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    MAURICE BARDCHE

    NUREMBERGOU LA TERRE PROMISE

    Lisez

    si vous

    l'osez

    Editions de l'AAARGH

    Internet, 2003

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    Maurice BARDCHE: Nuremberg ou la Terre Promise

    Note de lAaargh :

    Ce livre de Maurice Bardche, intitulNuremberg ou la terre promise, a t publi Paris en 1948 aux ditions Les Sept Couleurs (78, Rue De La Tour, Paris XVIe ), il y adonc bientt un demi-sicle. Il aurait t tir 25.000 exemplaires. Au printemps 1952,Maurice Bardche est condamn, pour ce livre, un an de prison et 50.000 Francsd'amende; le livre est saisi et interdit la vente (ce qui ne nous concerne pas puisquenous ne le vendons pas). L'auteur ne passera que quelques semaines en prison. A la suitede cette affaire, Bardche lance une revue,Dfense de l'Occident, qui a publi des textesde Rassinier et de R. Faurisson. Bardche se range ainsi parmi ceux qui ont permis au

    rvisionnisme de prendre forme et de s'exprimer. Il a donc jou un rle qui justifie saprsence dans nos archives. Mais le rvisionnisme provient d'une rflexion sur la ralitet le statut de l'idologie qui prside aux reprsentations de l'histoire; il est totalementautonome et ne doit ses vecteurs ceux qui, droite comme gauche, l'ont publi que la gratitude due des services rendus. Il est intellectuellement indpendant destendances politiques de ceux qui s'emparent de lui ou de ceux qui le combattent. C'est

    pourquoi il prospre malgr les interdits drisoires, les censures brouillonnes, lesassimilations scandaleuses et les condamnations en chaire.

    Ce texte a t affich sur Internet des fins purement ducatives, pour encouragerla recherche, sur une base non-commerciale et pour une utilisation mesure par leSecrtariat international de l'Association des Anciens Amateurs de Rcits de Guerre etd'Holocauste (AAARGH).

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    Afficher un texte sur le Web quivaut mettre un document sur le rayonnage d'unebibliothque publique. Cela nous cote un peu d'argent et de travail. Nous pensons quec'est le lecteur volontaire qui en profite et nous le supposons capable de penser par lui-mme. Un lecteur qui va chercher un document sur le Web le fait toujours ses risques et

    prils. Quant l'auteur, il n'y a pas lieu de supposer qu'il partage la responsabilit des

    autres textes consultables sur ce site. En raison des lois qui instituent une censurespcifique dans certains pays (Allemagne, France, Isral, Suisse, Canada, et d'autres),nous ne demandons pas l'agrment des auteurs qui y vivent car ils ne sont pas libres deconsentir.

    Nous nous plaons sous la protection de l'article 19 de la Dclaration des Droits del'homme, qui stipule, ARTICLE 19 : "Tout individu a droit la libert d'opinion etd'expression, ce qui implique le droit de ne pas tre inquit pour ses opinions et celui dechercher, de recevoir et de rpandre, sans considration de frontire, les informations etles ides par quelque moyen d'expression que ce soit. " (Dclaration internationaledes droits de l'homme, adopte par l'Assemble gnrale de l'ONU Paris, le 10dcembre 1948.)

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    EPIGRAPHE

    Salomon compta tous les trangers qui taient dans le paysd'Isral et dont le dnombrement avait t fait par David son pre. Onen trouva cent cinquante trois mille six cents. Et il en prit soixante-dixmille pour porter les fardeaux, quatre-vingt mille pour tailler les pierresdans la montagne, et trois mille six cents pour surveiller et fairetravailler le peuple.

    Second Livre des Chroniques, 2, 17-18.

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    Je ne prends pas la dfense de l'Allemagne. Je prends la dfense de la vrit. Je nesais si la vrit existe et mme beaucoup de gens font des raisonnements pour me

    prouver qu'elle n'existe pas. Mais je sais que le mensonge existe, je sais que ladformation systmatique des faits existe. Nous vivons depuis trois ans sur unefalsification de l'histoire. Cette falsification est adroite : elle entrane les imaginations,

    puis elle s'appuie sur la conspiration des imaginations. On a commenc par dire : voiltout ce que vous avez souffert, puis on dit : souvenez-vous de ce que vous avez souffert.On a mme invent [10] une philosophie de cette falsification. Elle consiste nousexpliquer que ce que nous tions rellement n'a aucune importance, mais que seulecompte l'image qu'on se faisait de nous. Il parat que cette transposition est la seuleralit. Le groupe Rothschild est ainsi promu l'existence mtaphysique.

    Moi, je crois stupidement la vrit. Je crois mme qu'elle finit par triompher detout et mme de l'image qu'on fait de nous. Le destin prcaire de la falsification invente

    par la Rsistance nous en a dj apport la preuve. Aujourd'hui le bloc est bris, lescouleurs scaillent : ces panneaux publicitaires ne durent que quelques saisons. Maisalors si la propagande des dmocraties a menti pendant trois ans notre sujet, si elle atravesti ce que nous avons fait, devons-nous la croire lorsqu'elle nous parle delAllemagne ? N'a-t-elle pas falsifi l'histoire de l'occupation comme elle a prsentfaussement l'action du gouvernement franais ? L'opinion commence rectifier son

    jugement sur l'puration. Ne devons-nous pas nous demander si la mme rvision n'estpas faire sur la condamnation qui a t [11] porte par les mmes juges Nuremberg ?

    N'est-il pas honnte, au moins, n'est-il pas ncessaire de poser cette question ? Si l'action judiciaire qui a frapp des milliers de Franais est une imposture, qu'est-ce qui nousprouve que celle qui a condamn des milliers d'Allemands n'en est pas une ? Avons-nousle droit de nous en dsintresser ?

    Supporterons-nous que des milliers d'hommes, en ce temps, souffrent et servoltent de notre refus de tmoigner, de notre lchet, de notre fausse commisration ?Ils repoussent cette camisole de force que nous voulons mettre leur voix et leur pass;ils savent que nos journaux mentent, que nos films mentent, que nos crivains mentent,ils le savent et ne l'oublieront pas: laisserons-nous tomber sur nous ce regard de mprisqu'ils nous lancent justement? Toute l'histoire de cette guerre est refaire, nous le

    savons. Refuserons-nous notre porte la vrit ?

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    Nous avons vu ces hommes installs dans nos maisons et dans nos villes; ils ont tnos ennemis et, ce qui est plus cruel, ils ont [12] t les matres chez nous. Cela ne leurenlve pas le droit qu'ont tous les hommes la vrit et la justice, leur droit l'honntet des autres hommes. Ils ont combattu avec courage; ils ont subi ce destin de laguerre qu'ils avaient accept; aujourd'hui, leurs villes sont dtruites, ils habitent dans destrous au milieu des ruines, ils n'ont plus rien, ils vivent comme des mendiants de ce quele vainqueur leur concde, leurs enfants meurent et leurs filles sont le butin de l'tranger,leur dtresse dpasse tout ce qui a pu venir jamais l'imagination des hommes. Leurrefuserons-nous le pain et le sel ? Et si ces mendiants dont nous faisons des proscritsn'taient pas d'autres hommes que nous ? Si nos mains n'taient pas plus pures que leursmains, si nos consciences n'taient pas plus lgres que leurs consciences ? Si nous noustions tromps ? Si l'on nous avait menti ?

