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N 847 ______

ASSEMBLE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 QUATORZIME LGISLATURE

Enregistr la Prsidence de l'Assemble nationale le 27 mars 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI relatif la scurisation de lemploi,

(procdure acclre)

PAR M. JEAN-MARC GERMAIN,

Dput.

TOME I

Rapport

Voir les numros :

Assemble nationale : 774, 837 et 839.

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SOMMAIRE ___

Pages

INTRODUCTION .............................................................................................................. 7

I.- LA SITUATION DGRADE DU MARCH DU TRAVAIL APPELLE DES MESURES FORTES .......................................................................................................... 13

A. UN MARCH DU TRAVAIL ENTRE PRCARIT DE LEMPLOI ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL ...................................................................................... 13

1. Une prcarit croissante de lemploi ................................................................ 13

2. Un dveloppement des formes atypiques de travail ....................................... 15

B. LES PARTENAIRES SOCIAUX DSORMAIS PLEINEMENT ASSOCIS LLABORATION DE LA NORME SOCIALE ............................................................. 15

1. La procdure de consultation des partenaires sociaux en amont des projets et propositions de loi ............................................................................. 16

2. Un projet de loi constitutionnel pour reconnatre dans notre loi fondamentale ce rle accru des partenaires sociaux ..................................... 17

II.- UN ACCORD LARGE ............................................................................................. 17

A. UN DES RARES ACCORDS NATIONAUX INTERPROFESSIONNELS MULTIDIMENTIONNELS SUR LEMPLOI ET LE MARCH DU TRAVAIL................. 17

B. LACCORD VU PAR SES SIGNATAIRES .................................................................. 20

C. LE PRSENT PROJET DE LOI ................................................................................. 23

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TRAVAUX DE LA COMMISSION .................................................................................. 27

EXAMEN DES ARTICLES ................................................................................................. 27 Article 1er (art. L. 911-7, L. 911-8 et L. 912-1 du code de la scurit sociale ;

loi n 89-1009 du 31 dcembre 1989) Gnralisation de la couverture complmentaire collective sant pour les salaris et amlioration de la portabilit des couvertures sant et prvoyance des demandeurs demploi ..................................................... 27

Article 2 (art. L. 6111-1 et L. 6314-3 [nouveau] du code du travail) Cration du compte personnel de formation et du conseil en volution professionnelle ..................................................................................................... 86

Article 3 (art. L. 1222-12 L. 1222-15 [nouveaux] du code du travail) Cration dune priode de mobilit volontaire scurise ............................ 119

Article 4 (art. L. 2323-3, L. 2323-4, L. 2323-7-1 L. 2323-7-3 [nouveaux], L. 2325-35, L. 2325-42-1 [nouveau], L. 2332-1, L. 2323-26-1 L. 2323-26-3 [nouveaux], L. 2313-7-1 [nouveau], L. 4616-1 L. 4616-5 [nouveaux], et L. 4614-3 du code du travail) Rforme des rgles de consultation et de recours lexpertise des institutions reprsentatives du personnel ............................................................................ 133

Article 5 (art. L. 225-27-1 et L. 225-28-1 [nouveaux], L. 225-29 L. 225-34, L. 225-34-1 et L. 225-79-1 [nouveaux], L. 225-80 et L. 226-4-2 L. 226-4-4 [nouveaux] du code du commerce ; art. L. 2323-65 du code du travail) Reprsentation des salaris au conseil dadministration ou de surveillance ...................................................................................................... 171

Article 6 (art. L. 5422-2-1 [nouveau] du code du travail ; art. 43 de la loi n2011-893 du 28 juillet 2011 pour le dveloppement de lalternance et la scurisation des parcours professionnels) Amlioration des droits nouvelle indemnisation chmage des salaris et renforcement de laccompagnement des demandeurs demploi .............................................. 193

Article 7 (art. L. 5422-12 du code du travail) Majoration de la cotisation dassurance chmage sur les contrats courts ............................................... 215

Article 8 (art. L. 2241-13, L. 3123-8, L. 3123-14, L. 3123-14-1 L. 3123-14-4 [nouveaux], L. 3123-16, L. 3123-17, L. 3123-19 et art. L. 3123-25 du code du travail) Encadrement du travail temps partiel ............................... 238

Article 9 (art. L. 2242-15, L. 2242-16, L. 2323-33 et L. 2323-35 du code du travail) Extension du primtre de la ngociation triennale obligatoire sur la gestion prvisionnelle des emplois et des comptences ......................................................................................................... 266

Article 10 (art. L. 2242-21 L. 2242-23 [nouveaux] du code du travail) Mobilit interne ..................................................................................................... 276

Article 11 (art. L. 3232-2, L. 3232-5, L. 5122-1 L. 5122-4, et L.5428-1 du code du travail et art. L. 242-10 du code de la scurit sociale) Refonte du dispositif dindemnisation de lactivit partielle ....................................... 299

Article 12 (art. L. 5125-1 L. 5125-6 [nouveaux] du code du travail) Accords de maintien de lemploi ....................................................................... 319

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Article 13 (art. L. 1233-22 L. 1233-24, L. 1233-24-1 L. 1233-24-4 [nouveaux], L. 1233-30, L. 1233-33 L. 1233-36, L. 1233-39 L. 1233-41, L. 1233-45-1 [nouveau], L. 1233-47, L. 1233-50, L. 1233-52 L. 1233-57, L. 1233-57-1 L. 1233-57-8 [nouveaux], L. 1233-58, L. 1233-63, L. 1233-90-1 [nouveau], L. 1235-7, L. 1235-7-1 [nouveau], L. 1235-10, L. 1235-1,L. 1235-16, L. 2323-15, L. 2325-35, L. 2325-37, L. 3253-8, L. 3253-13, L. 4614-12-1 et L. 4614-12-2 [nouveaux] du code du travail ; art. L. 631-17, L. 631-19, L. 641-4 et L. 642-5 du code de commerce) Rforme de la procdure de licenciement collectif pour motif conomique ........................................................................................................... 345

Article 14 (art. L. 1233-90-1 [nouveau] et L. 2325-37 du code du travail) Cration dune obligation de recherche dun repreneur en cas de fermeture dtablissement .................................................................................. 379

Article 15 (art. L. 1233-5, L. 1233-71 et L. 1233-72-1 du code du travail) Prcision des critres dordre des licenciements conomiques et allongement de la dure du cong de reclassement .................................... 385

Article 16 (art. L. 1235-1, L. 1471-1 [nouveau], L. 3245-1 du code du travail ; art. 80 duodecies du code gnral des impts) Dveloppement de la conciliation prudhomale et rforme des dlais de prescription ............... 389

Article 17 (art. L. 2314-2, L. 2322-2 et L. 2324-3 du code du travail) Amnagement de la mise en place des institutions reprsentatives du personnel en cas de franchissement des seuils deffectif ........................... 397

Article 18 Exprimentation du contrat dure indtermine intermittent ...... 400 Article 19 Habilitation du Gouvernement modifier par voie

dordonnance le code du travail application Mayotte ................................ 405

TABLEAU COMPARATIF .............................................................................................. 409

AMENDEMENTS EXAMINS PAR LA COMMISSION .............................................. 511

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INTRODUCTION

Notre pays est confront la plus grande crise quil ait sans doute connue en temps de paix. La crise est dure avec un taux de chmage au plus haut, des emplois prcaires qui se sont multiplis et des fins de mois de plus en plus difficiles boucler atteignant aussi dsormais les classes moyennes, et des entreprises franaises fragilises dans la mondialisation.

La crise est dure, mais aussi particulirement dure affronter, dans notre pays comme dans les autres pays dvelopps, car contrairement dautres priodes de notre histoire, ces difficults des mnages et des entreprises se cumulent avec celles des tats, fortement endetts et donc aux marges de manuvre limites. Elle est particulirement difficile affronter aussi parce quelle est profonde, la fois conomique, sociale, cologique et plantaire.

Dans cette situation, le Prsident de la Rpublique et son gouvernement ont engag une bataille sur trois fronts, avec des mesures durgence comme des rformes de structure.

Le front europen, tout dabord, pour relancer la croissance car cest ce niveau-l quelle se joue. Nos conomies europennes sont ce point imbriques que tenter de relancer seuls notre conomie ne serait gure plus efficace que de tenter dcoper la mer avec un seau.

Cest la raison dtre du paquet croissance ngoci de haute lutte par le Prsident de la Rpublique lors du sommet europen de juin 2012. Ce sont les ngociations rcentes pour un budget europen prserv. Cest un rythme de rduction des dficits budgtaires suffisamment tal dans le temps pour ne pas porter atteinte la croissance. Cest une Banque centrale europenne et un Mcanisme europen de stabilit qui apportent aux banques et aux tats les liquidits dont elles ont besoin pour fonctionner.

Le deuxime front, cest la comptitivit pour redonner la France sa place dans la mondialisation. En 2002, la balance commerciale franaise tait excdentaire, aujourdhui, elle accuse un dficit commercial de plus de 70 milliards deuros.

La comptitivit, cest remettre la finance au service des entreprises : cest lobjet de la loi crant la Banque publique dinvestissement et de la loi bancaire adoptes rcemment, de la future loi sur la mobilisation de lpargne des Franais au service de lconomie et de la dernire loi de finances, avec le crdit dimpt comptitivit emploi (CICE), qui donne des moyens sans prcdent aux entreprises 20 milliards deuros par an , non pas pour baisser leurs prix de production, ce serait une course sans fin illusoire, mais pour leur permettre dinvestir dans la recherche, dans linnovation, dans la formation et dembaucher.

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Le troisime front, cest celui du march du travail. Il faut agir sur lembauche, cest ce qui est fait avec les deux lois dj votes sur les 150 000 emplois davenir et les 500 000 contrats de gnration pour aider les jeunes et les seniors qui sont les premires victimes du chmage , mais aussi sur la scurisation des emplois : cest lobjet du prsent projet de loi.

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cette fin, sur le fondement des grands principes poss lors de la Grande confrence sociale des 9 et 10 juillet 2012, le Gouvernement a adress aux partenaires sociaux au dbut du mois de septembre 2012 un document dorientation dfinissant quatre domaines quil souhaitait soumettre leur ngociation dans le cadre de la scurisation de lemploi : la lutte contre la prcarit du march du travail, la progression dans lanticipation des volutions de lactivit, de lemploi et des comptences, lamlioration des dispositifs de maintien de lemploi face aux alas conjoncturels ainsi que lamlioration des procdures de licenciements collectifs.

