Presse Med. 2010; 39: 953–959 en ligne sur / on line on� 2010 Publié par Elsevier Masson SAS. www.em-consulte.com/revue/lpm
Obesitewww.sciencedirect.com
Dossier thématique
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Recommandations de bonnes pratiquespour la chirurgie de l’obésité
Cécile Ciangura1,2,3, David Nocca4, Valérie Lindecker5
1. Groupe hospitalier Pitié Salpêtrière (AP–HP), pôle d’endocrinologie,service de nutrition, 75651 Paris cedex 13, France
2. Université Pierre-et-Marie-Curie-Paris 6, 75005 Paris, France3. Centre de recherche en nutrition humaine-Île-de-France (CRNH-IdF),
75651 Paris cedex 13, France4. CHU de Montpellier, faculté de médecine, service de chirurgie digestive 2,
34000 Montpellier, France5. Haute autorité de santé, service des bonnes pratiques professionnelles,
93218 Saint-Denis La Plaine cedex, France
Correspondance :Cécile Ciangura, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, pôle d’endocrinologie,service de nutrition, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, [email protected]
Key points
Guidelines for clinical practice for bariatric surgery
Bariatric surgery is intended for subjects with BMI � 40 kg/m2 or
� 35 kg/m2 with comorbidities. In any case, the indication can only
be envisaged in patients who have had access to specialized
medical care, and agree with a prolonged medical follow-up.
After 60 years old, physiological age and comorbidities need to be
highly considered.
In genetic obesity and craniopharyngioma, surgery is exceptional.
Main contraindications consist in severe disorders in feeding
behaviour, non-stabilized psychiatric disorders, alcoholism, drug
addiction, inability to participate in prolonged medical follow-up.
Surgical process includes many important stages: preparation and
information by a multidisciplinary team (identify contraindication,
give optimal information, look for and treat comorbidities [as sleep
apneoas syndrome, diabetes, cardiopulmonary disease], assess
nutritional and psychological status and feeding behaviour); the
decision of intervention during a concerted analysis by a multi-
disciplinary team; follow-up (for life) led to screen for nutritional
deficiencies and surgical complications, to reinforce diet and
tome 39 > n89 > septembre 2010doi: 10.1016/j.lpm.2010.03.025
Points essentiels
Les indications de la chirurgie bariatrique dans la prise en charge de
l’obésité sont : l’indice de masse corporelle (IMC) � 40 kg/m2 ou
IMC � 35 kg/m2 associé à des comorbidités, l’adhésion au suivi sur le
long terme, l’échec des mesures classiques.
Après 60 ans, l’indication est au cas par cas en fonction de l’âge
physiologique et des comorbidités.
Pour les obésités génétiques ou liées à un craniopharyngiome, la
chirurgie est non recommandée en dehors de situations exception-
nelles.
Les contre-indications de la chirurgie bariatrique dans la prise en
charge de l’obésité sont : les troubles graves du comportement
alimentaire, les affections psychiatriques sévères ou non stabilisées,
l’alcoolisme et la toxicomanie, l’incapacité prévisible à adhérer au
suivi.
Le circuit proposé est : la préparation et l’information par une
équipe multidisciplinaire (identifier les contre-indications, informer
sur les différentes techniques et les engagements nécessaires
du patient, évaluer et prendre en charge avant l’intervention un
diabète, un syndrome d’apnées du sommeil, une maladie cardior-
espiratoire notamment, le statut nutritionnel et vitaminique, l’aspect
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GABCDGGHIMNTTT
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Début 2009, de nouvelles recommandations « Obésité :prise en charge chirurgicale chez l’adulte » ont été émises par laHaute autorité de santé (HAS) [1]. L’élaboration de ces nou-velles recommandations répond aux demandes du ministère dela Santé (dans le cadre du Programme national nutrition santé),et de la Société française et francophone de chirurgie del’obésité et métabolique (Soffcom). Les objectifs de ces nou-velles recommandations sont d’améliorer l’efficacité à longterme de la chirurgie bariatrique, et de réduire la survenueet la gravité des complications. Ces recommandations s’attach-ent à décrire précisément la préparation du patient, et à mieuxidentifier les collaborations interprofessionnelles indispensa-bles à la décision d’opération et au suivi. Ces recommandationssont basées sur des études de niveau de preuve intermédiaireou le plus souvent faible. Un certain nombre de recommanda-tions ont été établies sur la base d’accord professionnel.
