Santé et croissance économique: une combinaison attrayanteLe progrès médical est un facteur essentiel de la prospérité de notre société. Bien des douleurs et des
souffrances sont soulagées, voire évitées. Nous vivons plus longtemps et restons plus longtemps en
bonne santé. Les architectes de cette évolution réjouissante sont les chercheurs, les médecins et le per-
sonnel soignant, les hôpitaux, le génie médical et l’industrie pharmaceutique. L’économie de la santé, en
tant que l’une des principales branches, contribue considérablement à la croissance économique.
Aujourd’hui en Suisse, un nouveau-né a une espérance de
vie de 83 ans, soit plus longue que dans tout autre pays.
Mais nous ne vivons pas seulement plus longtemps, nous
restons aussi plus longtemps en bonne santé. Cette évolu-
tion se fonde sur des progrès médicaux extraordinaires et
sur un système de santé comptant parmi les meilleurs au
monde. L’industrie pharmaceutique y apporte une contribu-
tion importante. De nouveaux médicaments et traitements
contribuent notablement à l’amélioration de la qualité de vie
de nombreux patients et patientes. Ils accroissent les chances
de survie et de guérison. Certains médicaments ont même
fait largement reculer la mortalité de groupes entiers de pa-
tients, par exemple dans le cas du sida ou de la leucémie.
Le progrès médical s’est aussi accompagné d’une évolution
économique. En Suisse, 351 000 personnes travaillent dans
l’économie de la santé, y compris l’industrie pharmaceu-
tique, soit plus que dans le commerce de détail ou dans la
construction. Dans le contexte des efforts d’amélioration de
la qualité du système de santé pour le bien des patient(e)s,
l’économie de la santé va rester à l’avenir une branche en
pleine croissance. Ce faisant, les Suissesses et les Suisses
bénéficient non seulement de prestations médicales qui
s’améliorent continuellement, mais la Suisse est aussi en
tête en matière de recherche et de développement à l’éche-
lon mondial. Les branches hautement novatrices que sont
l’industrie pharmaceutique et le génie médical sont très ap-
préciées également à l’étranger. De ce fait, l’industrie phar-
maceutique est la principale branche d’exportation suisse.
Cette position économique exceptionnelle ne va pas de soi.
Et il ne va pas de soi qu’elle se maintienne. A cet effet, il faut
que les entreprises déploient des efforts considérables car
la concurrence n’est pas en reste. Mais il faut aussi les
meilleures conditions cadres pour la place de recherche
qu’est la Suisse. Par son paquet de mesures visant à dé-
fendre cette position de pointe de la recherche et de la
technologie biomédicales, le Conseil fédéral a exprimé sa
volonté d’encourager la situation fructueuse unique au
monde de notre pays qui bénéficie du voisinage et de la
collaboration d’excellentes hautes écoles et d’entreprises
leaders. Mais pour le moment, le fait est que, depuis des
années, la recherche clinique est en recul en Suisse.
1/14Marché et politique
pharma:ch
La santé: facteur économique de poids malgré elleL’augmentation des coûts de santé et la hausse des primes des caisses-maladie qui en découle
régulièrement sont en Suisse une thématique récurrente. Mais le débat tourne trop souvent unique-
ment autour des coûts. Les bénéfices pour les patients et l’importance du système de santé en tant
que facteur économique pour l’ensemble du pays sont trop souvent oubliés.
Grâce aux progrès de la recherche médicale et de l’indus-
trie pharmaceutique, nous vivons aujourd’hui non seule-
ment plus longtemps, mais nous vieillissons également en
meilleure santé. L’évolution démographique est l’histoire
du succès de la médecine et de la recherche. Elle a eu
pour conséquence que le système de santé (y compris
l’industrie pharmaceutique) est devenu la principale
branche économique de la Suisse, avant la construction
et le commerce de détail.
