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Direction Bibliothèque, n° 2/2000Recherche et Documentation

R E F L E T S

Informations rapides sur les développements juridiquesprésentant un intérêt communautaire

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Table des matières

A. Jurisprudence

I. Juridictions européennes et internationales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 1

II. Juridictions nationales . . . . . . . . . . . . . . . p. 7

B. Pratique des organisations internationales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 23

C. Législations nationales . . . . . . . . . . . . . . . . . p. -

D. Echos de la doctrine . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 28

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Les textes et documents auxquels se réfèrent les informations relevéesci-après sont normalement extraits de publications disponibles à labibliothèque de la Cour.

Les références figurant sous les décisions de jurisprudence (IA/...,QP/..., etc.) renvoient aux numéros de dossier dans les bases internesDEC. NAT. et CONVENTIONS. Les dossiers relatifs à ces décisionspeuvent être consultés au service recherche et documentation.

Les notes de jurisprudence reprises dans la rubrique D ont étérigoureusement sélectionnées. Un relevé exhaustif des notes publiéesfigure dans la base interne NOTES.

A. Jurisprudence

I. Juridictions européennes et internationales

Cour européenne des droits del'homme

Convention européenne des droits del'homme - Article 6, § 1 - Applicabilité à lafonction publique - Notion de "droits etcontestations de caractère civil" -Interprétation autonome de la notion de"fonction publique" - Adoption d'un critèrefonctionnel

La Cour EDH réunie en Grande Chambres'est prononcée sur la question del'applicabilité de l'article 6, § 1, de la CEDHaux litiges concernant les agents de lafonction publique. Le requérant avait étérecruté par le ministère français de laCoopération et du Développement en qualitéde coopérant-conseiller technique d'unministère de la Guinée équatoriale, et étaitchargé notamment, en tant que chef de projet,d'établir le budget des investissements del'État et de participer

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à l'élaboration du programme triennald'investissements publics. Au terme de cecontrat, le ministère français refusa deconclure avec lui un nouveau contrat decoopération, au motif qu'il avait été déclaréinapte à servir à l'étranger à l'issue d'unexamen médical. Le requérant contesta cettedécision devant la juridiction administrative

française. Introduite le 16 mai 1990, laprocédure était toujours pendante devant lacour d'appel de Paris au moment duprononcé de l'arrêt de la Cour EDH, soit plusde 9 ans plus tard. Le requérant avait saisi laCommission européenne des droits del’homme, se plaignant de ce que sa causen'avait pas été entendue dans un délai

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raisonnable au sens de l'article 6, § 1, de laCEDH.

La Cour EDH, après avoir examiné l’état dela jurisprudence concernant l'applicabilité decette disposition aux contestations soulevéespar les agents de l'État au sujet de leurconditions de service, a estimé nécessaire,afin de mettre un terme à l'incertitude enrésultant pour les États contractants quant àl’étendue de leurs obligations, de dégagerune interprétation autonome de la notion de"fonction publique" permettant d'assurer untraitement égal des agents publics occupantdes fonctions équivalentes, quelle que soit lanature - contractuelle ou statutaire - durapport juridique existant entre ceux-ci etl'administration. Elle a proposé de retenir àcette fin un critère fonctionnel, fondé sur lanature des fonctions et des responsabilitésexercées par l'agent. La Cour EDH a ainsidécidé que:

"Sont seuls soustraits au champ d'applicationde l'article 6, § 1, de la Convention leslitiges des agents publics dont l'emploi estcaractéristique des activités spécifiques del'administration publique dans la mesure oùcelle-ci agit comme détentrice de lapuissance publique chargée de la sauvegardedes intérêts généraux de l'État ou des autrescollectivités publiques. Un exemplemanifeste de telles activités est constitué parles forces armées et la police. En pratique, laCour examinera, dans chaque cas, si l'emploidu requérant implique - compte tenu de lanature des fonctions et des responsabilitésqu'il comporte - une participation directe ouindirecte à l'exercice de la puissancepublique (...). Dès lors, la totalité des litigesopposant à l'administration des agents quioccupent des emplois impliquant uneparticipation à l'exercice de la puissancepublique échappent au champ d'applicationde l'article 6, § 1 (...). Les litiges en matièrede pensions, quant à eux, relèvent tous dudomaine de l'article cité, parce que, une foisadmis à la retraite, l'agent a rompu le lienparticulier qui l'unit à l'administration; il setrouve dès lors (...) dans une situation qui est

tout à fait comparable à celle d'un salarié dedroit privé" (points 66 et 67).

Constatant qu'en l'espèce, le requérant étaitassujetti à des obligations spécifiquesinhérentes au caractère de service public, laCEDH en a conclu que l'article 6, § 1, netrouvait pas à s'appliquer dans son cas.

Cour européenne des droits de l'homme,arrêt du 08.12.99, Pellegrin/France

IA/19320-A

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Convention européenne des droits del'homme - Droit à un procès équitable -Procédure - Absence de communication desconclusions du commissaire duGouvernement - Requête fondée surl'article 6, § 1 - Recevabilité - Renvoi à laGrande Chambre

La Cour EDH a déclaré recevable sousl'angle de l'article 6, § 1, de la CEDH, larequête introduite contre la France par uneressortissante française se plaignant den’avoir pas bénéficié d’un procès équitableen raison de l’impossibilité d’obtenir lacommunication des conclusions ducommissaire du Gouvernementpréalablement à l’audience devant le Conseild’État et d’y répliquer à l’audience. Victimed'accidents vasculaires ayant entraîné uneinvalidité de 90% par suite d'uneintervention chirurgicale subie aux Hospicescivils de Strasbourg, la requérante avaitintroduit une demande en indemnité devantle tribunal administratif de Strasbourg. Sademande fut rejetée, de même que sonrecours devant la cour administratived’appel. Dans le pourvoi en cassation devantle Conseil d'État, elle faisait valoir qu'ellen'avait pas eu connaissance des conclusionsdu commissaire du Gouvernement avant quecelui-ci ne les prononce à l'audience,puisqu'elle avait épuisé son temps de parole.Le Conseil d’État rejeta ce pourvoi. La CourEDH, saisie à son tour, a déclaré la requêterecevable et s’est dessaisie au profit de laGrande Chambre.

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Selon une note d'information publiée par laCour EDH, “le dessaisissement est certespréconisé en raison de la portée de l'arrêt àrendre pour la France, mais aussi en raisonde l'intérêt particulier que revêt le grief auregard du droit communautaire. En effet,l'avocat général devant la Cour de justicedes Communautés européennes est uneinstitution fortement inspirée ducommissaire du Gouvernement français, ildevrait donc être exposé aux mêmescritiques. Or la CJCE, par une ordonnancedu 4 février 2000 [Aff. C-17/98, EmesaSugar, ndlr], a rejeté un grief semblable àcelui de la présente affaire et relatif au rôlede son avocat général" (note d’informationnº 15 sur la jurisprudence de la Cour EDH,février 2000, www.echr.coe.int.).

Ce n'est pas la première fois que la CourEDH a eu la possibilité de s'exprimer sur ceproblème. En effet, dans les arrêts des 31mars 1998 (Reinhardt et Slimane-Kaïd/France, IA/19626-A) et du 25 janvier2000 (Slimane-Kaïd/France, IA/19625-A)mettant en cause la procédure suivie devantla Cour de cassation française en matièrecriminelle, la Cour EDH a constaté uneviolation de l'article 6, § 1, de la CEDH, parle fait que ni le rapport du conseiller-rapporteur ni les conclusions de l'avocatgénéral n'avaient été communiquées auxrequérants avant l'audience. Dans le premierarrêt, la Cour a considéré que lacommunication du rapport et du projetd'arrêt rédigés par le conseiller-rapporteur auseul avocat général avait, eu égard àl'influence que ce dernier est susceptibled'exercer sur la décision, créé au détrimentdes requérants un déséquilibre incompatibleavec la notion de procès équitable. Elle aégalement déploré le fait que les conclusionsde l'avocat général n'avaient pas étécommuniquées aux parties. Dans l'arrêt du25 janvier 2000, la Cour a constatéqu'aucune évolution ne semblait êtreintervenue dans la procédure suivie par lachambre criminelle et s’en est donc tenueaux conclusions auxquelles elle étaitparvenue dans l'arrêt du 31 mars 1998.

Cour européenne des droits de l'homme,troisième section, décision sur la recevabilitédu 29.02.00, Kress/France

IA/19628-A

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Convention européenne des droits del'homme - Droit d'accès à un tribunal -Contestations sur des droits et obligations decaractère civil - Décision du Conseil fédéralsuisse autorisant la prolongation du permisd'exploitation d'une centrale nucléaire -Absence de recours devant un tribunalindépendant - Violation de l'article 6, § 1 -Absence

Dans son arrêt du 6 avril 2000, la Cour EDHa jugé que l'article 6, § 1 de la CEDH nes'appliquait pas à une affaire pendantedevant le Conseil fédéral suisse concernantla prolongation de l'autorisationd'exploitation pour une durée illimitée d'unecentrale nucléaire située dans cet État. Lesrequérants, ressortissants suisses résidantdans les communes avoisinant la centrale,alléguaient n’avoir pas eu accès à un tribunalau sens de l’article 6, § 1, de la CEDH pourcontester la décision du Conseil fédéral deprolonger l’autorisation d’exploitation decelle-ci. A l’origine, plus de 18.400 recoursavaient été introduits auprès du Conseilfédéral, l’invitant à rejeter la demande deprolongation formulée par la société privéeexploitant la centrale et à ordonner lafermeture immédiate et définitive de celle-ci. Ils invoquaient les atteintes à leurs droitsà la vie, à l’intégrité physique et au respectde leurs biens, que la prolongation del’autorisation d’exploitation risquaitd’occasionner. L’ensemble de ces recoursavaient été rejetés par le Conseil fédéral.Devant la Cour EDH, les requérantsreprochaient au droit suisse de ne leur avoiroffert aucun recours judiciaire pour contesterla légalité de cette décision.

