Sous les pavés, la terreLettre d’info du réseau des AMAP d’Ile-de-FranceLettre d’info du réseau des AMAP d’Ile-de-France
Edito
Sommaire
n°4
novembre, décembre 2008
Comme à son habitude, la Gazette vous apporte
quelques nouvelles, glanées ici ou là au fi l du
réseau. La première de toutes est la plus évi-
dente : on entre dans l’hiver. Chaque matin, la
radio annonce de la pluie, alerte orange, alerte
rouge et premières neiges sur les sommets.
Chacun cherche désespérément un lieu où se
réchauffer. On courre aux Festi’solies ! On fonce
aux Inter-Amap ! A la distribution de son quartier
où quelques bouteilles sont débouchées (saison
oblige), les visages et les conversations s’ani-
ment plus que d’habitude. Un type hilare lève son
verre bien haut en direction d’un autre qui part
– un troisième pour la route ? Chez eux, à l’heure
du dîner, les jeunes Amapiens râlent un peu en
voyant leurs parents ressortir les assiettes creu-
ses. Les aînés, qui connaissent déjà la chanson,
s’inquiètent davantage de voir le ciel s’obscurcir
au-dessus de leur tête. On guette les premières
guirlandes qui remplaceront d’ici peu les feuilles
à présent tombées, mortes. Pour lutter contre la
froidure qui s’installe, plusieurs solutions chez les
adhérents du réseau : ciné-écolo, apéro, soirée
rétro. D’autres se consolent en pensant que le
mois de novembre profi te au moins aux paysans,
qui ralentissent le rythme, quittent les champs un
peu plus tôt, et souffl ent enfi n, les semis dessous
terre. La saison la plus dure étant passée pour
eux, il y a donc quand même une bonne raison
de se réjouir. Et vive le mois de novembre !
Aude Pivin
Au f il du réseau- «Amapilités» ou comment aider son paysan en cas de coup dur - Expo itinérante- Pourquoi la Courgette et la Tomate sont-elles solidaires ? - Nouvelle InterAMAP entre la Picardie et l’Île-de-France - La page des enfants
Rue Beaubourg- Compte rendu de la réunion du Bureau du 11 septembre - Projet de Système de Garantie Participative (SGP)
Grand Angle- Le naturel à toutes les sauces- Le roman-photo des Festifolies
Un œil sur la terre- Récit du projet de ferme couveuse
Cultivons notre jardin- Livre : ‘‘Voyage autour des blés paysans’’ - Films : ‘‘Nos enfants nous accuseront’’, ‘‘La vie moderne’’
Portrait- Emmanuel Crucifi x, maraîcher
Agenda
Cette Lettre est la vôtre : Nous attendons vos articles pour le prochain numéro ! La Lettre d’information du Réseau des AMAP d’Île-de-France est un lieu d’échange et de partage d’expériences entre Amapiens et paysans du réseau. Si vous souhaitez faire connaître les activités de votre Amap, une actualité agricole ou une lecture récente, envoyer vos articles à [email protected] (350 à 400 mots). La prochaine Lettre paraîtra autour du 1er janvier. Merci de nous faire parvenir vos textes avant le 15 décembre. Nous attendons aussi avec impatien-ce vos commentaires et vos remarques à la même adresse. La gazette est libre de droit à condition d’en indiquer la pro-venance. N’hésitez pas à la diffuser largement.Adresse du réseau des AMAP d’Ile-de-France :26, rue Beaubourg, 75003 Paris
Au fi l du réseau
Dès sa création en 2005, notre AMAP des Lilas, La
Courgette Solidaire, a souhaité mettre en place deux types de
paniers solidaires pour créer au sein du groupe une mixité sociale
: les paniers solidaires intermittents et les paniers solidaires per-
manents. Sa petite sœur, La Tomate Solidaire, seconde AMAP
des Lilas, l’a suivie depuis.
Les paniers solidaires intermittents s’appuient sur le constat sui-
vant : les municipalités délivrent à travers leurs services sociaux
une aide alimentaire ponctuelle aux personnes en diffi culté dis-
tribuée la plupart du temps en France sous forme de « chèques
de service ». Jusqu’à présent, seule la grande distribution béné-
fi cie d’une accréditation pour recevoir ces chèques. Nous avons
donc demandé à AMAP-IdF de se faire accréditer, ce qui a été
fait en mars 2007. Depuis cette date, La Courgette Solidaire est
la première AMAP d’Ile-de-France à tester ce système, en réser-
vant chaque semaine trois paniers solidaires intermittents à des-
tination de ce public. En outre, nous fournissons des paniers de
légumes à 12 € contre un chèque de service de 8 €, et c’est La
Courgette Solidaire qui « complète » le prix du panier afi n de pré-
server la juste rémunération du producteur. Depuis, ce système
est applicable par toutes les AMAP qui le souhaitent en Ile-de-
France. Cependant les utilisateurs sont rares, car la « promotion »
du système s’avère délicate auprès des services sociaux comme
auprès des publics visés. En cas de reste, ces paniers solidaires
sont rachetés par les intermittents du panier.
Quant aux paniers solidaires permanents, ils visent à fi déliser le
type de public visé par les paniers solidaires intermittents. Nos
critères de sélection du public concerné ont été défi nis en colla-
boration avec les services sociaux de la ville : ce sont en priorité
tous les bénéfi ciaires des huit minima sociaux existant en France
Le 3 octobre dernier, pour notre toute première rencon-
tre InterAMAP qui se déroulait dans la cantine de l’Espace Mosaï-
que à Fosses (95), paradoxalement nous n’avions qu’une seule
tarte à nous partager. Mais cela ne nous a pas empêchés d’avoir
des échanges nourrissants. Six groupes étaient représentés à
cette nouvelle InterAMAP Cantilienne : l’Association des Paniers
de l’Ysieux et Le Sourire dans l’Assiette (Nord du Val d’Oise), La
Cerise sur le Panier (Seine-Saint-Denis), l’AMAP de Pont Sainte
Maxence, Les Paniers de la Thève et Les Saveurs du Coisnon
(Sud de l’Oise). L’interAMAP n’est pas fermée et nous espérons
que d’autres groupes voisins nous rejoindront.
