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André Fazi, documents d’appoint au cours d’Introduction au droit de la décentralisation et
des collectivités territoriales, 2017-2018
Série n° 3
Document n° 1 : Conseil d’État, 3 juin 1983, Dame Vincent
Conseil d’Etat statuant au contentieux
N° 31680
M. Gazier, président
M. Van Ruymbeke, rapporteur
M. Robineau, commissaire du gouvernement
lecture du vendredi 3 juin 1983
Requête de Mme X... tendant à :
1° l’annulation du jugement du 24 décembre 1980 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa requête dirigée
contre la décision du préfet de l’Ille-et-Vilaine du 31 mars 1980 refusant de déclarer nulle de droit la délibération du
conseil municipal de la commune de La Bouexière du 9 juillet 1977 concernant la création d’un parking ;
2° l’annulation de la décision préfectorale susmentionnée ;
3° l’annulation comme nulle de droit, de la délibération susmentionnée ;
Vu la Constitution et notamment son article 72 ; la loi du 5 avril 1884 ; la loi du 3 août 1926 ; le décret du 5
novembre 1926 ; le code de l’administration communale ; le décret n° 77-90 du 27 janvier 1977 ; le code des
communes ; l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant qu’en vertu du 1er alinéa de l’article L. 121-10 inséré dans la section II “Fonctionnement“ du chapitre
Ier “conseil municipal“ du titre II du livre 1er du code des communes : “toute convocation est faite par le maire ... Elle
est adressée aux conseillers municipaux par écrit à domicile trois jours au moins avant celui de la réunion“ ; que le
livre 1er du code des communes annexé au décret du 27 janvier 1977 portant révision du code de l’administration
communale et codification des textes législatifs applicables aux communes, qui n’a pas été validé, n’a pu abroger ni
modifier au fond aucune des dispositions de valeur législative en vigueur au moment de son intervention ;
Cons. qu’à la date d’entrée en vigueur du décret précité du 27 janvier 1977 l’article 48 de la loi municipale du 5
avril 1884 avait été remplacé par l’article 26 du décret du 5 novembre 1926 de décentralisation et de déconcentration
pris en application de l’article 1er de la loi du 3 août 1926 ; que cet article 26 dispose que la convocation des conseillers
municipaux est adressée aux conseillers trois jours francs au moins avant celui de la réunion du conseil municipal ; que
si le décret du 5 novembre 1926 n’a pas été ratifié et n’est pas, par suite, un texte de forme législative au sens de
l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, la fixation à trois jours du délai de convocation des conseillers
municipaux qu’il prévoit et le caractère franc de ce délai qui en est inséparable sont un des éléments du régime de la
libre administration des collectivités locales au sens de l’article 72 de la Constitution ; qu’ils ne pouvaient être ainsi
modifiés que par une loi ; que, dès lors le décret précité du 27 janvier 1977 n’a pu légalement supprimer le caractère
franc du délai de trois jours dans lequel les conseillers municipaux doivent être convoqués à une réunion du conseil
municipal ;
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des collectivités territoriales, 2017-2018
Cons. qu’il résulte des pièces du dossier et qu’il n’est d’ailleurs pas contesté que les conseillers municipaux de la
Bouexière ont été convoqués le 6 juillet au matin à une réunion du conseil municipal qui s’est tenue le 9 au matin et
au cours de laquelle a été prise la délibération relative à la création d’un parking dans la commune ; que le délai de
trois jours francs n’ayant pas été respecté, la délibération du 9 juillet 1977 était illégale ; que le préfet d’Ille-et-Vilaine
était dès lors tenu d’en prononcer la nullité de droit ; que Mme X..., est, par suite, fondée à soutenir que c’est à tort
que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête tendant à l’annulation de la décision
du préfet d’Ille-et-Vilaine du 31 mars 1980 refusant de déclarer nulle de droit la délibération du conseil municipal de
la Bouexière en date du 9 juillet 1977 ;
Annulation du jugement et de la décision
Document n° 2 : Conseil d’État, 20 février 2000, Commune Heyrieux
Conseil d'État statuant au contentieux
N° 168541
M. Fouquet, président
Mme Mitjaville, rapporteur
M. Seban, commissaire du gouvernement
lecture du mercredi 23 février 2000
Vu la requête, enregistrée le 10 avril 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la
COMMUNE D'HEYRIEUX (38540), représentée par son maire en exercice, autorisé par délibération du conseil
municipal du 31 mars 1995 ; la COMMUNE D'HEYRIEUX demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de
pouvoir le décret n° 95-149 du 6 février 1995 relatif à la prime d'aménagement du territoire, en tant que ce décret
l'inclut dans la liste des cantons et communes énumérés à l'annexe III délimitant les zones visées à l'article 3 dudit
décret, dont les entreprises sont susceptibles de bénéficier de la prime d'aménagement du territoire au titre de leurs
programmes de délocalisation d'activités ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du
31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Mitjavile, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la COMMUNE D'HEYRIEUX demande l'annulation du décret susvisé du 6 février 1995 relatif
