, soit la majorité des infrastructures linéaires structurantes de Franche-Comté
seront pris en compte. Il s’agit de construire et de mettre régulièrement à disposition des diagnostics
permettant d’identifier et de caractériser les principaux points de conflits et de perméabilité potentielle sur les
infrastructures linéaires de Franche-Comté. Si le public visé par la mise à disposition de ces diagnostics est
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principalement régional, la méthodologie développée pour identifier ces points de conflit pourra être utilisée
et valorisée dans d’autres régions dans le cadre de la mise en œuvre ou/et le suivi de la trame verte et bleue
(T.V.B.).
Pour construire ce diagnostic, le porteur de projet s’appuiera sur les données transmises par les membres du
groupe de travail régional « infrastructures et trame verte et bleue ». Celles-ci seront complétées par deux
protocoles de collectes de données :
-un suivi d'ouvrages permettant une potentielle perméabilité sur des secteurs à enjeux régionaux de
connectivité pour la faune et
-la mise en œuvre d’un protocole visant le « Grand public », c'est à dire tout citoyen non expert mais
intéressé par la démarche. Peu mobilisé jusqu'à présent, le « Grand public » constitue ne l'oublions pas, le
premier acteur de la gestion et de la conservation des ressources naturelles ; il est par conséquent une source
d'information et de mobilisation potentiellement importante. Cette mobilisation du « Grand public » sera
également un moyen de sensibiliser aux enjeux des continuités écologiques et contribuera à l’appropriation
de la trame verte et bleue par la population.
En complément, pour faciliter le passage du diagnostic aux actions de gestion favorisant une meilleure prise
en compte de la biodiversité, une offre de formation sur le thème de la prise en compte des continuités
écologiques sur les infrastructures sera développée. Celle-ci sera mise à disposition des organismes
intéressés et pourra être valorisée dans d’autres régions.
D’une manière plus générale, le projet, de par son contenu et son calendrier, pourra être une source appréciée
d’informations et de méthodologie pour faciliter l’élaboration dans les régions d’ici 2012 du Schéma de
Cohérence Écologique demandé dans le cadre du Grenelle de l’Environnement et fera office de phase de
préfiguration à la mise en place du Système d'Information sur la Nature et les Paysages (S.I.N.P.).
29
Conclusion
Le diagnostic produit par cette étude nous a permis de confirmer la présence d'une diagonale de
fragmentation en Franche-Comté (Loisy, 2007) et de localiser des zones à enjeux où la vigilance est de mise.
Nous avons également pu mettre en évidence que les biais entre les méthodologies de récolte et de traitement
des données des différents organismes de la région sont trop importants. Les informations sont parfois trop
imprécises, le volume de données est insuffisant et hétérogène à l’échelle régionale. Le diagnostic reste donc
insuffisant à l'élaboration de programmes d'actions précis et ambitieux, il demande à être complété et mis en
regard d'autres analyses et données (carte de répartition des espèces, Occupation du sol...). Le programme
FEDER envisagé, devra permettre l’élaboration d’un diagnostic plus précis appuyant par là même la
réalisation d’aménagements ambitieux.
D’une manière générale on observe deux freins majeurs à la mise en place d’actions concrètes en faveur de
l’environnement en Franche-Comté qui pourraient être une illustration des difficultés rencontrées dans
d’autres régions :
-Il est difficile de protéger ce que l’on ne connaît pas, or le manque de données, de connaissances et
d’indicateurs sur la biodiversité ressort clairement dans cette étude. Il est donc urgent d’améliorer la
connaissance sur la biodiversité (y compris ordinaire). Dans se sens le travail de recherche appuyé par des
initiatives nationales telles que la mise en place du S.I.N.P. ou de Viginature mais aussi régionales
(plateforme connaissance de Franche-Comté) et locales mobilisant un maximum d’informateurs sont
primordiales.
-La mise en place du groupe de travail nous a permis d’observer qu’il existe de nombreuses études dispersées
entre organismes, de données et de savoirs non communiqués, il en résulte une multiplication d’études
parfois redondantes et souvent mal exploitées. La concertation et le partage entre acteurs du territoire en
amont des études devraient permettre d’optimiser l’utilisation des financements, des études et d’améliorer la
connaissance du territoire. Dans ce cadre on peut espérer que la trame verte et bleue, en faisant de
l’environnement une dimension à part entière de l’aménagement du territoire, en incluant dans la réflexion et
la stratégie pour la protection de la biodiversité les espaces de nature ordinaire et en se posant dans un cadre
de construction partagée et concertée, pourra faire avancer les choses.
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