Cette première rencontre a été essentiellement consacrée à faire
connaissance, et fi nalement à découvrir qu’au-delà de la loca-
lisation, nous avions aussi certains de nos agriculteurs et plu-
sieurs problématiques en commun. Frédéric du réseau AMAP IdF
et Aurore du PNR Oise-Pays de France nous ont accompagnés
pendant cette rencontre très agréable et enrichissante. Nous
avons pas mal à apprendre des uns et des autres et beaucoup
d’expériences, bonnes ou mauvaises, à partager.
Finalement, après deux bonnes heures de discussion, nous avons
décidé de nous revoir pour développer nos relations de voisinage
et progresser ensemble... Quelques pistes de collaborations ont
été évoquées, dans le désordre : regroupement autour de parte-
nariats agricoles nécessitant une taille minimale (contrat viande
bovine, par exemple), simple échange de bons tuyaux (bière arti-
sanale), réfl exion sur une liste d’attente commune, regroupement
pour assurer une représentation de nos intérêts et problématiques
au niveau local, organisation d’un pique-nique interAMAP…
Enfi n, en guise de première bonne résolution, nous nous sommes
promis de ne pas oublier les tartes, les quiches, les salades et les
boissons locales pour notre prochaine rencontre.
Pourquoi la Courgette et la Tomate sont-elles solidaires ?
Pour mettre en œuvre la mixité sociale
Par l’AMAP des Lilas
Une Inter-AMAP entre la Picardie et l’Île-de-France !
Par Mickaël Brochard
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Vous pouvez retrouver quelques éléments d’information plus précis sur nous et sur notre rencontre du 3 octobre
sur le site web AMAP IdF(http://www.amap-idf.org/) dans la rubrique
« Rencontres Inter-AMAP / InterAMAP Cantilienne »
En mai dernier, nous vous annoncions le projet de conception d’une exposition sur la démarche des AMAP. Après une période d’accalmie, le chantier reprend de plus bel et devrait aboutir à une jolie exposition artisanale avant la fi n de l’année… L’idée est de décliner et illustrer les principes de la Charte à tra-vers trois thèmes principaux : agriculture paysanne ; lien social et organisation participative ; économie alternative, solidaire et durable. Une première maquette de l’exposition a été récemment élaborée et adressée aux adhérents relais afi n que chacun puisse apporter son témoignage et ses photographies.
Voilà, personne n’est à l’abri d’un coup dur. Un agri-culteur qui démarre son activité s’expose physiquement, donc bien au-delà de son engagement fi nancier et moral. Le “rythme de croisière” d’une exploitation, contrairement à ce qu’on peut parfois imaginer, ne s’atteint pas si facilement. Franck et Jean-Christophe sont nos deux valeureux artisans de la terre. Mais la culture biologique est gourmande en main-d’œuvre et les corps sont soumis à rude épreuve ; lorsque la charge de travail est trop lourde, la douleur physique s’installe. En plein cœur de l’été, alors que la saison bat son plein à la ferme de la Marquette (77), Jean-Christophe ne peut soudain plus bouger. Son dos le fait souffrir, la sciatique lancinante paralyse toute volonté d’effort. Un seul re-mède : l’immobilité et le repos forcé. Mais les Amapiens de Pan-tin pendant ce temps-là attendent toujours leurs beaux et bons légumes, et Franck ne peut pas, seul, répondre à la demande. Faire appel à la solidarité de l’association est la seule solution. Et là, heureuse surprise, l’offre est grande et généreuse ! Les Pan-tinois se sont dévoués à la tâche : récolte, préparation des cais-ses pour les distributions, mais aussi entretien de l’exploitation. Chacun a alors compris ce que représente le contrat signé avec l’agriculteur, contrat qui engage à donner, au-delà de la simple souscription fi nancière, de son temps, de sa force de travail, afi n que l’aventure d’une agriculture choisie puisse prendre racine, croître et embellir, et donner enfi n les fruits de tant d’efforts. La
solidarité trouve ici sa pleine signifi cation : partager les risques et les réussites. Une question se pose cependant : une aide, sous la forme de coups de main échelonnés dans l’année, de façon régulière, au moment des semis, des repiquages, de la levée des plantes en plein champ pour leur désherbage ne serait-elle pas indispensable afi n que de tels “accidents de fatigue” ne survien-nent pas ? Ne faudrait-il pas mieux prévenir que guérir ? C’est pourquoi, les Amapiens de notre association (AMA3P) se sont engagés par contrat à participer à ces coups de main tout au long de l’année. Il ne s’agit pas de travailler en lieu et place de l’agriculteur, bien entendu, chacun son domaine de responsa-bilité. Il s’agit simplement de retrouver la perception de la sai-son, du “comment ça pousse”, du “pourquoi ça pousse comme çà” et pas “comme ci”, en défi nitive c’est pour chacun de nous, Amapiens, l’occasion de renouer avec nos ancêtres paysans ! Autant d’aspects de la vie que le commerce ordinaire aura réussi chez beaucoup d’entre nos concitoyens à faire oublier. Donner un coup de main c’est beaucoup recevoir en échange. La salade, la carotte auront une toute autre saveur ! Pour conclure, merci à tous ceux qui ont pu donner de leur temps à un moment crucial pour l’exploitation de Franck et Jean-Christophe, ils ont su répon-dre présents dans l’urgence. Notre espoir aujourd’hui : que cette expérience solidaire nous pousse à nous investir tout au long de l’année pour ne pas laisser retomber l’effort collectif.
et qui rassemblent public en insertion, chômeurs en fi n de droit,
familles monoparentales, troisième âge, personnes sorties de pri-
son, handicapées…, mais nous nous adaptons aussi à la deman-
de au cas par cas. L’idée est d’intégrer des populations diverses
au sein de l’association (rien ne doit distinguer en fi n de compte
un Amapien d’un autre) dans un but d’insertion et de mixité so-
ciale, mais aussi pédagogique : acquérir une hygiène alimentaire
saine en retrouvant la culture alimentaire des légumes.
Les AMAP en mots et en images
Par Ericka Zyla
“Amapilités” ou comment aider son paysan en cas de coup dur
(En exclusivité de l’AMA3P) Par François V. de l’AMA3p (Pantin)
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Nous profi tons de cette petite tribune dans la gazette pour lancer un appel aux contributions afi n d’étoffer et
illustrer concrètement la démarche desAMAP d’Ile-de-France. N’hésitez pas à nous adresservos propositions, à nous contacter pour participer à la
conception ou simplement en savoir plus :erikazyla(at)yahoo.fr
Pour plus d’informations et pour recevoir l’annonce de la solidarité alimentaire mise en place parLa Courgette Solidaire qui circule dans notre ville,
contactez Pierre Stoeber :80 bis, rue de Romainville – 93260 Les Lilas tél. : 01 48 97 22 97.
