A LA UNE REGARDS SUR LE MONDE TETES CHERCHEUSES DECOUVERTES ENTREPRENDRE
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Depuis les débuts de l’humanité, l’alimentation est au cœur des
préoccupations des sociétés humaines. La faim reste, aujourd’hui, un
problème aux dimensions planétaires qui risque de s’aggraver dans
certaines régions du monde si des mesures drastiques ne sont pas prises. Dans les décennies futures, nourrir la planète relèvera d’un triple défi comme nous le rappellent de façon
dramatique, les récentes « émeutes de la faim », à savoir : la croissance démographique avec 9 milliards d’humains en 2050 ; la sécurité alimentaire en quantité et qualité ; la protection de l’environnement et des ressources naturelles, ainsi que la raréfaction des énergies fossiles. Le problème est complexe qui met en
jeu de nombreux facteurs, économiques, écologiques, agronomiques, géopolitiques.
Les crises alimentaires sont provoquées par de
multiples causes. La croissance démographique implique une augmentation de la consommation alimentaire (+2% l’an). Dans les quarante dernières années, la population mondiale est passée de 3,1 milliards d’individus à 6,3 milliards et devrait atteindre 9 milliards en 2050. Cette croissance démographique s’explique en partie, par la forte baisse de la mortalité dans un grand nombre de pays en développement. Ces grandes tendances démographiques ont influé sur les besoins nutritionnels de l’humanité et par là même occasion, sur les disponibilités alimentaires nécessaires pour satisfaire ses besoins… La croissance économique annuelle à deux chiffres de pays très peuplés comme la Chine, l’Inde et quelques autres (soit près de 3 milliards d’individus) se traduit par une
augmentation du pouvoir d’achat de centaines de millions de consommateurs qui font entrer dans leur nourriture davantage de produits laitiers et carnés. En Chine, la consommation de viande a augmenté de 150%. Or, il faut entre 4 et 10 protéines végétales pour produire 1 protéine animale. Si la disponibilité alimentaire est passée de 2 500 à 3 000 kcal/jour/habitant, elle reste très inégalement répartie (de 2 400 en Afrique subsaharienne à 4 000 kcal/jour/habitant) et 850 millions d’humains sont toujours sous-alimentés. Ainsi, le marché des céréales s’en trouve désorganisé, entrainant la flambée des prix alimentaires et provoquant les récentes « émeutes de la faim » dans certaines populations d’Afrique et d’Asie dont la part de l’alimentation avoisine 75% de leur budget total contre 15% dans les populations plus aisées.
La réflexion doit se poser au niveau planétaire, compte tenu notamment, des différences des systèmes
de production et des régimes alimentaires
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L’AGRICULTURE : Nourrir les hommes
Dans l’histoire de l’humanité ,
l’agriculture a moins de dix mille ans
d’existence. Elle serait apparue au
néolithique, vers le 8e millénaire avant
J.C. et vraisemblablement au Proche-
Orient. Parallèlement, tant en Asie avec
le riz, et en Amérique latine avec le maïs,
les sociétés se sont construites à partir de
l‘agriculture qui a joué un rôle essentiel.
La révolution agricole commencée
timidement en Europe à la fin du XVIIIe
siècle, se développe au XIXe siècle.
Avec cette amélioration sensible de la
productivité, l’agriculture occidentale
sort enfin de la fatalité récurrente des
disettes. Les surplus disponibles suffisent
désormais pour assurer en permanence,
une alimentation variée à la grande
majorité des pays occidentaux
bénéficiant en outre, du développement
des échanges nationaux et internationaux
(rail, navigation à vapeur et à moteur…).
A la fin du XXe siècle pourtant, alors que le monde
industrialisé connait l’abondance alimentaire, les
populations de nombreux pays d’Afrique et d’Asie,
naguère colonisés et aujourd’hui économiquement
dépendants, souffrent de sous-alimentation et de
famines chroniques, maux jadis communs en
Europe, mais ici amplifiés par une très forte
surcharge démographique…
Le réchauffement de la planète
est également une cause importante de ces crises
alimentaires, en rendant plus aléatoire l’activité agricole et
en raison de la multiplication des catastrophes naturelles
(sécheresse, inondations, cyclones, tremblements de
terre…).Ainsi, l’Australie, grand pays producteur de
céréales, a connu cinq années de sécheresse. Le Bengladesh a
connu deux inondations la même année (2007) affectant 40% de
son territoire et la Birmanie, victime d’un cyclone, a perdu une
grande partie de ses productions agricoles composées de 65% de
riz, 80% d’aquaculture et 50% d’élevage. Selon certains experts,
ces problèmes climatiques ne toucheront pas seulement les pays
pauvres et tropicaux, et pourraient intervenir également en Europe,
rendant nécessaire de gros investissements agro-environnementaux.
D’autre part, la réduction des terres cultivables en raison de
l’érosion et de l’urbanisation, est l’équivalent d’un département
agricole en France tous les dix ans. En Chine, du fait de l’arrivée
de ruraux en ville, un million d’hectares cultivés s’envole chaque
année, réduisant dangereusement les surfaces agricoles adaptées à
la production de riz. Or, le riz demeure l’aliment de base pour plus
de la moitié de la population mondiale. Sur une production
mondiale de 645 millions de tonnes (2008), le stock mondial n’est
que de 100 millions de tonnes. Environ 40% de ce stock est détenu
par la Chine et faute de stock conséquent, le prix du riz risque
d’augmenter à nouveau sur les marchés internationaux
.
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Limiter le gaspillage
Le gaspillage intervient depuis la culture du produit, jusqu'à sa
consommation : lors de la transformation du produit, de son
transport, mais aussi chez le détaillant, les restaurants, les foyers. On estime ainsi que la moitié de la
nourriture produite dans le monde finit à la poubelle.
