Régions
Page 4 AQUITAINE
• Pago 64Quand l’esprit d’entreprise rencontre l’esprit de famille
• La ferme du BornUn projet de vie créateur d’emplois
Page 8 MIDI-PYRENEES
• Les sabots d’IsaL’artisanat traditionnel conjugué au futur
• Séquoia vertigoDe l’usage raisonné du patrimoine naturel
• Prieuré de MadiranL’association fructueuse de la restauration
et du tourisme viticole
• PrommataLa traction animale,outil novateur de développement
Page 17 LANGUEDOC ROUSSILLON
• Plateau de SaultUn taxi pour Belvis
• L’aubergeTaïchacUn maillon essentielsur la chaîne du développement local
N° 46
n° 46 - Octobre 2006
Magazine édité par l’ADEPFO
Association de Développement des Pyrénées par la Formation Toulouse 20002, Esplanade Compans Caffarelli - BP 58012 - 31080 Toulouse cedex 6Tél 05 61 11 03 11 - Fax 05 61 11 03 10 - E-mail : [email protected]
Octobre 2006
Directeur de la publicationRoger Barrau, Président de l'ADEPFO
RédactionClaude Fontaneau, Sébastien VaissièreSecrétariat de rédaction : Sébastien Vaissière
Création/exécution et ImpressionImprimerie Lahournère - ToulouseDépôt légal à parution
Photo de couverture :Lac de Matemale - Pyrénées-Orientales
L’ADEPFO, éditeur d’«Objectif Pyrénées»contribue au développement localet applique la politique de ses financeurs : la République française, les Régions Aquitaine,Midi-Pyrénées, Languedoc Roussillon etl’Union Européenne.
som
mair
e
Disparition de Georges BouquiéAvec la disparition de Georges
Bouquié, nous perdons bien plus
qu’un administrateur de l’Adepfo.
Grand humaniste, grand Résis-
tant et militant syndical infatiga-
ble, il était passionné de forma-
tion professionnelle et fut à l’origine de la fondation de
l’AGEFOS (Association de gestion de la formation des
salariés). Décoré de l’Ordre National du Mérite pour ses
actions menées en faveur de la formation professionnel-
le il fut longtemps vice-président de l’Ursaff et président
de l’Assedic. Après une vie entière consacrée à la solida-
rité, l’entraide et l’esprit de camaraderie, Georges
Bouquié s’est éteint le 21 août dernier. Il avait 89 ans.
CARNET NOIR
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Créativité et vigilance
éd
ito
rial
Valoriser les ressources locales, créer des activités, des services,
des emplois, économiquement rentables dans la zone de Massif
et de piémont des Pyrénées, telle était la vocation de l'ADEPFO,
affirmée lors de sa création, il y a presque vingt-cinq ans !
Pendant ces années, grâce notamment à l'efficacité des PILOTES
EDUCATIFS, la méthode s'est développée et confortée. Le présent
numéro d'OBJECTIF démontre une fois encore que nos stagiaires fabriquent et vendent des produits
du terroir, organisent la production de meubles locaux, fabriquent et vendent des sabots, créent
des auberges, retrouvent les outils de la traction animale et même implantent un taxi en pays de
Sault… Au service de personnes isolées, dans le cadre d'un aménagement durable du territoire,
cette activité s'est révélée indispensable pour le désenclavement des habitants de cette contrée,
alors que l'on pouvait à l'origine s'interroger sur son opportunité et sa légitimité. Et c'est bien
parce que, dans nos pays et vallées souvent isolés, caractérisés par une faible densité de population,
dans lesquels tout est un peu plus difficile qu'ailleurs, toutes les initiatives doivent être testées puis
soutenues si les conditions locales le justifient.
Relevons que notre savoir faire est de plus en plus connu et reconnu. Le projet ADEP (DEVELOPPER,
EXPERIMENTER, PERENNISER des dispositifs innovants d'appui aux territoires), conduit par
l'ADEPFO et par l'ADEFPAT, avec le soutien sans faille du CONSEIL REGIONAL MIDI-PYRENEES,
suscite un écho très favorable dans sept régions d'Europe. Par ailleurs, l'ASSOCIATION
EUROPEENNE DES ELUS DE LA MONTAGNE (AEM), réunie récemment à Chambéry pour traiter du
développement des zones de Massif, a fait une bonne place à notre FORMATION-DEVELOPPEMENT.
Cette reconnaissance intervient cependant à un moment où se conjuguent des incertitudes de toutes
sortes : devenir des PAYS et de la MONTAGNE, financement de la CONVENTION INTERREGIONALE
DE MASSIF, élargissement de l'EUROPE à 25…
Ces conditions nouvelles nous imposent un supplément de créativité, de rigueur et de vigilance !
Roger BARRAU
Conseiller Régional Honoraire
Président de l’ADEPFO
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Parce qu’elle évoque l’importance de
la persévérance, de la solidarité et du
sens de la famille, l’histoire de PAGO
64 est un bel exemple de réussite et de
développement. Son histoire débute
au début des années 90 à Gamarte,
village de Basse-Navarre situé à
quelques kilomètres de Saint-Jean-
Pied-de-Port. À l’origine, il s’agissait
d’une S.A.R.L employant deux person-
nes dont l’activité était assez originale.
Associé à un commercial spécialisé
dans les métiers du meuble, Jean-
Claude Oxandabarats collectait des
commandes auprès de donneurs d’or-
dres et les répartissait entre sa propre
entreprise et un réseau important d’é-
bénistes locaux. Cette approche inédi-
te de l’activité d’ébéniste industriel
constituait alors une curiosité dans la
région. Si le gérant de PAGO 64 par-
vient à se faire une bonne réputation
en dispatchant le trop-plein de com-
mandes auprès d’une dizaine d’arti-
sans des environs, le modèle écono-
mique de son entreprise s’avère fragile
au bout de quelques années d’activité.
À l’usage, ce système ambitieux se
heurte en effet à un manque cruel de
capacité de production qui ne permet
pas de dégager des marges suffisam-
ment importantes. D’autre part, si le
réseau d’ébénistes locaux permet de
faire face aux aléas du marché, son
fonctionnement pose de plus en plus
de problèmes de gestion, de logistique
et de transport. Les deux associés se
retrouvent alors au pied du mur,
condamnés à prendre des décisions
radicales pour sauver leur modèle éco-
nomique. C’est dans ces conditions
délicates qu’intervient la formation-
développement. Il s’agit alors de sauver
cette activité dont le maintien est
nécessaire à la bonne santé d’une
activité peu présente sur ce territoire.
