S. BEJAR, A. RAMZU, J. MORMECHE, O. ZRAYER, E. MENIFService d’imagerie médicale La Rabta
Les bisphosphonates sont des médicaments utilisés depuis les années 1960 pour leur action antirésorptive sur l’os
Ils ont de multiples indications en thérapeutique avec des millions patients traités
En 2003, l’association bisphosphonates-ostéonécrose de la mâchoire (ONM) a été décrite par Marx
Les bisphosphonates ( BPP) ou diphosphonates sont utilisés depuis de nombreuses années dans le traitement de l’ostéoporose post-ménopausique, l’ostéoporose chez l’homme, dans des formes évolutives de Paget et dans le traitement de cancers avec une atteinte osseuse
Néanmoins, si de nombreuses études ont démontré l’intérêt des BPP dans la prévention des fractures et la stabilisation de la perte osseuse, leur utilisation entraîne des effets indésirables souvent transitoires et des complications surtout lors d’utilisation à long terme de BPP injectables en IV
Plusieurs centaines de cas d’ostéonécrose des maxillaires
(ONM) chez les patients traités par bisphosphonates.
De nombreuses zones d’ombres persistent quant à la physiopathologie, la fréquence et le rôle des BP dans la genèse de cette complication aux multiples visages.
Les bisphosphonates sont des analogues structuraux des pyrophosphates inorganiques qui ont un tropisme pour le phosphate de calcium solide.
Résistants à la dégradation enzymatique, ils s'accumulent dans le tissu osseux à de fortes concentrations pendant de très longues périodes.
Leur mécanisme d’action : Inhibition du remodelage osseux Action antiangiogénique par inhibition du VEGF
Définition non consensuelle Les ostéonécroses de la mâchoire sous
bisphosphonates se définissent comme une mise à nu osseuse de couleur blanc-jaunatre, spontanée ou suite à un geste dentaire, qui ne cicatrise pas dans un délai de 3 à 6 semaines chez un patient traité par bisphosphonates
La dénudation alvéolaire n'est pas retrouvée dans les autres types d'ostéite de type inflammatoire, infectieuse, ou dans les ostéoradionécroses
4 conditions sont nécessaires pour affirmer le diagnostic : Traitement par bisphosphonates antérieur ou en
cours Absence de radiothérapie sur la zone Existence de toute métastase locale écartée Lésion de la muqueuse dans la région maxillo-
faciale mettant à nu l’os nécrosé et persistant après 6 à 8 semaines de prise en charge adaptée
Pas totalement élucidée L'accumulation des biphosphonates pertubation du
remodelage osseux, + action antiangiogéniqued'une ischémie chronique.
L'os ainsi fragilisé, présenterait des microaltérations de ses propriétés biomécaniques.
Pourquoi la mâchoire?: Remodelage osseux important et rapide en raison des
contraintes physiques Souvent exposition osseuse après chirurgie ou atteinte
muqueuse (dentier) Environnement propice à la croissance bactérienne avec
survenue ostéomyélite
La majorité des cas est survenue après une intervention chirurgicale maxillo-faciale ou après extraction dentaire
Si l'atteinte spontanée peut survenir, un facteur déclenchant de type extraction ou chirurgie dentaire est retrouvé dans 61,5 % des cas
Les facteurs de risque incluent la radiothérapie maxillo-faciale, les affections parodontales et les traumatismes faciaux, la chimiothérapie, l’hormonothérapie ou la corticothérapie, l’âge, la corticothérapie, les immunosuppresseurs, la malnutrition, les ostéopathies, l’anémie, les coagulopathies et les infections des maxillaires > et <.
L’alcoolisme, le tabagisme, le diabète et une mauvaise hygiène sont également des facteurs importants.
Les risques d’ostéonécrose maxillaire augmentent en fonction de la durée de prise de BPP.
Significativement plus élevés après 3 ans sans tenir compte des facteurs de comorbidité.
La localisation des ostéonécroses dans la littérature se répartit entre la mandibule (59 % des cas), le maxillaire (27 %) ou les deux localisations (8 %)
Cette pathologie se présente cliniquement comme un défaut de cicatrisation de l'alvéole, exposant un os plus ou moins friable.
Le saignement et la douleur sont inconstants. L’examen clinique fait, le plus souvent, le
diagnostic d’ostéonécrose. 1/3 des cas est indolore Les autres cas sont douloureux et/ou associés à une
tuméfaction et/ou à une mobilité dentaire anormale. L'enjeu clinique est réel car si le lien au traitement
par les biphosphonates peut être établi de façon précoce, la prise en charge odontologique des patients peut être mieux adaptée.
Signes fonctionnels: Douleurs d’intensité variable, lancinantes, non systématiques. Paresthésie ou une anesthésie du territoire concerné (région
labio-mentonnière lorsque l’ONM se situe sur le trajet du nerf alvéolaire inférieur)
Halitose, Cacosmie en cas de localisation maxillaire avec répercussion sinusienne
L’examen clinique: Brèche muqueuse mettant à nu un os avasculaire et atone,
souvent en rapport avec une ou plusieurs alvéoles dentaires déshabitées
Séquestre osseux en formation, plus ou moins mobile, est souvent responsable de douleurs
Inflammation des tissus mous périphériques inflammatoires. Suppuration ,Fistule muqueuses et/ou cutanées si surinfection
L'imagerie a été intégrée de façon récente à la classification des ostéonécroses par un groupe d'experts français en 2008
Leur classification non graduelle est utilisée pour le suivi des patients, afin de rechercher des éléments cliniques et/ou scanographiques pronostiques.