« Saving water : from field to fork », étude publiée
en 2008 et conduite par la FAO
Des Solutions Durables Pour L’Avenir ?
Environ 70% de la population mondiale vit de l’agriculture. La question du développement des agricultures
dans le monde est au cœur de l’avenir de sociétés largement organisées et structurées à partir du monde
agricole. La création ou le renforcement d’activités économiques industrielles et tertiaires sont incontournables
pour le développement de l’agriculture. Pour supprimer la malnutrition et la faim, il faudrait selon les experts,
augmenter la production agricole mondiale de 30% et la doubler pour faire face à l’augmentation de 50% de la
population mondiale à l’horizon 2050 (sur la base d’une ration alimentaire de 2 425 k/cal.).
L’innovation et la recherche
seront certainement les clés permettant d’atteindre ce triple défi de l’alimentation, de l’énergie et du climat. Toutes les disciplines doivent être sollicitées : biologie moléculaire, écologie (du gène à la plante et de la plante aux territoires)... Entre productivité agricole et production biologique, existent de vastes possibilités (développement durable, signes de qualité et labels, agriculture raisonnée, sécurité alimentaire…). Dans le même temps, une traque au gâchis à tous les niveaux doit s’organiser. En Afrique, entre 15% à 35% des produits alimentaires sont perdus dès les champs de cultures. Dans les pays développés, 14% à 30% des produits sont éliminés au
niveau de la consommation et 10% à 15% seraient perdus en amont de la vente (transformation, transport, stockage…). De plus, une diminution des calories totales consommées dans les pays développés est aussi un facteur essentiel pour relever ce défi… Enfin, certains spécialistes prônent de réinvestir massivement dans l’agriculture vivrière à haute densité environnementale, de développer de nouvelles espèces et variétés mieux adaptées aux fluctuations climatiques, d’insister sur l’importance des échanges mondiaux pour assurer l’adéquation entre l’offre et la demande alimentaire à l’échelle de la planète… Sous réserve de tenir compte de cet ensemble de réflexions, la faim ne devrait plus apparaître comme une fatalité.
Favoriser l’agriculture vivrière, locale
Afin de permettre un accès égalitaire à la
nourriture, les experts proposent de développer davantage l'agriculture vivrière dans les pays en voie de développement. C'est une agriculture
« d'autoconsommation » qui permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre dues aux
transports des récoltes de production vers le pays de consommation. Seul le surplus serait vendu sur les marchés locaux.
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Michel Griffon, Agronome – Economiste, Conseiller pour le Développement durable au CIRAD (Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement)
« Les agricultures vivrière, biologique, raisonnée et à haute intensité environnementale
devraient permettre l’approvisionnement des marchés agricoles (quantitatif et qualitatif), la
séquestration du carbone, et la limitation des émissions de gaz à effets de serre, le maintien
voire le développement de la biodiversité, la circulation de l’eau et le maintien de sa
qualité, l’esthétique du paysage »
L'agriculture raisonnée
Moins exigeante que l'agriculture biologique, l'agriculture
raisonnée (mise en place dans l'Union Européenne dans le cadre de la PAC (Politique Agricole Commune) impose entre
autres de limiter l'usage de produits engrais et pesticides, d'économiser les ressources en eaux et de pratiquer le tri des déchets. Il n'existe pas de label pour identifier les produits
provenant de cette agriculture. Seuls les produits provenant d'exploitations qualifiées pourront porter la mention "produit
issu d'une exploitation qualifiée au titre de l'Agriculture Raisonnée". En 2006, l'agriculture raisonnée représente 0,3 % des exploitations françaises (source : ministère de
l'agriculture).
L'agriculture biologique
Pour limiter la pollution et les impacts
sanitaires liés aux intrants chimiques, certains modes de production comme l'agriculture biologique se développent. Cette dernière interdit
l'usage d'engrais chimiques de synthèse et des pesticides de synthèse, ainsi que d'organismes
génétiquement modifiés (OGM). En 2005, l'agriculture biologique représentait environ 4 % de la superficie agricole utilisée dans l'Union
Européenne.
L'agriculture « à haute intensité
environnementale » Favoriser la polyculture , c'est-à-dire
associer des cultures différentes sur une même surface agricole et cultiver des
espèces différentes successivement sur un même champ. Cela favorise la fertilité des terres et la protection de la diversité
génétique. L’intensification écologique, c’est
concevoir une agriculture productive, plus économe en intrants et moins nocive pour l’environnement. Il s’agit d’intensifier des
mécanismes naturels des écosystèmes. Cela veut dire selon les cas, optimiser le
fonctionnement du sol en éliminant le labour, couvrir le sol et favoriser le travail des vers de terre, maximiser les périodes de
photosynthèse pour la production de biomasse, ou encore pratiquer au maximum
une lutte biologique
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La production Animale
La consommation moyenne de viande par personne et par an en France est de 96,5 kg. A titre de
comparaison, cette consommation atteint 4kg par personne et par an en Inde. Dans les pays d’Europe
du nord, sur les 3800 kilocalories consommés quotidiennement, 1200 sont d’origine animale alors
qu’en Afrique subsaharienne, la contribution des calories animales à la ration alimentaire (2200
kilocalories) est de 135 kilocalories. Les produits d’origine animale sont riches en protéines et/ou
lipides. Il en découle que la consommation de protéines et lipides est très variable d’un endroit à
l’autre de la planète.
Ces constats posent plusieurs questions:
Quel sont les impacts écologiques et sanitaires d’une alimentation carnée?