Investir pour relancer la machineUn groupe de travail est ainsi consti-
tué, et une stratégie de formation est
mise en place. Au fil du temps, la mise
en œuvre de cet outil met en lumière
les nombreuses failles du système et
l’arrêt définitif de la formation est
même envisagé. Formateur dans le
cadre de cette mission, Peio Bellan se
souvient de cet épisode délicat : « En
mettant en place les éléments de la
formation, on s’aperçoit que le salut
de l’entreprise passe par le regroupe-
ment en son sein de l’ensemble des
sous-traitants indépendants. La sim-
ple évocation de cette solution crée
immédiatement des tensions et met
en évidence les divergences de points
de vue. » Conséquence immédiate,
l’associé qui accompagnait Jean-
Claude Oxandabarats depuis le début
de l’aventure décide de quitter le
navire. La formation continue dès lors
avec un objectif précis : trouver le
meilleur moyen de redéployer l’entre-
prise au sein de la structure existante.
Il est ainsi décidé que PAGO 64 doit
investir et créer un outil de travail en
adéquation avec la demande.
Une nouvelle machine est ainsi inté-
grée aux outils de production, et un
ancien ébéniste indépendant memb-
re du réseau initial est intégré à la
S.A.R.L en tant que salarié. La forma-
tion s’arrête là, qui a permis de sauver
l’entreprise en revoyant la stratégie
fonctionnement. « Sans la constitu-
tion de cette cellule de réflexion, résu-
me Peio Bellan, la décision d’investir
n’aurait sans doute pas été envisa-
gée, et la prise de risque nécessaire à
la santé de l’entreprise aurait été
bien moindre. »
Créée en 1993 par Jean-ClaudeOxandabarats, l’actuel gérant, Pago 64était à l’origine exclusivement spécialiséedans la sous-traitance d’ébénisterieindustrielle. Menacée après quelquesannées d’existence par la lourdeur de son organisation et son manque deflexibilité, elle a bénéficié d’une formationdéveloppement Adepfo. Ainsi sauvée du naufrage, l’entreprise familiale s’estdéveloppée jusqu’à compter aujourd’hui18 salariés et un outil de production des plus modernes.
Quand l’esprit d’entreprise Pago 64
Antton, le fils cadet de la famille Oxandabarats. (crédit photo : S.V.)
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Emplois qualifiés et outils numériquesConséquence directe de la formation,
une dynamique interne est initiée, qui
se traduit l’année suivante par l’em-
bauche d’un nouveau salarié et la for-
mulation par le fils aîné de la famille
du désir d’intégrer l’entreprise. Une
fois achevées ses études de Travaux
Publics, Xabi Oxandabarats rejoint
donc PAGO 64 en 1999, bien décidé à
poursuivre l’œuvre familiale. Son arri-
vée est suivie d’une deuxième vague
d’investissement avec l’agrandisse-
ment de l’atelier d’achat et l’acquisi-
tion d’un centre d’usinage à comman-
de numérique. Permettant d’offrir une
grande qualité et une précision abso-
lue, ce nouvel outil entraîne l’embau-
che de nouveaux salariés.
En 2003, l’entreprise déménage dans
des locaux plus vastes et lance ses pro-
pres productions. Dès lors, PAGO 64
gagne en productivité en jouant sur la
fluctuation des commandes extérieu-
res et de la production propre à sa
gamme de produits. C’est ensuite au
tour du fils cadet Antton de rejoindre
l’entreprise qui compte aujourd’hui
pas moins de 18 salariés. Avec le
temps, et même si la sous-traitance
reste une activité importante pour la
société, la fabrication de meubles
montés occupe la majeure partie de
l’atelier.
Grâce à la persévérance de son créa-
teur, à la motivation de ses enfants et
aux bénéfices de la formation-déve-
loppement, PAGO 64 assure désor-
mais à ses clients des prix compétitifs,
une qualité irréprochable et un
respect scrupuleux des délais. Un suc-
cès total qui promet un avenir radieux
à cette entreprise dont l’activité anime
l’ensemble du secteur de l’ébénisterie
de la région. ■
rencontre l’esprit de famille
Exemple de productions propres
proposées par PAGO 64. (crédit photo : D.R.)
L’atelier bâti à Lacarre en 2003 a permis l’augmentation de la capacité de production. (crédit photo : S.V.)
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Après des années de travail harassant
en France et à l’Étranger, Gilles
Bienaimé et son épouse Fabienne,
respectivement ingénieur et institutri-
ce, décident de se lancer dans une
nouvelle aventure professionnelle.
Nous sommes en 2003, et le couple
apprend la mise en vente d’une ferme
pédagogique à Saint-Paul-en-Born, à
6 kilomètres de Mimizan : « J’ai étéimmédiatement séduite par l’idée dereprendre la ferme, se souvientFabienne. Cela a réveillé en nous l’en-vie de voir grandir nos enfants aucontact de la nature, et de conciliertravail et qualité de vie.» À cette
époque, pourtant, la ferme fait face à
de grandes difficultés. Le chiffre d’af-
faires de l’exploitation est en baisse, et
la fréquentation ne dépasse pas les
3000 visiteurs par an. Créé en 1990, le
parc avait pourtant connu de belles
années. À l’origine, son activité se limi-
tait à l’élevage, au gavage, à l’abattage
et à la transformation de canards gras.
Les productions de la ferme étaient
alors vendues avec d’autres produits
du terroir dans une boutique attenan-
te à la ferme. Deux ans plus tard, trois
agriculteurs mettent leurs savoir-faire
en commun et créent deux petites fer-
mes pour les enfants au milieu d’un
parc arboré et fleuri. Le succès est
immédiat, mais après quelques années
de fonctionnement et le départ de
deux des associés, la fréquentation
recule et la ferme commence à avoir
une mauvaise réputation. C’est donc
un chantier monumental qui attend
les époux Bienaimé lorsqu’ils investis-
sent les lieux : « Nous nous sommes
aperçus bien vite qu’il fallait assainir
le terrain, déboiser, alimenter les
enclos en eau et en électricité et
replanter le gazon. Il nous fallait faire
très vite pour pouvoir ouvrir la ferme
le plus tôt possible » résume Gilles.
En rachetant une fermepédagogique dans l’espoir de la transformer en parcanimalier pérenne et attractif,la famille Bienaimé faisait en 2003 un pari sur l’avenir.Son objectif : réussir unereconversion et offrir auxenfants un cadre de vie idéal.Avec plusieurs phases deformation développementAdepfo et le concours des acteurs touristiques et territoriaux, plusieursemplois ont été créés et lafréquentation du parc n’a cessé de croître depuissa réouverture en juin 2004.
La Ferme du Born
Dans la boutique de la ferme, de gauche à droite : Hélène Gaulier (pilote éducatif), Gilles et
Fabienne Bienaimé. (Crédit photo : S.V.)
Un projet de vie créateur d’emplois
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jets familial et professionnel dansune démarche globale. Il s’agissaitavant tout de fournir les outils néces-saires et d’offrir un accompagne-ment solide et sans faille. » La forma-
tion-développement mise en place
porte alors sur les aspects techniques
et la mise en place d’une stratégie
marketing cohérente. Cette action
contribue instantanément à la créa-
tion d’un emploi pour Fabienne
Bienaimé (gérante non salariée de la
société) et pour son époux. Approche
de l’activité d’une conserverie, de la
restauration, du marché de la ferme
animalière, orientations marketing,
marché des produits régionaux,
étude de l’offre de conserves de
canard, utilisation optimale des com-
pétences, tous les aspects du projet
sont pris en compte par les forma-
teurs Denis Vidal et Élisabeth Dufour.