    C'est pourtant sur cette sentence sans appel que les vainqueurs nous demandent defonder le dialogue avec l'Allemagne ou plutt de le refuser. Ils se sont empars de l'pede Jhovah et ils ont chass l'Allemand [13] des terres humaines. L'croulement del'Allemagne ne suffisait pas aux vainqueurs. Les Allemands n'taient pas seulement desvaincus, ils n'taient pas des vaincus ordinaires. C'est le Mal qui avait t vaincu en eux :on avait leur apprendre qu'ils taient des Barbares, qu'ils taient les Barbares. Ce quileur arrivait, le dernier degr de la dtresse, la dsolation comme au jour du dluge, leur

    pays englouti comme Gomorrhe et eux seuls errants, stupfaits, au milieu des ruines,comme au lendemain de l'croulement du monde, on avait leur apprendre que c'taitbien fait, comme disent les enfants. C'tait une juste punition du ciel. Ils devaients'asseoir, eux Allemands, sur leurs ruines et se frapper la poitrine. Car ils avaient t desmonstres. Et il est juste que les villes des monstres soient dtruites, et aussi les femmes

    des monstres et leurs petits enfants. Et la radio de tous les peuples du monde, et la presse de tous les peuples du monde, et des millions de voix de tous les horizons dumonde, sans exception, sans fausse note, se mirent expliquer l'homme [14] assis surses ruines pourquoi il avait t un monstre.

    Ce livre est adress ces rprouvs. Car il faut qu'ils sachent que tout le monde n'a pas accept aveuglment le verdict des vainqueurs. Le temps de faire appel viendraquelque jour. Les tribunaux issus de la victoire des armes ne portent que des sentencesphmres. L'opportunisme politique et la peur rvoquent dj ces jugements. Notreopinion sur l'Allemagne et sur le rgime national-socialiste est indpendante de cescontingences. Notre seule ambition, en crivant ce livre, a t de pouvoir le relire sans

    honte dans quinze ans. Quand nous trouverons que l'arme allemande ou le partinational-socialiste ont commis des crimes, naturellement nous les appellerons des crimes.Mais quand nous penserons qu'on les accuse au moyen de sophismes ou de mensonges,nous dnoncerons ces sophismes et ces mensonges. Car tout cela ressemble un peu trop un clairage de thtre : on braque des projecteurs et on n'claire qu'une scne, pendantce temps-l, tout le reste est dans [15] l'ombre. Il est temps qu'on allume les lustres etqu'on dvisage un peu les spectateurs.

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    crimes commis dans la conduite de la guerre, il tait absolument ncessaire d'en dcouvrirde plus graves encore de l'autre ct. Il fallait absolument que les bombardiers anglais etamricains apparussent comme le glaive du Seigneur. Les Allis n'avaient pas le choix.S'ils n'affirmaient pas solennellement, s'ils ne prouvaient par n'importe quel moyen qu'ilsavaient t les sauveurs de l'humanit, ils [19] n'taient plus que des assassins. Si, un

    jour, les hommes cessaient de croire la monstruosit allemande, ne demanderaient-ilspas compte des villes englouties ?

    Il y a donc un intrt vident de la propagande britannique et amricaine et, unmoindre degr, de la propagande sovitique, soutenir la thse des crimes allemands.On s'en apercevra mieux encore si l'on s'avise que cette thse, en dpit de son intrt

    publicitaire, ne s'est fixe que tardivement sous sa forme dfinitive.

    Au dbut, personne n'y crut. Les radios s'efforaient de justifier l'entre en guerre.L'opinion craignait en effet une hgmonie allemande, mais elle ne croyait pas unemonstruosit allemande. "On ne nous refera pas le coup des atrocits allemandes",disaient les officiers des premiers mois de l'occupation. Les bombardements de Coventryet de Londres, premiers bombardements ariens de populations civiles, gtrent cettesagesse. Et un peu plus tard, la guerre sous-marine. Puis l'occupation, les otages, lesreprsailles. Et les radios russirent alors le premier degr d'intoxication de l'opinion. [20]Les Allemands taient des monstres parce qu'ils taient des adversaires dloyaux, parcequ'ils ne croyaient qu'en la loi du plus fort. En face d'eux, des nations correctes quitaient toujours battues parce qu'elles se conduisaient en tout avec loyaut. Mais les

    peuples ne crurent pas que les Allemands taient des monstres, ils reconnurentseulement les thmes de propagande contemporains du Kaiser et de la grosse Bertha.

    L'occupation des territoires de l'Est et, en mme temps, la lutte entreprise danstoute l'Europe contre le terrorisme et le sabotage, fournirent d'autres arguments. LesAllemands taient des monstres, parce qu'ils taient partout suivis de leurs tueurs; onmonta sur son socle le mythe de la Gestapo : dans toute l'Europe, les armes allemandesinstallaient la terreur, les nuits taient hantes de bruits de bottes, les prisons taient

    pleines, et chaque aube des salves claquaient. Le sens de cette guerre devenait clair : desmillions d'hommes, d'un bout l'autre du continent, luttaient pour l'affranchissement desnouveaux esclaves, les bombardiers s'appelrent des "Liberator". Ce [21] fut le temps ol'Amrique entra en guerre. Les peuples ne crurent pas encore que les Allemands taientdes monstres, mais dj ils acceptrent cette guerre comme une croisade pour la libert.

    Ce fut le second stade de l'intoxication.Mais ces images ne correspondaient pas encore au voltage de notre propagande

    actuelle. La retraite des armes allemandes l'Est permit enfin de lancer le mot. C'tait lemoment qu'on attendait : car le reflux allemand laissait des paves. On parla de crimes deguerre et une dclaration du 30 octobre 1943 permit, la satisfaction gnrale, de signalerces crimes l'opinion et d'en prvoir le chtiment. Cette fois-ci, les Allemands taient

    bien des monstres, ils coupaient les mains des petits enfants, comme on l'avait toujoursaffirm. Ce n'tait plus la force, c'tait la barbarie. A partir de ce moment, le mondecivilis avait des droits contre eux : car enfin, il y a des consciences dlicates quin'admettent pas qu'on punisse la dloyaut par des bombardements ariens ni qu'on

    regarde un rgime autoritaire comme un dlit de droit commun, tandis que [22] tout le

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    monde est prt chtier des bourreaux d'enfants, les mettre hors les droits de la guerre.On tenait donc le flagrant dlit. On le diffusa, on l'exploita. Les peuples commencrent

    penser que les Allemands pouvaient bien tre des monstres, et l'on parvint au troisimestade de l'intoxication, qui consiste oublier ce qu'on fait chaque nuit dans les raids force de penser avec rage ce qui se passe chaque jour dans les prisons.

