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  • LA LUTTE CONTRE LE RACISME, LANTISMITISME ET LA XNOPHOBIE

    Depuis vingt-cinq ans, la Commission nationale consultative des droits de lhomme (CNCDH) remet chaque anne au Gouvernement un rapport qui dresse un tat des lieux du racisme, de lantismitisme et de la xnophobie en France, ainsi que des moyens de lutte mis en uvre par les institutions de la Rpublique et la socit civile. Sur la base dune analyse critique des politiques conduites et en sappuyant sur les observations des organes internationaux, la CNCDH prconise une srie de recom-mandations visant mieux connatre, comprendre et combattre toutes les formes de racisme et de discrimination.

    La CNCDH sattache fonder ses analyses et ses recommandations sur la base doutils varis et complmentaires. Les enqutes sur ltat de lopinion, le bilan statistique du ministre de lIntrieur des actes racistes, antismites et antimusulmans, celui du ministre de la Justice, ou encore lindice de tolrance lgard de ltranger labor par les chercheurs partenaires de la CNCDH constituent autant dlments analyser la lumire des nombreuses contributions des acteurs institutionnels, associatifs et internationaux.

    Lanne 2015 est marque par une amlioration signifi cative de lindice de tolrance, tandis que les actes caractre raciste ont connu une inquitante recrudescence, particulirement aprs les attentats de janvier et de novembre. Devant ce qui semble relever du paradoxe, seule lobservation croise des deux phnomnes permet de dgager des cls dinterprtation.

    En sa qualit de Rapporteur national, la CNCDH relve les efforts et les progrs accomplis par les pouvoirs publics, notamment dans le cadre du Plan national daction contre le racisme et lantismitisme (2015 2017). Nanmoins, la prolifration des discours de haine sur Internet, la dimension stigmatisante de certaines politiques et discours publics tout comme la persistance des prjugs dont font notamment lobjet les populations juive, musulmane et rom indiquent quun long chemin reste encore parcourir. Sur tous ces sujets lourds dinquitude, le rapport formule des prconi-sations qui ont en commun lducation par la dconstruction des prjugs racistes, antismites et xnophobes.

    La Commission nationale consultative des droits de lhomme (CNCDH) est linstitution nationale de promotion et de protection des droits de lhomme franaise accrdite de statut A par les Nations unies. La loi du 13 juillet 1990 lui confi e un mandat de Rapporteur national sur la lutte contre le racisme, lantismitisme et la xnophobie.

    www.cncdh.fr

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    744 pages, offset 80g : 36mm

    Ladocumentation

    Franaise

    Diffusion Direction de linformation

    lgale et administrative

    La documentation FranaiseTl. : 01 40 15 70 10

    www.ladocumentationfrancaise.fr

    Prix : 20 Imprim en France

    ISBN : 978-2-11-010171-6DF : 5DH40870

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    ANNE 2015

    Lutte contre le racisme 2016.indd 1 12/04/2016 11:17

  • LA LUTTE CONTRE LE RACISME, LANTISMITISME ET LA XNOPHOBIE

    ANNE 2015

    COMMISSION NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE LHOMME

    La documentation Franaise

  • En application du code de la proprit intellectuelle du 1er juillet 1992, une reproduction partielle ou totale usage collectif de la prsente publication est strictement interdite sans autorisation de lditeur. Il est rappel cet gard que lusage abusif de la photocopie met en danger lquilibre conomique des circuits du livre.

    Yacine At Kaci, 2016.

    Direction de linformation lgale et administrative, Paris, 2016. ISBN : 978-2-11-010171-6

  • RAPPORT DE LA COMMISSION NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE LHOMME

    PRSENT MONSIEUR LE PREMIER MINISTRE

    Loi no 2007-292 du 5 mars 2007 relative la Commission nationale consultative des droits de lhomme

    Article 1er

    La Commission nationale consultative des droits de lhomme assure, au-prs du Gouvernement, un rle de conseil et de proposition dans le domaine des droits de lhomme, du droit international humanitaire et de laction hu-manitaire. Elle assiste le Premier ministre et les ministres intresss par ses avis sur toutes les questions de porte gnrale relevant de son champ de comptence tant sur le plan national quinternational. Elle peut, de sa propre initiative, appeler publiquement lattention du Parlement et du Gouverne-ment sur les mesures qui lui paraissent de nature favoriser la protection et la promotion des droits de lhomme.

    La commission exerce sa mission en toute indpendance.

    Elle est compose de reprsentants des organisations non gouverne-mentales spcialises dans le domaine des droits de lhomme, du droit in-ternational humanitaire ou de laction humanitaire, dexperts sigeant dans les organisations internationales comptentes dans ce mme domaine, de personnalits qualifies, de reprsentants des principales confdrations syndicales, du Dfenseur des droits, ainsi que dun dput, dun snateur et dun membre du Conseil conomique, social et environnemental dsigns par leurs assembles respectives.

    http://www.cncdh.fr/

  • LOI N 90-615 DU 13 JUILLET 1990 TENDANT RPRIMER

    TOUT ACTE RACISTE, ANTISMITE OU XNOPHOBE.

    ARTICLE 2 : LE 21 MARS DE CHAQUE ANNE, DATE RETENUE

    PAR LORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR LA JOURNE

    INTERNATIONALE POUR LLIMINATION DE TOUTES LES

    FORMES DE DISCRIMINATION RACIALE, LA COMMISSION

    NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE LHOMME

    REMET UN RAPPORT SUR LA LUTTE CONTRE LE RACISME.

    CE RAPPORT EST IMMDIATEMENT RENDU PUBLIC.

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    AVERTISSEMENT

    Fruit dun travail collectif ralis sous la supervision du ple racismes, discri-minations, intolrance de la CNCDH, le prsent rapport a dabord t conu comme un outil pratique destination des pouvoirs publics, des praticiens du droit, des spcialistes des sciences sociales, des ONG, des chercheurs mais aussi des instances europennes et internationales de contrle.

    Le rapport a t adopt en assemble plnire le 18fvrier 2016 dans la pers-pective de le remettre, le 21mars 2016, au Premier ministre, en application de larticle 2 de la loi n90-615 du 13juillet 1990 tendant rprimer tout acte raciste, antismite ou xnophobe.

    Cependant, initialement prvu mi-novembre 2015, le terrain de lenqute quan-titative a t suspendu au lendemain des attaques terroristes du 13novembre, afin de ne pas biaiser les rsultats. Il a finalement t ralis du 4 au 11janvier 2016. Par consquent, titre trs exceptionnel, et comme la qualit du rapport demeure une priorit absolue, la remise officielle du rapport au Gouvernement a t dcale dun mois.

    Comit de rdaction : Nicolas Abdelaziz, Gwnale Calvs, LaurneChesnel, Emmanuel Decaux, Genevive de Coster, Rgis de Gouttes, Nadia Doghramadjian, Alain Dru, Sabrina Goldman, PhilippeGoossens, Bruno Jamet, Yvan Kagan, Didier Kassabi, ReneKoering-Joulin, Valentin Le Dily, Corinne Mars, BrigitteMartel Baussant, Nonna Mayer, Jean-Yves Monfort, Soul NGad, BernadettePilloy, Jean-Pierre Raoult, Emilie Trigo, Claire Vercken, DenisVinot.

    Rdacteurs : Lucille Delorme, Herv Henrion, Josphine Lebas-Joly, Mlodie Le Hay, Ccile Riou-Batista, Jessie Sompo.

    Coordination : Mlodie Le Hay.

    Secrtaire gnral et secrtaire gnrale adjointe de la CNCDH : Michel Forst et Magali Lafourcade.

    Prsidente de la CNCDH : Christine Lazerges.

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    AVANT-PROPOS

    Lanne 2015 marquera profondment les mmoires par la violence terroriste qui frappa notre pays ds le mois de janvier et plus dramatiquement encore par le nombre des victimes le 13novembre. Ds le 14novembre, ltat durgence tait dcrt, puis prorog deux reprises par le Parlement et ce jour, jusquau 26mai. Lanne 2015 est aussi celle de larrive en Europe de millions de migrants, demandeurs dasile pour la plupart, avec pour chacun des tats membres de lUnion europenne, cette difficult, voire cette incapacit les accueillir dans des conditions respectueuses du principe de dignit. Pour la France, on ne peut pas ne pas voquer les conditions de vie Calais et Grande-Synthe ainsi que les inacceptables manifestations de xnophobie.

    Cest dans ce contexte que sinscrit ce 26e rapport de la CNCDH sur la lutte contre le racisme, lantismitisme et la xnophobie. La demande de plus de scurit est indniable, au risque de faire basculer lquilibre si difficile entre respect des liberts et droits fondamentaux et tentation de multiplier les mesures pouvant, sans certitude aucune, mieux garantir le droit la scurit au-del du raisonnable au regard des droits de lhomme. Paradoxalement, dans ce climat tendu, o la cohsion sociale est fragilise par la stigmatisation de certains, lindice longitudinal de tolrance, instrument phare de notre rapport depuis des annes pour valuer la nature du regard port sur lAutre, alors quil baissait de faon trs inquitante depuis 2008, continue remonter, comme nous lavions dj observ il y a un an. Entre autres enseignements, cette remonte exprime un besoin conscient ou inconscient dunit nationale devant ladversit ; peut-tre exprime-t-il aussi une plus grande comprhension de nous-mme et des autres.

    Dans ce paysage politique, conomique et social lourd, la CNCDH a choisi pour illustrer la couverture de son rapport le personnage Elyx. Son crateur, Yacine At Kaci, dit quil symbolise lenvie dtre ensemble et ajoute : on ne peut pas dire si Elyx est chinois, franais ou amricain, car il nest rien de tout a. Il est le regard denfant quil y a dans chacun dentre nous, le garant dune auto-risation quon se donne regarder les choses librement . Elyx invite porter un regard nouveau sur le monde sans prjugs ou ides prconues. Elyx a dj accd une forme de reconnaissance officielle comme ambassadeur virtuel des Nations unies pour de nombreux vnements. Il devient aussi par son message, notre ambassadeur.