à la prime d'aménagement du territoire, en tant que ce décret l'inclut dans la liste des cantons et communes énumérés
à l'annexe III délimitant les zones visées à l'article 3 dudit décret, dont les entreprises qui y sont implantées sont
susceptibles de bénéficier de la prime d'aménagement du territoire au titre de leurs programmes de délocalisation
d'activités ;
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des collectivités territoriales, 2017-2018
Considérant que le Premier ministre a pu légalement, sans méconnaître le principe de libre administration des
collectivités territoriales, et sans excéder sa compétence au regard de celle du législateur qui, par l'article 42 de la loi
d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire susvisée du 4 février 1995, a renvoyé au pouvoir
réglementaire la délimitation des zones prioritaires de développement économique qu'il avait définies, déterminer par
décret les zones prioritaires dans lesquelles pourrait être octroyée la prime d'aménagement du territoire ainsi que les
zones exclues du bénéfice de cette prime et dans lesquelles les entreprises sont susceptibles de bénéficier d'une telle
prime au titre de leurs programmes de délocalisation d'activités ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du
pouvoir réglementaire doit être écarté ;
Considérant que les dispositions attaquées, quelle que soit leur incidence budgétaire éventuelle pour les
collectivités locales, ne sont pas au nombre des "dispositions réglementaires à caractère financier concernant les
collectivités locales" au sens de l'article L. 234-21 du code des communes applicable à la date du décret attaqué ; que,
par suite, le décret attaqué n'est pas entaché d'irrégularité du fait qu'il n'a pas été précédé de la consultation du comité
des finances locales nécessaire pour de telles dispositions ;
Considérant que si la commune requérante soutient que le décret serait illégal au motif qu'aucun organisme
représentant les collectivités territoriales n'a été associé à son élaboration alors que l'article 1er de la loi d'orientation
susvisée du 4 février 1995 prévoit que la politique d'aménagement est conduite par l'Etat en association avec les
collectivités territoriales, le législateur n'a édicté en application de ces dispositions aucune obligation de consultation
ou de concertation préalable ;
Considérant enfin que la commune requérante soutient qu'en incluant dans les zones visées à l'article 3 du décret
du 9 mai 1995 une commune qui appartient à l'agglomération lyonnaise mais dont la situation économique, caractérisée
notamment par son potentiel fiscal par habitant et par son taux de chômage, ne se distingue pas de celle d'autres
communes de l'agglomération lyonnaise non visées par cette mesure, le Premier ministre a méconnu le principe
d'égalité devant la loi et commis une erreur manifeste d'appréciation et qu'un tel choix, ne reposant sur aucune
justification, est entaché de détournement de pouvoir ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que la
délimitation de la zone de l'agglomération lyonnaise inscrite à l'annexe III du décret du 9 mai 1995, repose sur le critère
de la proximité de Lyon et de la facilité d'accès à cette ville, et sur le critère de la situation économique des communes
et qui inclut, en Isère, toutes les communes situées à 20 km de Lyon à l'exception des communes de moins de 2 000
habitants, de la commune de Valencin qui allait atteindre ce seuil et des communes dont le taux de chômage dépassait
10 % au recensement de 1990, ainsi que des deux communes de Janneyrias et de Satolas-et-Bonce compte tenu de
l'implantation de l'aéroport de Satolas ; que, dans ces conditions, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur
manifeste d'appréciation ni d'une méconnaissance du principe d'égalité ; que le détournement de pouvoir allégué n'est
pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE D'HEYRIEUX n'est pas fondée à demander
l'annulation du décret attaqué en tant qu'il l'inscrit à l'annexe III au nombre des communes visées par les dispositions
de l'article 3 du même décret ;
Article 1er : La requête de la COMMUNE D'HEYRIEUX est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE D'HEYRIEUX, au Premier ministre, au ministre
de l'économie, des finances et de l'industrie, au ministre de l'intérieur et au ministre de l'aménagement du territoire
et de l'environnement.
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Document n° 3 : extraits du Code de justice administrative
Article L521-1
Créé par Loi n°2000-597 du 30 juin 2000 - art. 4 JORF 1er juillet 2000 en vigueur le 1er janvier 2001
Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge
des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de
certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de
l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans
les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en
réformation de la décision.
Article L521-2
Créé par Loi n°2000-597 du 30 juin 2000 - art. 4 JORF 1er juillet 2000 en vigueur le 1er janvier 2001
Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires
à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit
privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et
manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures.
Document n° 4 : Conseil d’État, 18 janvier 2001, Venelles.
