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mercredi 17 juin 2015 3SUISSE PAGE

SUISSE

Aujourd’hui se tient à Genève laconférence Women on Boards,tour d’horizon européen de lagouvernance au féminin, organi-sée par les Business & Professio-nal Women (BPW) sur le thèmede la diversité de genre dans lesconseils d’administration. JeanStuder, président du Conseil desurveillance de la Banque Natio-nale Suisse, contribuera aux dé-bats. Il explique à L’Agefi les rai-sons de sa participation et sonsentiment sur la problématique.

Pourquoi avoir accepté de participer à un panel sur les femmes dans les conseilsd’administration?Parce que la répartition desgenres est une composante im-portante du débat législatif et exé-cutif. La conduite des structurespubliques et privées dans ce do-maine est au cœur de l’actualité,en Suisse et ailleurs. Elle est éga-lement au centre de mes intérêts.

Il existe des éléments qui portent à croire que la présence de femmes dans les conseils d’administration est porteuse de performance.C’est la conclusion de l’étude que mène chaque année Credit Suisse. Qu’en pensez-vous?Je ne possède pas personnelle-ment d’éléments pour accréditerce constat. Mais, de par mon ex-périence, j’en possède beaucouppour affirmer que les femmessont aussi performantes que leshommes. Plus performantes? Jene sais pas. Moins performantes?En aucun cas. Les qualités - et lesdéfauts - d’aptitude à la directionse retrouvent chez les uns commechez les autres.

Alors pourquoi si peu de femmesdans les conseils d’administrationet à la direction des entreprises?Le constat d’inégalité est inévita-ble. Une culture à prédominancemasculine prévaut dans la sociétéoccidentale et notamment dans

les milieux économiques. Il estsingulier d’observer que le nom-bre de femmes qui ont fait desétudes supérieures a explosé maisqu’elles restent rares dans lespostes de responsabilité. Il y a làun paradoxe entre investissementdans l’éducation et retour sur cetinvestissement. Il est égalementsingulier de ne pas avoir réussi àaller plus loin que quelques dé-clarations d’intention. D’où l’in-térêt des solutions proposées au-jourd’hui en Europe ou en Suisse.

Le mythe de l’insuffisance de formation à la vie dure. Qu’en dites-vous?C’est un mythe. Il n’y a pas insuf-fisance de formation mais insuf-fisance d’expérience parce que lesportes se ferment trop vite auxfemmes. Trop tôt dans leurs car-rières.

Les professions techniques,comme les métiers d’ingénieurs,attirent tout de même moins de femmes.C’est déjà en train de changer. Entout état de cause, dans la finance,l’économie ou le droit, elles sonttrès présentes parfois même ma-joritaires. Il est également surpre-nant de constater que la cultureet l’art font partie des grands do-maines de discrimination. Alorsque les femmes sont très pré-sentes dans la gestion culturelle,l’inégalité de pouvoir y est criante.Ce qui se reflète dans les autresdomaines car si la culture n’estpas égalitaire, comment s’attendreà ce que l’économie le soit.

Le retard de parité est plusaccusé en Suisse que dans les autres pays européens. Pour quelles raisons?La Suisse a été lente sur le planpolitique. Le droit de vote n’y aété consenti aux femmes que tar-divement. L’article constitution-nel qui établit la parité entrehommes et femmes est d’ailleurscurieux. Alors que, d’ordinaire,

les lois entérinent des comporte-ments existants, cet article a uncontenu quasi-programmatique.Il exprime une volonté politiquedans un environnement non-éga-litaire. D’où sa difficulté de miseen œuvre et les écarts de respon-sabilité et de rémunération, vingtaprès. On dit parfois que la libertépeut être discriminatrice et la loilibératrice. Dans le domaine desdroits fondamentaux, il faut sa-voir «contraindre le fort pour af-franchir le faible». Il est donc justeque le Conseil Fédéral donne uneimpulsion pour accélérer l’arrivéedes femmes dans les conseils d’ad-ministration.