    Quand on sait combien le poids des prjugs peut expliquer les sentiments, les attitudes et les actes racistes, antismites, et xnophobes, inviter porter un regard nouveau sur le monde est la plus forte des recommandations. Dans ce rapport, cette invitation se dcline en recommandations trs fermes et

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    dveloppes dans le domaine de lducation au dbat et au respect de la libert de conscience. Je tiens les rappeler car la prvention la plus efficace de tous les racismes et de toutes les formes de discrimination est celle qui sadresse aux plus jeunes des citoyens. Ainsi la CNCDH se devait, elle le fait avec force, dencourager le ministre de lducation nationale dvelopper les dbats en milieu scolaire sur des questions sensibles sans complexe et sans tabou de faon aider les coliers, les collgiens, les lycens, construire un jugement. Sans doute, disons-nous, faut-il aller jusqu mettre en place des espaces de libre parole avec lobjectif de bousculer les certitudes et les prjugs qui ouvrent la voie toutes les formes de mfiance voire de rejet de lautre diffrent. Par ailleurs, dans une France o le pluralisme religieux est une ralit, encore faut-il que le principe de lacit soit bien compris comme un principe de libert, quil soit peru comme une richesse et permette de lutter contre les menaces ou actes antismites ou antimusulmans. L encore, lcole a un rle fondamental jouer pour expliquer la ncessaire neutralit du service public et la compatibilit de cette neutralit avec la libert de conscience et la diversit de ses expressions hors le service public.

    Ce rapport annuel, que la loi n90-615 du 13juillet 1990 confie linstitution nationale de protection et de promotion des droits de lhomme accrdite par le Nations unies, quest la CNCDH, est un travail minemment collectif. La CNCDH, caractrise par son pluralisme et son indpendance, sappuie sur les travaux de centres de recherche et dinstituts de sondage ainsi que sur les contributions de nombreuses ONG, de ministres comme celui de la Justice, de lIntrieur ou de lducation nationale ou encore dinstitutions, dont la Dlgation inter-ministrielle de lutte contre le racisme et lantismitisme (DILCRA). La CNCDH se rjouit de la prsentation en avril 2015 dun nouveau plan de lutte, analys dans un chapitre spcifique de notre rapport. Nous nous devons de faire porter notre analyse galement sur la mise en uvre de ce plan juste titre ambitieux.

    Lengagement de la CNCDH dans la lutte contre le racisme, lantismitisme et la xnophobie est sans faille. Nous sommes individuellement et collectivement pleinement conscients de ce que cette lutte est porteuse desprance pour le monde. Dj en 1957, Albert Camus, dans son discours de prix Nobel, comme le rappelle Christiane Taubira dans Murmures la jeunesse , affirmait : Chaque gnration, sans doute, se croit voue refaire le monde. La mienne sait pourtant quelle ne le refera pas. Mais sa tche est peut-tre plus grande. Elle consiste empcher que le monde se dfasse .

    Christine LazergesPrsidente de la Commission nationale consultative des droits de lhomme

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    SOMMAIRE

    Avertissement .........................................................................................5

    Avant-Propos ........................................................................................7

    Introduction gnrale ......................................................................11

    PREMIRE PARTIEtat des lieux des phnomnes racistes, antismites et xnophobes et des moyens de lutte .......................19

    CHAPITRE 1

    La perception desphnomnes ...............................................................21

    CHAPITRE 2Laction des ministres delducation nationale, delIntrieur et de la Justice ...................................................................39

    CHAPITRE 3Deux tudes thmatiques : le plan national de lutte contre le racisme et lantismitisme (20152017) et les discours de haine sur Internet ....165

    CHAPITRE 4Le regard des instances internationales ................................................229

    SECONDE PARTIELe regard deschercheurs surlesdiffrentes formes de prjugs ...........................................281

    Introduction .........................................................................................283

    CHAPITRE 1Le retour inattendu delatolrance .......................................................285

    CHAPITRE 2

    Lintrication des prjugs envers lAutre ...............................................295

    CHAPITRE 3

    Un recul des prjugs antismites .........................................................315

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    CHAPITRE 4

    Les attitudes face lislam etaux musulmans .......................................331

    CHAPITRE 5

    Des sentiments plus nuancs envers les Roms ......................................339

    CHAPITRE 6Limpact des attentats de 2015 sur lopinion ........................................357

    CONCLUSIONS ETRECOMMANDATIONS DELA CNCDH.........367

    ANNEXESContributions aurapport 2015 surlalutte contre leracisme, lantismitisme et la xnophobie .........................391

    Liste des personnes auditionnes ..............................................393

    Contribution des acteurs institutionnels ........................................395

    Contributions de la socit civile .....................................................591

    Contribution thmatique : une coloration comparatiste..............681

    Liste des abrviations et sigles ...................................................693

    Fiches techniques du sondage dopinion ................................697

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    INTRODUCTION GNRALE

    Mon idal le plus cher a t celui dune socit libre et dmocratique dans laquelle tous vivraient en harmonie et avec des chances gales 1. Lcho du bel idal de Nelson Mandela rsonne encore dans lesprit du 11janvier. Ces mobilisations de la socit franaise, sous lil fraternel de la communaut internationale, aprs les attaques terroristes de janvier 2015, taient sans pr-cdent. Lcho sest propag dans les rangs serrs des citoyens qui scandaient leur refus de lamalgame, et leur attachement aux valeurs rpublicaines en gnral et la libert dexpression en particulier. Mais derrire ce magnifique mouvement, on note paradoxalement des phnomnes de radicalisation et une augmentation des actes racistes, tandis que le climat de crispation sest rvl propice la banalisation de certaines ides stigmatisantes et paroles de haine dans lespace public.

    LAutre, objet de tous les fantasmes et de tous les blmes, est par essence protiforme. Les cibles privilgies du racisme ont ainsi peu peu chang de visage, comme en tmoignent les travaux de lquipe de chercheurs du Centre dtudes Europennes et du Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) 2 associe llaboration de ce rapport. La cristallisation du racisme autour des appartenances musulmane et juive, les attitudes de rejet vcues par les Roms, les populations migrantes et les minorits visibles , sont autant de spcificits prendre en compte.

    Cette situation nest ni nouvelle, ni propre la France. Cette propension ne considrer lAutre qu travers des prismes dformants et rducteurs peut affecter toutes les socits humaines, surtout en priode de crise o les phnomnes de repli sur soi et de dnonciation de ce qui est diffrent sont frquents. Depuis plusieurs annes, on observe ainsi une lente dgradation de la coexistence sociale dans de nombreux pays qui font face, paralllement, une monte des populismes.

    La diversit des appartenances est une source denrichissement mutuel tous les points de vue. Toutefois,si la peur, attise par des personnes faisant autorit, et

    1. Extrait de la dclaration de Nelson Mandela lors de son procs de Rivonia, en 1964, au terme duquel il fut condamn la prison vie.2. Cette quipe de chercheurs est compose de Nonna Mayer, directrice de recherche mrite du CNRS au Centre dtudes europennes de Sciences Po et prsidente de lAssociation franaise de science poli-tique depuis 2005, de Guy Michelat, directeur de recherche mrite du CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), de Vincent Tiberj, professeur des Universits associ au Centre mile Durkheim de Sciences Po Bordeaux et de Tommaso Vitale, Associate Professor de sociologie au Centre dtudes europennes de Sciences Po. Voir leurs travaux danalyse dans la seconde partie du rapport, Le regard des chercheurs sur les phnomnes de racisme .

  • IntroductIon gnrale

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    le refus de louverture prdominent, cette apprhension de la diversit peut tre dvoye et reprsenter un risque, celui du repli communautaire et identitaire.

    En filigrane, la question et le dfi majeur qui se pose est celle de la gestion de la diversit humaine. Des politiques trs diffrentes sont menes en Europe pour essayer dy rpondre ; or ni le modle rpublicain franais, cens faire de chaque personne vivant sur son territoire un Franais part entire, ni le modle britannique qui prfre reconnatre la spcificit de chaque communaut, ne semblent mener au rsultat escompt 3 ; le cloisonnement des diffrentes populations persiste, gnrant tensions et incomprhensions. Notre gestion de la diversit est manifestement inadapte. Si lon conoit que le profond malaise qui touche notre socit est d une perte de repres ou une perte de sens alors, pour rpondre aux dfis du monde actuel, il conviendrait peut-tre de changer de paradigme, en inventant et non en retrouvant des repres qui se seraient perdus. Reconnatre, accepter et promouvoir la diversit des expressions culturelles attaches aux populations cohabitant sur un mme terri-toiredune part ; les rassembler, au-del de leurs diffrences, autour des valeurs inclusives de la Rpublique et dun projet de socit o chacun dispose des mmes droits et des mmes devoirs dautre part. Cest l un des dfis majeurs du nouveau sicle qui requiert toute notre attention, car il est la rponse de nombreux autres. Une socit qui accepte et arrive grer sa diversit sera en effet plus mme de comprendre et dinteragir avec le monde qui lentoure. Or ceci est essentiel dans le contexte de la mondialisation qui se traduit par une interdpendance accrue des peuples et des territoires.

    Seule une politique rflchie, volontariste et audacieuse sera mme dor-ganiser une coexistence harmonieuse entre les diverses populations qui sont amenes se ctoyer en permanence. Rendre possible le vivre ensemble , promouvoir le faire ensemble , en encourageant louverture, en dlivrant un discours propre apaiser les peurs structurelles et souvent irrationnelles qui conduisent au repli sur soi ; rassembler, rconcilier et inclure sont des lans qui se travaillent et se cultivent, avec volont et persvrance. Le rle des pouvoirs publics est en ce sens primordial.

    Cependant, les paroles tendancieuses de certains responsables politiques, qui mlent les problmatiques de terrorisme et dasile, qui loin de toute ralit statistique associent dlinquance et immigration, qui dans le plus pur amal-game confondent appartenance religieuse et fondamentalisme, nont cess de sintensifier ces dernires annes, contribuant banaliser son tour la parole raciste dans lensemble de la socit franaise. Il nest pas inutile de rappeler cet gard que les responsables politiques sont tenues lexemplarit et au souci permanent de consolider le lien social. La CNCDH les invite ainsi tre particulirement vigilants au potentiel discriminatoire et/ou stigmatisant de certaines de leurs actions et prises de position, parfois en dcalage avec les dclarations et les actions par ailleurs entreprises pour lutter contre toutes les formes de racisme.

    3. Pour autant, et mme si la perception dominante est celle dun plafonnement de lintgration, il ne faut pas minorer le modle rpublicain franais. Les cas dintgration russie sont innombrables, mais probablement insuffisamment mis en avant.

  • IntroductIon gnrale

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    En effet, de manire paradoxale, la CNCDH constate, avec soulagement, la rappropriation contemporaine par les pouvoirs publics dun discours sur la lutte contre le racisme et les discriminations, aliment et en partie ractualis par les vnements de janvier 2015 4. Le sursaut politique amorc par le Prsident de la Rpublique qui la rig, lors de ses vux aux Franais, au rang de grande cause nationale pour lanne 2015 5, et qui a pris toute son ampleur dans les semaines qui ont suivi, a confirm lurgence den faire une priorit de laction publique. Ce nest quau prix dun engagement rsolu, dactions concrtes, dune dtermination chaque anne renouvele, que nous pourrons faire reculer le racisme, avec pour souci constant dlever les consciences et daccompagner les gnrations futures vers lacceptation de lAutre dans toutes ses appartenances.

    ce titre, ladoption du Plan national de lutte contre le racisme et lantismitisme (20152017), prsent par le Premier ministre le 17avril 2015, manifeste bien des gards un volontarisme accru et sappuie sur des moyens renforcs. Plusieurs engagements du Gouvernement devraient par ailleurs contribuer au devoir dexemplarit du service public. Il sagit notamment de la candidature prvue de tous les ministres au Label Diversit dici fin 2016, ou encore du travail men depuis 2013 pour mettre en place un module de sensibilisation la lutte contre les discriminations pour tous les nouveaux agents de la fonction publique dtat 6.