La chirurgie de l’obésité : un outilen développement dans la prise en chargede l’obésité massiveLes dernières enquêtes nationales rapportent que 12 à 17 % dela population adulte en France est obèse, soit près de 6 millionsde personnes [2,3]. L’augmentation la plus importanteconcerne l’obésité massive qui représente aujourd’hui prèsde 1 % de la population, contre 0,3 % en 1997.L’obésité, et en particulier l’obésité massive, est associée à descomplications somatiques nombreuses et potentiellement
lossaireGA anneau gastrique ajustablePG bypass gastriquePAP continuous positive airway pressureBP dérivation biliopancréatiqueL gastrectomie longitudinaleVC gastroplastie verticale calibréeAS Haute autorité de santéC indice de masse corporelle
ASH stéatohépatite non alcooliqueCA trouble du comportement alimentaireDM tomodensitométrieOGD transit oeso-gastro-duodénal
graves : les atteintes cardiovasculaires et respiratoires, maisaussi oncologiques, conditionnent les risques à court et moyenterme ; les atteintes ostéoarticulaires et cutanées impactentdirectement la qualité de vie et le pronostic fonctionnel.L’obésité est le lit des complications métaboliques telles quele diabète, les dyslipidémies et les atteintes hépatiques [stéa-tohépatite non alcoolique (NASH) syndrome] ; elle peut avoirun retentissement psychologique et social, et augmenter lescoûts de santé [4].Parallèlement à cette augmentation franche de la prévalencede l’obésité, le recours à la chirurgie bariatrique s’est consi-dérablement développé. En 2009, plus de 400 équipes chir-urgicales réalisent ce type d’intervention [5]. D’après lesdonnées du Programme de médicalisation des systèmes d’in-formation (PMSI), le nombre annuel d’actes de chirurgie bar-iatrique a été multiplié par 7 de 1997 à 2006 (13 653 séjoursavec chirurgie bariatrique en 2006, dont 68 % dans les éta-blissements privés) [6]. L’augmentation de recours à cettechirurgie a été plus rapide que celle de la prévalence del’obésité dans l’ensemble de la population. De fait, la chirurgiede l’obésité apparaît actuellement comme le traitement quipermet le plus souvent une perte de poids significative etdurable [7], et qui améliore les comorbidités [8] au point dediscuter l’extension des indications aux cas d’obésité modéréeen cas de diabète [9].Trois notions paraissent essentielles :� les objectifs de la prise en charge therapeutique de l’obesite
sont non seulement d’ameliorer le statut ponderal, mais aussi
et surtout la qualite de vie et les complications de l’obesite [4] ;� independamment de tous les benefices postoperatoires, la
chirurgie de l’obesite est une procedure risquee : mortalite
perioperatoire, complications mecaniques liees aux montages
chirurgicaux, complications fonctionnelles et nutritionnelles
pouvant survenir meme a distance de l’intervention
(cf. chapitre dedie dans ce numero) ; elle doit etre consideree
dans la gestion de situations physiologiques telles que la
grossesse :� la chirurgie n’est pas une finalite en soi, mais s’integre dans la
prise en charge medicale, globale, et individualisee de
l’obesite en tant que maladie chronique.
Un certain nombre de recommandations françaises [10], eur-opéennes [11] et américaines [12] ont été publiées. Cependant,une enquête menée par l’Assurance maladie entre décembre2002 et janvier 2003, a montré que les recommandations
physical activity counselling, to adapt to new situations (as
pregnancy), and advise psychological care if necessary.
psychologique et le comportement alimentaire) ; décision concertée
et multidisciplinaire ; suivi (à vie par défaut) : dépister les complica-
tions nutritionnelles et chirurgicales, renforcer les mesures diété-
tiques et pour l’activité physique, s’adapter aux situations
physiologiques (exemple de la grossesse) et à l’évolution des comor-
bidités, proposer un suivi psychiatrique ou psychologique si besoin.