« Au-delà de l’aspect technique, la for-mation-développement permet avanttout de se sentir épaulé, confesseGilles. Cela évite de trop se découra-ger et permet de passer les caps diffi-ciles. Le fait de se savoir encadrés parde vrais professionnels nous empê-chait de baisser les bras ou de songerà tout abandonner. »
La ferme ouvre ses portes en juin
2004 et connaît un démarrage hono-
rable. Pourtant, la fréquentation de la
ferme est loin de correspondre au
potentiel offert par le parc. La ques-
tion de la communication est au cœur
du problème, et une stratégie est mise
en œuvre avec la réalisation d’une pla-
quette par un graphiste profession-
nel, l’achat d’espaces publicitaires sur
les ondes et l’intégration d’un projet
de site internet.
Objectif : 30 000 entréesAprès avoir accueilli 4000 visiteurs en
2004, la ferme en reçoit près de 12000
en 2005. Une progression salutaire qui
confirme le bien fondé du projet de
ferme éducative. Fort de ce constat, les
objectifs à moyen terme (trois ans)
sont de 30000 entrées par an, la créa-
tion d’au moins un poste à plein temps
et de plusieurs emplois saisonniers, et
la mise en place de dix chalets d’hé-
bergement. Pour y parvenir, les mar-
chés scolaire et touristique seront ren-
forcés, et la ferme devrait s’efforcer
d’attirer toujours plus de seniors. Avec
l’adaptation des compétences au pro-
jet, l’amélioration de l’image de la
ferme grâce à une stratégie marketing
efficace et la création pragmatique
d’emplois, ce projet singulier dont la
réussite n’était pas évidente a visible-
ment franchi une étape importante.
Une aubaine pour la mise en valeur et
le développement du territoire, et un
argument de poids qui devrait
convaincre toujours plus de curieux à
découvrir les richesses de ce charmant
coin des Landes gasconnes. ■
LES ACTIVITÉS DE LA
FERME DU BORN1. Vente de foie gras, confits de
canard, plats cuisinés, vin,
Armagnac et autres produits du
terroir. Vente à la boutique et par
correspondance (secteur en plein
essor).
2. Animations à la ferme pédago-
gique : repas des animaux (agneaux
chevreaux, faons, daims…) décou-
verte de la poussinière, découverte
d’une ruche en activité guidée par
un apiculteur, présentation des tra-
ditions culinaires landaises, visites
animées de la ferme, détente récréa-
tive pour les enfants sur l’aire de
jeux et initiation aux jeux tradition-
nels de la région (échasses, quilles,
tir à la corde etc.) et organisation de
journées à la ferme pour les adultes
avec dégustation de foie gras.
Cré
dit
ph
oto
: G
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Une formation adaptée à l’acquis des stagiairesC’est pour relever ce défi que les nou-
veaux propriétaires de la ferme font
appel à l’Adepfo. Un comité de pilo-
tage présidé par le maire de Saint-
Paul-en-Born est mis en place, et une
stratégie de formation-développe-
ment voit le jour. « M. et MmeBienaimé avaient déjà de grandescompétences, se souvient HélèneGaulier, pilote éducatif en charge dudossier. Restait à les adapter à cettenouvelle activité et intégrer les pro-
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Au début de l’année 2000, la fermeture définitive de la saboterie Estrade deSaint-Gaudens semblaitinexorable. Après 120 ansd’activité, chacun était résolu à la voir disparaître.C’était sans compter surIsabelle Segonzac, belle-filledu sabotier, qui prit un beaujour de 2001 la décision deprendre la suite de sonbeau-père. Cinq ans et deuxformations-développementplus tard, la saboterie adéménagé à Saint-Bertrand-de-Comminges et la petiteentreprise artisanale connaîtune nouvelle jeunesse.
Créée en 1880 à Saint-Gaudens, la
saboterie Estrade produisait à l’origi-
ne des galoches de bois destinées aux
travaux agricoles. Après plusieurs
décennies de prospérité, l’entreprise
connut quelques difficultés avant de
retrouver un peu de sa superbe dans
les années 70 avec la mode du retour
à la terre. Arrivé à l’âge de la retraite
début 2000, le dernier sabotier de la
famille pensait sérieusement à mettre
un terme à l’œuvre familiale lorsque
sa belle-fille, Isabelle Segonzac, lui
fit part de son désir de reprendre
l’activité. Titulaire d’une Licence
d’Histoire, cette dernière voyait là
l’occasion de tenter une belle aventu-
re professionnelle : « Je n’avais aucu-ne compétence en la matière, concè-de-t-elle, mais j’ai toujours eu enviede créer de mes mains. J’étais persua-dée que le sabot pouvait constituerun accessoire de mode, et qu’il suffi-rait pour cela de dépoussiérer lagamme… » Inscrite à l’ANPE, Isabelle
Segonzac se tourne vers la Chambre
des Métiers et suit une formation des-
tinée aux repreneurs d’entreprises.
En parallèle, elle accompagne son
beau-père sur les foires et les marchés
et acquiert à ses côtés les rudiments
de la saboterie. Si le commerce itiné-
rant lui paraît lourd et peu rentable,
le travail artisanal l’enthousiasme.
Sûre de son fait, elle bénéficie en
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Les sabots d’Isa
L’artisanat traditionnel
conjugué au futur
Si la gamme a pris un coup de jeune,
les gestes, eux, sont ancestraux.
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sagée avec l’Adepfo, qui
revoit en profondeur l’en-
semble de l’activité. Sous
l’autorité d’un comité de
pilotage présidé par le
député Jean-Louis Idiart et
en concertation avec
Hélène Gaulier, pilote édu-
catif de l’Adepfo, cette for-
mation permet à Isabelle
Segonzac d’aborder avec
plus de sérénité les pro-
blématiques de l’organisa-
tion interne, de la cohé-
rence de la gamme de produits et du
portefeuille clients, des circuits de
commercialisation, des techniques
de vente et de l’accompagnement de
la clientèle. Dans le même temps, la
sabotière obtient un prêt à taux 0 qui
lui permet de débuter les travaux à
Saint-Bertrand-de-Comminges en
avril 2005, et d’en ouvrir les portes
au public pour la saison d’été.
De nouveaux marchésgrâce à internetAyant définitivement abandonné les
marchés, l’entreprise réalise 65% de
ses ventes en magasin, et 35% sur les
foires. Il est donc envisagé avec
l’Adepfo de diversifier la production,
d’acquérir une clientèle plus fémini-
ne en créant des modèles plus jeunes
et plus citadins et de sortir du circuit
de commercialisation traditionnel
pour s’orienter vers le prêt-à-porter.