Notre site : www.lacourgettesolidaire.asso.fr, où vous pouvez nous contacter par courriel.
La page des enfants
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Samuel, de l’AMAP du Cresson Gourmand,
a réalisé ce dessin au cours d’un « Atelier abeilles »
à Cravent dans les Yvelines
Marin, de l’AMAP de Freneuse, a réalisé cette chouette au
cours d’une journée de rencontre entre AMAP de
Freneuse et Vaucresson
Au Pot ager enchanté,à Grisy -Suisnes , en Seine et Marne,
Max et Adèle nett oient le poulailler,
changent la paille et donnent
de l’eau propre aux poules
1-Défendre les Mureaux Animateurs : Freddy, Laurent et
Jérôme Les premières informations reçues ne sont pas favora-
bles à l’octroi des 125 hectares disponibles pour notre couveuse
en polyculture-élevage. Jérôme et Sylvain passent donc beau-
coup de temps pour rencontrer les protagonistes de cette affaire.
L’idée est de mobiliser les média et le réseau pour montrer aux
décideurs qu’ils doivent compter sur nous et notre nombre. Une
action sur les terres est prévue très bientôt.
2-Tester un outil d’évaluation participative -Anima-
teurs : François et Jérôme Les diffi cultés actuelles de nombreux
partenariats laissent le Bureau démuni, faute de temps et de mé-
thodologie. Alliance Provence a élaboré une méthode : le système
de garantie participative (SGP). L’idée maîtresse de cette démar-
che est de proposer un questionnaire très fouillé aux partenaires
qui y répondent ensemble, avec l’aide de pairs extérieurs. Pour
avancer ensemble. Une réunion d’information est programmée
courant novembre, pour lancer un test sur quelques partenariats
et faire un premier rendu lors de l’AG.
3-Accompagner les AMAP en création - Animateurs :
Caroline et Frédéric Il y a toujours autant de groupes qui naissent.
Le Bureau a décidé de reprendre les réunions d’information pour
les créateurs, pour leur faire passer les messages essentiels sur
l’AMAP (cohésion du groupe, engagement, confi ance, solidarité,
prix). Mais aussi pour les mobiliser sur les questions foncières et
les inviter à participer aux actions du réseau et de ses partenaires
: Terre de liens, sensibilisation des élus et veille foncière. Deux
réunions d’information sont programmées les 16 octobre et 20
novembre.
4-Apprendre à travailler ensemble - Animateurs : Jé-
rôme et Frédéric Les élu(e)s du Bureau ont du mal à travailler
ensemble. Nous allons mettre en place des conférences télépho-
niques par Internet, avec achat de casques pour chaque élu(e).
Nous allons également profi ter d’un dispositif d’accompagne-
ment de la Fédération des oeuvres laïques de la Seine-Saint-De-
nis, pour y voir plus clair sur notre fonctionnement.
L’actualité du Comité : Le Bureau du 11 septembre a en-
tériné la création du comité de quatre personnes. Son rôle est de
favoriser la construction d’objectifs partagés de sens, de projets
et d’actions, en étant à l’écoute et en relayant les attentes et
les questions des élus et des permanents, en synthétisant les
propositions des élus et des permanents et en suivant et accom-
pagnant les permanents.
Il recherche actuellement des fi nancements pour pérenniser le
poste de Sylvain (passage en CDI dans l’idéal) sur la problémati-
que de l’installation et pour compléter le fi nancement de l’emploi-
tremplin de Shah-Dia pour 2009. Il met également en place des
outils de suivi des chantiers des uns et des autres, pour y voir
plus clair. Enfi n, nous avons lancé la préparation de l’AG annuelle,
qui devrait se tenir courant mars 2009.
Ça y est, c’est annoncé dans la Gazette (voir compte
rendu du 11 septembre) : le Réseau AmapIdF se lance dans un
travail sur le SGP ! Bien, voilà qui nous fait une belle jambe ! Et
d’abord, SGP, c’est quoi encore que ce machin ? Société de
Gestion des Potirons ? Non, ça sonne mal quand même… So-
lution à des Grands Problèmes ? Ah, ça, déjà… En fait, SGP, ça
veut dire : Système de Garantie Participatif… Oui, ben alors là, le
mystère s’obscurcit !
Alors tentons un peu de l’éclaircir. D’abord, ce n’est pas une idée
à nous, au contraire, on l’a allégrement piquée chez des plus ex-
périmentés que nous. A commencer par Nature et Progrès, des
spécialistes du genre. Eux, ça fait pas mal de temps qu’ils garan-
tissent comme ça leur marque, avec un système de contrôle de
pair à pair, puisque c’est de cela qu’il s’agit. Mais celui-ci n’est
pas seulement la déclinaison de leurs cahiers des charges en
un questionnaire, il s’agit aussi et surtout de tout un système de
valorisation de ce dernier : réalisation du questionnaire par des
pairs (producteurs et consommateurs) sur une ferme à agréer,
ces pairs étant eux-mêmes à d’autres moments ceux qui sont
«évalués», soumission des résultats à des commissions collecti-
ves, accompagnement dans l’évolution des pratiques diagnosti-
quées, etc.
Et il nous semble qu’il y a du bon à prendre dans ces réfl exions
et dans cette longue expérience pour nous demander comment
garantir la charte des AMAP dans le Réseau. Mais nous avons,
comme eux et d’autres, une double motivation : car un SGP, ce
n’est pas seulement un outil d’agrément, c’est surtout un outil
pédagogique. En effet, l’intérêt d’un tel travail, c’est de prendre le
temps de se demander ce que l’on fait, comment on le fait, peut-
être pourquoi – et surtout de se poser tous les mêmes questions,
Rue BeaubourgRéunion du Bureau du 11 septembre Cinq actions prioritaires
jusqu’à l’AG de mars 2009
Présentation Par Frédéric Bourguignat
SGP, késako ?