Conseil d'État statuant au contentieux
N° 229247
lecture du jeudi 18 janvier 2001
Vu la requête, enregistrée le 16 janvier 2001, présentée pour M. A..., agissant tant en sa qualité de maire de la
Commune de Venelles (Bouches-du-Rhône) qu'en son nom personnel ; il demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance en date du 4 janvier 2001 par laquelle le président de la 1ère chambre du tribunal
administratif de Marseille, statuant en référé sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative,
lui a fait injonction de convoquer le conseil municipal, pour une séance qui ne saurait être postérieure au 18 janvier
2001, en vue de délibérer sur la désignation des délégués communaux au conseil de la communauté d'agglomération
du pays d'Aix ;
2°) de rejeter les demandes présentées au juge des référés du tribunal administratif de Marseille ;
[…]
Considérant qu'au termes du premier alinéa de l'article L. 521-2 du code de justice administrative: Saisi d'une demande
en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une
liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la
gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement
illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ; que, selon l'article L. 523-1 du même
code : Les décisions rendues en application des articles L. 521-1, L. 521-3, L. 521-4 et L.522-3 sont rendues en dernier
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ressort. Les décisions rendues en application de l'article L. 521-2 sont susceptibles d'appel devant le Conseil d'Etat
dans les quinze jours de leur notification. En ce cas, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat ou un
conseiller délégué à cet effet statue dans un délai de quarante-huit heures et exerce le cas échéant les pouvoirs prévus
à l'article L. 521-4 ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par les intimés :
Considérant qu'il résulte tant de la nature même de l'action en référé ouverte par les dispositions précitées du code
de justice administrative, qui ne peut être intentée qu'en cas d'urgence et ne permet, en vertu de l'article L. 511-1 du
même code, que de prendre des mesures présentant un caractère provisoire, que de la brièveté du délai imparti pour
saisir le Conseil d'Etat d'une ordonnance rendue en première instance sur le fondement de ces dispositions, que le
maire peut se pourvoir au nom de la commune contre une telle ordonnance sans y être habilité par le conseil
municipal ; que par suite, et si M. Z..., maire de la commune de Venelles (Bouches-du-Rhône), n'a pas qualité pour faire
appel, en son nom personnel, de l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a
enjoint au maire de cette commune, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de
convoquer le conseil municipal en vue de délibérer sur la désignation des délégués communaux au conseil de la
communauté d'agglomération du pays d'Aix, il est en revanche recevable à contester cette ordonnance au nom de la
commune, alors même que la délégation que lui avait consentie le conseil municipal en application du 16° de l'article
L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales lui avait été retirée et que ledit conseil ne l'a pas habilité à
introduire la présente instance ; que la fin de non-recevoir opposée à la requête de la commune de Venelle doit, dès
lors, être écartée ;
Au fond :
Considérant, en premier lieu, que, si le principe de libre administration des collectivités territoriales énoncé par
l'article 72 de la Constitution, est au nombre des libertés fondamentales auxquelles le législateur a ainsi entendu
accorder une protection juridictionnelle particulière, le refus opposé par le maire de Venelles aux demandes qui lui
avaient été présentées en vue de convoquer le conseil municipal pour que celui-ci délibère sur l'objet mentionné ci-
dessus ne concerne que les rapports internes au sein de la commune et ne peut, par suite, être regardé comme
méconnaissant ce principe ; qu'il suit de là que le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a méconnu la
portée des dispositions précitées de l'article L. 521-2 du code de justice administrative en faisant droit, sur le
fondement de ce texte, aux demandes dont il avait été saisi en vue d'enjoindre au maire de convoquer à cette fin le
conseil municipal ;
Considérant, en second lieu, que le refus de convocation en cause ne porte, contrairement à ce qu'ont soutenu
les demandeurs de première instance, aucune atteinte à la liberté d'expression des conseillers municipaux ou au droit
d'expression de la démocratie locale, non plus qu'au droit de vote et de représentation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Venelles est fondée à demander l'annulation
de l'ordonnance attaquée ;
Considérant que la présente décision ne fait pas obstacle à ce que les intéressés, s'ils s'y croient recevables et
fondés, présentent devant le tribunal administratif un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision de refus
du maire et saisissent le juge des référés de ce tribunal de conclusions tendant, sur le fondement des dispositions de
l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à ce qu'il en ordonne la suspension et assortisse le prononcé de
cette mesure de l'indication des obligations qui en découleront pour le maire ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Venelles, qui n'est pas dans la présente
instance la partie perdante, soit condamnée à verser à MM. B... et autres, à M. X... et à MM. Y... et autres les sommes
qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance susvisée du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Marseille en date du
4 janvier 2001 est annulée.
Article 2 : Les demandes présentées au juge des référés du tribunal administratif de Marseille par MM. B... et autres,
X..., et MM Y... et autres sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par MM. B... et autres et par MM. Y... et autres sur le fondement de l'article L.
761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Commune de Venelles, à MM. B... et autres, à M. X..., à MM. Y... et
autres et au ministre de l'intérieur.
Document n° 5 : Conseil d’État, juge des référés, 24 janvier 2002, Beaulieu-sur-Mer
Conseil d'État statuant au contentieux
N° 242128
JUGE DES RÉFÉRÉS
M. Genevois, président
lecture du jeudi 24 janvier 2002
Abstrats : 54-03,RJ1 PROCEDURE - PROCEDURES D'URGENCE - Référé tendant au prononcé de mesures
nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale (article L. 521-2 du code de justice administrative) -
Condition d'octroi de la mesure d'injonction demandée - Atteinte à une liberté fondamentale - Existence - Arrêté
portant création d'une communauté d'agglomération incluant une commune sans que celle-ci ait donné son
assentiment (1).