Enfin, l’idée de la création d’une vitri-
ne sur internet voit le jour.
L’été 2005 voit donc apparaître au
pied de Saint-Bertrand l’enseigne
“Les Sabots d’Isa”. Le succès est
immédiat. À la fin de la saison, les
résultats financiers sont satisfaisants
et le commerce en ligne se dévelop-
pe à vitesse grand V : « En fournissantà Isabelle Segonzac les outils et lesconnaissances nécessaires à la réali-sation de son projet, résume HélèneGaulier, la saboterie est entrée en2005 dans une nouvelle phase.L’entreprise est stabilisée et participeà l’attractivité de cette partie deSaint-Bertrand-de-Comminges quisouffre du manque d’activité.L’accompagnement de l’Adepfo a per-mis à ce jeune chef d’entreprise dedégager des marges suffisantes pourvivre de son métier. » Et Isabelle de
préciser : « À en croire l’excellentdémarrage dont j’ai bénéficié, il serabientôt possible de me verser unsalaire plus que correct. Et si je n’aipas l’intention de créer un emploisupplémentaire dans l’immédiat,c’est tout simplement que je préfèretravailler seule. »
Aujourd’hui “Les Sabots d’Isa” vend
des sabots à Saint-Bertrand comme
dans le reste du monde francophone.
Grâce à internet, le sabot sur mesure
s’exporte bien, et la perspective
d’une traduction de la boutique en
ligne en Anglais et en Espagnol pro-
met de développer encore plus cette
activité artisanale. Preuve, si besoin
est, que l’artisanat pyrénéen a de
beaux jours devant lui si l’on prend la
peine de l’adapter aux réalités du
marché et à la demande des clients
d’aujourd’hui.
■
2001 d’une première formation-déve-
loppement Adepfo consacrée aux
apports techniques sur la fabrication
de sabots et de galoches. Une micro-
entreprise est créée, et la jeune sabo-
tière reprend définitivement la socié-
té familiale en 2002.
Déménagement vers un site touristiqueMalgré la motivation, les premières
années sont difficiles : « Mon objectif,se souvient Isabelle, c’était avanttout de pouvoir vivre de la saboteriesans avoir, à terme, à me déplacersur les marchés. » Un an plus tard, la
saboterie affiche un chiffre d’affaires
de 24000 , mais la jeune chef d’en-
treprise sent bien que si rien n’est
entrepris, elle devra se résoudre à
abandonner. En octobre 2004, après
plusieurs jours passés à la foire de
Millau et des retombées faibles, elle
en est même convaincue. C’est alors
qu’une nouvelle idée vient relancer
son projet : plutôt que de rester
dans les locaux inadaptés de Saint-
Gaudens, elle décide de déménager
son atelier dans un garage attenant à
la maison de ses parents située au bas
du village de Saint-Bertrand-de-
Comminges. L’occasion pour elle de
bâtir un atelier à son image et de pro-
fiter de la fréquentation de ce haut
lieu touristique. Une deuxième for-
mation-développement est alors envi-
L’atelier de Saint-Bertrand-de-Comminges ouvert depuis juillet 2005.
MIDI-PYRÉNÉES
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La plaque originelle de la saboterie Estrade,
créée à Saint-Gaudens en 1880.
n° 45 - Décembre 2005
Séquoia Vertigo
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Ancienne citadelle huguenote sou-
vent qualifiée de “balcon sur les
Pyrénées”, la commune du Carla-Bayle
est la patrie du philosophe Pierre
Bayle, apôtre du libre-examen et pré-
curseur des Lumières. De nos jours, le
Carla-Bayle est un village incroyable-
ment dynamique peuplé d’habitants
aussi vigoureux qu’entreprenants,
d’artistes inspirés et d’artisans
enthousiastes. Son maire, Jean-Luc
Couret, fait tout ce qui est en son pou-
voir pour valoriser la commune et
créer l’événement. C’est sans doute la
raison pour laquelle il s’est attaché à
présider le comité de pilotage du pro-
jet porté par les époux Martin.
Anciens éducateurs spécialisés char-
gés d’encadrer des enfants et adoles-
cents difficiles en leur faisant prati-
quer des activités en forêt, Jutta et
Mikaël Martin sont installés en Ariège
depuis 1983 et possèdent depuis 1994
le domaine de Peyres qui correspond
à l’emplacement
du parc du châ-
teau éponyme
dont il ne reste
que quelques rui-
nes. Si les rares
vieilles pierres ne
représentent pas
un patrimoine intéressant, le bois, lui,
regorge de curiosités et de trésors
naturels parmi lesquels la trentaine de
séquoias importés d’Amérique au XIXe
siècle par le châtelain de l’époque.
Ces arbres majestueux culminant à
des hauteurs vertigineuses couplés à
plusieurs dizaines d’autres spécimens
exotiques constituent un ensemble
unique dans les environs. Alors,
lorsque Jutta et Mikaël Martin déci-
dent de changer de vie et de métier, ils
se mettent en tête de conjuguer leurs
désirs avec la mise en valeur de cet
impressionnant patrimoine forestier.
Une stratégie en deux voletsC’est en visitant un parcours acroba-
tique dans une station balnéaire cata-
lane que l’idée jaillit : le parc de
séquoias deviendra un lieu d’aventu-
res, de divertissement et de découver-
te de la nature. Il s’agit avant tout pour
les époux Martin de mettre en valeur
le parc sans le dénaturer : « Il étaithors de question d’installer des élé-ments techniques trop voyants et degâcher le paysage. Nous aimons lesarbres et la nature, et notre idéedevait refléter cet aspect de notre per-sonnalité. Notre idée consistait à per-mettre aux visiteurs d’évoluer le longde filins de sécurité à une altitude éle-vée, en plein milieu des arbres.» assu-
re Martin. Et Jutta de poursuivre : « Cesite sort vraiment de l’ordinaire, etc’est en cela que notre projet allaitplus loin : Séquoia Vertigo n’est pasun piège à touristes, mais un lieu dedépassement de soi et de détente. » En
entreprenant les démarches nécessai-
res à la constitution de leur dossier,
ils découvrent par l’intermédiaire
de l’association “Pays Arize Lèze
Développement”, l’existence de
l’Adepfo. Très vite un comité de pilo-
tage est constitué, et le pilote éducatif
Hélène Gaulier met une stratégie en
place en concertation avec les por-
teurs de projet : « Il y avait troisdimensions dans le projet, se sou-vient-elle, : le changement de vie, lacréation d’activité et la mise envaleur de ce parc magnifique. Jutta etMikaël prévoyaient de créer leurs
De l’usage raisonné du patrimoine naturel
Propriétaires d’un magnifique parc hérissé de séquoias géants situé dans la commune ariégeoise du Carla Bayle,les époux Martin y ont créé un site d’aventures dédié aux parcours acrobatiques, à la pédagogie et à la détente en forêt. Pour mener à bien ce projet inscrit dans la politiquede développement de la commune, ces derniers ont fait appel à l’Adepfoafin d’adapter leurs compétences à la gestion de ce genre d’activités.
