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PUBLICATIONS ETUDIANTS 2018
Sommaire GARD .......................................................................................................................................................... 2
NÎMES – LYCEE D’ALZON ........................................................................................................................ 2
Angèle Grassot, Requiem bleu azur, Mention spéciale université (Ex aequo) au concours de
poésie Matiah Eckhardt. Classe préparatoire. Enseignante ; Mariline Pascaud................................ 2
HERAULT .................................................................................................................................................... 3
LATTES – LYCEE CHAMPOLLION ............................................................................................................. 3
Tara Jampy, 17 Octobre 2079 . 1ère année de BTS DCEV. Enseignante : Marie Gola ...................... 3
Clarisse Abadie, Face au miroir…1ère année de BTS DCEV. Enseignante : Marie Gola ................... 3
Angelique Ducellier, Miroir et autres mondes. 1ère année de BTS DCEV. Enseignante : Marie Gola
........................................................................................................................................................... 3
Anissa Benabouche, Face au miroir. 1ère année de BTS DCEV. Enseignante : Marie Gola .............. 4
Ambre Renault, Dictat de notre chère chair . 1ère année de BTS DCEV. Enseignante : Marie Gola 4
Kezia , Le Miroir . 1ère année de BTS DCEV. Enseignante : Marie Gola ........................................... 5
HUC Marion, Reflet de moi-même. 1ère année de BTS DCEV. Enseignante : Marie Gola ................ 5
Cazaux Lydie. 1ère année de BTS DCEV. Enseignante : Marie Gola.................................................. 5
Guénin Justine. 1ère année de BTS DCEV. Enseignante : Marie Gola .............................................. 5
Hytima Otz, Le Miroir. 1ère année de BTS DCEV. Enseignante : Marie Gola .................................... 6
Tisserand Roxanne, Ma relation avec mon miroir. 1ère année de BTS DCEV. Enseignante : Marie
Gola .................................................................................................................................................... 6
LUNEL - LYCEE LOUIS FEUILLADE ........................................................................................................... 7
Anceau Amélie, Sombre Destin, BTS AGP1. Enseignante : Marion Blanchaud ................................ 7
SAINT GEORGES D’ORQUES ................................................................................................................... 9
Victor Malzac, Ma flûte traversière , Mention spéciale langue université du concours de poésie
Matiah Eckhard .................................................................................................................................. 9
BAS-RHIN .................................................................................................................................................. 11
STRASBOURG ....................................................................................................................................... 11
Emmanuel HETSCH, La quête la plus vaine, Mention spéciale université (Ex aequo) au concours
de poésie Matiah Eckhardt. Faculté de médecine de Strasbourg. .................................................. 11
PARIS ........................................................................................................................................................ 12
PARIS - HENRI IV .................................................................................................................................. 12
Bastien Nora Roger Vasselin, Genèse, KHAL1. Texte écrit dans le cadre du concours de nouvelle
des lycées Henri IV, Louis le Grand, Fénelon. En partenariat avec l’école Estienne........................ 12
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Albane Toussaint, Trouve-moi si tu peux , ECS2. Texte écrit dans le cadre du concours de nouvelle
des lycées Henri IV, Louis le Grand, Fénelon. En partenariat avec l’école Estienne........................ 15
Agnès Guérin, Un parfait interprète, 1er prix élève de HK LLG, du concours de nouvelles des
lycées Henri IV, Louis le Grand, Fénelon. En partenariat avec l’école Estienne. ............................. 18
PUY-DE-DÔME .......................................................................................................................................... 21
LEMPDES .............................................................................................................................................. 21
Thaïs Andreani Pertica, Recueil poétique. BTS Gestion et Protection de la Nature ....................... 21
GARD
NÎMES – LYCEE D’ALZON
Angèle Grassot, Requiem bleu azur, Mention spéciale université (Ex aequo) au concours
de poésie Matiah Eckhardt. Classe préparatoire. Enseignante ; Mariline Pascaud
À Lisa
En ce matin d’automne où tu as succombé
L’horloge de ma vie a suspendu son cours.
A quoi bon exister sans te revoir un jour?
Tant de rêves perdus, mon espoir est ruiné.
Firmament de coton qui trahit mes pensées,
Ces sanglots sont bien ceux que mon cœur a niés.
Le crachin qui s’abat sur cette nationale,
S’écoule doucement, s’enchevêtre à ton sang.
Jour d’octobre naissant t’embrasse de son vent,
Souffle dans tes cheveux son aurore fatale.
L’azur, enveloppé par le gris des nuages,
Nous narre l’infortune qui laisse ta dépouille,
Abandonnée au froid, triste fin de vadrouille,
Qui met fin à ta vie malgré ton si jeune âge.
L’océan de tes yeux se déverse sans fin
Aux joues de tes amis en quête de ta main.
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En ce matin d’automne et malgré les années
Je ne peux t’oublier et pleure quelques vers.
Paroles de chagrin, volutes du passé,
Stigmates de douleur que le silence sert.
HERAULT
LATTES – LYCEE CHAMPOLLION
Tara Jampy, 17 Octobre 2079 . 1ère année de BTS DCEV. Enseignante : Marie Gola
Aujourd’hui j’ai 80 ans. Je suis face à ce miroir et je me regarde, moi avec tous ces plis sur
mon corps, ces cheveux entièrement gris, ces bras tout ramollis, ces jambes qui me tiennent à
peine debout. Je contemple ce corps et me remémore les souvenirs où ce corps était encore
jeune, beau, vivant
Clarisse Abadie, Face au miroir…1ère année de BTS DCEV. Enseignante : Marie Gola
Le miroir pour moi représente l’avenir, ce qu’il pourrait se produire plus tard ou pas dans mon
futur, ma vie. Celui-ci m’attire, cependant je n’ai pas envie de connaître mon avenir et je
préfère vivre au jour le jour. Il représente également ce que je suis physiquement et avec ma
personnalité. Il me représente telle que je suis. Il me confirme ce que je pense de moi chaque
jour sans me mentir. Tel qu’il me représente, c’est ce que je suis. Parfois, il me montre une
personne que j’aurais aimé être et que je ne suis pas, ainsi que de multiples souvenirs
d’enfance.
Angelique Ducellier, Miroir et autres mondes. 1ère année de BTS DCEV. Enseignante : Marie
Gola
Dans les jardins de la mémoire, au pays des rêves, c’est là que nous nous reverrons. De l’autre
côté du miroir, là où personne n’ose s’aventurer, par peur d’y voir sa réalité. Il existe un
monde, un univers totalement différent de celui que nous connaissons. Inconsciemment, il se
manifeste dans nos nuits, et dans nos réminiscences, nous montre d’infinies possibilités
d’avenir ou de souvenirs qui parcourent notre mémoire et nos fantasmes.
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Anissa Benabouche, Face au miroir. 1ère année de BTS DCEV. Enseignante : Marie Gola
Je suis face à un miroir. Je me retrouve là, devant un miroir, un grand miroir. Je regarde
autour de moi, il n’y a rien ni personne. C’est le vide complet. Je suis au milieu de nulle part.