    De manire plus gnrale, lappel du Prsident de la Rpublique semble avoir t entendu, tant les initiatives et les actions mises en uvre sur le terrain par les acteurs de la lutte antiraciste ont t riches et diversifies en 2015. Limplication des institutions publiques et de la socit civile se reflte dans le nombre consquent de contributions reues cette anne et qui figurent en annexe de ce rapport.

    Pour terminer, nous pouvons noter que si la forte augmentation des actes racistes recenss par le ministre de lIntrieur est inquitante, il nen reste pas moins quune crasante majorit des Franais reste mobilise contre le racisme et les discriminations qui y sont lies. Cest ce quexprime la nette remonte de lindice de tolrance au lendemain des attentats de janvier 2015 (+8 points de 2014 2016), confirme par les rsultats de lenqute qualitative CNCDH-SIG-IPSOS mene en janvier 2016 et prsents dans le prsent rapport. En temps de crise, la socit franaise sait ragir et manifester son attachement aux valeurs dmo-cratiques qui la fondent. Il semble ainsi que, depuis la vague rcente dattentats, et malgr les discours de certaines personnalits publiques, la socit franaise refuse les amalgames et valorise lacceptation de lAutre.

    noter que lon ne constatait pas non plus de crispation raciste aprs les attentats de 1995 et que la tolrance remontait mme aprs 2001. Alors que depuis la crise conomique de 2007/2008 la tolrance en France avait tendance diminuer, il est encore trop tt pour valuer la prennit de cette remonte.

    4. 71 % des Franais se disent favorables une lutte contre le racisme en janvier 2016 (contre 55 % en 2007).5. Voir les vux prsidentiels de Franois HOLLANDE le 31dcembre 2014.6. Bilan de la Charte pour la promotion de lgalit et la lutte contre les discriminations dans la fonction publique signe le 17dcembre 2013 par la ministre de la Dcentralisation de la Fonction publique et le Dfenseur des droits, dition 2015 (http://urlz.fr/2OGl).

  • IntroductIon gnrale

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    Le mandat lgal de la CNCDH

    Acteur incontournable de la lutte contre le racisme, la CNCDH bnficie dune solide expertise et dune incontestable lgitimit, conforte par son mandat lgal et assise par plus de vingt annes de travail danalyse et dengagement. Sa composition pluraliste, son indpendance, lexpertise de ses membres, mais aussi son rle de conseil et de recommandation auprs des pouvoirs publics, ainsi que ses missions auprs des organisations internationales, font delle un interlocuteur privilgi des autorits publiques et de la socit civile sur ces questions 7.

    En juillet 1990, le lgislateur, conscient de la ncessit davoir une meilleure connaissance du phnomne pour le combattre de manire adquate, a ainsi confi la CNCDH le soin dlaborer et de remettre annuellement au Gouver-nement un rapport sur la lutte contre le racisme.

    En tant que Rapporteur national sur la lutte contre toutes les formes de racisme, la CNCDH sattache remplir sa mission avec srieux et dtermination. Face des phnomnes complexes dans leur nature, et variables dans leurs manifesta-tions, elle a toujours cherch faire preuve dobjectivit, mesurer et analyser les donnes avec tout le recul ncessaire. Elle remplit, ainsi, avec ce rapport, une double fonction de veille et de propositions.

    Trois objectifs principaux ont t assigns au rapport annuel :

    Le premier consiste en une valuation quantitative, la plus proche possible des ralits, des diffrentes manifestations du racisme. Constatant que lap-prhension de ce phnomne quon le minimise ou quon le dnonce est entache dune forte part dirrationnel, il est primordial den prendre la plus juste mesure, en multipliant les garanties dobjectivit.

    Cette approche quantitative sexpose la critique en ce quelle donne du racisme une vision limite et incomplte. Il est donc indispensable de procder des analyses qualitatives des phnomnes racistes, prenant en compte leurs causes et les contextes dans lesquels ils se manifestent. Tel est le deuxime objectif de ce rapport.

    Le troisime objectif consiste rpertorier les mesures de lutte mises en uvre chaque anne, celles-ci pouvant tre adaptes anne aprs anne en fonction des lments quantitatifs et qualitatifs recueillis. Le rapport a la particularit de runir les contributions des ministres et institutions concerns par la lutte contre le racisme, et les lments dactions et de rflexion de la socit civile reprsente dans son pluralisme au sein de la CNCDH. Depuis de nombreuses annes, par ses diffrents travaux, la Commission met en vidence la ncessit dune coordination et dune harmonisation des diffrentes actions de lutte.

    7. La CNCDH est compose de 64 personnalits et reprsentants dorganisations issues de la socit civile. Elle est le reflet de la diversit des opinions sexprimant en France sur les questions lies aux droits de lhomme. Le choix de ses membres garantit le pluralisme des convictions et opinions. Par ailleurs, la prsence dun dput dsign par le prsident de lAssemble nationale et dun snateur dsign par le prsident du Snat permet la liaison avec le pouvoir lgislatif. Un reprsentant du Conseil conomique social et environnemental assure quant lui la liaison avec cette institution. Enfin, le Dfenseur des droits sige s qualit parmi les membres de la CNCDH. Grce cette composition pluraliste, linstitution remplit sa mission en toute indpendance.

  • IntroductIon gnrale

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    Ces trois premiers objectifs concourent videmment une mme exigence : formuler des recommandations et des propositions de renforcement des mesures de lutte, voire la mise en uvre de nouveaux dispositifs adapts la ralit quantitative et surtout qualitative du racisme.

    Lengagement de la CNCDH en la matire ne se limite pas ce rapport. Elle a par exemple rendu en 2015 des avis sur des thmatiques telles que la lutte contre les discours de haine sur Internet, la mise en pratique des valeurs de la Rpublique, la rforme du droit des trangers ou encore la situation des migrants Calais. De plus, la CNCDH souhaite investir, sous langle du respect des diffrences, le champ de lducation aux droits de lhomme qui constitue lune de ses missions en ralisant des courts-mtrages sur la lacit desti-nation des collgiens.

    Deux analyses thmatiques : le plan national daction contre le racisme et lantismitisme (20152017) ou PNACRA et les discours de haine sur Internet

    Cette nouvelle dition du rapport comprend deux tudes particulires, qui font chacune lobjet dun chapitre ddi. Compte tenu de la vocation transversale de ces thmatiques, elles sont galement dveloppes dans dautres chapitres du rapport, en fonction de leur angle dapproche respectif.

    Ayant largement contribu llaboration du premier plan national de lutte contre le racisme et lantismitisme (2012-2014), la CNCDH porte un intrt tout particulier au nouveau Plan national daction (2015-2017), prsent par le Premier ministre le 17avril dernier Crteil (Val-de-Marne), et coordonn par la Dlgation interministrielle la lutte contre le racisme et lantismitisme (DILCRA). Conformment ses textes constitutifs et au souhait exprim par la Confrence mondiale contre le racisme (CMR) dans le Programme daction issu de la Confrence de Durban 8, la CNCDH apporte quelques lments de rflexion sur les mesures proposes, ou au contraire omises dans le Plan, afin didentifier les marges damlioration mritant de faire lobjet dune attention particulire de la part des pouvoirs publics. Elle note, entre autres, avec satisfac-tion lengagement de la DILCRA lassocier aux travaux du Conseil scientifique sur les phnomnes racistes install le 9fvrier 2016 9.

    Dans la suite de ldition 2014 du rapport annuel, la CNCDH rappelle les prin-cipales recommandations mises dans son avis sur la lutte contre les discours de haine sur Internet adopt le 12fvrier 2015, en enrichissant ces rflexions de quelques-unes des avances observes depuis, et quil semble important de souligner. laune de larrt Delfi AS contre Estonie rendu le 16juin 2015 par

    8. Dcret n2007-1137 du 26juillet 2007 relatif la composition et au fonctionnement de la Commission nationale consultative des droits de lhomme, article 1er.La Confrence mondiale contre le racisme (CMR), dans le Programme daction issu de la Confrence de Durban, invite les tats laborer des plans daction, en consultation avec les institutions nationales pour les droits de lhomme (Nations unies, Rapport de la Confrence mondiale contre le racisme, la discrimi-nation raciale, la xnophobie et lintolrance qui y est associe. Durban, 31aot-8septembre 2001, A/CONF.189/12, Programme daction).9. Audition de la DILCRA, le 13novembre 2015.

  • IntroductIon gnrale

    16

    la Grande chambre de la Cour europenne des droits de lhomme, la CNCDH insiste ainsi sur limportance de responsabiliser davantage les prestataires du Web en dfinissant clairement le champ dapplication territorial de la loi n2004-575 du 21juin 2004 sur la confiance dans lconomie numrique (LCEN), et en amliorant le rgime de responsabilit qui leur est applicable. Cette affaire est, en effet, la premire dans laquelle la Cour a t appele examiner un grief relatif la responsabilit dune socit grant un portail dactualits sur Internet en raison des commentaires laisss par les internautes sur ce dernier.

    Une dimension comparatiste

    Ldition 2015 du rapport annuel a t enrichie dune dimension comparatiste susceptible dclairer utilement les politiques publiques menes en France en matire de lutte contre le racisme.

    cette fin, deux rseaux europens de lutte contre le racisme, European Network Against Racism (ENAR) et European Grassroots Antiracist Movement (EGAM), ont t auditionns en octobre 2015. Leur exprience, leur vision densemble, leur action au quotidien et les relations privilgies tisses avec les acteurs de lutte contre le racisme en Europe, en font des acteurs particulirement qualifis sur ces sujets et permettent de proposer des exemples de politiques publiques cibles dont la France pourrait sinspirer.

    Une dition 2015 qui confirme la mue du rapport de la CNCDH

    Le rapport a connu depuis 2013 une profonde refonte. La CNCDH sappuie sur la qualit et la diversit des contributeurs pour confronter les informations recueillies et approfondir les sujets les plus dlicats lors des auditions. Elle semploie, sur cette base, proposer son analyse nourrie par une exprience faonne dans le temps et une approche par les droits de lhomme dans leur dimension indivisible, interdpendante et universelle. Cest pourquoi, depuis ldition 2013, les contributions des diffrents acteurs engags dans la lutte contre le racisme acteurs institutionnels et socit civile sont insres en annexe du rapport.