Par Shah-Dia Rayan, permanente du Réseau AmapIdF
Vous avez des questions sur un des chantiers prioritaires du Bureau ? Vous voulez participer ?Contactez l’un des délégués de l’action qui vous intéresse, à l’adresse pré[email protected]
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L’actualité du Comité : Le Bureau du 11 septembre a entériné la création du comité de quatre personnes. Son rôle est de favoriser la construction d’objectifs partagés de sens, de projets et d’actions, en étant à l’écoute et en relayant les attentes et les questions des élus et des permanents, en synthétisant les propositions des élus et des permanents et en suivant et accompagnant les permanents. Il recherche actuellement des fi nancements pour pérenniser le poste de Sylvain (passage en CDI dans l’idéal) sur la problématique de l’installation et pour compléter le fi nancement de l’emploi-tremplin de Shah-Dia pour 2009. Il met également en place des outils de suivi des chantiers des uns et des autres, pour y voir plus clair. Enfi n, nous avons lancé la préparation de l’AG
annuelle, qui devrait se tenir courant mars 2009.
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Grand angle
Les arguments de naturalité fl eurissent aujourd’hui sur
les emballages, dans les rayons des grandes surfaces (« 100%
naturel », « sans conservateurs », « sans colorants », etc.). Le
procédé est bien sûr l’œuvre du marketing, mais il implique aussi
souvent des changements dans les procédés de production des
industriels de l’alimentation. D’autre part, on connaît le succès
des distributeurs spécialisés dans l’alimentation et la diététique
naturelles, celui de l’agriculture biologique, et, bien sûr, le déve-
loppement récent des AMAP ou de mouvements comme le Slow
Food.
Ces phénomènes témoignent d’une nouvelle approche de notre
alimentation, qui est le principal lien nous rattachant à notre envi-
ronnement, au monde vivant et à la nature. Ils représentent autant
de tentatives de resserrer ce lien, notamment par la recherche
d’une utilisation a minima des techniques et des artifi ces : dans
notre vision du monde, la naturalité s’oppose en premier lieu à
l’artifi cialité, qui est le produit de l’intervention technique.
Or, avec la prise de conscience écologique, les préoccupations
croissantes pour la santé, les crises alimentaires médiatisées et
l’accumulation des preuves scientifi ques, la nocivité et les risques
liés à l’agro-industrie sont de mieux en mieux connus et de moins
en moins tolérés par les mangeurs.
Du coup, l’exigence de manger plus naturel - c’est-à-dire des
aliments moins manipulés par la technique - s’est imposée peu à
peu, surtout depuis le début des années 70, après les vingt-cinq
années de progressisme et de foi aveugle en la technique qui ont
présidé à la révolution agricole de l’après-guerre.
C’est sur cette nouvelle manière de penser l’alimentation (de la
production à la consommation en passant par la transformation
et par la cuisine) que porte mon doctorat en sociologie.
Je l’étudie à travers trois catégories d’acteurs. D’abord, les in-
dustriels qui cherchent à faire plus naturel. Ensuite, les pouvoirs
publics, amenés à règlementer le discours des industriels, ce qui
implique de défi nir en des termes objectifs ce qui est naturel et
ce qui ne l’est pas. Enfi n, les mangeurs, et plus particulièrement
ceux qui sont le plus sensibles à cette idée d’alimentation natu-
relle. Une idée qui est évidemment liée à des pratiques, et c’est
cette relation qui est au centre de mon travail.
Le naturel à toutes les sauces
Par Olivier Lepiller, doctorant en sociologie
collectivement. Car à partir du moment où l’on a mis les mêmes
mots sur nos pratiques, le dialogue et l’évolution collective de-
viennent tout de suite plus envisageables. ‘Evaluer pour évoluer’
dans des collectifs, voilà l’idée que défendent depuis près de dix
ans des organisations qui travaillent sur les outils d’auto-diagnos-
tic des fermes (FADEAR pour le diagnostic Agriculture paysanne,
Nature et Progrès donc, Idea, etc.).
Or, pour que les principes de transparence et de partenariat des
AMAP prennent toute leur mesure, et toute leur fl uidité, il nous
semble qu’un tel outil, adapté à notre charte et à notre réalité,
serait réellement un puissant accompagnement des groupes et
des paysans. Evidemment pas pour remplacer le dialogue et la
relation directe, qui sont la base de tout, mais pour leur donner
justement un coup de pouce et parfois aussi, une aide de traduc-
tion et d’explicitation des enjeux et des objectifs du partenaire.
C’est avec ce double objectif que nous avons donc eu envie de
nous lancer nous aussi dans l’aventure du SGP, en commen-
çant par quelques tests pour imaginer plus précisément ce que
tout cela pourrait apporter dans le cas des AMAP – et là encore,
on est allé piquer des idées à nos petits camarades du réseau
PACA (Alliance Provence), qui s’est lancé sur ces rails il y a un
an déjà. Ils ont donc déjà un questionnaire ‘prototype’ sur lequel
nous allons commencer de travailler dans les mois à venir. Les
résultats de ces tests seront présentés à l’AG de mars 2009 pour
envisager ensemble si un tel travail peut-être utile aux AMAP. Le
rendez-vous est donc pris…
Pour en savoir beaucoup plus sur tout cela, un après-midi d’information sur les SGP sera organisé courant novembre par le Réseau (en cours de préparation avec des intervenants des organisations citées dans cet article,
date à fi xer). Des informations complémentaires suivront par vos adhérents relais.A lire en attendant : le n°67 (avril-mai 2008) de la revue de Nature et Progrès avec un très bon dossier sur ces
fameux SGP.
Je profi te donc de l’espace qui m’est offert, en tant que membre de l’AMAP des Batignolles, pour lancer un appel aux Amapiens qui voudraient bien m’aider dans mon travail de recherche, en acceptant d’être inter-viewés : il s’agirait d’aborder (autour d’un verre par exemple !) vos pratiques alimentaires, vos opinions sur les
manières de produire ou encore les motivations qui vous ont poussés à adhérer. Vous pouvez me contacter au 0663649588 ou sur mon mèl [email protected]
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Un œil sur la terre
1 Vous n’avez peut être pas lu les 850 pages de la « Forteresse
Agricole », ouvrage de référence de Gilles Luneau sur l’histoire de
la FNSEA, syndicat agricole majoritaire, acteur de la cogestion de
la politique agricole française depuis plus d’un demi siècle. Qu’à
cela ne tienne, le réseau l’a fait pour vous. Voire mieux, il vient de
mesurer pleinement l’épaisseur des murs et protections de cet
édifi ce qui défend, par tous les moyens, l’accès à la terre pour
ses sympathisants. Rappelez-vous, dans un précédent numéro
de la Gazette, nous vous avions présenté l’avancée du projet
de Ferme Couveuse. A l’époque, le réseau espérait encore sa
concrétisation possible sur le site de la Ferme de la Haye, dans
les Yvelines. Depuis, le vent a tourné.