Aprs quatre mois de ngociations, un accord national interprofessionnel a t sign le 11 janvier 2013 par les trois organisations reprsentatives des employeurs et trois des cinq organisations syndicales reprsentatives des salaris, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC. Selon les rsultats de reprsentativit rendus publics le 29 mars, ces trois syndicats de salaris reprsentent 51,15 % des suffrages recueillis par les organisations habilites ngocier au plan interprofessionnel, cest--dire ayant franchi le seuil des 8 %.

Le projet de loi relatif la scurisation de lemploi, qui est aujourdhui soumis la reprsentation nationale, en est le prolongement. Il traduit la nouvelle articulation souhaite par le Prsident de la Rpublique entre la dmocratie sociale et la dmocratie politique qui a donn lieu un projet de loi constitutionnelle relatif la dmocratie sociale, adopt par le Conseil des ministres le 13 mars 2013. Sa philosophie dveloppe dans son expos des motifs se rsume ainsi : la ngociation sociale prcde et inspire les lois sociales. Le lgislateur reste souverain, mais les volutions lgislatives en matire sociale, sauf urgence, doivent tre prcdes dune phase de consultation et, si les partenaires sociaux le veulent, dune ngociation.

Cest au fond une sorte de valse trois temps : le premier est celui du gouvernement qui fixe les objectifs comme cela a t le cas avec la feuille de route de septembre 2012 ; le second est celui des partenaires sociaux qui ngocient sur ce fondement, comme ils lont fait entre octobre et jusquau 11 janvier 2013 ; le troisime est celui du Parlement.

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Votre rapporteur considre que ces trois tapes doivent tre dgale importance. Repartir de zro serait un non-sens : rien ne justifie dignorer le fruit de quatre mois de travail intense des partenaires sociaux auquel ont contribu y

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compris les organisations non signataires, qui sont restes jusquau bout la table des ngociations mme si in fine elles ne se reconnaissent pas dans laccord. Beaucoup des dispositions qui sont contenues dans ce texte concernent le cur du fonctionnement des entreprises, et il est fondamental pour la reprsentation nationale de prendre en compte ce que proposent ceux qui en sont les premiers acteurs, les reprsentants des salaris et des employeurs.

Nous limiter toutefois un travail de scribe qui consisterait simplement codifier ce qui a t crit par les signataires ne serait pas plus conforme au mandat que nous ont donn nos lecteurs : celui de faire la loi au nom du peuple, porteurs de lintrt gnral et fidles aux convictions et aux engagements que chacun dentre nous a pris devant ses lecteurs.

Jouer pleinement notre rle de lgislateur est dautant plus lgitime que, dune part, nombre des dispositions de cet accord dpassent le champ de lentreprise la cration dune couverture sant complmentaire obligatoire ou dun compte personnel de formation universel, le rle de ltat dans la protection des salaris, celui du juge dans le rglement des contentieux. et que dautre part, contrairement laccord sur les contrats de gnrations, deux organisations de syndicats de salaris ne lont pas sign.

tre loyal vis--vis des signataires car sinon nous porterions un coup fatal la ngociation collective interprofessionnelle pour de longues annes , mais lcoute des non-signataires et aussi de tous ceux qui au-del seront concerns, pour amliorer ce qui peut ltre, voil ce qui a guid votre rapporteur dans les travaux prparatoires quil a conduit. Cest un chemin de crte sans doute troit, mais il existe et il permet davancer loin ds lors quon le fait avec mthode.

Avancer avec mthode, cest dabord couter. Cest la raison pour laquelle de trs nombreuses auditions ont t organises. Les organisations patronales et syndicales ont t ainsi auditionnes cinq reprises chacune : par votre rapporteur pendant les ngociations, aprs la conclusion de laccord, aprs lavant-projet de loi, aprs le projet de loi, et de manire collective par la commission des affaires sociales.

Avancer avec mthode, cest comprendre. Afin que chacun puisse se faire une ide trs prcise de la porte de chacune des dispositions du projet de loi, et de ses effets possibles sur lemploi, sur la rduction de la prcarit, sur les droits des salaris, sur la comptitivit des entreprises, de trs nombreux spcialistes, experts, administrations ont t auditionns, et tous les dbats qui sont apparus sont retracs dans ce rapport, sans rien luder des dbats qui existent et des questions qui se posent.

Avancer avec mthode, cest enfin respecter. Respecter les signataires dans leur choix de signer cet accord ; respecter les non-signataires dans leur choix de ne pas le faire ; respecter les parlementaires dans la plnitude de leur droit

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damendement. Lintelligence est collective. Cela a conduit votre rapporteur, en liaison avec le gouvernement, consulter en permanence les partenaires sociaux, signataires comme non signataires, dans son travail damendement du texte. Beaucoup de questions qui avaient pu tre souleves ont pu tre rgles lors de notre travail en commission, dautres pourront ltre lors du dbat dans lhmicyle avec les amendements complmentaires qui sont proposs, dautres encore le seront dans le temps, par un suivi et une valuation trs prcises, et le cas chant un droit de suite pour corriger ce qui na pas fonctionn comme espr.

Lobjectif est quin fine, lefficacit dans la lutte contre le chmage, dans la protection des salaris et de leur qualit de vie, et pour la performance des entreprises, soit au rendez-vous.

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Mis bout bout, la vingtaine darticles du projet de loi dessinent trois volutions profondes du march du travail de notre pays.

La premire, cest retour de ltat, lappui des salaris et de la ngociation sociale, comme garant dans la prvention des licenciements conomiques.

Une refonte profonde de la procdure en la matire est en effet engage. Aujourdhui, la mise en place dun plan de sauvegarde de lemploi sopre de manire unilatrale linitiative de lemployeur ; elle sera demain soumise soit laccord des salaris travers leurs organisations syndicales un accord majoritaire , soit dfaut une homologation de ladministration. Il sagit l de la traduction concrte de lengagement n 35 de Franois Hollande : renchrir le cot des licenciements en fonction des moyens des entreprises, en vue de les dissuader le plus possible. Ladministration sera cet effet dote dun nouveau pouvoir : celui de refuser un plan social qui ne serait pas suffisamment protecteur pour les salaris.

Lobjectif est clair : comme la soulign le ministre du travail lors de son audition, il sagit de mettre rsolument fin la prfrence franaise pour le licenciement au profit de toutes les solutions qui permettent de les viter. Cest ainsi que paralllement cette nouvelle procdure, le projet de loi procde une refonte du dispositif de chmage partiel qui est rendu plus efficace et plus facilement et rapidement mobilisable par les entreprises confrontes des alas conjoncturels. Il cre galement la possibilit de conclure des accords de maintien de lemploi, qui sont galement une forme dactivit partielle, mais ngocie et assortie de protections, de garanties, et dune contribution des dirigeants actionnaires aux efforts.

Cest ce choix qui a principalement permis lAllemagne de mieux sen sortir que dautres pendant la crise de 2008 sans augmentation sensible du chmage : ainsi par exemple, au plus fort de la crise en 2009, 1 600 000 salaris

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allemands taient en activit partielle quand, la mme anne, seulement 200 000 salaris franais ltaient.

Contrairement ce qui est parfois avanc, ce texte ne porte pas en lui la mise en place en France de la flexi-scurit. La flexi-scurit aurait consist faciliter les licenciements tout en indemnisant mieux les chmeurs. Elle repose sur un thorme absurde et dmenti par les faits selon lequel les licenciements daujourdhui feraient les emplois de demain . Cela supposerait en outre daugmenter considrablement les moyens de lassurance chmage, ce qui est hors de porte compte tenu de la situation financire de la France.

Cest un autre choix qui a t fait, que lon pourrait qualifier de la scuri-scurit : il rend plus difficile la flexibilit externe plans sociaux limits, taxation des contrats dure dtermine, encadrement des temps partiels au profit des redploiements internes aux entreprises, en donnant des pouvoirs et des moyens nouveaux la ngociation collective, avec ltat comme garant. Cest lintrt des salaris, qui gardent leur emploi, mais aussi des entreprises qui conservent en leur sein leurs comptences.

La deuxime volution profonde, cest une participation accrue des salaris la dfinition des stratgies dentreprise.

Lobjectif est simple : anticiper, saisir temps les opportunits et grer les difficults avant quil ne soit trop tard, et cela, en associant fortement les salaris. La mise en place dune reprsentation des salaris au conseil dadministration des trs grandes entreprises, de plus de 5 000 salaris, en constitue indniablement la mesure emblmatique qui constituait un engagement fort de Franois Hollande (engagement n 55). Mais cette vision commune et concerte sincarne galement dans la nouvelle participation des salaris, travers leurs reprsentants, la stratgie de lentreprise, avec la cration de deux consultations annuelles supplmentaires sur les orientations stratgiques de lentreprise et son utilisation du crdit dimpt comptitivit emploi, un recours largi lexpertise, une obligation de ngocier dsormais les grandes orientations du plan de formation, la mise en place dune base de donnes stratgiques accessible en permanence aux reprsentants du personnel.

Enfin, ce projet de loi apporte de nouveaux jalons constitutifs dune vritable scurit sociale professionnelle.

Les salaris sont dsormais amens changer beaucoup plus souvent dentreprise que par le pass, que cette situation soit choisie ou subie. Ds lors, il nous faut aller vers un modle social o les droits acquis dans une entreprise puissent tre conservs lorsque lon en change, des droits attachs au salari tout au long de sa vie professionnelle et non plus lentreprise qui lemploie un moment donn.

Que ce soit en matire de sant avec la gnralisation de la couverture complmentaire sant lensemble des salaris et la mise en place dun

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mcanisme de portabilit des droits pour les salaris qui quittent lentreprise -, en matire de formation avec la cration dun compte personnel de formation destin suivre toute personne de son entre sur le march du travail son arrive la retraite ou encore en matire de couverture chmage avec la mise en place de droits rechargeables lassurance chmage , lapproche qui est privilgie est bien celle de la reconnaissance de droits aux individus en tant que salaris, mais galement pendant leurs priodes dinactivit, de chmage ou de formation.