    Les nombreuses contributions reues cette anne, de mme que la pluralit et la richesse des actions engages par le Gouvernement, expliquent la densit et la longueur un peu inhabituelles de cette nouvelle dition. Ce travail de synthse est un dfi en soi, tant la CNCDH est attache livrer des analyses les plus fines et subtiles possibles. Rendre compte de la complexit des phnomnes et de leurs volutions dans un format court est dlicat.

    Dans un souci de clart, et pour faire uvre de pdagogie, la CNCDH a produit paralllement en quelques pages Les Essentiels de ses analyses et de ses prconisations.

  • IntroductIon gnrale

    17

    Structure et adoption de louvrage

    Le rapport a t labor dans le cadre des travaux du ple racismes, discri-minations et intolrance , prsid par Denis Vinot. Les textes rdigs par la CNCDH ont t adopts par lassemble plnire le 18fvrier 2016.

    Le rapport sarticule autour de deux grands axes. partir dun tat des lieux du racisme en France, les moyens de lutte mis en place par les pouvoirs publics sont dans un premier temps analyss. Dans un second temps, une quipe de chercheurs procde une tude plus approfondie sur les phnomnes de racisme en France. On trouvera en fin de rapport une synthse des recommandations de la CNCDH traant des perspectives pour les annes venir. Les contributions des acteurs institutionnels et de la socit civile figurent en annexe.

  • 1919

    PREMIRE PARTIE

    TAT DES LIEUX DES PHNOMNES

    RACISTES, ANTISMITES ET XNOPHOBES

    ET DES MOYENS DE LUTTE

  • 2020

    Ltre humain ne se conoit jamais totalement dans toutes ses appartenances, celles-ci tant plurielles, mouvantes et parfois contradictoires. Il est ds lors facile de percevoir la vacuit des prjugs lencontre dautrui, qui essentialisent lindividu en le dsignant par ce quil prsente de commun un groupe plutt que par son identit propre.

    La rpression des actes racistes, antismites et xnophobes qui tombent sous le coup de la loi ne peut elle seule suffire. En aval du passage lacte, celle-ci doit saccompagner dun effort constant de prvention et de dconstruction des prjugs, par lducation, des actions de formation et de sensibilisation.

    Identifier, connatre et apporter des lments dclairage pertinents pour combattre les prjugs, cest bien l lobjectif de ltude quantitative qui accompagne le pr-sent rapport depuis 1990. Ralise cette anne par linstitut de sondage IPSOS, elle permet dvaluer les perceptions et les attitudes vis--vis du racisme, danalyser les opinions lgard de lautre, que ce soit du fait de son origine, de sa religion ou de la couleur de sa peau, et dessayer de comprendre les logiques sous-jacentes lapparition et la prgnance de certains prjugs.

    De cette tude merge ncessairement lanalyse critique des moyens entrepris pour contrer les manifestations multiples du racisme. Les constats sur lvolution du racisme en France appellent non seulement une prise de conscience mais galement un engagement tangible, accompagn sur le terrain de mesures et de moyens adapts.

    Cest ainsi que, dans un premier chapitre, sont prsentes les grandes tendances et les volutions notables des idologies et des prjugs au cur des mcaniques racistes, antismites et xnophobes. Dans un deuxime chapitre, la CNCDH examine les moyens institutionnels mis en uvre par les ministres de lducation nationale, de lIntrieur et de la Justice. La CNCDH procde ensuite, dans un troisime chapitre, une analyse critique du Plan national daction contre le racisme et lantismitisme (20152017) avant de se pencher sur la lutte contre les discours de haine sur Internet. Le quatrime et dernier chapitre porte sur lexamen, par les organisations rgionales et internationales, de la situation franaise en matire de lutte contre le racisme.

  • 2121

    CHAPITRE 1

    LA PERCEPTION DESPHNOMNES

    Aussi prcieuses que soient les statistiques ou les donnes chiffres tablis par les diffrents ministres et les associations qui observent les manifestations de racisme, de xnophobie et de discrimination raciale, il est ncessaire, pour avoir une vision plus juste de ces phnomnes en France, de les complter par une approche de nature sociologique plus approfondie. Depuis 1990, la CNCDH fait donc appel des instituts de sondage pour procder une enqute sur ltat de lopinion publique en France lgard des phnomnes de racisme, de xnophobie et de discrimination.

    Ces phnomnes peuvent en effet tre mieux apprhends grce aux opinions exprimes par les personnes rsidant en France mtropolitaine et aux attitudes qui transparaissent dans leurs rponses aux questions poses dans un sondage. En matire de racisme, la perception du phnomne par lopinion publique, eu gard son caractre subjectif, est tout aussi importante que la ralit des faits et des chiffres. En effet, avant de sexprimer au travers de comportements objectivement observables et quantifiables (injures, menaces, dgradations, violences), le racisme salimente dune part importante dirrationnel, de pr-jugs et dattitudes lgard de lautre quil soit tranger, immigr, Franais dorigine trangre ou personne de religion ou de culture diffrente.

    Lenqute dopinion commande par la CNCDH tente de donner la mesure de ces attitudes. Elle essaie de comprendre de quelle manire se construisent les systmes de rfrence et sarticulent les diffrentes prises de position. Il sagit de proposer une sorte de photographie de lopinion publique en matire de racisme, dantismitisme et de xnophobie, en ayant bien lesprit que les opinions mesures, quand bien mme elles seraient porteuses de prjugs ngatifs, nimpliquent pas ncessairement des comportements de rejet ou de discrimination raciale, qui sont susceptibles de tomber sous le coup de la loi.

    Le baromtre de la CNCDHComme par le pass, la CNCDH a choisi la technique du sondage pour valuer lopinion publique. Cette anne, ltude quantitative a t confie linstitut IPSOS. Notre Commission est consciente des imperfections de lexercice et des dbats quil peut susciter. Afin de pallier les diffrentes limites pouvant dcouler de la technique du sondage, elle sentoure dun certain nombre de garanties classiques en la matire.

  • tat des lIeux des phnomnes racIstes, antIsmItes et xnophobes et des moyens de lutte

    2222

    Contexte et mthodologie du sondage dopinion CNCDH/IPSOS

    Un sondage ralis depuis 1990, offrant un vritable baromtre sur les opinions lgard du racisme et des discriminations.

    Une enqute ralise en face face, domicile.

    Un terrain ralis du 4 au 11janvier 2016.

    Un chantillon de 1.015 personnes, reprsentatif de la population mtropolitaine, ge de 18 ans et plus, constitu daprs la mthode des quotas (sexe, ge, profession du chef de mnage, aprs stratification par rgion et catgorie dagglomration).

    Un sondage analys par une quipe de chercheurs de Sciences Po/CNRS.

    Le questionnaire, dabord, est construit avec rigueur et prcaution. Les questions ont t discutes par les membres de la CNCDH et linstitut de sondage, avec le concours dune quipe de chercheurs de Sciences Po 1. Beaucoup dentre elles sont issues de grandes enqutes sociologiques nationales et internationales, qui ont permis de tester leur pertinence. Elles reprennent, sous une forme moins brutale, les strotypes et les prjugs courants que lon peut entendre lorsque lon explore les reprsentations de chacun partir dentretiens appro-fondis ou de questions ouvertes, ou encore ceux que lon peut entendre dans le discours public. Dautres questions linverse sont formules de manire positive, soulignant lapport que reprsente limmigration pour la socit ou encore la ncessit de la lutte contre le racisme afin dviter le phnomne dacquiescement que peut induire une formulation univoque 2. De mme, les possibilits de rponses prennent soin dviter le mode binaire daccord/pas daccord ; elles permettent la personne interroge de nuancer son opinion, et donc de mesurer son degr dadhsion la proposition qui lui est soumise 3. Lobjectif du sondage nest pas de piger les personnes interroges. Les ques-tions ninsinuent rien et se bornent demander aux personnes interroges de se situer, dans un sens ou dans un autre, par rapport diffrentes propositions.

    Lchantillon, ensuite, est construit partir de la technique des quotas. Il est reprsentatif de la population rsidant en France mtropolitaine et ge de plus de dix-huit ans. Pour ce sondage du dbut de lanne 2016, ce sont 1 015personnes qui ont t interroges, soit un effectif qui assure aux donnes une significativit statistique satisfaisante.

    1. Cette quipe de chercheurs est compose de Nonna Mayer, directrice de recherche mrite du CNRS au Centre dtudes europennes de Sciences Po et prsidente de lAssociation franaise de science poli-tique depuis 2005, de Guy Michelat, directeur de recherche mrite du CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), de Vincent Tiberj, professeur des Universits associ au Centre mile Durkheim de Sciences Po Bordeaux et de Tommaso Vitale, Associate Professor de sociologie au Centre dtudes europennes de Sciences Po. Voir leurs travaux danalyse dans la seconde partie du rapport, Le regard des chercheurs sur les phnomnes de racisme .2. Lchantillon est ainsi interrog tour tour sur son degr dadhsion lopinion selon laquelle Aujourdhui en France, on ne se sent plus chez soi comme avant ou encore sur lide que La prsence dimmigrs est une source denrichissement culturel .3. Par exemple, pour une liste dopinions, la personne interroge est invite dire si elle est tout fait daccord , plutt daccord , plutt pas daccord ou pas daccord du tout .

  • la perceptIon desphnomnes

    2323

    Les conditions de ralisation des entretiens, en face face domicile, per-mettent, par ailleurs, de garantir la confidentialit des changes et dviter les biais dchantillonnage inhrents aux sondages raliss dans la rue ou en ligne 4.

    Enfin, dans lanalyse et linterprtation des rsultats, la CNCDH cherche vi-ter que certaines donnes chiffres ou que certaines volutions de tendances soient interprtes de manire isole ou hors contexte. Lanalyse ne sarrte pas des moyennes brutes, souvent trompeuses. Elle slabore en croisant les rponses entre elles, en mettant en lumire leurs principes de cohrence et de diffrentiation, en comparant leurs volutions dans le temps. La rponse une seule question ne veut rien dire ; cest la structuration des rponses qui compte. Ainsi, lanalyse permet de construire des instruments de mesure synthtiques comme les chelles dattitude. Par ailleurs, lintrt du sondage de la CNCDH tient principalement son effet baromtrique , permettant de mettre en perspective les rsultats avec ceux des annes prcdentes et doffrir ainsi au lecteur un tableau de comparaison. Cela nempche pas lintroduction de nouvelles questions. Le travail ralis par les chercheurs de Science Po met par-ticulirement en lumire cette dimension baromtrique, et fournit une analyse croise et approfondie des rsultats 5.