Je n’arrive pas à parler… pas d’inquiétude, ça doit être une petite extinction de voix ! Je ne
saurais pas décrire cet endroit. Est-ce un lieu extérieur ou intérieur ? Juste une pièce ? Telle
est la question j’ai envie de dire. Il n’y a que ce grand miroir et rien d’autre ! Il est très
intrigant, que fait-il là? Et moi comment est-ce que j’ai pu atterrir ici ? Dans un endroit au
milieu de nulle part face à ce grand miroir. Je décide donc de m’en approcher, il m’a l’air
étrange tout comme ce lieu… Et le plus étrange, c’est que plus je m’en approche et plus mon
reflet disparaît pour laisser place à une autre image. Cette image est une sorte d’univers. C’est
très bizarre mais je suis curieuse ! Je continue d’avancer. Encore un pas, ça y est je suis face à
lui. J’ai l’impression qu’il m’observe, qu’il m’attend… C’est déstabilisant comme situation mais
également excitant ! Comment se fait-il que je me retrouve dans l’inconnu, nulle part face à
un miroir qui ne projette pas mon reflet mais une image ? Tant de questions... J’ai envie de le
toucher, c’est plus fort que moi… J’ai l’impression qu’il se passe quelque chose derrière ce
miroir, l’adrénaline monte… Allez je le touche ! Ok ! Je confirme c’est vraiment bizarre ! Ça a
bien l’apparence d’un miroir mais ce n’en est pas du tout un ! En le touchant, ma main a
traversé l’autre côté ! Comme si ce miroir m’emmenait ailleurs. Bon d’accord, je n’ai pas le
choix, je ne vais pas rester bloquée ici pour l’éternité ! Il faut que je le traverse. Je ne sais pas
où tout cela va m’emmener, ni ce quil m’attend… Je souffle un bon coup. Allez go ! J’y vais. Je
replonge ma main, puis l’autre… rien d’anormal. Je mets un pied… Bon ça y est, c’est le
moment… Je ferme les yeux, retiens ma respiration et rentre complètement dans ce miroir. Je
laisse mes yeux fermés, j’entends des voix familières, je continue toujours d’avancer les yeux
fermés. Plus j’avance et plus j’ai une légèreté dans mon corps. J’entends les voix de plus en
plus fortes, j’ai envie d’aller jusqu’à elles ! Je continue… Ah ! Ça y est j’ai reconnu, j’ouvre les
yeux... Papa ? Maman ?
Ambre Renault, Dictat de notre chère chair . 1ère année de BTS DCEV. Enseignante : Marie
Gola
Mes cheveux sont une fournaise. Ils m’encombrent, s’enroulent autour de mon cou,
m’étranglent ; et qui pourtant dans le miroir me font femme. Je décide de les garder. Je
brosse machinalement mes dents, la mousse du dentifrice jaillissant du miroir. Ma bouche,
elle, reste sèche. La vue a chez moi toujours dominé le toucher. Je ne crois que ce que je vois.
Ce bouton rouge est horrible ! Regardez ! Il m’enlaidit et me ridiculise. Tout le monde va le
voir ! Je prends du fond de teint et l’applique minutieusement sur la peau lisse et brillante du
miroir. Personne n’en verra rien. Je me déshabille et m’approche de la douche, quand soudain
je le vois qui me scrute. Son regard de glace posé sur moi me refroidit l’échine et je
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m’empresse d’allumer l’eau chaude pour me soulager. Je jette un dernier coup d’œil à
l’indiscret, puis tire le rideau à tout jamais.
Kezia , Le Miroir . 1ère année de BTS DCEV. Enseignante : Marie Gola
Il n’y a rien de plus sincère qu’un reflet Et les yeux étant le reflet de l’âme Et puisque de l’âme émane la vraie nature de l’homme Et au regard de la complexité de la nature humaine Il n’y a rien de plus sincère qu’un regard
HUC Marion, Reflet de moi-même. 1ère année de BTS DCEV. Enseignante : Marie Gola
Je suis interpellée par ce miroir, la curiosité m'envahit... Est-ce que cet univers est Réel ? Est-ce que je peux rentrer dans cette forêt colorée qui me fait penser à ce peintre anglais dont le nom m'échappe... ? J'ai envie de plonger, de me laisser submerger par ce nouveau paysage, cette mer profonde... ou peut-être bien par ce désert sauvage bordé par une route infinie... J'observe cette voiture rouge éblouie par ce chaud soleil californien... Je ne sais pas si je dois me glisser dans ce miroir... Aux multiples visages, paysages... Que choisir? Les images suivantes ne seront-elles pas mieux? Puis.
Cazaux Lydie. 1ère année de BTS DCEV. Enseignante : Marie Gola
Je suis face à un reflet, des yeux perçants me fixent. Quelle femme est-elle ? Tout le monde
la croit forte, solide, et bien dans sa tête. Elle transmet la joie de vivre. Tout le monde la croit
sans peine et sans regrets. Mais est- ce vraiment elle ? Ce miroir reflète un corps plein
d’assurance, avec quelques rondeurs… Sont- elles assumées, sont- elles aimées ?
Guénin Justine. 1ère année de BTS DCEV. Enseignante : Marie Gola
Tu es là, face à moi. Je me plonge dans ton regard vide, tu me sembles perdu. Tout à l’air si
démesuré pour toi. Tes bras ballants et ton visage triste ne mentent pas. Je ressens ta peur. La
peur de cette grandeur, de ce monde qui s’abat sur toi. Pourquoi ne me parles- tu pas ?
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Hytima Otz, Le Miroir. 1ère année de BTS DCEV. Enseignante : Marie Gola
Rien n'est plus critique et dure que l'image ou l'opinion que nous nous faisons de nous même.
Ne sera jamais totalement honnête le jugement des autres sur notre personne. Jamais
totalement nous ne nous dévoilerons face à autrui. Et pourtant il y a un regard qui lorsqu'il
nous fait face, parfois nous dévaste... nous chagrine... nous décontenance ou à l'opposé nous
satisfait, nous enivre, nous conforte dans l'idée que nous avions de nous en tant qu'être, en
tant qu'individu.
Ce regard observateur parfois voyeur, n'est pas sonore et pourtant assourdissant. Il dévoile et
met au grand jour le pire comme le meilleur de ce qui nous constitue. Il est à la fois avare de
compliments et critique. Il met à nu n’importe quelle personne croisant son reflet.
La beauté comme la laideur y sont révélées, le poids des complexes comme les atouts y sont
visibles, il met en évidence la noirceur comme la lumière que nous nous portons. Le miroir
objet désuet du quotidien mais grand révélateur de vérité.
Tisserand Roxanne, Ma relation avec mon miroir. 1ère année de BTS DCEV. Enseignante :
Marie Gola
Face au miroir, je n’ai jamais les mêmes réactions… Je ne sais pas comment le percevoir : est-
ce mon ami ou mon ennemi ? Je suis tout de même persuadée que j’en ai besoin pour
avancer. Il m’aide dans la vie de tous les jours. Je le questionne et il me répond, il renvoie un
reflet, celui que je veux être ou ne pas être. Cependant, il ne se trompe jamais et révèle
parfois des vérités que je n’ai pas envie d’entendre. Justement le fond du problème est bien
là. Malgré tout, je ressens un besoin perpétuel de le consulter tous les jours, même plusieurs
fois par jour. Ces moments-là sont intenses, il me déçoit, me fait du mal ou me soulage et me
fait du bien. Je m’acharne et au fond ça me plaît. En fait mon MIROIR C’EST QU’UN PUTAIN
DE BIPOLAIRE.
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LUNEL - LYCEE LOUIS FEUILLADE
Anceau Amélie, Sombre Destin, BTS AGP1. Enseignante : Marion Blanchaud
Je me réveille allongée sur le sol au beau milieu d’une rue étroite, vêtue d’une belle robe victorienne noire qui ne m’appartient pas. « Qu’est ce que je fais ici ? ». Je me lève avec beaucoup de mal. Mon cerveau est embrumé, comme si j’avais reçu un mauvais coup sur la tête. Il fait jour, la lumière éclaire le paysage derrière les maisons. Le soleil me réchauffe la peau, il m’incite à me promener dans cette rue déserte. Un homme se tient au bout de la rue et me pointe du doigt.