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Quel sont les impacts écologiques et sanitaires d’une
alimentation carnée?
L'école de nutrition de Harvard, la plus grande
unité de recherche au monde, qui publie les
résultats d'une étude de vaste ampleur. Les chercheurs ont recueilli les informations de
deux études importantes ayant portées sur 37 698 hommes et 83 644 femmes suivis pendant une durée de 22 à 28 ans respectivement. En
compilant les données sur les habitudes alimentaires et l'état de
santé les chercheurs constatent que consommer : Une portion quotidienne de
viande rouge est associée à un risque de mortalité
augmenté de 13%. Une portion quotidienne de charcuterie est associée à un
risque de mortalité augmenté de 20% .La
mortalité cardiovasculaire est augmentée de 18 et 21% et la mortalité par cancer est
augmentée de 10 et 16% pour la consommation de
viande rouge et de charcuterie, respectivement. Le lien statistique mis en évidence par les chercheurs est robuste et tient compte des facteurs
confondants, c'est-à-dire que la mortalité est
augmentée même en tenant compte des différences d'âge, de poids,
d'activité physique et d'état de santé qui peuvent exister entre
les différentes personnes. Les chercheurs constatent également que changer ses
sources de protéines serait protecteur : la mortalité diminue
de 7% en choisissant du poisson, 13% pour la volaille, 19% pour les oléagineux, 10% pour les
légumes, 10% pour les produits laitiers à 0% et 14% pour les
céréales complètes. Selon eux, la diminution de la consommation
de viande rouge aurait pu sauver la vie à 9,3% des
hommes et à 7,6% des femmes au terme de l'étude.
Différents facteurs semblent poser problème dans la viande rouge. Le fer notamment qui joue un rôle
oxydant, favorisant les maladies inflammatoires et le vieillissement lorsqu'il est présent en trop grande
quantité, en particulier chez les hommes ou les femmes ménopausées (voir notre article). Les graisses présentes dans la viande rouge, en majorité saturées ou de type oméga-6, pourraient également jouer un rôle.
Dans les viandes cuisinées ou préparées industriellement, c'est la présence de sodium, de nitrites ou la formation de composés cancérigènes qui posent problème (voir notre article sur la glycation et la "réaction de Maillard"). Néanmoins, même si les chercheurs reconnaissent le danger de tous ces éléments, ils
constatent aussi qu'il existe probablement des éléments nocifs actuellement non identifiés.
Une consommation élevée de viande rouge augmenterait également les risques de souffrir d’un cancer du sein, de la vessie, de l’estomac et du pancréas. Le cancer du colon est également favorisé par la forte consommation de viande et de charcuteries(1). Idem pour le cancer colorectal (2).
« Cette étude amène une preuve claire
que la consommation régulière de
viande rouge et en particulier de
charcuterie, contribue
significativement à une mortalité
prématurée. Faire de meilleurs choix
pour ses sources de protéines à la
place de la viande rouge peut amener
un bénéfice significatif pour la santé
en réduisant les maladies chroniques
et la mortalité. » - Dr Hu, à l’origine
de cette étude.
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On connait 2 facteurs qui peuvent expliquer le coté nuisible de trop de viande.
1- Premier coupable probable, une molécule : l’hème (3), qui donne sa couleur
rouge à la viande et qui serait néfastes pour les cellules du système digestif, favorisant à force de consommation de viande, l’apparition d’un cancer.
2 – La cuisson de la viande à forte température, comme sur unbarbecue, pourrait
aussi créer des substances cancérigènes (amines hétérocycliques) (4)
Viande & Diabète Type 2
Quand on augmente sa consommation de viande rouge, on accroit en conséquence son risque de diabète de
type 2. Par rapport aux personnes qui à consommation constante de viande rouge, ceux qui augmentaient d’une 1/2-portion de viande par jour sur une période de 4 ans voient leur risque de diabète de type 2
s’accroître de 48 % sur les 4 années suivantes. En cause : l’augmentation du taux de fer et de nitrites (charcuteries) ainsi que la prise de poids. C’est la conclusion d’une étude américaine réalisée auprès de 26 000 hommes et 122 000 femmes auxquels on a fait remplir depuis 1986 tous les 4 ans un questionnaire sur
leurs habitudes alimentaires.
(1) La consommation de viande rouge et de charcuteries est incriminée dans la survenue de cancers du
côlon, première cause de mort par cancer chez les non-fumeurs en France : chaque jour, 100 personnes sont atteintes, 45 en meurent. En 2007, le World cancer Research Fund (WCRF) a montré que la consommation de charcuteries est liée au cancer du côlon, avec un facteur de certitude très
élevé. (source Inra) (2) Etude de juin 2005, des Dr Elio Riboli et Teresa Norat, in JNCI -Journal of the National Cancer
Institute-, basée sur les données de l’Etude prospective européenne sur le cancer et la nutrition, -
EPIC-. Plus de 500 000 Européens ont été passés au crible pour étudier les associations possibles de la consommation de viande rouge, des préparations carnées, des volailles et des poissons sur le
risque de cancer colorectal. Le risque de cancer colorectal croît de 49 % par 100 g. de viande « rouge » consommée quotidiennement. En revanche, plus de 100 G. de poissons par jour réduisent le risque de moitié. Le danger lié à une consommation de viande rouge est indépendant de la
diminution de celle-ci pour le poisson. (3) L’hème est la molécule qui donne sa couleur à la viande, c’est à dire au muscle, et donc également à
la charcuterie. Plus l’hème est abondante, plus le muscle est rouge. Cette molécule apporte le fer sous la forme la plus facilement assimilable par notre organisme.