    4. Les rpondants aux sondages en ligne sont ncessairement des personnes mme de matriser loutil Internet, et qui plus est, souvent habitues de ce type denqute. Quant aux sondages raliss dans la rue, ils ciblent une population par dfinition non reprsentative de celle qui travaille ; sans compter que leffervescence sur la voie publique et le fait que les personnes interroges peuvent tre accompagnes ou importunes sont susceptibles de nuire la srnit de lentretien de sondage.5. Se reporter la seconde partie le regard des chercheurs sur les phnomnes de racisme .

  • tat des lIeux des phnomnes racIstes, antIsmItes et xnophobes et des moyens de lutte

    2424

    Le sondage dopinion : synthse de linstitut IPSOSStphane Zumsteeg, directeur du dpartement opinion et recherche sociale

    Alice Ttaz, charge dtudes senior

    La vingt-neuvime vague du Baromtre racisme, ralis rgulirement depuis 1990, sinscrit dans un contexte extrmement particulier. Initialement prvu mi-novembre 2015, le terrain denqute a t suspendu au lendemain des attaques terroristes qui ont touch Paris le 13novembre. Il a finalement t ralis du 4 au 11janvier 2016, en face--face au domicile des personnes interroges, selon la mthode des quotas applique au sexe, lge et la profession de la personne de rfrence du mnage, aprs stratification par rgion et catgorie dagglomration.

    Au lendemain dune anne 2015 charnire, marque par les attaques terroristes de janvier et de novembre, par la monte des scores du FN au premier tour des lections rgionales et par le sursaut de mobilisation qui sen est suivi au second tour, la plupart des indicateurs du baromtre enregistrent des volutions importantes, parfois spectaculaires, et toujours dans le sens de lapaisement et de louverture. Les crispations sur les sujets identitaires, en hausse ces der-nires annes, tendent sattnuer fortement. Les tensions au sein de la socit franaise samenuisent et les comportements et propos racistes sont jugs de plus en plus intolrables, et donc condamnables. Enfin, si la part des personnes qui se disent elles-mmes racistes diminue fortement (-10 points par rapport novembre 2014), le sentiment que le racisme est rpandu en France reste stable (85 %, -1) et la ncessit de le combattre vigoureusement est plus dactualit que jamais (71 %, + 7). Cette tendance au recul de lintolrance, notamment envers lislam, avait dj t observe dans plusieurs enqutes au lendemain des attaques de janvier : elle est largement confirme par cette nouvelle vague du Baromtre racisme.

    Le terrorisme est la deuxime crainte des habitants de lhexagone pour la socit franaise, juste derrire le chmage ; il supplante dautres craintes socioconomiques comme la pauvret ou la crise

    Sans surprise, au vu de lampleur des attaques terroristes de 2015 et du senti-ment rpandu que cest dsormais la socit franaise dans son ensemble qui est vise, la crainte du terrorisme continue la progression amorce aprs les attaques contre Charlie Hebdo dans la hirarchie des proccupations pour la France. Elle passe de la 4e position en novembre 2014 (8 %) la troisime place en mars 2015 (14 %) pour atteindre le second rang 18 % lors de cette dernire vague, juste derrire le chmage (22 %). Le terrorisme devient mme la premire crainte des femmes (23 %) et des 25-34 ans (21 %).

  • la perceptIon desphnomnes

    2525

    Face cette menace et alors que la France est dores et dj engage en Syrie et en Irak, prs des deux-tiers des sonds (64 %) se disent inquiets que la France soit implique dans un conflit majeur, certains ayant probablement le sentiment sous-jacent que la France est dj en guerre. De nouveau, les femmes sont plus inquites que les hommes (70 % contre 58 %) et les moins de 35 ans le sont aussi plus que leurs ans (71 % contre 61 % des 35-59 ans).

    Le racisme semble toujours aussi rpandu et suscite de vives inquitudes dans la population franaise

    Si le racisme natteint au global que la 7e place dans la hirarchie des craintes pour la France, cit au total par 13 % des personnes interroges, notons quil est une source dinquitude particulire pour les habitants de lagglomration parisienne (21 %), les plus diplms (21 %), les personnes vivant dans une com-mune comptant au moins 9 % dtrangers (19 %), les sympathisants dextrme gauche (24 %) et les personnes de confession musulmane (37 %).

    Dune manire gnrale, 85 % des personnes vivant en France estiment que le racisme y est rpandu. Prs du tiers dentre eux (29 %, + 3 points / 2014) pensent mme quil est trs rpandu : le plus haut niveau atteint depuis 10ans. La perception dune socit raciste est plus largement partage par les cat-gories socioprofessionnelles moins favorises (trs rpandu pour 37 %) et les personnes qui se positionnent trs gauche sur lchelle politique (37 %).

    Amenes dfinir spontanment les victimes du racisme, limmense majorit des personnes interroges citent des minorits nationales, ethniques ou reli-gieuses (85 %) et en tte dentre elles, les Nord-Africains et musulmans (51 %, + 4 / 2014, soit le niveau le plus haut jamais atteint), quils soient dsigns par leur religion ( les musulmans , 25 %, + 15 / 2014), par le terme Arabes (19 %) ou par leur origine ( Les Maghrbins , 8 % / Les Nord-Africains , 3 %).

    91 88 88 87 90 88 91 88 81 7684 87 87 82 84 86 85

    29 28 26 25 2534 38

    27 2417 19

    26 28 21 24 2629

    oct.-00

    nov.-01

    dc.-02

    dc.-03

    dc.-04

    nov.-05

    fvr.-06

    nov.-06

    nov.-07

    nov.-08

    nov.-09

    janv.-11

    dc.-11

    dc.-12

    dc.-13

    nov.-14

    janv.-16

    Rpandu dont trs rpandu

    Diriez-vous quen ce moment le racisme est en France trs rpandu,plutt rpandu, plutt rare ou trs rare ?*

    *Avant 2007, la question tait : Diriez-vous quen ce moment le racisme est en France une chose trs rpandue, plutt rpandue, plutt rare ou trs rare ?

  • tat des lIeux des phnomnes racIstes, antIsmItes et xnophobes et des moyens de lutte

    2626

    Sans surprise dans un contexte de crise migratoire, une nouvelle cible du racisme est identifie cette anne pour la premire fois sous les termes Rfugis , Migrants ou Personnes qui viennent dun pays en guerre (3 %).

    Enfin, lide dun racisme anti-Franais progresse sensiblement cette anne : Les Franais sont spontanment dsigns comme victimes de racisme par 18 % des personnes interroges (+5 / 2014, soit le plus haut niveau jamais atteint). Cette ide quil existe un racisme anti-blanc atteint son plus haut niveau chez les sympathisants du Front national (41 %).

    mme si le sentiment davoir t soi-mme victime de racisme reste stable

    Si le niveau de racisme ambiant est jug en lgre hausse, le sentiment davoir t soi-mme victime de racisme reste stable. 29 % des personnes interroges affirment lavoir dj t au cours des 5 dernires annes : parmi elles, 5 % lont t souvent, 16 % parfois et 8 % une fois. Malgr la perception croissante dun racisme anti-Franais, les personnes ressentant effectivement le plus le racisme restent de loin les musulmans (60 %), les personnes ntant pas de nationalit franaise (48 %) ou celles ayant un ascendant dorigine trangre (35 %). Ce sentiment est dautant plus fort quand cet ascendant est originaire dAfrique du Nord (60 %) ou quand il sagit dun parent (40 %).

    Quant aux raisons pour lesquelles elles pensent avoir t victimes de racisme, les personnes interroges avancent de multiples causes : leur nationalit (33 %), leur couleur de peau (28 %) ou leur religion (9 %). De plus en plus de personnes avancent nanmoins une autre raison (27 %). Le racisme est en effet un terme derrire lequel une grande partie de la population franaise regroupe des discriminations au sens plus large, pas seulement lies lorigine ou la religion. Elles voquent un racisme social, ou de classe ( cause de mon travail , de mon niveau de vie , de ma pauvret ), des propos sexistes ( parce que je suis une femme ), et mme des discriminations envers leur sexualit ou leur physique ( mon poids , parce que je suis forte ). Le sentiment dtre discrimin, pour une raison ou pour une autre, est donc un sentiment existant dans lensemble de la population.

    La population franaise se montre de plus en plus ouverte la diversit dune manire gnrale et les indicateurs du racisme enregistrent dimportants reculs

    Depuis deux ans, et cette anne de manire encore plus marque, les personnes interroges se montrent de plus en plus ouvertes la diversit et lAutre, et de plus en plus promptes accepter la diffrence dune manire gnrale.

    Les personnes interroges accepteraient la diffrence mme dans leur propre quotidien

    Afin daller au-del des indicateurs de tolrance quant aux diffrences ethniques ou religieuses, la CNCDH a souhait intgrer dans cette nouvelle vague du

  • la perceptIon desphnomnes

    2727

    baromtre une question sur lacceptation de lhomosexualit : pos par diffrents instituts depuis 1973, et pour la dernire fois en 2006, cet indicateur tmoigne dune volution spectaculaire des opinions sur le sujet. Sils apprenaient que leur fils tait homosexuel, 41 % des personnes interroges ne seraient pas gnes (+9 points en 10 ans), 46 % seraient peines mais le laisserait vivre comme il veut (-5), tandis que 11 % chercheraient le faire changer (-5).

    Amens se projeter par ailleurs sur la scolarisation de leurs enfants, ce sont 81 % des personnes interroges qui se disent prtes accepter que leur enfant soit dans une classe comprenant environ la moiti denfants dori-gine trangre. 16 % sy opposeraient. Les plus jeunes (10 % des 18-24 ans), les habitants de lagglomration parisienne (7 %) ainsi que les personnes rsi-dant dans une commune comptant plus de 9 % dtrangers (10 %) se montrent encore plus ouverts que la moyenne sur cette question de scolarisation. Sans surprise, les sympathisants du Front national sont ceux qui sy montrent le plus opposs (44 %).

    Lexistence mme des races humaines est de plus en plus remise en question

    Dans le contexte des nombreux dbats qui ont merg autour du mot race ces dernires annes et particulirement depuis 2012avec la promesse de Franois Hollande de supprimer le mot de la lgislation et de la Constitution lide selon laquelle les races humaines nexistent pas progresse depuis dcembre 2013, et notamment lors de cette dernire vague (33 %, + 5). Lgalit des races humaines prdomine nanmoins (57 %, + 1) tandis que lexistence de races suprieures nest plus dfendue que par 8 % des sonds (-6 / 2014, retour au niveau enregistr avant 2013).

