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Programme des subventions ROCARE pour la recherche en éducation /
ERNWACA Research Grants Programme
Edition 2010/ 2010 edition
Serge Armel ATTENOUKON Sylvie A. T. EHAKO Eric MONTCHO-AGBASSA
Chercheur principal membre membre
Parrain/Mentor: Prof. Barnabé GBAGO
BENIN
Recherche financée par le
Réseau Ouest et Centre Africain de Recherche en Edu cation (ROCARE)
avec du soutien du projet Centre d’Excellence Régionale UEMOA et du Ministère des Affaires Etrangères des Pays Bas
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Research financed by
Education Research Network for West and Central Afr ica (ERNWACA)
With project support from UEMOA regional Centre of Excellence and the Ministry of Foreign Affairs of the Netherlands
ROCARE / ERNWACA • Tel: (223) 20 21 16 12, Fax: (223) 20 21 21 15 • BP E 1854, Bamako, MALI Bénin • Burkina Faso • Cameroun• Congo • Côte d’Ivoire • Gambia • Ghana • Guinée •
Mali • Mauritanie • Niger • Nigeria • Sénégal • Sierra Leone • République Centrafricaine • Togo www.rocare.org/ www.ernwaca.org
Impact de la mesure de gratuité de l’enseignement primaire sur le
phénomène des « Vidomègon » (enfants placés) au Bénin
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I- Résumé analytique
II- Introduction et intérêt de la recherche
III- Description du site de la recherche
IV- Méthodologie de l’étude
V- Résultats
VI- Discussions détaillées des conclusions et recommandations concrètes
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TABLE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
AOF : Afrique Occidentale Française
BIT : Bureau International du Travail
DUDH : Déclaration Universelle des Droits de l’Homme
MEMP : Ministère de l’Enseignement Maternel et Primaire
MFPSS : Ministère de la Famille, de la Protection Sociale et de la Solidarité
ONG : Organisation Non Gouvernementale
ROCARE : Réseau Ouest et Centre Africain de Recherche en Education
UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la
Culture
UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l’Enfance
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LISTE DES TABLEAUX
Tableau1 : Synthèse de la méthodologie
Tableau2 : Du nombre d’enfants placés dans la population
Tableau 3 : L’auteur de la décision d’envoyer un enfant placé à l’école
Tableau4 : Personnes ayant des enfants placés chez eux selon le lieu de résidence
Tableau5 : Sexe des enfants placés
Tableau6 : Répartition des enfants placés par groupe d’âge
Tableau7 : Personnes ayant placé leurs enfants selon le lieu de résidence
Tableau8 : Perception sur la mesure de gratuité
Tableau9 : Perception sur la scolarisation des enfants placés
Tableau10 : Distribution selon l’auteur de la décision d’envoyer un enfant placé à l’école
Tableau11: Appréciation sur la gratuité comme une solution de lutte contre le phénomène
LISTE DES FIGURES
Figure1 : Connaissance du phénomène d’enfants placés
Figure 2 : Situation par rapport au placement d’enfants
Figure 3: Situation matrimoniale des personnes ayant d’enfants placés chez eux
Figure 4 : Sexe bénéficiaire de la gratuité
Figure 5 : Perception sur la pertinence de la mesure à faire baisser le placement d’enfants
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I- RESUME ANALYTIQUE
La pratique du placement des enfants est lointaine. Elle se mesure à l’aune culturelle de la solidarité familiale ou communautaire. De nombreux enfants ont bénéficié de ce système de protection sociale et ont pu se construire et devenir eux aussi des agents de socialisation.
Force set cependant de constater que de nombreux enfants placés sont maltraités et exploités à des fins inavouées. Cette situation fait actuellement l’objet de préoccupations de pouvoirs publics tant nationaux qu’internationaux.
Au Bénin, la situation des «Vidomègon» a depuis plus de trois décennies fait l’objet de mesures diverses au regard des droits et des instruments nationaux et internationaux de protection de l’enfance. Malgré tout ce qui a été dit et fait dans ce sens et peut-être à cause de cela, la situation très critique des enfants placés au Bénin persiste au point de devenir un phénomène national.
La présente étude se voudrait donc comme une contribution au débat national en vue de recherche de solutions idoines. Elle prend appui sur la gratuité de la scolarisation, une des mesures récemment prises par les autorités gouvernementales, qui à notre entendement contribuera puissamment à la réduction sinon à l’éradication du phénomène Vidomègon.
A cet égard, l’objectif général de la présente étude est donc d’explorer l’effet de la mesure de gratuité de la scolarisation décidée en 2006 au Bénin sur le phénomène d’enfants placés dans les grands centres urbains de ce pays. Plus spécifiquement, il s’agit :
- d’abord, de faire un état de la culture générale de la scolarisation dans les communautés béninoises, c’est-à-dire, de mieux comprendre si, historiquement, les béninois aimaient fréquenter l’école ;
- ensuite, de mieux comprendre si la mesure de gratuité de la scolarisation a également profité aux enfants placés ;
- enfin, de mieux comprendre si la gratuité de la scolarisation peut être une des solutions possibles contre le phénomène du placement des enfants.
Au demeurant, il s’agit de réfléchir sur un problème de société qui, loin d’être le propre du Bénin, est commun à la presque totalité des pays africains.
Nous avons en outre cherché à analyser le phénomène à travers d’une part, les dispositifs formels mis en place par les autorités pour assurer une scolarisation universelle et d’autre part, les approches culturelles et des droits humains.
L’enquête auprès d’une population variée de 800 personnes ont permis de constater que la gratuité de la scolarisation peut-être vu comme une alternative sérieuse contre la pratique des enfants placés, à condition d’être associé aux actions globales de lutte contre la lutte contre la pauvreté et l’analphabétisme.
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II- INTRODUCTION ET INTERET DE LA RECHERCHE
« Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne… » Cette célèbre phrase d’un
poète français, Victor Hugo, avait encouragé la pratique d’enfants placés en Afrique, en général,
et au Bénin, en particulier, surtout à l’époque coloniale. Mais, force est de constater depuis
quelques décennies la perversion de cette bonne pratique qui met à mal la vision du poète.
En Afrique, le placement des enfants (la tierce garde) est une tradition séculaire. Le
phénomène prend ses racines dans la tradition où, au travers de la solidarité, une famille ou une
communauté donnée peut prendre en charge l’éducation et la formation des enfants issues de
familles ou de communautés tierces, dans un but essentiellement humanitaire, sans véritable
compensation, surtout ni matérielle ni financière. L’ancienneté de l’ancrage du phénomène dans
les habitudes des Africains justifie la pratique, même aujourd’hui.
En effet, face à la pauvreté, au chômage et à la poussée démographique, les logiques
anciennes de solidarité et de partage des charges familiales se renforcent. De plus, la conception
séculaire des droits de l’enfant en Afrique, parfois, différentes de la conception moderne peut
être un facteur déterminent. Ainsi, la possible méconnaissance par les populations rurales et/ou
analphabètes des notions modernes de droits de l’homme, en général, et des droits de l’enfant et
des lois les protégeant, en particulier, pourrait expliquer la persistance des considérations qui
facilitent ce phénomène. Qui plus est, peu d’enfants et de familles dénoncent les mauvais côtés
du placement, applaudi et admis comme un acte de « charité » en vue de donner plus de chances
de survie et de réussite sociale aux enfants.
« Vidomègon », tiré de la langue fon (une langue populaire du Sud Bénin), signifie
littéralement « enfant placé chez autrui ». La pratique du placement des enfants consiste en
« la tierce garde ». Elle est bien connue dans la sous région ouest-africaine: Talibé au
Sénégal, Morikalandenw ou Gariboudenw au Mali et en Guinée, et Vidomègon au Bénin et
Vilamessi au Togo, etc. Elle traduit une réalité sociale vieille de plusieurs dizaines de
décennies. Il s’agit d’une institution qui remonte au temps colonial : à l’époque, très peu de
gens étaient instruits et travaillaient dans les structures administratives ou directement chez
les colons. Ces rares travailleurs étaient vus par les membres de leurs communautés comme
des modèles. Ainsi, placer son enfant auprès d’un cadre « modèle » pour qu’il lui assure un
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avenir meilleur était un privilège. D’ailleurs, de des hauts cadres béninois d’aujourd’hui sont
d’anciens enfants placés. « Moi, j’ai été un enfant placé. Ce qui m’a permis de forger mes
aptitudes pour être l’homme que je suis aujourd’hui… »1.
Une maltraitance commise sur un enfant placé était, à cette époque, synonyme d’une
trahison de la confiance placée en soi par ses parents, et partant, une trahison au regard de
toute la collectivité (ONG Aide et Action-Bénin, 2005). Du coup, les enfants étaient bien
gardés, éduqués convenablement. Parfois, les parents pensant sauver leurs enfants de la
misère et ils allaient même jusqu’à les confier à des étrangers en ignorance de toute
procédure légale d’adoption.
Il est important de souligner qu’à court terme, le fait de confier un enfant soulage du
devoir d’attention et de protection de la famille originelle. A long terme, les parents
espéraient, que la réussite de l’enfant placé constituerait pour eux une assurance-vie.
Depuis quelques temps, on peut toutefois observer une tendance : la perversion de l’esprit
de solidarité originel qui débouche sur l’exploitation des enfants (trafic des enfants). En effet,
avec l’augmentation progressive du nombre de fonctionnaires ou de travailleurs, le besoin en
personnels domestiques pour veiller sur les enfants et s’occuper des travaux domestiques se
faisait de plus en plus ressentir. D’où la déformation progressive de la bonne pratique sociale
originelle à des fins mercantiles. L’argent s’est introduit et a perverti complètement la
pratique au point qu’on parle de nos jours de trafic, de traite et d’exploitation des enfants.
Malheureusement, il s’agit de pratiques qui induisent des rapports de soumission et de
reconnaissance de la part des enfants mis dans ce statut (vis-à-vis de leurs exploitants ou
adoptants). Ainsi, cette logique finit par engendrer le mutisme collectif en cas de
maltraitance.