- Elle est là ! Attrapez-la, dépêchez-vous ! Hurle l’homme à la cantonnée.
Un troupeau de personnes armées apparaît à ses cotés. Ils se mettent à courir dans ma direction. Pieds nus je fais demi-tour et je me mets à courir. Ne connaissant pas l’endroit, j’emprunte des ruelles au hasard qui me conduisent à un marché. Une main m’attrape le bras et me tire d’un coup sec, m’entraînant dans une ruelle sombre. Plaquée contre le mur, ma bouche obstruée par sa main, j’examine cette personne. C’est un homme.
- Tu ferais mieux de ne plus faire aucun bruit si tu ne veux pas qu’ils te retrouvent, dit-il simplement.
Essoufflée, je persuade mon esprit de se calmer et je me concentre alors sur le bruit alentour.
- Cette sorcière ne doit pas s’échapper ! s’exclame une voix. - Il faut la pendre pour ce qu’elle a fait ! s’écrie une autre.
Nous attendons, dans cette position incommode. Quelques minutes s’écoulent puis l’inconnu retire sa main et se retourne pour s’en aller.
- Où allez-vous ?
Il ne m’écoute pas et continue sa route sans un mot.
- S’il vous plait, je ne sais même pas pourquoi ils m’en veulent.
Il se retourne brusquement et me fait face.
- Pourquoi ils vous en veulent ?! vu ce que vous avez fait, cela me paraît normal ! me balance-t-il rageusement, le visage déformé par la colère, il se calme et poursuit : De toute façon cela ne me regarde plus maintenant. Il se retourne et commence à partir : j’espère qu’ils vous attraperont ! Vous n’échapperez pas à votre destin…
Je perçois la colère monter en moi.
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- Dans ce cas pourquoi m’avoir aidée ? Et que voulez-vous dire par « mon destin » ? Sans me regarder, il me répond. - Votre vie m’importe peu, je ne suis qu’un mirage. Soudain, le vent se met à souffler si fort que je suis obligée de me détourner. - Que voulez-vous di…? Je ne peux terminer ma phrase : il a disparu. Assise au sol, je ne cesse de me demander ce qu’il a bien voulu me faire comprendre sur mon
destin. Jamais je n’oserais faire du mal à quelqu’un. C’est impossible.
Du bruit me tire de mes pensées : d’où vient-il ?
Je m’arrête au flanc d’une vielle maison et risque un coup d’œil en faisant attention que
personne ne me voie.
Tout à coup un brouillard se répand, il fait noir et je ne vois plus rien. Je manque tomber et je
me retiens au mur.
Des larmes roulent sur mes joues.
Tu pensais vivre une vie normale ? Ton destin est de mourir, accepte-le, ne résiste plus.
Non ! C’est ridicule, le destin n’est que mensonge.
Un rire résonne en moi et, tandis que le brouillard se dissipe, je l’entends murmurer :
« Ta vie n’est que misère et le destin ne se trompe pas »
Des mains me saisissent alors à la gorge et m’étranglent. Je me débats de toutes mes forces
mais je ne peux rien faire. La personne est dans mon dos et hors d’atteinte. Je panique
lorsque je commence à suffoquer. Je n’arrive à prononcer que ces mots : « Je n’ai pas envie de
mourir ».
Je sens l’étreinte se relâcher peu à peu.
Genoux à terre, je reprends ma respiration comme je peux, puis dans un élan j’attrape un
bout de bois et le brandis en direction de mon agresseur caché dans la pénombre.
La personne entre dans la lumière et je la reconnais. C’est l’homme qui m’a sauvée tout à
l’heure. Une main sur le front, il s’avance lentement.
- Pourquoi vous débattre ?
- Seriez-vous en train de vous moquer de moi ? répondè-je inquiète.
Je serre mes mains autour du bout de bois et je lui pose enfin les questions qui sont pour moi
essentielles.
- Pourquoi voulez-vous me tuer ? Qui êtes-vous ?
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- Ce n’est pas le moment, dit-il d’un ton pressé.
- Comment ça ? À quoi pensez-vous ?
Je sens la peur naître en moi.
Il se jette sur moi et lorsqu’il arrive à ma hauteur, une douleur épouvantable me transperce la
poitrine. Du sang s’écoule jusqu’au sol, tachant tout sur son passage.
Je me réveille en sursaut. Je suis toujours dans cette pièce sans fenêtres, les mains liées dans
le dos, seule. Mais ce cauchemar me perturbe encore plus. Il m’a fait prendre conscience que
fuir ne sert à rien car même en rêvant, « mon destin » tel un félin chassant sa proie, me
traquera toujours.
Plus tard mon agresseur revient. Il attrape brutalement mes cheveux, me crache au visage et
rit.
- On dirait que tu as raison, tes parents ne t’aiment pas assez. Ils n’ont pas souhaité
croire à ton enlèvement et s’en fichent de ce qui pourrait t’arriver. Personne ne te
cherche, tu ne manqueras à personne. Ne t’inquiète pas je vais abréger tes
souffrances.
Il se recule, lève son bras et pointe son arme dans ma direction.
Quand je sens l’impact à l’intérieur de ma poitrine, le poids de ma misérable vie et des
nombreuses trahisons disparaissent en un instant. Le monde entier me hait.
C’est alors que je comprends ce que mon subconscient a cherché à m’expliquer depuis si
longtemps : Même si tout semblait être contre moi, j’aurais dû continuer à me battre coûte
que coûte. J’aurais dû essayer.
SAINT GEORGES D’ORQUES
Victor Malzac, Ma flûte traversière , Mention spéciale langue université du concours de
poésie Matiah Eckhard.
dans tes bras je pourrais composer tous les poèmes du monde ma flûte je ne sais pas jouer de la flûte je n'ai pas pu apprendre quand j'avais sept ans je n'avais pas le temps je ne peux que
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la regarder sourire. après tout ce n'est peut-être qu'une immense sérénade après tout ce ne peut être que cela ma flûte traversière une immense sérénade triste et joyeuse qui entre mes mains ne fait pas de bruit. je suis près de l'embarcadère où coule un ruisseau bleu et c'est elle le ruisseau sans le bruit de pas que font les vrais ruisseaux non sans bruit. ma flûte je ne sais pas jouer de la flûte je n'ai jamais appris je l'ai reçue dans les mains un cadeau d'un ami et quand il y a du vent elle résonne toute seule elle résonne comme un ruisseau bleu à ma fenêtre toutes les nuits j'entends siffler les rues comme des flûtes à l'air libre et je me lève et je regarde danser sans bruit sans autre bruit que les immenses sérénades qui se profilent dans les rues qui font comme un ruisseau bleu
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et j'entends s'écrier tous les poèmes du monde.
BAS-RHIN
STRASBOURG
Emmanuel HETSCH, La quête la plus vaine, Mention spéciale université (Ex aequo) au
concours de poésie Matiah Eckhardt. Faculté de médecine de Strasbourg.
La quête la plus vaine est celle de l’enfance,
Je recherche toujours ce conte de lutins :
Celui qui me berçait du soir jusqu’au matin
Et qui entretenait ma plus tendre insouciance.
J’aimerais retrouver ce monde imaginaire,
Un monde de tendresse et de beaux arcs-en-ciel,
De bonnes confiseries et de doux caramels,
De belles princesses qui brisent l’ordinaire.
Ils sont tellement loin, tous mes rêves enfantins,
Ces songes merveilleux qui sont maintenant vains.