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concernant les indications et l’évaluation préopératoire despatients étaient insuffisamment respectées (suivi des recom-mandations dans 34 % des cas, absence d’indication dans 16 %,et absence de préparation multidisciplinaire dans 45 % des cas)[13], que le suivi postopératoire des patients était insuffisant(12 % de patients perdus de vue de à 1 an, 18 % à 2 ans), et laprise en charge multidisciplinaire postopératoire insuffisante(3,7 %) [5]. Enfin de nouvelles problématiques telles que lesréinterventions ont émergé.
Les recommandations et les changementspar rapport aux précédentes
IndicationsLa chirurgie bariatrique peut être envisagée chez des patientsadultes réunissant l’ensemble des conditions suivantes :� IMC superieur a 40 kg/m2 ou IMC > 35 kg/m2 associe a au
moins une comorbidite susceptible d’etre amelioree apres la
chirurgie (notamment hypertension arterielle, syndrome
d’apnees du sommeil et autres troubles respiratoires severes,
desordres metaboliques severes, en particulier diabete de
type 2, maladies osteoarticulaires invalidantes, steatohepatite
non alcoolique) ;� en deuxieme intention apres echec d’un traitement medical,
nutritionnel, dietetique et psychotherapeutique bien conduit
pendant 6–12 mois ;� en l’absence de perte de poids suffisante ou en l’absence de
maintien de la perte de poids ;� chez des patients bien informes au prealable, ayant beneficie
d’une evaluation et d’une prise en charge preoperatoires
pluridisciplinaires, ayant compris et accepte la necessite d’un
suivi medical et chirurgical a long terme ;� avec un risque operatoire acceptable.
Dans ces recommandations, l’accent est mis sur le contenu de lapréparation et de l’information plutôt que sur une durée desuivi en soi, et sur l’élargissement de comorbidités retenuespour l’indication chirurgicale. Un point important est la prise encompte de l’IMC initial documenté ; la perte de poids préo-pératoire ne contre-indique pas la chirurgie (si cette perte depoids est insuffisante ou non maintenue, même si l’IMC estalors inférieur à 35 ou 40 kg/m2). Par contre, même si quelquesrécentes études mettent en évidence des effets positifs de lachirurgie bariatrique chez des patients diabétiques dont l’IMCest compris entre 30 à 35 kg/m2, les données restent prélimi-naires et le seuil de 35 kg/m2 est maintenu.Aucune limite d’âge supérieure n’a été retenue a priori, mais ilest recommandé, après 60 ans, de poser l’indication au cas parcas en fonction de l’âge physiologique et des comorbiditésassociées. Dans ce contexte, l’appréciation clinique a toute saplace, de même qu’une information rigoureuse pour évaluerla balance bénéfices/risques pour ces patients plus fragiles(risque opératoire, sarcopénie).
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Contre-indications
Tout comme les précédentes recommandations [11], lescontre-indications sont représentées par :� les troubles cognitifs ou mentaux severes ;� les troubles du comportement alimentaire severes et non
stabilises ;� l’incapacite previsible du patient a participer a un suivi medical
prolonge ;� la dependance a l’alcool et autres toxicomanies ;� l’absence de prise en charge medicale prealable identifiee ;� les maladies mettant en jeu le pronostic vital a court et moyen
terme ;� les contre-indications a l’anesthesie generale.
Les précisions des nouvelles recommandations concernent lecaractère potentiellement temporaire des contre-indications,et la possibilité de reconsidérer la situation après leur prise encharge. D’une façon générale, le point souligné est la nécessitéd’intégrer le projet chirurgical dans la prise en charge chroniqueet personnalisée de ces patients obèses « plus difficiles », et deposer une indication mûrie et préparée. Les situations particu-lières des obésités d’origine génétique ou de craniopharyn-giome sont détaillées : la chirurgie n’est pas recommandée,mais l’indication peut être retenue, de façon exceptionnelleaprès discussion au cas par cas par l’équipe pluridisciplinaire dechirurgie bariatrique et les praticiens habituellement en chargede ces maladies.