Par ailleurs, on note une prédominance des filles donc une demande portant
essentiellement sur des filles. A ce sujet, il faut beaucoup insister sur la discrimination à
l’égard des petites filles. En Afrique en général et au Bénin en particulier, la femme se sent,
1 Témoignage de monsieur Joseph GNOLONFOUN, magistrat et ancien ministre de la justice au Bénin (recueilli au
cours d’’une émission sur la Chaîne ORTB, télévision nationale du Bénin, courant février 2005) cité par Aide et
Action-Bénin, 2005.
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le plus souvent, débitrice d’une obligation de soutien vis-à-vis de la famille dans des
situations difficiles. De même, si les familles doivent faire un sacrifice, ce sont d’abord les
filles qui ne sont pas du tout scolarisées ou qui sont retirées de l’école et mises au travail ou
encore données de force en mariage.
Le statut de la fille et les discriminations dont elle est l’objet (non scolarisation, mise au
travail forcé précoce), la conduisent automatiquement vers le travail domestique et commercial.
II-1 Cadre conceptuel
• L’enfant :
La convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 en son article 1er, définit
l’enfant comme « tout être humain âgé de moins de 18 ans sauf si la majorité est atteinte plus tôt
en vertu de la législation qui lui est applicable ». Cette définition, plutôt juridique, s’appuie plus
sur le facteur âge et semble ignorer le facteur social. Dans les sociétés traditionnelles africaines,
le facteur âge ne parait pas le plus important; ce qui importe plutôt, ce sont les rites d’initiation,
les obligations traditionnelles et la capacité à se prendre matériellement et socialement en charge.
Ainsi l’enfant peut être défini sous cet angle comme cet être qui vit sous l’autorité parentale, qui
dépend financièrement d’un aîné ou qui n’a pas encore fini de s’initier aux différents rites de
socialisation lui donnant accès à la vie adulte. L’aspect physique entre quelquefois en jeu en ce
sens que, l’apparition des premiers signes pubertaires est parfois perçue comme une étape de
transition vers la vie adulte.
• La traite des enfants :
D’après l’article 3 du protocole additionnel à la convention relative aux droits de l’enfant,
visant à prévenir, réprimander et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des
enfants, la traite désigne:
« Le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité ou par l’offre ou l’acceptation de paiement ou d’avantages pour
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obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fin d’exploitation (...) ».
Cette définition prend essentiellement en compte trois caractères à savoir : l’activité, les
moyens et le but. Le protocole précise que est considérée comme une traite même si les moyens
énoncés ci-dessus ne sont pas utilisés, le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou
l‘accueil d ‘enfants aux fins d’exploitation2.
• Vidomègon ou tierce garde : dans le contexte béninois, il existe sous plusieurs formes à
savoir :
* Le placement assistance
Par ce type de placement dit positif, la famille d’accueil reçoit l’enfant soit pour lui assurer un
avenir meilleur parce que ce dernier vient d’une famille démunie ou est orphelin, soit pour des
raisons d’absence dans son milieu d’origine des infrastructures de formation scolaire ou
professionnelle, soit parce que cette famille d’accueil éprouve pour diverses raisons la nécessité
d’adopter un enfant.
* Le placement échange
Par ce placement dit négatif, l’enfant quitte sa famille d’origine pour une famille d’accueil en
échange d’une prime ; ce type de placement se présente sous plusieurs formes. Nous pouvons
retenir à cet effet la typologie dressée par Veil (1998, p.34) :
- l’enlèvement : l’enfant est enlevé frauduleusement (volé) à ses parents et placé auprès d’un
tiers contre une prime ;
- le placement vente : l’enfant est remis par ces parents ou celui qui en assume l’intérim à un
tiers contre une somme déterminée ;
- le placement gage : l’enfant est temporairement mis au service de sa famille d’accueil pour le
payement d’une dette de ses parents ;
- le placement forfait : l’enfant est temporairement remis à un placeur qui se chargera de le
placer contre une somme forfaitaire ;
- le placement service : l’enfant est confié à un démarcheur placeur dont la prime sera payée soit
par les parents, soit par prélèvement sur les premiers salaires de l’enfant ;
2 Nations Urnes : Protocole de Palerme de 2000.
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- le placement détournement : l’enfant initialement placé pour raisons de scolarisation ou de
formation est utilisé pour exercer un travail à but lucratif.
Les conséquences directes du phénomène du placement des enfants sont le trafic et la
traite des enfants. Ils mobilisent les pouvoirs publics et les communautés nationales et
internationales.
Au Bénin, plusieurs enfants en sont victimes. Le nombre varie d'une source d’information
à une autre en raison du choix des critères de définition de ce qu'on entend par trafic d'enfants. Il
serait de cent soixante et un mille quatre cent vingt-huit (161.428) enfants selon le Bureau
International du Travail (BIT), et de quarante mille (40.000) d’après l'UNICEF. Notons que sur
l'ensemble des 161.428 enfants répertoriés par le BIT, on dénombre dix mille cinq cent soixante
dix (10.570) enfants de moins de six (06) ans. Ils sont pris en compte parce que ne vivant pas
dans leur famille d'origine ou avec l'un quelconque de leurs deux parents ou dans un ménage
ayant un lien de parenté avec leur famille et utilisés à des tâches économiques, notamment
domestiques. Il s'agit soit d'enfants dont les deux parents sont, décédés, ou dont l’état de santé
n'autorise pas la garde d'enfants, soit d'enfants abandonnés à la naissance et qui récupérés sont
placés dans des ménages. Il existe plusieurs structures de prise en charge de ces catégories
d’enfants : le village d’enfants SOS, la fondation regard d’amour et l’ONG Terre des Hommes,
par exemple. Il convient de souligner que le phénomène « Vidomègon » renvoie plutôt à une
forme informelle de garde d’enfants qui relève de la tradition culturelle de solidarité mais qui
est de nos jours déformée et dévoyée. Ces enfants sont le plus souvent placés auprès de parents
qui sont supposés à même de leur assurer une éducation décente. « Si je te laisse mon enfant, je
te laisse une partie de moi » (Salami, 2007). « Si tu lui assures une bonne éducation, alors tu es
moi » (Ibid). Mais la pauvreté est telle qu’aujourd’hui, ces enfants sont placés en gage ou même
vendus. Ils sont alors utilisés pour divers travaux (domestiques, agricoles, industriels) sans tenir
grand compte de ce qu’ils sont, c’est-à-dire des enfants.
Globalement il ressort des statistiques du ministère du Travail du Bénin que 68% des
enfants âgés de cinq à dix-sept (05-17) ans travaillent: cette proportion atteint déjà 66% chez les
enfants de cinq à quatorze (05-14) ans pour lesquels la scolarisation est obligatoire et 65% chez
les enfants âgés de cinq à treize (05-13) ans qui, selon le Code du travail, ne devraient pas
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travailler. La majorité des enfants travaillent de 4 à 8 heures par jour (31% des 15-17 ans, 31%
des 5-14 ans et 30% des 5-13 ans) et une proportion importante (13% des 5-17 ans, 10% des 5-
14 ans et 9% des 5-13 ans) travaillent même huit (08) heures ou plus par jour.
Dès cinq à neuf (05-09) ans, 55% des enfants travaillent, mais la majorité (27%) moins de
quatre (04) heures par jour. Dès dix à quatorze (10-14) ans, 80% des enfants travaillent, et un sur
deux (50%) travaillent de quatre (04) à huit (08) heures par jour. Entre quinze et dix-sept (15 –
17) ans, ce sont 82% des jeunes qui travaillent, essentiellement de quatre à huit (04 à 08) heures
par jour (35%) et plus de huit (08) heures par jour (30%). Globalement, une proportion
légèrement plus importante de filles que de garçons âgés de cinq à dix-sept (05-17) ans
travaillent (70% contre 67%).
Le Ministère de la famille indique par ailleurs que la majorité des enfants qui travaillent
sont occupés, soit dans les travaux domestiques et au marché, soit dans les travaux agricoles ou
dans des ateliers (respectivement 49 % et 42% pour les 5-17 ans). Les jeunes filles qui
travaillent sont beaucoup plus occupées que les jeunes garçons dans des travaux domestiques
(62% contre 37%), alors que ces derniers sont surtout occupés dans les travaux agricoles (55%
contre 28% des filles).
Face à ces situations, l’une des mesures prises par les pouvoirs publics pour lutter contre
l’exploitation et le travail précoce des enfants est la mesure de gratuité de l’enseignement
primaire. En effet, à la rentrée d'octobre 2007, l'Etat béninois a rendu l'école primaire publique
gratuite sur toute l’étendue du territoire national. « Avec la gratuité au Bénin de l’enseignement à
la maternelle et au primaire, les parents, quel que soit leur lieu de résidence sur le territoire,
n’auront plus d’arguments valables pour refuser d’envoyer leur progéniture à l’école… », Dixit
Félicien Chabi Zachari, Ministre de l’enseignement maternel et primaire3.
De plus, l’équipement des écoles primaires en cantines scolaires, est en cours dans les
zones rurales ou défavorisées. Par ailleurs, les forces de l’ordre sillonnent périodiquement les
marchés en vue de ramasser les enfants non scolarisés.
3 Voir Marcel KPOGODO, Gratuité de l’enseignement maternel et primaire au Bénin ; L’opportunité d’éradication
du système « Vidomègon », article de journal, 2009.
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Comme il a été montré plus haut, la condition des enfants placés est d’abord celle d’une
source de revenus pour les parents et une main d’œuvre à part entière pour les tuteurs. D’où une
double contrainte, celui de procurer des ressources aux parents et d’apporter une aide aux tuteurs.
Ce qui, quand on cerne bien la situation des enfants placés par rapport à l’école, ne devrait pas
favoriser leur scolarisation. La gratuité risque donc de ne pas toucher cette frange de la société en
âge de scolarisation. Alors une hypothèse : s’il existe une culture de scolarisation à l’intérieur des
communautés béninoises, celle-ci pourrait servir de levier ou point d’appui pour la politique de
gratuité et par ricochet favoriser la baisse du phénomène de placement d’enfants.
On est alors en droit de chercher à mieux comprendre quel est l’impact de la mesure de
gratuité de l’enseignement scolaire sur le phénomène de « Vidomègon » au Bénin. En d’autres
termes, la mise en œuvre de la gratuité a-t-elle fait baisser la courbe au niveau du phénomène
d’enfants placés ?