    C'tait la disposition militaire laquelle on souhaitait, depuis le commencement,amener les consciences. C'tait l'tat dans lequel il fallait les maintenir. Il le fallait d'autant

    plus que, peu aprs cette date, en dcembre 1943, les mthodes de bombardementchangrent : au lieu de viser des objectifs militaires, les aviateurs allis reurent l'ordred'appliquer la tactique du tapis de bombes qui dtruisait des villes entires. Et cesdestructions apocalyptiques exigeaient, bien videmment, une monstruositcorrespondante. On en sentit si bien la ncessit qu'on mit sur pied, ds cette date, un

    puissant organisme de dtection des crimes [23] allemands, qui eut pour mission des'installer sur les talons des premires vagues d'occupation, peu prs comme lesformations de police suivaient en Russie l'avance des troupes blindes. Cerapprochement est suggestif : les Allemands nettoyaient, les Amricains accusaient,chacun allait au plus press. Ces recherches furent, comme on sait, couronnes de succs.On eut la bonne fortune de dcouvrir en janvier 1945 ces camps de concentration dont

    personne n'avait entendu parler jusqu'alors, et qui devinrent la preuve dont on avait prcisment besoin, le flagrant dlit l'tat pur, le crime contre l'humanit qui justifiait tout. On les photographia, on les filma, on les publia, on les fit connatre parune publicit gigantesque, comme une marque de stylo. La guerre morale tait gagne. Lamonstruosit allemande tait prouve par ces prcieux documents. Le peuple qui avaitinvent cela n'avait le droit de se plaindre de rien. Et le silence fut tel, le rideau fut si

    habilement, si brusquement dvoil, que pas une voix n'osa dire que tout cela tait tropbeau pour tre parfaitement vrai.

    [24] Ainsi fut affirme la culpabilit allemande, par des raisons fort diverses selonles temps : et l'on remarquera seulement que cette culpabilit s'accrot mesure que les

    bombardements de civils se multiplient. Ce synchronisme est en lui-mme assez suspect,et il est trop clair que nous ne devons pas agrer sans prcautions les accusations desgouvernements qui ont un besoin si vident d'une monnaie d'change.

    Il n'est pas inutile, peut-tre, de faire appel de cet admirable montage technique.Aprs avoir prsent nos plus sincres compliments aux techniciens, juifs pour la

    plupart, qui ont orchestr ce programme, nous avons l'ambition de voir clair et de nous yreconnatre dans cette pice tiroirs, o les accusations arrivent point nomm commeles coups de thtre du mlodrame.

    C'est donc cette tche que nous allons nous attacher. Et, bien sr, ce petit livre nepeut tre qu'une premire pierre. Il contiendra plus d'interrogations que d'affirmations,plus d'analyses que de documents. Mais n'est-ce pas dj quelque chose que de mettreun peu d'ordre dans une matire qu'on a [25] prsent volontairement avec confusion ?Le travail a t si bien fait qu'aujourd'hui personne n'ose plus appeler les choses par leurnom. On a appel monstrueux tout la fois les actes, les hommes, les ides. Toutes les

    penses sont maintenant frappes de stupeur, elles sont engourdies, inertes, elles

    ttonnent dans une ouate de mensonges. Et parfois, lorsqu'elles rencontrent des vrits,

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    elles s'en cartent avec horreur, car ces vrits sont proscrites. Le premier objet de cesrflexions sera donc une sorte de restauration de l'vidence. Mais ce travail derectification ne doit pas tre born aux faits. Le tribunal de Nuremberg a jug au nom d'uncertain nombre de principes, au nom d'une certaine morale politique. Toutes cesaccusations ont un envers. On nous propose un avenir, on le pose en condamnant le

    pass. C'est dans cet avenir aussi que nous voulons voir clair. Ce sont ces principes quenous voudrions voir en face. Car dj nous entrevoyons que cette thique nouvelle serfre un univers trange, un univers pareil un univers de malade, un univers lastiqueque nos regards ne [26] reconnaissent plus : mais un univers qui est celui des autres,

    prcisment celui que Bernanos pressentait lorsqu'il redoutait le jour o se raliseraientles rves enferms dans la cervelle sournoise d'un petit cireur de bottes ngrode dughetto de New-York. Nous y sommes. Les consciences sont drogues. On nous a fait lecoup de Circ. Nous sommes tous devenus juifs.

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    Commenons donc par dcrire ce procs de Nuremberg, au sommet duquel s'lvel'Acropole de cette cit nouvelle. L aboutissent les accusations et l commence le mondefutur.

    Le secrtariat du Tribunal militaire international a commenc depuis l'an dernier la publication de la stnographie du procs de Nuremberg. Cette publication doitcomprendre vingt-quatre volumes in-4d'environ 500 700 pages. L'dition franaisecomprend actuellement douze volumes, qui correspondent surtout aux documents de

    l'accusation. Cette partie du travail nous suffit. [27] Car l'accusation se juge elle-mmepar ce qu'elle dit. Il nous parat inutile d'entendre la dfense.

    Rappelons d'abord quelques lments d'architecture. Le Tribunal militaireinternationala t tabli par l'accord de Londres du 8 aot 1945 conclu entre la France,les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Union des Rpubliques Socialistes Sovitiques. Acet accord tait annex un Statut du tribunal fixant la fois la composition, lefonctionnement, la jurisprudence du tribunal et la liste des actions qui devaient treconsidres comme criminelles. On apprenait donc pour la premire fois, par cestatut publi le 8 aot 1945, que certains actes qui n'avaient pas t mentionns jusqu'icidans les textes de droit international taient considrs comme criminels, et que lesaccuss auraient rpondre de ces actes comme tels, bien qu'il n'et jamais t crit nulle

    part auparavant qu'ils fussent criminels. On y apprenait, en outre, que l'immunit quicouvrait les excutants en vertu des ordres reus ne serait pas prise en considration, etque, d'autre part, le tribunal pourrait dclarer que telle ou telle [28] organisation politiquetraduite devant lui n'tait pas une organisation politique, mais une association demalfaiteurs rassembls pour perptrer un complot ou un crime, et que par suite tous sesmembres pouvaient tre traits comme des conspirateurs ou des criminels.

    Le procs se droula pendant un an, du mois d'octobre 1945 au mois d'octobre1946. Le Tribunal tait constitu par trois juges, l'un amricain, le second franais, l'autrerusse et prsid par un haut magistrat britannique Lord Justice Lawrence. L'accusationfut soutenue par quatre procureurs gnraux assists de quarante-neuf robins en

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    uniforme. Un important secrtariat avait t charg du rassemblement et du classementdes documents. Les chefs d'accusation furent au nombre de quatre : de complot (c'estl'action politique du parti national-socialiste depuis son origine qui est assimile uncomplot), de crime contre la paix (c'est l'accusation d'avoir provoqu la guerre), decrimes de guerre et de crimes contre l'humanit. L'accusation fut soutenue aumoyen d'une srie d'exposs du [29] Ministre public, chacun de ces exposs tantappuy par des productions de documents qui ont t publis la suite du procs. Toutle monde sait, puisque la presse l'a longuement expliqu, que ces exposs avaient lieudevant un microphone; ils devaient tre prononcs lentement, chaque phrase tantspare de la suivante par une pause. Des traducteurs traduisaient sur-le-champ. Lesaccuss, leurs avocats et les membres du Ministre public disposaient d'couteurs quileur permettaient d'entendre les dbats dans leur langue, en se mettant sur la gammed'ondes qui correspondait l'mission de leur propre traducteur. Cette virtuosittechnique est ce qui a le plus frapp les imaginations. Et pourtant, lorsqu'on y rflchit,

    ce n'est pas ce qui est le plus surprenant dans ce procs.Les apparences de la justice furent parfaitement sauvegardes. La dfense avait peu

    de droits, mais ces droits furent respects. Quelques auxiliaires zls du Ministre publicfurent rappels l'ordre pour s'tre permis de qualifier prmaturment les actes surlesquels ils rapportaient. Le tribunal [30] interrompit l'expos du Ministre publicfranais, en raison de son caractre dloyal et diffus, et refusa d'en entendre la suite.Plusieurs accuss furent acquitts. Enfin les formes furent parfaites, et jamais justice

    plus discutable ne fut rendue avec plus de correction.