Au-del de ces droits portables , ce texte vise aussi amliorer les transitions en encadrant par la ngociation collective les mobilits demandes aux salaris lintrieur des entreprises, en crant une mobilit externe scurise qui permet de tenter une exprience professionnelle dans une autre entreprise avec un droit au retour si cela ne se passe pas comme prvu mais galement en obligeant les entreprises qui veulent fermer un tablissement rechercher des repreneurs.

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I.- LA SITUATION DGRADE DU MARCH DU TRAVAIL APPELLE DES MESURES FORTES

Si la crise conomique qui frappe la France a entran une acclration des destructions demplois, la situation du march du travail apparat structurellement dgrade, gnrant prcarit de lemploi et des conditions de travail. Conformment lobjectif prsidentiel dinversion de la courbe du chmage et la priorit daction pour lemploi, aprs de nombreux textes visant redresser conomiquement et financirement notre pays, aprs les lois portant cration des emplois davenir et des contrats de gnration, le prsent projet de loi propose de nouvelles mesures fortes pour amliorer en profondeur le fonctionnement du march du travail de notre pays. Depuis la Grande confrence sociale de lt dernier, les partenaires sociaux ont engag, linitiative du Gouvernement, de nombreuses ngociations les associant au processus dlaboration du droit du travail.

A. UN MARCH DU TRAVAIL ENTRE PRCARIT DE LEMPLOI ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL

La situation du march du travail franais est marque par une prcarit croissante de lemploi, caractrise par laugmentation du taux de chmage depuis mars 2008 et un recours accru aux contrats temporaires, ainsi que par un dveloppement des formes atypiques de travail, telles que le temps partiel ou les horaires dcals.

1. Une prcarit croissante de lemploi

Le taux de chmage, qui avait fortement t rduit dans les annes 1997-2002 et fluctu ensuite pendant les cinq annes qui ont suivi, a repris sa progression il y a cinq ans pour atteindre un niveau historiquement lev. Il touche 10,6 % de la population active au dernier trimestre 2012.

Source : Insee, Sries longues sur le march du travail.

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Les taux de chmage de longue dure et de trs longue dure ont galement augment sur cette priode : en 2011, 3,7 % des actifs sont en recherche demploi depuis plus dun an, soit une augmentation dun point par rapport 2008, et 1,8 % depuis plus de deux ans, soit une augmentation de 0,5 point. En fvrier 2013, lanciennet moyenne des demandeurs demploi inscrits Ple emploi slve 482 jours.

La prcarit de lemploi sur le march du travail franais stend aux formes de celui-ci, et lon constate un accroissement significatif du recours aux contrats temporaires. Ainsi, en 2011, prs de 9,5 % des salaris se trouvent en contrat dure dtermine (CDD) et 16,8 millions de contrats dintrim ont t conclus, concernant 3,2 % des salaris. Depuis le milieu des annes 1990, cette dernire forme demploi a connu une croissance notable. Les contrats temporaires constituent dsormais des modes banals de recrutement par les entreprises.

Source : DARES Analyses, Lintrim en 2011 , juin 2012.

Enfin, le nombre de stages en milieu professionnel est estim environ 1,6 million par an, selon le rapport sur lemploi des jeunes du Conseil conomique, social et environnemental de septembre 2012. Leur dveloppement sexplique par la diffusion de la pratique de lalternance dans les cursus universitaires, mais galement par les difficults dinsertion des jeunes sur le march du travail, qui acceptent des stages dfaut de trouver un emploi prenne.

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2. Un dveloppement des formes atypiques de travail

Lvolution des conditions de travail des salaris franais se caractrise aussi par une prcarit accrue, quil sagisse de la dure du travail ou des horaires atypiques. En 2011, prs 18,7 % des salaris travaillent temps partiel, dont 28,7 % des salaris en contrat dure dtermine (CDD) contre 16,5 % des salaris en contrat dure indtermine (CDI), ce qui donne une premire mesure du cumul des contraintes que subissent les salaris prcaires.

En 2012, par rapport la moyenne des pays de lUnion europenne, on observe que le recours aux CDD apparat plus important sur le march du travail en France, alors que le temps partiel y est moins rpandu, bien que le temps partiel subi y soit plus important.

Source : Insee, France, portrait social , dition 2012.

Les horaires atypiques ont galement connu une forte progression. Ainsi, en 2011, prs de 29 % des salaris ont travaill le dimanche de manire habituelle ou occasionnelle, contre 20 % en 1990.

B. LES PARTENAIRES SOCIAUX DSORMAIS PLEINEMENT ASSOCIS LLABORATION DE LA NORME SOCIALE

Face cette situation dgrade du march du travail, le Gouvernement a fait du dveloppement de lemploi sa priorit daction, et a invit les partenaires sociaux se mobiliser. Ces derniers ont ouvert de nombreuses ngociations suite la Grande confrence sociale, dont deux dentre elles ont dores et dj abouti : celle sur les contrats de gnrations, conclue par un accord unanime et traduite depuis dans la loi ; celle sur la scurisation de lemploi qui a abouti laccord transversal du 11 janvier dernier. Dautres sont en cours, notamment celle sur la qualit de vie au travail et lgalit entre les femmes et les hommes qui devrait

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aboutir au premier semestre 2013. Une nouvelle confrence sociale est programme en juillet pour fixer le programme de travail des douze mois qui suivront. Les partenaires sociaux sont donc, dsormais, pleinement associs llaboration de la norme sociale.

1. La procdure de consultation des partenaires sociaux en amont des projets et propositions de loi

La loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007 a cr une obligation de consultation pralable des partenaires sociaux, place en tte du code du travail, son article L. 1. Ainsi, lorsque le gouvernement envisage une rforme qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, lemploi et la formation professionnelle et qui relve du champ de la ngociation nationale et interprofessionnelle, il doit dabord organiser une concertation des partenaires sociaux, en commenant par leur communiquer un document dorientation.

Sils dcident douvrir une ngociation, les partenaires sociaux doivent indiquer au Gouvernement le dlai quils estiment ncessaire pour tenter de parvenir un accord. Au vu des rsultats de cette ngociation et de la concertation, le gouvernement labore, ensuite, un projet de loi quil doit soumettre pour avis, selon le cas, la Commission nationale de la ngociation collective, au Comit suprieur de lemploi ou au Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie.

Afin dassocier galement les partenaires sociaux llaboration des propositions de lois, les assembles parlementaires se sont dotes de protocoles prvoyant des procdures de consultation pralable similaires. Ainsi, la Confrence des Prsidents de lAssemble nationale a adopt le 16 fvrier 2010 un protocole (1) organisant la concertation des partenaires sociaux avant linscription effective lordre du jour dune proposition de loi, dont le contenu entre dans le champ de la loi de modernisation du dialogue social.

Aujourdhui, lorsque linscription lordre du jour dune telle proposition de loi est envisage, le prsident de la commission des affaires sociales doit en tre inform. Il transmet alors ce texte aux partenaires sociaux, afin quils lui fassent part, sous quinze jours, de leurs observations et de leur intention douvrir une ngociation. Si tel est le cas, il doit leur accorder un dlai raisonnable pour conduire cette ngociation, lorsque lensemble des organisations syndicales et demployeurs consultes la demand. Il ny est pas tenu lorsquelles ne sont pas unanimes.

(1) Protocole relatif la consultation des partenaires sociaux sur les propositions de loi caractre social

relevant du champ de la ngociation nationale et interprofessionnelle.

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2. Un projet de loi constitutionnel pour reconnatre dans notre loi fondamentale ce rle accru des partenaires sociaux

Depuis sa cration, la procdure de consultation a t mise en uvre quatorze fois au titre de la loi de modernisation du dialogue social, et quatre fois sur le fondement du protocole exprimental de lAssemble nationale. Depuis la Grande confrence sociale, les partenaires sociaux, comme cela a t dit, ont t invits ouvrir plusieurs ngociations, relatives aux contrats de gnration et la scurisation de lemploi, qui ont abouti deux accords nationaux interprofessionnels, ainsi qu la qualit de vie au travail, une ngociation toujours en cours.

La mise en uvre de cette procdure apparat donc soutenue. Afin de consacrer cette reconnaissance du rle essentiel des partenaires sociaux et de marquer une nouvelle tape dapprofondissement de la dmocratie sociale, le Gouvernement a dpos, en mars 2013, un projet de rvision constitutionnelle visant inscrire cette procdure dans notre loi fondamentale.

II.- UN ACCORD LARGE

Laccord conclu le 11 janvier porte sur lemploi dans sa globalit, contrairement la plupart des accords nationaux interprofessionnels conclus au fil des annes, qui sont le plus souvent sectoriels ou thmatiques. Rares sont les deux autres ngociations portant sur un spectre aussi large qui ont abouti dans notre histoire sociale.

A. UN DES RARES ACCORDS NATIONAUX INTERPROFESSIONNELS MULTIDIMENTIONNELS SUR LEMPLOI ET LE MARCH DU TRAVAIL

Laccord national interprofessionnel du 31 dcembre 1958, qui cre le rgime dassurance chmage et en confie la gestion des instances paritaires, lUndic et les Assdic, constitue le texte fondateur de la ngociation interprofessionnelle sur lemploi.

En ralit, les premiers pas du dialogue social interprofessionnel sur lemploi se matrialisent dans des accords qui portent de manire isole sur des champs spcifiques, quil sagisse donc du premier accord dj voqu de 1958, ou encore de la cration de lAssociation pour lemploi des cadres (APEC) par laccord du 18 novembre 1966 ou de lindemnisation du chmage partiel par laccord du 23 fvrier 1968.

Les vnements de mai 1968 relancent le dialogue social de manire plus large : si, en matire de rduction de la dure du travail, ce sont essentiellement des accords de branche qui aboutissent cette poque, la ngociation interprofessionnelle dbouche nanmoins, en 1969 et 1970, sur deux accords portant respectivement sur la scurit de lemploi et la formation et le perfectionnement professionnels :

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le premier, sign le 10 fvrier 1969, cre des commissions paritaires de lemploi dans chaque branche, et, dans le cadre du projet de licenciement collectif, dfinit dune part les modalits de la consultation du comit dentreprise, et fixe dautre part des obligations de reclassement ou de rembauche.

le second, sign le 9 juillet 1970, est considr comme fondateur du systme franais de formation professionnelle continue. Il fonde la lgitimit des partenaires sociaux rgir le dispositif de formation continue et cre un droit individuel pour le salari : le cong individuel de formation. Il prvoit le recours la formation pour les salaris menacs de licenciement. Il est repris par la loi du 16 juillet 1971 qui prvoit les modalits de financement du systme de formation professionnelle continue.