Je donnerais mon or pour pouvoir revivre
Ces instants magiques passés avec les fées
Qui restaient près de moi, la nuit, me réchauffer ;
Je pleure l’âge d’or des poèmes et des livres.
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PARIS
PARIS - HENRI IV
Bastien Nora Roger Vasselin, Genèse, KHAL1. Texte écrit dans le cadre du concours de
nouvelle des lycées Henri IV, Louis le Grand, Fénelon. En partenariat avec l’école Estienne.
« Ah ! cachons-nous ; passons avec les sages
Le soir serein d’un jour mêlé d’orages ;
Et dérobons à l’œil de l’envieux
Le peu de temps que me laissent les dieux.
Tendre amitié, don du ciel, beauté pure,
Porte un jour doux dans ma retraite obscure !
Puissé-je vivre et mourir dans tes bras,
Loin du méchant qui ne te connaît pas,
Loin du bigot, dont la peur dangereuse
Corrompt la vie, et rend la mort affreuse ! »
Voltaire, Épître 76
Alors l'Éternel Dieu fit tomber un profond sommeil sur l'homme qui s'endormit ; Il prit
une de ses côtes, et referma la chair à sa place. L'Éternel Dieu forma une femme de la côte
qu'Il avait prise de l'homme, et Il l'amena vers l'homme. Et l'homme dit : « Voici cette fois
celle qui est os de mes os et chair de ma chair ! On l'appellera femme, parce qu'elle a été prise
de l'homme. » C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa
femme, et ils deviendront une seule chair. L'homme et sa femme étaient tous deux nus, et ils
n'en avaient point honte.
Un jour qu’elle s’ennuyait, la femme proposa à l’homme de jouer à un jeu. L’homme
répondit qu’il était d’accord, mais que son opération récente de la côte l’empêchait de courir
trop vite. La femme proposa à l’homme de jouer à se cacher dans le jardin et à se retrouver.
Pendant que l’homme comptait, la femme alla se cacher derrière l’arbre de la connaissance
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dont le large tronc pouvait la dissimuler tout à fait. Pendant qu’elle se cachait, le serpent
descendit de l’arbre.
Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que l'Éternel Dieu eût
faits. Il dit à la femme : « Dieu a-t-il réellement dit : “Vous ne mangerez pas de tous les arbres
du jardin ?” » La femme répondit au serpent : « Nous mangeons du fruit des arbres du jardin.
Mais quant au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : “Vous n’en mangerez
point et vous n’y toucherez point, de peur que vous ne mouriez.” »
Alors le serpent dit à la femme : « Vous ne mourrez point ; mais Dieu sait que, le jour
où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant
le bien et le mal. »
La femme vit que l'arbre était bon à manger et agréable à la vue et qu'il était précieux
pour ouvrir l'intelligence ; elle prit de son fruit et en mangea. À cet instant, l’homme surgit
devant la femme, heureux de l’avoir enfin trouvée. La femme persuada son mari qui était
auprès d’elle que le fruit succulent pourrait l’aider pour ses douleurs de ventre ; elle en donna
à son mari, et il en mangea. Lui aussi le trouva succulent du reste, et il remercia le serpent qui
en mangea gaiement avec eux.
Les yeux de l'homme et de la femme s'ouvrirent alors, ils connurent qu'ils étaient nus,
et un désir irrésistible s’empara de l’un et de l’autre. L’homme trouvait que la femme avait le
teint doux et les lèvres rouges comme une pomme ; la femme trouvait que l’homme avait de
belles mains et que sa bouche était à croquer. Alors ils entendirent la voix de l'Éternel Dieu
qui parcourait le jardin vers le soir, et l'homme et sa femme se cachèrent derrière l’arbre, loin
de la face de l'Éternel Dieu, pour ne pas qu’Il les surprît.
Mais l'Éternel Dieu appela l'homme et lui dit : « Où es-tu ? » Et l'Éternel Dieu n’obtint
aucune réponse.
L'Éternel Dieu dit : « Qu’ils soient dans les eaux ! » Mais cela n’était point ainsi. Il les
chercha longtemps dans les eaux. Et l'Éternel Dieu vit que cela n’était pas la bonne cachette.
Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le premier jour.
Puis l'Éternel Dieu dit : « Qu’ils soient sur la terre sèche que le rassemblement des
eaux qui sont au-dessous du ciel a fait paraître ! » Mais cela n’était point ainsi. Il les chercha
longtemps sur la terre sèche. Et l'Éternel Dieu vit que cela n’était pas la bonne cachette. Ainsi,
il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le deuxième jour.
Puis l'Éternel Dieu dit : « Qu’ils soient derrière le plus grand luminaire qui préside au
jour, ou derrière le plus petit luminaire qui préside à la nuit, ou derrière les étoiles ! » Mais
cela n’était point ainsi. Il les chercha longtemps derrière le grand luminaire, le petit luminaire
et les étoiles. Et l'Éternel Dieu vit que cela n’était pas la bonne cachette. Ainsi, il y eut un soir,
et il y eut un matin : ce fut le troisième jour.
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Puis l'Éternel Dieu dit : « Qu’ils soient dans les maisons des créatures marines, ou dans
les nids des créatures ailées ! » Mais cela n’était point ainsi. Il les chercha longtemps dans les
maisons des créatures marines et dans les nids des créatures ailées. Et l'Éternel Dieu vit que
cela n’était pas la bonne cachette. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le
quatrième jour.
Puis l'Éternel Dieu dit : « Qu’ils soient dans les terriers des créatures terrestres ! » Mais
cela n’était point ainsi. Il les chercha longtemps dans les terriers des créatures terrestres. Et
l'Éternel Dieu vit que cela n’était pas la bonne cachette. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un
matin : ce fut le cinquième jour.
Puis l'Éternel Dieu dit : « Qu’ils soient derrière la verdure, ou l'herbe portant de la
semence, ou les arbres fruitiers ! » Et cela était ainsi, mais Dieu ne le remarqua qu’à la fin de
la journée. Il les chercha longtemps derrière la verdure et l’herbe portant de la semence.
L'Éternel Dieu était fatigué, Il n’avait pas dormi depuis cinq jours et Ses habits étaient couverts
de terre, de branchages et de poussière d’étoiles. L'Éternel Dieu était à bout de souffle, quand
Il arriva derrière l’arbre de la Connaissance. Alors Il vit l’homme et la femme en train de
s’aimer.
L'Éternel Dieu dit à l’homme : « Pourquoi t’es-tu caché ? »
Celui-ci répondit : « J'ai entendu ta voix dans le jardin, et j'ai eu peur, parce que je suis
nu, et je me suis caché. »
Et l'Éternel Dieu dit : « Qui t'a appris que tu es nu ? Est-ce que tu as mangé de l'arbre
dont je t'avais défendu de manger ? »
L'homme répondit : « La femme que tu as mise auprès de moi m'a donné de l'arbre, et
j'en ai mangé. » La femme pinça discrètement le dos de l’homme pour protester contre son
manque de solidarité.