    Car cette machinerie moderne, comme on sait, eut pour rsultat de ressusciter lajurisprudence des tribus ngres. Le roi vainqueur s'installe sur son trne et fait appelerses sorciers : et, en prsence des guerriers assis sur leurs talons, on gorge les chefsvaincus. Nous commenons souponner que tout le reste est de la comdie et le public,aprs dix-huit mois, n'est dj plus dupe de cette mise en scne. On les gorge parcequ'ils ont t vaincus, Les atrocits qu'on leur reproche, tout homme juste ne peut viterde se dire qu'ils peuvent en reprocher d'aussi graves aux commandants des armesallies : les bombes au phosphore valent bien les camps de concentration. Un tribunalamricain qui condamne Gring mort n'a pas plus d'autorit, aux yeux des hommes,qu'un tribunal allemand qui aurait prtendu condamner Roosevelt. Un [31] tribunal quifabrique la loi aprs s'tre install sur son sige nous ramne aux confins de l'histoire. Onn'osait pas juger ainsi au temps de Chilpric. La loi du plus fort est un acte plus loyal.

    Quand le Gaulois crie Vae victis, au moins il ne se prend pas pour Salomon. Mais cetribunal a russi tre une assemble de ngres en faux-col : c'est le programme de notrecivilisation future. C'est une mascarade, c'est un cauchemar : ils sont habills en juges, ilssont graves, ils sont coiffs de leurs couteurs, ils ont des ttes de patriarches, ils lisentdes papiers d'une voix doucereuse en quatre langues la fois, et en ralit ce sont des roisngres, c'est un dguisement de rois ngres, et dans la salle glace et respectueuse, on

    peroit en sourdine le tambour de guerre des tribus. Ce sont des ngres trs propres et parfaitement moderniss. Et ils ont obtenu sans le savoir, dans leur navet de ngres,dans leur inconscience de ngres, ce rsultat qu'aucun d'eux, sans doute, n'avait prvu : ilsont rhabilit par leur mauvaise foi ceux-l mme dont la dfense tait presqueimpossible, et ils ont donn des millions d'Allemands rfugis [32] dans leur dsastre,grandis par leur dfaite et leur condition de vaincus le droit de les mpriser, eux. Gring,

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    goguenard, savait bien qu'ils lui donnaient raison en toute chose, puisqu'ils sacrifiaient,avec leur panoplie de juges, la loi du plus fort dont il avait fait sa loi. Et Gring, enriant, regardait Gring dguis en juge juger Gring, dguis en forat.

    Au surplus, l'aspect infrieur et extrieur de cette comdie judiciaire n'est pas ce quinous intresse. Que le jugement des chefs allemands par les chefs amricains ait t uneerreur politique, c'est un point dont une grande partie de l'opinion convient aujourd'hui,y compris une partie de la presse amricaine. Mais ce n'est qu'une erreur politique entre

    beaucoup d'autres. Que le tribunal de Nuremberg ait t, au fond, une forme de justicesommaire, c'est ce qui importe peu. Mais, au contraire, ce qui nous importe biendavantage, ce que nous reprochons bien davantage aux juges de Nuremberg, c'est de ne

    pas s'tre contents d'tre une justice sommaire : c'est leur prtention d'trevritablement des juges que nous [33] contestons, c'est ce que leurs dfenseurs dfendenten eux que nous attaquons. Nous allons donc examiner leur prtention d'tre des juges.

    Nous appelons au tribunal de la vrit non pas des hommes d'Etat amricainscommettant l'erreur de condamner l'homme d'Etat allemand qui a sign avec eux l'accordde capitulation, mais la conscience universelle sur son sige. Puisqu'ils disent qu'ils sontla sagesse, nous feindrons, en effet, de les prendre pour des sages; puisqu'ils disent qu'ilssont la loi, nous les accepterons un instant comme lgislateurs : pntrons donc la suitede MM. Shawcross, Justice Jackson et Rudenko dans les jardins du nouveau Droit : cesont des terres peuples de merveilles.

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    Commenons par remarquer qu'il ne nous est pas permis de les ignorer. Le voyagede dcouverte que nous allons faire a quelque chose d'mouvant puisque cet univers ne

    peut tre nglig. C'est celui dans lequel nous allons vivre. Ce sont les Allemands quisont les accuss, mais c'est tout le monde et [34] finalement, c'est nous-mmes quisommes les assujettis : car tout ce que nous ferons contre la jurisprudence de Nurembergest dsormais un crime et pourra nous tre imput crime. Ce procs a dit la loi desnations, que nul n'est cens ignorer. Huit cent mille Chinois seront peut-tre pendus dansdix ans au nom du statut de Nuremberg, puisque deux cent mille Allemands sont biendans des camps de concentration en l'honneur du pacte Briand-Kellog dont ils n'ont

    peut-tre jamais entendu parler.

    La premire terrasse sur laquelle s'tendent les nouveaux jardins du Droit est uneconception tout fait moderne de la responsabilit. Nous avions cru jusqu'ici que nousn'aurions rpondre que de nos propres actes et c'est sur ce principe que nous avionsfond nos humbles religions. Ce principe est aujourd'hui dpass. Pour donner une basestable la morale des nations, on l'a fonde sur la responsabilit collective.

    Entendons-nous sur ce point. Les juges de Nuremberg n'ont jamais dit que le peupleallemand tait collectivement responsable des actes du rgime national-socialiste, ils [35]ont mme plusieurs fois assur le contraire. Le peuple allemand est condamn tout entier

    par l'opinion des peuples civiliss, il fait horreur, mais les juges, eux, affectent lasrnit et ne l'accusent pas officiellement en sa totalit. Toutefois, le Droit des peuplesest comme l'impt, il lui faut une matire imposable : pour qu'il y ait un jugement, il faut

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    d'abord qu'il y ait des coupables, et il est intolrable qu'on ne trouve finalement qu'unehirarchie, laquelle aboutit un seul chef responsable qui vous joue le mauvais tour de sesuicider. C'est pourquoi le nouveau Droit dcrit d'abord les ressortissants. Sontcoupables tous ceux qui font partie d'une "organisation criminelle".