Les débats de politique de santé orientés vers les coûts
négligent trop souvent les bénéfices apportés par les nou-
velles méthodes de traitement. Les nouveaux médica-
ments abrègent la durée ou soulagent les symptômes des
maladies, ce qui apporte aussi des avantages écono-
miques. Les médicaments novateurs sont certes plus
chers que leurs prédécesseurs, mais au bout du compte,
ils peuvent faire baisser les coûts, par exemple en rédui-
sant la durée d’hospitalisation, voire en permettant de se
passer de certaines opérations chirurgicales. Des études
démontrent que les nouveaux médicaments sont, avec un
mode de vie plus sain, les principaux agents de l’allonge-
ment de l’espérance de vie.
Les médicaments novateurs sont plus chers, mais au bout du compte, ils peuvent faire baisser les coûts.
Même si les percées médicales révolutionnaires sont
rares, des améliorations notables ont été accomplies dans
différents domaines ces dernières décennies. Dans les
années 1980, par exemple, l’épidémie de sida représentait
une menace majeure car la maladie était incurable. En
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pharma:ch 1/14
1994, près de 700 personnes sont décédées du sida en
Suisse. Entre-temps, grâce à des travaux de recherche
intensifs, des médicaments capables de maîtriser la mala-
die ont été développés. Il existe aujourd’hui plus de 50
médicaments contre le sida. De ce fait, la mortalité a dimi-
nué, atteignant 12 décès enregistrés en 2011. Un autre
exemple est celui de l’asthme (5% des adultes, 10% des
enfants). De nouveaux médicaments bronchodilatateurs
réduisent le nombre de cas d’urgence et améliorent consi-
dérablement la qualité de vie des personnes touchées.
Même dans le cas d’une maladie aussi répandue que le
cancer, la recherche a accompli des progrès considé-
rables. Environ la moitié des cancers sont aujourd’hui
curables, surtout lorsqu’ils sont détectés précocement et
donc plus faciles à soigner. Les progrès sont particulière-
ment réjouissants s’agissant des enfants atteints de can-
cer: alors que dans les années 1970, on ne parvenait à
guérir que 40% des enfants concernés, on en guérit au-
jourd’hui les trois quarts. Dans le cas du cancer du sein
également, les progrès du dépistage précoce et les subs-
tances actives modernes ont permis de faire baisser le
taux de mortalité d’environ 30% depuis une vingtaine
d’années. S’agissant des tumeurs malignes du système
lymphatique («lymphomes non hodgkiniens»), de nou-
veaux médicaments ont abouti à une réduction de près
de 50% du risque de décès.
Environ la moitié des cancers sont aujourd’hui curables, surtout lorsqu’ils sont détectés précocement.
En résumé, retenons les points suivants: une personne
malade entraîne non seulement des coûts pour guérir,
mais aussi des coûts indirects tels que pertes de produc-
tivité en raison des absences au travail, soins informels
dispensés par les proches ou les amis ainsi que perte de
temps libre. Les nouveaux médicaments contribuent à
réduire les frais de maladie. Un bilan d’ensemble peut
donc révéler que des dépenses plus élevées pour la santé
sont rentables parce qu’elles limitent en contrepartie les
frais à l’échelle de l’économie globale.
Mais l’allongement de l’espérance de vie a aussi son re-
vers: avec l’âge, le risque de démence, de maladie
d’Alzheimer et de cancer augmente. D’après une étude de
l’Association Alzheimer Suisse, au moins 100 000 per-
sonnes sont actuellement atteintes d’une démence dans
notre pays. D’ici 2050, ce chiffre devrait tripler et atteindre
alors 300 000.
Or, il n’y a pas encore de médicament en vue capable de
combattre la maladie d’Alzheimer à la racine. Les médica-
ments actuels retardent la progression de la maladie, mais
ils ne peuvent pas réparer les neurones détruits dans le
cerveau. La maladie d’Alzheimer est d’origine complexe
et elle modifie le cerveau par des voies qui ne sont pas
encore entièrement connues. Cependant, des cher-
cheuses et chercheurs du monde entier s’efforcent d’éla-
borer des substances actives ayant une influence positive
sur l’évolution de la maladie. L’objectif doit être que les
nouveaux traitements permettent aux personnes tou-
chées de mener une vie autonome aussi longtemps que
possible, voire empêchent complètement la maladie de
se déclarer.