Résumé : 54-03 Le fait pour un arrêté portant création d'une communauté d'agglomération d'y inclure une commune
sans que celle-ci ait donné son assentiment affecte la libre administration des collectivités territoriales qui constitue
une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Il en va ainsi alors même que
cette éventualité est expressément prévue par les dispositions de l'article L. 5211-5 du code général des collectivités
territoriales. En pareil cas, la procédure de protection particulière instituée par l'article L. 521-2 du code de justice
administrative peut être mise en œuvre pour autant que la décision de création serait "manifestement illégale".
1. Rappr. Sect. 2001-01-18 Commune de Venelles, à publier
Document n° 6 : extrait de Vivre ensemble, rapport de la Commission de développement des
responsabilités locales, présidée par Olivier Guichard, Paris, La documentation française, 1976,
p. 207.
Ainsi, par un simple effet de taille qui se conjugue aux contraintes propres à la dispersion du peuplement dans l’espace,
plus de trois communes sur cinq n’ont pas les moyens d’offrir à leurs habitants les services quotidiens qu’une collectivité
municipale moderne devrait pouvoir mettre à leur disposition. Cette impossibilité s’aggrave avec le temps : d’une part l’exode
rural, qui touche essentiellement les jeunes actifs, est souvent d’autant plus rapide que la commune est plus dépeuplée; d’autre
part, à service constant, les charges et les coûts augmentent sans cesse.
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Si l’on considère les 26217 communes de moins de 700 habitants, qui constituent 73% du total des communes, on
constate que leurs dépenses de fonctionnement atteignent 29000 francs par an, soit l’équivalent de la charge d’un employé
payé au SMIC. En milieu rural, le secrétariat de mairie est ainsi fréquemment assuré en tant qu’activité secondaire par un agent
généralement peu initié à la gestion budgétaire. Et dans bien des cas, le budget, expression même de l’autonomie municipale
est préparé par le percepteur. On verra là une illustration des liens de dépendance auxquels sont souvent acculés les élus.
Les dépenses moyennes d’équipement de ces mêmes communes qui ne réunissent pas 700 habitants sont évaluées à
80000 francs : quels travaux peut-on réaliser aujourd’hui avec pareille somme ?
Population restreinte et en déclin, modestie des ressources, carences en personnels techniques qualifiés, cela signifie
pour les élus, quels que soient leur compétence et leur dévouement, limite de l’autonomie de gestion et de décision, faiblesse du
poids politique et de l’autorité face aux principaux partenaires économiques et administratifs.
L’issue, c’est la dépendance ou l’union. C’est aujourd’hui beaucoup de dépendance et un peu d’union : on se partage
un secrétaire de mairie, on adhère à un syndicat d’alimentation en eau ou de ramassage des ordures ménagères. Ce doit être
demain beaucoup d’indépendance grâce à beaucoup d’union.
Document n° 7 : extraits du projet de loi relatif à la création de régions et à la rénovation du
Sénat, 2 avril 1969
Document n° 8 : extraits de la loi n° 66-1609 du 31 décembre 1966 relative aux « communautés
urbaines »
Document n° 9 : Loi n° 71-588 du 16 juillet 1971 relative aux fusions de communes
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Document n° 10 : extraits de Michel Crozier, Erhard Friedberg, L’acteur et le système, Paris,
Seuil, 1977, pp. 222-231.
Pp. 222-223 : Les fonctionnaires locaux de l’administration ne décident pas arbitrairement de ce qu’il convient de faire.
Contrairement à l’image organisationnelle et « hiérarchique » que l’on a de l’administration « centralisée », ils ne trouvent que
très partiellement leur inspiration chez leurs supérieurs, à la direction départementale ou dans les services centraux à Paris. Ils
la trouvent plus directement dans la sphère politique locale. Ils dominent chaque maire individuellement, mais sont en même
temps les prisonniers de la clientèle des élus qu’ils doivent servir et qu’ils ne peuvent pas irriter beaucoup, sous peine de perdre
leurs possibilités d’orienter efficacement leur action. En pratique, ils auront une attitude « politique », cultiveront les élus les plus
puissants et seront profondément conditionnés par le milieu que par ailleurs ils gouvernent.
Pp. 227-228 : Dans une autre perspective, on peut dire qu’un tel système favorise et requiert même une forte
concentration du pouvoir et des privilèges. […]. Le jeu est fermé et secret. Le système fabrique constamment des exclus. La
non-participation est si bien ancrée dans la psychologie des leaders qu’elle semble consubstantielle à leur jeu. Le système
fonctionne dans l’ombre. L’opinion publique fait peur et on s’en cache. Les maires, les conseillers généraux, les responsables
administratifs pensent tous, également, que la population est incapable de dire son mot dans la gestion des affaires qui la
concernent, sauf de façon irresponsable ou pour faire valoir ses intérêts particuliers.
P. 228 : Le système est centralisé, mais pas dans le sens où on l’entend généralement. Certes, Paris exerce un pouvoir
exorbitant mais il ne peut décider que dans les limites des contraintes du système qu’il gouverne, mais dont il est aussi le
prisonnier. L’ensemble se caractérise, en fait, beaucoup plus par l’interdépendance et la confusion que par la hiérarchie. La
signification de la centralisation est tout autre. C’est la distance entre ceux qui décident et ceux qui sont affectés par la décision.