Élaboré en collaboration avec la mairie des Mureaux et l’éleveur
Pierre Cousin, le projet du réseau AMAP IdF prévoyait, sur les 140
hectares de la ferme, la création d’une douzaine d’emplois. Ils de-
vaient résulter d’une activité de production en polyculture et éle-
vage biologique (maraîchage, pain, huile végétale, viande ovine,
fruits, miel, céréales et cosmétiques bio à base de lait d’ânesse),
production entièrement commercialisée en circuits courts. Sur
cette base, la ferme devenait un outil idéal pour une action péda-
gogique d’envergure autour des cycles du vivant et des métiers
agricoles. Le projet visait « l’éveil des vocations agricoles » et la
création d’activités agri-rurales, se déclinant sous différentes for-
mes : accueil de classes et de familles, de stagiaires agricoles
et de porteurs de projets agricoles au sein de la couveuse, mais
aussi organisation de journées d’échanges et de formation desti-
nées au monde agricole.
Le projet, qui pouvait constituer cette Maison de la Terre sou-
haitée par le territoire et primée par l’Europe dans le cadre du
programme européen Leader « Seine Aval », ne manquait pas
d’atouts : excellence environnementale et agronomique (sur un
site de captage d’eau potable), plus-value sociale (en terme
d’emplois et de liens sociaux tissés), performance économique
immédiate et assurée (système AMAP), coopération active avec
les collectivités locales du territoire et adéquation forte avec les
enjeux locaux de développement. Il devait voir le jour sur un terri-
toire que s’apprêtait à acquérir la région Ile-de-France, via l’Agen-
ce des Espaces Verts et l’Agence de l’Eau, pour un montant de
1 800 000 €. De plus, le soutien reçu de la région pour le projet
de couveuse (lauréat du Prix Coup de Cœur du Jury du CREARIF
2008) et l’engagement de plusieurs élus régionaux pouvaient lais-
ser espérer une issue heureuse....
Mais c’était sans compter les intimidations diverses et les bâtons
dans les roues tout au long de la procédure de candidature, qu’il
serait bien trop long de rapporter ici dans ses détails. Après moult
péripéties, le Conseil d’Administration de la SAFER a fi nalement
tranché le 28 octobre 2008 en privilégiant trois porteurs de pro-
jets issus du territoire... et du monde agricole. La quasi totalité
du territoire (120 ha) est ainsi octroyée à un céréalier qui cultivera
– selon les éléments de son dossier de candidature - en agricul-
ture conventionnelle pour le compte d’AGRALYS, troisième plus
grosse coopérative céréalière française (chiffre d’affaire annuel :
près de 650 millions d’euros pour ce propriétaire notamment des
marques Gamm Vert et Ebly). Quant à la Mairie des Mureaux, il lui
restera deux hectares pour créer des jardins ouvriers.
Exit donc la dimension pédagogique, le projet de Maison de la
Terre, l’ouverture de la ferme aux habitants des cités, le dévelop-
pement des circuits courts, la reconquête paysagère et le redé-
ploiement de la biodiversité.
2 Œuvrant pour l’installation agricole, nous devrions nous réjouir
de ces trois installations. Cependant, outre le frein que représente
cette décision pour le projet de ferme couveuse et pour les pro-
jets d’installation des futurs maraîcher(e)s qui commencent à se
bousculer sur la liste d’attente de la couveuse – six porteurs de
projet attendent déjà de pouvoir démarrer leur « test » d’activité
– cette procédure d’attribution aux forceps mérite d’être mise au
jour :
- Comment expliquer, quand l’objectif de la SAFER est de « fa-
voriser le maximum d’installations agricoles », que ne soient ins-
tallés seulement trois agriculteurs lorsqu’une dizaine de paysans
pouvaient vivre du territoire ?
- Comment expliquer, quand l’objectif de la SAFER est « d’ac-
compagner le développement de l’économie locale », que soit
privilégiée la production spéculative de céréales au détriment de
productions agricoles de légumes, de fruits ou de viande écou-
lées localement en circuit court ?
- Comment expliquer, quand l’objectif de la SAFER est « de pro-
téger l’environnement et les espaces naturels » et que l’achat du ter-
ritoire par la région Ile-de-France correspond à un souci de protection
de la ressource aquifère, que la quasi totalité du territoire soit dévolue
à la culture de céréales avec intrants chimiques ?
- Comment expliquer, quand l’Europe débloque un million d’euros
pour un projet visant la promotion des circuits courts localement
et le tissage de liens urbains-ruraux, que les projets les moins
porteurs de cette dynamique soient mis en avant ?
L’explication se trouve d’abord, à l’échelle nationale, dans la Loi
d’Orientation Agricole qui défi nit la composition des comités
techniques SAFER chargés de décider de l’attribution du fon-
cier agricole : le syndicalisme agricole majoritaire s’y trouve sur-
représenté via les sièges réservés aux chambres d’agriculture,
aux syndicats majoritaires, à Groupama, au Crédit Agricole, aux
grosses coopératives agricoles. Quant à la société civile – hormis
quelques élus locaux en faible nombre – elle est totalement ab-
sente. Les citoyens n’ont donc pas leur mot à dire sur les affaires
agricoles, même quand ce sont leurs impôts qui fi nancent l’achat
d’un territoire, lequel deviendra ainsi une propriété régionale à
disposition quasi gracieuse de l’entreprenariat individuel et privé.
Elle se trouve ensuite, localement, dans la volonté affi chée de la
Le combat pour l’installation des paysans en Ile-de-France
La société civile devra-t-elle bientôt hausser le ton ?