La problématique est donc de savoir si l’on pourra établir un lien entre la mesure de
gratuité de la scolarisation et la diminution du phénomène d’enfants placés au Bénin. Au
demeurant, la gratuité est un impératif constitutionnel. En effet, la Constitution béninoise du 11
décembre 1990 prévoit en son article 13 que « L’Etat pourvoit à l’éducation de la jeunesse par
des écoles publiques. L’enseignement primaire est obligatoire. L’Etat assure progressivement la
gratuité de l’enseignement public. » Ceci est dans l’esprit d’offrir à tous les enfants Béninois une
égalité de chance d’accès à une éducation de qualité au regard des résolutions de JOMTIEN en
2000 qui prônent l’« éducation pour tous ». Donnant de l’effet à ces dispositions, les pouvoirs
publics béninois, ont d’abord exonéré les filles vivant en milieu rural du paiement des frais
d’inscription pour le cours primaire. A la rentrée 2006-2007, cette mesure est généralisée à tous
les enfants et sur toute l’étendue du territoire béninois, inscrits au cours primaire. En considérant
qu’au Bénin, la pratique des enfants placés persiste, que celle-ci tient des enfants potentiellement
en âge d’être scolarisés loin des écoles, il importe de savoir si ladite mesure de gratuité de la
scolarisation à la maternelle et au primaire peut contribuer à l’éradication du placement des
enfants dans ce pays.
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Ainsi, l’objectif général de la présente étude est d’explorer l’effet de la mesure de gratuité
de la scolarisation au cours primaire sur le phénomène d’enfants placés dans les grands centres
urbains au Bénin.
Plus spécifiquement, il s’agira :
- d’abord, de faire un état de la culture générale de la scolarisation au cours primaire dans
les communautés béninoises ;
- de mieux comprendre si la mesure de gratuité de la scolarisation a également profité aux
enfants placés ;
- de vérifier si la gratuité de la scolarisation peut être une des solutions possibles contre le
phénomène de placement d’enfants.
Au demeurant, il s’agit de réfléchir sur un problème de société qui, loin d’être le propre du
Bénin, est commun à la presque totalité des pays africains. Il occupe une place de plus en plus
importante dans les politiques nationales et internationales de développement, et s’inscrit dans un
contexte global de lutte contre le travail, la traite et l’exploitation des enfants. La présente étude
est donc dans la dynamique de recherche de solutions durables à un problème actuel.
III- DESCRIPTION DU SITE DE LA RECHERCHE
L’étude a couvert quatre (04) des communes où le phénomène existe. Il s’agit des communes
de Cotonou, Porto-Novo, Zakpota et d’Aplahoué. La recherche de terrain s’est essentiellement
faite dans quelques Arrondissements des Communes suscitées. En effet, les enfants à placer
viennent habituellement des Communes de Zakpota (Tindji, Assanlli, Kpossoun, Zèko, Zakpota
centre…), et d’Aplahoué (Azové, Djakotomé, Kpoba, Dékpo…) et vont vers les villes de
Cotonou et de Porto-Novo où, avec le développement du secteur privé conjugué avec
l’omniprésence de l’administration publique, fait que beaucoup de travailleurs recherchent du
personnel domestique.
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IV- METHODOLOGIE DE L’ETUDE
Plusieurs étapes ont été suivies dans la réalisation de la présente étude. Les plus importantes
sont l’élaboration de l’outil de collecte de données, la collecte des données, le dépouillement des
données collectées, la synthèse des données collectées et la rédaction du rapport. La recherche
est de type exploratoire.
La démarche adoptée pour la recherche est de type mixte, autrement dit quantitatif et
qualitatif. Cette approche est bien indiquée pour cerner tous les contours du sujet de notre étude.
C’est ainsi que les données quantitatives ont été complétées par des données qualitatives. Les
secondes ont permis ainsi de couvrir des aspects qui, de toutes les manières, échappent à toute
analyse quantitative. Ainsi, la question du placement d’enfants a été abordée sous l’angle
culturel et des droits humains, pour une meilleure compréhension des attitudes des communautés
sociales, des familles qui en font usage et celle des enfants placés. La recherche et l’analyse
documentaire ont été, à cet effet, le point d’appui. De même, elles ont permis de disposer de
statistiques relatives aux taux brut et net de scolarisation des enfants, en général, et des filles, en
particulier, sur la période allant de 1990 à 2008.
Les personnes interrogées sont des adultes des deux sexes de 18 ans au moins et qui
résident habituellement dans les communes ciblées.
IV-1 L’élaboration de l’outil de collecte des données
Pour amorcer le processus devant aboutir à la rédaction du rapport, un outil de collecte de
données a été élaboré par l’équipe de recherche (Voir instruments de collecte en annexe1).
IV-2 Taille de l’échantillon
L’échantillonnage de type aléatoire est de 800 participants (300 à Cotonou, 200 à Porto-
Novo, 150 à Aplahoué puis 150 à Zakpota) pour la collecte des données quantitatives. Il s’est agi
de distribuer au hasard des questionnaires identiques aussi bien aux enseignants qu’aux parents
d’élèves (travailleurs et fonctionnaires) en vue de recueillir des informations relatives au sujet de
la recherche.
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De plus, un échantillon raisonné de quinze (15) répondants, soit cinq(05) dans chacune
des Communes (Cotonou, Porto-Novo et Zakpota pour des raisons de temps) à l’exception de la
Commune d’Aplahoué, a été retenu parmi les participants qui ont bien rempli les questionnaires,
pour effectuer des entrevues sous forme de focus groups.
IV-3 Collecte des données
La collecte des données a été réalisée au lieu où l’enquêté se sentait à même de fournir
les réponses. Les enquêtés ont été choisis au hasard. Les enquêteurs formés à ce propos se sont
chargés de l’administration et de la consignation des réponses des enquêtés.
IV-4 Traitement
Le questionnaire utilisé pour la collecte sur le terrain est composé de questions pré-
codées (questions fermées) et de questions non pré-codées (questions ouvertes).
Les instruments d’analyse des données sont respectivement le logiciel SPSS en ce qui
concerne les données quantitatives et, le logiciel QDA-Miner pour les données qualitatives.
Au terme du dépouillement, nous avons utilisé le test du Khi-deux pour vérifier,
conformément aux objectifs de la recherche, la relation de dépendance entre les différentes
variables de l’étude. Ainsi, la variable indépendante tient à la mesure de gratuité de la
scolarisation et la variable dépendante réside dans l’effet induit sur le phénomène de placement
d’enfant en termes de diminution ou atténuation dudit phénomène. Notons qu’il existe d’autres
variables indépendantes telles que la conscientisation / sensibilisation, les mesures coercitives de
la police, l’élévation du niveau de vie et des revenus etc. qui sont négligeables.
Les réponses aux questions ouvertes ont été dépouillées puis codifiées. Deux agents de
codification ont été formés pour réaliser le dépouillement et la codification des questionnaires.
La saisie des données a été réalisée par deux opérateurs de saisie sous le logiciel EPIDATA.
La tabulation des données a été faite avec la version 17.0 du logiciel SPSS. La mise en
forme des résultats (tableaux, graphiques) a été réalisée à l’aide des logiciels EXCEL et WORD.
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L’analyse des résultats s’est appesantie sur des analyses univariées (fréquences) et bi
variées (tableaux croisés) en s’alignant sur les objectifs de l’étude. Les analyses faites portent sur
l’effet de la mesure de la gratuité dans les grands centres urbains.
La synthèse de l’instrumentation de la recherche est présentée dans le tableau suivant.
Tableau 1 : Synthèse de la méthodologie
Objectifs Spécifiques
Variables Indicateurs Cibles Méthodes et techniques
1- faire un état des lieux de la culture générale de la scolarisation dans les communautés béninoises.
Indépendante (accès aux écoles) Dépendante (très bons taux de scolarisation)
-participation communautaire -participation à la vie des écoles - participation à la qualité, etc.
Parents
et tuteurs
Questionnaire
+ Focus groups
2- mieux comprendre si la mesure de gratuité de la scolarisation a également touché, c’est-à-dire, profité aux enfants placés.
Indépendante (gratuité) Dépendante (inscription d’enfants placés)
-baisse du phénomène - rareté d’enfants placés dans les ménages
Parents
et tuteurs
Questionnaire
+ Focus groups
3- vérifier si la mesure de gratuité de la scolarisation contribue à atténuer le phénomène de placement d’enfants.
Indépendante (baisse de la demande) Dépendante (effectivité de l’éducation pour tous)
-rareté d’enfants dans les activités domestiques, etc) -Forte augmentation du taux de scolarisation
Parents
Tuteurs et
Acteurs scolaires
Questionnaire +
Focus groups
V- RESULTATS
L’analyse des informations collectées auprès des acteurs sur le terrain après dépouillement et
synthèse a révélé ce qui suit :
V.1 Profil sociodémographique des enquêtés
L’étude sur l’impact de la mesure de gratuité de l’enseignement primaire sur le
phénomène des « Vidomègon » (enfants placés) au Bénin dans les quatre (4) communes a touché
au total 875 personnes. Cependant, au terme de la collecte des données et du dépouillement
primaire des questionnaires, 800 questionnaires ont été retenus pour la phase des analyses. Le
profil sociodémographique de personnes enquêtées se présente ainsi comme suit :
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• Situation géographique (Résidence)
Plus de trois personnes sur dix (soit 35 ,5%) des personnes enquêtées résident dans la commune
de Cotonou, alors que deux sur dix (19,4%) vivent dans la commune de Porto-Novo. Les
personnes touchées dans les communes de Zakpota et d’Aplahoué représentent respectivement
18 ,9 % et 18 ,8% de l’échantillon.
• Situation matrimoniale
63,4% des personnes enquêtées (soit plus de la moitié) sont mariées tandis que 30,1% (environ
le tiers) sont célibataires : les personnes divorcées et veuves représentent respectivement 3,2 % et
2 ,4% de la population cible.