    Rien de plus raisonnable. C'est pourtant ici que commencent les difficults. Car cesnotions du nouveau Droit ont toutes quelque chose de vague, elles sont dilatables l'infini. Une organisation criminelle a quelque chose de commun avec un roman policier :c'est la fin seulement que vous connaissez le coupable. Ainsi les cadres du partinational-socialiste constituent une organisation criminelle, mais les cadres du parti [36]communiste, qui leur ressemblent beaucoup, ne constituent pas une organisationcriminelle. Les hommes, pourtant, ont dans les deux cas le mme temprament. Ilsemploient les mmes mthodes, et dans les deux cas avec le mme fanatisme : ils se

    proposent galement la mme fin qui est la dictature du parti. Il n'y a donc rien dans leurcomposition, ou, comme disent les philosophes, dans leur essence, qui distingue ces deuxgroupements l'un de l'autre. Il n'y a rien dans leur conduite non plus, car l'historien

    prtend que les responsables du parti communiste ne sont pas plus mnagers de la vie etde la libert humaines que ne le furent les responsables du parti national-socialiste.Aurons-nous l'humiliation de conclure que nous condamnons les uns parce que nous lestenons sous notre botte et que nous ne faisons pas de procs aux autres parce qu'ils

    peuvent se moquer de nous ? C'est pourtant une hypothse que nous ne pouvonsliminer. La juridiction internationale a un ressort limit aux pays faibles ou vaincus. Elleappelle inconvnient chez les peuples forts ce qu'elle appelle crime chez [37] les vaincus.Elle est radicalement diffrente de la juridiction pnale ou civile, en ce sens qu'elle ne

    peut pas atteindre certains actes et par consquent qu'elle est impuissante tablir une

    vritable qualification universelle des actes. Cette justice est comme la lumire du jour :elle n'claire jamais que la moiti des terres habites.

    Son impuissance est son moindre dfaut. Car il y a de la bonne foi dansl'impuissance. Mais la loi internationale est esclave, en outre, des contingences

    politiques : il y a des condamnations qu'elle ne veut pas prononcer. Le corps desdirigeants politiques du parti communiste pourrait bien tre condamn sur le papier parun tribunal impuissant faire excuter sa sentence : ce serait moins grave que de voir untribunal ignorer dlibrment l'assimilation vidente du corps des dirigeants communistesau corps des dirigeants nationaux-socialistes. Il est trop clair ici qu'il n'y a pas et qu'il ne

    peut pas y avoir une justice pour tous. Ce n'est plus "Selon que vous serez puissant ou

    misrable", mais : "Selon que vous serez dans l'un ou l'autre camp". On s'aperoit alorsque [38] le caractre criminel est transpos de l'essence la finalit, et non pas mme lafinalit vritable de l'organisation, sa finalit lointaine, puisque le tribunal est bien loind'admettre officiellement le caractre progressiste de la dictature stalinienne, mais unefinalit prochaine dont le tribunal est seul juge. Les mmes actes ne sont plus criminels

    par dfinition et en eux-mmes, ils sont ou ne sont pas criminels selon une certaineoptique : les dportations qui servent finalement la cause de la dmocratie ne sont pas

    perues par la juridiction nouvelle comme des actes criminels, tandis que toutedportation est criminelle dans le camp des ennemis de la dmocratie. Ainsi le tribunalvoit les actes avec un indice de rfraction, comme des btons qu'on regarde dans leau :sous un angle ils sont droits, sous un autre tortueux.

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    Cela nous rend la vie bien difficile, nous autres particuliers. Car il en rsulte quepersonne n'est jamais bien sr de ne pas faire partie d'une organisation criminelle. Lecordonnier allemand, pre de trois enfants, ancien combattant de Verdun, qui a pris en[39] 1934 une carte du parti nazi, a t accus par le Ministre public de faire partied'une organisation criminelle. Qu'est-ce que faisait d'autre le commerant franais, pre detrois enfants, ancien combattant de Verdun, qui tait entr au mouvement Croix de Feu ?L'un et l'autre croyaient appuyer une action politique propre assurer le relvement deleur pays. L'un et l'autre ont accompli le mme acte : et pourtant l'vnement a donn chacun de ces actes une valeur diffrente. L'un est un patriote ( condition qu'il ait coutla radio anglaise, bien entendu), mais l'autre est accus par les reprsentants de laconscience universelle.

    Ces difficults sont d'une extrme gravit. Le sol se drobe sous nos pas. Nossavants juristes ne s'en rendent peut-tre pas compte, mais ils rallient l une conceptiontout fait moderne de la justice, celle qui a servi de base en U.R.S.S. aux procs deMoscou. Notre conception de la justice avait t jusqu' prsent romaine et chrtienne :romaine, en ce qu'elle exige que tout acte punissable reoive une qualification invariablequi se rattache l'essence mme de l'acte, o qu'il [40] soit commis et par qui qu'il soitcommis; chrtienne en ce que l'intention devait toujours tre prise en considration, soit

    pour aggraver, soit pour attnuer les circonstances de l'acte qualifi crime. Mais il existeune autre conception de la culpabilit qui peut tre dite marxiste pour plusieurs raisons,laquelle consiste penser que tel acte qui n'tait pas coupable en soi ni par son intention,au moment o il a t commis, peut apparatre lgitimement comme coupable dans unecertaine optique postrieure des vnements. Je ne fais pas ici d'assimilation. Lesmarxistes sont de bonne foi en disant cela, car ils vivent dans une sorte de monde non

    euclidien o les lignes de l'histoire apparaissent groupes et dformes, ou, comme onvoudra, harmonises par la perspective marxiste. Tandis que MM. Shawcross et JusticeJackson, procureurs anglais et amricain, vivent dans un monde euclidien, o tout est sr,o tout est clair, o tout devrait l'tre au moins, et o les faits devraient tre les faits etrien de plus. C'est leur mauvaise foi seule qui nous transporte dans un monde o rienn'est sr. Nos [41] intentions ne comptent plus, nos actes mme ne comptent plus, ceque nous sommes rellement ne compte plus, mais notre propre histoire, et notre proprevie, peut tre dsormais ptrie, tire, souffle, par une sorte de dmiurge politique, parun potier qui lui prtera une forme qu'elle n'a jamais eue. Chacune de nos actions dans lemonde qui se prpare est comme une bulle de savon que l'histoire tient au bout de sonchalumeau: elle peut lui donner la forme et la coloration qu'elle veut finalement, et le juge

    s'avance alors et nous dit: "Vous n'tes plus un cordonnier allemand ou un commerantfranais comme vous avez cru l'tre, vous tes un monstre, vous avez appartenu uneassociation de malfaiteurs, vous avez particip un complot contre la paix, commel'indique trs clairement la section premire de mon acte d'accusation."