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MIDI-PYRÉNÉES
propres emplois ainsi que plusieursemplois saisonniers. » Un accompa-
gnement sur deux ans est ainsi mis en
place, qui est scindé en deux modules
distincts : une partie technique et
aménagement sous la coupe de
Philippe Mercanti, un spécialiste de
ce genre de parcs, et un second volet
consacré au commerce, au marketing
et au développement encadré par
Denis Vidal.
Emplois et activité économique renforcésAvec une expérience dans le domaine
du commerce de bois et un acquis
important en matière de travail en
hauteur, Mikaël possède des bases
solides. Même chose du côté de Jutta
qui s’est investie des années durant
dans l’organisation de festivités au
Carla Bayle : « En utilisant l’acquis desstagiaires, nous avons pu rapidementleur fournir les outils nécessaires ausuccès de leur projet, confie HélèneGaulier. » L’organisation, la création,
le financement et les questions de
sécurité relatives aux parcs
accueillant des enfants sont ainsi
abordés tout au long du stage. En
parallèle, Jutta et Mikaël sont soute-
nus par l’Afpa, la chambre de
Commerce, l’O.N.F et de nombreux
autres organismes locaux. Une fois
intégrées les problématiques liées aux
éléments techniques de la forêt, à la
faisabilité et au schéma d’implanta-
tion des parcours, l’Adepfo accompa-
gne dès février 2005 la mise en mar-
ché de l’offre et des outils de commu-
nication. Une action qui entraîne
immédiatement la création de trois
emplois.
Depuis son ouverture, Sequoia
Vertigo reçoit de nombreux visiteurs
venus des environs immédiats, de
Toulouse, de Midi-Pyrénées et de
l’Europe entière. En complétant l’off-
re “aventure” d’un itinéraire forestier
et d’un sentier pédagogique où les
enfants peuvent découvrir la vie de la
forêt, les époux Martin ont créé un
lieu de détente ouvert à tous qui utili-
se les richesses naturelles sans jamais
les dénaturer. Avec des parcours
dédiés aux enfants, d’autres réservés
aux adultes et adaptés aux moyens de
chacun, ainsi qu’une agréable aire de
jeux et de pique-nique, le Parc ouvre
au grand public les portes d’une par-
celle de forêt richissime. L’offre patri-
moniale et culturelle du Carla Bayle
s’en trouve renforcée, tout comme le
dynamisme économique puisque
Séquoia Vertigo fait travailler ponc-
tuellement des sculpteurs, des arti-
sans, des illustrateurs etc. Un atout
supplémentaire pour cette commune
singulière qui compte parmi les plus
dynamiques du département. ■
MIDI-PYRÉNÉESré
gio
ns
Laurent Carrère-Laas, déjà proprié-
taire d’un hôtel-restaurant de renom à
Nouilhan, décide de tenter l’aventure.
Formation et réorganisation « Lorsque le Sivu m’a proposé dereprendre le restaurant, se souvient-il, je n’ai pas été instantanémentemballé par le projet, même si jetrouvais tristes les portes closes duPrieuré. Mais j’ai vit compris qu’avecune aide appropriée et une stratégiecohérente, je pouvais faire quelquechose d’un peu original tout endéfendant bec et ongles le vignoblede Madiran. Si j’acceptais de monterà Madiran, c’était pour faire autrechose, pour pratiquer le métier diffé-remment… Venir au prieuré pourfaire la même chose qu’à Nouilhanaurait été une erreur. » C’est dans ce
contexte, que Laurent Carrère et la
Maison du Vin font appel à l’Adepfo
au début de l’année 2005. Objectif
affiché : la création d’un concept de
tourisme global grâce notamment à
la mise en place d’une stratégie mar-
keting efficace. Il s’agit d’une part de
trouver un modèle de développe-
ment fiable pour le restaurant et d’au-
tre part de créer une synergie entre
les viticulteurs, la Maison des Vins, et
le restaurant lui-même. Tous les élé-
ments stratégiques sont alors évo-
qués : clientèle possible, prix à prati-
quer, communication, etc. Les futurs
employés du restaurant suivent de
nombreuses formations (aspect tech-
nique de l’initiation à la dégustation,
procédures de travail, cuisines, salle,
gestion, communication etc.) à com-
mencer par le patron lui-même qui
acquiert de vastes connaissances en
matière d’œnologie. Ainsi réorganisé,
le restaurant se tourne dès lors vers
les viticulteurs et les professionnels
n° 46 - Octobre 2006
Prieuré de Madiran
Aux confins de la Rivière
Basse et du Béarn, le villa-
ge de Madiran a donné
son nom a un vignoble
aujourd’hui renommé. Ses
rues ordonnées et le
calme qui y règne attirent
chaque année de nomb-
reux visiteurs, tout
comme son église du Xe
siècle qui forme avec le
prieuré fondé en 1088 un
ensemble architectural
des plus harmonieux.
Pour mêler habilement
vieilles pierres, traditions
culinaires et promotion
du tourisme viticole, plusieurs cham-
bres, institutions et comités des envi-
rons se sont associés. Leur idée : créer
des outils susceptibles d’intéresser
les touristes de passage ou les entre-
prises en séminaire. Tout commence
il y a une dizaine d’années, lorsque
plusieurs communes du vignoble de
Madiran constituent un Syndicat
Intercommunal à Vocation Unique
(Sivu) afin de racheter le prieuré du
village du même nom. Une véritable
aubaine pour le restaurateur qui l’oc-
cupait depuis les années 80 et faisait
alors face à de grandes difficultés
financières. Toujours dans le cadre
du Sivu, on projet de Maison des Vins
vit le jour, qui doit remplir la double
fonction de relais touristique et de
siège interprofessionnel. En 2001,
l’ouverture de la Maison des Vins
coïncide avec la fermeture du restau-
rant du Prieuré qui, faute de bon posi-
tionnement commercial et de syner-
gie avec l’attraction viticole voisine,
doit cesser toute activité. Trois ans
plus tard, le Sivu fait appel à la
Chambre de Commerce et à Haute
Pyrénées Tourisme Environnement
(H.T.P.E.) pour trouver un repreneur.
L’association fructueusede la restauration et du tourisme viticole
Ce sont deux destins mêlésqui se sont joués ces dernières années dans le petit village de Madiran.Celui d’un restaurant ayant cessé son activitéen 2001, et celui de laMaison des Vins créée lamême année dans le but de promouvoir la productionlocale. En établissant unesynergie efficace entre tourisme viticole et art culinaire, le restaurant a trouvé un repreneur et la Maison des Vins a enfintrouvé sa raison d’être. Unsuccès auquel a participél’Adepfo en mettant enplace plusieurs modules deformation-développement.
Laurent Carrère : “Au Prieuré les vins et les digestifs sont tous issus
de productions locales”. (Crédit photo : S.V.)