Jusquau dbut des annes 1980, le dialogue social est ensuite clairement marginalis.

Avec lapparition du phnomne de chmage de masse, une nouvelle srie de ngociations interprofessionnelles et multidimensionnelles sur lemploi souvre en 1984 linitiative du patronat : elles portent autant sur les mutations technologiques, la dure et lamnagement du temps de travail, le temps partiel, les contrats dure dtermine et le travail temporaire, que sur les procdures de licenciement et la question des seuils deffectifs. Ces ngociations se soldent, comme on le sait, par un chec, et conduisent obrer pour plusieurs annes le dialogue social au niveau interprofessionnel et oprer un retour de celui-ci au niveau de lentreprise. Une des raisons parfois mise en avant par certains de cet chec est davoir voulu de faire de la ngociation une ngociation non fractionnable.

Ce nest quen 1988-1989 que des ngociations interprofessionnelles sont relances autour de la modernisation des entreprises ; la recherche dun accord global indivisible est demble abandonne. Au final, sur les cinq thmatiques soumises la ngociation, quatre aboutissent : la premire travers laccord national interprofessionnel du 23 septembre 1988 sur les mutations technologiques, la deuxime par laccord du 21 mars 1989 sur lamnagement du temps de travail ; la troisime, relative lamlioration des conditions de travail, se matrialise dans laccord du 20 octobre 1989, tandis que la quatrime aboutit laccord du 23 novembre 1989 sur lgalit professionnelle entre les hommes et les femmes. Seule la ngociation sur la mobilit gographique et professionnelle choue. Les quatre accords signs se donnent davantage comme des prconisations adresses aux pouvoirs publics ainsi que des orientations donnes aux branches pour une ngociation leur niveau.

De nouvelles ngociations sur lemploi, et notamment lemploi des jeunes, sont inities en 1995 : comme en 1988, la formule retenu consiste rechercher des accords formellement distincts dont chacun couvrirait un champ spcifique. Cette ngociation dbouche sur la conclusion de quatre accords : un accord sur linsertion professionnelle des jeunes le 23 juin 1995, qui obtient notamment des

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aides financires publiques pour rduire le cot salarial de lembauche des jeunes ; un accord sur les prretraites contre lembauche , sign le 6 septembre 1995 et qui initie une politique de cessations anticipes dactivit ; un accord sur lemploi conclu le 31 octobre 1995, qui porte essentiellement sur un change de contreparties entre amnagement et rduction du temps de travail ; et enfin, un accord sign le mme jour qui porte sur larticulation entre les diffrents niveaux de ngociation et amnage des procdures drogatoires de ngociation dans les entreprises dpourvues de dlgus syndicaux.

Une nouvelle vague de ngociation de vaste ampleur sur lemploi est amorce en 2000-2001 sous la thmatique gnrale de la refondation sociale . Elle a initialement port sur quatre thmatiques lapprofondissement de la ngociation collective ; lassurance chmage, la lutte contre la prcarit et linsertion des jeunes ; la sant au travail et la prvention des risques ; et enfin, lvolution des rgimes de retraite complmentaire. Par la suite, quatre thmatiques complmentaires doivent relayer le premier round de ngociations : ladaptation de la formation professionnelle ; lgalit professionnelle ; la place et le rle de lencadrement ; et enfin, la protection sociale. Sur ces huit sujets, trois font lobjet dun accord final, qui se matrialise respectivement dans laccord du 14 juin 2000 sur lassurance chmage, laccord sur la sant au travail du 19 dcembre 2000, et laccord sur les retraites complmentaires du 10 fvrier 2001. Sagissant de la formation professionnelle, cest le 20 septembre 2003 que sera sign laccord sur la formation tout au long de la vie, qui cre le droit individuel la formation (DIF) de vingt heures par an pour chaque salari ainsi que le contrat de professionnalisation.

Enfin, le dernier accord national interprofessionnel multidimensionnel sur lemploi a t sign le 11 janvier 2008 : il porte sur la modernisation du march du travail . Il comporte de nombreuses mesures relatives notamment lallongement de la priode dessai qui est soumise des accords de branche tendus, la gestion prvisionnelle des emplois et des comptences (GPEC), le dveloppement de la mobilit professionnelle et gographique, laccs la portabilit des droits la complmentaire sant et la prvoyance ou encore la scurisation du portage salarial. Il prvoit galement la cration du dispositif de la rupture conventionnelle ou encore lexprimentation du contrat de projet destin des ingnieurs et des cadres (1).

Depuis 1958, le dialogue social avance, on le voit, par -coups, et selon deux types de modalits :

la premire, qui consiste ngocier sur un ensemble de thmatiques interdpendantes lies lemploi, dans lobjectif dobtenir un quilibre final grce des concessions mutuelles portant sur des domaines diffrents ; cette voie cre les conditions dun dbat sur les enjeux du march du travail et de lemploi dans (1) Ces dveloppements reprennent assez largement les analyses de louvrage de Jacques Freyssinet :

Ngocier lemploi : 50 ans de ngociations interprofessionnelles sur lemploi et la formation. Centre dtudes de lemploi, Editions Liaisons, 2010.

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leur globalit mais sest rvle souvent plus difficile faire aboutir dans sa totalit, comme le montre lchec de la ngociation de 1984.

la seconde, qui consiste engager une ngociation sur une thmatique prcise ou, dans le cadre dun dialogue global, sparer les sujets les uns des autres. Cette voie a lavantage de permettre daboutir plus facilement un accord, elle a en revanche linconvnient de morceler le traitement de questions qui sont trs lies.

Laccord national interprofessionnel conclu le 11 janvier 2013 sinscrit dans la continuit des accords relatifs lemploi ambition multidimensionnelle. Il en constitue ce titre un moment important, par lampleur des thmatiques dont il traite.

B. LACCORD VU PAR SES SIGNATAIRES

Conclu le 11 janvier 2013 aprs quatre mois de ngociations, laccord national interprofessionnel pour un nouveau modle conomique et social au service de la comptitivit des entreprises et de la scurisation de lemploi et des parcours professionnels des salaris sarticule autour de cinq grands titres :

la cration de nouveaux droits pour les salaris afin de scuriser les parcours professionnels ;

le renforcement de linformation des salaris sur les perspectives et les choix stratgiques de lentreprise pour renforcer la gestion prvisionnelle des emplois et des comptences ;

les moyens donns aux entreprises pour sadapter aux problmes conjoncturels et prserver lemploi ;

le dveloppement de lemploi par ladaptation du contrat de travail lactivit conomique de lentreprise ;

et enfin, la rationalisation des procdures de contentieux judiciaire.

Le renforcement de la scurit de lemploi passe en effet en premier lieu par la protection et laccompagnement des salaris dans leurs parcours professionnels, en particulier des plus fragiles dentre eux. Il sagit du premier volet de laccord.

De ce point de vue, laccord du 11 janvier vise la consolidation ou lamlioration de certains outils en faveur des salaris, quil sagisse de la portabilit des droits la couverture complmentaire et la couverture prvoyance pour les anciens salaris (article 2) ou encore de celle des droits la formation (article 5), mais galement du dveloppement de la prparation oprationnelle lemploi (POE). Il instaure galement des rgles entirement nouvelles, comme le principe de la majoration des cotisations dassurance chmage sur les contrats

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courts (article 4), la gnralisation de la couverture complmentaire sant lensemble des salaris (article 1er) ou encore linstauration dun droit une mobilit externe scurise pour les salaris. Il modifie les rgles en vigueur pour mieux couvrir les demandeurs demploi, par la cration des droits rechargeables lassurance chmage (article 3). Enfin, de nouvelles rgles sont fixes pour encadrer le travail temps partiel (article 11).

On le voit, si certains de ces droits sont exclusivement destins aux salaris, tels la mobilit volontaire scurise, certaines dispositions sadressent aussi aux demandeurs demploi, travers la portabilit des droits la protection sociale mais surtout par le biais des droits rechargeables lassurance chmage et parfois aussi, aux ayant-droits de salaris comme la couverture complmentaire sant. Le compte personnel de formation est quant lui entirement transversal, puisquil a vocation sadresser tout primo-entrant sur le march du travail et laccompagner jusqu son dpart la retraite. Deux mesures lencadrement du temps partiel et la surcotisation dassurance chmage sur les contrats dure dtermine (CDD) sadressent enfin spcifiquement aux salaris les plus vulnrables, ceux qui enchanent les contrats courts dune part, et les salaris en sous-emploi, autrement dit, temps partiel subi , dautre part.

Le deuxime volet de laccord souhaite favoriser lanticipation et le partage de linformation au sein des entreprises. Larticle 12 de laccord instaure cet effet une information et une consultation permanentes, au fil de leau, des institutions reprsentatives du personnel, travers la mise en place dune base de donnes unique qui doit constituer le socle du partage dinformation au sein de lentreprise. Ce renforcement de linformation et de la capacit des salaris intervenir sur la stratgie de lentreprise passe galement par la mise en place dun mcanisme de reprsentation des salaris au conseil dadministration dans les entreprises de plus de 5 000 salaris (article 13). Larticle 14 de laccord propose galement de mieux articuler la ngociation sur la gestion prvisionnelle des emplois et des comptences (GPEC) avec le plan de formation de lentreprise. Parce quelle doit tre articule avec cette gestion anticipe, laccord place galement sous ce chapitre le volet relatif la ngociation sur lorganisation de la mobilit interne lentreprise (article 15). Afin de tenir compte de la situation particulire des petites entreprises, il entend galement leur donner un dlai lorsque celle-ci franchissent un seuil deffectifs pour rpondre leurs obligations sagissant de la mise en place des institutions reprsentatives du personnel en leur sein (article 17).