Elle a été établie selon l'état des connaissances actuelles et sera donc amenée à évoluer.
En effet, la condensation osseuse retrouvée de façon quasi constante est de signification encore indéterminée : s'agit-il d'un signe d'imprégnation des maxillaires en bisphosphonate ou réellement d'un signe évocateur d'ostéonécrose des maxillaires ?
Atteinte clinique Signes scanographiques
A: absence de dénudation osseuseA bis : fistulisation avec ou sans suppuration
0 : absence d’ostéocondensation
B : dénudation osseuse 1 : Ostéocondensation
C : dénudation osseuse + suppurationD : C + fistulisation cutanée
2 : Ostéocondensation et double contour
S : douleur, lourdeur, dysesthésieNs : absence de symptôme
3 : Ostéocondensation + séquestre sans double contour 4 : Ostéocondensation + double contour + séquestre L : atteinte localiséeE : atteinte étendue
Facon T, Bensadoun RJ, Blanc JL, Confavreux C, Gourmet R, Maes JM, Penel G, Vieillard MH, Woeller A. Ostéonécrose des maxillaires et biphosphonates en cancérologie. Bull Cancer 2008 ; 95 (4) : 413-8.
Coupes axiales montrant une ostéonécrose grade 4 E avec des lésions ostéolytiques et ostéocondensante étendues à l’ensemble des branches horizontales de la mandibule associées a une réaction périostée à prédominance linguale réalisant un aspect en double contour
Coupe axiale montrant une ostéocondensation hémimandibulaire gauche sur le versant buccal cernée d’un liseré clair radio-clair, situé en regard de l’émergence foraminale du nerf alvéolaire inférieur correspondant à un séquestre
Reconstructions 3D en mode VR montrant des lésions mandibulaires étendues à l ’ensemble des branches horizontales et respectant les branches verticales de la mandibule
L'orthopantomogramme, réalisé avant la mise en place du traitement par BP, permet de détecter les foyers infectieux dentaires, kystes et granulomes apicaux.
Il permet la détection précoce de foyers asymptomatiques correspondant à des zones d'ostéonécrose non exposés dans la cavité buccale.
Lors du diagnostic un orthopantomogramme, au mieux complété par un scanner maxillaire et mandibulaire Précise l’atteinte osseuse, à type d’ostéosclérose
seule ou associée à une ostéolyse Complications telles que des fractures, séquestres
osseux, fistules buccosinusiennes ou sinusites associés peut être détectée et guider la prise en charge
En cours de traitement : OPT évalue l’évolution et la consolidation osseuse
Difficile voire impossible par l’imagerie uniquement, vu l’aspect variable des lésions d’ostéonécrose maxillaire.
L’examen et le contexte clinique orienteront le diagnostic.
L’imagerie permet de visualiser l’étendue des lésions. Concernant les diagnostics différentiels,
l'ostéoradionécrose survient après radiothérapie locale ou curiethérapie.
Les métastases osseuses surviennent dans les tumeurs les plus ostéophiles, s'accompagnent souvent d'une masse expansive des parties molles autour de la zone de lyse corticale. Elles peuvent être contemporaines de douleurs neurogènes liées à des disséminations périneurales.
L'orthopantomogramme (au mieux le scanner) permet de suivre l'évolution après traitement, et de mesurer en particulier la consolidation osseuse après traitement chirurgical conservateur.
Malheureusement, les anomalies radiologiques étant peu spécifiques, c'est leur association à un contexte clinique évocateur qui permet d'établir le diagnostic : la biopsie n'est pas recommandée chez ces patients qui présentent des retards de cicatrisation et pour qui les gestes invasifs doivent être évités
Si l'amélioration clinique fait souvent suite au traitement médical, on retrouve fréquemment des zones de nécrose persistante.
L'arrêt des BP ne semble pas influencer l'évolution
Le meilleur traitement est certainement préventif, à type de remise en état buccodentaire et ce, dans la limite du possible, avant de mettre en place le traitement par BP.
Modalités d’imagerie
Résultats
Radiographie conventionnelle
et scanner
Ostéolyse, lésions sclérosantes, réaction périostée, rétrécissement de l’os spongieux, atteinte du canal alvéolaire inférieur, fractures
IRM
T1 HypoT1
T2 Variable : signal intermédiaire ou légèrement élevé au début de la maladie.Hyper ou hyposignal aux stades plus tardifs
T1 FAT SAT Gado
Variable: peut être corrélé au degré d’intensité du signal sur les séquences T1
Scintigraphie Tc99
Hypofixation au début de la maladie.Plus tard, hyperfixation avec parfois hypofixation centrale
Si les BPP ont prouvé leur efficacité dans la prévention des fractures tant dans l’ostéoporose que dans différentes pathologies cancéreuses en particulier le myélome, leurs effets secondaires ne sont pas négligeables surtout à long terme
Surviennent préférentiellement chez les patients traités par voie injectable au cours du myélome
Diagnostic clinico-radiologique Imagerie : diagnostic positif et suivi La prise en charge est surtout préventive