• Profession/Occupation
L’analyse selon la profession montre que 26 ,4% (le quart environ) des personnes interrogées
sont des fonctionnaires/agents de l’administration ; 26,2% (environ le quart) sont des
artisans/paysans ; 17,7% des étudiants ; 12,8% des commerçants (vendeurs, revendeurs etc.) et
16,9% exercent d’autres professions ou occupations.
• Nombre d’enfants à charge
Le nombre moyen d’enfants à charge par enquêté est 2, 7 enfants, approximativement 3 enfants.
Les personnes mariées ont en moyenne 3,6 (quasiment 4) enfants à charge contre 4,4 en ce qui
concerne les personnes divorcées. Les personnes veuves ont à leur charge 3,1enfants et les
célibataires ont à leur charge moins d’un enfant (0,8 enfant).
V.2 Etat des lieux de la culture de scolarisation dans les communautés béninoises (Objectif 1)
La culture de scolarisation s’entend ici de la tradition de scolarisation ou l’habitude, voire
l’engouement manifeste d’une communauté vis-à-vis de l’école coloniale (en l’occurrence
l’école française), devenue l’école moderne en Afrique. En d’autres termes, le niveau de
participation des communautés concernées à la création de l’accès et à l’amélioration de la
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qualité de l’enseignement. C’est aussi la perception élevée des bénéfices de l’école et la
conscience de contribuer à sa pérennisation.
D’un point de vue historique, la documentation scientifique montre que le Bénin, ex-
Dahomey, a été une terre favorable à l’implantation de l’école coloniale. En effet, il n’y avait pas
eu véritablement, parmi les populations de la contrée, de résistance à la création de l’école par les
colons et le clergé. Ainsi, avait-on noté l’exemple singulier du roi Béhanzin, qui, déterminé à
percer la science de l’homme blanc, avait décidé de mettre à l’école l’un de ses fils en la
personne du prince Ouanilo, qui deviendra plus tard juriste.
De plus, le gouvernement colonial de l’Afrique Occidentale Française (AOF) fit du
Dahomey un vivier et un pourvoyeur en cadres administratifs pour la création ou le renforcement
des capacités dans les territoires voisins du Burkina-Faso (ancienne Haute Volta), de la Côte
d’Ivoire, du Mali, etc. C’est ce qui a fait dire à nombre d’intellectuels africains et du monde
entier que « le Dahomey est le quartier latin d’Afrique. »
La culture de scolarisation fut également un des facteurs explicatifs du phénomène
d’enfants placés à l’époque coloniale. Tant les familles et les communautés ambitionnaient
d’avoir en leur sein des cadres de l’administration coloniale. Ce qui était un gage de prospérité
pour eux. Ainsi, les enfants étaient placés auprès de parents instruits pour avoir à leur tour une
éducation scolaire susceptible de leur procurer de meilleures conditions sociales et économiques
et par ricochet d’améliorer le sort de leurs familles.
Cependant, si nous pouvons noter une culture de la scolarisation chez les communautés
béninoises, il convient d’apporter à ce constat deux bémols : d’une part, la culture de la
scolarisation n’était pas répandue partout ; elle était surtout perceptible dans les régions situées
au Sud du pays. Cela s’explique sans doute par la présence de la mer au Sud, porte d’entrée du
colonisateur et des ecclésiastiques au Bénin. D’autre part, les filles étaient marginalisées et
devraient se consacrer aux travaux champêtres et domestiques. Cela tient sans doute aux valeurs
traditionnelles sociétales qui cantonnaient davantage la femme dans son rôle de procréation,
d’éducation des enfants et de gardienne de la maison familiale.
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Cependant, Tout laisse à croire, qu’en dépit de l’acuité de la pratique des enfants placés,
la culture de la scolarisation ne s’est pas complètement émoussée au Bénin. En effet, les résultats
de notre enquête montrent que les participants, dans leur grande majorité (74,3%), pensent que
les enfants placés doivent aller à l’école (ce qui tend à corroborer davantage l’ancrage de la
culture de scolarisation au Bénin) comme l’illustre le tableau suivant :
Tableau 2 : Perception sur la scolarisation des enfants placés
Perception Tout à fait en
désaccord
Plutôt en désaccord
Un peu en désaccord
Un peu d’accord
Plutôt d’accord
Tout à fait
d’accord
Ensemble
Proportion(%)
4 ,9 4,0 1,8 8,8 6,3 74,3 100
Quant à savoir le détenteur de la décision d’envoyer l’enfant placé à l’école, la majorité
des enquêtés indiquent qu’elle revient au tuteur. Cela est d’autant vrai qu’il est le premier
responsable de l’enfant dont il a désormais la garde (voir le tableau qui suit).
Tableau 3 : L’auteur de la décision d’envoyer un enfant placé à l’école
Modalité Demande de l’enfant
Décision du tuteur
Décision des parents de
l’enfant
Ensemble
Proportion(%) 7,4
65,0
27,7
100
Il ressort du tableau que si les enfants placés peuvent avoir la chance de prendre les
chemins des écoles, le dernier mot revient non pas à leurs parents, mais à leurs tuteurs. D’où, la
nécessité d’accentuer la sensibilisation sur cette cible.
Par ailleurs, les statistiques réalisées au plan national montrent des taux bruts de
scolarisation en accroissement continu au Bénin.
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Tableau 4 : Progression des taux bruts de scolarisation
Années Taux (%)
1990 49,6
1991 56,5 2000 77,9
1992 59,9 2001 88,4
1993 60,9 2002 94,8
1994 63,8 2003 98,3
1995 66,7 2004 96,3
1996 68,8 2005 94,8
1997 72,5 2006 95,5
1998 75,7 2007 98,4
1999 75,5 2008 104,2
Source : SSGI/DPP-annuaires statistiques 2008-2009
Il ressort clairement de ce tableau une nette progression constante du taux brut de
scolarisation au Bénin. Ce qui incline à parler, ou tout au moins à soutenir, l’idée de l’existence
d’une culture de scolarisation dans le pays.
Ce préalable important étant dégagé, il convient de nous intéresser au deuxième objectif
de notre étude à savoir de mieux comprendre si la mesure de gratuité de la scolarisation a touché
les enfants placés au point d’inciter leurs parents/tuteurs/adoptants à les envoyer à l’école.
V.3 Connaissance du phénomène de « Vidomègon » et état des lieux (objectif 2)
Le phénomène de Vidomègon est de plus en plus connu de la population. En effet, la
quasi-totalité des personnes (98%) interviewées en ont connaissance comme l’indique la figure1
(le camembert) ci-dessous :
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Figure 1 : De la connaissance du phénomène d’enfants placés
Parmi les personnes enquêtées, 2 personnes sur 10 (22,2%) reconnaissent avoir des
enfants placés chez eux. Comme l’indique la figure 2 :
Figure 2 : Présence d’enfants placés dans les ménages
Il apparaît donc que le nombre d’enfants placés chez les personnes enquêtés ne dépasse
pas 5.
Tableau5 : Du nombre d’enfants placés dans la population
Nombre d’enfants placés
1 2 3 4 5 Ensemble
Proportion (%) 66,5 24,1 7,6 1,2 0,6 100
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Le Tableau 5 montre que plus de trois personnes sur cinq (66%) ont déclaré avoir un
enfant placé à leur charge contre près d’un quart (24,1%) de personnes qui ont déclaré avoir deux
enfants placés à leur charge. Les personnes qui ont déclaré avoir au moins 3 enfants placés à leur
charge sont en proportions faibles. Seulement 7,6% des personnes ayant des enfants placés chez
eux en possèdent 3 et 1,2% et 0,6% possèdent respectivement 4 et 5 enfants.
Parmi les personnes ayant des enfants placés chez eux, 62% sont des personnes mariées
contre 32% de célibataires. Les divorcés représentent 3,2% et les veufs et veuves 2,4% (Voir
figure3).
Figure 3: La situation matrimoniale des personnes ayant des enfants placés chez eux
Quid des lieux de résidence ?
Tableau 6 : Répartition des personnes ayant des enfants placés chez eux selon le lieu de résidence
Lieu de résidence Cotonou (urbain)
Aplahoué (rural)
Za-Kpota (rural)
Porto-Novo
(urbain)
Ensemble
Proportion(%) 53,4
6,8
5,1
26 ,7
100
L’analyse des données révèle qu’un enquêté sur deux ayant des enfants placés à son
domicile réside à Cotonou contre environ un sur cinq pour le cas de la commune de Porto-Novo.
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Ces indicateurs révèlent que Cotonou et Porto-Novo constituent des lieux où le phénomène de
placement est prépondérant.
En outre dans 8 cas sur 10, l’enfant placé est une fille (81,2%). En témoigne le tableau
suivant.
Tableau 7: Sexe des enfants placés
Sexe Proportion (%) Masculin 19,8
Féminin 81,2
Ensemble
100
Cela signifie que les filles sont plus en situation de placement que les garçons. Quant aux âges
des enfants placés, ils se présentent comme suit :
Tableau 8: Répartition des enfants placés par groupe d’âge
Classe d’âge (ans) Inférieur à 9 [10 ; 12[ [12 ; 15[ [15 ; 18[** Ensemble Proportion(%) 20,7
36,6
27,6
15,2
100
**Un enfant est une personne ayant moins de 18 ans (Source : Unicef)
Il apparait ainsi que la tranche d’âge d’enfants ayant un âge compris entre 10 ans et 12
ans est la plus exposée au phénomène de placement d’enfants. En effet, sur 100 cas d’enfants
placés, 37 enfants ont un âge compris entre 10 et 12 ans.
Il ressort de l’analyse des données qu’une personne sur deux ayant placé son enfant
en ville réside à Cotonou (51%) comme le résume le tableau 9 ci-après. Ce qui est une
découverte majeure : en effet jusque là c’étaient les zones rurales qui étaient perçues comme
les principales pourvoyeuses des centres d’accueil.
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Tableau 9: Les personnes ayant placé leur(s) enfant(s) selon le lieu de résidence
Lieu de résidence Aplahoué Cotonou Porto-Novo Za-Kpota Ensemble Proportion (%) 15,7
51,0
9,8
13,7
100
Valeur Test de Khi-Carré4 au seuil de 5%
8,062
Le test de Khi-carré indique qu’il n’y a pas assez d’évidence statistique contre le fait que
le milieu de résidence et le placement d’enfants soient indépendants. On conclut donc que le
milieu de résidence n’a pas d’influence sur le placement d’enfants.