MIDI-PYRÉNÉES
régio
ns
de la vigne, dans l’espoir de faire de
Prieuré le lieu de rencontre des pro-
ducteurs et des consommateurs.
« Pour les vins comme pour les diges-tifs, je m’attache à ne servir ici quedes produits strictement locaux, pré-cise Laurent Carrère. »
Jusqu’à 7 emplois en haute saison
À l’issue de l’ensemble des forma-
tions, le restaurant a rouvert ses por-
tes en juin 2005. Depuis, les efforts
conjugués du restaurant et de la
Maison des Vins semblent porter
leurs fruits. Les touristes pourront
même réinvestir prochainement les
chambres du prieuré pour des
séjours de plusieurs jours. En atten-
dant, le restaurant ne cesse de propo-
ser à ses clients des soirées dégusta-
tion en présence d’œnologues, des
soirées pédagogiques au cours des-
quelles on apprend à marier les mets
et les vins, des visites chez les vigne-
rons etc. Après un bon repas, il n’est
pas rare que les clients empruntent
le passage intérieur menant à la
Maison des Vins pour découvrir le
vignoble madiranais : « Je me senstrès proche des vignerons, souligneLaurent Carrère, je n’ai de cesse depromouvoir leur travail, d’encoura-ger mes clients à leur rendre visite.C’est là un bon moyen de donneraux gens l’envie de passer du tempsdans les environs. » De son côté la
Maison des Vins est devenue une
source de renseignements idéale
pour les visiteurs, et un point de
départ rêvé avant de partir à la
découverte du Vignoble. Avec un
prieuré sauvé, un restaurant ressusci-
té employant jusqu’à sept personnes
en haute saison et une Maison des
Vins assidûment fréquentée, le maire
de la commune Francis Dutour, ne
cache pas sa satisfaction.
■
Ce vignoble présent depuis le Ier siècle
de notre ère s’étend sur les départe-
ment,des Hautes-Pyrénées, du Gers et
des Pyrénées Atlantiques. Bénéficiant
d’une Appellation d’Origine Contrôlée
depuis 1948, le vignoble de Madiran
concentre les cépages Tannat, cabernet
franc, cabernet sauvignon et fer serva-
dou et produit environ 10 millions de
bouteilles chaque année. Les 1300 hec-
tares du vignoble produisent un vin
corsé et charpenté. Son tannin se muant
avec le temps en véritable velours, le
Madiran possède de grandes capacités
de garde.
L’A.O.C. Madiran
Se confondant avec le territoire de
l’A.O.C., celui du Pacherenc Vic-Bilh
s’étend sur une superficie de 250 hecta-
res. On en tire un vin blanc sec idéal
en apéritif ou en accompagnement de
poissons et un vin moelleux que l’on
peut garder dans sa cave et déboucher
pour accompagner foies gras, fromages
truffés et desserts.
page 13
La salle du restaurant Le Prieuré. (Crédit photo : D.R.)
Autour de Laurent Carrère (au centre) l’équipe
du restaurant du Prieuré pose devant l’entrée
du bâtiment. (Crédit photo : D.R.)
L’A.O.C.Pacherenc du Vic-Bilh
n° 46 - Octobre 2006
MIDI-PYRÉNÉESré
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ns
Prommata
La traction animale,outil novateur de développement
page 15
stagiaires d’obtenir des finance-
ments pour installer leur exploita-
tion. Avec le temps, les Ariégeois ne
sont plus les seuls à suivre des for-
mations sur place, et la renommée de
Prommata s’étend au-delà des fron-
tières.
Solidarité paysanneDirecteur de Prommata, Patrice
Jouvencel revient sur l’état d’esprit
qui anime l’association depuis sa
création : « Contrairement à ce quel’on pourrait croire, la traction ani-male est un procédé très moderne.Nous utilisons des aciers spéciauxagencés selon des concepts nova-teurs. Son utilisation permet unegrande souplesse et ne dégage aucu-ne pollution. Grâce à l’allègementdes outils et à leur parfaite adapta-tion aux morphologies d’aujourd’-hui les femmes peuvent travailler lescultures. De plus, la traction anima-le offre aux paysans une totale indé-pendance financière et énergétique.» confie-t-il. Animés par le désir de
transmission du savoir ancestral et
des technologies modernes, les
membres de Prommata mettent alors
au point plusieurs prototypes, parmi
lesquels la Kassine, un outil parfaite-
ment adapté aux jeunes maraîchers
porteurs de projet qui composent
80% des stagiaires au début des
années 2000. En parallèle, les
responsables de l’association assu-
rent le bon déroulement du dévelop-
pement de la structure qui se confor-
me peu à peu aux normes légales
en matière de gestion et de compta-
bilité. À l’époque Prommata compte
4 salariés, et des problèmes nou-
veaux apparaissent : « Avec le déve-loppement de nos activités, nousnous heurtons en 2002 aux réalitésinhérentes à ce genre de structures.Nous décidons qu’il est temps de
Née en 1991 de la rencontre de
paysans ariégeois et de Jean Nolle
(un inventeur génial et humaniste
qui lutta toute sa vie pour le
développement et la modernisation
de la traction animale dans les
pays du tiers-monde), l’association
Prommata (Promotion d’un Machi-
nisme Agricole Moderne À Traction
Animale) œuvre depuis sa création
pour le développement de la trac-
tion animale dans les travaux agrico-
les. L’idée germe dans les têtes d’agri-
culteurs locaux depuis les années 80,
avec en point de mire l’initiation
d’une agriculture raisonnée, autono-
me et économiquement viable. Au
début des années 90, les membres de
l’association expérimentent des
outils fondés sur les travaux de Nolle
avec des moyens dérisoires. Après le
décès en 1993 du père spirituel de
l’organisme, se pose la question de la
pérennité de la structure. En 1994,
une première formation-développe-
ment initiée par l’Adepfo est mise en
œuvre, qui porte sur des travaux
relatifs aux inventions de Jean Nolle.
Plusieurs prototypes sont réalisés au
cours de ce stage qui accueille douze
personnes. Après ce succès, l’associa-
tion cherche un local où installer un
atelier, y présenter les outils et for-
mer leurs utilisateurs. Avec l’accord
de la mairie de Rimont, la gare désaf-
fectée de la commune est mise à la
disposition de Prommata. La muni-
cipalité aide à la mise aux normes de
l’installation électrique, et les bon-
nes volontés s’associent pour remett-
re le bâtiment en état. Les premières
formations agricoles y sont dispen-
sées dès 1997 avec l’approche du
cheval de trait et l’enseignement des
rudiments de la culture maraîchère,
un domaine très bien adapté à la
traction animale. Dès 1998, l’enregis-
trement de Prommata en tant qu’or-
ganisme de formation permet aux
MIDI-PYRÉNÉES
régio
ns
Animée par le désir d’offrir aux paysans une liberté et une indépendance trop souvent
confisquées par les aléas de l’agriculture moderne, l’association Prommata œuvre depuis quinze
ans au développement de la traction animale. Bénéficiaire de deux formations-développement
en 94 et 2002, la structure a créé des emplois directs et permis à des porteurs de projet
de créer des exploitations agricoles autonomes et financièrement viables.