Parcours du patient
Le parcours du patient (Figure 1) intéressé par une interventionbariatrique est précisément décrit, afin d’améliorer de la qua-lité des soins et standardiser la prise en charge pluridiscipli-naire.Les points forts sont :� la description du contenu de l’information au patient (voire sa
famille) ;� la description detaillee de l’evaluation preoperatoire et du suivi
postoperatoire ;� la composition de l’equipe pluridisciplinaire et son fonctionne-
ment concerte ;� le lien avec le medecin traitant [un document synthetique et
specifique pour les medecins traitants a ete conçu par la HAS
(http://www.has-sante.fr)].
L’information doit porter principalement sur la technique chir-urgicale et ses conséquences physiologiques ou pathologiqueset sur les implications pour le patient :� il est recommande que l’equipe medicochirurgicale puisse
proposer l’ensemble des techniques. Le principe, les benefices,
les risques et inconvenients de chaque technique doivent etre
expliques, de meme que possibilite de recours a la chirurgie
reparatrice apres perte de poids. Les limites de la chirurgie
(notamment en termes de perte de poids) doivent egalement
etre evoquees ;
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[(Figure_1)TD$FIG]
Figure 1
Circuit du patient
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� le patient doit avoir compris la necessite de modifier son
comportement alimentaire et son mode de vie (en termes
d’activite physique notamment), d’adherer a un suivi toute la
vie et les consequences potentiellement graves de l’absence
de suivi.
Il est recommandé de remettre au patient un livret donnant desinformations sur l’intervention. Un document téléchargeablesur le site http://www.has-sante.fr a été conçu comme sup-port, sans prétendre remplacer l’information donnée par lesprofessionnels de santé lors des entretiens collectifs et indivi-
duels. Les formes de l’information sont volontiers multipleset différentes, mais doivent être « traçables ». Le recoursaux associations de patients et réseaux peut être utile etcomplémentaire.L’évaluation médicochirurgicale préopératoire a pour objectifde caractériser au mieux la situation médicale et chercherd’éventuelles contre-indications, optimiser les chances de réus-site (pondérale, tolérance psychologique. . .), et minimiser lescomplications (risques anesthésiques, nutritionnels notam-ment).
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Cette évaluation doit comporter :� une recherche systematique et une prise en charge des
comorbidites telles que le syndrome d’apnees du sommeil et
autres maladies respiratoires, un tabagisme, une hypertension
arterielle, un diabete de type 2, une atteinte hepatique ;� une evaluation du comportement alimentaire et la prise en
charge d’un eventuel trouble du comportement alimentaire
(TCA) ; un programme d’education therapeutique aux plans
dietetique et de l’activite physique ;� une evaluation psychologique et/ou psychiatrique pour
identifier les contre-indications psychiatriques (troubles
mentaux severes, comportements d’addiction, etc.), evaluer
la presence et la qualite du soutien sociofamilial indispensable
a la periode perioperatoire et aux periodes de changement
majeur apres l’intervention. Elle permet de proposer des prises
en charge adaptees avant chirurgie si besoin, et d’orienter le
suivi en postoperatoire (par exemple, fragilite psychologique,
depression. . .) ;� la recherche de carences vitaminiques preexistantes a la
chirurgie et leur correction. En pratique, il faut verifier les taux
d’albumine, d’hemoglobine, de calcium, de vitamines D, B1,
B9, B12, et de statut martial. En effet, les deficits vitaminiques
sont frequents chez les personnes obeses independamment
de toute chirurgie, vraisemblablement expliques par la
repetition des regimes restrictifs, le niveau socioeconomique,
etc. [14]. Les interventions malabsorptives (bypass et
diversion biliopancreatique), mais aussi les chirurgies restric-
tives surtout quand elles entraınent une perte de poids
importante et qu’elles sont associees a des intolerances
alimentaires et/ou vomissements, sont associees a des
deficits importants notamment en fer, calcium et vitamine
D, vitamine B12 [14,15]. Au-dela du retentissement
« classique » tel que l’asthenie, les troubles des phaneres,
l’anemie, etc., des atteintes neurologiques dramatiques ont
ete decrites (encephalopathie de Gayet-Wernicke par carence
en B1, polyneuropathie par carence en B9 et B12) [16] ;� par ailleurs, afin d’optimiser la diversite alimentaire et prevenir
ces carences, une evaluation des capacites de mastication et
de l’etat dentaire est recommandee ;� une endoscopie oesogastroduodenale afin de chercher une
infection par Helicobacter pylori et une autre maladie digestive
contre-indiquant certaines procedures (hernie hiatale, ulcere,
gastrite. . .). La realisation de biopsies gastriques et la recherche
systematique d’Helicobacter pylori avant bypass gastrique est
justifiee par la frequence de cette infection chez l’adulte (24 a
41 %), du risque de transformation neoplasique sur le long
terme, et de l’impossibilite d’acceder a la pochegastriqueexclue
apres certaines interventions.