    Que rpondrons-nous aux Allemands s'ils nous disent un jour qu'ils ne voient riende monstrueux dans le national-socialisme lui-mme, que des excs ont pu tre commis

    par ce rgime comme il s'en produit dans toutes les guerres et chaque fois qu'un [42]rgime doit confier des lments de police la tche de le protger contre le sabotage,mais que rien de tout cela ne touche l'essence du national-socialisme et qu'ils continuent penser qu'ils ont lutt pour la justice et pour la vrit, pour ce qu'ils regardaient alors etcontinuent regarder comme la justice et la vrit? Que rpondrons-nous ces hommes

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    auxquels nous avons fait une guerre de religion ? Ils ont leurs saints eux aussi, querpondrons-nous leurs saints ? Quand l'un d'entre eux nous rappellera cette immensemoisson de grandeur et de sacrifice que la jeune Allemagne a offerte de toutes ses forces,quand ces milliers d'pis si beaux nous seront prsents, devant la moisson nouvelle, quedirons-nous, nous complices des juges, complices du mensonge? Nous avons jug aunom d'une certaine notion du Progrs humain. Qui nous garantit que cette notion est

    juste ? Ce n'est qu'une religion comme une autre. Qui nous garantit que cette religion estvraie ? La moiti des hommes nous dit dj qu'elle est fausse, qu'ils sont prts eux aussi mourir comme tmoins d'une autre foi. Qu'est [43] ce qui tait vrai alors ? Est-ce notrereligion ou celle des rpubliques socialistes sovitiques ? Et si dj personne ne peutsavoir quels sont parmi les juges ceux qui dtenaient la vrit, que vaut cet absolu au nomduquel nous avons rpandu la destruction et le malheur ? Qu'est-ce qui nous prouve quele national-socialisme n'tait pas aussi la vrit ? Qu'est-ce qui nous prouve que nousn'avons pas pris pour l'essentiel des contingences, des accidents invitables de la lutte,

    comme nous le faisons pour le communisme peut-tre, ou plus simplement, si nousavions menti? Et si le national-socialisme avait t, en ralit, la vrit et le progrs, oudu moins, une forme de la vrit et du progrs ? Si le monde futur ne pouvait seconstruire que par un choix entre le communisme et le nationalisme autoritaire, si laconception dmocratique n'tait pas viable, si elle tait condamne par lhistoire ? Nousadmettons qu'on peut craser des villes pour faire triompher l'essentiel, pour sauver lacivilisation : et si le national-socialisme tait lui aussi un de ces chars qui portent lesdieux et dont les roues doivent s'il le faut passer sur [44] des milliers de corps ? Les

    bombes ne prouvent rien contre une ide. Si nous crasons un jour la Russie sovitique,le communisme sera-t-il moins vrai ? Qui peut tre sr que Dieu est dans son camp ? Aufond de ce dbat, il n'y a qu'une glise qui accuse une autre glise. Les mtaphysiques ne

    se prouvent pas.

    Mais ces questions nous entraneraient trop loin. Elles n'ont qu'une raison d'tre cette place, c'est qu'elles nous font comprendre d'une autre manire et une fois de plusque la situation des vainqueurs est dramatique et prcaire, et que l'injustice leur estabsolument ncessaire. C'est une autre affaire Dreyfus. Si l'accus est innocent, leurmonde bascule sur ses bases. Prenons-y garde en les coutant, et revenons nosmditations judiciaires, c'est--dire ce cordonnier allemand qui s'est trouv tre, sans lesavoir, complice d'une association de malfaiteurs la suite de son passage dans unappareil judiciaire qui ressemble beaucoup aux glaces dformantes du muse Grvin.

    On constatera, en continuant, que cette nouvelle manire de concevoir la justice fait[45] apparatre un recul du monde chrtien, qui n'tait pas rigoureusement un mondeeuclidien c'est le monde romain, c'est le droit romain qui est euclidien mais quinous apportait la possibilit de correction inverse. Dans la conception chrtienne de la

    justice, l'homme pouvait toujours plaider l'intention. Mme si ses propres actionsl'pouvantaient lui-mme : car le phnomne d'optique qui prend tant d'importance dansle Droit nouveau existe dans la ralit. A un dtour que fait l'vnement, nos actions

    peuvent nous apparatre avec une physionomie que nous ne reconnaissons plus. Lesactions trangres qui les entourent colorent leur apparence. Des actes dont noussommes irresponsables psent par leur proximit sur le secteur de notre propreresponsabilit. Ce qui a t nous-mme est alors transform par les jeux de l'ombre et dela lumire et de la distance. Un tranger surgit dans le pass et cet tranger est nous-

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    mme. La justice chrtienne tait cet gard un droit de restitution de la personnalitcontre le droit romain qui est gomtrique, scientifique, matriel. Elle avait prouvl'existence de [46] cette perspective de l'vnement et elle donnait l'homme le droit descrier : "Je n'avais pas voulu cela !" Elle avait mme introduit dans la justice un lment

    psychologique qui permettait d'opposer la matrialit des faits une matrialitpsychologique qui souvent les contredit. La justice humaine tait devenue avant tout unerecherche des causes. Elle se rapprochait au plus prs de laction : elle se penchait sur lesvisages. Il suffit de rappeler ces principes pour voir tout ce que nous avons effac d'uncoup. Nuremberg ne veut plus voir les visages. Nuremberg ne veut mme pasindividualiser les actes : Nuremberg voit des masses, pense par masses et statistiques etlivre au bras sculier. On ne juge plus, c'est pass de mode, on monde, on coupe.

    Cette transformation de la justice s'est faite avec l'appui des chrtiens eux-mmes,ou du moins de certains d'entre eux, et pour la plus grande gloire de Dieu. Il s'agissait, ons'en souvient peut-tre, de la dfense de la personne humaine. Je ne suis pas sr que ceschrtiens se soient [47] rendus compte que cette rgression du Droit tait une abdicationde la pense chrtienne elle-mme, qu'ils effaaient par cette coopration le patienttravail d'intgration de la prdication du Christ au droit romain, et qu'ils renforaient aucontraire des positions qu'ils n'ont cess de dnoncer. Ces faux mouvements causs parla passion et par la peur ont des consquences plus graves qu'on ne croit d'abord.L'Eglise se constitue aujourd'hui en dfenseur des personnes devant des gouvernementsqui n'ont fait qu'appliquer chez eux une rgle dont le jugement de Nuremberg avait

    proclam l'universalit. Elle retrouve en ceci la continuit de la tradition chrtienne. Maisalors, ne devra-t-elle pas s'lever un jour contre les quivoques, condamner lescondamnations collectives partout o elles ont t prononces et non plus seulement en

    certains pays d'Europe et retirer au nouveau Droit issu de Nuremberg l'adhsion qu'ellesemblait d'abord lui avoir donne ? Il faut choisir de parler comme le Christ ou commeM. Franois de Menthon.

    Il faut reconnatre cependant que nos [48] juristes ont des remdes tout et mme la vie dangereuse qu'ils nous forcent maintenant mener. A la vrit, ces remdes ne sont

    pas crits dans le verdict, ils n'ont pas t rvls l'audience; ils ressortent du contexte,de l'esprit de Nuremberg si l'on peut dire, enfin de la manire dont ce jugement a t

    prsent et comment. Mais notre exgse serait-elle complte si nous ngligions cesconseils qui nous sont prodigus par des voix autorises la sortie de laudience ? Nousavons appris depuis trois ans que les commentaires des chroniqueurs judiciaires n'avaient

    pas moins d'influence sur le destin des accuss que les articles inscrits dans le Code.Voyez-vous, disent les scoliastes de nos nouveaux juristes, il y a un moyen bien

    simple de reconnatre si l'organisation laquelle vous appartenez risque d'tre un jourdclare criminelle. Vous devez essentiellement vous dfier de l'nergie. Si voussubodorez quelque part l'adjectifnationaliste, si l'on vous invite tre les matres chezvous, si l'on vous parle d'unit, de discipline, de force, de grandeur, vous ne pouvez nierqu'il [49] n'y ait l un vocabulaire peu dmocratique, et par consquent vous risquez devoir un jour votre organisation devenir criminelle. Dfiez-vous donc des mauvaises

    penses, et sachez que ce que nous appelons criminel est toujours jalonn par les mmesintentions.