V.4 La mesure de gratuité et son impact sur la pratique du placement d’enfants (Objectif 3)
La totalité des personnes interviewées sont informées de la mesure de la gratuité de
l’enseignement primaire au Bénin (96% contre 4%) et la majorité (65,2%) d’entre eux trouve la
mesure pertinente comme l’indique le tableau suivant :
Tableau 10 : Perception sur la mesure de gratuité
Perception Tout à fait en
désaccord
Plutôt en désaccord
Un peu en désaccord
Un peu d’accord
Plutôt d’accord
Tout à fait
d’accord
Ensemble
Proportion 6,4
1,4
4,0
14 ,8
8,2
65,2
100
A la question de savoir qui sont les premiers destinataires ou bénéficiaires de la mesure de
gratuité de l’enseignement maternel et primaire, les enquêtés tombent d’accord à 65% que la
gratuité avantage les filles.
4 Le Test de Khi-carré permet de vérifier l’existence de dépendance entre deux variables qualitatives. Ici, il s’agit de
vérifier s’il existerait un lien entre le lieu de résidence et le fait de placer des enfants en ville.
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Figure 4 : Par rapport au sexe profitant le plus de la gratuité
Pour en venir à la perception sur la pertinence de la mesure de gratuité à faire baisser le
phénomène Vidomègon : les résultats montrent que 54% de personnes pensent que la mesure de
gratuité est susceptible de faire baisser le phénomène. Une bonne partie d’entre eux (27%)
restent toutefois dubitative sur l’efficacité de la mesure à faire baisser le phénomène d’enfants
placés.
Figure 5 : Perception sur la pertinence de la mesure à faire baisser le placement d’enfants
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La mesure de gratuité serait-elle une solution possible contre le phénomène Vidomègon ?
Les enquêtés sont moins catégoriques (56,9% contre 43,1%) sur l’aptitude de la mesure de
gratuité de l’enseignement comme solution de lutte contre le phénomène d’enfants placés.
Tableau 11 : Appréciation sur la gratuité comme une solution efficace de lutte contre le
phénomène
Modalités Proportion(%) OUI 56,9
NON 43,1
Ensemble 100
Les enquêtés pensent que la mesure de gratuité est une solution car, selon eux, elle
soulage les parents d’élèves en ce qui concerne les écolages. Comme le révèlent les statistiques,
il y a eu une nette augmentation du nombre d’enfants inscrits à l’école primaire suite à la mesure
de gratuité.
Toutefois, certains demeurent sceptiques quant à l’efficacité de la mesure (43,1%). Ceux-
ci soutiennent alors que si la gratuité est utile et nécessaire, elle ne garantit pas l’inscription
d’emblée des enfants. En effet, il demeure les frais de fournitures, de restauration, de
déplacement de l’enfant de son domicile à l’école, etc. Comme le pense Clémence, archiviste,
marié(e) avec 5 enfants à charge, résidant à Porto Novo : « la gratuité ne prend pas en charge
l’enfant… ». Ou encore cet avis : « La gratuité ne prend en compte que la scolarité. Lorsqu’on
sait qu’il y a des fournitures scolaires à acheter, les ouvrages et autres, c’est très difficile à un
parent pauvre de faire face à toutes ces dépenses », dixit Placide, instituteur en service à
Aplahoué, Célibataire.
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VI-DISCUSSIONS DETAILLEES DES CONCLUSIONS ET RECOMM ANDATIONS
CONCRETES
La présente recherche vise à explorer l’impact de la gratuité de l’enseignement primaire sur
le phénomène d’enfants placés « Vidomègon » au Bénin. La réflexion s’inscrit dans les efforts de
la réalisation de l’objectif de l’Education Pour Tous (EPT) en contribuant à faire baisser
sensiblement le phénomène Vidomègon au Bénin.
VI-1 Discussions détaillées des conclusions
� Etat des lieux du phénomène Vidomègon et de la mise en œuvre de la gratuité de
l’enseignement primaire
Au titre des conclusions recensées, on peut mentionner entre autres :
• Une meilleure connaissance de la mesure de gratuité de l’enseignement
primaire et du phénomène « Vidomègon » par les populations.
La population est suffisamment informée sur la mesure de gratuité de l’enseignement
primaire rendue effective depuis 2006.
Par ailleurs, le niveau de connaissance de la population en ce qui concerne le phénomène
des enfants placés communément appelés « Vidomègon » a grandement évolué suite au travail
remarquable que font les différents acteurs intervenant dans le domaine sur le terrain comme
l’indique la figure 1. Il s’agit de la sensibilisation, de la répression et des actions préventives qui
ont été initiées par les pouvoirs publics centraux et leurs démembrements déconcentrés et
décentralisés. La preuve est que sur cent (100) personnes interrogées, seules deux ignorent
encore la pratique de la tierce garde avec son corollaire de travail et autre trafic des enfants.
Quatre vingt dix huit (98) en revanche, en ont une idée et peuvent en donner une définition.
Elles reconnaissent même que l’Etat ainsi que les institutions nationales et internationales font
des efforts dans tous les domaines en vue de décourager les praticiens et réduire
considérablement le phénomène qui loin de profiter à l’enfant ne fait que l’arriérer et
hypothéquer son avenir. C’est le cas de M. Djezande, ancienne victime de trafic qui dit : «Non,
aucun avantage, moi j’ai servi dans les mines où j’ai été durant tout le temps, maltraité et mon
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tuteur envoyait de l’argent à mes parents. Qu’est-ce que moi-même qui suis victime ai gagné ? ».
De même, les agissements liés au placement d’enfants viennent en violation des droits de
l’enfant tels que énumérés dans la convention relative aux droits de l’enfant et autres instruments
juridiques protégeant les enfants.
Deux (2) personnes sur dix(10), ont des enfants placés à domicile sans que ce nombre ne
dépasse cinq(5) par ménage. Les personnes mariées représentent la couche qui exploite le plus le
service des enfants. Les célibataires, les divorcés et les veufs ou veuves en exploitent moins. Il
s’en suit comme leçon que le phénomène semble en recul. Cependant, il conviendrait de penser à
multiplier les garderies un peu partout pour soulager ou combler les besoins des jeunes couples
en « baby sitting ».
Les zones à fort taux de concentration des enfants placés sont, selon les recherches, les
principales villes du Bénin, à savoir Cotonou et Porto-Novo. Par ailleurs, les résultats montrent
que les centres urbains semblent devenus aussi pourvoyeurs d’enfants. Cette mutation est peut-
être liée au développement de l’exode rural (dans la pratique, les enfants viennent du milieu rural
et passent des séjours temporaires chez des parents «démarcheurs»). En effet, les études de
sociologie ont montré que l’exode rural progresse au Bénin depuis l’avènement du renouveau
démocratique en 1990. Les facteurs tiennent, entre autres, tant aux visites fréquentes des cadres
et politiques dans les zones rurales à la faveur des campagnes électorales qu’à la fascination
exercée par les grandes villes et leurs modes de vie à l’occidental, ainsi qu’au développement du
phénomène de « Zémidjan » (taxis-moto dont le nombre ne cesse d’augmenter, notamment, à
Cotonou).
En outre, il ressort nettement que les filles sont beaucoup plus touchées par cette pratique
que les garçons. Cette situation s’explique par le fait que selon la tradition, une fille est appelée à
s’occuper des travaux domestiques et faire du petit commerce même s’il s’avère de plus en plus
que les mentalités changent progressivement en la matière au fur et à mesure des campagnes de
sensibilisation. La tranche d’âge la plus touchée est comprise entre 10 et 12 ans. Il s’agit en
réalité d’une véritable exploitation des enfants contraints au travail forcé et précoce. Pourtant, le
code du travail bu Bénin fixe l’âge minimum de travail à 14ans. Il est alors impérieux que la
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brigade et le juge des mineurs accentuent la répression sur les tuteurs des enfants placés de moins
de 14ans.
� La gratuité de l’enseignement primaire et son impact sur le phénomène des
« Vidomègon »
• La gratuité de l’enseignement primaire : Une mesure favorisant la croissance
du taux de scolarisation
Face à l'ampleur du phénomène « Vidomègon » et ses conséquences sur les enfants,
notamment des enfants placés, le Gouvernement béninois a pris des mesures exceptionnelles en
matière d'éducation afin de garantir les droits des enfants victimes de cette dérive sociale. Les
dépenses publiques pour les écoles maternelles ont augmenté dont la capacité d'accueil a plus
que doublé. Selon une étude menée par Aide et Action- Bénin, 90% des jeunes filles placées
dans les foyers ne sont pas scolarisées et ne l'ont jamais été : ce qui les empêche d’accéder à
l’information sur leurs droits et sur les obligations de l'Etat vis-à-vis d'elles. C'est pourquoi, l'Etat
doit toujours faire de la scolarisation des filles une priorité nationale. Les principales actions
pour promouvoir l'accès des filles à l'éducation, ont été pour le Gouvernement béninois,
d'augmenter d'une façon considérable les places scolaires à travers la construction
d'infrastructures nouvelles, la sensibilisation de proximité des parents et la gratuité de
l'enseignement primaire, devenue une réalité depuis octobre 2006. Cette mesure supprime les
charges liées aux frais d’inscription initialement supportés par les parents d’élèves. En effet,
l’une des raisons évoquées par les parents qui placent leurs enfants est justement la pauvreté et le
dénuement. L'état des lieux de la scolarisation, avant cette mesure en faveur de l'éducation,
révèle et montre clairement que l'accès à l'enseignement était loin d’être universel dans les
milieux ruraux. Cette situation était à la base du placement des enfants qui abandonnaient les
chemins de l'école pour aller se faire exploiter en ville. Signalons que cette mesure a été possible
sous la pression de la société civile, notamment des ONG engagées dans la lutte contre le
phénomène, mais aussi grâce aux conseils et plaidoyers de l'Unicef, du BIT et des diverses
organisations non gouvernementales de défense et de promotion des droits de l'enfant.