[…]. Le meilleur maire n’est pas celui qui réalise le plus ou est politiquement le plus séduisant, c’est l’individu qui dispose du
meilleur réseau d’accès auprès des gens qui comptent, au département et à Paris.
P. 229 : Ainsi présenté, le système départemental français peut paraître oppressif et irrationnel. Le fait est qu’il suscite
des frustrations considérables et qu’il provoque des difficultés maintes fois dénoncées. Pourtant, il subsiste et se maintient. Pour
tenter d’en expliquer les raisons, il faut revenir aux comportements et aux attitudes des individus et des groupes tels qu’ils
apparaissent dans le fonctionnement quotidien du système. On s’aperçoit alors que celui-ci assure, en fait, une forme de
gouvernement moins rigide et plus humaine qu’il n’y paraît en même temps qu’il maintient, malgré les privilèges et le manque
de participation, une forte égalité et une certaine autonomie.
Pp. 229-230 : Le système est oppressif et autoritaire. Mais, en même temps, l’oppression est anonyme et l’autorité est
impersonnelle. Il n’y a pas un ou deux individus qui imposent leur bon plaisir et échappent à toute emprise du système. Le jeu
collectif est indépendant des particularités individuelles, il est le produit d’un système qui impose aux individus, et même aux
plus puissants, ses règles générales et ses normes. La régulation est le fruit d’un ensemble de relations et non pas d’ordres
arbitraires imposés par des personnes. L’oppression est donc plus diffuse et de ce fait beaucoup plus supportable.
P. 230 : Et surtout, chacun est assuré de ne pas perdre, même s’il commet une erreur. Aucune sanction n’est possible,
car les responsabilités ne sont ni visibles ni directes. La faute incombe toujours au régulateur, ou mieux au système. Chacun est
irresponsable, mais autonome et protégé.
p. 231 : Le système, d’autre part, produit de l’exclusion et du favoritisme. La règle est utile avant tout pour être la
référence des exceptions auxquelles elle invite. Cependant, l’exception et le privilège qu’elle fournit à celui qui en bénéficie
suscitent la jalousie. Chacun se débrouille pour avoir son exception. On pourrait presque dire que le système existe pour dispenser
des exceptions à ses propres règles. […]. La société locale est d’autant mieux « défendue » par ses leaders que le centre est
plus directement mêlé à son devenir et à sa gestion. L’intervention de Paris est non seulement demandée, mais requise. On se
plaint de Paris, non pas pour qu’il laisse plus d’initiatives, mais pour qu’il intervienne. […]. Le système départemental français
apparaît donc comme un système très stable. Tout le monde en est prisonnier, mais chacun gagne quelque chose en contrepartie.
Ses avantages sont pratiques, mais aussi symboliques et affectifs. Ils conditionnent totalement les enjeux si bien que, chacun
cherchant à gagner dans son jeu propre, tout le monde maintient le modèle général de jeu.
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Document n° 11 : Jean-Pierre Worms, « Le préfet et ses notables », Sociologie du travail, juillet-
septembre 1966, pp. 261-271.
Les notables sont les premiers à réclamer que l’on ne cherche pas à couler une réalité humaine dans le monde rigide d’un
règlement uniforme, mais au contraire que l’on s’efforce, que le préfet s’efforce, d’adapter la loi et les règlements aux réalités
spécifiques des situations locales. Ainsi se renforce dans l’entorse au règlement la complicité du préfet et des notables. En outre,
la possibilité reconnue au préfet de prendre certaines libertés avec le règlement présente un autre avantage pour le notable :
celui de pouvoir « faire une intervention » en faveur de tel ou tel de ses électeurs dont il importe de s’assurer les faveurs. Là
aussi, chaque fois qu’un notable demande au préfet de « faciliter » une procédure, d’« accélérer l’examen d’un dossier », il
rencontre le souci du préfet de s’élever au-dessus de la loi.
On voit bien dès lors la profonde solidarité qui lie le préfet et les notables dans cet « assouplissement » du règlement, pour
reprendre l’euphémisme en usage, solidarité qui repose également sur une dépendance mutuelle. La dépendance du notable
apparaît clairement dans la mesure où seul le préfet peut opérer une entorse au règlement, ou tout au moins l’autoriser : une
des caractéristiques du système administratif français étant d’avoir élaboré une réglementation extrêmement complexe qui vise
à tout prévoir et à tout régenter, il s’ensuit que cela représente en puissance une situation de blocage quasi universel. Pour y
échapper, les notables ont besoin du préfet, non seulement parce qu’ils ne peuvent espérer connaître comme lui tous les détours
de la réglementation, mais aussi parce que son intervention est sans cesse nécessaire pour éviter que les services administratifs
sous sa dépendance, qui ont pour tâche d’appliquer le règlement en vigueur, n’interviennent à tout instant et ne finissent par
paralyser leur liberté d’action. En un mot, l’accès au préfet et sa liberté d’assouplir le règlement conditionnent l’efficacité de
l’accès des notables à l’organisation administrative dont il a la charge.