Et l'Éternel Dieu dit à la femme : « Pourquoi as-tu fait cela ? »
La femme répondit : « Le serpent m'a séduite, et j'en ai mangé. J’ai pensé que cela
serait bon pour les problèmes digestifs de mon mari. »
L'Éternel Dieu leva les yeux au ciel et dit au serpent : « Puisque tu as fait cela, tu seras
maudit entre tout le bétail et entre tous les animaux des champs. Tu seras l’animal caché : tu
marcheras sur ton ventre, et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. Je mettrai
inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité : celle-ci t'écrasera la tête, et
tu lui blesseras le talon, car personne ne te verra, caché que tu seras dans les herbes. »
Il dit à la femme : « Je ferai ta descendance aussi perfide que toi et, avant de se
montrer, elle se cachera dans ton sein pendant neuf mois. Lorsque ta descendance sortira de
la cachette, cela sera pour toi une grande douleur. »
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Il dit à l'homme : « Puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de
l'arbre au sujet duquel je t'avais donné cet ordre : “Tu n’en mangeras point !”, le sol sera
maudit à cause de toi. Les fruits ne naîtront plus d’eux-mêmes en abondance, mais ils seront
cachés dans le sein de la terre. C'est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les
jours de ta vie. Il te produira des épines et des ronces, et tu mangeras de l'herbe des champs.
C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes dans la
terre, d'où tu as été pris ; car tu es cachotier, et tu retourneras dans ta cachette. »
Puis l'Éternel Dieu dit : « Puisque vous avez l’air d’aimer tellement ce jeu, Je ne
paraîtrai plus au grand jour. Je me cacherai de vous et de vos enfants, et seuls les plus fidèles
sauront me trouver et me voir. »
L'Éternel Dieu fit à Adam et à sa femme des habits de peau, et il les en revêtit pour
cacher leurs corps coupables. Et l'Éternel Dieu chassa l’homme du jardin d'Éden, pour qu'il
cultivât la terre, d'où il avait été pris.
L'Éternel Dieu récapitula tout ce qui s’était passé et Il vit que cela n’était pas très
positif. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le sixième jour. L'Éternel Dieu alla se
laver et se coucher au septième jour. L'Éternel Dieu bénit le septième jour, et Il le sanctifia,
parce qu'en ce jour Il se reposa de toute la traque qu’il avait menée.
Amen.
Albane Toussaint, Trouve-moi si tu peux , ECS2. Texte écrit dans le cadre du concours de
nouvelle des lycées Henri IV, Louis le Grand, Fénelon. En partenariat avec l’école Estienne.
Mon sourire a laissé place à des grimaces. J’ai mal. J’ai peur. Je garde les yeux fermés pour ne
pas voir. Pour ne pas voir la réalité. Pour ne pas voir Maman pleurer. J’aimerais pouvoir lui
dire : « Tu n’as pas de souci à te faire, Maman. Je suis bien cachée. Je vais gagner, je te le
promets ». Je sais que je n’ai pas le choix. Il le faut à tout prix. Je repense à mes amies. A mes
frères. A mon chien Semprun. Des bruits de pas dans le couloir me tirent de mes pensées. Ma
respiration se fait plus irrégulière. Mon cœur ralentit. Les machines autour de moi se mettent
à hurler. Je peste intérieurement. Je suis fatiguée de toujours rester sur le qui-vive. J’avais
enfin trouvé une bonne cachette et me voilà démasquée ! Je dois encore changer d’endroit.
L’opération est délicate. Il faut aller vite. Très vite. Et surtout rester discrète. Montrer mes
faiblesses serait signer ma défaite. Jamais je n’aurais pu imaginer que je me retrouverais un
jour dans cette situation. Petite, j’arborais toujours un large sourire rayonnant. J’aimais me
mêler aux grandes personnes. Je les imitais pour tenter d’appartenir à leur monde. Juchée sur
ma chaise, bien droite, j’écoutais attentivement leurs conversations d’adultes. A l’école, tout
allait bien. J’avais de bonnes notes et des amies fidèles. J’ai toujours aimé apprendre. Papa et
Maman étaient fiers de moi. Bref, j’avais la vie que toutes les petites filles de mon âge rêvent
d’avoir.
16
Jusqu’à la fin de mon année de Première. Les grandes vacances venaient à peine de
commencer. Le stress et le train-train quotidien s’éloignaient pour laisser place à une
véritable aventure. Je partais en voyage itinérant avec un groupe de jeunes de mon âge.
Quelques jours avant le départ, j’ai ressenti une vive douleur à la tête. Pas un simple mal de
tête qui passe en prenant du Doliprane. Un de ces maux de tête qui vous font hurler de
douleur. J’ai tout de suite su que quelque chose n’allait pas. Puis la douleur a disparu aussi
vite qu’elle était venue. L’excitation des préparatifs a alors repris le dessus. Je n’y ai plus
pensé. Nous nous sommes envolés, direction le Pérou. Sur place, ce fut le coup de foudre. Des
paysages à couper le souffle. Une Pacha Mama aussi généreuse que les habitants. Partout des
couleurs, loin de la grisaille parisienne. Nous avons fait de grands treks pour découvrir tous
ces trésors cachés. Parmi eux, le Machu Picchu, perché dans les montagnes à un endroit
insoupçonné. Je me souviendrai toute ma vie de ce jour-là. J’étais essoufflée en montant les
deux mille marches qui mènent à la mythique cité perdue des Incas. C’était pour moi un
véritable chemin de croix. Cela ne m’a pas alarmée pour autant. J’ai mis cela sur le compte de
l’altitude et j’ai continué de plus belle, toujours en tête. Un pied après l’autre. Sans oublier de
m’arrêter pour pouvoir admirer le paysage. Et reprendre mon souffle. Pas question pour moi
de monter dans le train qui dépose les touristes directement à l’entrée du site. Voir le Machu
Picchu, ça se mérite.
Je n’y ai plus pensé du voyage. Jusqu’à ce que cette douleur à la tête recommence quelques
jours après mon retour. Toujours plus lancinante. Mon état s’était brusquement aggravé. Je
n’arrivais plus à lire. Impossible de me concentrer. J’avais des trous de mémoire. Me lever
était devenu une bataille quotidienne. Sans parler du brossage des dents. Je devais m‘asseoir
car mes jambes me portaient à peine. J’étais à bout de force, physiquement et
psychologiquement. Les rendez-vous à l’hôpital s’enchaînaient et se ressemblaient. Après des
batteries d’examens, toujours les mêmes conclusions : « Je suis désolé mais ce que décrit
votre fille ne relève pas de ma compétence », « les résultats ne montrent rien d’anormal, ce
doit être de la fatigue ». Mais moi, je savais que tu étais là, quelque part. Très bien cachée,
certes. Mais pas introuvable. Je refusais de donner ma langue au chat, même si je devais
continuer seule mes recherches. Jamais je ne capitulerai. Je me battrai jusqu’au bout.
« Alors, on la trouve cette putain de maladie ? ». J’ai fondu en larmes. Un spécialiste venait
enfin d’accepter de relever le défi. Il allait résoudre ce cas hors du commun, qui résistait à
toute cette horde de blouses blanches depuis si longtemps. En ce matin de novembre, il avait
relevé ses manches pour m’annoncer la nouvelle. Après avoir cherché pendant des mois, je
venais de trouver le bon médecin. Celui qui m’aiderait dans ce combat. C’était une première
étape dans ma quête de diagnostic. Il avait compris que je n’étais pas ce genre de fille qui
pleure pour une petite égratignure. Ni ce genre de fille qui abandonne à la moindre difficulté.
Donc que je me battrai, avec ou sans lui. Et il voulait faire partie de ce combat. Je n’étais plus
seule. Enfin ! On allait m’aider. Nous allions te démasquer, te donner un nom et te neutraliser.
Cette partie de cache-cache allait enfin se terminer.
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Je manquais beaucoup de cours à cause des hospitalisations. Quand j’étais au lycée, je voulais
être une élève comme les autres. Je refusais tout traitement de faveur ou tout regard de pitié.
