Rites/rituels dans la conception des
phyto-médicaments : vers un abandon de
pratiques au Burkina Faso? SAMBARE-YAMEOGO P. Adèle
Doctorante, sociologie
Université Joseph Ki-Zerbo
(Laboratoire de recherche interdisciplinaire en sciences
sociales et santé/LARISS)
Octobre 2019, Marseille (France)
Colloque international les 25ème Actualités du Pharo
Plan de la présentation
• Introduction
• Objectif de l’étude
• Méthode
• Résultats
• Conclusion/Discussions
Introduction (1/3)
• La médecine traditionnelle africaine: plantes, pratiques de préparation
extemporanée
• La médecine traditionnelle, inscrite dans une dynamique d’innovations
• Avènement de médicaments dits « traditionnels améliorés » (MTA) ou
phyto-médicaments, élaborés selon des normes de bonnes pratiques
Introduction (2/3)
• émergence de nouveaux acteurs (hommes de sciences) et apparition de
nouvelles pratiques
• Au niveau des tradipraticiens, le glissement d’une production extemporanée
vers une production standardisée
• Un abandon de certaines pratiques rituelles chez un grand nombre de
tradipraticiens, en milieu urbain
Introduction (3/3)
❑Quelle place est accordée aujourd’hui à
des pratiques rituelles séculaires lors de la
collecte de plantes médicinales et
l’élaboration du produit fini?
Objectif de l’étude
Il s’agit d’analyser les logiques qui conduisent à des changements de
pratiques en matière de production de phyto-médicaments?
Méthode
• Type d’étude: étude qualitative
• Site de l’étude: Ouagadougou
entretiens individuels semi-directifs et entretiens de groupe
• Cible: tradipraticiens de santé, « hommes de sciences » producteurs de
phyto-médicaments
Résultats
Une dissonance dans la conception de la plante
et de la maladieDans la logique de la médecine
traditionnelle
➢La plante ou l’arbre, un être double (âme etcorps), dotée des mêmes sens que l’humain,ayant une capacité de mobilité
➢L’humain est perçu comme une entitéconstituée de deux éléments indissociables :l’âme et le corps
➢La maladie, appréhendée comme undéséquilibre entre le monde visible etinvisible
Dans la conception de la médecine
moderne
➢La plante est un organisme vivant, qui
ne dispose ni d’une âme, ni d’un corps
➢La survenue de la maladie, le fait d’un
dysfonctionnement d’un organe
Une ambivalence dans les techniques de cueillette
des plantes médicinales (1/1)
➢Les hommes de sciences producteurs de phyto-médicaments
• Des techniques de collecte des plantes axées uniquement sur des normes de bonnes
pratiques de cueillette
• Référence à la science, aux preuves scientifiques et non aux rites pour la collecte et la
production de phyto-médicaments.
➢Les tradipraticiens
• Des techniques de collecte axées sur les bonnes pratiques de cueillette et des pratiques
rituelles séculaires en voie d’abandon
Des pratiques en mutation autour
de la cueillette des plantes médicinales (1/4)
➢Le phénomène d’urbanisation contraint à une adaptation des pratiques
• De moins en moins de tradipraticiens procèdent eux-mêmes à la collecte des plantes
du fait de l’éloignement des forêts
• D’où le recours à des collecteurs ou achat des plantes médicinales sur les marchés
• L’obligation d’un partage des secrets avec certains collecteurs
Des pratiques en mutation autour
de la cueillette des plantes médicinales (2/4)
➢Des contraintes liées à la pratique des religions importées
L’abandon de certaines pratiques rituelles dans l’administration de soins thérapeutiques
dans les cas des maladies dites « naturelles » ou « simples »
« Dans la tradition, la manière de cueillir les plantes avant et aujourd’hui, il y a une différence. La
différence est qu’ avant on tuait des poulets. Mais avec l’arrivée des religions, tout ça à commencer à
disparaitre. Mais, ça ne veut pas dire que le prélèvement avec les poulets et les paroles sont à négliger.