La dépendance du préfet vis-à-vis du notable est, dans ce domaine, également évidente. Sans la tolérance des notables,
sans leur complicité, le préfet ne pourrait pas ainsi se placer au-dessus de la loi sans être immédiatement taxé de favoritisme
et d’arbitraire. Ce sont, en définitive, les notables qui permettent au préfet d’échapper lui-même à la tyrannie du règlement,
c’est leur tolérance qui circonscrit leur liberté d’action.
Document n° 12 : Extraits des débats parlementaires sur la loi du 2 mars 1982, Journal officiel
de l’Assemblée nationale
Séance du 8 juillet 1981, Pierre Mauroy (PS), p. 50 :
Vous aurez à discuter dans les prochains mois d’un projet de loi. Tous les problèmes devront être traités dans le souci
constant d’une grande liberté mais aussi dans un cadre juridique évitant un développement anarchique qui profiterait en fin de
compte, à ceux qui détiennent le pouvoir de l’argent. La liberté, oui, dans un souci de pluralisme, d’équilibre et d’équité. […]. Le
Gouvernement souhaite que la loi atteigne trois objectifs : assurer pleinement une autonomie par rapport au pouvoir politique,
qu’il soit national, régional, ou local, mais aussi par rapport aux puissances financières ; organiser la décentralisation et favoriser
la pluralité des formes d’expression ; enfin, développer les missions de culture, d’éducation, de divertissement et d’information
des citoyens dans un souci de qualité des programmes et d’encouragement à la création. Une France responsable, c’est aussi
un pays qui doit, désormais, enraciner l’unité de la République dans la diversité et la responsabilité de ses collectivités locales.
[…]. La suppression des préfets vous sera proposée non par hostilité à un corps qui a constamment témoigné de son sens de
l’État mais par volonté de voir disparaître l’image d’une France centralisée à l’extrême, enfermée dans la rigidité de ses textes,
de ses règlements et de ses circulaires.
1ère séance du 27 juillet 1981, Gaston Defferre (PS), p. 320 :
[…] les pouvoirs du commissaire de la République seront – je le répète – beaucoup plus étendus que ceux conférés
aux préfets par le décret de 1964. […]. Le commissaire de la République n’interviendra pas dans l’action éducatrice, notamment
en ce qui concerne l’organisation des enseignements et la gestion des établissements scolaires. Il n’interviendra pas non plus
dans l’exercice de l’autorité judiciaire ni dans les attributions spécifiques des agents chargés des recettes et des dépenses
André Fazi, documents d’appoint au cours d’Introduction au droit de la décentralisation et
des collectivités territoriales, 2017-2018
publiques, ni dans les actions de l’inspection du travail dans son rôle de constatation et de répression des infractions à la
législation du travail. Il n’aura pas non plus la responsabilité de la préparation de mesures de dépense à caractère militaire. Cela
étant dit, dans tous les autres domaines, l’autorité du commissaire de la République sur les services de l’État dans le département
sera nettement renforcée par rapport à ce qu’elle était. À titre d’exemple, ses pouvoirs dans le domaine économique en général
et dans le domaine de l’emploi en particulier seront beaucoup plus importants. Il dirigera aussi l’ensemble des opérations
d’investissement de l’État dans le département. Le commissaire de la République recevra, en outre, au titre de la déconcentration,
tous les pouvoirs nécessaires pour décider sur place des actions de l’État.
2ème séance du 27 juillet 1981, Michel Debré (RPR), p. 327-328 :
Il y a […] une différence profonde entre une décentralisation conforme à la Constitution de la République et une
décentralisation du type de celle que nous présente le Gouvernement. Une décentralisation conforme à la Constitution maintient
le principe de la supériorité de l’État sur les collectivités territoriales – communes, départements, régions – qui se situent à
l’intérieur de l’État. Ces dernières sont des fractions administratives de la nation alors que l’État est la nation. […]. Or le projet
– et l’incompatibilité avec la Constitution me paraît flagrante – permet à une section du peuple de s’attribuer l’exercice de la
souveraineté. […]. Dans la conception qui est la vôtre, mais qui n’est plus celle de la Constitution, l’État, d’une part, les
collectivités de l’autre, sont des collaborateurs à égalité de droits. Il y a entre eux non seulement une répartition des compétences,
mais aussi une égalité de légitimité sans hiérarchie, sinon l’appel à l’ordre judiciaire […]. Mais cette magistrature est liée. Elle
ne peut avoir l’appréciation des intérêts nationaux qui est une grande affaire politique. La compétence des organes juridictionnels
est limitée à l’application des lois, sans appréciation d’ordre politique, sans responsabilité au regard de la nation. Les articles 2
et 16 du projet de loi affirment un principe d’indépendance qui peut toujours être opposé à un Gouvernement, à un Parlement,
à un Président de la République, c’est-à-dire au responsable de la nation. Ces articles, en effet, ne sont pas accompagnés de
dispositions susceptibles d’assurer par un représentant de l’État les exigences de l’unité nationale non seulement dans son sens
le plus élevé mais aussi dans son sens quotidien d’unité de politique administrative, économique, sociale, éducative. […]
Élire un conseil municipal, un conseil régional est un acte d’administration démocratique, non un acte de souveraineté.