La Cour EDH a rappelé tout d’abord quel’article 6, § 1, de la CEDH consacre le droitd’accès à un tribunal pour toute contestationréelle et sérieuse relative à des droits etobligations de caractère civil reconnus par ledroit interne, pour autant que l’issue de la

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procédure soit déterminante pour le droit enquestion (point 43). En l’espèce, la CourEDH a estimé que les requérants n’avaientpas établis être exposés à un danger précis etimminent et que, par conséquent, le lienentre la décision contestée et les droitsreconnus par l’ordre interne et revendiquéspar les requérants était trop ténu au regard del’article 6, § 1, CEDH. Répondant ensuite àl’argument des requérants selon lequel seulsles tribunaux possèdent l’indépendancenécessaire pour juger des risques afférents àl’exploitation de centrales nucléaires, laCour a estimé que :

"C'est à chaque État contractant de décider,selon son processus démocratique, commentréglementer au mieux l'utilisation del'énergie nucléaire. On ne saurait interpréterl'article 6, § 1 comme dictant un schémaplutôt qu'un autre. Cette disposition exigeque toute personne ait accès à un tribunallorsqu'elle a un grief défendable relatif à uneingérence prétendument illégale dansl'exercice de l'un de ses droits (de caractèrecivil) reconnus dans l'ordre juridique interne.A cet égard, le droit suisse donnait auxrequérants la possibilité de contester lerenouvellement de l'autorisationd'exploitation en invoquant les motifsénoncés à l'article 5 de la loi fédérale surl'énergie atomique (ndlr: la protection despersonnes, des biens d’autrui ou de droitsimportants). En revanche, quant à laprolongation du permis et à l'exploitation dela centrale nucléaire à l'avenir, il ne leurconférait aucun droit en dehors de ceuxprévus par le code civil en matière denuisances d'expropriation de fait. (...) Laprocédure devant le Conseil fédéral n'a pas"décidé" d'une contestation sur des “droitsde caractère civil” - par exemple les droits àla vie, à l’intégrité physique et au respect desbiens - que l'ordre juridique suisse conféraità chacun des requérants. Partant, l'article 6,§ 1 ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce.”(Points 54 et 55)

Cour européenne des droits de l'homme,arrêt du 06.04.00, Athanassoglou e.a./ Suisse

IA/19627-A

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Cour de justice de l'UEMOA

Union économique et monétaire ouestafricaine - Fonction publique - Régimejuridique - Sources d'inspiration -Jurisprudence de la Cour de justice desCommunautés européennes

Dans un des premiers arrêts qu'elle a rendus,la Cour de justice de l'Union économique etmonétaire ouest africaine (UEMOA) aexaminé les sources du droit de la fonctionpublique de l'UEMOA. Saisie d'un recoursen annulation introduit par un ancien Agentstagiaire de la Commission de l'UEMOA,qui y avait occupé le poste de chef de ladivision de la communication et de ladocumentation, et dirigé contre la décisionpar laquelle il avait été mis fin à sesfonctions à l'issue du stage probatoire, laCour a d'abord examiné les textes régissantle droit de la fonction publique de l'Union,notamment l'article 33, alinéa 2 du traitéinstituant l'UEMOA et le Statut desfonctionnaires.

La Cour a ensuite considéré :"Qu'il faut indiquer en outre que le régimejuridique des fonctionnaires de l'UEMOAapparaît beaucoup devoir à ceux de nosfonctions publiques nationales, eux-mêmeslargement inspirés de celui de la fonctionpublique française dont les États membresde l'Union, à l'exception de la Guinée-Bissau, se sont approprié les principescomme héritage de la raison écrite ;Que cela explique que, au-delà du cadrejuridique ci-dessus fixé, l'analyse desquestions posées puisse être appuyée sur ladoctrine et la jurisprudence francophones oud'inspiration française, en ce qui pourra êtreconsidéré comme universel, de même quesur la jurisprudence des tribunauxadministratifs internationaux relative à lamatière, mais en particulier celle de la Courde justice des Communautés européennesqui présente quant au fond, de fortessimilitudes avec le contentieux français de lafonction publique; "

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En l'espèce, la Cour a fait droit à la demandedu requérant et annulé la décision litigieusepour violation de formalités substantielles.

Rappelons que les États fondateurs del'UEMOA étaient, en 1994, le Bénin, leBurkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Mali, leNiger, le Sénégal et le Togo, et que laGuinée-Bissau y a adhéré en 1997.

Cour de justice de l'UEMOA, arrêtdu 25.06.98, nº 2, Sacko / Commission del'UEMOA

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Tribunal international du droit de lamer

Convention des Nations Unies sur le droitde la mer - Règlement des différends -Demande de mainlevée de l’immobilisationd’un navire ordonnée par les autorités d'unÉtat membre - Fixation du montant de lacaution

Dans le premier arrêt mettant en cause unÉtat membre des Communautéseuropéennes, le Tribunal international dudroit de la mer a, en vertu de l’article 292 dela Convention des Nations Unies sur le droitde la mer, ordonné la prompte mainlevée del’immobilisation d’un navire inscrit auregistre du Panama, qui avait été arraisonnéen septembre 1999 par la Marine françaisepour pêche illicite dans la zone économiqueexclusive des Îles Crozet, situées en terresaustrales et antarctiques françaises, etescorté jusqu’à l’île de la Réunion.Rappelons que tant les États membres que laCommunauté européenne sont partie à laConvention (JO L 179/1998, p. 3). Quant àla procédure prévue à l’article 292 précité,elle consiste à obtenir, moyennant le dépôtd’une garantie financière, la mainlevée del’immobilisation du navire et la mise enliberté de son équipage, pour des raisonsd’humanité et afin d’éviter des pertes

financières indues. Elle ne porte pas sur lefond du litige et se déroule sans préjudice dela suite qui sera donnée à toute action devantla juridiction nationale compétente de l’Étatqui a immobilisé le navire.

Suite à la décision du Tribunal d’instance deSaint-Paul (Réunion) confirmantl’immobilisation du navire et ordonnant quela mainlevée soit soumise au payementpréalable d’une caution de 20 millions defrancs français, le Panama avait saisi leTribunal international du droit de la mer,demandant la mainlevée de l’immobilisationet la remise en liberté de son capitaine, denationalité espagnole, placé sous contrôlejudiciaire à la Réunion. Amené à seprononcer sur le caractère raisonnable de lacaution, le Tribunal, prenant enconsidération la gravité des infractionscommises, les pénalités imposées oupouvant l’être par la législation française, lavaleur du navire et de sa cargaison ainsi quele montant et le type de caution exigés, adécidé de soumettre la mainlevée à lacondition du versement préalable d’unecaution de 8 millions de francs français sousforme d’une garantie bancaire.

Tribunal international du droit de la mer,arrêt du 07.02.00, Panama v France. Le texteintégral des arrêts du Tribunal est disponiblesur le site Internet des Nations Unies àl'adresse suivante :http//www.un.org/Depts/los

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II. Juridictions nationales

1. États membres

Allemagne

Aides accordées par les États - Récupérationd'une aide illégale - Recours en annulationdevant la juridiction nationale - Rejet après

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arrêt préjudiciel de la Cour - Recoursconstitutionnel - Rejet - Primauté du droitcommunautaire

D a n s l ’ a f f a i r e A l c a n , l eBundesverfassungsgericht a refusé de juger lerecours constitutionnel dirigé contre l’arrêt duBundesverwaltungsgericht rendu à la suite del’arrêt préjudiciel de la Cour du 20 mars 1997(C-24/95, Alcan Deutschland, Rec. 1997, p. I-1591), au motif qu’il n’y avait pas de violationdes principes constitutionnels de sécuritéjuridique et de confiance légitime.

Conformément à l'arrêt de la Cour, leBundesverwaltungsgericht avait rejeté endernière instance le recours de la requéranteen annulation de la décision du Land deRhénanie-Palatinat lui imposant la restitutionde l'aide jugée illégale qui lui avait été versée.Soulignant le caractère obligatoire de lad é c i s i o n d e l a C o u r , l eBundesverwaltungsgericht a constaté quel'autorité nationale compétente était tenue deretirer la décision d'octroi d'une aide attribuéeen violation du droit communautaire et derécupérer l'aide versée, même si le droitallemand exclut une telle récupération enraison de l'expiration du délai prévu à cet effetet en l'absence d'un enrichissement dub é n é f i c i a i r e d e l ' a i d e . L eBundesverwaltungsgericht a considéré parailleurs non-fondé le raisonnement de larequérante selon lequel la Cour de justiceaurait dépassé les compétences que luiaccorde le traité et se serait substituée aulégislateur. Il a constaté en effet que la Cours'était limitée à concrétiser sa jurisprudenceantérieure selon laquelle la récupération d'uneaide versée en violation du droitcommunautaire doit se faire dans les termes etselon les procédures du droit national pourvuque ces règles nationales ne rendent pas larécupération de l'aide impossible en pratique.S'agissant de l'argument de la défenderesseselon lequel la Cour aurait méconnu le droitfondamental au respect de la confiancelégitime, le Bundesverwaltungsgericht aestimé, d'une part, que la Cour avait respectéce principe en jugeant qu'un opérateuréconomique averti ne peut en principe avoirconfiance dans la légalité de l'aide qui lui a étéversée que lorsque celle-ci a été notifiée à laCommission en application de l'article 93,

paragraphe 3, du traité (devenu article 88,paragraphe 3, CE) et, d'autre part, que larequérante aurait pu, par la voie d'un recoursen annulation de la décision de la Commissionconstatant l'illégalité de l'aide, exposer lescirconstances particulières qui auraient pucréer une confiance digne de protection.

Le Bundesverfassungsgericht, saisi à son tourd’un recours constitutionnel contre cettedécision, a estimé que l’intérêt public de laCommunauté de mettre en oeuvre les règles deconcurrence communautaires devait être prisen considération dans le cadre d’une décisionconcernant la récupération d’une aide illégale.Il a considéré par ailleurs que leBundesverwaltungsgericht, en permettant larécupération de l'aide malgré l'écoulement dudélai prévu par la législation allemande,n'avait fait qu’appliquer le principe deprimauté du droit communautaire. Il a relevéégalement que la requérante aurait pus'apercevoir de l'illégalité formelle etmatérielle de l'aide au moment de sonversement ou attaquer la décision derécupération de la Commission devant le jugec o m m u n a u t a i r e . E n f i n , l eBundesverfassungsgericht a remarqué, d’unepart, que l'arrêt de la Cour ne faisaitqu'appliquer l'article 93, paragraphe 2, dutraité CE (devenu article 88, paragraphe 2,CE), en sorte que la question de savoir s'ils'agissait d'un acte dépassant les compétencesde la Communauté au sens de l'arrêt"Maastricht" du Bundesverfassungsgericht nese posait pas et, d’autre part, que cet arrêt selimitait au cas individuel sans créer une règlede droit administratif général.

Bundesverfassungsgericht, décision du17.02.00, 2 BvR 1210/98, InternationalesSteuerrecht 2000, p. 253

QP/02861-P2

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Sécurité sociale des travailleurs migrants -Assurance maladie - Incapacité de travail -Certificat délivré par le médecin du lieu derésidence ou de séjour - Force probante -Comportement frauduleux du travailleur -Suites de l’affaire Paletta

Reflets nº 2/2000 7

Le Landesarbeitsgericht Baden-Württembergvient de mettre fin, après plus de 10 ans deprocédure, à l’affaire Paletta, du nom dequatre membres d’une même familleoriginaire de Calabre en Italie et travaillantdans une fabrique de textile en Allemagne, quitous réclamaient, sur base de certificats demaladie établis par leur médecin de famille enCalabre ou par le médecin-contrôleur del’Unita Sanitaria Locale, le maintien de leursalaire pour une période d’incapacité detravail liée à une maladie survenue pendant ouimmédiatement après un congé annuel passédans leur pays d’origine. L’employeur et lacaisse de maladie concernés avaient refusé deverser les salaires, en raison de doutes quant àla réalité de l’incapacité de travail.