    Lexistence mme du concept de race humaine est notamment remise en cause par les plus jeunes (45 % des moins de 35 ans), les cadres (56 %), les habitants de lagglomration parisienne (45 %) et les plus diplms (53 %).

    Vous personnellement, de laquelle des opinions suivantes vous sentez-vous le plus proche ?

    67 68 66 6760

    67 68 66 6661 61

    5657

    16 16 17 1823 21 20 21 21

    2722

    2833

    14 14 1512 12 9 8 8 8 8

    14 148

    3 2 23 5 3 4 5 5 4

    3 2 2

    dc.-02 dc.-03 dc.-04 nov.-06 nov-07 nov-08 nov-09 janv.-11 dc.-11 dc.-12 dc.-13 nov.-14 janv.-16

    Toutes les races humaines se valent Les races humaines nexistent pasIl y a des races suprieures dautres Ne se prononce pas

  • tat des lIeux des phnomnes racIstes, antIsmItes et xnophobes et des moyens de lutte

    2828

    Un sentiment raciste en baisse mais des ractions xnophobes juges toujours aussi justifiables

    Depuis dcembre 2013, le sentiment raciste chute au sein de la population franaise. Plus dun sond sur deux affirme ne pas tre raciste du tout (53 %), une tendance amorce en 2014 (+4 / 2013), confirme au lendemain des attentats de janvier 2015 (+6 / 2014) et que 2016 vient encore entriner (+4 / mars 2015). La part des personnes se disant pas trs raciste (23 %), un peu raciste (19 %) ou plutt raciste (5 %) recule au total de 10 points par rapport la vague de novembre 2014. Le rejet de toute adhsion des ides racistes est massif chez les habitants de lagglomration parisienne (75 % se disent pas racistes du tout ), les personnes vivant dans une commune comptant au moins 9 % dhabitants dorigine trangre (71 %), les cadres (63 %) et les plus diplms (64 %), les personnes nayant pas la nationalit franaise (81 %) et les musulmans (88 %). linverse, seuls 18 % des sympathisants du Front national se rangent dans cette dernire catgorie.

    Nanmoins, malgr cette baisse des sentiments xnophobes et la ngation croissante de lexistence mme des races humaines, une ambigut persiste : le fait que certains comportements des personnes dorigine trangre ou immigrs puissent justifier des ractions racistes est toujours largement compris au sein de la population franaise (58 %). 40 % des personnes interro-ges pensent au contraire que rien ne peut justifierles ractions racistes. Cet indicateur, trs stable ces dernires annes, est aussi trs cliv politiquement : si 54 % des sympathisants de gauche pensent que les ractions racistes sont injustifiables (contre 45 % qui les comprennent), la tendance sinverse droite (64 % les comprennent, 35 % les rejettent) et encore davantage au Front national (89 % les comprennent, seuls 11 % les trouvent injustifiables).

    12 114 4

    9 8 7 6 5 3 47 7 9 9 7 5

    3128

    23

    2124

    2123 21

    18 19 20 1922

    26 25

    221926 25

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    25 25 23 25 24 23 22 24 2325

    25 2321

    23

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    4045 44

    4852

    5450 49

    4439

    43

    49 53

    0

    10

    20

    30

    40

    50

    60

    Vous tes plutt raciste Vous tes un peu racisteVous ntes pas trs raciste Vous ntes pas raciste du tout

    En ce qui vous concerne personnellement, diriez-vous de vous-mme que ?

    Pas raciste+10

    Raciste47%-10

  • la perceptIon desphnomnes

    2929

    Les crispations lgard de limmigration et des personnes dorigine trangre dune manire gnrale diminuent fortement

    Les difficults dintgration sont de moins en moins reproches aux personnes dorigine trangre

    Les sonds attribuent de moins en moins la responsabilit dune mauvaise intgration aux personnes dorigine trangre : sils restent malgr tout les premiers responsables 49 % pensent que ce sont avant tout eux qui ne se donnent pas les moyens de sintgrer ce sentiment est en trs net recul depuis 2013 (-19 points). La responsabilit dune mauvaise intgration nest pour autant pas reporte sur un autre responsable : seuls 24 % estiment que cest la socit franaise qui ne donne pas aux trangers les moyens de sintgrer. Venant corroborer la tendance lapaisement observe sur lensemble des indicateurs du baromtre, cest le ni ni qui progresse le plus. En effet, pour 24 % des personnes interroges (+15 points / 2013) les problmes din-tgration ne sont imputables ni la socit franaise et ce dautant plus que 74 % des personnes interroges pensent quen France tout le monde peut russir quelle que soit sa couleur de peau ni aux trangers.

    La prsence des immigrs est globalement de mieux en mieux perue

    Dans un contexte o le modle dintgration la franaise reste celui de luni-versalisme rpublicain, qui prne ladoption par les trangers des habitudes de vie franaises (indispensable pour 87 % des sonds), les indicateurs de tolrance lgard de limmigration progressent tandis que le rejet des trangers est en net recul.

    Au regard de ce modle, lintgration par le travail est trs largement pl-biscite : pour 79 % des rpondants, les travailleurs immigrs doivent tre considrs ici comme chez eux puisquils contribuent lconomie franaise (+9 / 2014). Cette ide est partage par lensemble des personnes interroges, quelle que soit leur catgorie sociale ou appartenance politique, lexception des sympathisants du Front national (seuls 42 % dentre eux lapprouvent).

    La prsence des immigrs est par ailleurs perue comme une source denri-chissement culturel par 68 % des sonds (+5 / 2014) et lide selon laquelle limmigration est la principale cause dinscurit rgresse sensiblement (42 %, -16). noter que lapport culturel de limmigration est trs majoritairement peru par les cadres (87 %), les plus diplms (90 %), les habitants de lagglomration parisienne (90 %) et les personnes qui vivent dans des communes comptant plus de 9 % dtrangers (86 %).

  • tat des lIeux des phnomnes racIstes, antIsmItes et xnophobes et des moyens de lutte

    3030

    Malgr toutes ces volutions positives, et mme si lindicateur progresse lui aussi cette anne (+5), seuls 47 % des sonds pensent quil faut accorder le droit de vote aux lections municipales pour les trangers.

    Des crispations demeurent, notamment lies aux dimensions conomiques de limmigration

    Mme si elles tendent sattnuer fortement, certaines crispations demeurent. De nouveau, cest la dimension socioconomique de limmigration qui est la plus clivante : malgr un recul spectaculaire (-17 points / 2014), 60 % des rpondants pensent toujours que de nombreux immigrs viennent en France uniquement pour profiter de la protection sociale. Une ide approuve par seulement 41 % des sympathisants de gauche, contre 70 % des sympathisants de droite et 96 % des sympathisants du Front national.

    La persistance de cette image dun tranger profiteur, ou du moins opportuniste, tient par ailleurs au fait que les personnes interroges restent largement convain-cues que le fait dtre dorigine trangre ou immigr facilite laccs un certain nombre de services ou daides proposes par ltat : mme si ces prjugs tendent reculer, 52 % des sonds pensent toujours que les immigrs ont plus de facilits accder aux aides sociales (-7), 39 % quil est plus facile davoir un logement quand on est immigr ou tranger (+2) et 39 % que cela facilite laccs aux soins mdicaux (-6). Seul laccs lemploi est majoritairement jug plus difficile pour les immigrs (62 %).

    Les aspects plus culturels ou religieux lis limmigration restent aussi sources de tensions malgr un apaisement notable : en dpit dun recul de 19 points, 53 % des sonds pensent encore que la France doit rester un pays chrtien et un sur deux estime quon ne se sent plus chez soi comme avant (-14).

    52

    39

    39

    22

    16

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    9

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    10

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    4

    4

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    2

    6

    Aux aides sociales

    un logement

    Aux soins mdicaux

    lducation et la formation

    un emploi

    Aux loisirs (botes de nuit, cafs, parcs dattraction)

    Plus de facilitPlus de facilit Plus de difficult Ni lun, ni lautre Ne se prononce pas volution / 2014

    -7

    +2

    -6

    +4

    +4

    +7

    Diriez-vous quen France, lorsquon est dorigine trangre ou immigr, on a plus de facilit, plus de difficult ou ni lun ni lautre, pour accder ?

  • la perceptIon desphnomnes

    3131

    Tout compte fait, et malgr une dcrispation qui se confirme, que ce soit pour des raisons conomiques, religieuses ou culturelles, une majorit des habitants de lhexagone considre toujours quil y a trop dimmigrs en France (58 %, -14).

    Dans ce contexte, laccueil des rfugis ne parat pas envisageable pour la majorit des sonds

    Malgr la hausse sensible des indicateurs de tolrance, la situation conomique et sociale de la France reste un frein important pour une ouverture plus grande aux trangers et immigrs, mme lorsquils fuient des situations de guerre : la majorit des personnes interroges (54 %) estiment en effet que la France ne doit pas accueillir les rfugis des pays en guerre car il faut avant tout aider les personnes qui narrivent pas se loger et vivre dcemment en France. 41 % estiment que cest un devoir daccueillir ces rfugis.

    Quils viennent de Syrie ou dIrak, ou dAfrique, et quon les dsigne par le terme rfugis ou migrants, cela ne change rien lopinion majoritaire des sonds : la situation actuelle du pays ne permet pas de les accueillir. noter que le frein est avant tout conomique, quil nest pas un refus de principe, qui ne serait pas justifi rationnellement : en effet, moins dun cinquime de la population estime que la France na pas les accueillir , sans avancer davantage dexplications.

    Les prjugs lgard des immigrs persistent malgr des baisses records

    Alors que la grande majorit de la population plbiscite une intgration base sur ladoption des habitudes de vie franaises, le sentiment quil existe des communauts part subsiste et pourrait expliquer la persistance des prjugs et des tensions dans la socit franaise. Malgr un lger recul, les trois-quarts des sonds considrent que les Roms (75 %, - 7) comme les gens du voyage (73 %, - 7) soit les communauts propos desquelles demeurent les prjugs les plus importants constituent un groupe part dans la socit : une ide partage par la majorit des personnes interroges quelles que soient leurs catgories sociodmographiques ou politiques. Mme si les autres communau-ts ne sont majoritairement pas considres comme groupes ou sont juges comme un groupe ouvert aux autres, une part non ngligeable de la population estime tout de mme quelles forment un groupe part dans la socit : 40 % (-8) sagissant des musulmans, 33 % (-5) pour les Maghrbins et 24 % sagissant des juifs (-4) ou des homosexuels (-5).