La signification du système de santé dans son ensemble
en tant que facteur économique va encore augmenter à
l’avenir. Dès aujourd’hui, le secteur de la santé (système
de santé et industrie pharmaceutique) compte en Suisse
environ 351 000 employé(e)s, ce qui signifie qu’une per-
sonne active occupée sur douze travaille dans ce secteur.
Dans un avenir proche, le système de santé devrait deve-
nir le principal employeur de notre pays.
Dès aujourd’hui, le secteur de la santé compte environ 351 000 employés.
Ce faisant, l’innovation pharmaceutique est le moteur de
la compétitivité et de la croissance économique. L’indus-
trie pharmaceutique pratiquant la recherche est directe-
ment ou indirectement responsable de près de 170 000
emplois en Suisse. En 2013, elle a réalisé un excédent
d’exportations de plus de 37 milliards de francs. Rien
qu’en Suisse, les entreprises membres d’Interpharma in-
vestissent chaque année plus de 6 milliards de francs
dans la recherche et le développement, alors même que
leur chiffre d’affaires dans notre pays n’est que d’environ
1,2 milliard.
SANTÉ ET CROISSANCE ÉCONOMIQUE
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1/14 pharma:ch
SANTÉ ET CROISSANCE ÉCONOMIQUE
Pour commencer, voici quelques faits sur l’importance du
site pharmaceutique et scientifique qu’est la Suisse:
• Depuis la crise financière, les exportations de produits
pharmaceutiques ont nettement augmenté. En 2013,
elles se montaient à 66 milliards de francs, soit environ
un tiers du volume des exportations de la Suisse.
• En chiffres corrigés de l’évolution des prix, l’industrie
pharmaceutique a augmenté sa valeur ajoutée depuis
1990 de 3,3 milliards de francs à 20,3 milliards de
francs. Ceci représente une croissance annuelle de
près de 9%. L’industrie pharmaceutique s’est donc dé-
veloppée de manière nettement plus dynamique que
l’économie globale.
• En 2012, l’industrie pharmaceutique employait 39 500
personnes. Plus de 130 000 personnes (y compris les
fournisseurs) travaillent directement ou indirectement
pour l’industrie pharmaceutique.
• La productivité nominale du travail se montait en 2012
à quelque 488 000 francs, supérieure donc d’un facteur
3,9 au chiffre de l’économie globale qui est de 124 000
francs. Entre 1990 et 2012, la croissance annuelle
moyenne de la productivité du travail était de 5,3% (env.
2% par an dans l’économie globale).
• Les entreprises membres d’Interpharma investissent
quelque 6 milliards de francs par an dans l’activité re-
cherche et développement en Suisse, soit environ 34%
de l’ensemble de leurs dépenses de recherche.
• En comparaison internationale également, l’industrie
pharmaceutique investit plus que la moyenne dans l’ac-
tivité recherche et développement. En 2013, Novartis et
Roche comptaient parmi les dix premières entreprises
mondiales pour ce qui est de la valeur absolue de leurs
dépenses pour la recherche et le développement (c’est
Volkswagen qui est en tête). Si l’on rapporte ces dé-
penses au chiffre d’affaires global, Roche est en tête
avec 21%, Novartis arrive en quatrième position.
• Par rapport à son nombre de personnes actives, la
Suisse dépose plus de brevets pharmaceutiques que la
moyenne auprès de l'Office européen des brevets. Elle
n’est dépassée que par le Danemark.
Mais avant de pouvoir déposer un brevet, le chemin est
long. En outre, la recherche pharmaceutique comporte
des risques considérables. Bien souvent, les efforts ne
sont pas couronnés de succès car une efficacité insuffi-
sante ou des effets secondaires sérieux n’apparaissent
que dans le cadre d’essais cliniques complexes et
onéreux. Sur 10 000 substances, 20 seulement parvien-
nent à la phase préclinique. Sur celles-ci, elles ne seront
plus que dix à atteindre la phase clinique, au cours de
laquelle on vérifie l’efficacité, la tolérance et la sécurité
d’un nouveau médicament. La phase clinique, c’est-à-dire
un processus en trois étapes avec des volontaires en
bonne santé, de petits groupes de patients, puis de plus
grands groupes de patients, représente donc la plus
grande part des coûts (36%). Mais même à la phase III,
les chances de succès sont encore relativement faibles.