Par Sylvain PéchouxChargé de projet du réseau Amap IdF
Cultivons notre jardin « Voyage autour des blés paysans »
Une parution du Réseau Semences Paysannes
Informations complémentaires
LES SITES :
Vous trouverez une présentation plus détaillée du projet sur le site Internet du réseau Amap IdF http://amap-idf.orgPour plus d’informations sur le bail environnemental, consultez l’excellent site de Terre de Liens http://www.terredeliens.org/spip.php?article186
DÉFINITIONS :Leader est un programme européen destiné aux zones rurales qui permet en France de soutenir 140 territoires porteurs d’une stratégie de développement organisée autour d’un thème fédérateur, ici le lien urbain-rural et la promotion des circuits courts. Le programme Seine Aval « créer des liens durables entre les mondes agricole et urbain » est doté d’environ 1 million d’euros (http://www.una-leader.org/)
Les SAFER (sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural) sont des sociétés anonymes à but nonlucratif. Elles sont les opérateurs institutionnels de régulation du marché foncier agricole. Elles sont informées de toutes les ventes. Leur principal outil d’intervention est le droit de préemption qui leur permet d’acheter, aux conditions du vendeur (ou acceptées par lui), tout bien agricole mis en vente. (sources: http://www.terredeliens.org/spip.php?article225)
BIBLIOGRAPHIE :Gilles Luneau, la Forteresse agricole. Une histoire de la FNSEA, Fayard, 2004.Sur la position de la chambre d’agriculture d’Ile de France vis à vis du bail environnemental, cf. Info Chambres n° 37 Avril 2008 (http://www.ile-defrance.chambagri.fr/publi/ic/ic.asp)
Chambre d’Agriculture d’Ile-de-France de faire obstacle au « bail
environnemental » imposant au locataire des terres des contrain-
tes en matière de système de production visant la protection de
l’environnement. C’est ce type de bail que la région Ile-de-France
entend mettre en place sur le territoire de la ferme de la Haye,
lequel devientdès lors un véritable champ de bataille dont l’enjeu
est la possibilité d’un précédent sur des terres régionales. Précé-
dent auquel la Chambre d’Agriculture entend bien faire obstacle,
en écartant à tout prix les candidats favorables à ce type de bail
et en engageant le bras de fer avec une région qui a probable-
ment ici pêché par optimisme.
C’est ainsi que l’intérêt général qui aurait dû prévaloir sur un tel
site est allègrement piétiné par l’intérêt corporatif d’une minorité.
Or le mouvement AMAP, mouvement de citoyens œuvrant pour
l’intérêt collectif, et les associations consommateurs-producteurs
du réseau, sont précisément des espaces qui permettent de re-
connecter tout un chacun avec le monde agricole et qui permet-
tent aussi au consommateur de se réinvestir dans l’acte de pro-
duction à différentes étapes et sous différentes formes.
Comme vous l’aurez compris, cette actualité contredit toutes les
déclarations politiques comme celles issues du Grenelle de l’En-
vironnement.
Nous vous inviterons donc très prochainement à agir en qualité de citoyen pour la défense de l’installation agricole et des modes de production respectueux de l’en-vironnement. Nous avons tous notre mot à dire concer-nant la question de l’alimentation et nous allons le faire savoir. Tenez vous prêts !
Attention : il s’agit d’un livre important ! Important parce
que vous y apprendrez beaucoup de choses belles et passion-
nantes : de l’histoire des blés à celle de la production des semen-
ces en France, des expériences collectives sur les blés anciens
à des explications très pédagogiques sur la fabrication du pain…
Bref, que vous soyez novice ou déjà passionné, si vous êtes au
moins amateur de la beauté des blés et de la saveur du pain,
vous ne pourrez pas décrocher.
Mais c’est surtout un livre important parce qu’il met en valeur des
témoignages paysans. Encore mieux : des témoignages de pay-
sans sur leurs propres pratiques. Et c’est important car ils sont
bien rares, les ouvrages qui donnent le droit de cité à ces 10
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« Nos enfants nous accuseront »Film documentaire écrit et réalisé par Jean-Paul JAUD
Sortie nationale : le 5 novembre
Pour en savoir plus sur les enjeux autour des semences paysannes et/ou commander ce livre, une seule et excellente adresse : www.semencespaysannes.org
savoir-faire et à ces techniques, tellement souvent relégués dans
le placard du ‘traditionnel’. Or, chaque témoignage de ce livre dé-
montre combien les pratiques de ces paysans sont innovantes,
à la pointe de techniques de culture et de sélection où il reste
beaucoup encore à inventer.
Et chose rare encore, dans ce mélange détonnant, il y a aussi
une place pour de vrais partenariats avec le savoir scientifi que, en
toute égalité pour une fois. Et on voit avec bonheur comment une
coopération humble des deux mondes peut enrichir les savoirs
de chacun et en générer de plus riches encore.
Et tout cela, c’est important parce qu’à travers tout cela on ne
parle pas que de blé et de pain (sujets déjà Ô combien sérieux
pourtant !). Comme toujours quand il s’agit de l’agriculture pay-
sanne, à partir d’un tout petit grain de blé, on touche à des enjeux
beaucoup plus larges : en fi ligrane de leurs expériences, ces pay-
sans nous interpellent d’abord sur la question de la biodiversité
des plantes cultivées, cruciale en ces temps de changements
climatiques où la pauvreté génétique des variétés commerciales
met en danger toute notre alimentation. Ils nous interpellent aussi
sur la liberté des paysans à produire, sélectionner et re-semer
leurs semences à la ferme, ce qui est vital pour nous tous. Ils
nous interpellent enfi n sur le soin à donner à leurs terres, car nous
ne pourrons plus très longtemps faire survivre des plantes (ou
des humains) sur des sols moribonds. Ils nous interpellent sur
tout cela, et sur bien plus encore, en n’oubliant jamais l’essentiel
: revenir à la beauté des blés et au bon goût du pain partagé. « Et
ce n’est pas important, ça ? »…
Shah-Dia Rayan, permanente du Réseau AmapIdF
Une affi che avec le sigle du danger de mort sur un panier
de légumes, le message visuel est fort : ces produits de la terre
sont empoisonnés. Mangez-les et vous serez malades. C’est le
point de départ du fi lm, étayé de récits d’agriculteurs malades et
d’enfants malades de l’agriculture.