    Un dcalage dans la perception entre les musulmans de France et lIslam en gnral

    La majorit des sonds saccorde sur le fait que les Franais musulmans sont des Franais comme les autres (76 %, + 10). Seuls les sympathisants du Front national remettent en question cette affirmation, approuve par seulement 36 % dentre eux. Par ailleurs, 79 % des personnes interroges (+11) considrent quil faut permettre aux musulmans de France dexercer leur religion dans

  • tat des lIeux des phnomnes racIstes, antIsmItes et xnophobes et des moyens de lutte

    3232

    de bonnes conditions. Cest mme le cas de 51 % des sympathisants du Front national : permettre dexercer sa religion dans de bonnes conditions cest peut-tre aussi, pour ces derniers, un moyen de mettre lislam lcart, en donnant les moyens de lexercer dans un espace clos, priv, de manire non visible.

    Les pratiques religieuses musulmanes sont par ailleurs de mieux en mieux acceptes par les habitants de lHexagone, mme si lon observe un dcalage entre les pratiques les plus visibles, et les pratiques confines lespace priv : en effet, les deux seules pratiques dont les sonds pensent quelles peuvent poser problme pour vivre en socit sont le port du voile intgral (93 %, stable) et le port du voile (68 %, -11). Cette dernire pratique est notamment juge problmatique par les sympathisants du Front national (90 %), les plus gs (77 % des 60 ans et plus) et les habitants de province (72 % vs. 47 % des habitants de lagglomration parisienne). Par opposition ces pratiques visibles , celles qui sont plus absentes de lespace public semblent poser de moins en moins problme : seul un tiers des sonds pensent que les prires (-13), linterdiction de consommer du porc ou de lalcool (-7) ou le sacrifice du mouton lors de lAd-el-Kbir (-17) peuvent tre problmatiques. Cest le cas de moins dun quart des sonds (24 %) sagissant du jene du ramadan (-14).

    Si les musulmans de France sont trs largement accepts, en tant que citoyens franais comme dans leur pratique de la religion, lislam en gnral semble en revanche plus problmatique : cest une menace pour lidentit de la France pour 49 % des sonds (contre 48 % qui pensent le contraire) et seuls 45 % dentre eux estiment quil faut faciliter lexercice du culte musulman en France. Une crispation qui vient confirmer le dcalage de perception selon que lon parle des musulmans de France (ou Franais) identifis, connus et ctoys au quotidien, et qui suscitent plus de bienveillance que dans les enqutes prcdentes ou de lislam en gnral, qui englobe des opinions et pratiques diverses et mal identifies, et suscite par consquent davantage de craintes.

    Les prjugs lgard des juifs reculent nettement mais persistent

    Comme les Franais musulmans, les Franais juifs sont trs majoritairement considrs comme des Franais comme les autres (88 %), y compris par les sympathisants du Front national (73 %). Nanmoins, et mme sils baissent de manire significative, les prjugs leur gard restent importants : 43 % des personnes interroges pensent quIsral compte plus que la France pour les juifs franais (-13 points / 2014) et 41 % pensent que les juifs ont un rapport particulier largent (-22). Cette dernire ide est mme partage par 54 % des sympathisants du Front national et 51 % des sympathisants des Rpublicains. Enfin, 20 % des sonds estiment que les juifs ont trop de pouvoir en France (-17). Les retraits (28 %), les sympathisants du Front national (28 %) mais aussi les catholiques pratiquants (33 %) et les musulmans (34 %) se montrent particu-lirement daccord avec cette dernire assertion.

  • la perceptIon desphnomnes

    3333

    Les Roms sont largement considrs comme un groupe part et souffrent dune image clairement ngative

    Considrs comme un groupe part dans une socit qui valorise lintgration par ladaptation aux habitudes et modes de vie locaux, les Roms souffrent dune image trs peu favorable auprs des personnes interroges, et ce quelles que soient les catgories sociodmographiques ou prfrences partisanes de ces dernires.

    Mme sils tendent sattnuer, les prjugs leur gard persistent : les trois quarts des personnes interroges (76 %, -10) considrent quils sont pour la plupart nomades et 58 % dentre elles (-19) remettent en question leur volont de sintgrer en France. Deux affirmations partages par lensemble des cat-gories de population.

    69 % (-12) pensent par ailleurs que les Roms exploitent trs souvent les enfants et 58 % (-19) quils vivent essentiellement de vols et de trafics. noter que cette dernire affirmation nest pas partage par les cadres (40 % lapprouvent contre 49 % qui sy opposent), les habitants de lagglomration parisienne (39 % daccord / 45 % pas daccord) et les plus diplms (38 % daccord / 47 % pas daccord).

    La lutte contre le racisme est indispensable et passe par la condamnation svre des propos et comportements discriminatoires

    Les comportements discriminatoires et propos racistes sont jugs intolrables et doivent tre condamns

    Dans un tel contexte de progression de la tolrance et de rejet croissant du racisme, les comportements discriminatoires sont logiquement jugs de plus en plus inacceptables. Quil sagisse de refuser de louer un logement, de refuser une embauche ou dinterdire lentre dune bote de nuit une personne noire ou dorigine maghrbine, ces comportements sont jugs graves par la quasi-totalit de la population et mme trs graves par une majorit. noter nanmoins que les comportements discriminatoires envers les personnes dorigine maghrbine semblent susciter lgrement moins dindignation que les comportements discriminatoires envers les personnes noires.

    66 % des sonds (+22) considrent quil est trs grave de refuser de louer un logement une personne noire qui remplirait toutes les conditions financires ncessaires, 52 % (+8) si cest une personne dorigine maghrbine. 70 % dentre eux (+20) jugent trs grave de refuser lembauche dune personne noire qui correspondrait aux attentes du poste, 56 % (+11) sil sagit dune personne dorigine maghrbine. Enfin, 66 % (+26) estiment trs grave dinterdire lentre dune bote de nuit une personne noire, 52 % (+17) une personne dorigine maghrbine.

    Sagissant du mariage dune personne noire ou dorigine maghrbine avec un de ses enfants, la part des personnes jugeant grave de sy opposer est largement

  • tat des lIeux des phnomnes racIstes, antIsmItes et xnophobes et des moyens de lutte

    3434

    majoritaire, mais nanmoins moindre que pour les autres comportements dis-criminatoires, moins impliquants par dfinition : 79 % des sonds (+13) pensent quil est grave de sopposer au mariage dun de ses enfants avec une personne noire, 52 % (+25) considrent que cela est trs grave, et 67 % (+5) pensent de mme si cest avec une personne dorigine maghrbine (dont 35 % (+8) pensent que cela est trs grave).

    Comme les comportements discriminatoires, les propos racistes ou discriminants ( sale pd , sale juif , sale noir ) choquent tous autant quils soient et ncessitent, aux yeux des personnes interroges, une condamnation de 87 % 83 % et mme une condamnation svre (de 41 % 47 %). La ncessit de condamner ces propos na cess daugmenter de dcembre 2012 dcembre 2013 puis novembre 2014. Elle se stabilise cette anne, un niveau extrmement lev. Seule la ncessit de condamner linsulte Sale Franais enregistre une trs lgre baisse cette anne (86 %, - 4 / 2014). Elle reste nanmoins un niveau plus lev quen dcembre 2012 (77 %) et dcembre 2013 (84 %).

    Lutter contre le racisme, lantismitisme et les prjugs envers les musulmans est par consquent indispensable

    Aussi, la lutte contre les discriminations est-elle juge dautant plus nces-saire. Une large majorit des personnes interroges (71 %, + 7) saccordent dire quil faut lutter vigoureusement contre le racisme. 44 % (+1 8) sont mme tout fait daccord avec cette opinion. De la mme manire, lantismitisme doit tre svrement combattu pour 68 % des sonds (+2 / mars 2015) et les prjugs envers les musulmans pour 63 % (+8 / mars 2015). La ncessit de lutter contre le racisme atteint son plus haut niveau jamais enregistr (71 %, dont 44 % qui pensent que cest tout fait ncessaire).

    Vous personnellement, pensez-vous quune lutte vigoureuse contre est ncessaire en France ?

    oui, tout fait Oui, plutt Non,pas vraimentNon,

    pas du toutNe se

    prononce pas

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    ST OUI 68%

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    le racisme lantismitisme les prjugs enversles musulmansST NON

    26%

    OUI 71%

    +7 / 2014

    ST NON 27%

    ST OUI 63%

    +8 / 2015

    ST NON 33%

  • la perceptIon desphnomnes

    3535

    La religion et les religions voquent des sentiments diffrents selon la proximit partisane

    Dans un contexte o la religion fait partie intgrante du dbat public, que ce soit la religion catholique lors des manifestations contre le mariage pour tous, ou lislam et le judasme propos, par exemple, des menus spcifiques dans les cantines scolaires, le mot religion suscite des jugements partags : sil voque quelque chose de positif pour 43 % des personnes interroges, il est neutre pour 30 % dentre elles et voque quelque chose de ngatif pour pas moins de 26 % des sonds. Si, droite, le positif lemporte (56 %), les sympathi-sants de gauche se montrent en revanche partags sur la question (36 % positif / 32 % neutre/ 31 % ngatif). Logiquement, le mot religion voque quelque chose de positif pour 84 % des catholiques pratiquants et 80 % des musulmans. Dune manire gnrale, le fait dtre croyant ou pratiquant a un impact positif sur limage des religions quelles quelles soient.

    Dans le dtail, on observe de grandes diffrences selon la religion mentionne : la religion catholique voque quelque chose de positif pour 52 % des rpondants, neutre pour 30 % et ngatif pour seulement 17 %. Elle est vcue positivement par 72 % des sympathisants des Rpublicains, 91 % des catholiques pratiquants mais aussi 75 % des musulmans. Ces derniers sont par ailleurs 24 % avoir une opinion neutre sur la religion catholique et seulement 1 % en avoir une vision ngative.

    La religion juive suscite des opinions majoritairement positives mais sensible-ment plus partages : elle voque quelque chose de positif pour 41 % des sonds, de neutre pour 35 % et de ngatif pour 20 %. Comme la religion catho-lique, elle voque quelque chose de positif pour une majorit des sympathisants des Rpublicains (56 %) tandis quelle est plus neutre pour les sympathisants de gauche (ni positif ni ngatif, 39 %). Elle est la fois bien perue par les catho-liques pratiquants (74 %) et par les musulmans (71 %). 24 % de ces derniers en ont une image neutre, 1 % une image ngative (4 % ne se prononcent pas).

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    Lacit

    Religion catholique

    Religion

    Religion juive

    Religion musulmane

    Pouvez-vous me dire, pour chacun des termes suivants, sil voque pour vous quelque chose de trs positif, dassez positif, dassez ngatif, de trs ngatif ou de ni positif ni ngatif ?