La décision d’intervention est prise à l’issue d’une discussion etd’une concertation de l’équipe pluridisciplinaire. L’équipe plur-idisciplinaire doit comporter au minimum un chirurgien, unmédecin spécialiste de l’obésité (nutritionniste, endocrinolo-
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gue ou interniste), une diététicienne, un psychiatre ou unpsychologue, et un anesthésiste-réanimateur. Chaque patienta néanmoins un soignant référent. Il est souhaitable dedemander l’avis du médecin traitant. Les conclusions de cetteconcertation doivent être formalisées et transcrites dans ledossier du patient, et communiquées à tous les membres del’équipe pluridisciplinaire, au médecin traitant et au patient.Le point fort est la concertation des différents intervenantsautour du projet individuel de chaque patient, en prenant encompte toutes les dimensions. Cette recommandation s’opposeà un certain nombre de pratiques abusives qui consistent àcolliger une succession d’avis non concertés.En ce qui concerne le suivi postopératoire précoce :� une prevention thrombo-embolique est recommandee dans
les jours suivant l’intervention ;� en cas de comorbidites cardiorespiratoires, ou de complica-
tions operatoires, le suivi postoperatoire immediat doit
pouvoir etre realise en unite de surveillance continue ;� la gravite potentielle des complications apres chirurgie
bariatrique justifie un suivi chirurgical rapproche. Quelle que
soit la technique, les principales complications a chercher sont
les perforations digestives a l’origine de peritonite, les
complications hemorragiques, les occlusions intestinales, dont
le pronostic est conditionne par la rapidite de la prise en charge
chirurgicale. C’est pourquoi, la suspicion clinique d’une
complication (notamment tachycardie, dyspnee, douleurs
abdominales, confusion ou hyperthermie), en l’absence de
signes peritoneaux (defense ou contracture), doit conduire a
reintervenir precocement. Les examens radiologiques (transit
oeso-gastro-duodenal [TOGD], tomodensitometrie [TDM] thor-
aco-abdominale avec angio-TDM pour eliminer une embolie
pulmonaire. . .) peuvent aider au diagnostic, mais ne doivent
pas retarder la reintervention ;� les modalites de realimentation postoperatoire n’ont pas ete
detaillees dans ces dernieres recommandations, les pratiques
de chaque equipe etant differentes et les donnees de la
litterature non consensuelles. Les conseils minimaux associent
une alimentation lente apres mastication efficace et en petite
quantite, au besoin fractionnee (pour respecter la restriction
imposee par la poche gastrique), diversifiee en privilegiant les
proteines (pour eviter les denutritions et carences), equilibree
en evitant les aliments a forte densite calorique (pour eviter la
reprise de poids et les troubles fonctionnels tels que le
dumping syndrome).Le suivi après l’intervention doit être assuré toute la vie. Eneffet, la chirurgie n’est qu’une étape dans l’histoire de l’obésité,et il existe un risque de complications tardives (chirurgicales ounutritionnelles) et de reprises de poids.Le rythme de suivi recommandé est au moins 4 consultations lapremière année, et 1 ou 2 par an ensuite. À chaque consultationde suivi, les signes cliniques de carences vitaminiquesou nutritionnelles (asthénie, troubles des phanères, signes
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neurologiques. . .) sont cherchés. L’examen est complété pardes dosages biologiques, à prescrire en fonction du typed’intervention (risque carentiel croissant : anneau gastriqueajustable [AGA], gastroplastie verticale calibrée [GVC], gastrec-tomie longitudinale [GL], bypass gastrique [BPG], dérivationbiliopancréatique [DBP]), de l’importance de l’amaigrissement,des carences préexistantes (d’où l’importance de l’évaluationpréopératoire complète). Les recommandations préconisent deréaliser un bilan biologique au minimum à 3 et 6 mois aprèsl’intervention, puis annuellement. En pratique, ce bilan peutcomporter un dosage d’hémoglobine et ferritine (pour toutesles