(4) Les amines hétérocycliques (AH) sont des composés chimiques formés au cours de
la cuisson des viandes, du poisson ou de la volaille, principalement si la viande est grillée à haute température ou cuite pendant longtemps. On n’a pas prouvé qu’ils causent
directement des cancers chez l’homme mais il vaut mieux utiliser une chaleur modérée lorsque vous faites griller, que vous rôtissez ou faites cuire à la poêle.
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Viande Et Environnement
Deuxième source de gaz à effet de serre, la production de viande est
également à l’origine de pollutions fluviales et terrestres, de déforestations à
grande échelle, de désertification
Selon le rapport de la FAO (Livestock’s Long Shadow – Environmental Issues and
Options – 2006), l’industrie de l’élevage destiné à la production de viande, d’œufs et
de produits laitiers est la deuxième source de gaz à effet de serre. Pour un seul kilo de
viande, ce sont 34,2 kg d’équivalent CO2 qui sont émis. L’élevage est responsable de
près du cinquième de l’ensemble des émissions contribuant au réchauffement
climatique. Si l’on prend en compte les émissions de gaz provenant du fumier, de
l’énergie consommée pour produire les engrais utilisés pour l’alimentation du bétail
adulte, la digestion des bovins, les émissions provenant des défricha ges pour faire
paître le bétail. L’élevage émet 37 % du méthane (gaz dont l’effet en termes de
réchauffement est 23 fois plus importants que celui du CO2), 65 % des émissions de
protoxyde d’azote, 64 % des émissions d’ammoniac, une des principales causes des
pluies acides.
Une étude originale menée par des chercheurs japonais étudie l’ impact de la consommation
d’un kilogramme de viande de bœuf sur l’environnement. Ils ont ainsi jaugé les effets de la
production de bœuf sur le réchauffement climatique, l’acidification de l’eau, la consommation
d’énergie. Pour évaluer l’impact de la production de viande, ils ont quantifié par exemple l’énergie
consommée pour assurer le transport de l’alimentation. Ces dernières composées de. Ils se sont
aussi intéressés aux déjections, acides et organiques, afin d’avoir une vision globale de la charge
environnementale de la production d’un Kilo de bœuf.
Selon eux, la consommation d’une grosse pièce de bœuf représente le même impact écologique
qu’un trajet de 250 km en voiture et brûle assez d’énergie pour allumer une ampoule de 100 watts
pendant près de vingt jours. Et encore, ils n’ont pas tenu compte du transport de la viande de la
ferme au consommateur. Ce qui devrait accroitre encore un peu plus la facture écologique.
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La nourriture de
Demain
Alors que la planète a officiellement atteint les 7
milliards d’habitants en octobre dernier, une question se
fait de plus en plus pressante : comment peut-on
répondre aux besoins alimentaires d’une population
grandissante ? Comment nourrir 2,5 milliards de
bouches supplémentaires à l’horizon 2050, sachant que
déjà plus d’un milliard de personnes souffrent de la faim
dans le monde ?
Les scientifiques se penchent sérieusement sur
la question.
Les scientifiques sont partis d’un constat simple. Il y a 50 ans, la
réponse à la nécessaire production alimentaire a été apportée par
une production intensive utilisant des engrais chimiques. Le
résultat a été positif mais alors qu’on récolte deux fois plus de
nourriture, on utilise également trois fois plus d’eau provenant de
rivières et de nappes phréatiques, sans compter la pollution.
Alors que la démographie ne cesse
d'augmenter, cette question taraude tant les
scientifiques que les économistes et hommes
politiques. Selon l'ONU, nous devrons presque
doubler notre production alimentaire, adopter de
nouvelles technologies et éviter le gaspillage.
Malgré tout, la tâche semble malaisée : un milliard
de personnes souffrent déjà de faim chronique, il
reste peu de terres vierges à découvrir, les océans
sont déjà surexploités, la planète fait face à une
pénurie croissante d'eau et le changement
climatique rendra l'agriculture plus difficile. Mais
utiliser les terres et l'eau autrement reste possible.
Voici un tour d'horizon de la nourriture que nous
pourrions trouver dans nos assiettes dans quarante
ans.
De nouvelles sources de
protéines ?
Manger des algues,
l’avenir alimentaire de
notre planète ?
Des insectes dans nos
assiettes
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Mangerons-nous un jour des
Algues ?
Pour l’avenir, les algues pourraient-elles être la solution
? Ces dernières se développent rapidement en mer, dans
les eaux polluées ou dans des endroits dans lesquels ne
survivrait aucune culture classique.
Ces organismes unicellulaires simples peuvent en
effet se développer très rapidement et en grande
quantité à la fois en mer mais aussi dans des eaux
polluées ou dans des endroits dans lesquels ne
survivrait aucune culture classique.
Surtout, les algues peuvent être utilisées pour
l'alimentation humaine pour l'alimentation animale,
comme engrais ou surtout comme biocarburant. Selon
les scientifiques, que citent le Guardian, les algues
peuvent produire 15 à 30 fois plus d’huile que le maïs
et le soja. Elles permettraient donc d'économiser des
millions d'hectares de terres (et des milliards de litres
d'eau d'irrigation) qui seraient destinés à l'alimentation
humaine et non plus à faire rouler nos voitures. Les
algues sont pleines de promesses. Elles produisent
des omégas 3 nécessaires au développement et au bon
fonctionnement du corps. Riches en antioxydants, en
vitamines (A, E, B1, B3), elles pourraient être utilisées
dans les produits cosmétiques pour lutter contre les
sécheresses de la peau, contre les radicaux libres ou
aider au renouvellement des cellules. En chine et au
Japon, elles sont déjà couramment consommées.