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    [49] Les scoliastes sont ici d'accord avec le verdict. Le Jugement qui figure aupremier tome duProcs, constate l'existence d'un "complot ou plan concert contre la paix". Cette dclaration soulve bien des gloses. Mais il est clair, en tous cas, que lecomplot commence avec l'existence du parti : c'est le parti lui-mme qui est l'instrumentdu complot, et, en dfinitive, le complot. Cette dcision a des consquences singulires.Elle quivaut, en ralit, l'interdiction de s'associer pour certaines revendications et enacceptant certaines mthodes. C'est bien ce que veut dire le tribunal: vous vous exposiez,dit-il, commettre un jour des crimes contre la paix ou des crimes contre l'humanit, etvous ne pouvez prtendre que vous l'ignoriez puisqu'on vous avait crit Mein Kampf.C'est donc, en dfinitive, sur le programme du parti qu'est porte la [50] condamnation,et par l le jugement constitue pour l'avenir un empitement sur toutes les souverainetsnationales. Votre gouvernement est mauvais, disent nos juristes, vous tes libres de lechanger : mais vous n'avez le droit de le changer qu'en suivant certaines rgles. Vous

    pensez que l'organisation du monde n'est pas parfaite : vous pouvez essayer de la

    modifier, mais il vous est interdit de vous rclamer de certains principes. Or il se trouveque les rgles qu'on nous impose sont celles qui perptuent l'impuissance ou que lesprincipes auxquels on nous interdit de songer sont ceux qui dtruiraient le dsordre.

    Cette accusation de complot est une excellente invention. Le monde est dsormaisdmocratique perptuit. Il est dmocratique par dcision de justice. Dsormais un

    prcdent judiciaire pse sur toute espce de renaissance nationale. Et ceci est infinimentgrave, car, en ralit, tout parti est par dfinition un complot ou plan concert, puisquetout parti est une association d'hommes qui se proposent de prendre le pouvoir etd'appliquer leur plan qu'ils appellent programme, [51] ou, du moins, la plus grande partiede ce plan. La dcision de Nuremberg consiste donc faire une slection pralable entre

    les partis. Les uns sont lgitimes et les autres suspects. Les uns sont dans la ligne del'esprit dmocratique et ils ont le droit en consquence de prendre le pouvoir et d'avoirun plan concert, car on est sr que ce plan concert ne menacera jamais la dmocratie etla paix. Les autres, au contraire, n'ont pas le droit au pouvoir et par consquent il estinutile qu'ils existent : il est entendu qu'ils contiennent en germe toutes sortes de crimescontre la paix et l'humanit. Aprs cela, ce qui est tonnant, c'est que les Amricains necomprennent pas la politique de M. Gottwald: car M. Gottwald ne fait rien d'autre qued'appliquer dans son pays les sages prcautions suggres par le nouveau Droit, endonnant seulement au mot dmocratique un sens un peu particulier.

    Il y a donc dans ce simple nonc un principe d'ingrence. Or, cette ingrence a ceci

    de particulier qu'elle ne traduit pas, ou du moins ne semble pas traduire une volontidentifiable. Ce n'est pas telle grande [52] puissance en particulier ou tel groupe degrandes puissances qui s'oppose la reconstitution des mouvements nationalistes, c'estune entit beaucoup plus vague, c'est une entlchie sans pouvoirs ni bureaux, c'est laconscience de l'humanit. "Nous ne voulons pas revoir cela" dit la conscience del'humanit. Cela, comme nous le verrons, personne ne sait exactement ce que c'est. Maiscette voix de l'humanit est bien commode. Cette puissance anonyme n'est qu'un

    principe d'impuissance. Elle n'impose rien, elle ne prtend rien imposer. Qu'unmouvement analogue au national-socialisme se reconstitue demain, il est bien sr quel'O.N.U. n'interviendra pas pour en demander la suppression. Mais la conscienceuniverselle approuvera tout gouvernement qui prononcerait l'interdiction d'un tel parti,ou, pour sa commodit, de tout parti qu'il accuserait de ressembler au national-

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    socialisme. Toute rsurrection nationale, toute politique de l'nergie ou simplement de la propret, est ainsi frappe de suspicion. On a donn une entorse aux consciences etmaintenant on nous regarde boiter. Qui a fait cela ? Qui a [53] voulu cela ? C'estPersonne comme criait le Cyclope. Le super-Etat n'existe pas, mais les vetos du super-Etat existent : ils sont dans le verdict de Nuremberg. Le super-Etat fait le mal qu'il peutfaire avant d'tre capable de rendre des services. Le mal qu'il peut faire c'est de nousdsarmer contre tout, contre ses ennemis aussi bien que contre les ntres.

    C'est une situation singulire. Nous sommes dsarms et menacs par une ide etrien d'autre qu'une ide. Rien n'est interdit, mais nous sommes prvenus qu'une certaineorientation n'est pas bonne. Nous sommes invits prparer en nous certainessympathies et installer en nous plusieurs refus dfinitifs. On nous apprend conjuguerdes verbes, comme aux enfants : "M. Mandel est un grand patriote, M. Roosevelt est ungrand citoyen du monde, M. Jean-Richard Bloch est un grand crivain, M. Benda est un

    penseur", et inversement : "Je ne serai jamais raciste, j'aimerai bien M. Kriegel-Valrimont, je maudirai ternellement les SS, Charles Maurras etJe Suis Partout." Et ceuxdont l'esprit n'est [54] pas susceptible de ces sympathies ou qui rejettent ces refus ?Ceux dont le cur rpond d'autres appels, ceux dont l'esprit ne pense qu' traversd'autres catgories, ceux qui sont faits autrement ? J'ai la mme impression ici qu'en lisantcertains textes marxistes : ces gens-l n'ont pas le cerveau fait comme le mien, c'est uneautre race. Et ce rapprochement nous met sur la voie. Il y a un monde clos de l'idalismedmocratique qui est du mme ordre que le monde clos du marxisme. Ce n'est pastonnant si leurs mthodes arrivent concider, si leur justice finit par tre la mme bienque les mots n'aient pas chez eux le mme sens. C'est aussi une religion. C'est la mmeentreprise sur les mes. Quand ils condamnent le nationalisme, ils savent bien ce qu'ils

    font. C'est le fondement de leur Loi. Ils condamnent votre vrit, ils la dclarentradicalement fausse. Ils condamnent notre sentiment, nos racines mme, notre manire laplus profonde de voir et de sentir. Ils nous expliquent que notre cerveau n'est pas faitcomme il faut : nous avons un cerveau de barbares.