chirurgies), albumine et préalbumine, calcémie, vitamine D,PTH (en cas de carence en vitamine D), B1, B9, B12 en fonctiondu type de chirurgie, des carences préexistantes et des situa-tions cliniques, et plus rarement vitamine A, zinc ou sélénium(essentiellement pour les DBP).La prescription de compléments nutritionnels doit être systé-matique après chirurgie malabsorptive (multivitamines, cal-cium, vitamine D, fer et vitamine B12) ; elle est fonction de laclinique et des dosages biologiques pour les chirurgies restric-tives. Elle doit être renforcée en cas de situation particulière(B1 si vomissements, B9 si grossesse, fer chez la femme avantla ménopause, notamment en situation de ménorragies ou degrossesses multiples, etc.), en utilisant si besoin les formesparentérales. Les patients doivent connaître les risques en-courus en l’absence de prise des suppléments, et des signesd’alarme faisant suspecter une carence grave (paresthésies,perte de poids très rapide, fatigue intense, troubles sensoriels[baisse d’acuité visuelle]).Outre l’aspect nutritionnel, le suivi permet de dépister descomplications ou dysfonctionnement du montage chirurgical.Le patient doit connaître les signes d’alarme (douleurs, vomis-sements, dysphagie) qui doivent faire consulter le chirurgien del’équipe multidisciplinaire en urgence.Par ailleurs, les traitements des comorbidités [antihyperten-seurs, antidiabétiques, continuous positive airway pressure(CPAP)] doivent être adaptés, parfois dès les premiers jours(antidiabétiques), et l’efficacité d’autres traitements surveillésaprès chirurgie malabsorptive (par exemple, antivitamines K,hormones thyroïdiennes, antiépileptiques).Au-delà de la prévention des complications liées à la chirurgie,le suivi permet d’en optimiser les bénéfices. Parce que la pertede poids est associée à l’adhésion aux conseils diététiques et lapratique d’une activité physique après l’intervention, la pour-suite de la prise en charge éducative dans ces domaines, initiéeen préopératoire, est recommandée. Parfois, un suivi au planpsychologique et psychiatrique est nécessaire : pour les pa-tients qui avaient des TCA ou des maladies psychiatriques enpréopératoire, et au cas par cas pour les autres patients enfonction de l’évolution. Par ailleurs, le recours à la chirurgieréparatrice (pour réparer certains excès cutanés qui peuventsurvenir après amaigrissement des bras, cuisses, des seins) est
possible, mais après un délai de 12 à 18 mois (stabilisation dupoids) et en l’absence de dénutrition.Les situations de grossesses après chirurgie bariatrique ne sontpas exceptionnelles ; elles sont même attendues compte tenu dela prévalence de l’obésité chez les femmes en âge de procréer,du recours plus fréquent des femmes à la chirurgie et del’amélioration possible de la fertilité après chirurgie. En l’absencede données précises de la littérature, les recommandations sontparticulièrement prudentes. Même si l’issue de ces grossessesaprès chirurgies gastriques semble d’un pronostic meilleur ouéquivalent aux femmes obèses en termes de macrosomie,complications néonatales, diabète gestationnel et prééclampsie[17], les risques carentiels et nutritionnels (notamment envitamines du groupe B) et mécaniques (déplacement de l’an-neau, hernie interne après bypass gastrique) existent.Les recommandations insistent sur la nécessité de vérifier queles patientes ne sont pas enceintes juste avant l’intervention(par une mesure de bHCG), de préparer et de suivre lesgrossesses sur le plan nutritionnel :� une contraception est recommandee des que la chirurgie est
programmee, puis generalement pendant 12 a 18 mois apres
l’intervention ;� la recherche de deficits vitaminiques et nutritionnels devrait
etre systematique au mieux avant tout projet de grossesse, et
une supplementation en fer, folates, vitamine B12, vitamine D
et calcium devrait etre instauree en cas de grossesse apres
chirurgiemalabsorptive. La supplementation en folates devrait
etre mise en place des le desir de grossesse pour tout type de
chirurgie.