Page | 30
Le volet infrastructure a permis de doter certains établissements de salles de classe de
qualité meilleure ; auparavant, beaucoup de salles étaient en matériaux précaires.
De plus, le Gouvernement a recruté et formé des enseignants pour remédier non
seulement au déficit d'enseignants mais aussi pour assurer que les enfants peuvent être maintenus
jusqu'à la fin de l'enseignement de base.
Il est également question de prendre en charge les frais liés au fonctionnement des
établissements scolaires et de subvention des cantines scolaires. Mieux, de leur généralisation
dans les milieux où elles n'existaient pas encore, notamment dans certains villages, campagnes et
villes. Cette mesure vise à encourager la scolarisation des enfants et à éviter tout placement
précoce.
L'Etat s'est aussi engagé, pour lutter contre le phénomène et favoriser la scolarisation des
enfants, dans une campagne de sensibilisation des parents sur les droits de l'enfant. Par ailleurs, il
sensibilise également les parents sur leurs droits et obligations vis-à-vis de l'enfant. Cette
campagne vise surtout à sensibiliser les parents et la communauté dans son ensemble sur les
conséquences néfastes du Vidomègon dans la société moderne et ses impacts sur les enfants. La
mesure leur prodigue les conseils afin qu'ils adoptent face aux trafiquants des attitudes
responsables. Pour y parvenir, l'État a recours aux moyens traditionnels et modernes de
sensibilisation comme les radios communautaires, les assemblées de villages et de campagnes et
l’implication de la chefferie traditionnelle. Il y a aussi les émissions télévisées.
Bien que ces mesures en faveur de l'éducation soient justifiées et jugées nécessaires, elles
ne suffisent pas à elles seules à éradiquer le phénomène « Vidomègon », un phénomène aux
conséquences désastreuses pour les enfants.
• La gratuité de l’enseignement primaire : Une mesure de lutte contre la
pauvreté
Les réponses apportées par l'État béninois pour éradiquer ou diminuer l'ampleur du
phénomène de placement des enfants consacrent tout un volet à la lutte contre la pauvreté. Car,
derrière ce phénomène aux conséquences destructrices et ravageuses pour l'enfant, se dissimule
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la question fondamentale de la pauvreté. Les liens entre la pauvreté et cette pratique sont
clairement établis et très étroits. Le phénomène Vidomègon découle d'une insatisfaction des
besoins sociaux fondamentaux d'une grande majorité de ménages, une insatisfaction qui amène à
tirer profit de l'enfant, pour les uns, et à les placer pour survivre, pour les autres. La pauvreté est
dès lors considérée comme la cause première de la dérive de l’enfant placé au Bénin. Le
phénomène est à la fois une cause et une conséquence directe de la pauvreté mais aussi de la
solidarité. Le mécanisme de la dérive du Vidomègon est entretenu par la pauvreté mais aussi par
la modernisation et la perte des valeurs sociales traditionnelles.
Aujourd'hui au Bénin, seule une petite frange d'individus vit avec plus de 1000 francs
CFA par jour. La grande majorité vit en deçà du seuil international de pauvreté avec des
conditions de vie déshumanisantes, à savoir des logements impropres, sans eau potable ni
électricité, et sans soins de santé primaires. Cette majorité donne l’impression de vivre dans
l’indigence, ce qui l'empêche d'assurer la protection de ses enfants. Dès lors, l'enfant qui vit dans
un tel ménage est aussi pauvre et susceptible d'être victime du phénomène Vidomègon. Cette
majorité de parents et d'enfants ne dispose pas du minimum requis pour survivre.
Pour ce faire, le Bénin a lancé une multitude de projets, programmes nationaux et
d'actions visant à lutter contre la pauvreté. Nous en avons volontairement retenu ceux qui
semblent avoir un impact sur la protection des enfants placés. Il s'agit, entre autres, du
Programme National de Micro finance et des projets d'alphabétisation des populations. Avec le
projet d'alphabétisation, l'État s'attaque à l'ignorance, source de pauvreté et entend régler le
problème de méconnaissance des droits des citoyens d'une part, et des droits des enfants, d'autre
part. Cette action vise à faire connaître aux citoyens les différents textes qui assurent la
protection de leurs enfants. Cela est d’autant plus nécessaire que c'est dans les milieux ruraux et
de surcroît analphabètes que les trafiquants d’enfants opèrent, tout en dissimulant leurs intentions
finales aux parents. La scolarisation des enfants et l'alphabétisation des parents sont deux
mesures sociales intéressantes de garantie des droits des enfants. Ces différents projets et
programmes visent à lutter contre la pauvreté en ce sens qu’ils visent à accroître leurs revenus
annuels et à asseoir une politique de protection sociale de l'enfant.
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• La gratuité de l’enseignement primaire : Une mesure de lutte contre la
discrimination scolaire des filles
Si la mesure de gratuité scolaire est trouvée pertinente, elle concerne davantage plus les
filles que les garçons. C’est le début d’une prise de conscience de la nécessité d’envoyer et de
maintenir les filles à l’école. Elle s’avère être une réponse appropriée au phénomène de
« Vidomègon » et donc pourrait contribuer à sa réduction. C’est du moins ce qu’affirme M.
Azagoun, résident à Zakpota, en ces termes : « Il n’y a même plus de réticence à envoyer les
filles à l’école ». La réalité est que l’on fait de moins en moins de différence entre les deux sexes.
Ce qui profite plus aux filles en même temps que ça les favorise. Ainsi, sur décision des tuteurs,
surtout de profession enseignante ou juriste, on enregistre de plus en plus des cas d’enfants
placés qui sont scolarisés, à condition d’en avoir encore l’âge. Elle garantit aussi l'égalité des
chances pour tous les enfants et évite ainsi les discriminations dont sont victimes les
Vidomègon dans les familles d'accueil en matière de scolarisation. C’est ainsi que depuis 2006,
on assiste à une forte scolarisation des enfants, surtout des filles, à l'échelle nationale, surtout
dans les zones rurales et défavorisées. Les petites filles précocement placées en ville pour y être
exploitées comme domestiques peuvent rester près de leurs géniteurs mais aussi se rendre à
l'école afin de se doter des fondamentaux nécessaires à la vie en société notamment, les règles de
conduite et le savoir-faire y afférents. Le tableau qui suit résume bien la situation :
Tableau 12: Progrès réalisés en matière de scolarisation au plan national (Ecart = différence entre TBS/F et TBS/G)
Taux bruts de scolarisation (%) Années Ensembles Garçons Filles
Ecarts (points)
1990 49,6 62,1 35,7 26,4 1991 56,5 71,4 39,8 31,5 1992 59,9 75,3 42,6 32,6 1993 60,9 77,0 43,3 33,6 1994 63,8 79,5 46,8 32,7 1995 66,7 82,6 49,6 32,9 1996 68,8 84,5 51,9 32,6 1997 72,5 88,3 55,7 27,6 1998 75,7 91,0 59,7 31,3 1999 76,5 91,2 61,1 30,1 2000 77,9 94,4 65,1 29,2 2001 88,4 104,3 72,3 32,0 2002 94,3 110,4 78,1 32,3 2003 98,3 114,3 82,3 32
Page | 33
2004 96,3 108,0 84,2 23,7 2005 94,8 105,2 84,0 21,1 2006 95,55 104,7 86,0 18,6 2007 98,4 104,3 92,1 12,1 2008 104,2 109,4 98,7 10,7
Source : SSGI/DPP-annuaires statistiques 2008-2009
Le tableau indique sans ambages que les taux bruts de scolarisation sont en progrès
constant au Bénin, avec un rétrécissement important de l’écart entre les filles et les garçons,
passant, par exemple, de 32 points d’écart en 2003 à 10,7 points d’écart en 2008. Il est à noter
que, ce repli s’est accentué à la faveur de la mise en œuvre de la mesure de gratuité à la rentrée
2006-2007. Il va donc sans dire que ladite mesure a surtout favorisé la scolarisation des petites
filles et, par ricochet, des enfants placés.
• La gratuité de l’enseignement primaire : Une opportunité de réduction du
phénomène de « Vidomègon »
Une fois de plus, le tableau 12 est évocateur. Si tant est que les taux de scolarisation sont
en progrès permanent, force est de noter que le point d’orgue de cette croissance se situe en
2007, année de mise en application de la mesure de gratuité. C’est ainsi que de 95,5% de taux
brut de scolarisation globale en 2006, le Bénin est passé à 98,4% en 2007, puis à 104,2% en
2008. Dans le même temps, la scolarisation des filles a connu un bond qualitatif, passant de 86%
en 2006 à 98,7% en 2008. La mesure de gratuité ainsi que les différentes mesures sociales en
faveur de l'éducation et de la lutte contre la pauvreté contribuent à freiner l'élan, du moins,
l'ampleur du phénomène « Vidomègon » à défaut de l'éradiquer. Ces mesures visent à freiner
l'ampleur de la dérive et à favoriser un environnement protecteur des droits de l'enfant placé.
Devant un processus d’abord difficile, mais qui commence à prendre corps, la gratuité de la
scolarité chez les enfants béninois devrait être considérée comme une véritable solution pour la
lutte contre la pratique des enfants placés, « Vidomègon ». Cependant, cette mesure ne peut être
vue comme l’unique solution. Il importe que d’autres dispositions complémentaires et
d’accompagnement soient prises pour l’amélioration des conditions sociales et économiques des
populations rurales.
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• La gratuité de l’enseignement primaire : Une mesure favorisant l’éducation
pour tous (EPT)
La gratuité de l’enseignement primaire vise à assurer l'accès à l'éducation pour tous les
enfants au Bénin. Avec cette mesure instaurée en 2006, ce sont des milliers d'enfants qui sont
non seulement sauvés mais trouvent la protection et la promotion de ce droit fondamental
(l'accès à l'éducation) assuré par l'Etat. La concrétisation dans les faits de l'accès à l'éducation a
permis de donner une seconde chance à des enfants placés qui sont formés aujourd'hui,
notamment les filles dans les centres sociaux, aussi bien en milieux ruraux qu'en centres urbains.