Pourquoi le quota-cible du Conseil fédéral est-il de 30% et non de 50%?Bonne question. Je pense que leConseil fédéral préfère adopterune approche progressive.

Pensez-vous que le retard de la Suisse dans ce domainepeut être attribuable au poidsqu’a longtemps eu la formation militaire dans celle des cadres?Ce n’est pas impossible mais je nesuis pas certain que c’en soit l’ex-plication. C’était peut-être vrai ily a trente ans mais on fait au-jourd’hui beaucoup moins de casde la formation militaire et lesinégalités persistent. Malgré laforte internationalisation despostes de direction en Suisse quidevrait jouer davantage en faveurdes femmes.

Le rôle de l’éducation parentale,scolaire mais aussi médiatiqueest abondamment discuté. Qu’en-pensez-vous?Tous les éléments ont un rôle àjouer. L’acceptation des choix denos enfants, et en particulier deceux des femmes, a fait du che-min et l’on constate une forte vo-lonté des femmes, y compris decelles issues de l’immigration, dese réaliser pleinement dans lemonde professionnel. Mais, je

l’observais dans l’administrationneuchâteloise: la sous-représen-tation féminine reste scandaleuse.Habitudes, peur de sortir des sen-tiers battus, paresse intellectuelle:plusieurs facteurs s’associent pourfreiner la progression. Les profilsproposés par les sociétés de recru-tement sont, par exemple, tou-jours à forte dominance mascu-line. Mais si l’on tape du poing surla table en disant «vous allez meprésenter 10 femmes», ils n’ontaucune difficulté à les trouver.L’impulsion doit venir du haut.

Un code de conduite volontairevous parait-il préférable à une obligation légale assortiede sanctions?Je pense que nous pourrions êtretrès surpris de la rapidité avec le-quel le dossier évoluera et il n’estpas impensable de dépasser rapi-dement les objectifs du ConseilFédéral. Une fois l’impulsion ori-ginelle donnée, l’évolution peutêtre fulgurante. On l’a vu surd’autres dossiers. Il est toutefoisdécevant pour le moment deconstater que si tous les partis po-litiques soutiennent le principe,peu atteignent dans leurs rangsune parité effective. L’intentiondes milieux économiques paraitclairement positive. Toutefois, sice n’est pas suffisant, il faudra en-visager de recourir à des mesuresplus coercitives et à des quotasobligatoires. Il serait intéressantà cet égard d’examiner l’impactsur la vie politique française desélections paritaires de 2014 d’ici10 à 15 ans.

Il existe une certaine oppositionaux quotas, paradoxalement chez les femmes. Pourquoi?Il est effectivement difficile decomprendre ce refus de la recon-naissance de leur place dans la so-ciété. C’est pourquoi le besoind’un ancrage légal se fait sentir.

L’encouragement ou même les quotas seront-ils suffisants?Comme je l’ai dit auparavant laréaction peut être rapide. En mo-difiant la perception de la placedes femmes dans l’économie,l’élan aura aussi un impact surl’égalité salariale car la présenceféminine dans les sphères du pou-voir devrait accélérer le mouve-ment.

L’hyper-féminisation d’une profession peut se faire à son détriment. On l’a constatédans l’enseignement et mêmedans le corps médical où le revenu et le statut de l’ensemble de la professions’est affaibli. C’est exact. L’exemple existe dansles domaines de la sécurité et dela santé qui sont connotés. Alorsque les policiers bénéficientd’avantages notables - une retraiteanticipée par exemple - au motifdes risques qu’ils encourent et dela pénibilité de leur tâche, les in-firmières dont la profession pré-sente des désavantages compara-bles, ne bénéficient d’aucunsprivilèges similaires. Il faudra êtretrès attentif à ces tendances.