Une question posée est la possible diminution de l’efficacité dela contraception orale après chirurgie malabsorptive [une autreméthode de contraception (préservatif, stérilet, etc.) doit êtrediscutée].
Choix de l’interventionLes techniques chirurgicales recommandées sont l’AGA, le BPG, leDBP, la GL par laparoscopie. La GVC tend à ne plus être pratiquéeen raison de l’avènement de la GL. Les recommandations n’éta-blissent pas de hiérarchisation d’une technique par rapport à uneautre. Néanmoins, la perte de poids attendue (40 à 75 % del’excès de poids), la complexité de la technique, le risque decomplications postopératoires, le risque de carences et la mor-talité sont croissantes depuis l’anneau jusqu’à la dérivationbiliopancréatique selon l’ordre suivant : AGA, GVC, GL, BPG, DBP.Chez les sujets à risque opératoire élevé, notamment ceux dontl’IMC est � 60 kg/m2, une stratégie en deux temps (procédurerestrictive, puis procédure malabsorptive) peut se discuter.
RéinterventionsLes recommandations sur ce thème sont toutes fondées sur labase d’accord professionnel.
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La réalisation d’une seconde procédure est indiquée en casd’échec ou de dysfonctionnement du montage chirurgical. Ladéfinition de l’échec est donc essentielle dans ce contexte etcorrespond à une perte de poids jugée insuffisante à long termepar le patient et l’équipe soignante, tout en considérant lecontexte somatique et psychologique. Dans ces situations, l’IMCà prendre en compte est l’IMC maximal documenté. Un IMCinférieur à 35 kg/m2 ne contre-indique pas théoriquement laréintervention, mais la balance bénéfices/risque doit êtresoigneusement considérée.Trois points sont essentiels :� les causes de l’echec doivent etre identifiees ;� l’indication d’une seconde intervention doit etre posee apres
une evaluation et une prise en charge preoperatoires
comparables a celles d’une intervention initiale, et apres
une decision multidisciplinaire ;� il est necessaire d’informer les patients sur le risque des
reinterventions plus eleve que celui des premieres interven-
tions.
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ConclusionLes bénéfices de la chirurgie dans la prise en charge del’obésité massive sont maintenant bien documentés entermes de perte de poids, de l’amélioration de la qualité devie et des comorbidités, et de réduction de la mortalité sur lelong terme. Néanmoins, ces interventions comportent desrisques spécifiques de mortalité, de complications chirurgi-cales et nutritionnelles, parfois psychologiques, et nécessitentune préparation et un suivi optimal. Les dernières recomman-dations françaises s’attachent à préciser concrètement lesaspects de ces différentes étapes afin d’uniformiser les prisesen charge, toujours adaptées aux situations individuelles, pourlimiter ces complications et augmenter l’efficacité de la chir-urgie. La préparation, la décision concertée par une équipepluridisciplinaire et le suivi à vie sont les maîtres mots de cesrecommandations.
Conflits d’intérêts : aucun
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