La consommation mondiale d’algues ne cesse de
croître. En effet, elle s’élevait à plus de 3 millions de
tonnes en 1992 pour arriver en 2007 à près de 9
millions de tonnes. Ceci représente près de 1,5 kg
d’algues consommées par an et par habitant de la
planète
Une société française, une des meilleures start-up française, « Fermentalg » s’est spécialisée dans l’étude et la
production de molécules d’intérêt à partir des micro-algues. Ses résultats sont déjà surprenants.
Chez Fermentalg, les micro-algues passent par un processus de traitement destiné à donner des souches qui serviront à
produire : des lipides, des pigments, des hydrocarbures etc.
Fermentalg s’y emploie depuis quatre ans et a déjà obtenu des succès significatifs. Les scientifiques, en collaboration
avec les producteurs de la marque d’huile Lesieur qui y travaillent devraient en principe produire industriellement à
partir de 2014 des huiles alimentaires à base de micro-algues.
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Laitue de mer : riche en iode, en vitamine C et en fer
Le haricot de mer : riche en fibres, il se cuisine
comme des haricots ou des pâtes
Le dulce : riche en vitamine A, le dulce se cuisine en
salade ou avec des fruits de mer
Le nori : l’algue rouge la plus consommée au monde,
fréquemment utilisée en cuisine et dont les Japonais se
servent notamment pour enrouler les sushis riche en
vitamine A et B
L’utilisation des algues pour l’alimentation humaine
fut officialisée en 1990 par le Conseil Supérieur
d’Hygiène Publique de France (CSHPF). Elle fut
ensuite autorisée par la Communauté Européenne
l’année suivante. L’algue alimentaire se présente sous
différentes formes, 12 sont autorisées comme matières
premières alimentaires en France.
Elles peuvent être soit extraites des fonds marins, soit
ramassées à marée basse, soit cultivées au large par des
algoculteurs.
Valeur nutritionnelle Une étude récente a analysé la teneur en nutriments de différentes algues comestibles et comparé une portion type (8 g d’algues séchées) aux apports quotidiens recommandés.
Minéraux Comme les algues absorbent les minéraux dans la mer, elles sont riches en minéraux et en oligoéléments. Les algues tendent à stocker davantage le calcium et le fer que les plantes terrestres. Par exemple, une portion de 8 g d’haricot de mer séché apporte plus de calcium qu’une tasse de lait, et une portion de dulce contient plus de fer qu’un steak de 100 g , bien qu’ il est possible qu’il soit moins bien absorbé par l’organisme. Les algues sont également très riches en iode, essentiel au fonctionnement hormonal. Toutefois, l’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques a mis en garde contre certaines espèces d’algues particulièrement riches en iode et recommande de fixer une limite à la quantité d’iode que peuvent contenir les produits à base d’algues dans l’Union européenne. De plus, les algues vertes peuvent accumuler des métaux lourds comme l’arsenic. Une étude menée en 2004 a en effet découvert que les algues hijiki contenaient des quantités significatives d’arsenic. La Food Standards Agency du Royaume-Uni a donc invité les consommateurs à éviter de manger ce type d’algues. Enfin, la teneur souvent très élevée en sodium des algues doit être prise en compte, notamment en cas de régime hyposodé (sans sel).
Autres nutriments Les algues contiennent de petites quantités de graisses, et certaines variétés sont riches en protéines. La plupart contiennent des taux d’acides aminés essentiels comparables aux légumineuses et aux œufs. On trouve également de la vitamine A, C et E dans les algues, et c’est également l’une des rares sources végétales de vitamine B12, d’où leur intérêt dans le cadre d’un régime végétarien ou végétalien. Les algues sont une excellente source de fibres, de minéraux et de nutriments. Elles sont sans danger pour la santé, encore qu’il faille faire attention à certaines variétés en raison de leur teneur élevée en sodium, en iode et en métaux lourds. D’une manière générale, les algues ont tout à fait leur place dans un régime équilibré.
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« Les insectes se reproduisent
rapidement et présentent des taux de
croissance et de conversion alimentaire
élevés. Ils ont ont un faible impact sur
l'environnement pendant tout leur cycle
de vie. Ils sont nutritifs, avec une teneur
élevée en protéines, matières grasses et
minéraux et peuvent être consommés
sous différentes formes » - FAO
Des Insectes dans nos assiettes
Les insectes sont d’excellentes sources de protéines et de calcium, avec une faible
teneur en graisse et en cholestérol. Les insectes ont d’ailleurs un rendement plus
important que le bétail à viande, avec moins de besoins, ce qui pourrait limiter les gaz à
effet de serre. La demande en protéines animales devrait augmenter de plus de 70% d’ici à
2050. Pour la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), le
régime occidental à base de viande de bovin, de porc ou de volaille, ne permettra pas de
répondre à cette nouvelle demande.