Le troisime volet entend renforcer la capacit des entreprises sadapter aux volutions conjoncturelles, afin de prserver lactivit et lemploi. De ce point de vue, trois mesures sont actes : la possibilit de ngocier des accords transitoires de maintien de lemploi dans les entreprises confrontes de graves difficults conjoncturelles (article 18) ; la refonte du dispositif de chmage partiel pour amliorer son efficacit et faciliter son recours par les entreprises en difficult (article 19) ; et enfin, la refonte de la procdure de licenciement collectif pour motif conomique (article 20).

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Le quatrime volet de laccord recouvre une unique mesure dadaptation de la forme du contrat de travail aux caractristiques de lactivit conomique, par le biais de lexprimentation du recours direct, dans certains secteurs dactivit, au contrat de travail intermittent, aujourdhui conditionn son encadrement par un accord collectif.

Enfin, le cinquime et dernier volet de laccord traite des procdures de contentieux judiciaire : pour ce faire, larticle 23 prvoit que le critre de la comptence professionnelle est expressment prvu comme tant un critre privilgi de fixation de lordre des licenciements, conformment la jurisprudence. Larticle 25 porte sur la procdure de conciliation prudhomale, par la fixation dun barme dindemnisation de rfrence. Enfin, larticle 26 de laccord rduit les dlais de prescription en matire de contestation relative lexcution ou la rupture du contrat de travail.

Laccord du 11 janvier prend ainsi le parti du renvoi dautres ngociations, sur deux plans.

En premier lieu, certaines mesures dont le principe est pos sont renvoyes pour leur application des ngociations ultrieures. Ainsi de la gnralisation de la couverture complmentaire sant, qui sera principalement mise en uvre par accords collectifs de branche ou, subsidiairement, par accords dentreprise ; ou encore de la mise en place des droits rechargeables lassurance chmage ou de la majoration des cotisations chmage sur les contrats courts, qui ont vocation tre instaurs dans le cadre de la rengociation de la convention dassurance chmage qui doit avoir lieu au seconde semestre 2013.

La cration dun compte personnel de formation est quant elle renvoye non pas une ngociation ultrieure, mais une concertation entre les partenaires sociaux, ltat, lensemble des acteurs dans le champ de la formation, mais galement les rgions, qui ont vocation intervenir largement dans ce dispositif. cet gard, deux rformes lgislatives doivent intervenir pour pouvoir amnager un tel compte personnel de formation : la rforme de la dcentralisation dune part, la rforme de la formation professionnelle dautre part.

La ngociation est galement privilgie au cur mme des mesures souhaites par laccord du 11 janvier. Ainsi, face au constat de grandes difficults conomiques dans une entreprise, cest la voie de la ngociation qui est recherche pour maintenir les emplois, et permettre aux entreprises de passer un cap difficile sans recourir des licenciements. Ainsi encore, cest le rle essentiel de la ngociation dentreprise qui est raffirm pour organiser la mobilit interne lentreprise. Afin de permettre un meilleur encadrement du temps partiel, cest encore la ngociation, de branche cette fois, qui est privilgie pour adapter les nouvelles rgles, en particulier la mise en place dune dure minimale hebdomadaire de travail de vingt-quatre heures. Enfin, et cest sans doute lune des grandes innovations de cet accord, la voie de la ngociation sera dsormais galement recherche dans le cadre de la mise en place dun plan de sauvegarde

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de lemploi. Les salaris se voient aujourdhui imposer un plan de licenciement collectif sans disposer dautre pouvoir que celui de linformation et de la consultation des institutions reprsentatives du personnel : la dmarche promue par laccord du 11 janvier est inverse, puisquelle souhaite donner un rle aux salaris, travers leurs reprsentants, dans la mise en place dun plan de sauvegarde de lemploi, celui-ci pouvant mme faire lobjet dun accord ventuel avec les syndicats reprsentatifs dans lentreprise.

C. LE PRSENT PROJET DE LOI

Le gouvernement souligne, dans lexpos des motifs, avoir associ pleinement toutes les organisations la prparation du projet de loi, dans un double esprit : loyaut envers laccord et les signataires ; transparence et coute vis--vis de tous. .

Il prcise que le projet de loi sur tous les points o laccord tait ambigu, imprcis ou incomplet, voire comportait des contradictions, a retenu des options claires. Le gouvernement a opr des choix, en coutant les partenaires sociaux bien sr, mais en labsence de convergence, en retenant loption qui lui a paru la plus juste, la plus efficace au regard des objectifs du projet de loi scuriser lemploi et les parcours professionnels et la plus conforme lintrt gnral. .

Cest ainsi en effet que votre rapporteur considre que des amliorations dcisives ont t apportes.

La plus importante porte sur le nouveau rle de ltat travers lhomologation. Lespoir de certains tait sans doute den faire une simple formalit administrative. La ralit du projet de loi est tout autre, et rejoint le souhait des organisations de salaris, signataires comme non signataires.

Comme cela a t dit, le projet de loi donne ltat des pouvoirs trs importants qui lui permettront de peser de manire dcisive pour viter tous les licenciements qui pourront ltre et exiger des entreprises des efforts proportionns aux moyens dont dispose le groupe auquel elles appartiennent le cas chant. En renfonant le rle de ltat travers lhomologation, on renforce aussi celui des syndicats dans les ngociations de plan sociaux. Ltat intervenant dfaut daccord, les pouvoirs qui lui sont donns seront de fait aussi dans les mains des organisations de salaris. Concrtement, par ce choix essentiel qui est fait et sur ce point laccord ne disait rien , lemployeur devra rechercher soit laccord majoritaire des salaris, soit de ladministration, sur son plan de sauvegarde de lemploi.

Le projet de loi renforce aussi les protections des salaris en cas dapplication qui leur serait faite dun accord dentreprise portant sur la mobilit : le projet de loi prvoit quils bnficieront de toutes les protections lies au motif conomique, alors que le motif personnel avait t retenu par laccord. Ce choix

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sappuie sur la volont de conformer notre droit national la directive 158 de lOrganisation internationale du travail (OIT), mais correspond aussi une demande qui avait t faite avec insistance par les organisations syndicales de salaris non signataires de laccord.

On pourrait citer galement de nombreuses autres amliorations, qui lvent autant dinquitudes souleves par certains la lecture de laccord : le maintien de la possibilit de dsigner des organismes de branches pour assurer la couverture complmentaire sant des salaris et sa gnralisation effective toutes les entreprises mme les plus petites, un champ large retenu pour les entreprises devant ouvrir leur conseil dadministration des administrateurs salaris et des modes dlections qui permettent soit aux organisations syndicales soit au dlgus du personnel de prsenter leurs candidats, des exceptions la rduction des dlais de prescription des cas o cela pourrait porter prjudice aux salaris (harclement, dommages corporels).

Votre rapporteur souhaite que les dbats parlementaires sinscrivent dans un mme esprit et permettent de nouvelles avances dcisives.

Du point de vue de sa structure, le projet de loi suit le cheminement de laccord. Ainsi, le projet de loi sarticule autour de quatre chapitres au lieu des cinq titres de laccord.

Le premier regroupe lensemble des nouveaux droits crs au bnfice des salaris, avec les droits individuels gnralisation de la couverture complmentaire sant et extension de la portabilit des droits (article 1er), compte personnel de formation et conseil en volution professionnelle (article 2), et mobilit externe scurise (article 3) , les droits collectifs dautre part, avec lamlioration de linformation et des procdure de consultation des institutions reprsentatives du personnel (article 4) et la reprsentation des salaris dans les conseils dadministration (article 5). Contrairement laccord, ces deux dernires dispositions figurent donc dans la partie relative aux nouveaux droits consentis aux salaris.

Le deuxime chapitre regroupe les mesures de lutte contre la prcarit de lemploi et dans laccs lemploi, travers les dispositifs de droits rechargeables lassurance chmage (article 6), la majoration des cotisations dassurance chmage sur les contrats courts (article 7) et lencadrement du temps partiel (article 8). Ces trois mesures figuraient dans laccord au rang des nouveaux droits : leur regroupement au sein dun chapitre spcifique apparat nanmoins tout fait justifi.

Le troisime chapitre vise favoriser lanticipation ngocie des mutations conomiques, pour dvelopper les comptences, maintenir lemploi et encadrer les licenciements conomiques.

Les deux dispositions autour de la gestion prvisionnelle des emplois et des comptences (GPEC) sont runies au sein de la premire section : la recherche

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dune meilleure articulation de la GPEC avec une srie dautres ngociations ou actions menes dans lentreprise dune part (article 9), la ngociation organisant la mobilit interne lentreprise dautre part (article 10). On notera que laccord a plac ces deux outils dans le chapitre consacr linformation des salaris.

La deuxime section renforce les dispositifs de maintien de lemploi dans lentreprise en cas de difficult conomique conjoncturelle : elle recouvre le nouveau rgime dactivit partielle (article 11) ainsi que les accords de maintien de lemploi (article 12).

Enfin, la troisime section recouvre la refonte des procdures de licenciements conomiques collectifs (article 13), la cration dune obligation de recherche dun repreneur lors de la fermeture dun tablissement (article 14), lordre des licenciements et lallongement du cong de reclassement (article 15).

Le dernier chapitre du projet de loi regroupe lensemble des autres dispositions donnant lieu transposition lgislative, quil sagisse de la procdure de conciliation prudhomale (article 16), des dlais accords aux entreprises en cas de franchissement des seuils (article 17) et enfin, de lexprimentation du recours direct au contrat de travail intermittent (article 18), qui figurait de manire isole dans un titre de laccord.

Enfin, larticle 19 habilite le Gouvernement procder par ordonnance pour rendre le texte applicable Mayotte.

Certaines mesures, on la dit, nont pas ncessit de traduction lgislative. En particulier :

la mise en uvre de larticle 6 de laccord du 11 janvier, qui prvoit lassouplissement des conditions daccs des salaris de moins de 30 ans en contrat dure dtermine (CDD) au cong individuel de formation (CIF), passe par la modification des dispositions rglementaires affrentes. Larticle R. 6322-20 du code du travail rserve en effet le cong individuel une anciennet de vingt-quatre mois au cours des cinq dernires annes, dont quatre mois en CDD au cours des douze derniers mois. Un dcret ne maintiendra que la seule deuxime condition pour les publics concerns.

larticle 9 de laccord souhaite donner un rle dinitiative aux organismes paritaires collecteurs agrs (OPCA) ayant conclu une convention avec Ple emploi dans le cadre du dispositif de la prparation oprationnelle lemploi (POE) : il sagit de leur permettre de proposer aux entreprises qui ont des offres demploi disponibles dutiliser ce dispositif daccompagnement des demandeurs demploi. Les modalits de mise en uvre seront ngocies entre les organismes collecteurs et Ple emploi.