L’Arbeitsgericht Lörrach (Allemagne) saisi dulitige, avait déféré l’affaire devant la Cour endemandant entre autres si l’employeur, sur labase du règlement nº 574/72 fixant lesmodalités d’application du règlementnº 1408/71, était lié, en fait et en droit, par lesconstatations médicales effectuées parl’institution médicale du lieu de résidence oude séjour des intéressés, quant à la survenanceet la durée de l’incapacité. A la suite de l’arrêtde la Cour répondant par l’affirmative à cettequestion (arrêt du 3.06.92, Paletta I, C-45/90,Rec. I-3423), l’Arbeitsgericht avait condamnél’employeur au versement des salaires. LeLandesarbeitsgericht Baden-Württemberg,saisi par la suite dans un des quatre litiges,a v a i t c o n f i r m é c e t a r r ê t . L eBundesarbeitsgericht, saisi à son tour, avaitdemandé à la Cour, entre autres, de préciserson arrêt pour savoir si l’article 18 durèglement nº 574/72 interdit à l’employeurd’apporter les éléments de preuve permettantà la juridiction nationale de constaterl’existence d’un comportement abusif dans lechef du travailleur qui, bien qu’il fasse étatd’une incapacité de travail, n’aurait pas étémalade. La réponse affirmative de la Cour(arrêt du 2.05.96, Paletta II, C-206/94, Rec. I-2357,) a amené le Bundesarbeitsgericht àannuler l’arrêt du Landesarbeitsgericht et àrenvoyer l’affaire devant cette juridiction afinqu’elle procède à l’examen des élémentsproduits par l’employeur et visant à établir lecomportement frauduleux du travailleur. LeBundesarbeitsgericht a précisé qu’une tellepreuve pouvait être établie par des indices. Le

Landesarbeitsgericht a considéré, notamment,qu’étant donné que les périodes de maladiedes membres de la famille se recouvraientpartiellement d’une manière frappante,l’employeur avait prouvé le comportementabusif du travailleur. Invité par le tribunal àétablir la preuve contraire, ce dernier a offertd’invoquer le témoignage des médecins quiavaient, à l’époque, établi les attestationsd’incapacité de travail. Cependant, l’un deuxétait décédé tandis que l’autre ne se souvenaitplus des circonstances de l’affaire. LeLandesarbeitsgericht a donc rejeté la demandedu travailleur en paiement de salaire et a, parailleurs, refusé la possibilité de contester sadécision devant le Bundesarbeitsgericht. Saufrecours contre ce refus, le litige est doncterminé.

Landesarbeitsgericht Baden-Württemberg,arrêt du 9.05.00, 10 (11) Sa 85/97

QP/02763-P2

Belgique

Droit constitutionnel - Principe de séparationdes pouvoirs - Compétences du pouvoirjudiciaire - Limites - Demandes tendant à lacondamnation de l’État à introduire unrecours en annulation devant la Cour dejustice ou à prendre des mesures d’exécutionde décisions de la Commission -Rejet

Deux décisions en référé rendues dans le cadrede l’affaire de la dioxine rappellent les limitesde l’intervention du pouvoir judiciaire auregard du principe de séparation des pouvoirs.Dans la première affaire, le Président duTribunal de première instance de Bruxelles arejeté la demande formulée par unecinquantaine d’entreprises agricoles tendant,entre autres, à la condamnation de l’État belgeà introduire un recours en annulation devant laCour de justice contre les décisions nº 99/363et 99/368 de la Commission imposant desmesures de protection contre la contaminationpar la dioxine de certains produits d’origineanimale destinés à la consommation humaineou animale. Le Président du Tribunal a estiméqu’une telle demande touchait au principe deséparation des pouvoirs et a jugé que “le juge

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n’a pas le pouvoir d’obliger l’organe exécutifà exercer un recours”.

Dans la seconde affaire, concernant lademande introduite par un particulier agissantsur la base de son droit fondamental à la santéet à l’intégrité physique et tendant cette fois àentendre condamner l’État belge à prendre desmesures d’exécution des (mêmes) décisions dela Commission, le Voorzitter van de rechtbankvan eerste aanleg Brussel a jugé la demandecontraire au principe de séparation despouvoirs et à l’interdiction faite au pouvoirjudiciaire de se prononcer par voie dedispositions générales et réglementaires surles causes qui lui sont soumises:

“Een inwilliging van de vordering van eiserzou immers betekenen dat de rechter zich inde plaats van de wetgever zou stellen door teoordelen of de door eiser aangehaaldebeschikkingen al dan niet omgezet dienen teworden in het interne recht.[...] De rechterlijkemacht kan geen daden van openbaar bestuurstellen, noch oordelen over het beleid van dewetgevende of uitvoerende macht om concreteuitvoeringsmaatregelen te nemen.”

Président du tribunal de 1ère instance deBruxelles, juge des référés, jugementdu 30.06.99 Bivex e.a. / État belge,nº 99/858/CVoorzitter van de rechtbank van 1e aanlegBrussel, zetelend in kort geding, vonnis van21.06.99, Christiaens / Belgische Staat,nº 99/851/C

IA/19567-AIA/19568-A

Espagne

Communautés européennes - Privilèges etimmunités - Membres du Parlement européen- Poursuites pénales contre un parlementaireitalien - Non-application des immunitésreconnues aux parlementaires nationaux -Violation du principe de non discrimination -Absence

Le Tribunal Supremo a été saisi d’une affaireconcernant le refus d'appliquer à unparlementaire européen de nationalité

italienne les mêmes droits que ceux reconnusaux parlementaires espagnols. Leparlementaire italien concerné, poursuividevant la juridiction pénale de premièreinstance, invoquait le privilège de juridiction(aforamiento) prévu à l'article 71 de laConstitution espagnole, qui attribue auTribunal Supremo la compétence exclusivepour connaître des actions pénales intentéescontre les parlementaires nationaux, etréclamait le bénéfice de ce droit en applicationdu Protocole sur les privilèges et immunitésdes Communautés européennes.

Le Tribunal Supremo a considéré que le textede l'article 10 du Protocole est suffisammentclair en ce qu'il institue un double statut pourles parlementaires européens selon qu'ils setrouvent sur le territoire de leur Etat nationalou sur celui d’un autre Etat membre. Ainsi, cetarticle ne reconnaît le bénéfice des immunitésreconnues aux membres du parlement nationalqu'aux parlementaires de cet Etat. S'agissantde la règle de compétence invoquée par lerequérant, le Tribunal souligne qu'elle nerentre pas dans la notion d’immunité visée àl'article 10 du Protocole, concluant ainsiqu'elle ne peut être invoquée avec succès parles parlementaires européens non espagnols.Enfin, le Tribunal Supremo rejette égalementle moyen concernant une prétenduediscrimination en raison de la nationalité,déclarant que, si le système institué parl'article 10 donne lieu à une sorte dediscrimination, ce moyen ne peut être accueillidès lors que ce système trouve sa source dansle droit communautaire:

“Esta Sala no puede reinterpretar una normacomunitaria cuya significación es clara y suvigencia indiscutida dando lugar a unarecreación de la norma que desconozca ladiversidad de situaciones queridas por ésta,[...] sin que la invocación a los principios deDerecho Comunitario y en concreto al de nodiscriminación puedan operar porque es lapropia norma comunitaria la que previó ambassituaciones.”

Tribunal Supremo, Sala Segunda, de lo Penal,11.05.00, ref. 441/2, Silvio B. / MinisterioFiscal, Repertorio Aranzadi de Jurisprudencia2000

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IA/19820-A- - - - -

Communautés européennes - Privilèges etimmunités - Fonctionnaires et agents desCommunautés - Droit de réexporter unvéhicule en franchise - Champ d'applicationmatériel - Impôt spécial sur l’immatriculation- Inclusion

Le Tribunal Superior de Justicia de Madrid aconsidéré que l’impôt spécial espagnol surl'immatriculation des véhicules automobilesbénéficie de la franchise reconnue par l'article12, lettre e), du Protocole sur les privilèges etimmunités des Communautés européennesapplicable aux fonctionnaires et aux autresagents des Communautés européennes.

Selon le régime espagnol, l'impôt litigieux,dénommé "Impuesto Especial sobredeterminados Medios de Transporte", ne grèvepas l'importation du véhicule automobile, maisson immatriculation en Espagne. Le TribunalSuperior considère que l'article 12, lettre e), duProtocole sur les privilèges et immunités desCommunautés européennes doit être interprétéen ce sens que le droit prévu en faveur desfonctionnaires et autres agents desCommunautés européennes de réexporter levéhicule en franchise lors de la cessation deleurs fonctions s'étend également à cet impôt.Le Tribunal rejette ainsi l'argumentation del'administration espagnole, selon laquellel'article 12, lettre e), du Protocole se référeraitseulement à la TVA d'importation, et non àl'impôt litigieux qui ne grève pas l'importationdu véhicule. Le Tribunal a donc donné gain decause au requérant, ancien Membre de la Courde justice.

Tribunal Superior de Justicia de Madrid, Salade lo Contencioso-Administrativo, 08.03.00,Manuel Díez de Velasco Vallejo /Administración General del Estado

IA/19814-A

France

Conseil d’État - Procédure de demande d’avis- In te rp ré ta t ion de d isposi t ionscommunautaires faisant déjà l’objet d’unrenvoi préjudiciel à la Cour de justice - Refusdu Conseil d’État de se prononcer

Saisi, en vertu de l’article 12 de la loi nº 87-1127 du 31 juillet 1987, d’une demande d’avisportant sur l’interprétation de l’article 141 CEet des dispositions de la directive nº 79/7(CEE) relative à la mise en oeuvre progressivedu principe de l’égalité de traitement entrehommes et femmes en matière de sécuritésociale, le Conseil d’État a refusé de seprononcer sur la question posée.

Le code des pensions civiles et militaires deretraite français réserve aux seules femmes lapossibilité de faire valoir immédiatement leursdroits à la retraite lorsque leur conjoint estatteint d’une infirmité ou d’une maladieincurable le plaçant dans l’impossibilitéd’exercer une profession quelconque.Contestant la décision par laquelle il avait étéécarté du bénéfice de cette disposition, unrequérant a soulevé la question de lacompatibilité de la législation française avecle droit communautaire. Le tribunaladministratif compétent a décidé, ainsi que laloi l’y autorise, de transmettre cette demandeau Conseil d’État.

Après avoir constaté que l’interprétationsollicitée soulevait une difficulté identique àcelle à laquelle il s’était lui-même trouvéconfronté dans l’affaire Griesmar, s’agissantde la bonification pour enfants que le mêmecode réserve également aux femmes, leConseil d’État rappelle qu’il a, dans cetteaffaire, saisi la Cour de justice de la questionde savoir si le terme “rémunérations” visé àl’article 119 du traité CE (devenu article 141CE) doit être interprété en ce sens qu’ilenglobe des pensions de retraite telles quecelles qui sont servies en application du codedes pensions civiles et militaires de retraitefrançais, ou si ces pensions doivent êtreregardées comme des prestations de sécuritésociale régies par la directive nº 79/7 (Aff. C-366/99, actuellement pendante). Aussi, enconclut-il qu’“Il revient au tribunaladministratif (...) d’apprécier si, compte tenude ces éléments, il estime nécessaire pourrendre son jugement de saisir lui aussi la Cour

Reflets nº 2/2000 10

de justice des Communautés européennes,conformément à la possibilité qui lui estouverte par l’article 177 du traité CE (devenuarticle 234 CE), afin que celle-ci, après avoirtranché la question précitée, statue égalementsur la question de savoir si les règles de droitcommunautaire applicables font obstacles àune différence de traitement telle que celleinstituée par le 3 o du I de l’article L.24 ducode des pensions civiles et militaires deretraite”.