Je ne voulais pas parler de cette foutue maladie. Je savourais ces instants hors des murs
blancs de l’hôpital. Je voulais tellement que tout soit comme avant. Mais quand je rentrais
chez moi, je restais allongée, immobile pendant des heures dans le noir. Incapable de faire le
moindre geste. Des crampes au ventre ont fait leur apparition. J’ai été prise de vomissements.
Ma famille assistait, impuissante, à la face cachée de ma maladie. Celle que je ne montrais
qu’à mes proches. Avant de sortir, je déployais tous mes efforts à dissimuler toute trace de
ma souffrance. Et on peut dire que j’étais particulièrement bonne à ce jeu-là ! Je me
maquillais et je revêtais mon plus beau sourire. Je ne voulais pas que mes amis me voient
souffrir. Les moments joyeux partagés avec eux étaient pour moi le plus beau cadeau. Je
répondais inlassablement « ça va » quand ils demandaient des nouvelles de ma santé. Mes
amies n’étaient pas dupes. Elles me connaissaient trop. Mais elles ne me posaient pas de
questions. Elles se contentaient de guetter silencieusement le moindre signe de faiblesse.
Cette stratégie de dissimulation a très vite montré ses faiblesses. Les gens ne comprenaient
pas que je demande à m’asseoir dans le bus, ou que je ne leur cède pas ma place. Je ne leur
en veux pas, ils ne pouvaient pas savoir. Mais même ma carte d’handicapée ne suffisait pas à
les convaincre. Ils repartaient en pestant contre les jeunes mal éduqués. Chacun a une
histoire, a vécu un combat ou a connu une blessure profonde. Cela a changé mon regard sur
les gens. Ne jugez jamais quelqu’un sur son apparence. Il est très difficile d’accepter de l’aide.
Lorsqu’on demande une faveur, croyez-moi, c’est à contre-cœur. Qu’est-ce que j’aurais aimé
pouvoir vous céder ma place, pouvoir rester debout dans le métro !
Un soir, alors que je travaille au CDI, mon téléphone vibre. C’est Maman. Je sors rapidement
et décroche. Sa voix tremble. Je comprends tout de suite. Ça y est. La partie de cache-cache
est terminée. On t’a trouvée. On a découvert ta cachette. On a enfin pu te donner un nom. Le
médecin vient d’appeler Maman pour lui annoncer la nouvelle. Il ne t’aura suffi que de quatre
millimètres pour te cacher. Quatre millimètres dans un coin de mon cerveau pour provoquer
tous ces dégâts. Je dois immédiatement retourner à l’hôpital pour que les neurochirurgiens
puissent te déloger. L’opération se déroule sans encombre mais les médecins émettent des
réserves. Je reprends petit à petit des forces. Je pars me ressourcer à la mer pendant un mois.
Le baccalauréat est dans un mois et demi. Il est hors de question que je ne sois pas au rendez-
vous, en même temps que tous mes camarades. Je m’accroche. Je révise à mon rythme. Les
épreuves arrivent. Je suis épuisée. Chaque épreuve est une bataille. Une bataille de gagnée.
Chaque soir, je m’écroule. Mais le lendemain, je me relève. Pendant deux semaines, le
scénario se répète. J’ai réussi à tenir. Mes parents pleurent de joie. Ils savent à quel point
cette victoire est symbolique. Peu importe les résultats, je suis fière.
Me voilà de retour à l’hôpital. Le repos aura été de courte durée. Papa vient d’appeler le
Samu. Il m’a trouvée inconsciente en rentrant du travail. Ma sœur fêtait son anniversaire avec
ses amies dans le salon. Je n’ai pas voulu les déranger. Je suis restée étendue dans ma
chambre. L’enfer recommence. Je le sens. Tu es revenue. L’IRM confirme la mauvaise
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nouvelle. Arriverais-je un jour à me débarrasser de toi ? Cette fois-ci, ta cachette est nulle. Tu
es revenue au même endroit. Erreur de débutante ma cocotte. Cela nous permet de tout de
suite te repérer. J’ai mal. J’ai peur. Maman est assise à côté de moi. Elle me tient la main. Une
larme coule sur sa joue. Papa se tient au bout de mon lit. Il regarde par la fenêtre, perdu dans
ses pensées. Ils sont inquiets, je le sens. Je m’aperçois alors qu’ils ont, eux aussi, été éprouvés
par ces derniers mois. J’aimerais pouvoir les rassurer. Leur dire que je vais gagner. Mais je ne
peux pas. Je n’ai plus la force de te chasser. Je fais désormais confiance aux médecins. Cette
partie de cache-cache a suffisamment duré. Demain aura lieu l’opération de la dernière
chance. L’une de nous deux aura perdu. Une fois pour toute.
Agnès Guérin, Un parfait interprète, 1er prix élève de HK LLG, du concours de nouvelles
des lycées Henri IV, Louis le Grand, Fénelon. En partenariat avec l’école Estienne.
Il neigeait ce jour là sur le port de Rostock. Hermann regardait droit dans le soleil et brûlait
sa rétine dans la lumière blanche, les grues rouillées s’élevaient sur le souffle pâle du ciel.
Hermann tenait contre sa poitrine un cahier, ses doigts glissaient doucement sur le papier
chaud. Il lui sourit encore et les vagues au loin murmuraient « tu sais ». Il en déchira les pages
et les fragments se mêlèrent à la neige comme les ailes des papillons morts pendant l’hiver. Il
les déchira une à une, consciencieusement, déposant les lambeaux clairs dans le vent. Le
monstre au loin ne s’arrêtait pas de rire, et la dernière page s’envola, avec ses trois derniers
grands chiffres, profonds dans l’encre noire, cruels, inexorables. Hermann les vit, comme
tracés dans le ciel par sa main : 1, 2, 3, par sa main comme s’il était un ange, par sa main,
comme s’il vivait encore. Et pour couvrir le rire dans sa tête qui retentissait de plus en plus
fort, Hermann cria, il hurla, il lança sa voix tout entière et ses poumons et ses entrailles dans
le matin, car le rire ne s’arrêtait pas.
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Hermann était – avait toujours été – un très digne agent et serviteur du service de sécurité
d’Etat, sans nom avec des yeux pour voir à travers les masques criminels, et une bouche
pour parler de la voix de la justice. Il était entouré des hommes les plus loyaux et les plus
sûrs, et en tant qu’instruments honorables de la volonté populaire, ils étaient restés vierges
des voyages et des passions qui ternissent par l’expérience la pureté des vrais hommes. Pour
que les autres citoyens marchent sur les lignes droites de la vie, pour qu’ils puissent arrêter
d’errer et de mourir, ils donneraient tout pour les couvrir de mains douces et invisibles, et
leur dire « votre vie est juste ».
La nation, un beau jour, sous les traits de l’officier supérieur, lui avait présenté un homme
nommé Fiedling que les rouages de leur service connaissaient en tant que numéro 57, et qui
parlait parfois de poésie et de musique. On lui pardonna vite ses vers qui exprimaient
l’égoïsme de ceux qui croient pouvoir créer seuls car il avait apporté dans leurs bureaux un
gramophone qui jouait l’hymne national et offrait des cigarettes trouvées dans les colis qu’il
inspectait. On le laissa même déclamer ses poèmes lorsqu’il eut, après quelques semaines
seulement, démantelé les conversations codées de nombreux réseaux terroristes qui
gangrénaient le corps autrement vigoureux de la société. Dans les lettres, toujours, derrière
l’usage de la langue pure de la patrie, Fiedling trouvait un second sens, un chiffre, une clé, et
la volonté populaire le désigna vite comme ultime espoir d’achever la purification de la
région, ce qui le hissa au même rang qu’Hermann.