L'organisation des Nations unies pour l'alimentation
et l'agriculture (FAO) a rappelé que les insectes présentent l'avantage de se reproduire rapidement, d'avoir un faible impact environnemental et d'être nutritifs. De quoi encourager leur élevage et leur consommation régulière dans les pays pauvres où règne la famine. Alors que près de deux milliards d'humains consomment régulièrement des insectes dans certaines régions d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine (on parle d'entomophagie), cette alimentation vient de faire des émules chez les experts de l'ONU. Ce n'est pas l'aspect gastronomique de la chose qui intéressent les membres de la Food and Agriculture Organization mais plutôt ses nombreux avantages. Alors que huit kilos d'aliments sont nécessaires pour en produire un seul de viande de bovin, seuls deux kilos suffisent pour en produire un d'insectes. Les deux kilos en question peuvent d'ailleurs provenir de déchets organiques (déchets alimentaires ou compost, par exemple). De plus, les insectes ont besoin de beaucoup moins d'eau et ils produisent moins de gaz à effet de
serre que le bétail, comme le relève le rapport de la FAO présenté à Rome par Eduardo Rojas Briales, directeur-général adjoint pour les forêts. Un tiers de la population se nourrit d' insectes, la production en est rentable. A ce jour, un tiers de la population se nourriraient d' insectes. Des insectes sont en vente sur les marchés de Kinshasa, sur ceux de
Thaïlande ou encore du Chiapas au Mexique, et ils commencent à apparaître dans les menus de restaurants en Europe. Or, en étant soutenus par le programme de la FAO destiné à encourager cet élevage, les choses devraient même s'accélérer. Pour le moment, les insectes sont utilisés à grande échelle comme ingrédient alimentaire pour les animaux d'élevage (poissons et
volailles) mais, comme le souligne la FAO, "d'ici à 2050, plus de 9 milliards de personnes devront être nourries, tout comme les milliards d'animaux élevés chaque année". Des chiffres qui devraient selon la FAO inciter à sérieusement envisager les insectes comme une nourriture, notamment pour les populations les plus démunies.
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Près des deux
tiers des surfaces agricoles sont déjà consacrés à la production animale et il n’est pas envisageable de les étendre à l’infini à moins d’affamer les pays pauvres. Il faut donc se tourner vers d’autres solutions, plus équitables et plus durables. C’est ce que font depuis plusieurs années des chercheurs de l’université de Wageningen aux Pays-Bas. Ils étudient deux pistes en particulier: soit cultiver de la viande en laboratoire dans des fermenteurs ou, plus simplement, manger des insectes, une pratique courante en Afrique et en Asie du Sud-Est.Pour Dennis Oonincx et Imke de Boer, les vers de farine pourraient constituer une source de protéines animales particulièrement intéressante. Leur élevage a un impact écologique très limité. La production d’un kilogramme de protéines d’insectes mobilise en effet dix fois moins de surfaces agricoles qu’un kilogramme de protéines fournies par la viande bovine. Il suffit de 2,2 kg de nourriture pour produire 1 kg de vers de farine, ce qui est mieux là aussi que pour les bovins et pour les porcs.
L’Elevage des vers de farine a d’autres atouts.
Son bilan carbone est très inférieur à celui des élevages bovins ou porcins. L’essentiel des émissions de gaz à effet de serre est limité aux transports des aliments dont on nourrit les insectes (un mélange de graines de céréales et de carottes). Contrairement aux ruminants, les deux insectes rattachés à la famille des coccinelles et des scarabées n’émettent pas de méthane au cours de leur digestion. L’élevage est facile. Les insectes n’ont pas besoin de beaucoup de place et peuvent être manipulés sans difficulté. Leur reproduction ne pose aucun problème. Le femelle ténébrion est mature au bout de dix semaines et elle pond 160 œufs. La femelle de l’autre espèce est encore plus prolifique avec 1500 œufs. Plusieurs générations peuvent être produites dans la ferme au cours d’une même année. Les chercheurs de l’université de Wageningen sont conscients du fait que les populations européennes sont plutôt réticentes à l’idée de devenir entomophages. Les seuls arguments pour modifier les comportements alimentaires étant actuellement basés sur la santé, on peut penser que les choses ne sont pas près de changer même si les vers de farine sont très riches en protéines et moins gras que les viandes classiques. Envisager une alimentation à base
d’insectes s’avèrera sans doute nécessaire au fil des années. S’ils ne sont guère appréciés des Occidentaux, de nombreuses populations en Afrique, en Asie et en Amérique Latine se nourrissent toutefois – et ce depuis toujours – d’au moins 1 400 espèces d’insectes différentes. En plus d’être bons pour la santé, car riches en protéines, en calcium, en fer et faibles en matières grasses et en cholestérol, les insectes ont l’atout pratique de ne requérir que peu d’espace.
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Un impact écologique incomparable
Les travaux récents sur la faible contribution d'un élevage d'insectes alimentaires sur l'émission de NH 3 et de gaz à effet de serre accentuent encore davantage l'intérêt porté au marché de l'alimentation à base
d'insectes. Enfin, élevées sur des substrats secs, les insectes sont peu consommateurs en eau. La production d'insectes alimentaires constitue donc une piste intéressante pour les éleveurs et les filières
de productions animales, à la recherche d'alternatives durables et respectueuses de l'environnement.
Comparons l'impact écologique des vers de farine (ou ténébrions meuniers) avec nos
sources habituelles de protéines telles que le porc, le poulet ou le bœuf. Les trois tableaux
suivants décortiquent l'impact sur le réchauffement climatique, l'énergie consommée et l'espace utilisé pour produire un kilo de protéines
Une alternative aux productions animales intensives Beaucoup d’élevages porcins, bovins et de volailles
pratiquent l’élevage intensif pour augmenter le rendement et répondre à la demande. 80 % des
poules soit 36 millions d’individus sont élevées de cette manière. Cette pratique se traduit notamment
par une forte densité d’animaux et un environnement très différent du milieu naturel des
animaux. Les élevages en batteries confinent les animaux dans des cages et l’espace disponible est
réduit au minimum vital. Avec l’élevage, le transport et l’abattage des
animaux peuvent aussi être sources de problèmes dans certains cas. Le transport peut engendrer des
blessures comme des fractures.