Des compétences étendues sont accordées aux représentants des citoyens dans leur ville, dans leur canton, dans leur
département, en fonction d’une conception très juste et très logique : qui délègue son droit de gouverner a le droit d’élire ses
gestionnaires directs ; qui exerce le droit de citoyen, membre de la nation, mérite de l’exercer en tant qu’administré à l’échelon
des fractions de la nation. C’est une légitimation de l’autorité administrative ; ce n’est pas l’affirmation d’une souveraineté. Paris,
Marseille, Bordeaux ne sont pas des villes souveraines. Pas plus les départements ; par plus les régions. La réunion des présidents
des conseils généraux, l’assemblée des maires ne forment pas des assemblées de représentants du peuple. Ce sont des
assemblées d’élus locaux. Supprimer cette hiérarchie, c’est donner la même valeur à tous les élus du suffrage universel. C’est là
une tentative qui peut être assimilée à la constitution d’apanages sous la Monarchie ; c’est une reconstitution des féodalités par
une mauvaise connaissance du double sens que présente le suffrage universel. […]
Ici ou là, certaines apparences ne peuvent dissimuler une rupture, dont d’ailleurs, en termes politiques, vous affirmez le
caractère capital en déclarant : c’est beaucoup plus qu’une réforme de l’État. C’est, en effet, une conception non unitaire, mais
fédérative de la France.
1ère séance du 1er août 1981, Michel Noir (RPR), p. 673 :
Le deuxième alinéa de l’article 1er, modifié par l’amendement du Gouvernement, place sur un pied d’égalité les trois
collectivités territoriales et définit un principe d’indépendance susceptible d’être opposé à l’intérêt national. Il met ainsi en cause
la définition d’unité et d’indivisibilité de la République. Mais, au-delà des mots, c’est-à-dire de la suppression de la tutelle a priori
sur les actes d’autorité des collectivités territoriales, il y a la réalité, c’est-à-dire la création de deux nouvelles tutelles : l’une
politique par la création d’une hiérarchie entre communes, départements et régions, l’autre financière avec le système retenu
des comptables et des chambres des comptes. Du fait de l’autorité politique conférée par l’ensemble des dispositions proposées,
les petites communes seront placées sous la suzeraineté des présidents des conseils généraux. Le maire d’une petite commune,
qui était jusqu’à présent assuré d’une égalité de traitement par le préfet ou le sous-préfet, sera désormais soumis à la volonté
toute-puissante du président du conseil général. Et malheur à lui s’il n’a pas la bonne couleur politique ! En guise de liberté, il
ne restera plus aux maires des petites communes qu’à se soumettre ou à se démettre. […]. En plus de cette tutelle politique
en cascade du président du conseil général sur le maire et du président du conseil régional sur le président du conseil général,
s’exercera, comme nous le verrons à l’article 56, la tutelle financière des chambres régionales des comptes, véritable résurgence
des chambres des comptes de l’ancien régime.
André Fazi, documents d’appoint au cours d’Introduction au droit de la décentralisation et
des collectivités territoriales, 2017-2018
3ème séance du 11 septembre 1981, J. Toubon (RPR), p. 1020 :
Vous avez prévu et voté la décentralisation politique : nous n’en voulons pas. Votre texte diminue l’autorité de l’État et
constitue un risque pour l’unité nationale : nous le combattons. Il entraînera un alourdissement du coût de l’administration, une
prolifération des fonctionnaires ; il créera un étage supplémentaire de l’administration : nous n’en voulons pas. Vous mettrez en
place des potentats régionaux et départementaux : nous n’en voulons pas. Il n’y aura plus d’arbitrage entre les collectivités et
entre les autorités de ces collectivités, sinon celui du parti : nous ne le reconnaissons pas. […] Le parti socialiste et le
gouvernement ont eu pour objectif d’organiser le pouvoir politique, de répartir les fiefs, de reconstituer de nouvelles féodalités.
Ce projet est au sens propre du mot réactionnaire. Il porte atteinte à notre conception de la République une et indivisible.