n° 46 - Octobre 2006
Nous n’avons pas changé de philoso-phie pour autant : notre souci n’estpas de vendre bêtement nos machi-nes, mais de former les agriculteurs àson utilisation et à son entretien. Ils’agit pour nous de perpétuer la phi-losophie de Jean Nolle en participantau développement raisonné dumonde rural. La traction animaledoit permettre de libérer les paysansdes grands groupes et leur éviter des’endetter en acquérant des tracteurstrop onéreux. »
Loin de se contenter du territoire
national, Prommata intervient dans le
monde entier par l’intermédiaire
d’Organisations Non Gouvernemen-
tales oeuvrant dans le domaine du
développement rural. Outre l’Afgha-
nistan (voir encadré), Madagascar et
d’autres pays en voie de développe-
ment, l’association a formé ces deux
dernières années des formateurs au
Burkina et participé ainsi à la fabrica-
tion d’outils de traction animale par
les forgerons locaux qui fournissent
désormais les paysans burkinabais. La
fabrication de la Kassine sur place
avec les compétences et les matériaux
disponibles a permis de diviser par
3,5 le coût de cet outil.
Toujours soucieuse de développer la
solidarité entre les paysans du monde,
Prommata emploie aujourd’hui sept
personnes et tente de se désengager
peu à peu des emplois aidés. Elle pro-
duit toute une gamme d’outils et de
communiquer plus efficacement,d’améliorer et d’accroître notre pro-duction et de faire des progrès enmatière de gestion » résume Patrice
Jouvencel.
Nouveaux outils,même philosophieUn comité de pilotage est alors mis en
place, qui décide de relancer un cycle
de formation et, à terme, de pérenni-
ser les emplois. La première phase
concerne la réorganisation hiérar-
chique et le fonctionnement de l’ate-
lier. Des formations à un logiciel de
dessin industriel permettant de com-
muniquer à distance sont dès lors
initiées afin de permettre un gain de
productivité. Dans un deuxième
temps, la formation est orientée sur la
problématique de la communication
(formation aux outils informatiques
susceptibles d’améliorer la réalisation
de plaquettes et du journal de l’asso-
ciation). Enfin, la dernière formation
permet d’informatiser la gestion et la
comptabilité.
Avec de nouveaux outils et de nouvel-
les compétences, Prommata sort
rapidement du rouge, embauche un
nouvel emploi-jeune, crée son site
internet et entre dans une nouvelle
phase de développement. « Grâce à la formation-développement, confiePatrice Jouvencel, nous sommes pluscompétents et donc plus efficaces.
MIDI-PYRÉNÉESré
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ns
Prommata (suite)
« Madera intervient depuis 20 ans sur le
territoire afghan dans différents domai-
nes du développement rural parmi les-
quels l’agriculture, le génie civil, l’irriga-
tion et le micro-crédit. Les cadres de
Madera ont découvert Prommata à l’oc-
casion d’un stage concernant l’utilisa-
tion de la traction animale. Ce mode de
culture est très intéressant pour nous
étant donné qu’il est l’unique moyen
mécanique disponible en Afghanistan.
Pour une O.N.G. comme la nôtre, il est
appréciable de traiter avec cette associa-
tion qui ne cherche pas à vendre du
matériel coûte que coûte. Nous avons
face à nous des concepteurs et des for-
mateurs soucieux de transmettre un
savoir-faire et la philosophie de Jean
Nolle et d’aider à la production locale
d’outils agricoles. À la suite de la visite
d’un des membres de Prommata sur
place, nous avons initié dans l’une de
nos zones d’action un programme de
développement fondé sur la traction
animale. Des études sont en cours, qui
devraient permettre de définir le coût et
l’impact sur l’artisanat local de la fabri-
cation d’outils de traction animale. Les
premiers résultats sont d’autant plus
encourageants que de telles initiatives
ont connu un grand succès en Afrique
en général, et au Sénégal en particulier. »
Administrateur de Madera(Mission d’Aide au
Développement des ÉconomiesRurales en Afghanistan),Gérard Logié revient sur
l’action conjuguée de cetteO.N.G et de Prommata auprès
de paysans afghans.
porte-outils adaptés aux besoins des
agriculteurs parmi lesquels la Kassine,
pour laquelle l’association a reçu en
2005 le 1er prix IGZ de l’innovation
technologique. Grâce au soutien de la
municipalité de Rimont, au concours
de quelques organismes locaux et à
l’apport de la formation-développe-
ment, la démarche humaniste des fon-
dateurs de l’association peut désor-
mais se développer au sein d’une
structure économiquement viable.
■
page 17
en parallèle dans la formation à la pra-
tique de l’activité de chauffeur de
taxi. Après 5 mois d’apprentissage, il
décroche sa carte professionnelle,
acquiert une voiture grâce à un prêt
à taux 0 et débute son activité le
10 octobre 2004, un an jour pour jour
après son inscription au chômage.
Des objectifs à long termeBien qu’il n’ait jamais douté du bien
fondé de sa démarche, Thierry
Bouzigues s’étonne encore aujourd’-
hui du succès de son activité : « Jeprofite largement de la proximité dema clientèle, explique-t-il. Les gensdu coin préfèrent faire travailler ungars d’ici plutôt que de faire appel àd’autres entreprises. Cela ne veutpas forcément dire que la créationd’un deuxième emploi soit à l’ordredu jour, mais cela fait partie de mesobjectifs. » Pour l’heure, le nouveau
chauffeur de taxi de Belvis travaille
en confiance avec les autres taxis
indépendants, ce qui lui permet de
ne refuser aucune course et de
gagner la confiance de ses clients. «Lorsque des professionnels tra-vaillent en bonne intelligence dansce genre de territoires, chacun peuttrouver sa place et maintenir lesemplois » constate André Rainier.
Étant donnée la moyenne d’âge éle-
vée de la population du plateau, les
courses dites “classiques” sont rares.
Le transport médical assis et les cour-
ses vers les médecins et les centre
hospitaliers de la région est en revan-
che le lot commun de Thierry Bouzi-
gues. De plus, il reste en contact
permanent avec un réseau d’alerte
permettant de transporter des auto-
mobilistes en panne.
En créant son propre emploi, en tra-
vaillant avec l’Adepfo, en restant à l’é-
coute des élus et en répondant à une
demande réelle, Thierry Bouzigues
prouve, si besoin est, qu’il est tout à
fait possible de maintenir une activi-
té dans les territoires les plus diffici-
les. Un bel exemple de persévérance
et d’attachement à la douceur de
vivre pyrénéenne.