INTERVIEW:

NICOLETTE DE JONCAIRE

La diversité de genre dans les conseilsLe président du Conseil de surveillance de la Banque Nationale Suisse n’a aucun doute sur l’exigence de représentativité. Entretien avec Jean Studer.

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La diversité de genre dans lesconseils d’administration, sujetd’actualité dans de nombreuxpays d’Europe, soulève bien desquestions. Les Business & Pro-fessional Women (BPW) orga-nisent ce soir Women on Boards,un débat sur cette thématiqueavec des conférencières et confé-renciers de renom. Valérie Plagnol, présidente de laSociété d’Economie Politique deParis et précédemment directricede la recherche au Credit Suisse,introduira le débat. Elle rappel-lera que tous secteurs confondus,les entreprises qui comprennentdes femmes dans leur conseild’administration, surperformentsur les marchés financiers et sontplus généreuses à l’égard de leursactionnaires. La proportion desfemmes dans les conseils d’admi-nistration progresse. Elle est pas-sée en moyenne de 9% en 2004à 16.4% en 2014 et est proche de

25% en Europe. Les pays scandi-naves qui ont instauré le plus tôtdes quotas sont ceux où la pré-sence de femmes dans lesconseils d’administration dépasseles 30%, la Norvège atteintmême 40%. A contrario, on étaità 11.3% seulement en Suisse en2013. «Même s’il reste difficile d’établirun lien de causalité unique et cer-tain entre diversité et perfor-

mance, la présence de femmes àdes postes de responsabilité ausein des entreprises les plus per-formantes est un constat assez gé-néral. La promotion de la diver-sité au sein des entreprises estbien gage de performance. Il resteà s’en donner les moyens à tousles niveaux» affirme-t-elle.Le panel réunira Agnès Bricard,conseillère du commerce exté-rieur de la France, Valérie Kir-schmann, administratrice deThomson Reuters Suisse, DianeReinhard, présidente du CercleSuisse des Administratrices, Ti-neke Ritzema, administratrice dela Banque Alternative Suisse,Jean Studer, président du conseilde surveillance de la Banque Na-tionale Suisse et Arif Zaman, di-recteur du Commonwealth Bu-sinesswomen’s Network. AnjaWyden Guelpa, Chancelière del’Etat de Genève, sera dans lasalle. – (NJN)

Tour d’horizon de la gouvernance au féminin

SPONSORING-MÉCÉNAT

REYL & CIE: Research for Life soutient le CHUVCréée en 2014 à l’initiative de labanque Reyl & Cie, la fondationResearch for Life a décidé de sou-tenir les travaux du professeurOlivier Michielin, responsable dela consultation mélanome auCHUV et chef d’une des unitésde recherche en oncologie àl’Université de Lausanne. Fonda-tion suisse à but non lucratif, Re-search for Life apporte sonconcours à des développementsnovateurs dans le traitement del’oncologie et des maladies infan-tiles. Les recherches en cours duprofesseur lausannois Olivier Mi-chielin portent sur le mélanome,la forme la plus agressive du can-cer de la peau, mais pourronts’étendre ensuite à d’autres tu-meurs associées par exemple auxcancers du sein ou du poumon.

FINOX BIOTECH:un million pour la recherchecontre l’infertilitéLa société de biopharmacie Finoxinvestira près de un million d’eu-ros au cours des cinq prochainesannées dans des bourses de re-cherche couvrant le domaine dela médecine de reproduction.L’objectif de la société basée àBerthoud est d’améliorer les trai-tements contre l’infertilité et derenforcer sa renommée dans cesecteur, a-t-elle indiqué hier. L’ini-tiative a été lancée sous l’appella-tion FORWARD (Finox OffersResearch Work Award in Repro-ductive Development). Toutesles sociétés actives dans la re-cherche reproductive et les cen-tres de fécondation in vitro (FIV)en Europe peuvent postuler pourobtenir une bourse.

VALÉRIE PLAGNOL. La diversitéest gage de performance. Ilreste à s’en donner les moyens.

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