Un jour, il intercepta une lettre que la femme d’Hermann avait envoyée à son frère à
Varsovie. Derrières les subtiles intrications d’un code élaboré, Fiedling découvrit la vérité :
elle était le suppôt d’une nation étrangère, poussé par l’ennemi à ruiner les efforts des
services de sécurité de leur état providentiel en semant le chaos et l’anarchie. Hermann,
qu’elle projetait d’utiliser pour ruiner leur labeur, fut reconnaissant d’une telle découverte,
qui l’avait préservé de la flétrissure. Il confia personnellement l’interrogatoire de sa femme à
Fiedling, qui pouvait voir la traitrise bouillonner derrière son costume flambant neuf de
femme douce et attentionnée. Hermann, qui, en dépit de son devoir envers le peuple, avait
ressenti pour elle du désir et de l’amour, ne se laissa pas longtemps aller à une honteuse
tristesse, et pour mieux effacer sa souillure, laissa Fiedling emmener sa femme à la prison du
service de sécurité d’Etat.
Fiedling lui raconta comment il lui avait fait suivre pendant des jours le couloir sans jamais
trouver sa cellule, son errance dans les escaliers infinis, les chambres blanches et les
chambres noires, les milliers de salles d’interrogatoire ou elle le trouvait toujours avec un
verre de lait à la main. Comme elle ne disait rien sur ses complices, elle finit par mourir, car
la justice n’avait pas renoncé, et elle n’eut pas de funérailles. Hermann qui sentait encore
certains soirs le mensonge d’une larme la rappeler à son souvenir se lança à corps perdu sur
les traces de Fiedling. Celui-ci avait été investi à son tour de la mission nationale et fait chef
du département. L’unité de Rostock se révéla vite être la plus efficace du pays. Après
quelques réticences, Fiedling appris à Hermann à déchiffrer les codes, à comparer les clés et
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les nombres, à les trouver sur les lèvres tremblantes des menteurs, à voir à travers les signes
et à trouver le second sens. Fiedling lui donna un jour un carnet couvert de chiffres en lui
disant que lorsqu’il aurait percé cette dernière énigme, ce dernier poème, il n’aurait plus
rien à lui apprendre. Parfois, il lui récitait de petits sonnets qu’il composait chez lui avant de
s’en servir comme papier à cigarette. Le département continuait à faire merveille, et
Hermann s’acharnait avec plaisir sur le cahier rempli de chiffres.
Un soir, cet hiver là, Fiedling invita Hermann à marcher avec lui le long des quais. Sous la
lune et avec son long manteau pâle dans la fraicheur du crépuscule, il semblait s’estomper
comme de l’encre trop claire. Hermann s’était plu quelquefois à imaginer le costume de
Fiedling tomber lentement, comme une étoffe qu’on arrache, et ne voir derrière celle-ci que
les ténèbres –non- que le néant, un vide aussi ténu que sa forme diaphane. Après plus d’une
heure de marche silencieuse, Fiedling s’arrêta. Il se retourna vers Hermann et parla d’une
voix claire, en regardant le ciel. Il parla comme dans un théâtre, lisant les mots de l’univers.
- Il ne me reste qu’une chose à te dire, Hermann, et comme un dieu, tu me ressembleras.
C’est un secret. Le chiffre a deux sens : le premier, celui que tu entends, c’est… l’amour, si je
te dis « je t’aime », ce sont les mots qui sonnent ainsi, je t’aime, Hermann, je t’aime : Les
vibrations de l’air … Enfin, ce sens là ne nous intéresse guère. Nous, Hermann, nous
cherchons le second sens, le sens caché, celui qui se trouve dans l’esprit, celui que l’on
prononce dans la langue d’Adam. C’est, par exemple que, si l’on a dit que les hommes
pensaient, avant de construire Babel « faisons des briques, et cuisons les au feu », ce n’est
pas qu’il y avait une tour, mais que les hommes ont voulu, peut être, bâtir une ville solide
avec la poussière du désert, c’est qu’ils ont saisi le rien pour en faire leur œuvre entière,
c’est… Mais tout cela, c’est moi qui le dis, car je suis un poète… Vois tu Hermann, le chiffre à
deux sens, oui, mais il n’y a rien derrière les lettres, les mots sont là, et derrière, c’est le vide,
le vide comme dans cette nuit là quand le nuage vert là bas aura caché la lune… C’est
comme une partie de cache-cache, sauf que tu joues tout seul, Hermann, tu erres parmi les
arbres, tu choisis un endroit qui te plait, un endroit très beau, tu inspires l’air et tu cries « j’ai
trouvé ! ». Oui Hermann, la vérité, c’est que je ne décode rien, la vérité, c’est que
j’interprète ! Comme devant un poème, mais ces lettres ne sont pas des poèmes, comme
devant la musique… Je place le sens que je désire derrière les mots et les signes, le second
sens, je le dessine, il suffit de désirer une chose, Hermann ! Le second sens des choses est
celui que tu leur donnes, et si tu veux vivre heureux dans cette partie du monde, la clé de
tout, c’est le vers !
A ces mots, Fiedling éclata d’un long rire clair, comme celui d’un enfant, puis disparut dans
la nuit en courant. Les premiers flocons de décembre se posèrent, légers sur les Joues
d’Hermann, la fine glace fondue se mêla à ses larmes, et il resta ainsi, le visage tourné vers la
lune, jusqu’à qu’il ne sente plus ses doigts frigorifiés. Puis il rentra chez lui, en levant la tête,
en suivant des yeux les nuages, au loin, le petit cimetière ou gisaient peut être l’un des
hommes que l’on avait tué pour les poèmes de Fiedling. Une fois dans son appartement, il
-21-
fuma une cigarette, pensa à sa femme, puis il écrivit le mot « poète » sous les chiffres du
cahier.
Le lendemain, lorsqu’il revint au quartier général, le gramophone de Fiedling jouait La Folia
de Vivaldi et comme dans un grand ballet, chacun classait les lettres sur le rythme de la
musique, comme des peintres, ses collègues plaçaient les plus belles pièces à convictions
pour former des coupables parfaits, tout assemblés, ils sculptaient une grande victoire ailée,
avec le ciseau de l’état tout puissant, et les vies qui tombaient comme la poussière de plâtre.
Hermann prit son revolver et tua Fiedling. Puis il tua tous les autres agents du bureau, leur
sang semblait écrire un étrange poème sur le papier blanc. Il marcha vers le port et déchiffra
le carnet de Fiedling. Il déchiffra l’élégie qui peignait les souffrances de sa femme, et
s’enfonça chaque rime dans la tête comme un aiguillon dans le foie, il déchiffra l’ode des
mains de Fiedling, de ces mains qui s’étaient posées sur sa chair blanche, de ces mains qui
l’avaient étouffée, pour voir, comme il l’écrivait, l’étincelle foudroyante dans les yeux qui
contemplent la dernière image qu’ils verront jamais, il lu les derniers chiffres, les plus
simples et les plus cruels, 1, 2, 3, cela voulait dire « elle t’aimait ». Puis il monta très
lentement les escaliers vers la plus haute grue du port.
Hermann tendit sa main comme pour toucher le soleil pâle, comme pour toucher le visage
blanc de sa femme, et il la referma sur un flocon glacé. Hermann pensa à un poème, à un
chant triste, en quelques vers, un chant qui n’aurait qu’un seul sens, un chant aussi pur que
la neige sur la grue rouillée. Une phrase sans costume, un cri. Il pensa comme dans un rêve :
« il neigeait ce jour là sur le port de Rostock », puis il s’élança avec les flocons, comme pour
voler, en criant un cri plus clair encore que son rire, un cri plus froid que le vent d’hiver, tout
en tombant avec la neige.