Document n° 13 : Conseil constitutionnel, décision N° 82-137 DC, 25 février 1982
Loi relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions
Le Conseil constitutionnel, […]
1. Considérant que, pour contester la conformité à la Constitution de la loi soumise à l’examen du Conseil
constitutionnel, les auteurs des saisines soutiennent que ses articles 2, 3 et 4 relatifs aux communes, 45, 46 et 47
relatifs aux départements, et 70 relatifs aux régions seraient contraires à l’article 72, alinéas 2 et 3, de la Constitution,
en ce qu’ils ne confèrent au délégué du Gouvernement dans les départements et régions, à l’égard des délibérations
et des actes illégaux des autorités territoriales, d’autre pouvoir que celui de les déférer au tribunal administratif , au
terme d’un délai d’attente, sans que ce recours ait de plein droit effet suspensif et qu’ainsi le délégué du Gouvernement
ne pourrait plus exercer le contrôle administratif, assurer le respect de la loi et préserver la liberté des citoyens ;
2. Considérant qu’aux termes de l’article 72, alinéa 2 de la Constitution, les collectivités territoriales "s’administrent
librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi"; que l’alinéa 3 du même article précise que
"dans les départements et territoires, le délégué du Gouvernement a la charge des intérêts nationaux, du contrôle
administratif et du respect des lois" ;
3. Considérant que le principe de légalité exige à la fois le respect des attributions du législateur et celui des règles
supérieures de droit par lesquelles la Constitution adoptée par le peuple français a proclamé l’indivisibilité de la
République, affirmé l’intégrité du territoire et fixé l’organisation des pouvoirs publics ;
4. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article 72 de la Constitution que si la loi peut fixer les
conditions de la libre administration des collectivités territoriales, c’est sous la réserve qu’elle respecte les prérogatives
de l’État énoncées à l’article 3 de cet article ; que ces prérogatives ne peuvent être ni restreintes ni privées d’effet,
même temporairement ; que l’intervention du législateur est donc subordonnée à la condition que le contrôle
administratif prévu par l’article 72, alinéa 3, permette d’assurer le respect des lois et, plus généralement, la sauvegarde
des intérêts nationaux auxquels, de surcroît, se rattache l’application des engagements internationaux contractés à
cette fin ;
5. Considérant que les articles 3, 46 et 69 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel prévoient que le
représentant de l’État défère au tribunal administratif les délibérations, arrêtés, actes et conventions pris ou passées
par les autorités communales, départementales et régionales qu’il estime contraires à la légalité ; que ce contrôle vise
l’intégralité des objectifs fixés à l’article 72 (alinéa 3) de la Constitution, comme le précisent les articles 34, paragraphe
I (alinéa 4), et 79 (alinéa 5) de la loi et comme l’impliquent ses articles 5 (alinéas 1er et 2), 48 (alinéas 1er et 2) et 59
(alinéa 6) ; que, dès lors, en donnant au représentant de l’État la faculté de soumettre au contrôle juridictionnel tous
les actes dont il s’agit, les articles 3, 46 et 69 de la loi n’ont pas restreint la portée de l’article 72 (alinéa 3) de la
Constitution ;
André Fazi, documents d’appoint au cours d’Introduction au droit de la décentralisation et
des collectivités territoriales, 2017-2018
6. Considérant cependant qu’en déclarant ces actes exécutoires de plein droit avant même leur transmission au
représentant de l’État, c’est-à-dire alors qu’il n’en connaît pas la teneur et n’est donc pas en mesure de saisir la
juridiction administrative d’un recours assorti d’une demande éventuelle de sursis à exécution, les articles 2 (alinéa
1er), 45 et 69, paragraphe I (alinéa 1er), de la loi privent l’État, fût-ce temporairement, du moyen d’exercer les
prérogatives qui lui sont réservées par l’article 72 (alinéa 3) de la Constitution ; qu’il en est de même des dispositions
des articles 3 (alinéa 2), 46 (alinéa 2) et 69, paragraphe I (alinéa 3), qui frappent d’irrecevabilité le recours introduit
avant l’expiration du préavis de vingt jours auquel est astreint le représentant de l’État, alors que, pendant ce délai,
l’acte dont il s’agit conserve son caractère exécutoire ; que cette impossibilité temporaire d’agir qui, dans les
dispositions précitées de la loi, frappe le représentant de l’État, même à l’égard d’un acte manifestement illégal,
demeure, en dépit de ses articles 3 (alinéa 5), 46 (alinéa 5) et 69, paragraphe I (alinéa 6), pour tous les cas où la
protection du respect des lois ou des intérêts nationaux n’est pas liée à la sauvegarde d’une liberté publique ou
individuelle ;
7. Considérant, en conséquence, que les articles 2 (alinéa 1), 3 (alinéas 2 et 5), 45, 46 (alinéas 2 et 5) et 69, paragraphe
I (alinéas 1, 3 et 6) de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel doivent être regardés comme non conformes
à la Constitution, pour autant qu’ils font obstacle à ce que le représentant de l’État soit en mesure de connaître la
teneur des actes visés par eux au moment où ils sont rendus exécutoires et puisse, s’il y a lieu, saisir sans délai la
juridiction administrative ;
8. Considérant que ces dispositions sont séparables du reste de la loi, à l’exception des abrogations énoncées aux
articles 17,
9. Considérant qu’en l’espèce, il n’y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d’office aucune question de
conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen.
Décide :
ARTICLE 1ER - Sont déclarées non conformes à la Constitution, dans la mesure indiquée dans les motifs de la présent
décision, les dispositions des articles 2 (alinéa 1), 3 (alinéas 2 et 5), 45, 46 (alinéas 2 et 5) et 69, paragraphe I (alinéas
1, 3 et 6) de la loi relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.
ARTICLE 2 - Sont déclarées conformes à la Constitution les autres dispositions de cette loi, à l’exclusion des
abrogations énoncées aux articles 17, 21 et 58 de dispositions auxquelles étaient substituées celles déclarées non
conformes à la Constitution.
ARTICLE 3 - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.