Conseil d’État, Section du contentieux, avis du04.02.00, M. Mouflin, req. nº 213321, Revuefrançaise de droit administratif, 2000, p. 468

IA/19866-A

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Accords internationaux - Accord européend'association avec la Pologne - Quatrièmeconvention de Lomé - Libre circulation destravailleurs - Interdiction de discriminationen raison de la nationalité - Effet direct -Interprétations divergentes

La Cour administrative d’appel de Nancy aannulé le jugement par lequel le Tribunaladministratif de Strasbourg avait rejeté lademande d’une joueuse professionnelle debasket de nationalité polonaise, tendant àl’annulation de la décision de la FédérationFrançaise de Basket-Ball qui avait refusé deconsidérer la requérante comme uneressortissante d’un pays de l’EspaceEconomique Européen en vue de saparticipation aux compétitions officielles(IA/19597-A, v. Reflets nº 2/1999, p. 8).Refusant, en vertu de la théorie de l’acte clair,de poser une question préjudicielle à la Courde justice, la Cour administrative d’appelconfirme tout d’abord le jugement entrepris ence qui concerne l’effet direct de l’article 37 del’accord conclu entre les Communautéseuropéennes et la Pologne aux termes duquel“sous réserve des conditions et modalitésapplicables dans chaque Etat membre, lestravailleurs de nationalité polonaiselégalement employés sur le territoire d’un Etatmembre ne doivent faire l’objet d’aucunediscrimination fondée sur la nationalité, en cequi concerne les conditions de travail, derémunération ou de licenciement par rapport

aux ressortissants dudit État membre”. Parcontre, alors que la juridiction de premièreinstance avait jugé qu’en l’espèce, larequérante ne pouvait se prévaloir du bénéficede cette disposition au motif que son contratde travail n’avait pas été “homologué” par laFédération Française de Basket-Ball, commel’exige le règlement de celle-ci, la Couradministrative d’appel a déclaré:

“Considérant que (...) toutefois, une tellecondition ne peut avoir légalement pour objetni pour effet d’écarter l’application des règlesdu code du travail relatives à la conclusion etaux effets du contrat de travail, par rapportauquel ladite fédération est d’ailleurs un tiers,et faire ainsi obstacle à ce que, en l’absenced’homologation, la personne bénéficiaire duditcontrat puisse être regardée comme“légalement employée” au sens de l’article 37de l’accord d’association susmentionné; Considérant que [la requérante], quibénéficiait d’un contrat dont la validité auregard des dispositions du code du travailn’est pas contestée, et était titulaire d’un titrede séjour régulier, devait dès lors être regardéecomme “légalement employée” en France à ladate de la décision attaquée; que, par suite, laFédération Française de Basket-Ball nepouvait, sans méconnaître le principe de non-discrimination édicté par l’article 37 del’accord précité, refuser d’autoriser larequérante à participer aux rencontres de laligue féminine ...”

Concernant l’effet direct des dispositions desaccords internationaux conclus entre laCommunauté et les États tiers, la Couradministrative d’appel de Paris a adopté uneposition opposée, refusant de reconnaître untel effet à l’article 5 de la quatrièmeconvention de Lomé, aux termes duquel lesparties à cet accord sont convenues d’éliminertoutes les formes de discriminations fondéesnotamment sur la nationalité. Cette dispositionétait invoquée par la veuve d’un ressortissantsénégalais qui, ayant bénéficié d’une pensionmilitaire de retraite, s’était vu refuser larevalorisation de celle-ci au motif que, selonla loi applicable, datant de 1959, une tellerevalorisation ne pouvait être accordée qu’auxayants-droit français d’agents publics français.La Cour administrative d’appel de Paris a jugéque l’article 5 précité était rédigé en des

Reflets nº 2/2000 11

termes trop généraux pour s’appliquerdirectement à la situation d’anciens agents del’Etat ou de leurs ayants-droit. Notons queplusieurs arrêts du même jour font toutefoisdroit à des demandes similaires émanant deressortissants maliens et sénégalais, maisfondées sur l’article 14 de la CEDH.

Cour administrative d’appel de Nancy, arrêtdu 03.02.00, Malaja, req. nº 99NC00282; Couradministrative d’appel de Paris, arrêt du01.02.00, Bangaly, req. nº 97PA02332

IA/18597-BIA/19915-A

Italie

Droit constitutionnel - Organisation d’unréférendum - Conditions - Compatibilité avecles obligations découlant du droitcommunautaire

La Corte costituzionale s’est prononcée, dansun arrêt relatif à l’admissibilité d’unreferendum tendant à l’abrogation d’une loi,sur les obligations des États membresdécoulant de l’adoption d’une directivecommunautaire. En Italie, l’organisation d’unreferendum abrogatif n’est autorisée qu’à ladouble condition que la demande dereferendum ait obtenu 500.000 signatures etque la Corte costituzionale ait préalablementvérifié que la question ne comporte pas uneviolation de la Constitution. En l’espèce, lereferendum proposé concernait les limites durecours au contrat de travail à temps partielprévues à l’article 5 de la loi nº 863du 19 décembre 1984. Cette matière faitl’objet de la directive 97/81 concernantl’accord-cadre sur le travail à temps partielconclu par l’Unice, le CEEP et la CES, dont ledélai de mise en oeuvre expirait le 20 janvier2000.

La Corte costituzionale a affirmé tout d’aborddevoir vérifier si la question proposée étaitcompatible non seulement avec les limitesposées par l’article 75 à l’utilisation dureferendum - qui interdit les referendums enmatière de lois financières, d’amnistie, deremise de peine et de ratification des traitésinternationaux - mais également avec celles

qui découlent d’une interprétationsystématique de la Constitution, ce quiimplique d’examiner la compatibilité dureferendum avec les prescriptions desdirectives communautaires, et de vérifier sicelles-ci ne s’opposent pas à l’abrogationd’une loi interne dans la mesure où une telleabrogation empêcherait la correcteapplication, par l’Etat italien, de sesobligations découlant du droit communautairedérivé. Ensuite, après avoir affirmé laprimauté du droit communautaire sur le droitinterne, la Corte costituzionale a considéréque la loi dont l’abrogation était demandéeconstituait un “noyau dur” de dispositionsconformes à la directive. Aussi, ne pouvait-elle être abrogée sans que d’autres mesuressatisfaisant aux obligations découlant de ladirective ne soient adoptées. Autrement dit, lasituation de “pré-conformité” (pre-conformazione) créée par cette loi devait êtrepréservée au-delà de l’expiration du délaiprévu pour la mise en oeuvre de la directive. Acet égard, la Corte costituzionale se réfère à lajurisprudence de la Cour selon laquellel’obligation de coopération loyale à laquellesont tenus les États membres implique queceux-ci s’abstiennent d’adopter une mesure,quelle qu’elle soit, qui puisse compromettre lerésultat prescrit par une directive, depuisl’adoption de celle-ci jusqu’à l’expiration dudélai prévu pour sa transposition (arrêtdu 18.12.97, C-129/96, Inter-EnvironnementWallonie). La Corte costituzionale constatequ’en l’espèce, non seulement le délai detransposition était expiré depuis le 20 janvier2000 mais qu’en outre, la directive prévoitexpressément qu’aucune régression quant auniveau de protection des travailleurs ne peutêtre justifiée sur son fondement. Or,l’abrogation, par voie de referendum, de ladisposition précitée entraînerait la suppressionpure et simple de la protection contenue dansla réglementation sur le travail à temps partielet constituerait un manquement de l’Etatitalien aux obligations découlant du droitcommunautaire et, par conséquent, uneviolation de l’article 75 de la Constitution.

Corte Costituzionale, 07.02.00, Gazzettaufficiale della Repubblica italiana, 2000 Spec.1, nº 7, p. 65

IA/18975-A

Reflets nº 2/2000 12

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Responsabilité de l'administration publique -Obligation de réparation du préjudice causéaux tiers par un acte fautif del’administration - Article 2043 du code civilitalien - Distinction entre droits subjectifs etintérêts légitimes - Suppression

La Corte di cassazione a atténué la distinctiontraditionnelle existant en droit italien entredroits subjectifs, relevant des juridictionsciviles, et intérêts légitimes, de la compétencedes juridictions administratives. Un particulieravait assigné la commune de Fiesole(Florence) devant le juge civil en vued'obtenir, sur la base de l'article 2043 du codecivil italien, la réparation du préjudice subi dufait que celle-ci n'avait pas inséré dans leszones constructibles du plan d'occupation dessols, le terrain que le requérant avait acquis envertu d'une convention prévoyant une telledestination. La commune a saisi la Corte diCassazione d'un regolamento di giurisdizione,estimant que le requérant, n'ayant pas un droitsubjectif à faire valoir à son encontre mais desimples intérêts légitimes, aurait dû saisir lejuge administratif.

La Corte di cassazione, sections réunies, a ditpour droit que l'obligation de l’administrationpublique de réparer le préjudice injustementcausé à des tiers, sur la base de l'article 2043du code civil, ne suppose pas la qualificationformelle de droits subjectifs dans le chef desparticuliers. Une telle obligation ne supposeque l'existence d'une activité illégale et fautivede l'administration publique, ayant portéatteinte aux intérêts des justiciables protégéspar l'ordre juridique. La Corte di cassazionejustifie une telle “révolution juridique” surbase de motivations tirées principalement dudroit national, la “pression” du droitcommunautaire - à savoir la directive 665/89concernant les voies de recours en matière demarchés publics de travaux et de fourniturestelle que mise en oeuvre par la loi nº 142 du8/06/90 (GURI du 12/06/90, nº 135 Suppl.Ord.) - ne constituant que le sixième (etdernier) élément de son raisonnement. Parrapport au régime de responsabilité prévu parla loi nº 142 précitée, la Corte di cassazione

est d'ailleurs allée plus loin. Elle a affirmé quela responsabilité de toute administrationpublique existe aux conditions précisées ci-dessous, indépendamment du secteurd’activité en cause et sans qu’il soit nécessaireque l’acte de l’administration jugé illégal etpréjudiciable n’ait été au préalable annulé parle juge administratif.

Si la Corte di cassazione ne fait pas mentionde la problématique de la responsabilité del’État pour violation du droit communautaire,ce rapprochement a cependant été fait auniveau de la doctrine. En effet, un auteur asouligné que cet arrêt présente le grand mérited'éliminer l'obstacle principal à l'applicationdu régime de responsabilité prévu par l'article2043 du code civil aux litiges portant sur desdommages et intérêts réclamés à charge del’État conformément à l'arrêt Francovich (L.Malferrari, State liability for violation of EClaw in Italy: The reaction of the Corte diCassazione to Francovich and future prospectsin light of its decision of July 22, 1999, nº 500,Zeitschrift für ausländisches öffentlichesRecht und Völkerrecht, 1999, p. 809 et suiv.).L'auteur souligne néanmoins que cetteapplication n'est pas immédiate car ellesuppose une réponse positive à la question desavoir si les intérêts en cause peuvent êtreconsidérés comme protégés par l'ordrejuridique, et, dans le cadre de ce dernieraspect, à la question de savoir si l'expression"ordre juridique" comprend également l'ordrejuridique communautaire.