PUY-DE-DÔME
LEMPDES
Thaïs Andreani Pertica, Recueil poétique. BTS Gestion et Protection de la Nature
Coulures de Lune
Le soleil embrasera la plaine
Boutons d’or
Et herbes mordorées
Ebroueront paillettes en l’haleine
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D’une brise d’ouest et l’été
Sans chagrin s’éteindra
Sous le ciel hululement des âmes
Esseulées
Aux seuls rayons nocturnes
Liberté des coulures des larmes
Dans l’étang étoilé et la lune
Soudain y coulera
Ton corps se refusera
Alors
L’âcreté picotera mes jours
Tes yeux ancrés à d’autres ports
Feront pleurer les miens et l’espoir
Simplement s’en ira
Masques
Promenade où la mousse a poussé
Sous nos pas son odeur fade et molle
Et je guette à ton bras enlacée
Effluves et cris montant du sol
J’entends toute la nausée des femmes
Les froufrous des jupons blancs tachés
Les rires faux des grands messieurs-dames
Qui font la cour en buvant du thé
Moi je hais les parfums hors de prix
La trop feinte passion des amants
Les baisers froids, les paupières qui,
Tels les cœurs, battent trop lentement
Deux roses rouges dans la baignoire
Les flutes de champagne ébréchées
Qui dansent là où l’eau a gelé
Comme enlacées dans la nuit noire
Ravis moi ravissant ravisseur
Brouillard occulte tout, on n’y voit goutte
Tu devines à peine que je pleure
Là-dessus le grand saule s’égoutte
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Allons loin des foules, loin des villes,
Dans un bois, près d’un lac scintillant
Simplement où l’amour est facile
Où la vie nait dans un froissement
Je tremblote car il est bien tard,
Tu pardonnes mes douces folies
Mes pieds dans la vase de la mare
Les salissures de mon esprit
Arrache donc mon cœur et mon âme
Pétris-moi, amour, de tes mains fortes
Sans soucis des piques ni des lames
Qui transpercent mon corps, je suis morte
NI, NI
Ni la brise d’été sur mon front enfiévré
Ni le soleil levant qui me sourit parfois
Ni les mugissements des vagues de l’Ile de Ré
Ni l’horizon bleuté ni tes larmes de joie
Ni la pierre qui roule sur son tapis de mousse
Ni l’œillet du chemin ni l’aubépine en fleur
Ni tes yeux dans les miens ma main sur ta joue douce
Ni la rose d’amour ni la divine horreur
ne me font oublier que
Ton absence m’exaspère presque plus que ta présence ne m’horripile
Ode à la Terre
Les rugissantes autos passent à toute allure
Entre les grands poteaux. Nature métallique
Le triste paysage ! Borne téléphonique
Brume boue et rambarde aux mille éclaboussures
Hier l’homme a chanté en construisant les murs
Aujourd’hui le temps est devenu rouge brique
Vois, la lune est de plâtre et l’air bleu électrique
C’est ce que les grands arbres coupés nous susurrent
-24-
Le goudron a coulé comme coulent les lames
De pluie dans le sol, la ville est sale et morte
Le bitume engloutit les fourmis et cloportes
La lumière le vent et le cœur d’une femme
Ville d’espoirs noyés horizon macadam
La nuit pleure et gémit quand je frappe à ta porte
Ton visage apparaît je ris et tu m’emportes
Délicieuse accalmie des plaintes de mon âme
J’aspire à d’autres cieux et j’expire en questions
A la vue des fumées des laideurs des gravats
Ta main frôle la mienne dans le matin froid
Mon remède c’est ta calme respiration
Tes yeux verts au printemps c’est ma douce évasion
Ton corps est mon exil mon ailleurs est ta voix
Mon amour aujourd’hui est pour ton nom, Gaïa
Et pour chaque jour gris doré par notre union
L’homme actuel
Lieu de passage à ciel couvert
Visages fermés
Démarches rapides
Hommes d’affaire et de voyage
Sacoches emplies de mots de tête
Pas un ne s’arrête
Pour ajuster sa cravate sage
Ni pour l’oiseau dans mon corsage
Ni même pour un pas de tango
Traverser le monde et la place
Sans être bohême ni voleur
Seulement par devoir ou par intérêt
Voilà ce que disent
Les chaussures à lacets
Les vestes de costume
Les chemises conventionnelles
Uniforme de l’homme actuel
Réveillons
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Par les volets fendus tombent sur le lit sombre
Où nous sommes étendus mille traits de soleil
A mon chevet scintillent mes boucles d’oreille
Emmêlées sur la table de nuit qu’elles encombrent
Dans les vapeurs d’encens et la demie pénombre
Chacun rêve en silence du pronom pluriel
Ce « nous » pour deux corps nus sous les rayons de miel
Qui caressent ta nuque et en dessinent l’ombre
Le temps fuit nous dormons nous touchant sans nous voir
Nos lèvres et nos yeux clos d’une douce torpeur
Renferment de la nuit ses cris et ses odeurs
Et l’écume d’amour rafraichie dans le noir
Mais tes poings qui s’ouvrent comme on ouvre un tiroir
Font jaillir tout à coup passion et chaleur
Embrasse ! crie mon nom et empoigne mon cœur
Robe à terre et pudeur laissée dans la baignoire
Ainsi glissent les heures et tombe le soleil
Sans souci de nos chairs tendrement enlacées
Ni des palpitations des cœurs exténués
Et comblés l’un par l’autre au pays des merveilles
Par les volets fendus tombent sur nos sommeils
Nécessaires et profonds mille perles argentées
Lune nous enveloppe et contient nos baisers
Jusqu’au petit matin jusqu’au nouveau réveil
Pas un vent
Pas un vent
Une terre lourde sous un ciel irisé
Un soleil sur la table grise
Lumière blanche, folle, qui pèse
Deux alouettes s’envolent avec fracas dans l’aile
Un goût fade et amer de chocolat et de vanille
L’indolence du jour qui passe
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Sans savoir à quel saint se vouer
Pas d’éclair morbide ni d’éclaircie de vie latente
Le café trop chaud
La langueur à venir
L’occupation béante, vide de creux
La peau aime l’endormissement précaire
La somnolence arbitraire
Et l’on s’en va
L’L et le T
L’étendue verte
Est tendue vers
L’aile et le thé
Les deux
Laiteux
L’ellébore
A beau
Elle
Elaborer au bord de l’eau
L’instant T
Laborieux
Elle elle est lue
Toi tu t’es tue
Ronde
La voilure des rayons
Du vélo du soleil
Un train sec en routine
Entre en scène en roue libre
Le rondeau des grillons
Le radeau des abeilles
Essaime dans la bruine
Et sème dans le Tibre
-27-
La crapule des typhons
Le crapaud peau de miel
Sous la lune est en ruine
Tu l’allumes l’étang vibre
Un vent tombe,
Inventez.
Terre mère
Le matériau, Mater Ego
La matière mère
Les mots tiers, fiers,
Terreau des rêves à rames
Amarrent âmes à la terre
Là-haut l’eau ulule
Les larmes ont luné
L’alarme a bullé
Elève les yeux et lis haut
Lie les voyelles aux lignes
De la voie lactée
Pars vite
Mis à part,
Par hasard,
Parasite ?
Dire et taire :
Les maudits,
Les mots laids,
Les lents ternes,
Les raclures.
Scélérat
Leste et larve,
Radicelle
Sous l’aisselle,
Les rats morts
Qui marmonnent
Et murmurent