L’objectif est d’alerter le public sur les dangers de la chimie agri-
cole et de nous faire prendre conscience qu’il est grand temps
de changer le contenu de nos assiettes. En guise d’illustration,
le fi lm nous entraîne au pied des Cévennes, à Barjac, dont le
maire a décidé d’introduire le bio dans la cantine scolaire. L’ini-
tiative de cette municipalité sert d’exemple tout au long du récit
pour montrer les mérites d’une agriculture et d’une alimentation
de qualité. On voit les enfants et leurs parents sensibilisés aux
bienfaits du bio à travers une succession de scènes heureuses :
repas de famille, pique-nique, tomates et carottes cultivées par
les enfants eux-mêmes, champ de coquelicots où ils courent en
toute quiétude.
Si l’alerte est salutaire et l’exemple intéressant, le spectateur se
demande inexorablement en cours de projection : le modèle est-
il transposable ailleurs ? Suffi t-il d’aller frapper à la porte de ses
élus locaux ? Comment contourner les normes sanitaires très
réglementées des cantines scolaires ? Comment approvisionner
les grandes villes sans paysans locaux ? Et surtout, pourquoi et
comment en est-on arrivé là ? Or le fi lm élude étrangement toutes
ces questions en noyant les responsables du désastre annoncé
dans un nous généralisateur, pronom qui semble désigner à la
fois tout le monde et personne.
Si les agriculteurs sont présentés comme les premières victimes
de l’utilisation des pesticides par la manipulation très dangereuse,
et parfois irréversible, de substances chimiques, ils apparaissent
néanmoins comme la source principale du problème. Chacun
sait pourtant qu’ils sont pris comme tout le monde dans les dé-
rives du système dominant : de la politique agricole française qui
favorise l’agriculture intensive depuis trente ans, de la politique
agricole commune, de la pression des fi rmes phytosanitaires, de
la pression du marché, des cours des produits ou bien encore
de la grande distribution qui impose ses prix aux producteurs à
travers seulement six centrales d’achat en France. Mais parado-
xalement, rien n’est dit sur les multiples facteurs qui conduisent,
en effet, les agriculteurs à travailler dans des circuits de rentabilité
intenses pour répondre à l’économie d’échelle. Et non locale.
En faisant l’impasse sur le contexte politique et économique, le
fi lm comporte quelques lacunes évidentes, surtout pour un spec-
tateur non averti. Si les initiatives locales sont indispensables pour
donner de l’élan aux actions de masse, celle du maire de Barjac
en étant une parfaite illustration, sans le soutien des pouvoirs pu-
blics, elles restent le privilège d’une minorité. C’est donc à échelle
nationale que les décisions doivent être prises, pour être les mê-
mes pour tous ; et alors peut-être que sous l’impulsion d’une poi-
gnée d’irréductibles, nous parviendrons à mettre un autre monde
en marche.
Aude Pivin
Portrait
Dans un café du 17ème arrondissement, j’ai surpris l’autre jour une conversation entre deux femmes qui par-laient d’un agriculteur de la région. La première disait : « – Ce qui m’impressionne chez Manu, c’est sa sérénité à toute épreuve. – Oui, c’est vrai. Je me demande parfois comment il fait… – Il produit sur l’exploitation familiale, et cette terre, non seulement son père l’a cultivée avant lui, mais aussi son grand-père, et son arrière grand-père et son arrière arriè-re-grand-père ! Ensuite, il a connu les marchés, la vente en gros, et depuis trois ans, les AMAP, exclusivement. Alors, il en a vu passer des attaques de doryphores, des tempêtes de grêlons, des gelées tardives et autres avanies ! Et puis,
il est comme ça, Manu, il a l’assurance des gens que leur passion protège en quelque sorte. – Mais il n’a pas toujours été paysan pourtant ! Il m’a dit qu’il avait travaillé dans la communication... – Son parcours a connu quelques détours, c’est comme ça. Les médias du coup, ça ne lui fait pas peur. Il m’a même dit un jour qu’il regrettait de ne pas pouvoir s’exprimer plus à l’occasion des interviews. Il a beaucoup à dire, et à bien dire. Il ne mâche pas ses mots pour décrire le système qui contraint les paysans à une production forcenée, pour dé-crypter les stratégies des laboratoires agrochimiques... Et dans ses exposés, il sait faire preuve de beaucoup de pé-dagogie. Pendant les distributions, ça m’a été souvent très
Regards croisés sur un maraîcher
Cultivons notre jardin « La vie moderne »
Film réalisé par Raymond DepardonSorti en salles le 29 octobre
« Pour les respecter, il faut un peu de silence et un peu
de distance. » Ce sont les mots de Raymond Depardon à propos
des paysans. Sa méthode pour les fi lmer : une série de plans
fi xes, soigneusement cadrés, portraits d’hommes et de femmes
qui ont accepté de parler de leur quotidien. Ce milieu, Depardon
le connaît puisqu’il est lui-même fi ls de paysans, mais il a « fui » la
campagne dans les années soixante pour devenir photographe à
Paris. Un sentiment confus de honte et de regret l’a poussé par
la suite à revenir vers ces terres qu’il avait délaissées. Sillonnant
la France avec sa petite caméra, il va frapper régulièrement à la
porte de fermes familiales, toutes reculées, de la Haute-Loire, de
l’Ariège ou de la Haute-Saône.
Dernier volet d’une trilogie paysanne, Raymond Depardon est re-
venu voir en 2007 ces mêmes agriculteurs qu’il avait déjà fi lmés
en 2001 et 2005 dans une série intitulée, Profi ls paysans. Son
approche n’a pas changé, comme il le dit lui-même : un peu de
silence et un peu de distance. Ce respect est la marque de son
travail, cadre posé et parole mesurée. Paradoxalement, pour un
fi lm si peu bavard, c’est un fi lm très parlant. Parlant quand on voit
Marcel Privat conduire encore, à quatre-vingt-huit ans, ses brebis
au pâturage deux fois par jour ; quand on voit son frère, à quatre-
vingt-trois ans, malheureux devant une vache malade ; quand
on apprend que les enfants d’agriculteurs ont pour beaucoup
déserté la ferme familiale ; ou quand on voit ces paysages de
moyenne montagne si peu marqués par l’empreinte humaine.
Mais la tristesse gagne inévitablement devant le temps qui passe.