Corte di cassazione, Sezioni unite civili,22.07.99, nº 500, Il foro italiano, 1999, I,p. 2487

IA/19656-A

Royaume-Uni

Directives - Transposition en droit national -Interprétation conforme - Ecosse - Référenceau système juridique d’un autre État membredont est inspirée la directive - Admissibilité

Saisie d’une action concernant la rupture d’uncontrat d’agent commercial, la Court of

Reflets nº 2/2000 13

Session a, d’une part, rappelé le principed’interprétation conforme du droit national et,d’autre part, affirmé que, dès lors qu’unedirective a emprunté au système juridiqued’un État membre l’un de ses éléments, il estpossible d’invoquer le droit de cet Etatmembre afin de déterminer la portée exacte dela directive. Constatant tout d’abord que les“Commercial Agents (Council Directive)Regulations 1993" invoquées par le requérantont été adoptées en vue de transposer ladirective 86/653 concernant les agentscommerciaux indépendants (JO L 382, p. 17),Lord Hamilton siégeant à la Outer House de laCourt of Session, rappelle la nécessitéd’interpréter le droit national, dans la mesuredu possible, dans un sens conforme à lafinalité de la directive qu’il est censétransposer plutôt que de s’en tenir à uneinterprétation littérale. Il cite à cet égard LordOliver:

“If the legislation can reasonably be construedso as to conform with [the UnitedKingdoms’s] obligations [under the EECTreaty] - obligations which are to beascertained not only from the wording of therelevant directive but from the interpretationplaced upon it by the European Court ofJustice at Luxembourg - such a purposiveconstruction will be applied even though,perhaps, it may involve some departure fromthe strict and literal application of the wordswhich the legislature has elected to us”.

Lord Hamilton précise par ailleurs que, demanière générale, une législation adoptée envue de t ransposer une direct ivecommunautaire ne modifie les autres règles dedroit national existant dans le domaineconcerné que dans la mesure où celles-ciseraient contraires aux dispositions de ladirective. S’agissant ensuite de la possibilitéd’invoquer, en Ecosse, le droit d’un autre Étatmembre ainsi que la pratique des juridictionsde cet Etat afin d’apprécier la portée d’unedirective communautaire ayant emprunté à cesystème juridique l’un de ses éléments, LordHamilton estime qu’une telle démarche

s’inscrit dans l’objectif d’une harmonisationau sein des États membres:

“Nor, in my view, is it necessary in the presentcontext to have the content of such law andpractice spoken to formally by experts in sucha foreign system of law. French law andpractice is not being invoked because an issuein this court requires to be determined inaccordance with French Law but because, inthe context of a directive which provides for aremedy drawn from French legal experience,assistance towards a harmonised approachmay be obtained by having regard to thelonger experience on the French courts inapplying that remedy. That is more in thenature of a comparative law exercise, for thepurposes of which a Scottish court is entitledto have direct regard to sources of foreign law.The particular sources which would be helpfulin the context of the present case are bestdetermined in the course of furtherprocedure”.

Court of Session, Outer House, 10.03.99,Roy/Pearlman Ltd, Common Market LawReports 1999, vol. 2, p. 1155

IA/18198-A

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Politique sociale - Maintien des droits destravailleurs en cas de transfert d'entreprises -Transfer of Undertakings (Protection ofEmployment) Regulations 1981 -Responsabilité délictuelle de l’employeur -Bénéfice d’une police d’assurance enresponsabilité contractée par l’employeur -Transfert au cessionnaire

Saisie des appels formés respectivementcontre deux décisions contradictoires de laHigh Court en matière de transfertd'entreprises au sens des Transfer ofUndertakings (Protection of Employment)Regulations 1981, par lesquelles ladirective 77/187 a été transposée au Royaume-Uni, la Court of Appeal a jugé que laresponsabilité délictuelle du cédant envers unsalarié concernant un préjudice corporelencouru par ce dernier avant la date dutransfert, était transférée au cessionnaire en

Reflets nº 2/2000 14

vertu de l'article 5(2) des Regulations de 1981.La Court of Appeal relève en effet quel’article 5(2) (a) vise “all the transferor’srights, powers, duties and liabilities under orin connexion with the contract ofemployment”, ce qui implique que le transfertne porte pas uniquement sur les droitscontractuels mais sur tous les droits nés “enrapport avec” le contrat de travail. Même enl'absence d'une référence expresse au régimede la responsabilité délictuelle, cettedisposition est donc suffisamment large pourinclure la responsabilité délictuelle del’employeur. Par conséquent, en l’espèce, laresponsabilité de l'employeur pour cause denégligence avait bien été transférée aucessionnaire au titre des Regulations de 1981.Dans la seconde affaire, la Court of Appeal ajugé en outre que les droits du cédant à uneindemnisation au titre d'une police d'assurancecontre les accidents du travail, bien que celle-ci ait été contractée auprès d’un tiers(assureur), étaient également transférés aucessionnaire. Rappelant que la directive77/187 a pour but de sauvegarder les droitsdes travailleurs en cas de transfert del’entreprise, la Court of Appeal a estimé queles Regulations de 1981, qui en assurent latransposition en droit national, devaient, dansla mesure du possible, être interprétées en cesens que les travailleurs ne soient pas privésde droits dont ils auraient bénéficié contre leuremployeur en l’absence de transfert et qui sontnés en vertu du ou en rapport avec le contratde travail. En outre, le droit de l’employeur àune indemnité à charge de l’assureur couvreune responsabilité née du ou en rapport avec lecontrat de travail. Par conséquent, en l’espèce,le bénéfice de l’assurance contractée par lecédant avait été transféré au cessionnaire.

Court of Appeal, 16.05.00, Martin vLancashire County Council, Bernadone v PallMall Services Group Ltd and others, The TimesLaw Reports, May 26, 2000

IA/19766-A et IA/17708-B

- - - - -Procédure - Emploi des langues en matièrejudiciaire - Utilisation du gallois devantl’Employment Appeal Tribunal - Demandefondée sur le Welsh Language Act - Rejet parla Court of Appeal

Dans un litige concernant le licenciement d’unemployé de langue maternelle galloise, laCourt of Appeal a refusé de faire droit à lademande de ce dernier tendant à ce quel’Employment Appeal Tribunal, saisi del’appel contre une décision rendue parl’Employment Tribunal, siège en Pays deGalles et que la procédure devant cettejuridiction se déroule en langue galloise, dumoins en ce qui le concerne. L’intimé avaitété engagé comme chef de cuisine dans unrestaurant situé dans le nord du Pays de Galleset dont l’ensemble du personnel était delangue galloise, langue communément utiliséedans la cuisine. L’employeur ne parlant pasgallois a exigé que seul l’anglais soit parlé parle personnel. L’intimé a refusé et s’est vulicencier, selon l’employeur, pour motiféconomique.

Saisi d’un recours contre cette décision,l’Employment Tribunal siégeant à Abergele,également dans le nord du Pays de Galles,avait donné raison à l’employé, estimant qu’ilavait été victime d’une discrimination raciale,contraire au Race Relations Act de 1976.Conformément au Welsh Language Act de1993, les plaidoiries du requérant ainsi que lestémoignages de celui-ci et de deux autrespersonnes s’étaient déroulés en gallois, avecinterprétation simultanée vers l’anglais. Demême, la décision de l’Employment Tribunalavait été communiquée aux parties en galloiset en anglais. L’employeur a fait appel decette décision devant l’Employment AppealTribunal. Ce dernier ayant refusé lesdemandes préliminaires de l’intiméconcernant la langue et le lieu de la procédure,l’affaire a été portée, sur ces points, devant laCourt of Appeal.

Celle-ci a rejeté l’appel, considérant, d’unepart, que le Language Act de 1993, qui viseexpressément les procédures judiciaires ayantlieu en pays de Galles, ne s’applique pas à laprocédure d’appe l menée devantl’Employment Appeal Tribunal à Londres, quiest une procédure distincte de celle introduitedevant l’Employment Tribunal et, d’autre part,que la décision contestée n’était contraire niau statut spécial de la langue galloise ni au

Reflets nº 2/2000 15

principe d’égalité inscrit dans le Language Actde 1993, lesquels ont été respectés devant lajuridiction galloise de première instance.Enfin, la Court of Appeal a rejeté lesarguments tirés de la protection des droits del’homme, affirmant :

“The discretion was not exercised in conflictwith or in disregard of any relevant humanrights context.[...] Mr. W. will receive a fairhearing before an independent and impartialtribunal in accordance with article 6, read witharticle 14, of the European Convention for theProtection of the Human Rights andFundamental Freedoms. The hearing does notbecome discriminatory of or unfair to Mr. W.simply because it is conducted in English, alanguage which he can speak and understand.”

Court of Appeal, 20.07.99, Williams v Cowell,[2000] 1 WLR 187

IA/19913-A

2. Pays tiers

Australie

Libre prestation de services - Diffusion deprogrammes télévisés - Dispositiondéterminant le “contenu australien” desprogrammes diffusés dans cet État -Incompatibilité avec les obligationsinternationales de l’Australie - Illégalité -Conséquences

La High Court of Australia a jugé illégale unedisposition adoptée par l’AustralianBroadcasting Authority (ABA) déterminant le“contenu australien” des programmes detélévision diffusés dans cet État. L’ABA étaitchargée, en vertu du Broadcasting ServicesAct 1992, de fixer les standards desprogrammes de télévision diffusés enAustralie, de tels standards devant déterminerle contenu australien des programmes. Auxtermes de la section 160 du BroadcastingServices Act, l’ABA était tenue, dansl’exercice de cette compétence, de respecterles obligations internationales de l’Australie.L’article 9 de l’“Australian Content Standard”adopté à cette fin prévoyait qu’à partir du 1er

janvier 1996, au moins 50%, et à partir de lafin de 1997, 55% des programmes diffusésentre 6 heures du matin et minuit devaient êtredes “programmes australiens”. Six sociétés deproduction néo-zélandaises ont contesté lavalidité de cette disposition au motif qu’elleserait contraire à l’accord commercial concluentre l’Australie et la Nouvelle-Zélande, plusprécisément au Protocole relatif au commercede services annexé à cet accord, aux termesduquel chacun des deux États garantit auxressortissants de l’autre État et aux servicesfournis par ces derniers des droits d’accès àson marché qui ne peuvent être moinsfavorables que ceux réservés à ses propresressortissants et aux services fournis par ceux-ci.

