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Ann. Endocrinol., 2006 ; 67, 1 : 100-101 © Masson, Paris, 2006

SEPTIÈMES RENCONTRES NATIONALESDES INTERNES EN ENDOCRINOLOGIE

TESTS GÉNÉTIQUES DES SYNDROMES DES PHÉOCHROMOCYTOMES

Emmanuelle Sokol

Service de Diabétologie, Hôtel-Dieu, Paris.

D’après la conférence de Chr. Pawlu (Freiburg, Allemagne) au cours des 48

es

Journées Internationales d’Endocrinologie CliniqueHenri-Pierre Klotz « La génétique moléculaire au service de l’endocrinologie », Paris, 19-20 mai 2005.

Durant ces dernières années, plusieurs études ontmontré que certains phéochromocytomes et paragan-gliomes sont liés à des syndromes génétiques[1]. Envi-ron un quart des patients atteints seraient porteursd’une mutation germinale d’un gène responsable de cestumeurs.

Les phéochromocytomes et les paragangliomes sontdes tumeurs du système nerveux autonome. On réservel’appellation de phéochromocytome aux localisationssurrénalienne, abdominale extra-surrénalienne et thora-cique : la plupart sont fonctionnels (sécrétion de caté-cholamines). Le terme de paragangliome s’appliqueaux lésions de la tête et du cou, la majorité est nonsécrétante.

QUATRE SYNDROMES GÉNÉTIQUES DE TRANSMISSION

AUTOSOMIQUE DOMINANTE SONT IMPLIQUÉS

NEM 2 : néoplasie endocrinienne multiple de type 2 [2]

La triade de la NEM 2 est caractérisée par hyperparathyroï-die, carcinome médullaire thyroïdien (CMT) et phéochro-mocytome. Dans 25 % des cas, le phéochromocytome estdiagnostiqué avant le CMT[3]. Cette pathologie estliée à une mutation du proto-oncogène

RET

, localisé sur lechromosome 10q11.2, qui code pour un récepteur trans-membranaire avec activité tyrosine kinase. Il existe uneforte corrélation génotype-phénotype.

On distingue trois maladies différentes en fonction dutype de mutation :— NEM 2A (domaine extra-cellulaire, 85 % des casavec codon 634 affecté),— NEM 2B (domaine intra-cellulaire),— CMT familial.

Les phéochromocytomes sont quasi-exclusivementsurrénaliens, ils sont malins dans 4 % des cas. Unpatient chez qui un phéochromocytome révèle l’exis-tence d’une NEM 2 bénéficiera d’une thyroïdectomie,même avant l’apparition d’un CMT. La recherche desmutations les plus fréquentes de

RET

se fait en routine(codons 609, 611, 618, 620, 634, 768, 804, 918).

Maladie de Von Hippel-Lindau (VHL) [4]

Les atteintes principales sont des angiomes rétiniens,hémogioblastomes de la moelle épinière et du cerveau,

phéochromocytomes, kystes rénaux, carcinomes rénauxà cellules claires, kystes pancréatiques. L’incidence estde 1/39 000 naissances par an. La maladie est liée à uneatteinte du gène VHL. Plus de 400 mutations ont étéidentifiées. La plus fréquente est une mutation faux sensdu codon 167 (43 % des cas). Les mutations des codons595 et 695 semblent être associées à la survenue pré-coce de phéochromocytomes. Le gène VHL est localisésur le chromosome 3p25. C’est un gène suppresseur detumeur retrouvé dans la plupart des tissus et impliquédans la régulation des gènes induits par l’hypoxie etdans ceux impliqués dans la régulation du cycle cellu-laire. Les mécanismes physiopathologiques de la maladiesont encore mal connus.

Neurofibromatose de type 1 (ou maladie de Von Recklinghausen)

Les neurofibromatoses sont des pathologies génétiquesassociant des tumeurs des tissus d’origine neurecto-dermique. On distingue deux types de neurofibromatosesselon l’absence (type 1, 90 % des cas) ou la présence(type 2) de neurinome de l’acoustique. Le diagnostic estposé sur la présence d’au moins deux signes parmi lessuivants : > 6 taches café au lait, > 2 neurofibromes ou1 neurofibrome plexique ou 1 gliome optique, > 2 ha-martomes iridiens (nodules de Lisch), lésions osseuses.Un seul de ces signes suffit en cas d’antécédent familialau premier degré. NF1, le gène responsable, comporte60 exons, il est localisé sur le chromosome 17q11 etcode pour une protéine qui a un rôle de suppresseur detumeur, la neurofibromine. Dans la moitié des cas, ils’agit de mutations

de novo

; aucun site préférentiel demutation n’a été mis en évidence ; 90 % des phéochro-mocytomes sont de siège surrénalien, 90 % sont uni-latéraux, 11,5 % sont malins[5].