Les mesures damlioration de laccs au logement des primo-entrants sur le march du travail, des salaris en contrat court et des salaris en mobilit professionnelle, prvue par larticle 10, passe par la mobilisation dune partie des

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fonds dAction Logement. Si ces mesures dordre strictement financier nont logiquement pas de traduction lgislative, il pourrait nanmoins tre utile de prciser que ces trois catgories de publics prioritaires sont galement prises en compte comme tant prioritaires par les commissions dinformation et daide au logement des salaris des comits dentreprise, ces commissions jouant en effet un rle pour faciliter laccs au logement, la proprit et la location des salaris.

Enfin, larticle 24 de laccord prvoit lventuelle mise en place dun groupe de travail sur la scurit juridique des relations de travail : daprs laccord, il sagit de rpondre linscurit juridique constate lorsque des irrgularits de forme sont assimiles des irrgularits de fond . Les partenaires sociaux conviennent que leurs futurs travaux sur cette question sappuieront sur le concours des pouvoirs publics. Aucune disposition de mise en uvre na donc lieu dtre prvue ce sujet.

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TRAVAUX DE LA COMMISSION

EXAMEN DES ARTICLES

La Commission des affaires sociales examine, sur le rapport de M. Jean-Marc Germain, le prsent projet de loi, au cours de ses sances des mardi 26 et mercredi 27 mars 2013.

Article 1er

(art. L. 911-7, L. 911-8 et L. 912-1 du code de la scurit sociale ; loi n 89-1009 du 31 dcembre 1989)

Gnralisation de la couverture complmentaire collective sant pour les salaris et amlioration de la portabilit des couvertures sant et

prvoyance des demandeurs demploi

Conformment larticle 1er de laccord du 11 janvier, le prsent article prvoit la gnralisation de la couverture complmentaire collective sant pour lensemble des salaris, lamlioration de la portabilit des couvertures sant et prvoyance des demandeurs demploi, ainsi que lobligation des branches professionnelles dengager une ngociation destine mettre en place une couverture prvoyance . La gnralisation de la couverture complmentaire sant collective doit intervenir au 1er janvier 2016 : cette date, lensemble des salaris devront tre couverts.

Le projet de loi privilgie la conclusion daccords de branche, en crant pour les branches professionnelles une obligation douvrir des ngociations ce titre avant le 1er juin 2013. Ce nest que de manire subsidiaire, en labsence daccords de branche, que les entreprises non couvertes prendront le relais en ngociant leur niveau, entre le 1er juillet 2014 et le 1er janvier 2016. dfaut, cette date, les entreprises devront faire bnficier, de manire unilatrale, leurs salaris dune couverture complmentaire sant minimale.

Paralllement, et conformment toujours aux souhaits des partenaires sociaux, le prsent article propose de gnraliser lensemble des salaris et dtendre de neuf douze mois le mcanisme de portabilit des droits aux couvertures sant et prvoyance des salaris licencis.

Les enjeux dune telle gnralisation de la couverture complmentaire sant sont importants. Les objectifs poursuivis sont en effet ceux de laccs de tous les salaris une couverture complmentaire, mais galement dun meilleur accs et dun accs facilit une telle couverture. Le choix dune couverture collective obligatoire emportera des consquences en termes de rpartition de la couverture entre lassurance individuelle et lassurance collective. Une telle mesure comporte galement un cot, important, puisquun certain nombre davantage fiscaux et sociaux sont aujourdhui attachs aux contrats collectifs

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obligatoires, alors quils ne bnficient pas aux garanties souscrites dans le cadre de lassurance complmentaire individuelle.

A. LA COUVERTURE COMPLMENTAIRE SANT DENTREPRISE : TAT DES LIEUX ET ENJEUX DE LA GNRALISATION

1. La situation actuelle de la couverture complmentaire sant

Daprs les comptes nationaux de la sant, en 2010, 77 % de la dpense de soins et de biens mdicaux taient pris en charge par lassurance maladie obligatoire et 14 % de cette dpense taient pris en charge par une complmentaire sant. Cette mme anne, plus de 95 % de la population franaise bnficiait dune couverture complmentaire sant, alors quau dbut des annes 1980, seulement deux tiers des Franais disposaient dune telle couverture.

La part respective de lindividuel et du collectif

Parmi les plus de 95 % de Franais couverts par une complmentaire sant, 56 % sont en 2009 couverts par une complmentaire individuelle et 44 % par une complmentaire collective (1).

Sagissant des seuls salaris, 2,3 % dentre eux ne sont actuellement couverts par aucune complmentaire sant, soit de lordre de 400 000 salaris, sur un total de 18 millions de salaris. Le tableau suivant rcapitule la situation des seuls salaris au regard de leur couverture complmentaire sant.

Nombre de salaris

Pourcentage du total des salaris

Salaris non couverts par une complmentaire sant 414 000 2,3

Salaris couverts par une complmentaire individuelle 3 250 043 18,1

Salaris couverts par la complmentaire de leur conjoint fonctionnaire 664 063 3,7

Salaris couverts par une complmentaire collective dentreprise 13 206 600 75,9

en tant quassur 11 757 828 65,3

en tant quayant droit 1 914 065 10,6

Total des salaris 18 000 000 100

Source : Direction de la scurit sociale.

(1) Direction de la recherche, des tudes, de lvaluation et des statistiques (DREES), tudes et rsultats

n 789 : Les contrats les plus souscrits auprs des complmentaires sant en 2009 , fvrier 2012.

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Les caractristiques de la couverture complmentaire collective obligatoire

La couverture complmentaire sant collective dentreprise couvrirait au total 25 millions de personnes en tenant compte de lensemble des ayants droit, y compris donc les conjoints et les enfants. Si, historiquement, les garanties collectives de frais de soins de sant relevaient trs majoritairement des accords dentreprise, alors que les conventions collectives nationales de branches professionnelles instituaient essentiellement des rgimes de prvoyance lourde (dcs, incapacit de travail, invalidit), un relatif renversement de tendance a pu tre observ depuis 2003-2004, la faveur :

de la loi Fillon du 21 aot 2003 qui a rserv le bnfice des exonrations de charges aux complmentaires sant collectives obligatoires ;

et de la loi du 13 aot 2004 portant rforme de lassurance maladie surtout, qui a conditionn ces exonrations aux contrats dits responsables (cf. supra).

En 2009, 44 % des tablissements franais dclarent proposer une complmentaire sant tout ou partie de leurs salaris (1) : cest le cas de 93 % des entreprises de plus de 250 salaris, de 79 % des entreprises entre 50 et 250 salaris, de 49 % des entreprises de 10 50 salaris et de seulement 33 % des TPE de moins de 10 salaris.

Parmi les 56 % dentreprises qui ne proposent pas de couverture complmentaire sant leurs salaris, 28 % invoquent la trop petite taille de la structure pour lassumer. Le principal critre de choix du contrat est le bon rapport qualit / prix (31 %) ; pour 15 % des entreprises, le contrat est impos par la convention collective ou laccord de branche, tandis que 15 % choisissent leur organisme parce quil est le mme que celui qui couvre la prvoyance. Sil na pas t possible didentifier lorganisme gestionnaire pour lensemble des entreprises, lorsque cela a t possible, il savre que 51 % des entreprises ont opt pour une mutuelle, 25 % pour une institution de prvoyance et 24 % pour une socit dassurance.

En 2009 toujours, prs des trois quarts (72 %) des entreprises proposant une complmentaire sant leurs salaris le font sur la base dun accord dtablissement ou dentreprise, contre 20 % seulement sur la base dun accord de branche ou de la convention collective qui leur est applicable (2).

Sagissant des accords de branches, daprs ltude dimpact associe au prsent projet de loi, seules 34 des 145 plus grandes branches en termes deffectifs

(1) Les donnes dtailles ci-aprs sont issues dun rapport de linstitut de recherche et documentation en

conomie de la sant (IRDES), n 1890 : Lenqute Protection sociale complmentaire dentreprise 2009 , juillet 2012.

(2) IRDES, rapport n 1890.

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proposent une couverture complmentaire sant leurs salaris. Au total, 64 branches (sur un total denviron 240) proposent une couverture complmentaire sant aux salaris de leurs secteurs, soit de lordre de 3,5 millions de salaris. Seuls 5 % de ces rgimes de branche couvrent les seuls cadres, les 95 % restants couvrant lensemble des salaris.

En moyenne, parmi les 34 branches professionnelles qui comptent plus de 10 000 salaris et qui ont mis en place un rgime de prise en charge complmentaire des frais de sant, la cotisation totale slve en moyenne 443 euros par an, soit 37 euros par mois. Dans 80 % de ces branches, lemployeur assume la charge de plus de la moiti du financement de la couverture.

La couverture collective dentreprise est aujourdhui inquitablement rpartie entre les salaris : en effet, seuls 58 % des ouvriers non qualifis et 53 % des employs du commerce sont couverts par un contrat collectif, contre 76 % des cadres. Daprs ltude dimpact associe au prsent projet de loi, la couverture des salaris temps partiel est galement plus faible que celle des salaris temps complet, respectivement 51 % et 68 %, et celle des salaris en contrat dure dtermine est plus faible que celle des salaris en contrat en dure indtermine, respectivement 25 % contre 66 %.

Le cas des PME/TPE

Pourquoi privilgier des accords de branche ? En particulier pour assurer une meilleure couverture complmentaire des TPE/PME, la couverture complmentaire sant collective ngocie au niveau de lentreprise tant souvent pointe du doigt comme tant lapanage des grandes ou trs grandes entreprises, en raison des cots dadhsion et des tarifs potentiellement plus levs auxquels sexposent les petites entreprises.