La Federal Court leur a, dans un premiertemps, donné raison. En appel, cette mêmeinstance réunie en séance plénière a renversécette décision et confirmé la validité del’article 9, considérant que, s’il existe certesune contrariété irréductible entre le devoir depromouvoir des programmes australiens etcelui de respecter les obligationsinternationales de l’Australie, le premier deces devoirs, plus spécifique, prime sur lesecond. Les requérantes ont donc saisi laHigh Court. Celle-ci, après avoir rappelé quelorsqu’il existe un conflit entre deux normes,il convient de leur donner, dans la mesure dupossible, une interprétation qui permette deleur donner un effet utile et de maintenir lacohérence du système, a jugé:

“If, by reason of an obligation under aconvention or agreement with a foreigncountry, it is impossible to make an Australiancontent standard that is consistent with thatobligation, the ABA is precluded by s 160from making the standard, notwithstanding thelitteral command of s 122(1) and (2).Accordingly, in making the AustralianContent Standard in December 1995, the ABAwas under an obligation to ensure that theStandard was not inconsistent with the TradeAgreement or the Protocol.” (Point 80)

Constatant qu’en vertu de l’article 9 del’Australian Content Standard, lesprogrammes néo-zélandais n’avaient pas unaccès au marché aussi favorable que lesprogrammes australiens, la High Court a

Reflets nº 2/2000 16

déclaré cet article incompatible avec lesobligations de l’Australie découlant duProtocole annexé à l'accord commercialconclu entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande, et donc contraire à la section 160 duBroadcasting Services Act. La High Court n’atoutefois pas prononcé l’invalidité maisl’illégalité de la disposition contestée,précisant qu’une telle déclaration permet àtoute personne intéressée d’obtenir uneinjonction empêchant l’autorité qui a adopté ladisposition jugée illégale de fonder unequelconque action sur base de celle-ci: “Courts have always accepted that it isunlikely that it was a purpose of the legislationthat an act done in breach of a statutoryprovision should be invalid if publicinconvenience would be a result of theinvalidity of the act. Having regard to theobligations imposed on the ABA by s 160, thelikelihood of that body breaching itsobligations under s 160 is far from fanciful,and, if acts done in breach of s 160 are invalid,it is likely to result in much inconvenience tothose members of the public who have actedin reliance on the conduct of the ABA (...).Although an act done in contravention of s160 is not invalid, it is a breach of the Act andtherefore unlawful. (...) a person withsufficient interest is entitled to sue for adeclaration that the ABA has acted in breachof the Act and, in an appropriate case, obtainan injunction restraining that body from takingany further action based on its lawful action.”(Points 97 et 100)

High Court of Australia, judgment of 28.04.98,Project Blue Sky & Ors. v AustralianBroadcasting Authority, Commonwealth LawReports, vol. 194 [1998], p. 355

IA/19914-A

Canada

Droit constitutionnel - Charte canadienne desdroits et libertés - Principe d'égalité -Disposition prévoyant une obligationalimentaire pour les conjoints mariés oucohabitant - Notion de “conjoints” -Exclusion des homosexuels - Discrimination

La Cour suprême a jugé que l’article 29 de laLoi sur le droit de la famille (LDF) prévoyantl’obligation alimentaire entre conjoints, dansla mesure où il vise, sous la notion de“conjoints”, les personnes mariées de mêmeque l’homme et la femme qui ne sont pasmariés mais qui ont cohabité de façoncontinue depuis au moins trois ans, enexcluant les couples de même sexe, viole leprincipe d’égalité contenu dans l’article 15 (1)de la Charte canadienne des droits et libertésqui interdit "toutes discriminations fondées surla race, l’origine nationale ou ethnique, lacouleur, la religion, le sexe, l’âge ou lesdéficiences mentales ou physiques". La Coursuprême considère tout d’abord que la LDF,dans la mesure où elle accorde expressémentaux membres des couples de sexe différentnon mariés qui cohabitent des droits dont elleprive les membres des couples de même sexe,alors que ces derniers peuvent égalementformer des unions conjugales qui remplissentles conditions de durée fixées par la LDF,établit une distinction formelle entre deuxcatégories de personnes, fondée sur unecaractéristique personnelle, à savoirl’orientation sexuelle, que la jurisprudenceantérieure a jugée analogue aux motifsénumérés à l’article 15 (1) de la Charte.Examinant ensuite la question de savoir sicette différence de traitement porte atteinte àla dignité humaine et est, partant,discriminatoire au sens de l’article 15 (1), laCour suprême affirme que:

“[Cet examen] doit être centré sur la questionde savoir si la différence de traitement imposeun fardeau au demandeur ou le prive d’unavantage d’une manière qui dénotel’application stéréotypée de présuméescaractéristiques personnelles ou de groupe, ouqui a par ailleurs pour effet de perpétuerou de promouvoir l’opinion que l’individutouché est moins capable ou moins digned’être reconnu ou valorisé en tant qu’êtrehumain ou en tant que membre de la sociétécanadienne (...). Dans la présente affaire, il ya dans une large mesure préexistence d’unevulnérabilité et d’un désavantage dont souffrela personne ou le groupe en question, et cettesituation est accentuée par la loi contestée.(...). La nature du droit protégé par l’article 29de la LDF est fondamentale. L’exclusion despartenaires de même sexe du bénéfice de cet

Reflets nº 2/2000 17

article conduit à penser que ces personnes sontmoins dignes de reconnaissance et deprotection. C’est laisser entendre qu’elles sontjugées incapables de former des unionsintimes marquées par l’interdépendancefinancière par rapport aux couples de sexedifférent, indépendamment de leur situationréelle.”

La Cour suprême examine ensuite la questionde savoir si une telle discrimination estjustifiée au regard de l’article 1er de la Charte,en vertu duquel les droits et libertés énoncésdans la Charte "ne peuvent être restreints quepar une règle de droit, dans des limites quisoient raisonnables et dont la justificationpuisse se démontrer dans le cadre d'unesociété libre et démocratique". La Coursuprême répond par la négative, considérantque l’exclusion des couples de même sexe àl’article 29 de la LDF va à l’encontre desobjectifs poursuivis par les dispositionsrelatives à l’obligation alimentaire entreconjoints - soit la résolution équitable desdifférends d’ordre économique survenant lorsde la rupture d’une union marquée parl’interdépendance financière et la réduction dufardeau financier de l’État - et que, dans cesconditions, on ne peut affirmer que lapromotion de buts législatifs louables ni queles effets bénéfiques de ces mesuresl’emportent sur les effets préjudiciables. LaCour suprême a donc déclaré inopérante ladisposition litigieuse, l’effet de cettedéclaration étant toutefois suspendu pendantune période de six mois afin de permettre aulégislateur de modifier la législation.

Cour suprême du Canada, arrêt du 20.05.99,M. c. H., Recueil de la Cour Suprême duCanada, 1999, vol. 2, p. 3

IA/19907-A

États-Unis

Propriété industrielle et commerciale - Droitde marque - Protection de la présentationd’un produit - Conditions - Caractèredistinctif - Notion - Pouvoir d’identificationquant à l’origine du produit - Collection devêtements pour enfants

La Cour Suprême a jugé que la présentationd’un produit (product design) ne présente uncaractère distinctif, et n’est donc susceptibled’être protégée par la loi fédérale de 1946 surles marques (Lanham Act), que s’il est établiqu’elle a développé une “significationsecondaire” (secondary meaning), c’est-à-direqu’elle s’identifie, dans l’esprit du public, etmême si elle n’a pas un caractère distinctif entant que telle, à l’origine du produit et non auproduit lui-même. La Cour a estimé en effetque le consommateur n’associe en général pasla présentation d’un produit avec l’origine decelui-ci mais la considère plutôt comme unélément destiné à rendre le produit plus utileou plus attractif. En l’espèce, un fabricant devêtements pour enfants, dont la collection étaitcaractérisée par les motifs dessinés sur lesvêtements, avait poursuivi devant la USDistrict Court cinq détaillants qui s’étaientprocuré, auprès d’un autre fabricant et sur basede photographies de sa collection, une gammede produits pratiquement similaires à lasienne. A l’appui de sa demande, le requérantinvoquait une violation du § 43 (a) du LanhamAct. Cette disposition, qui protège non pas lamarque enregistrée - visée au § 2 de la mêmeloi - mais la présentation non enregistrée d’unproduit (unregistred trade dress), offre en effetau producteur un droit d’agir contrel’utilisation faite par tout tiers, d’un mot,terme, nom, symbole ou autre signe, ou d’unecombinaison de tels éléments, susceptible decréer une confusion quant à l’origine d’unproduit. Le requérant ayant obtenu gain decause en première instance et en degréd’appel, les défendeurs ont porté l’affairedevant la Cour Suprême des Etas-Unis. Celle-ci a réformé le jugement entrepris et déclaré :

“The breadth of the definition of marksregistrable under § 2, and the confusion-producing elements recited as actionnable by§ 43(a), has been held to embrace not justword marks and symbol marks, but also “tradedress” - a category that originally includedonly the packaging, or “dressing”, of aproduct, but in recent years has been expandedby many courts of appeals to encompass thedesign of a product. (...). A mark under § 2(and therefore, by analogy, under § 43(a)) has

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acquired distinctiveness, even if it is notinherently distinctive, if it has developedsecondary meaning, which occurs when, in themind of the public, the primary significance ofa mark is to identify the source of the productrather than the product itself. (...) In the caseof a product design, as in the case of color, wethink consumer predisposition to equate thefeature with the source does not exist.Consumers are aware of the reality that,almost invariably, even the most unusual ofproduct designs is intended not to identify thesource, but to render the product itself moreuseful or more appealing.”

Considérant le danger que peut comporter, dupoint de vue du consommateur, une protectionaccrue du dessin d’un produit, en raison d’unrisque d’affaiblissement de la concurrence, laCour ajoute :

"Consumers should not be deprived of thebenefits of competition with regard to theutilitarian and esthetic purposes that productdesign ordinarily serves by a rule of law thatfacilitates plausible threats of suit against newentrants based upon alleged inherentdistinctiveness. (...) Competition is deterred,however, not merely by succesful suit but bythe plausible threat of successful suit (...). Thatis especially so since the producer canordinarily obtain protection for a design that isinherently source identifying (if any suchexists), but that does not yet have secondarymeaning, by securing a design patent or acopyright for the design.”

Supreme Court of the United States, arrêtdu 22.03.00, Wal-Mart Stores v SamaraBrothers, 529 US -, 146 L Ed 2d 182, 120 S Ct-

IA/19912-A

B. Pratique des organisations internationales

Mercosur

Libre circulation des marchandises -Elimination des restrictions tarifaires et nontarifaires - Obligation des États Parties -

Interprétation téléologique - Régime brésiliende licences à l’importation - Incompatibilitéavec le système normatif du Mercosur -Première décision arbitrale

La première décision d’un tribunal arbitralconstitué en vertu du Protocole sur lerèglement des différends au sein du Mercosura été rendue dans le cadre d’un litige opposantl’Argentine au Brésil au sujet du régime delicences à l’importation mis en oeuvre par cedernier et touchant une grande partie desproduits exportés par l’Argentine vers leBrésil. L’Argentine soutenait qu’un tel régimeest incompatible avec les dispositions duTraité d’Asunción instaurant le Mercosur.

Rappelant tout d’abord le principe del’obligation d’exécution des traités (Pacta suntservanda), le Tribunal arbitral se réfère auxméthodes d’interprétation des traitésinternationaux, en particulier à la méthoded’interprétation téléologique, jugée la plusappropriée pour interpréter les instrumentsinternationaux mettant en place un processusd’intégration tel que le Mercosur. Se fondantsur la doctrine communautaire et citant àplusieurs reprises à cet égard l’ouvrage de R.Lecourt (L’Europe des juges, Bruylant,Bruxelles, 1976), le Tribunal arbitral déclare:

“57.El enfoque teleológico resulta más patenteaún en los tratados e instrumentos queconforman organismos internacionales oconfiguran procesos o mecanismos deintegración. [...] Es que no se trata de “underecho acabado” al decir de Lecourt, sino deun proceso dinámico, dentro de una realidaden cambio. [...]En el mismo sentido Lecourt[...] anota que en estos instrumentosinternacionales existe “la vocación común deextraer la plenitud de los efectos buscados” yderivar de los textos “todas las consecuenciasrazonables”. 58. Apreciación que vale no sólo para lasformas institucionales más avanzadas yprofundas con elementos de supranacionalidadsino también para las demás, incluso cuandolos parámetros son todavía tenues. Los fines yobjetivos no son un adorno de los instrumentosde integración sino una guía concreta para lainterpretación y para la acción.[...]