■
Située en bordure du plateau de Sault,
à l’Ouest de Quillan et au Sud de
Puivert, la commune audoise de
Belvis jouit d’une vue imprenable sur
la chaîne des Pyrénées et profite
d’une quiétude enviable. Installé au
cœur du village depuis plusieurs
années, Thierry Bouzigues ne quitte-
rait pour rien au monde ce cadre idyl-
lique où il coule une existence paisi-
ble depuis de longues années. Mais
lorsqu’il se retrouve au chômage en
2003 au terme d’un contrat emploi-
jeune à la mairie du village, une seule
alternative s’offre à ce trentenaire ori-
ginaire de Béziers : quitter Belvis ou
créer sa propre activité. Convaincu
que le jeu en vaut la chandelle, il opte
pour la dernière solution. S’informant
auprès du maire, il apprend que
depuis la cessation d’activité du taxi
du village, les habitants sont forcés de
trouver ailleurs le moyen de se dépla-
cer. Sur le plateau de Sault en effet, on
ne dénombre aucun chauffeur de taxi
entre Quillan et Lavelanet. Sur ce ter-
ritoire, la population vieillissante est
pourtant demandeuse de ce genre de
services, soit pour rejoindre les villes,
soit pour rejoindre les services médi-
caux du département ou les hôpitaux
de Toulouse. La formation Adepfo,
pilotée d’abord par Jean-Louis Biroste
et ensuite par André Rainier le dote
des connaissances nécessaires à la
création de son activité, et il se lance
Refusant de quitter son village pour aller quérir en plaine une activité professionnelle, Thierry Bouzigues s’est tourné vers l’Adepfo pour créer sa propre entreprise de taxi.Succès total pour ce jeune travailleur indépendant qui satisfait un besoin vital pour la population vieillissante du plateau de Sault.
LANGUEDOC ROUSSILLON
régio
ns
Plateau de Sault
M. Bouzigues (à droite), en compagnie
d’André Rainier (crédit : S .V.)
Un taxi pour Belvis
n° 46 - Octobre 2006
LANGUEDOC ROUSSILLONré
gio
ns
En août 2005, la première auberge
jamais installée à Saint-Martin-de-
Fenouillet ouvrait ses portes à une
clientèle d’habitants curieux et de
touristes impatients. Neuf mois plus
tard, l’entreprise se porte bien,
deux emplois ont été créés, et les
effets de cette nouvelle activité sur
la fréquentation touristique com-
mencent à se faire sentir. Initié par
la mairie sous l’impulsion de la com-
munauté de communes, l’auberge
Le village de Saint-Martin-de-Fenouillet (crédit : S.V.)
Inscrite dans un projet transversal de développement local,
l’Auberge Taichac à rendu à Saint-Martin-de-Fenouillet
un peu de sa superbe. Accompagnée par l’Adepfo depuis
l’idée originale jusqu’à l’ouverture en août 2005, sa gérante
a créé deux emplois et relancé la dynamique territoriale
de ce charmant village des Fenouillèdes.
L’auberge Taïchac
Un maillon essentiel sur la chaîne du développement local
page 19
Taïchac s’inscrit dans une logique
transversale destinée à dynamiser le
développement local : « Il s’agissait
pour nous de réfléchir à l’échelle du
territoire plutôt que de se canton-
ner aux frontières de la commune.
En prenant en compte les atouts et
les faiblesses du territoire en ques-
tion, nous sommes parvenus à
initier un développement cohérent
et prometteur » assure André
Foulquier, maire de Saint-Martin. Il
est vrai qu’avec un secteur viticole
en bonne santé, un sentier d’inter-
prétation géologique et quelques
rochers d’escalade très prisés des
grimpeurs, les environs du village
ont largement de quoi attirer gas-
tronomes, randonneurs et ama-
teurs de sensations fortes. Il s’agit
dès lors de mettre en marche un
processus transversal prenant en
considération le vin, l’escalade, la
création d’hébergement et l’organi-
sation d’événements. « Notre objec-
tif, poursuit André Foulquier, est
d’attirer les touristes et de les garder
une ou plusieurs nuits sur place.
Sans l’auberge, cela est impossible,
et sans activités, l’auberge n’a aucu-
ne raison d’être… »
régio
ns
LANGUEDOC ROUSSILLON
Ouverte sept jours sur sept,l’Auberge de Taïchac offre quatrechambres individuelles et troisdortoirs collectifs. La capacitétotale de l’établissement est de 40 lits et 50 couverts. Les deuxemplois crées concernent lagérante et son compagnon quiofficie en cuisine. L’auberge pro-pose de nombreuses animationstout au long de l’année et consti-tue un lieu d’information idéalpour les randonneurs, les grim-peurs et les promeneurs intéres-sés par le sentier d’interprétationgéologique des Hauts de Taïchac.
AUBERGE TAÏCHACLe Village
66620 Saint-Martin04.68.59.09.54.
De gauche à droite : Houcine Amar Amghari, André Rainier, Brigitte Benet et André Foulquier. (crédit S.V.)
Des outils adéquats Restait encore à intégrer un porteur
de projet suffisamment enthousias-
te et persévérant pour mener à bien
la création de l’auberge. L’idée
séduit immédiatement Brigitte
Benet qui voit dans cette activité
l’occasion rêvée de changer de vie
et d’opérer un retour émouvant
dans le village natal de son père.
C’est précisément dans ces circons-
tances que la formation Adepfo
vient prêter main-forte à tous les
acteurs du projet sous l’égide du
pilote éducatif André Rainier. « Sans
l’Adepfo, concède Brigitte Benet,
j’aurais certainement éprouvé de
grandes difficultés. Je n’aurais pas
su à qui m’adresser et réunir les
gens compétents autour d’une
même table aurait été difficile. Si je
maîtrisais dès le départ la commu-
nication, l’animation et tout ce qui
fait la vie d’un lieu comme celui-ci,
je manquais cruellement de compé-
tences en matière de gestion, de
comptabilité et de fiscalité ». En met-
tant en relation les collectivités
locales, les chambres consulaires,
les porteurs de projet et les person-
nes susceptibles de faciliter la mise
en œuvre du projet, la formation
développement a donc permis
d’améliorer la faisabilité du projet
tout en dotant à la future gérante de
l’établissement des outils adéquats
et des compétences nécessaires à la
gestion quotidienne de l’auberge.
Des résultats encourageantsÀ peine plus de neuf mois après son
ouverture, l’Auberge Taïchac a su se
rendre indispensable aux yeux des
habitants du village. On s’y arrête
pour saluer des amis, on y envoie les
enfants jouer à des jeux de société
le mercredi après-midi, on s’y retro-
uve les jours de tempête ou lors des
coupures d’électricité… Si bien que
l’on commence à se demander com-
ment on faisait pour vivre à Saint-
Martin avant l’arrivée de l’auberge.
À quelques semaines des vacances
d’été, 60% de la clientèle est issue de
Saint-Martin et des environs. La part
des touristes a tendance à augmen-
ter au fil des mois grâce au bouche-
à-oreille efficace. De quoi pérenni-
ser les deux emplois créés sur le
site et ouvrir à ce territoire des
Fenouillèdes de belles perspectives
de développement. ■