Les personnes vieillissent. « C’est la fi n, » dit Marcel Privat, visi-
blement très affaibli ; il a maintenant du mal à se lever le matin. A
quatre-vingt-huit ans, il ironise : « je suis devenu feignant. » Pous-
sés par la passion de toujours mieux faire, ils continuent jusqu’au
bout comme si la mort ne signifi ait pas pour eux la fi n d’une vie,
mais la fi n du travail. Et puis il y a ce dernier plan qui clôt le fi lm :
la silhouette de Raymond Privat diminuant dans la perspective à
mesure que la voiture s’éloigne ; c’est l’instant où l’angoisse de
ne plus jamais les revoir étreint soudain le spectateur. Mais que
vont-ils devenir ? Est-ce véritablement la fi n ?
Non, car malgré tout il y en a encore quelques-uns prêts à pren-
dre la relève : Camille, quinze ans, souhaite travailler sur l’exploi-
tation de son beau-père ; le fi ls de Jean-François veut faire le
même métier que son père, éleveur. Alors à tous ceux-là, jeunes
ou vieux, Depardon témoigne sa profonde reconnaissance, son
admiration, comme pour cette terre qu’il aurait dû connaître s’il
n’avait pas « fui ». Mais au lieu de la cultiver, il l’a fi lmée, et ma-
gnifi quement, nous révélant non pas un lieu d’amertume, âpre
ou diffi cile, mais un lieu d’espoir, et même de modernité : « Sur
bien des aspects, dit le cinéaste dans un entretien, notamment
écologiques, ils sont en avance sur les gens de la ville. Eux, ils
préservent la planète mais on ne le sait pas parce que l’on ne
s’intéresse plus à eux... Et sans doute qu’ils tiendront plus long-
temps que nous. Ce fi lm est résolument tourné vers l’avenir. »
Aude Pivin
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Agenda (pour plus de détail, consultez notre site : http://amap-idf.org/)
Vie du réseau :
• 13 novembre 2008 : Terre de liens Ile-de-France organise une 4ème édition de la réunion sur l’accès au foncier agricole et rural en Ile-de-France pour des projets écologiques. Accueil à partir de 19h00 et réunion à 19h15 au 26, rue Beaubourg à Paris (M° Rambuteau ou Châtelet les Halles).
• Samedi 15 novembre : Journée de projections et débats dans le cadre de la semaine sur la solidarité internationale et sur la crise alimentaire, avec l’AMAP du 13ème Consom’solidaire et le Barbizon. Centre d’ani-mation de la Poterne des Peupliers dans le 13ème. Pour info : http://consom-solidaire.over-blog.com/article-23799498.html
• Jeudi 4 décembre : Projection à 20h30 du fi lm Homo AMAPiens, suivi d’un débat avec l’agriculteur de l’AMAP des lapereaux. Moulin à café (9 place de la garenne, paris 14ème, métro Pernety).
• Les Ateliers d’écologie pratique continuent les deuxièmes samedi de chaque mois, de 15 heures à 17 heures, au Moulin à café (9 pla-ce de la Garenne, Paris 14ème, métro Pernety). L’atelier est gratuit. http://moulin.cafe.free.fr/
profi table, nos conversations au coin du cageot. Et je ne suis pas la seule à en avoir profi té ; il y a toujours un petit groupe qui se forme spontanément autour de lui. – Oui, on lui pose tous des questions, souvent les mêmes d’ailleurs : Manu, comment on cuisine le potimarron ? Manu, qu’est-ce que tu penses des OGM ? A quelle période de l’année tu fais tes semis ? Et combien de variété de légu-mes tu as ? T’as remarqué comment il répond, impassible, les bras croisés, les pieds bien plantés dans le sol ? – Manu, toujours imperturbable… cela dit, les Amapiens aiment aussi bien parler de leur expérience, des bienfaits du bio ou du plaisir qu’ils ont à découvrir de nouveaux lé-gumes, blettes ou pâtisson. Cette phrase, Manu me la ré-pète souvent d’ailleurs, c’est celle d’un couple d’Amapiens qui lui a dit un jour : « Chez nous, la cuisine est redevenue une pièce. » Pour lui, c’est ça le plus important, je crois, que les gens se retrouvent autour d’une table, réapprennent le plaisir des légumes et des saveurs. D’ailleurs, les sorties à la ferme en sont un bon exemple, tu ne trouves pas ?– Oui, c’est fou, il nous reçoit à chaque fois comme un vrai prince ! Tout le monde est conquis. Il n’y a qu’à observer ses quatre enfants et les autres, assis dans sa carriole tirée par les chevaux. Tu sais que les deux grands étaient des trot-teurs malchanceux qu’il a sauvés de l’abattoir ? – Oui. Quelle jubilation quand il les a poussés au galop à travers champs ! – Et les repas ! Autour d’une marmite géante de légumes fondants. On aurait dit le tonneau des Danaïdes... on n’en voyait jamais le fond. – Moi, la balade à travers ses cultures m’a semblé en parfait accord avec cette table créative : ici des plants d’asperges, là des artichauts et des pâtissons, en passant par ces lignes de choux ventrus... C’était très serein, comme Manu, ces plantations bien rangées, au
milieu d’herbes folles qu’il s’ingénie à dompter sans jamais en venir à bout. – Oui, d’ailleurs ça représente un travail considérable, si on s’imagine les douze hectares qu’il faut entourer d’un soin constant. Heureusement qu’il n’est pas tout seul, et que sa femme, Véronique, est là pour l’aider à la récolte avec un ou deux salariés, selon les saisons.– Oui, heureusement ; mais le plus rassurant dans le fond, c’est cette impassibilité, cet air serein qu’il affi che en toutes circonstances. Et cette passion qu’il veut tellement parta-ger, passion des champs et passion des légumes… – Il mange des fèves crues comme si c’était des bonbons !– Moi, j’y suis pas encore arrivée, mais ça viendra... »
Là, intrigué, je me lève, m’arrête à leur table et leur deman-de : « Mais de qui parliez-vous, Mesdames ? » Aussitôt l’une d’elle tire une photo de son sac. Sous le portrait, je lis :
Caroline Le Houerf et Aude Pivin
Conception / Réalisation - jean luc Monié - Versailles 01 39 02 28 00 © Photos : Anne-Lore Mesnage, pages 1, 3 et 4
EMMANUEL CRUCIFIX, maraîcher dans l’Oise.
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