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85. iii) Los instrumentos internacionales queconfiguran procesos de integración y lasobligaciones que resultan de ellos han de serinterpretados en forma teleológica, teniendoen cuenta los fines, objetivos y principios delsistema de integración, aun en ausencia denormas de carácter supranacional.”

Quant au fond du litige, le Tribunal arbitralrappelle le principe fondamental delibéralisation commerciale adopté par le traitéd’Asunción et l’obligation qui en découle pourles États Parties de procéder à l’éliminationdes restrictions, tarifaires ou non, au plus tardà la date fixée pour la mise en oeuvre dumarché commun, soit le 31 décembre 1999.Considérant que le système de licenceslitigieux constitue une mesure équivalant à desrestrictions non tarifaires, le Tribunal arbitralen a ordonné la suppression au plus tard àcette date. Notons que le Tribunal arbitral seréfère à la jurisprudence de la Cour de justicequi, selon le Tribunal, condamne notamment“l’adoption de conditions ou formalités àl’importation, quelle que soit leur forme, quiconstituent des entravent aux échanges”.

Déc is ion arb i t ra l e du 28 .04 .99 ,Argentine/Brésil, La Ley, t. 1999-D, p. 600

Organisation mondiale du commerce

Communautés européennes - Régimeapplicable à l’importation, à la vente et à ladistribution des bananes - Recours àl’arbitrage - Evaluation des conséquencessubies par l’Equateur - Autorisation deprendre des sanctions contre lesCommunautés européennes - Décision dugroupe spécial

Vieux de quatre ans, le contentieux desbananes a récemment connu une nouvelleévolution. Pour la première fois, en effet, unpays en voie de développement se voitautoriser à infliger des sanctions à l’encontredes Communautés européennes. Ainsi, legroupe spécial initial saisi pour arbitrage parl’Organe de règlement des différends (ORD),a rendu son rapport sur le montant des pertessubies par l’Equateur suite à l’instauration dunouveau régime des Communautéseuropéennes applicable aux bananes, jugé

partiellement incompatible avec les accordsOMC. Ce montant a été fixé à 201,6 millionsUSD par an (au lieu des 450 millions dedollars demandés par l’Equateur). Sur base dece rapport, l’Equateur peut demander à l’ORDl’autorisation de suspendre des concessionstarifaires accordées à l’Union européenne oudes obligations contractées envers celle-ci,dans le cadre du GATT - sauf pour les biensd’équipement et les produits primaires entrantdans le secteur manufacturier et l’industrie del’information -et dans le cadre du GATS -pour les services de commerce de gros dans lesecteur principal des services de distribution.Dans la mesure où la suspension desconcessions portant sur les deux accordsprécédents ne couvrirait pas le montantdésigné par les arbitres, cette suspensionpourra être appliquée dans le cadre du TRIPS,aux secteurs suivants : droits d’auteur et droitsconnexes, protection des artistes interprètes ouexécutants, des producteurs de phonogrammeset des organismes de radiodiffusion,indications géographiques, et dessins etmodèles industriels.

Toutefois, l’Equateur a annoncé qu’ilcontinuera à rechercher avec l’UnionEuropéenne une solution fondée sur descompensations et évitant les sanctions. Enfin,l’Equateur a précisé qu’il entendait appliquerde telles sanctions, s’il y était autorisé parl’ORD, à treize États membres, à l’exceptiondu Danemark et des Pays-Bas.

Décision des arbitres du 24.03.00,WT/DS27/ARB/ECU

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États-Unis - Traitement fiscal des sociétés devente étrangères (“Foreign SalesCorporations”) - Incompatibilité avec lesaccords OMC - Décision de l’organe d’appel

Le 8 octobre 1999, un groupe spécial del’OMC (ci-après “le Panel”) a constaté, suiteà une plainte des Communautés européennes,l’incompatibilité des dispositions américainesétablissant le traitement fiscal spécial des“sociétés de vente étrangère” (Foreign SalesCompagnies, ci-après FSC) avec l’Accord surles subventions et les mesures compensatoires(Agreement on Subsidies and Countervailing

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Measures, ci-après Accord SMC) et l’Accordsur l’Agriculture (Agreement on Agriculture),jugeant pour l’essentiel que les mesuresincriminées constituaient des subventions àl’exportations prohibées par ces accords. Dansson rapport (WT/DS108/R), le Panel conclut,en effet, que les États-Unis ont manqué à leursobligations découlant, d’une part, del’article 3.1 (a) de l’Accord SCM, enaccordant ou en maintenant des subventions àl’exportation prohibées par cet article, et àcelles découlant, d’autre part, des articles 3.3et 9.1(d) de l’Accord sur l’Agriculture, enoctroyant des subventions pour des produitspour lesquels des subventions sont autorisées,mais au-delà de la limite admise, ou pour desproduits pour lesquels toute subvention estprohibée. Dans son rapport du 10 février 2000,l’Organe d’appel a confirmé les constatationsdu Panel en ce qui concerne l’Accord SMC etpartiellement infirmé celles concernantl’Accord sur l’Agriculture. D’un point de vueéconomique, les subventions illicitesatteignaient un montant de 1,5 milliards dedollars.

Pour rappel, les FSC sont des sociétés devente étrangères, c’est-à-dire constituées selonle droit d’un autre Etat et répondant àcertaines conditions concernant leuractionnariat et leur direction, et qui ont pouractivité la vente ou la location de biensproduits aux États-Unis et exportés en-dehorsde ceux-ci. Bien qu’il ne soit pas requisqu’une FSC soit affiliée à ou contrôlée par unesociété américaine, la plupart des FSC sont enréalité des filiales de sociétés américaines,étant donné que le bénéfice des mesures FSCest accru, tant pour la FSC que pour la sociétéaméricaine qui fournit la marchandise destinéeà l’exportation, si les deux sociétés sont liées.Les mesures litigieuses ont pour effet,essentiellement, d’exonérer une partie durevenu de source étrangère (foreign-sourceincome) des FSC lié à l’exportation.Lesrevenus visés par les mesures FSC sont lesrevenus bruts provenant de la vente ou lalocation, par la FSC, de biens fabriqués ouproduits aux États-Unis par une personne autrequ’une FSC, ainsi que la fourniture de servicesrelatifs et subsidiaires à une telle vente oulocation. Selon le système mis en place, laFSC détermine elle-même les modes defixation des prix de vente, lesquels permettent

à la fois de ventiler le revenu lié àl’exportation entre la FSC et la société quifournit les produits, et de définir la partie dece revenu qui bénéficie de l’exemption.

Le système fiscal américain soumet enprincipe à l’impôt tout revenu de sociétéétrangère perçu sur le territoire des États-Unis.Il ne taxe en revanche les revenus perçus pardes sociétés étrangères à l’étranger (foreign-source income) que dans la mesure où de telsrevenus “ont un lien effectif avec la conduited’une activité commerciale ou industrielle auxÉtats-Unis”. Il appartient aux autorités fiscalesde mener une enquête pour déterminer si untel lien existe. Sous le régime des FSC aucontraire, la partie exemptée du revenu desource étrangère d’une FSC est traité commesi ce revenu n’avait pas de lien effectif avec laconduite d’une activité aux États-Unis(Internal Revenue Code, section 921(a)), sansqu’une enquête factuelle ne puisse établir lecontraire (point 16). De même, n’est pasincorporée dans le revenu imposable de lasociété-mère américaine d’une FSC, la partdes revenus de la FSC tirés de l’exportationqui lui reviennent mais qui n’ont pas encoreété distribués par la filiale (point 17). Enfin,échappent également à l’imposition, lesdividendes effectivement distribués par uneFSC aux sociétés américaines qui en sontactionnaires (point 18).

- La compatibilité de la mesure FSC avecl’Accord SMC

Concernant la compatibilité des mesures FSCavec l’Accord SMC, la question était de savoirsi ces mesures constituent des “subventions àl’exportation” prohibées par l’article 3.1 de cetAccord, ce qui implique au préalable devérifier si elles constituent des “subventions”au sens de l’article 1.1 de celui-ci.

S’agissant de la notion de “subvention” viséeà l’article 1.1, l’organe d’appel relève qu’ellevise toute contribution financière accordée parle gouvernement dès lors que celui-ci"renonce à des recettes publiquesnormalement exigibles (otherwise due) ou quede telles recettes ne sont pas perçues”.L’abandon de recettes “normalementexigibles” implique que le gouvernement aitprélevé moins d’impôts que ce qu’il aurait

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perçu “dans une autre situation”, à savoir, enl’espèce, en l’absence des mesuresincriminées (points 90 et 91). L’organed’appel constate par ailleurs que la définitionde l’article 1.1 s’applique chaque fois que leterme “subvention” apparaît dans l’Accord(point 93). Si, comme il est prévu à la footnote5 de l’Accord SMC, certaines mesures neconstituent pas des subventions à l’exportationprohibées, elles n’en restent pas moins des“subventions” au sens de l’article 1.1. Aussi,à supposer même, comme le soutenaient lesÉtats-Unis, que la footnote 59 de ce mêmeAccord exclue la mesure FSC de la notion desubvention à l’exportation, elle n’établit paspour autant une exception à la définitiongénérale de subvention de l’article 1.1 et n’enrestreint, par conséquent, pas la portée (points93-94). L’organe d’appel confirme donc ladécision du Panel selon laquelle, par la mesureFSC, le gouvernement renonce à une recettequi serait normalement exigible selonl’article 1.1.

S’agissant ensuite de la question de lacompatibilité de la mesure FSC avecl’interdiction des subventions à l’exportationétablie par l’article 3.1 de l’Accord SMC,l’organe d’appel examine l’argument desÉtats-Unis tiré de la footnote 59 de l’Accord,en particulier de l’obligation pour les ÉtatsMembres, prévue par cette note, de veiller à ceque les prix des produits faisant l’objet detransactions entre une société exportatrice etun acheteur étranger placé sous son contrôlecorrespondent aux prix qui seraient pratiquésentre deux sociétés indépendantes. Tout enadmettant que cette disposition permetimplicitement aux États Membres de ne pastaxer les revenus de source étrangère, l’organed’appel rejette l’argument des États-Unisselon lequel, puisqu’il n’existe pasd’obligation de taxer les revenus de sourceétrangère, un Etat ne peut être considérécomme ayant “renoncé” à certaines recettes enne taxant pas de tels revenus. Il considère aucontraire que:

“The issue is not, as the United Statessuggests, whether a Member is or is notobliged to tax a particular category of foreign-source income. As we have said, a Member isnot, in general, under any such obligation.Rather, the issue in dispute is whether, having

decided to tax a particular category of foreign-source income, namely foreign-source incomethat is "effectively connected with a trade orbusiness within the United States", the UnitedStates is permitted to carve out an exportcontingent exemption from the category offoreign-source income that is taxed under itsother rules of taxation.(...) Thus, this sentenceof footnote 59 does not mean that the FSCsubsidies are not export subsidies within themeaning of Article 3.1(a) of the SCMAgreement.” (Point 99)

L’organe d’appel rejette enfin l’argument desÉtats-Unis fondé sur l’action du Conseilde 1981 (1981 Council action), jugeant quecelle-ci porte sur l’article XVI.4 du GATT de1947 et ne règle pas la question de ce quiconstitue une subvention à l’exportation ausens de l’article 3.1(a) de l’Accord SCM(points 104 à 121). - La compatibilité de la mesure FSC avec

l’Accord sur l’Agriculture

Selon l’article 3:3 de l’Accord surl’Agriculture, chaque Membre dispose de lafaculté d’octroyer, dans certaines limites, dessubventions à l’exportation visées àl’article 9:1 pour les produits désignés dansune liste (scheduled products) qui lui estspécifique. De telles subventions sont, enrevanche, interdites pour tout autreproduit. Selon la lettre (d) de l’article 9:1(seule visée par le recours), les subventions àl’exportation "destinées à réduire les coûts dela commercialisation des exportations deproduits agricoles" doivent être réduites.