La mesure permet au Bénin d'honorer ses engagements internationaux en matière de l'accès à
l'éducation et plus particulièrement de l’objectif de l’Education Pour Tous (EPT) et des Objectifs
du Millénaire pour le Développement (OMD). Ce faisant, ce sont aussi les dispositions de
l'article 13 de la Constitution béninoise relatives au droit à l'éducation qui sont honorées. Ces
différentes actions découlent d'une stratégie et d’une politique nationale en matière d'éducation.
Il s'agit de la lettre de la politique éducative adoptée en février 2005, par le Bénin visant à assurer
d'ici à 2015, l'éducation à tous conformément aux objectifs du millénaire pour le développement,
de la Politique Nationale d'Education des Filles (PNEF) et du Plan Décennal de Développement
du Secteur Educatif (PDDSE). Ces différentes stratégies ont opté pour un paquet éducatif afin
d'accélérer la scolarisation des filles et par extension des Vidomègon.
Toutefois, la politique mise en œuvre connaît quelques insuffisances. Il s’agit surtout de
l’inexistence de mesures d’accompagnement pour l’exonération de divers frais. Ceci engendre de
fait de multiples dépenses spéciales à la charge des parents et même des écoles. Autre problème,
c’est l’âge plutôt avancé des enfants placés (entre 10 et 12 ans) qui ont parfois honte de se
retrouver dans la même classe que les plus petits.
VI-2 Recommandations
Au terme de nos investigations, il convient d’établir une corrélation entre les deux
phénomènes (mesure de gratuité scolaire et diminution du Vidomègon). Ce qui confirme notre
hypothèse de recherche. Au regard d’une telle conclusion, la principale recommandation est
d’œuvrer à consolider davantage le système éducatif au Bénin, d’en élargir l’accès et la qualité,
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pour réguler, voire éradiquer le phénomène de Vidomègon. D’ores et déjà, il importe de rendre
effective la gratuité de l’école et non plus seulement des frais de scolarisation : interdire toute
souscription qui pourra donner raison aux parents de garder leurs enfants à la maison comme le
souligne ici M. Azagoun qui affirme : « Moi je ne trouve pas d’effets négatifs à la mesure mais
j’ai quand même noté que les parents ont tendance à mettre toutes les charges sur les directeurs
d’école et certains parents vont jusqu’à retirer leur enfants de l’école à cause des petits frais ».
De même il faudra veiller à rendre obligatoire la scolarisation de tous les enfants, notamment
celle des filles. Et pour ce faire, il est souhaitable d’installer ou de réinstaurer la cantine scolaire
systématique dans toutes les écoles des zones défavorisées du pays. Sans aucun doute, la mesure
de gratuité de l’enseignement maternel et primaire a eu sans doute du succès au regard de la
lutte contre le phénomène « Vidomègon ». Toutefois, il y persiste de nombreuses insuffisances.
Pour juguler le phénomène d’enfants placés, les enquêtés suggèrent la sensibilisation sur
les méfaits d’un tel phénomène (32,1%) à travers les médias et le travail des ONG et autres
organismes internationaux de lutte contre le phénomène que sont Unicef, Plan-Bénin, Borne
Fonden, Terre des Hommes, etc.). Il faut en outre que l’Etat (Gouvernement et collectivités
territoriales) adopte beaucoup plus des mesures de lutte contre la pauvreté (22,5%) : il s’agit,
entre autres, de la promotion des microcrédits. Comme le formule Mlle Agnakpé, Etudiante,
résidant à Cotonou, « Toute mesure qui diminue la pauvreté, diminue le placement
d’enfants » .C’est aussi l’opinion de M. Agbanli, tradi-thérapeute à Zakpota, marié et père de 5
enfants, « c’est à cause de la pauvreté que nos parents vendent leurs enfants ».
En outre, il convient que l’Etat crée des structures d’appui (cantines, orphelinats, centres
de formation professionnelle, centre d’alphabétisation, etc.) qui aideront à reconvertir les enfants
d’âges avancés. De même, nous pensons qu’il faut une régulation des naissances (planning
familial). Aussi, l’accent doit-il est mis sur la répression des personnes responsables de
placement d’enfants.
� Au plan institutionnel, de renforcer les infrastructures scolaires, les différentes structures
de protection en les dotant des moyens nécessaires ; singulièrement, poursuivre la
construction des infrastructures scolaires et sportives, recruter et former en quantité et en
qualité des enseignants et renforcer les capacités des centres de promotion sociale.
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� Au plan social, de développer et d’accentuer les programmes de lutte contre la pauvreté
et, en particulier, de poursuivre le programme, engagé par l’Etat, d’octroi de crédits aux
plus pauvres. Qui plus est, les collectivités publiques gagneraient à créer (ou à encourager
le secteur privé à le faire) des structures d’accueil ou des garderies un peu partout dans
les grandes villes du pays. En effet, l’étude à révélé que les jeunes couples et les
fonctionnaires sont les plus grands demandeurs de la main d’œuvre enfantine.
� A l’endroit du ROCARE et de l’UEMOA, nous formulons le souhait, compte tenu du
caractère général et transversal du phénomène d’enfants placés dans la sous région ouest-
africaine, qu’une étude d’une dimension plus grande ou multi-cas sur plusieurs pays
membres soit réalisée. L’objectif est de pouvoir disposer, une fois pour de bon, d’une
base scientifique solide sur l’impact de la gratuité de la scolarisation sur le placement
d’enfants. Dès lors, des recommandations plus conséquentes pourront être formulées à
l’endroit des dirigeants des pays concernés par le phénomène en vue de son élimination
progressive.
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ANNEXES
1- Questionnaire d’enquête
2- Protocole d’entretien des Focus groups
3- Rapport d’un des Focus groups réalisés
ANNEXE 1
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Questionnaire
Réseau Ouest et Centre Africain de Recherche en Education(ROCARE)
Etude sur « l’Impact de la mesure de gratuité de l’enseignement primaire sur le phénomène des
« Vidomègon » (enfants placés) au Bénin »
Questionnaire à administrer
Merci de votre précieuse contribution à une étude sur l’impact de la mesure de gratuité de
l’enseignement primaire sur le phénomène de « Vidomègon » ou enfants placés. Répondez
clairement aux questions qui suivent.
Identification
Nom et prénoms: ………………………………………………………………
Domicile: ………………………………………………………………………..
Profession ……………………………………………………………………..
Sexe:
Masculin Féminin
Situation matrimoniale:
Marié (e) Veuf (ve)
Divorcé (e)
Nombre d’enfant à charge:
Garçon Fille
Q1: Etes-vous au courant du phénomène d’enfants placés ?
OUI NON
Q2 : Avez-vous des enfants placés chez vous?
OUI NON
Si oui, combien ? Depuis quand ? Et de quel(s) âge(s) ?
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Q3 : Si oui indiquez le ou les sexe (s)
Garçon(s) Fille(s)
Q 3 : Avez-vous des enfants placés en ville?
OUI NON
Si oui, combien ? Depuis quand ? Et de quel(s) âge(s) ?
Q4 : Si oui indiquez le ou les sexe (s)
Garçon(s) Fille(s)
Q5. Avez-vous entendu parler de la gratuité de l’enseignement primaire au Bénin?
OUI NON
Q6. Que pensez-vous de cette mesure ?
Tout à fait en désaccord Plutôt en désaccord
Un peu en désaccord Un peu d’accord
Plutôt d’accord Tout à fait d’accord
Q7. A qui la gratuité est-elle favorable entre filles et garçons ?
Garçon(s) Fille(s)
Q8 : Trouvez-vous que la gratuité pourrait faire baisser le phénomène d’enfants placés?
Oui Non Indifférent Pas vraiment
Q9 : Connaissez-vous de cas d’enfant(s) placé(s) qui vont maintenant à l’école?
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OUI NON
Q10 : Si OUI, comment cela s’est –il passé?
Sur demande de l’enfant Sur la décision du tuteur Sur décision des parents de
l’enfant
Q11: Que pensez-vous de la scolarisation des enfants placés?
Tout à fait en désaccord Plutôt en désaccord
Un peu en désaccord Un peu d’accord
Plutôt d’accord Tout à fait d’accord
Q12 : Trouvez-vous que la gratuité de l’enseignement primaire soit la solution contre le
phénomène de placement des enfants?
OUI NON
Q13 : Si oui ou non, justifier votre réponse.
Q14 : Connaissez-vous d’autres mesures de lutte contre le phénomène des enfants placés ou
« Vidomègon » au Bénin?
OUI NON
Q15 : Si oui, précisez :
FIN. Merci.
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ANNEXE2
Protocole d’entrevues (Focus groups)
Question 1 : Parlez-nous du phénomène d’enfants placés ou « Vidomègon » au Bénin.
Question 2 : Selon vous, le phénomène touche-t-il plus les filles que les garçons ? Expliquez-
Question 3 : Trouvez-vous des avantages à ce phénomène ? Expliquez.
Question 4 : Trouvez-vous des inconvénients à ce phénomène ? Expliquez.
Question 5 : Que pensez-vous de la gratuité de l’enseignement primaire engagée depuis 2006
au Bénin ?
Question 6 : Trouvez-vous que la gratuité de l’école primaire profite aux enfants placés ?
Question 7 : A votre avis, y a-t-il eu suffisamment de sensibilisation sur la nécessité
d’envoyer gratuitement les enfants placés à l’école ? Justifiez votre réponse.
Question 8 : Trouvez-vous que la mesure de gratuité contribue à diminuer l’ampleur du
phénomène « Vidomègon » ?
Question 9 : A votre avis, la gratuité a-t-il permis d’envoyer plus d’enfants « Vidomègon » à
l’école ou bien rien n’a vraiment changé ?
Question 10 : Quelles suggestions pouvez-vous faire pour que les enfants placés puissent être
scolarisés ?