Certaines des branches couvertes par un accord instituant un rgime de complmentaire sant recouvrent des secteurs composs de trs petites structures de type commerce ou artisanat et o les salaires moyens pratiqus sont modestes : cest le cas de la boulangerie artisanale, de la coiffure, de la poissonnerie, de la pharmacie dofficine, de la charcuterie de dtail, des fleuristes ou encore du secteur des htels, cafs et restaurants, ce dernier secteur comptant 500 000 salaris.

Daprs une tude ralise en juillet 2012 par le Crdoc sur lquipement des TPE/PME en complmentaire sant (1), 74 % des entreprises de moins de 250 salaris ont mis en place une couverture complmentaire sant en leur sein, qui dans huit cas sur dix, est obligatoire. Dans 80 % des TPE/PME concernes, elle couvre tous les salaris, cadres comme non cadres et dans 90 % dentre elles, elle stend aux ayants droit (conjoint, famille), sans surcot dans la moiti des cas. Au total, 94 % des entreprises qui ont mis en place une telle couverture participent son financement, hauteur en moyenne de 53 % de son cot total. Enfin, dans six cas sur dix, la couverture complmentaire sant est mise en place par dcision prise au sein de lentreprise et non par obligation conventionnelle.

(1) Cette tude a port sur 900 entreprises de moins de 250 salaris.

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Daprs les donnes de la DREES, en 2009, 41,4 % des bnficiaires dun contrat collectif taient couverts par une institution de prvoyance, 38,5 % par une mutuelle et 20,2 % par une socit dassurance.

Parmi les 64 branches qui proposent aujourdhui une couverture complmentaire sant leurs salaris, on estime 80 % le nombre dentre elles qui ont dfini des garanties sur le fondement dune clause de prescription de lorganisme assureur. Dans un cas sur quatre, cette clause de prescription serait assortie dune clause de migration. Parmi les branches couvertes par un accord comportant une clause de prescription figurent : la coiffure, les poissonniers-dtaillants, les intermittents, lhabillement, les htels-cafs-restaurants, notamment. Ce sont donc souvent des branches qui couvrent de petites, voire trs petites entreprises, avec des salaris globalement faiblement rmunrs.

2. Le cadre juridique

La protection sociale complmentaire en entreprise recouvre aujourdhui deux volets : la prvoyance et la retraite. Les garanties complmentaire sant relvent de la premire catgorie : larticle L. 911-2 du code de la scurit sociale dfinit en effet les garanties collectives complmentaires des salaris comme incluant les risques portant atteinte lintgrit physique de la personne ou lis la maternit .

Les couvertures complmentaires sant collectives sont soumises aux rgles gnrales applicables en matire de protection sociale complmentaire, figurant aux articles L. 911-1 L. 914-4 du code de la scurit sociale, aux dispositions du code du travail sagissant de la ngociation collective et des accords collectifs qui les encadrent, ainsi quaux dispositions spcifiques aux oprations de prvoyance prvues par la loi n 89-1009 du 31 dcembre 1989 renforant les garanties offertes aux personnes assures contre certains risques.

Conformment lensemble des autres garanties collectives complmentaires (garantie dcs, incapacit de travail, invalidit ou retraite), aux termes de larticle L. 911-1, une couverture complmentaire sant collective est institue soit par voie de convention ou daccord collectif, soit par la ratification la majorit des salaris intresss dun projet daccord propos par le chef dentreprise, soit enfin, par dcision unilatrale de lemployeur remise par crit chacun des salaris intresss. Toutefois, dans ce dernier cas, larticle 11 de la loi du 31 dcembre 1989 prvoit expressment la possibilit pour le salari dj prsent dans lentreprise de refuser dadhrer au systme de prvoyance mis en place par lemployeur.

Une couverture complmentaire sant collective peut donc tre facultative pour lentreprise, mais elle peut galement lui tre impose par une convention ou un accord collectif interprofessionnel, de branche ou professionnel.

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En cas de rgime simposant obligatoirement lentreprise, lemployeur est responsable de la bonne excution de son obligation.

Ainsi, des accords de branche par exemple peuvent tre conclus qui vont simposer aux entreprises en relevant. Mais plusieurs cas de figure coexistent :

laccord peut se borner fixer un niveau de financement consacrer des garanties librement choisies par lentreprise ;

laccord peut dfinir des garanties en laissant lentreprise le choix des moyens.

laccord peut galement mettre en place un vritable rgime, en fixant prestations et cotisations et en dsignant un organisme assureur charg de mutualiser les risques pour lensemble des entreprises de la branche professionnelle.

Un accord de branche ou professionnel instaurant une mutualisation des risques sapplique obligatoirement lentreprise qui en relve, celle-ci se contentant dadhrer lorganisme quil dsigne (article L. 912-1). Conformment larticle L. 2253-3 du code du travail qui renvoie cette disposition spcifique du code de la scurit sociale, la convention ou laccord dentreprise ou dtablissement ne peut pas droger aux garanties collectives prvues par une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel instaurant une mutualisation des risques. Qui plus est, lorsquune convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel prvoyant une mutualisation des risques et organisant la couverture auprs dun ou plusieurs organismes assureurs vient sappliquer une entreprise dj couverte par un contrat avec un organisme assureur diffrent pour garantir les mmes risques un niveau quivalent, celle-ci doit adapter son systme en consquence (article L. 912-1 du code de la scurit sociale qui lui-mme renvoie larticle L. 2253-2 du code du travail), ce qui lui impose de changer dorganisme assureur, comme en a jug la Cour de cassation en octobre 2007.

En tout tat de cause, lacte juridique qui institue la protection complmentaire sant dans lentreprise, quil sagisse dun accord (dentreprise, professionnel, de branche ou interprofessionnel), dun accord ratifi ou dune dcision unilatrale de lemployeur , dfinit les garanties accordes et les modalits de financement et de gestion du rgime.

Lorsquil comporte une clause de prescription du ou des organismes assureurs garantissant la couverture des risques, il doit galement inclure une clause de rexamen du choix du ou des organismes dsigns, ainsi que des modalits dorganisation de la mutualisation des risques lorsquil sagit dun accord de branche ou interprofessionnel. La priodicit de ce rexamen ne peut excder cinq ans (articles L. 912-1 et L. 912-2) (1).

(1) On notera galement quaucune discrimination fonde sur le sexe ne peut figurer dans cet acte juridique

fondateur peine de nullit, cette interdiction ne faisant toutefois pas obstacle aux dispositions relatives la protection de la femme au titre de la maternit (article L. 913-1).

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En outre, le comit dentreprise est obligatoirement inform et consult pralablement la mise en place dans lentreprise dun rgime de protection sociale complmentaire ou la modification de ce dernier.

Aux termes de larticle 1er de la loi de 1989 prcit prcite, la gestion dune complmentaire sant collective est confie lun des trois types dorganismes habilits : socits dassurance, institutions de prvoyance ou mutuelles. Les premires sont rgies par le code des assurances, les deuximes par le code de la scurit sociale et les troisimes par le code de la mutualit.

3. Les avantages fiscaux et sociaux attachs aux contrats collectifs

Lensemble des avantages fiscaux et sociaux attachs aux contrats collectifs complmentaires sant sont conditionns leur caractre obligatoire (1) et leur conformit la dfinition des contrats dits responsables .

En effet, depuis la loi portant rforme de lassurance maladie daot 2004, les contrats complmentaires sant doivent, pour bnficier de lexonration fiscale et sociale, respecter un certain nombre dobligations et dinterdictions de prise en charge. Il sagit de la condition de ce que lon appelle dsormais communment les contrats responsables et solidaires .

Les contrats responsables

Larticle L. 871-1 du code de la scurit sociale rserve le bnfice de lexemption de lassiette des cotisations sociales aux contrats qui :

ne prennent pas en charge la participation forfaitaire de 1 euro sur les consultations, les actes mdicaux et les actes de biologie mdicale, pas plus que la franchise annuelle de 0,5 euro par bote de mdicaments, 0,5 euro par acte paramdical pratiqu hors de lhpital et 2 euros par recours au transport sanitaire, sauf transport durgence ;

excluent la prise en charge de la majoration de participation des assurs en cas de non-respect du parcours de soins, et qui est gale 20 % du ticket modrateur dans la limite de 5 euros par acte pour les actes suprieurs 25 euros, ainsi que les dpassements dhonoraires sur les actes cliniques et techniques des spcialistes consults hors parcours de soins hauteur au moins du montant du dpassement autoris sur les actes cliniques ;

prennent en charge au moins 30 % du tarif opposable des consultations du mdecin traitant, au moins 30 % des mdicaments vignette blanche (rembourss 65 % par lassurance maladie obligatoire), au moins 35 % du tarif de base de lassurance maladie obligatoire pour les frais danalyses ou de laboratoire, ainsi que 100 % du ticket modrateur dau moins deux prestations de prvention choisir sur la liste tablie par le ministre charg de la sant.

(1) Le bnfice de lexemption de lassiette des contributions patronales est rserv, depuis lentre en vigueur

de la loi du 21 aot 2003 portant rforme des retraites, aux rgimes de protection sociale complmentaire caractre collectif (bnficiant lensemble des salaris ou une partie dentre eux) et obligatoire .

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Pour lentreprise et pour les salaris :

Sagissant de lemployeur :

les rgles gnrales applicables la dductibilit de certaines charges du bnfice imposable permettent aux entreprises de dduire lensemble des cotisations ou primes (contribution salariale et patronale) verses aux rgimes de prvoyance complmentaire de leur rsultat imposable.

aux termes de larticle L. 242-1 du code de la scurit sociale, les seules contributions des employeurs sont exemptes de lassiette des cotisations sociales dans la limite de 6 % du plafond annuel, soit 2 221,92 euros en 2013, et de 1,5 % de la rmunration soumise cotisations, le bnfice total ne pouvant excder 12 % du plafond, soit 4 443,84 euros en 2013. Daprs les donnes fournies par lannexe 5 au projet de loi de financement de la scurit sociale pour 2013, lassiette exempte en 2011 reprsente 12,7 milliards deuros au titre de la prvoyance complmentaire.

Nanmoins, depuis le 1er janvier 2012, les contributions patronales aux rgimes de prvoyance complmentaire sont soumises au forfait social, hauteur de 8 % pour la part exonre de cotisations sociales, sauf lorsquelles sont verses au bnfice de salaris, anciens salaris de leurs ayants droit par des employeurs de moins de 10 salaris.