Le Panel avait conclu que la mesure FSCcomporte une subvention au sens de l’article9:1 (d). L’organe d’appel s’écarte de cetteconclusion. En effet, contrairement au Panel,l’organe d’appel entend la notion de “coûts decommercialisation” (costs of marketingexports) de manière stricte, se référantuniquement aux coûts qui sont supportés dansle cadre du processus de vente d’un produit etdurant ce processus (costs that are incurred aspart of and during the process of selling aproduct). En ce sens, ne sont pas visés les fraisgénéraux liés à l’activité économique, tels les

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frais administratifs, qui ne sont pasdirectement liés à la mise sur le marché d’unproduit. De même, selon l’organe d’appel,l’impôt sur le revenu lié aux exportations nerentre pas dans la notion de “coûts decommercialisation” au sens de l’article 9:1(d)et, partant, la mesure FSC en vertu de laquellede tels revenus sont exemptés, ne constituepas une subvention au sens de cet article(points 129-132). Par conséquent, puisquel’article 3:3 renvoie à l’article 9:1, laconformité de la mesure américaine avec cedernier entraîne sa conformité avec l’article3:3. Le rapport du Panel est donc infirmé en cequ’il constate l’incompatibilité de la mesureaméricaine avec ledit article 3 (point 132).

Le rapport est, en revanche, confirmé en cequ’il juge la mesure FSC contraire aux articles10:1 et 8 de l’Accord, qui interdisent lessubventions à l’exportation non visées àl’article 9:1, et qui sont “appliquées d’unemanière qui a pour effet ou qui pourrait avoirpour effet un contournement certainsengagements en matière de subventions àl’exportation”. Selon l’organe d’appel,l’expression “engagements en matière desubventions” de l’article 10, couvre lesobligations des Membres portant à la fois surles produits inscrits sur leurs listes respectives(scheduled agricultural products) et sur ceuxqui ne le sont pas (unscheduled agriculturalproducts) (points 145-146). Il constate, enoutre, que la mesure litigieuse ne contient pasde limite quant au montant de subventionspouvant être réclamées par une FSC et qu’ellene comporte donc aucun mécanismepermettant de freiner ou de contrôler le flux desubventions susceptibles d’être demandées(point 149). Ainsi, concernant l’interdiction detoute subvention à l’exportation pour lesunscheduled products, l’organe d’appelconclut que la mesure FSC institue dessubventions appliquées d’une manière quimenace, à tout le moins, d’entraîner uncontournement de l’obligation des États-Unisd’éliminer complètement les subventions dece type (point 150). Pour ce qui est desscheduled products, pour lesquels dessubventions sont autorisées jusqu’à un certainniveau, l’organe d’appel constate que lorsquece niveau est atteint, l’autorisation limitée setransforme en prohibition. Aussi, le caractère

illimité de la mesure FSC engendre lapossibilité pour ces produits de bénéficier desubventions au-delà du niveau admis etmenace dès lors également d’entraîner uncontournement des obligations des États-Unis(points 151 à 154). L’organe d’appel enconclut que les États-Unis ont manqué à leursobligations découlant des articles 10:1 et 8 del’Accord sur l’Agriculture.

L’organe d’appel recommande par conséquentà l’organe de règlement des différendsd’inviter les États-unis à mettre la mesureFSC, jugée incompatible avec lesarticles 3.1(a) et 3.2 de l’Accord SCM et 10.1et 8 de l’Accord sur l’Agriculture, enconformité avec ces dispositions.

Report of the Appellate Body, 24.02.00, UnitedStates - Tax treatment for “Foreign SalesCorporations”, AB-1999-9, WT/DS108/AB/R

C. LÉGISLATIONS NATIONALES

____________________

D. ÉCHOS DE LA DOCTRINE

L’effet direct des accords OMC

L’arrêt de la Cour du 23 novembre 1999,Portugal/Conseil (C-149/96, non encore publiéau Recueil) place à nouveau à l’ordre du jourle débat relatif à l’effet direct des accordsOMC. Dans un commentaire, l’auteur relèveque la Cour, dans cet arrêt, consacredéfinitivement la spécificité des accords OMCpar rapport aux autres accords internationaux.Cette spécificité permet, selon lui, à la Courde souligner que la question de l’effet directdes accords OMC ne peut être dissociée decelle de la reconnaissance d’un tel effet par lesparties contractantes les plus importantes entermes de relations commerciales. Dans lamesure où certains des partenairescommerciaux de l’Union Européenne,notamment les États-Unis, ne reconnaissentpas un tel effet aux accords OMC, de mêmequ’au GATT, le principe de réciprocité quipréside à ces accords est ainsi mis en cause, ce

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qui amène la Cour à conclure que seulel’absence d’effet direct devant les juridictionscommunautaires sera à même d’empêcher toutdéséquilibre fondamental dans l’applicationdes règles de l’OMC. Par ailleurs, l’auteursouligne que, comme le reconnaît la Cour auxparagraphes 46 et suivants de l’arrêt, cettesolution est la seule qui permette aux organeslégislatifs et exécutifs communautaires dedisposer de la même marge de manoeuvre etd’autonomie que les organes analogues desautres parties aux accords OMC. Dans cecontexte, l’auteur dénonce ce qu’il considèrecomme un certain opportunisme politique del’arrêt qui donne, selon lui, aux institutionscommunautaires, une importante latitudequant aux engagements qui lient laCommunauté dans le cadre de l’OMC. Ainsi,mettant cette jurisprudence en perspectiveavec l’actuel contentieux entre laCommunauté et les États-Unis concernantl’importation en Europe de boeuf auxhormones, l’auteur signale que les accordsOMC ayant été considérés dans leur ensemblecomme étant dépourvus d’effet direct, il estpar conséquent impossible pour une entrepriseou un État membre de demander à la Cour decensurer une décision communautaireempêchant l’importation de cette marchandiseen violation des décisions prises par le panelde l’OMC à cet égard.

(F. Berrod, Europe, 2000, janvier, Comm. Nº2, p. 9 et s.)

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Les relations entre l'arbitrage et le droit de laconcurrence

Dans son arrêt du 1er juin 1999, Eco Swiss (C-126/97, non encore publié en Recueil), la Coura répondu à la question de l'obligation pour lesarbitres d'appliquer les règles communautairesde concurrence. Suivant une solution qui avaitd'ailleurs été préconisée par la doctrine (V.not., M. Ball, Competition and ArbitrationLaw, The dossiers of the Institute ofInternational Business Law and Practice, ICC,nº 480/3, Paris, 1993, spécialement le rapportintroductif sur le contrôle judiciaire dessentences arbitrales, p. 273 et s.), la Cour

définit un principe très clair : l'article 81 CEdoit être considéré comme une dispositiond'ordre public et la juridiction nationale saisied'une demande d'annulation d'une sentencearbitrale doit y faire droit si elle estime quecette sentence est effectivement contraire autexte de cette disposition de droitcommunautaire dès lors qu'en application deses règles de procédure interne, laméconnaissance de règles nationales d'ordrepublic est ainsi sanctionnée.

L. Idot (Europe 1999, août-septembre, Comm.nº 302, p. 21-22) considère qu'en permettantde concilier à la fois le caractère d'ordre publicdes règles communautaires de concurrence etle principe de l'autonomie procédurale desÉtats membres, la solution adoptée par la Courest équilibrée et de nature à satisfaire lesspécialistes du droit de l'arbitrage. A.Komninos (Common Market Law Review, avril2000, p. 459-478 aux p. 477-478), quant à lui,va jusqu'à affirmer: "The Court's powerfulassertion that EC competition law forms partof the ordre public communautaire, whichitself is integrated in the notions of publicpolicy of each national legal systeme, is a verysignificant contribution to the long course ofbuilding up and completing the Communitylegal order. It remains to be seen what otherCommunity provisions qualify as Communitypublic policy. In that specific respect, EcoSwiss is more than just another case in the lineof cases dealing with and delimiting theprocedural autonomy of the Member States. Ifnot overryling, Van Schijndel and Peterbroeck,it certainly departs from their reasoning. It isa "Simmenthal" type of judgment withconstitutional underpinnings".

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La lettre et l’esprit dans la Convention deBruxelles

Dans l’arrêt Leathertex (05.10.99, C-420/97,non encore publié au Recueil), la Cour ainterprété l’article 5,1º de la Convention deBruxelles qui rattache la compétencejudiciaire au lieu d’exécution de l’obligationservant de base à la demande, en ce sens quele même juge n’est pas compétent pourconnaître de l’ensemble d’une demande

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fondée sur deux obligations équivalentesdécoulant d’un même contrat lorsque, selonles règles de conflit de l’Etat de ce juge, cesobligations doivent être exécutées l’une danscet Etat et l’autre dans un autre Etatcontractant. Dans un commentaire de cet arrêt,l’auteur regrette le formalisme dont celui-cilui semble faire preuve et s’inquiète desconséquences qu’une telle décision risqued’entraîner:

“La Cour de Justice nous paraît avoir donnépréférence à la lettre de la Convention deBruxelles, plutôt qu’à son esprit, alors que sajurisprudence antérieure allait dans le sensd’une plus grande souplesse dansl’interprétation du concept d’obligationservant de base à l’action. (...) Lamultiplication des chefs de compétence àlaquelle aboutit la décision de la Cour deJustice va entraîner un alourdissement et unallongement des procédures judiciairesaccompagné d’un risque non négligeabled’arriver à des solutions inconciliables.”

Toutefois, l’auteur examine la proposition derèglement du Conseil concernant lacompétence judiciaire, la reconnaissance etl’exécution des décisions en matière judiciaire(JO C 376 E/1999, p. 1), appelé à remplacer laConvention de Bruxelles et dont le nouvelarticle 5, 1º, alinéa 2, désigne le lieud’exécution de l’obligation dans le cas ducontrat de vente de marchandises - lieu où lesmarchandises ont ou auraient dû être livrées -et dans celui du contrat de fourniture deservices -lieu où les services ont ou auraientdû être fournis. Constatant que le commentairedes nouvelles dispositions précise que cettedésignation s’appliquera quelle que soitl’obligation litigieuse, y compris dans les casoù la demande porte sur plusieurs obligations,l’auteur conclut que ce texte, “s’il est adopté,viendra donc assurément remédier auxinconvénients résultant de l’arrêt Leathertex,que nous avons dénoncés plus haut”.

P. Hollander, L’Arrêt Leathertex: Shenavairevisité ?, Revue de Droit Commercial belge,2000, p. 175

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