La recherche sur de nouvelles substances actives repré-
sente un cinquième de l'ensemble des coûts.
Les produits pharmaceutiques repré-sentent environ un tiers du volume des exportations de la Suisse.
Le processus de recherche et de développement d’un nou-
veau médicament étant très long et onéreux, la protection
conférée par les brevets revêt une importance capitale. Un
brevet protège une invention pour 20 ans. Pendant cette
période, l’inventeur bénéficie d’un droit d’exclusivité limité
pour l’exploitation de son produit à des fins commerciales.
Sans la protection conférée par les brevets, les investisse-
ments privés dans la recherche sur des médicaments se-
raient sans intérêt. En d’autres termes, la protection par
brevets représente une incitation à l’innovation dont nous
avons tous tant besoin. C’est l’innovation qui permet à la
Suisse de défendre sa réputation de pays le plus compétitif.
Le site de recherche suisse doit rester en tête au niveau mondialLa recherche et le développement de nouveaux médicaments sont devenus beaucoup plus onéreux
parce que ces activités requièrent un travail de plus en plus complexe. Depuis quelque temps,
les vastes essais cliniques sont en recul en Suisse. Pour conserver la compétitivité de la place de
recherche, nous avons besoin de réformes et d’améliorations des conditions cadres. Sans quoi
notre pays risque de perdre sa position de pointe à l’échelon international.
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pharma:ch 1/14
Mais vu le net recul de la recherche clinique en Suisse,
notre pays risque de prendre du retard. Tandis qu’en
2004, on comptait encore environ 400 essais cliniques
réalisés dans notre pays, ce nombre a baissé pour ne plus
atteindre que 205 en 2013. Divers facteurs en sont res-
ponsables: petit nombre de patients, processus décentra-
lisés de longue haleine et déplacement vers de nouveaux
pays. Ce recul est néfaste pour les patients et porte at-
teinte à la qualité de la médecine. Par conséquent, l’indus-
trie pharmaceutique aurait souhaité que le Conseil fédéral
adopte des incitations à la recherche dans le domaine de
la propriété intellectuelle dans le «Plan directeur pour le
renforcement de la recherche et de la technologie biomé-
dicales» qu’il a adopté à la fin de l’année passée.
Des éléments positifs sont le principe de la commission
directrice pour ce qui est des commissions d’éthique, la
limite de 60 jours inscrite dans la loi et la réalisation effi-
cace de ses tâches par Swissmedic. Le Plan directeur va
dans la bonne direction pour ce qui est d’améliorer la qua-
lité de la formation des médecins dans les universités et
les cliniques. D’autres approches positives à noter sont
celles visant à créer un environnement régulateur qui en-
courage au lieu de freiner. Il est indispensable d’améliorer
les structures et les formes de coopération entre les uni-
versités, l’industrie, les centres régionaux et les centres
cantonaux. Il faut également intensifier la coopération
entre la recherche universitaire et l’industrie.
Les améliorations déjà entrées en vigueur par voie d’or-
donnance doivent à présent être mises en œuvre dans la
pratique. Il s’agit essentiellement d’accélérer les proces-
sus d’autorisation des essais cliniques ainsi que l’inscrip-
tion des nouveaux médicaments dans la liste des spécia-
lités. Ceci permettra d’assurer un accès plus rapide des
patient(e)s aux médicaments novateurs. En résumé, on
peut dire que, par son Plan directeur, le Conseil fédéral a
reconnu la nécessité de revitaliser la place scientifique et
pharmaceutique suisse.
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1/14 pharma:ch
SANTÉ ET CROISSANCE ÉCONOMIQUE
L’industrie pharmaceutique, quant à elle, a la volonté de
continuer à miser sur le site suisse et à investir dans la
recherche et le développement. Elle considère le Plan di-
recteur comme une profession de foi pour la poursuite du
dialogue et pour la nécessité de renforcer l’échange entre
les groupes d’intérêts. Par ailleurs, d’autres points impor-
tants pour la branche en termes de compétitivité sont une
haute qualité de la formation dans les établissements sco-
laires, la formation professionnelle et les universités ainsi
que l’accès à du personnel spécialisé hautement qualifié
originaire de notre pays et de l’étranger.