Le bnfice de lexemption de lassiette des cotisations sociales est rserv, depuis lentre en vigueur de la loi du 21 aot 20003 portant rforme des retraites, aux rgimes de protection sociale complmentaire caractre collectif et obligatoire .

Sagissant du salari, aux termes du 4 du II de larticle 156 du code gnral des impts, lensemble des cotisations (incluant les versements de lemployeur) verses dans le cadre dun rgime de prvoyance obligatoire sont admises en dduction pour ltablissement de lassiette de limpt sur le revenu, dans la limite de 7 % du plafond annuel de la scurit sociale, soit 2 592,24 euros en 2013 et 3 % de la rmunration annuelle brute, sans que le total ne puisse excder 3 % de huit fois le plafond, soit un montant maximal dductible de 8 887,68 euros en 2013. (Cet avantage ne sapplique pas aux contrats facultatifs, sauf pour le cas du maintien, pour neuf mois, des garanties au profit des anciens salaris au chmage).

Pour les organismes gestionnaires :

Pour la gestion de leur protection sociale complmentaire, les entreprises doivent sadresser lun des trois types dorganismes habilits sur ce march : socits dassurance, institutions de prvoyance ou mutuelles. Lorsquil sagit de contrats souscrits auprs dune socit dassurance, on parle de contrats dassurance de groupe, qui sont, aux termes du 1 de larticle 998 du code gnral des impts, exonrs de la taxe spciale sur les conventions dassurances,

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condition que moins de 20 % de la prime ou de la cotisation globale soit affecte au remboursement de soins de sant (ce qui ne concerne donc thoriquement pas les contrats complmentaire sant ).

En outre, les contrats dassurance maladie complmentaires collectifs et obligatoires sont soumis la taxe sur les conventions dassurances au taux de 7 % depuis le 1er octobre 2011 (contre 3,5 % auparavant) la condition que les cotisations ou les primes ne soient pas fixes en fonction de ltat de sant de lassur et que ces garanties respectent les conditions mentionnes larticle L. 871-1 du code de la scurit sociale dj cit.

On notera que les cotisations dassurance maladie complmentaire sont galement soumises une taxe de solidarit additionnelle de 6,27 % au profit du Fonds pour le financement de la couverture maladie universelle complmentaire (Fonds CMU).

* * *

Dans son rapport annuel sur la scurit sociale de 2011, la Cour des comptes estimait entre 1,6 et 1,75 milliard deuros la perte de recettes pour la scurit sociale lie lexemption de lassiette des cotisations des primes verses au titre des contrats collectifs obligatoires, et entre 575 et 661 millions deuros la dpense fiscale rsultant de lexemption de lassiette de limpt sur le revenu de la cotisation pour les salaris. Elle na pas chiffr le cot rsultant de la dductibilit du rsultat imposable de la cotisation verse par lemployeur, celle-ci pouvant tre considre comme une modalit de calcul de limpt. Au total, ce sont donc entre 2,18 et 2,41 milliards deuros de pertes de recettes fiscales et sociales qui sont gnres par ce dispositif dexonrations. Ces montants sont mme ports entre 2,9 et 4 milliards deuros en tenant compte des exonrations de contributions sociales dont bnficient par ailleurs ces contrats (au titre par exemple, de la retraite complmentaire et de lassurance chmage), si lon neutralise donc toujours la dpense fiscale au titre du bnfice imposable de lentreprise.

4. Les enjeux de la gnralisation de la couverture complmentaire sant dentreprise

Les dispositions prvues par laccord du 11 janvier, dont la traduction lgislative est porte par larticle 1er du prsent projet, doivent permettre de couvrir les 414 000 salaris qui ne disposeraient lheure actuelle daucune couverture complmentaire. Ces nouvelles garanties permettront galement de couvrir leurs potentiels ayants-droit. Au-del, laffiliation obligatoire des salaris une couverture collective dentreprise va gnrer un transfert des salaris aujourdhui couverts par une assurance individuelle vers la couverture collective dentreprise. Ensuite, les salaris qui ont aujourdhui accs la couverture collective de leur conjoint fonctionnaire vont vraisemblablement galement tre

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amens basculer dans le rgime de la couverture collective obligatoire dentreprise. Enfin, on peut faire lhypothse quun certain nombre de salaris aujourdhui ayants droit de la couverture complmentaire de leur conjoint salari deviendront directement assurs auprs de leur propre entreprise.

Au total, le dport vers lassurance complmentaire collective dentreprise organis par la gnralisation de la couverture dentreprise pourrait concerner entre 24 % et 34,7 % des salaris. Cette dernire hypothse est haute, puisquelle repose sur le postulat du basculement de lensemble des salaris ayants droit dun conjoint salari vers leur propre couverture dentreprise. Autrement dit, entre 4,32 et 6,25 millions de salaris pourraient tre concerns par lextension du champ de la couverture complmentaire sant dentreprise.

Le transfert vers lassurance collective obligatoire dune partie des salaris aujourdhui couverts par une assurance individuelle prsente un certain nombre davantages ; il est aussi gnrateur dun cot important pour la collectivit.

Du point de vue du cot pour lassur de la couverture complmentaire sant , toutes choses gales par ailleurs, les contrats collectifs cotent 6 euros de moins par personne et par mois que les contrats individuels, hors prise en compte des avantages lis pour les couvertures collectives, la prise en charge dune partie de la prime par lemployeur et la dduction par le salari de lensemble des cotisations verses de son revenu imposable (1). En outre, toujours daprs la mme tude, les garanties proposes sont souvent plus larges en collectif quen individuel.

La couverture collective prsente galement lavantage de permettre une mutualisation des risques, une chelle particulirement large lorsque cette couverture est assure au niveau de la branche : en effet, laffiliation dun grand nombre de salaris au sein dun secteur dactivit permet de rduire les effets danti-slection bien connus sur le march de lassurance ; en outre, les branches disposent dune masse critique suffisante pour obtenir des conditions de garanties que ne peuvent ngocier leur niveau des entreprises, a fortiori les plus petites dentre elles, et encore moins un individu isol. Plus le champ de la couverture est large, comme cest le cas dune couverture de branche, plus la mutualisation des risques est donc importante.

Enfin, la logique de couverture sant de branche est cohrente si lon considre la spcificit des mtiers : lexemple souvent donn en la matire est celui de la boulangerie, dont laccord de branche organisant la couverture complmentaire sant permet de dvelopper des actions particulires de prvention spcifiques dans deux domaines, lasthme et la carie dentaire, deux pathologies particulirement prsentes dans ces mtiers. On pourrait a contrario considrer que des secteurs prsentant une dangerosit particulire ou une exposition certains risques spcifiques fassent lobjet de tarifications spcifiques

(1) DREES, tudes et rsultats, n 789, fvrier 2012.

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ce titre, ce qui alourdirait le cot de la couverture par rapport dautres filires professionnelles : cela reste nanmoins vrai aussi lchelle dune entreprise dont les salaris seraient exposs des risques particuliers.

La gnralisation de la couverture complmentaire pour les salaris et le transfert quelle entrane vers une couverture collective dune partie des salaris aujourdhui couverts par une assurance complmentaire individuelle gnre un cot important pour les finances publiques, en raison, on la vu, des avantages fiscaux et sociaux associs ces contrats.

Daprs ltude dimpact associe au projet de loi, le cot pour la scurit sociale de la gnralisation de la protection sociale complmentaire collective aux salaris serait compris entre 300 et 430 millions deuros, selon lhypothse dextension considre (soit 24 % des salaris, soit 34,7 % des salaris), au titre des exonrations de cotisations sociales. Le mcanisme de portabilit des droits sur douze mois se traduirait quant lui par un cot supplmentaire compris entre 75 et 110 millions deuros pour la scurit sociale.

Sagissant de ltat, le manque gagner stablirait entre 1,175 milliard deuros et 1,56 milliard deuros au titre de la dduction des cotisations verses de lassiette de limpt sur le revenu qui bnficie au salari et de la dduction de lassiette de limpt sur les socits qui bnficie lemployeur.

Au total, les pertes de recettes pour les finances publiques sont estimes entre 1,5 et 2,1 milliards deuros.

B. LA GNRALISATION DE LA COUVERTURE COMPLMENTAIRE SANT DENTREPRISE PRVUE PAR LARTICLE 1ER

Pour assurer la gnralisation de la couverture complmentaire collective sant , la ngociation daccords de branche est privilgie par le projet de loi ; ce nest quen labsence de tels accords quune ngociation dentreprise prendra ensuite le relais. lchance du 1er janvier 2016, en labsence daccord de branche ou dentreprise, lobligation de couverture devenant effective, les entreprises seront tenues de mettre en uvre une telle couverture par voie unilatrale.

1. Par dfaut, la mise en place dune couverture complmentaire collective a minima compter du 1er janvier 2016

Le 1 du II de larticle complte le chapitre premier du titre premier du livre IX du code de la scurit sociale. Il sagit des dispositions du code consacres la protection sociale complmentaire et supplmentaire des salaris et non-salaris et aux institutions caractre paritaire, en loccurrence de la dtermination des garanties complmentaires des salaris en matire de protection sociale.

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Un nouvel article L. 911-7 prvoit lobligation pour les entreprises qui ne seraient pas couvertes la date du 1er janvier 2016 par un accord de branche ou dentreprise organisant une couverture complmentaire sant collective et obligatoire dont les garanties seraient aussi favorables que celles prvues par ce mme article, doffrir une telle couverture leurs salaris par voie unilatrale.

Autrement dit, la couverture complmentaire minimale dfinie par larticle L. 911-7 devra obligatoirement tre mise en uvre au 1er janvier 2016 au sein des entreprises qui ne seraient pas couvertes par un accord de branche et nauraient pas russi faire aboutir la ngociation dun accord leur niveau ou encore des entreprises dpourvues de dlgu syndical dans lhypothse toujours o aucun accord de branche ne serait intervenu cette date. Elle aura galement potentiellement vocation sappliquer des entreprises couvertes par une complmentaire dont les garanties sont infrieures celles dsormais requises, que ces garanties soient prvues par accord de branche ou dentreprise. Dans lhypothse o une entreprise serait dj couverte par le biais dune dcision unilatrale de lemployeur, il conviendr


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