    POSITIF NEGATIF

    78% 8%

    52% 17%

    43% 26%

    41% 20%

    32% 34%

    Trs positif

    Assez positif

    Assez ngatif

    Trs ngatif

    Ni positif, ni ngatif

    Ne seprononce pas

  • tat des lIeux des phnomnes racIstes, antIsmItes et xnophobes et des moyens de lutte

    3636

    Enfin, malgr une volution significative depuis 2013, la religion musulmane continue de diviser lopinion : elle voque quelque chose de principalement ngatif pour 34 % des sonds (-16 / 2013), de neutre pour 31 % dentre eux et de positif pour 32 %. Comme pour les religions catholique et juive, bien que dans des proportions bien moindres, ce sont les sympathisants des Rpublicains qui sont les plus nombreux en avoir une bonne image (44 % de jugements positifs contre 21 % dopinions neutres et 33 % dopinions ngatives). Les sym-pathisants de gauche en ont une image plus neutre (36 % contre 31 % de jugements positifs et 30 % de jugements ngatifs). Les catholiques pratiquants en ont une image majoritairement positive (58 % Vs. Neutre : 15 % / ngative : 25 %).

    Lacit douverture pour une large majorit des Franais, lacit de fermeture au Front national

    Dans ce contexte, non pas de dfiance, mais de doutes et de difficults se positionner quant aux diffrentes religions, la lacit est un principe qui voque des choses positives pour 78 % des sonds. Elle voque quelque chose de neutre pour 12 % dentre eux et de ngatif pour seulement 8 %.Son image est particulirement positive auprs des plus gs (83 % des 60 ans et plus), des Franciliens (84 %), des plus diplms (87 %), des sympathisants de gauche (84 %), des musulmans (86 %) et des personnes ayant un ascendant originaire dAfrique du Nord (90 %).

    Dans le dtail, la lacit est avant tout vcue positivement par les personnes interroges : un principe qui autorise plutt quil ninterdit, qui assure la libert de culte plutt quil nempche de vivre sa religion, et qui garantit le vivre ensemble et ne rejette en aucun cas les religions. En effet, amens se plier un exercice de dfinition de la lacit en France, les sonds voquent en premier lieu le fait quelle permet des gens de convictions diffrentes de vivre ensemble (54 %). Vient ensuite la libert de pratiquer la religion que lon souhaite (46 %), puis la dfinition historique de la lacit : la sparation des reli-gions et de ltat (35 %). Les dfinitions ngatives de la lacit arrivent en bas du classement : linterdiction des signes et des manifestations religieuses dans lespace public est cite par 28 % des rpondants, la prservation de lidentit traditionnelle de la France par 23 % et le rejet de toutes les religions et convic-tions religieuses par seulement 5 %.

    Cette vision de la lacit est globalement partage par lensemble des personnes interroges, sauf par les sympathisants du Front national : ces derniers en ont une vision plus restrictive et lui attribuent un rle de prservation de lidentit franaise. Ils citent en premier lieu la prservation de lidentit traditionnelle de la France (51 %), puis linterdiction des signes et manifestations religieuses dans lespace public (44 %). Pour ces derniers, la lacit doit tre un moyen de mettre la religion lIslam, infine lcart.

    noter que les personnes de confession musulmane ont une vision particu-lirement positive de la lacit : elle est garante du vivre ensemble pour 71 % dentre eux, et permet de pratiquer librement sa religion pour 64 %. Seuls 10 % dentre eux la dfinissent comme linterdiction des signes et des manifestations religieuses dans lespace public.

  • la perceptIon desphnomnes

    3737

    Inflexion passagre ou dbut dun cycle durable?

    Cette nouvelle vague du baromtre, ralise dans un climat particulirement anxiogne, et dont on aurait pu croire quil renforce les crispations lgard des trangers ou immigrs, et de lAutre dune manire gnrale, est au contraire caractrise par un lan dapaisement et douverture, et par la volont de rinjecter du positif dans un climat morose. Cette tendance la dcrispation, lgrement amorce en 2014, et confirme au lendemain des attaques contre Charlie Hebdo et lHyper Cacher, sest encore accentue au lendemain des attentats du 13novembre. quoi sattendre alors que les menaces terroristes restent extrmement importantes, que ltat islamique en Syrie et en Irak continue dattirer de jeunes Franais, que la crise migratoire ne trouve pas de solutions? Les prochaines vagues de ce baromtre permettront de vrifier si les indicateurs dapaisement et de tolrance vont continuer progresser ou si au contraire, ils ont atteint un plafond de verre.

    Permettre des gens de convictions diffrentes de vivre ensemble

    La libert de pratiquer la religion que lon souhaite*

    La sparation des religions et de lEtat

    Linterdiction des signes et des manifestations religieuses dans lespace public

    La prservation de lidentit traditionnelle de la France

    Le rejet de toutes les religions et convictions religieuses

    Ne se prononce pas

    Je vais vous citer plusieurs affirmations concernant la lacit. Laquelle correspond le mieux ce quest, pour vous, la lacit en France aujourdhui ? En premier ? Au total ?

    TOTAL

    54%

    46%

    35%

    28%

    23%

    5%

    3%

  • 3939

    CHAPITRE 2

    LACTION DES MINISTRES DELDUCATION NATIONALE, DELINTRIEUR ET DE LA JUSTICE

    La CNCDH value les rsultats des actions entreprises dans la lutte contre le racisme, lantismitisme et la xnophobie afin dtre en mesure de formuler des recommandations utiles, justes et concrtes aux pouvoirs publics.

    Le Prsident de la Rpublique, lors de ses vux aux Franais formuls le 31dcembre 2014, a rig la lutte contre le racisme et lantismitisme en grande cause nationale pour lanne 2015. Pour que cette annonce ne se rsume pas une dclaration dintention, le Gouvernement sest mobilis tout au long de lanne et au premier chef les ministres de lducation nationale, de lIntrieur et de la Justice, ainsi que la Dlgation interministrielle la lutte contre le racisme et lantismitisme (DILCRA), rcemment rattache au Premier ministre.

    Ces ministres ont rpondu linvitation de la CNCDH de venir prsenter devant elle les actions menes. Ils ont continu de nourrir le dialogue institutionnel que la CNCDH a mis en place ds les annes 1990. Au-del de ces trois ministres, la CNCDH a galement reu la contribution crite du ministre des Affaires trangres et du Dveloppement international, du ministre de la Dcentralisa-tion et de la Fonction publique, du ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, du ministre des Outre-mer, du secrtariat dtat charg des droits des femmes, du secrtariat dtat charg du numrique, de la DILCRA, du Dfenseur des droits (DDD), du Conseil suprieur de laudiovisuel (CSA) et du Contrleur gnral des lieux de privation de libert (CGLPL) 1.

    Lexamen critique des actions conduites par lducation nationale, lIntrieur et la Justice tmoigne davances, de prise en considration de problmatiques complexes, et dune coute vis--vis des recommandations formules par la CNCDH. Il rend galement compte defforts indniables en matire de rflexion interministrielle et de recherche de partenariats stratgiques avec la socit civile. Il rvle nanmoins des lacunes que la CNCDH semploie identifier, des insuffisances et parfois mme un certain double discours quil convient de mettre en lumire.

    1. Voir en annexe pour les contributions crites au rapport 2015.

  • tat des lIeux des phnomnes racIstes, antIsmItes et xnophobes et des moyens de lutte

    4040

    Sur la base de lanalyse critique des actions entreprises par le ministre de lducation nationale (section 1), le ministre de lIntrieur (section 2) et le ministre de la Justice (section 3), la CNCDH formule des recommandations argumentes dans lobjectif de dvelopper une connaissance fine et scientifi-quement taye des phnomnes et des dynamiques luvre dans la socit et dans les territoires et dy rpondre de la faon la plus adquate, au travers dapproches transversales et pluridisciplinaires.

  • lactIon des mInIstres de lducatIon natIonale, de lIntrIeur et de la JustIce

    4141

    Section 1

    Laction duministre de lducation nationale titre liminaire, la CNCDH tient saluer la mobilisation des personnels de lducation, tous les chelons, dans le contexte particulirement agit de lanne qui sest coule. Il faut surtout fliciter ceux qui, sur le terrain, dans les coles, ont su rpondre aux interrogations et aux angoisses exprimes par certains lves, sans tomber dans le pige des amalgames et des ides pr-conues qui ont pu tre vhiculs.

    Lieu dapprentissage du vivre ensemble et de la construction de lesprit citoyen, lcole demeure lun des remparts les plus efficaces contre toutes formes de racisme. Louverture desprit qui caractrise les jeunes les rend en effet plus rceptifs aux discours qui incitent la tolrance et louverture lautre. Lcole est aussi le lieu privilgi du dveloppement et de lpanouissement personnel, ce titre, chaque lve doit pouvoir voluer dans le respect de ses diffrences et de celles des autres.

    Lcole place au cur de ses missions le dveloppement de lesprit critique et lgalit des chances. Pourtant, elle contribue, de manire indirecte, la repro-duction des ingalits sociales. Le classement PISA souligne ainsi la constante aggravation du caractre particulirement ingalitaire du systme ducatif franais, compar ceux des autres pays de niveau de dveloppement ana-logue : creusement de lcart entre bons et mauvais lves, hausse du nombre dlves en grande difficult, lien particulirement fort entre russite scolaire et milieu social 2.

    Conscient quelle ne remplit aujourdhui quimparfaitement son rle, le Gou-vernement a lambition depuis 2013 de refonder lcole de la Rpublique. La lutte contre toutes les formes de racisme et lducation la tolrance y occupe une place centrale, comme en tmoignent les onze mesures de la Grande mobilisation de lcole et de ses partenaires pour les valeurs de la Rpublique prsentes le 22janvier 2015 3 et le nouveau Plan national daction contre le racisme et lantismitisme (PNACRA) prsent le 17avril de la mme anne et dont lune des priorits est de former des citoyens par la transmission, lduca-tion et la culture 4. Lentre en vigueur des programmes denseignement moral et civique, linstauration dun parcours citoyen, les mesures mises en uvre

    2. Voir les principaux rsultats de lEnqute PISA 2012(http://urlz.fr/1Prk) ; Classement PISA : la France championne des ingalits scolaires , Le Monde, publi le 3dcembre 2013 (http://urlz.fr/2ztQ)R ; rapport de linstitut Montaigne, Dix ans de politique de diversit : quel bilan?, septembre 2014 (http://urlz.fr/2ztO).3. Le Plan Grande mobilisation (http://urlz.fr/2zte) a t suivie par les Assises de la mobilisation rassemblant du 9fvrier au 24avril 2015 sur lensemble du territoire franais tous les acteurs concerns pour interroger, dcliner et approfondir les mesures annonces le 22janvier (http://urlz.fr/2ztM). Plusieurs ides intressantes ont t mises pour favoriser le travail conjoint avec les partenaires de lcole (parents, colle


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