Nous pratiquons cela toujours parce qu’il y a des maladies où il faut procéder ainsi » (Tradipraticien, sexe
masculin, 70 ans, retraité).
Des pratiques en mutation autour
de la cueillette des plantes médicinales (3/4)
• Par contre, on assiste à un maintien, une observance de ces pratiques rituelles héritées
lors des traitements de maladies dites « d’envoutement », « surnaturelles », « mystiques »
« La même plantes qu’on prélève pour faire le MTA (phyto-médicament), c’est la même plante qu’ on
prélève aussi pour faire de la médico magie, c’est à dire soigner des gens de façon mystique; donc ça fait
que quand vous prélevez dans ce sens vous êtes obligés de faire ce rituel. Mais quand c’est pour soigner
simplement comme ce que nous on fait, ça ne suis pas la même technique parce que vous n’allez pas venir
poser le médicament et égorgé un poulet » (Tradipraticien, sexe masculin, 65ans)
Des pratiques en mutation autour
de la cueillette des plantes médicinales (4/4)➢un délaissement de certains rites hérités
• Le manque de confiance aux futurs initiés
• Des pratiques rituelles simplifiées pour la progéniture
« Il y a des recettes à l’heure actuelle, il faut se lever le matin de bonne heure; arriver à 100 ou 150 m de laplante, il faut se déshabiller tout nu, aller cueillir la plante et puis revenir prendre ses habits. Il y a toujoursces recettes là. Mais l’enfant ne pourra pas le faire, ah! Oui! faut lui trouver une autre recette qui n’est pascelle-ci sinon il ne pourra pas. Il va porter son pantalon et sa chemise, aller cueillir et ça ne va pas marcher,moi je peux toujours le faire, mais comme je veux initier mes enfants, j’ai peur qu’ils ne puissent pas lefaire. Je préfère changer dès maintenant pour qu’ils n’aient pas de problèmes, parce que quand tu laisses tesenfants et puis ils ne font pas les choses de la manière qu’on nous a appris, ils ne feront pas de bonnesrecettes; ils ne feront pas un bon travail; donc c’est à cause des enfants que j’ai changé ça ils ne pourrontpas, je vous le dis.» (Tradipraticien, sexe masculin, 65 ans, plus de 30 ans dans le métier).
La divinité au centre du processus
thérapeutique (1/1)
• Un rituel incontournable : invoquer Dieu pour garantir l’efficacité du produit
• De nouvelle formes d’incantations selon les préceptes des religions importées
«Comme nous sommes des croyants nous pouvons faire notre prière avant de cueillir la plante et préparer
le médicament. On peut faire son BISIMILAYE (au nom de Dieu, en arabe). On peut faire son signe de
croix, ce ne sont pas des incantations en temps que telles. Mais égorger les poulets ? Ça on est plus dedans
comme ça! » (Tradipraticien, sexe masculin, 67 ans, sans instruction, plus de 40 ans dans le métier).
« Je suis musulman. Quand j’arrive devant la plante je dis ASSALAMOUALEKOM (que la paix soit sur
vous, en arabe) et puis je dis BISIM LAYE ARAMAN ARAHIM (au nom de Dieu, clément et
miséricordieux, en arabe), je cueille ma plante. J’ai prononcé le nom de Dieu ; le nom de Dieu est plus
puissant que tout » (Tradipraticien, sexe masculin, 69 ans, instruit, plus de 40 ans dans le métier).
•
Conclusion/Discussions
• Le médicament quelle que soit son origine s’inscrit dans des logiques sociétales autres
que celle biomédicales.
• L’efficacité du phyto-médicament selon la conception des tradipraticiens, répond à des
conditionnalités
• Des facteurs contraignent les tradipraticiens des villes à une réadaptation de pratiques
• Ce qui n’est pas sans engendré des conflits avec ceux des campagnes qui manifestent
de la défiance quant à l’efficacité des médicaments produits par leurs pairs citadins.
MERCI
POUR VOTRE AIMABLE
ATTENTION