La recherche sur le sida dans les années nonante est l’his-
toire d’un succès médical qui a été rendu possible par la
coopération transparente des entreprises pharmaceu-
tiques pratiquant la recherche. Elles ont échangé leurs
molécules en cours d’élaboration afin d’accélérer la dé-
couverte de combinaisons de médicaments efficaces. De
ce fait, le VIH/sida ne se guérit certes toujours pas, mais
peut se soigner comme une maladie chronique. Le taux
de mortalité a énormément diminué.
Ce qui était alors nouveau et exceptionnel est aujourd’hui
une pratique courante. Pour obtenir des données perti-
nentes, on a besoin de grands nombres de patients, ce
qui requiert de collaborer. C’est la «médecine personnali-
sée» qui a forcé cette ouverture. Elle se sert de biomar-
queurs qui indiquent quels groupes de patients répondent
à un certain médicament. Elle a par conséquent besoin
d’autant de données que possible.
En dépit de ces succès de l’ouverture progressive, la re-
vendication de transparence absolue va trop loin. Ce pour
trois raisons:
1. La problématique de la protection des données.
En particulier dans le cas des médicaments hautement
novateurs, il existe un risque que les patients puissent être
«réidentifiés», par exemple en effectuant des recoupe-
ments avec les données accessibles dans les médias
sociaux.
2. L’intégrité des systèmes de régulation. La respon-
sabilité de l’autorisation de mise sur le marché de nou-
veaux médicaments incombe aux autorités officielles du
médicament et non aux entreprises ou aux réseaux de
scientifiques. Vu la concurrence acharnée entre les cher-
cheurs et la tendance croissante à une publicité rapide et
aux gros titres aguicheurs, la publication complète des
données brutes d’essais cliniques présenterait plus d’in-
convénients que d’avantages.
3. La protection des «données commerciales confi-
dentielles». Lorsqu’on investit plus d’un milliard de francs
dans le développement d’un nouveau médicament, on a
droit à l’exclusivité des données. Cela sert à éviter que des
resquilleurs ne s’approprient les données pour en tirer
profit.
Cependant, l’industrie a tiré des leçons de la recherche
sur le sida et elle reconnaît entre-temps qu’il faut qu’elle
informe plus ouvertement sur ses essais cliniques. Des
principes communs en ce sens ont été adoptés l’année
passée par les organisations faîtières des entreprises
pharmaceutiques pratiquant la recherche aux Etats-Unis
et en Europe. L’accès élargi aux données combiné au pro-
grès technologique et à la «médecine personnalisée» peut
aboutir à de nouvelles approches thérapeutiques. Or, ceci
est dans l’intérêt de tous: patients, médecine et entre-
prises pharmaceutiques pratiquant la recherche.
Pourquoi la transparence ne saurait être absolue 6
pharma:ch 1/14
INTERVIEWINTERVIEW
Où en est la recherche clinique
en Suisse?
Actuellement, la courbe est
ascendante. Dans le contexte
de la faiblesse de la recherche
clinique depuis des dizaines
d’années, le Conseil fédéral, le
Fonds national suisse, la
Conférence des Recteurs des
Universités Suisses (CRUS)
ainsi que les hautes écoles et
les instituts ont pris des me-
rités, par exemple nos enfants, soient protégées et que
la recherche les prenne en compte. Pour être compétitifs
au niveau international, il faut aussi un environnement
favorable: les groupes de recherche doivent avoir accès
à des spécialistes, mais aussi à des institutions de re-
cherche disposant de plates-formes scientifiques et des
appareils les plus modernes. Une recherche de niveau
mondial n’admet pas de barrières à l’intérieur de la
Suisse. Au niveau international, il ne faut pas faire obs-
tacle à l’accès des talents étrangers. Les prestataires de
services en clinique, les chercheurs cliniques et les spé-
cialistes en recherche fondamentale doivent se mettre en
réseau et collaborer. De même, la «trinité» composée des
chercheurs cliniques en tant que prestataires de ser-
vices, des enseignants et des scientifiques ne doit pas
déboucher sur des conflits d’intérêts. Enfin, il faut encou-
rager notre relève scientifique.