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La production de gaz à effet de
serre est considérée comme une cause
prédominante du changement climatique. Les
gaz à effet de serre les plus importants sont le
dioxyde de carbone (C02), le méthane (CH4) et
l’oxyde nitreux (N2O). Les élevages
traditionnels pour la production de viande
contribuent fortement aux émissions
anthropogéniques de ces gaz. Ces élevages
produisent aussi une grande quantité
d’ammoniac (NH3) responsable de
l’acidification et de la nitrification des sols.
Les chercheurs de l’Université de Wageningen
(Pays-Bas) ont récemment montré que l’élevage
d’insectes comestibles comme les criquets, les
grillons et les vers de farine produisait beaucoup
moins de gaz polluants comme le méthane et
l’oxyde de nitrate que les élevages porcins et
bovins. Produire un kilo de vers de farine
entraine l’émission de 10 à 100 fois moins de
gaz à effet de serre que produire un kilo de
viande de porc. A poids égal, le cochon produit
8 à 12 fois plus d’ammoniac que les criquets et
jusqu’à 50 fois plus que les sauterelles.
L’élevage d’insectes est ainsi une alternative
pour la production de protéine animale à faible
impact environnemental.
Maintien de la biodiversité
Plusieurs études scientifiques ont permis de
mettre en évidence des liens entre
l’entomophagie et le maintien de la biodiversité.
Au Malawi, la consommation et la récolte
contrôlée d’une espèce de chenille ont permis la
sauvegarde de leur arbre hôte et ainsi la
préservation de la chenille.
Même si les élevages d’insectes à des fins
alimentaires ont tendance à se développer, une
grande majorité des espèces d’insectes
consommées en Asie ou en Afrique provient de
prélèvements en milieux naturels. Non
contrôlés, ces prélèvements peuvent mettre en
danger les espèces. L’élevage permet de réduire
les prélèvements en milieu naturel par un
approvisionnement fiable en insectes
comestibles. L’élevage peut aussi réduire la
pollution organique en recyclant les déchets
agricoles et forestiers dans de l’alimentation de
haute qualité.
Les animaux ne transforment pas toute la nourriture qu’ils
ingèrent pour se développer. Une partie est notamment
utilisée par les animaux pour se chauffer. Les insectes ne
produisant pas de chaleur, la majorité de ce qu’ils ingèrent est
dédiée à la croissance. En effet, avec 10 kg d’aliments, vous
produisez 1 kg de viande bovine, 3 kg de viande porcine, 5
kg de volaille et 9 kg d’insecte. Ainsi, produire de grosses
quantités de protéines issues d’insectes nécessite moins de
produits agricoles.
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La Viande In Vitro, une utopie
alimentaire ?
Manger de la Viande Artificielle,
D'ici à 2050, la consommation mondiale de viande devrait
doubler. Or, jusqu'à quel point peut-on développer un élevage
intensif, gourmand en eau et en énergie, producteur de gaz à
effet de serre et sans égard pour la souffrance des animaux ?
Le 17 avril 2013, une équipe du
chercheur
néerlandais Mark
Post créait le premier
hamburger à base de
viande in vitro à
partir de cellules
souches de vache et
présenté à Londres.
Il a fallu six semaines et 250.000 euros à
son créateur pour le mettre au point à partir
de 20.000 minuscules tranches de viande
cultivées en laboratoire. Ce coût pourrait
évidemment baisser en développant cette
fabrication à l'échelle
industrielle Menée auprès de scientifiques,
d'ingénieurs, d'éleveurs, d'un responsable
d'association de défense
des animaux et de
consommateurs, cet
article offre un tour
d'horizon des recherches
autour de la viande et de
ses alternatives
"La demande en viande va doubler dans les
quarante ans qui viennent. Aujourd’hui,
nous utilisons 70% de nos capacités
agricoles pour la production de viande. On
comprend bien pourquoi il nous faut trouver
des alternatives", avait souligné Mark Post,
scientifique néerlandais de l'université de
Maastricht à l'origine de cette expérience.
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Des Cellules Souches à la viande consommable
Le pavé de 140 grammes est élaboré en accumulant des milliers de fines lamelles de
tissu musculaire produites in vitro, explique l'Independent. L'homme derrière cet événement
médiatique est le biologiste néerlandais Mark Post, de l'université de Maastricht. Ce
physicien de formation s'inspire de techniques connues et utilisées depuis des années pour
reconstruire en laboratoire des organes ou des tissus humains en vue de greffes.
Mark Post et son équipe ne sont pas les
seuls dans le monde à explorer la voie de
la viande synthétique. Les chercheurs
hollandais et américains mettent en avant
l'intérêt d'une méthode qui se substituerait à
l'élevage traditionnel, dont on sait qu'il
requiert énormément d'eau, d'espace, de
végétaux et dégage beaucoup de CO2, pour
un faible rendement en protéines.
Pour le professeur Post, l'enjeu premier est
d'apporter une réponse à une crise alimentaire jugée inévitable. La FAO, organe des Nations Unies dédié aux problématiques de sécurité alimentaire, estime que la consommation de viande augmentera de 70% au cours des 40 prochaines années, suivant le mouvement de la courbe démographique mondiale. Les méthodes de production actuelles ne permettront pas de répondre à cette demande exponentielle,
70% des surfaces agricoles mondiales étant déjà utilisées pour élever du bétail.
Autre avantage invoqué par l'équipe de scientifiques: la culture de viande in vitro nécessite très peu d'animaux (une seule vache permettrait de produire 175 millions de steaks). En limitant la déforestation à visée agricole et les émissions de gaz à effet de serre causées par les bovins, elle réduirait les impacts environnementaux désastreux de la culture intensive de bétail.