Les paragangliomes

Des mutations responsables de paragangliomes, familiauxou non, ont été mises en évidence ces dernières annéesdans les gènes codant pour des sous-unités de la succi-nate déshydrogénase (SDH)[6]. Impliquées dans la chaînerespiratoire mitochondriale, ces sous-unités protéiquessont codées par les gènes SDHA, SDHB, SDHC et SDHD.Ces trois derniers sont impliqués dans la survenue des

Vol. 67, n° 1, 2006 Septièmes rencontres nationales des internes en endocrinologie

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paragangliomes, par modification de la sensibilité in-tra-cellulaire à l’oxygène elles seraient impliquées dans latumorogenèse en signalant un état d’hypoxie permanent.— SDHD : 74 % de multi-localisations, siège tête et cou+ surrénale, pas de tumeur maligne.— SDHB : 28 % de multi-localisations, 35 % de tu-meurs malignes.— SDHC : rares cas décrits, siège tête et cou dans100 % des cas, pas de tumeur maligne.

ATTITUDE RECOMMANDÉE CHEZ LES PATIENTSPRÉSENTANT UN PHÉOCHROMOCYTOME

ET/OU UN PARAGANGLIOME

— Recueil des antécédents personnels et familiaux.— Imagerie (TDM et IRM abdominales) : nombre delésions, anomalies rénales, pancréatiques.— Biologie : taux de calcitonine, calcémie, PTH1-84.— Fond d’œil.— éventuellement, IRM cérébrale et médullaire, et/oucervico-thoracique ; scintigraphie à la MIBG, octréoscan.

En fonction des éléments, une analyse génétique sera effectuée

Le diagnostic peut modifier la prise en charge du patient(risque de localisations multiples, d’autres tumeurs, decancers) et entraîner un conseil génétique familial. Unquart des phéochromocytomes dits « sporadiques »,sont en fait liés à un syndrome génétique : 70 % desphéochromocytomes familiaux sont dus à des mutationsde

RET

, 14 % à VHL, 5 % à NF1, 4 % à un des gènesSDH.

La quasi-totalité des paragangliomes familiaux sontdus à des mutations des gènes SDH[1, 7, 8]. Phéochro-mocytomes extra-surrénaliens à SDHB, SDHD, puis VHLet NF1 (tête et cou : SDHC). Phéochromocytomes et pa-ragangliomes : SDHB, SDHD, puis VHL et RET. Phéo-chromocytome et tumeur rénale : VHL, puis SDHB[1].Phéochromocytome malin : NF1, SDHB[5]. Phéochromo-cytomes multiples : RET, VHL, NF1, SDHD, SDHB, SDHC.

RÉFÉRENCES

1. Neumann HP, Pawlu C, Peczkowska M

et al

. Distinct clinicalfeatures of paraganglioma syndromes associated with SDHBand SDHD mutations. JAMA 2004 ; 292 : 943-51.

2. Marx SJ, Stratakis CA. Mulitple endocrine neoplasia – intro-duction. J Intern Med 2005 ; 257 : 2-5.

3. Modigliani E, Vasen HM, Raue K

et al

. Pheochromocytoma inmultiple endocrine neoplasia type 2: european study. TheEuromen Study Group. J Intern Med 1995 ; 238 : 363-7.

4. Kaelin WG Jr. Molecular basis of the VHL hereditary cancersyndrome. Nat Rev Cancer 2002 ; 2 : 673-82.

5. Walther MM, Herring J, Enquist E

et al

. Recklinghausen’sdisease and pheochromocytomas. J Urol 1999 ; 162 : 1582-6.

6. Gimenez-Roqueplo AP, Favier J, Rustin P

et al

. The R22X muta-tion of the SDHD gene in hereditary paraganglioma abolishesthe enzymatic activity of complex II in the mitochondrial res-piratory chain and activates the hypoxia pathway. Am J HumGenet 2001 ; 69 : 1186-97.

7. Neumann HP, Bausch B, McWhinney SR

et al

. Germ-line muta-tions in nonsyndromic pheochromocytoma. New Engl J Med2002 ; 346 : 1459-66.

8. Astuti D, Douglas F, Lennard TW

et al

. Germine SDHD mutationin familial phaechromocytoma. Lancet

2001 ; 357 : 1181-2.

À lire également :

Pawlu C, Bausch B, Reisch N, Neumann HPH. Genetic testing forpheochromocytoma-associated syndromes. Ann Endocrinol2005 ; 66 : 178-85.


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