Quelle est ce faisant la place de la collaboration avec l’in-
dustrie pharmaceutique?
Très importante. A Bâle, nous avons un excellent cluster
d’entreprises pharmaceutiques, et il convient de nous
soutenir mutuellement. La recherche doit être indépen-
dante mais des projets de recherche communs per-
mettent de mettre à profit les synergies pour le bien des
patients. Des hôpitaux tels que l’UKBB peuvent aider à
combler le fossé qui existe entre la communauté scienti-
fique universitaire et les experts de l’économie privée.
Pas seulement s’agissant du développement de pro-
duits, mais aussi pour l’utilisation d’infrastructures quasi-
ment impossibles à financer par le secteur public.
En tant que CEO de l’UKBB, vous mettez les plus jeunes
patients au premier plan. Quels sont les points forts de la
recherche dans ce domaine?
Si nous ne faisons pas de recherche pour nos jeunes
patients, qui le fera? Nous avons le devoir de mettre en
place un portefeuille de recherche de premier ordre, en
accord avec les objectifs de l’université, mais aussi avec
des travaux dans les domaines où la prise en charge des
enfants est lacunaire. A cet égard, nous coopérons sou-
vent avec des fondations. La fondation Eckenstein-Geigy
nous a par exemple permis de mettre en place un centre
de pharmacologie pédiatrique. Actuellement, 11% seule-
ment des médicaments sont enregistrés pour le traite-
ment des nouveau-nés. D’autres points forts de re-
cherche à l’UKBB sont la pédiatrie du développement, la
pneumologie, l’hématologie et l’oncologie, l’immunologie
et l’infectiologie ainsi que l’orthopédie pédiatrique.
Dr méd. Conrad E. Müller
CEO de l’Hôpital universitaire
des enfants des deux Bâles
(UKBB)
sures pour renforcer la recherche médicale. Un exemple
en sont les réseaux tels que les Clinical Trial Units: en
pédiatrie, les essais cliniques sont maintenant regroupés
au sein du Swiss PedNet à l’échelle du pays. Cela permet
de réaliser des études multicentriques répondant à des
normes de qualité sévères dans toutes les disciplines
pédiatriques. Cependant, on manque encore de cher-
cheurs cliniques familiers aussi bien de la biomédecine et
de l’épidémiologie que du tableau clinique des maladies.
Comment la recherche a-t-elle évolué ces dernières an-
nées?
Le développement technologique exponentiel permet de
saisir de plus en plus de données et de paramètres. Par
conséquent, contrairement à ce qui se faisait autrefois,
la recherche ne peut plus être menée par une personne
isolée. Mais des équipes de recherche composées de
cliniciens, de généticiens, de pharmacologistes, de
biostatisticiens et de bioinformaticiens peuvent travailler
sur des questions beaucoup plus complexes que cela
n’aurait été possible par le passé. Ce faisant, on observe
une tendance à la recherche translationnelle, c’est-à-dire
au transfert des connaissances de la recherche fonda-
mentale vers l’application médicale.
Quel est le principal défi à relever pour que la Suisse ne
prenne pas plus de retard dans la recherche clinique?
Il faut tout d’abord des conditions cadres adéquates. Les
chercheurs suisses doivent accéder librement aux
bourses de recherche internationales et ne pas subir
d’entraves à la mise en place d’une recherche globale en
réseau. La recherche suisse a besoin d’une législation
qui garantisse des travaux de haute qualité et répondant
aux critères d’éthique, mais ne limite pas outre mesure
les activités de recherche. Elle a besoin d’une loi sur les
produits thérapeutiques telle que les investissements
soient rentables pour l’industrie, mais aussi que les mino-
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1/14 pharma:ch
ImpressumEditeurs: Thomas B. Cueni, Sara Käch Rédaction: InterpharmaMaquette: Continue AG, BâlePhotos: Barbara Jung, istock
«Pharma:ch» est le bulletin d’Interpharma, l’association des entreprises pharmaceutiques suisses pratiquant la recherche Actelion, Novartis, Roche, AbbVie, Alcon, Amgen, Bayer, Biogen Idec, Boehringer Ingelheim, Bristol-Myers Squibb, Gilead, Janssen, Merck Serono, Pfizer, Sanofi, UCB & Vifor. En proposant une information différenciée, ce bulletin entend contribuer à la compréhension de l’activité de recherche et de développement médico-pharmaceutique menée en Suisse.