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ANNEXE3
RAPPORT FOCUS GROUP A ZAKPOTA
Participants
P1 : Mme ASSOGBA Sylvie, Agent de santé 44ans
P2 : Mr KPONHINTO Gilbert, Placeur d’enfant, 39 ans
P3 : Mr DJEZANDE Lazaire, Ex victime de trafic, 28 ans
P4 : Mr MAKPE Honoré, Chef village zakpota, 60 ans
P5 : Mr AZAGOUN Cosme, Instituteur, 37 ans
Le verbatim Question 1 : Parlez-nous du phénomène d’enfants placés ou « Vidomègon » au Bénin. P1 : C’est le fait d’envoyer les enfants au Nigeria ou en Côte d’Ivoire pour aller travailler dans les plantations ou pour servir de domestique dans les foyers ou être de petits commerçants pour leur tuteur. P2 : Les enfants sont placés dans des foyers ailleurs à Cotonou ou à Savalou pour servir de bonnes. P3 : Moi j’ajouterai que c’est un commerce qui profite les parents de ces enfants là comme ce fût mon cas. P4 : C’est une forme de solidarité entre les parents et les tuteurs pour le bien-être des enfants. P5 : C’est une sorte de maltraitance et de sacrifice des enfants. Une façon de confier son enfant à un parent proche ou toute autre personne sans aucun lien de parenté afin de ne pas avoir à supporter les charges de cet enfant ou lui garantir une éducation. Question 2 : Selon vous, le phénomène touche-t-il plus les filles que les garçons ? Expliquez P1 : Pour aller au Nigeria et en Côte d’Ivoire, les garçons sont plus nombreux mais pour être placés à Cotonou, à Porto-Novo et autres villes ce sont les filles qui y vont. P2 : Ce sont les garçons qui y vont le plus souvent. P3 : Ce phénomène concerne les deux sexes mais les filles sont les plus concernés quand il s’agit de Vidomègon. P4 : C’est vrai, les filles sont les plus concernées car ce sont elles qui aident dans les foyers. P5 : C’est la femme qui sert au foyer et on ne peut que confier son enfant fille pour servir comme domestique. Question 3 : Trouvez-vous des avantages à ce phénomène ? Expliquez.
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P2 : Moi, j’y trouve beaucoup d’avantage c’est vraiment bien, cela me rapporte beaucoup d’argent. Si je trouve l’occasion, je vais encore envoyer sauf si l’Etat me vient en aide pour les supporter. P3 : Non, aucun avantage, moi j’ai servi dans les mines où j’ai été durant tout le temps maltraité et mon tuteur envoyait de l’argent à mes parents. Qu’est-ce que moi-même qui suis victime ai gagné ? P1 : Pas d’avantage. C’est honteux tout simplement, c’est un péché et les praticiens eux-mêmes le savent s’ils vont dire la vérité. P4 : Moi je n’en sais rien car je n’ai jamais placé mon enfant. P5 : On ne saurait parler d’avantage que quand la pratique offre des profits. Mais ce n’est que les parents qui tirent le maximum de profits. Les enfants n’ont que déceptions et séquelles malheureuses. Question 4 : Trouvez-vous des inconvénients à ce phénomène ? Expliquez. P2 : Non, au contraire je ne dirai pas plus. Allez-y comprendre. Moi j’y gagne beaucoup P3 : Oui, moi je suis revenu bredouille seuls mes parents en ont bénéficié. Ce n’est qu’après mon retour que je cherche à me faire à avenir après tout le temps perdu à travailler pour mon tuteur et pour mes parents. J’ai tout perdu. P1 : Comme inconvénient, moi je trouve que les enfants sont maltraités. P5 : Les enfants placés ne vont pas à l’école et c’est une perte pour la nation. P4 : Les plus habiles et conscients de ces enfants peuvent se forger encore un avenir sinon c’est une perte. C’est vraiment pas facile le temps perdu ne se rattrape plus n’est-ce pas ? Question 5 : Que pensez-vous de la gratuité de l’enseignement primaire engagée depuis 2006 au Bénin ? P1 : C’est une très bonne mesure. P2 : C’est bon ! P3 : C’est très important car les parents seront soulagés. P4 : C’est bon comme les autres viennent de le dire mais on nous demande encore de l’argent, des faux frais. P5 : C’est une bonne mesure. Mais l’Etat doit aller plus loin en accompagnant plus les écoles. Pour les parents, même les tenues kaki doivent être gratuites et bien d’autres choses encore. Question 6 : Selon vous quels sont les effets induits par la mesure de la gratuité ?
• Effets positifs P1 : Moi j’ai noté qu’avec la mesure de gratuité il y plus d’enfants inscrits dans les écoles P2 : Beaucoup d’enfants fréquentent les écoles P3 : Il n’y a même plus de discrimination entre garçon et fille P4 : Les mentalités ont beaucoup changé P5 : En tant qu’instituteur, j’ai noté que les effectifs ont presque doublé dans les classes même au village.
• Effets négatifs P1 : Insuffisance d’infrastructure à la hauteur des effectifs. P2 : Idem
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P3 : Les écoles sont éloignées des écoliers et les enfants marchent sur des kilomètres chaque jour. P4 : Les parents ne bénéficient plus tellement de l’aide des enfants dans les champs. Nous n’avons plus de bras valides et nos productions prendront forcément un coup. La pauvreté va s’accentuer aussi. P5 : Moi je ne trouve pas d’effets négatifs à la mesure mais j’ai qu’en même noté que les parents ont tendance à mettre toutes les charges d’école sur les directeurs d’école et certains parents vont jusqu’à retirer leurs enfants de l’école à cause des petits frais. Question 7 : Trouvez-vous que la gratuité de l’école primaire profite aux enfants placés ? P1 : Moi je pense que oui. P2 : Selon moi la gratuité ne peut plus profiter aux enfants placés. Car ce sont des enfants qui n’ont jamais mis pieds à l’école et sont habitués aux travaux domestiques, champêtres et autres. P3 : S’il y avait gratuité il y a 12 ans que j’ai été placé je ne serai pas ici. Aujourd’hui, malgré la mesure, je ne peux plus aller à l’école. P4 : Ces enfants n’ont plus rien dans la tête. P5 : La gratuité profite aux enfants placés mais il faut remarquer que les quelques rares cas scolarisés ne tiennent plus bons à cause de l’âge avancé et se retrouvent parmi des plus jeunes. Nombre sont gênés et finissent par abandonner. Ils éprouvent des difficultés pour aller à l’école. Question 8 : A votre avis, y a-t-il eu suffisamment de sensibilisation sur la nécessité d’envoyer gratuitement les enfants placés à l’école ? Justifiez votre réponse. P1 : Oui il y a eu de sensibilisation sur les enfants placés. Les ONG comme Borne Funden sensibilisent à la radio. P2 : Les ONG qui sont ici à Zakpota font leur travail. C’est pourquoi il y a des changements de comportement. P3 : Oui il y a beaucoup de sensibilisation. Je connais des enfants placés qui sont récupérés par l’UNICEF et sont à l’école. P4 : Il y a assez de sensibilisation ici à Zakpota. P5 : Il y a sensibilisation mais cela favorise plus les plus jeunes qui ne sont pas encore victimes du phénomène des Vidomègon. Les enfants placés sont beaucoup plus orientés vers les ateliers d’apprentissage. Question 9 : Trouvez-vous que la mesure de gratuité contribue à diminuer l’ampleur du phénomène « Vidomègon » ? P1 : Oui le phénomène a diminué. P2 : Moi je ne sais pas. Moi mes deux enfants qui sont scolarisés me coûtent chers. Ils demandent toujours de l’argent. Où est alors la gratuité. Donc normalement la gratuité devait contribuer à diminuer le phénomène mais s’il y a encore trop de frais les parents seront toujours tentés. P3 : La gratuité va beaucoup participer à la diminution du phénomène. Maintenant, il y a beaucoup d’enfants scolarisés ici à Zakpota. P4 : Cela contribue à la réduction du phénomène.
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P5 : Oui, En tant qu’Instituteur, moi j’ai constaté que mon effectif a grandement augmenté depuis l’avènement de la gratuité. Tous les enfants sont à l’école et les salles de classe sont pleines. Question 10 : A votre avis, la gratuité a-t-il permis d’envoyer plus d’enfants « Vidomègon » à l’école ou bien rien n’a vraiment changé. P1 : Il y a changement. P2 : Qu’est-ce qui a changé. Moi j’ai rien noté. P3 : Quelque chose a tout de même changé. Mais comme je l’ai dit plus haut, ce ne sont pas les Vidomègon qui ont profité mais les autres enfants non encore scolarisés. P4 : ça a changé. Au moins quelques enfants placés ont été scolarisés mais à un faible pourcentage certainement. P5 : Je ne pense pas que la gratuité ait réellement favorisé les enfants placés. Mais si oui ça ne peut qu’être qu’un minime pourcentage. La sensibilisation a plutôt permis d’envoyer les Vidomègon en apprentissage mais pas vraiment à l’école. Question 11 : Quelles suggestions pouvez-vous faire pour que les enfants placés puissent être scolarisés ? P1 : Il faut sensibiliser les parents, les tuteurs et les enfants dans ce sens là.
P2 : Je ne sais rien je ne suis pas l’Etat. Que chacun joue son rôle. Ce qui est sûr les citadins auront toujours besoin de nos enfants dans leur ménage pour les aider. Avant les femmes restaient au foyer et l’homme va chercher de l’argent. Aujourd’hui qu’on a des femmes Ministre et bien d’autres, le père sort la mère sort, qui va s’occuper des enfants à la maison. C’est un problème auquel personne ne pense. On dit d’envoyer tous les enfants à l’école mais qui va s’occuper des tous petits des parents fonctionnaires ?
P3 : Il faut que les ONG continuent de sensibiliser.
P4 : C’est la sensibilisation. L’autre problème c’est que chez nous il y a la misère. L’Etat doit trouver des solutions plus appropriées de réduction de la pauvreté car à vrai dire c’est la première cause de placement des enfants au Bénin. Vous qui êtes en ville vous vivez mieux. Mais ici nos enfants sont nos fortunes.
P5 : Au-delà de la sensibilisation, il faut aussi fixer un âge en dessous duquel même les enfants placés doivent être obligatoirement scolarisés. Il faut une prise en charge correcte et durable.
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BIBLIOGRAPHIE
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3- Textes législatifs et réglementaires
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4- Article de journaux
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-CARLOS (J.) (2006), Bénin : les enjeux de la gratuité de l’école. Chronique de presse.