Dans un document publié pour l’occasion
(Background information, cultured meat), quelques chiffres étaient proposés,
impressionnants. Par rapport à l’élevage animal, la production de viande artificielle réduirait : les
besoins en énergie de 45 % ; les émissions de gaz à effet de serre de 96 % ; les superficies nécessaires
de 99 %
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Certains tissus vivants comme le sang ou les os contiennent des « cellules souches », des cellules capables de se régénérer. Les muscles contiennent également de telles cellules, baptisées « myoblastes ».
Dans les années 1990, ces dernières
étaient au cœur des recherches pour traiter les patients atteints de maladies musculaires. En leur transférant les myoblastes d’un
donneur compatible, un muscle sain se reconstituait. Mais la technique était lourde,
comparable à une greffe. Et face à son manque d’efficacité, elle a fini par être abandonnée.
Cependant, à l’université de Maastricht, aux Pays-Bas, des chercheurs ont eu l’idée d’utiliser ces mêmes myoblastes afin d’obtenir directement du muscle, autrement dit de la « viande in vitro » ou encore de la « viande artificielle »
Prélevés sur un animal mort ou vivant
(par biopsie*), des extraits de tissu
musculaire sont fractionnés, puis placés
dans des boîtes de Pétri et recouverts de
collagène.
Leur milieu nutritif – en l’occurrence
du sérum de cheval – est enrichi en
facteurs de croissance, en nutriments énergétiques, en acides aminés, en hormones ainsi qu’en
antibiotiques et en antifongiques afin d’éviter toute contamination
"Les cellules souches ont l'avantage de se reproduire très facilement, en très grande
quantité, et d'évoluer de manière autonome en tissu musculaire" , explique Mark Post
.*Biopsie : Une biopsie est le prélèvement d'une très petite partie d'un organe ou d'un tissu pour effectuer des examens
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Hormones et produits de croissance
Après une semaine d’incubation, les cellules souches se
multiplient puis finissent par fusionner. Des dispositifs
d’élongation leur permettent de se contracter et de se
relâcher afin d’acquérir des caractéristiques similaires à
celles des fibres naturelles A l'issue du processus, les
cellules deviennent de minuscules tranches de viande qui,
une fois assemblées, forment un steak d'aspect tout à fait
ordinaire.
« Dans 20 ans, on pourra avoir dans nos supermarchés
deux produits ayant exactement le même goût et la
même apparence. L’un provenant de la vache qui
comportera une écotaxe et impliquera que des animaux
aient été tués. L’autre venant du labo sans que personne
n’ait eu à souffrir et potentiellement moins cher. D’un
point de vue écologique et éthique, la technologie in vitro
ne présente que des avantages », Mark Post.
Source d’un Débat Alimentaire
La viande artificielle est à l’origine de nombreuses critiques
La production de viande in vitro ne fait pas l'unanimité au sein de la communauté scientifique. Jean-François Hocquette, chercheur à l'Institut national de recherche agronomique (Inra), explique
pourquoi ce procédé maîtrisé de longue date ne connaît qu'un engouement limité .
En revanche, certains s’opposent fermement à ces steaks in vitro, qui voient dans ces solutions une nouvelle menace pour les petits éleveurs familiaux. Certains avancent aussi que cette viande
« désincarnée» mettrait une distance plus grande encore entre le consommateur et le produit qu’il consomme.
Par ailleurs, à supposer que le défi technologique soit un jour relevé - Mark Post a annoncé une
commercialisation d'ici 5 à 10 ans - le succès de ces produits auprès des consommateurs n'est pas acquis,
notamment parce que la viande synthétique cumule deux handicaps. D'abord, elle est artificielle. «Or les
consommateurs européens ont déjà du mal avec les OGM. Alors que dire si on leur propose de la viande
artificielle élevée aux hormones et au sérum fœtal de veau, un produit que l'on connaît mal», explique-t-il.
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Mais la culture
de viande in
vitro se situe
presque
aux
antipodes du procédé employé
pour produire des organismes
génétiquement modifiés
(OGM). En effet, la production
d'OGM consiste à modifier
volontairement le patrimoine
génétique d'un organisme
vivant, en insérant un ou
plusieurs nouveaux gènes dans
son génome. A l'inverse, la
production de viande à partir
de cellules souches n'implique
aucune modification
génétique. Les cellules se
développent simplement hors
de l'organisme dont elles sont
issues.
Par ailleurs, nul ne connaît pour l'instant la valeur gustative de ce
steak à 290.000 euros. En effet, la matière produite en laboratoire et
qui sera servie à Londres est «du muscle, pas de la viande», rappelle
Jean-Français Hocquette, directeur des recherhs de l’INRA. «La
viande résulte d'un processus particulier: quand on abat un animal, la
chair prend une rigidité cadavérique puis le pH évolue naturellement,
déclenchant l'action d'enzymes qui attendrissent la viande». En outre,
le muscle qui finira dans notre assiette ne contient en réalité pas
uniquement des cellules musculaires. On y trouve également des
nerfs, du collagène et du gras, à l'intérieur et à l'extérieur. Autant
d'éléments qui ont un impact certain sur le goût et expliquent la
différence des saveurs entre la bavette, l'entrecôte et le rôti de bœuf.
Enfin, l'argument principal de Mark Post, à savoir le gain écologique
d'une production de viande en laboratoire, bien que documenté dans
des études scientifiques, laisse l'expert de l'Inra dubitatif. «Les
laboratoires géants nécessaires à la production industrielle vont
nécessiter de l'eau, et des énergies fossiles pour les faire fonctionner»,
rappelle-t-il. Selon lui, une meilleure solution pour réduire l'impact
environnemental de l'élevage consisterait à diminuer la
consommation de viande dans les pays développés, où elle est élevée,
en la remplaçant par des protéines végétales.
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