www.interpharma.ch
InterpharmaCase postale, 4009 BâleTéléphone 061 264 34 00Téléfax 061 264 34 [email protected]
Ce dont la place de recherche suisse a besoinIl y a peu de secteurs économiques dans lesquels la Suisse est mondialement en tête. C’est le cas
pour l’industrie pharmaceutique. Celle-ci contribue notablement à la qualité de notre système de santé
et génère une forte valeur ajoutée. Pour qu’il en reste ainsi, il faut optimiser les conditions cadres.
Le niveau de vie de la Suisse fait partie des plus élevés au
monde. C’est étonnant pour un pays pratiquement dé-
pourvu de matières premières. Notre principale matière pre-
mière est le savoir car la clé de notre prospérité est l’innova-
tion. Nous devons créer des produits et des prestations
demandés dans le monde entier pour leur qualité et leur
utilité supérieure à la moyenne. C’est ambitieux mais la
Suisse s’en est souvent montrée capable. Elle bénéficie
pour cela du haut niveau de la formation, de la mise en ré-
seau mondiale et de la présence d’entreprises multinatio-
nales.
L’industrie pharmaceutique pratiquant la recherche est un
exemple typique de performances économiques «à la
suisse». Et elle mène ses travaux de recherche pour une
bonne part en Suisse: les entreprises membres d’Inter-
pharma y investissent chaque année plus de six milliards de
francs dans l’activité recherche et développement. Résultat:
toujours plus de médicaments nouveaux apportant un bé-
néfice important pour les patient(e)s. Ces médicaments
guérissent d’une part les maladies, améliorent la qualité de
vie des malades et soulagent les souffrances. D’autre part,
ils apportent les revenus dont les entreprises ont besoin pour
pouvoir continuer à investir dans l’innovation.
Mais ce circuit ne va pas de soi, loin de là. Et il ne peut pas
se maintenir en mouvement de lui-même. Les conditions sont
tout d’abord le voisinage d’entreprises pharmaceutiques pra-
tiquant la recherche, de hautes écoles et d’une médecine de
pointe. Ensuite, il faut avoir suffisamment de scientifiques. Il
faudra pouvoir à l’avenir continuer à recruter du personnel
spécialisé indépendamment de sa nationalité. L’adoption de
l’initiative populaire contre l’immigration de masse a remis ce
point en question. En effet, elle crée des incertitudes sur la
prévisibilité politique, condition cadre importante pour les en-
treprises souhaitant investir en Suisse. Vu les multiples rela-
tions commerciales que la Suisse entretient avec l’UE, les
accords bilatéraux I et II et l’accord de libre-échange revêtent
une importance capitale pour l’économie suisse.
D’autres pays ont amélioré progressivement leurs conditions
cadres pour les branches industrielles novatrices et briguent
les faveurs des investisseurs. En Suisse, ce n’est que récem-
ment que le Conseil fédéral a adopté le «Plan directeur pour
le renforcement de la recherche et de la technologie biomé-
dicales». Cette approche d’une politique industrielle proac-
tive peut sans aucun doute apporter des améliorations
puisqu’elle cherche à accélérer les procédures administra-
tives. De même, les efforts visant à rendre la Suisse plus at-
tractive pour la recherche clinique, domaine dans lequel notre
pays a perdu beaucoup de terrain au cours des dernières
années, sont positifs. En revanche, la Suisse est réticente à
créer de nouvelles incitations à la recherche. Prenons les
maladies rares: par le biais de mesures légales et adminis-
tratives, les Etats-Unis et l’UE ont réussi à stimuler les activi-
tés de recherche dans l’intérêt des patient(e)s. Des années
plus tard, la Suisse est encore en phase de discussion. Ceci
est difficilement compréhensible si l’on veut que l’innovation
soit le ressort de la croissance économique de notre pays.
Thomas B. Cueni, secrétaire général d’Interpharma
pharma:ch 1/14