    [55] Cette mise en garde permanente nous prpare une forme de vie politique quenous ne devons pas ignorer et que d'ailleurs trois ans d'exprience continentale ne nous

    permettent pas d'ignorer La condamnation du parti national-socialiste va beaucoup plusloin qu'elle n'en a l'air. Elle atteint, en ralit, toutes les formes solides, toutes les formesgologiques de la vie politique. Toute nation, tout parti qui se souviennent du sol, de latradition, du mtier, de la race sont suspects. Quiconque se rclame du droit du premier

    occupant et atteste des choses aussi videntes que la proprit de la cit offense unemorale universelle qui nie le droit des peuples rdiger leurs lois. Ce n'est pas lesAllemands seulement, c'est nous tous qui sommes dpossds. Nul n'a plus le droit des'asseoir dans son champ et de dire : "Cette terre est moi". Nul n'a plus le droit de selever dans la cit et de dire : "Nous sommes les anciens, nous avons bti les maisons decette ville, que celui qui ne veut pas obir aux lois sorte de chez moi". Il est critmaintenant qu'un concile d'tres impalpables a le pouvoir de connatre ce qui se passedans nos [56] maisons et dans nos villes. Crimes contre lhumanit : cette loi est bonne,celle-ci n'est pas bonne. La civilisation a un droit de veto.

    Nous vivions jusqu'ici dans un univers solide dont les gnrations avaient dpos

    l'une aprs l'autre les stratifications. Tout tait clair : le pre tait le pre, la loi tait la

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    loi, l'tranger tait l'tranger. On avait le droit de dire que la loi tait dure, mais elle tait laloi. Aujourd'hui ces bases certaines de la vie politique sont frappes d'anathme. Car cesvrits constituent le programme d'un parti raciste condamn au tribunal de l'humanit.En change, l'tranger nous recommande un univers selon ses rves. Il n'y a plus defrontires, il n'y a plus de cits. D'un bout l'autre du continent, les lois sont les mmes,et aussi les passeports, et aussi les juges, et aussi les monnaies. Une seule police et unseul cerveau : le snateur du Milwaukee inspecte et dcide. Moyennant quoi, lecommerce est libre, enfin le commerce est libre. Nous plantons des carottes qui parhasard ne se vendent jamais bien et nous achetons des machines biner qui se trouventtoujours coter trs cher. Et nous [57] sommes libres de protester, libres, infinimentlibres, d'crire de voter, de parler en public, pourvu que nous ne prenions jamais desmesures qui puissent changer tout cela. Nous sommes libres de nous agiter et de nous

    battre dans un univers d'ouate. On ne sait pas trs bien o finit notre libert, o finitnotre nationalit, on ne sait pas trs bien o finit ce qui est permis. C'est un univers

    lastique. On ne sait plus o l'on pose ses pieds, on ne sait mme plus si l'on a des pieds,on se trouve tout lger, comme si l'on avait perdu son corps. Mais pour ceux quiconsentent cette simple ablation que d'infinies rcompenses, quelle multitude de

    pourboires ! Cet univers qu'on fait briller nos yeux est pareil quelque palaisd'Atlantide. Il y a partout des verroteries, des colonnes de faux marbre, des inscriptions,des fruits magiques. En entrant dans ce palais vous abdiquez votre pouvoir, en changevous avez le droit de toucher les pommes d'or et de lire les inscriptions. Vous n'tes plusrien, vous ne sentez plus le poids de votre corps, vous avez cess d'tre un homme :vous tes un fidle de la religion de l'Humanit. Au fond du sanctuaire est [58] assis undieu ngre. Vous avez tous les droits sauf de dire du mal du dieu.

    * * * * *

    La deuxime section de l'acte d'accusation concerne les "crimes contre la paix".

    Comme on le sait, les Nations Unies accusent le gouvernement allemand d'avoirprovoqu la guerre mondiale en envahissant le territoire polonais, invasion qui fora laFrance et l'Angleterre se dclarer en tat de guerre avec l'Allemagne conformment leurs engagements. Elles rendent en outre le gouvernement allemand responsable del'extension de cette guerre en raison de ses agressions l'gard de pays neutres.

    L'accusation prtend tablir, de plus, la prmditation au moyen de deux documentsconfidentiels dcouverts dans les archives allemandes, documents dont il n'y a pas lieu denier l'authenticit, tant donnes les prcautions qui ont t prises pour leuridentification. L'un est connu sous le nom de note Hossbach, l'autre sous le nom dedossier Schmundt.

    [59] La note Hossbach est le procs-verbal rdig par l'officier d'ordonnanced'Hitler d'une confrence tenue la chancellerie le 5 novembre 1937, devant les

    principaux chefs nazis, et qu'on prsente comme le testament politique d'Hitler. C'est unexpos, d'ailleurs trs dramatique, de la thorie du Lebensraum et de ses consquences.Hitler y montre l'Allemagne nationale-socialiste voue l'asphyxie et condamne

    trouver des terres, il dsigne l'Est comme la route de la ncessaire expansion coloniale du

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    Reich, et il dmontre que cette expansion ne peut se faire que par une srie de guerres deconqutes auxquelles l'Allemagne se trouve inexorablement contrainte. Nous aurons faire plus loin des commentaires sur cet expos. S'il doit tre interprt comme l'ainterprt l'accusation mais les accuss et en particulier Gring contestent cetteinterprtation, il apporterait la preuve qu'Hitler voyait et acceptait la possibilit de laguerre.

    Le dossier Schmundt est le procs-verbal, galement rdig par l'officierd'ordonnance d'Hitler cette date le colonel [60] Schmundt d'une confrence tenue la chancellerie le 23 mai 1939 en prsence des chefs du parti et des responsables del'tat-major. Cette confrence est constitue essentiellement par un expos d'Hitler quiaffirme le caractre invitable d'une guerre avec la Pologne comme premier acte de l'actiond'expansion coloniale: en tudiant les consquences de cette guerre, Hitler en prvoitl'extension l'Europe toute entire, et il fait comprendre ses gnraux, par une analyseaussi dramatique que la prcdente, que la guerre qui va s'engager n'est pas une oprationlocale, mais qu'elle sera vraisemblablement le dbut d'une lutte mort avec l'Angleterre,dont personne ne peut prvoir l'issue. L encore, des rserves et des commentairess'imposent et la dfense conteste galement la porte du document Schmundt. Sous cetterserve, le dossier Schmundt a le mme sens que la note Hossbach dont il ne prsente aufond qu'une application. Il prouverait de la mme manire qu'Hitler n'ignorait pas lesconsquences de sa politique et acceptait la possibilit de la guerre europenne, tout enconservant l'espoir qu'il [61] pourrait y chapper. Si ces documents ont t correctementinterprts, il est difficile de soutenir que l'Allemagne ne porte aucune part deresponsabilit dans la guerre.

    L'accusation produit galement un trs grand nombre de confrences d'tat-major,de plans de campagne et des tudes d'oprations dont nous ne pouvons donner ici ledtail, et dans lesquels elle voit galement des preuves de la prmditation. Comme cesdocuments ont un caractre moins sensationnel que les dossiers Hossbach et Schmundtet que d'autre part, il est souvent difficile de distinguer l'tude thorique d'une hypothsetactique et le plan d'opration qu'on peut prsenter comme un commencement d'actionou une prmditation caractrise, nous pensons qu'il suffit de signaler au lecteurl'existence de ces documents sans les discuter.

    Les historiens allemands devront reconnatre, en outre, que les armes allemandesont pntr les premires en territoire polonais, sans que le gouvernement allemand et

    laiss aux ngociations entreprises le temps de se dvelopper. Ils ne manqueront pas de[62] mettre en lumire les sanglantes provocations polonaises que l'accusation passesous silence et de soutenir le caractre fallacieux des ngociations que le cabinet anglaisconduisit, semble-t-il, avec l'espoir de les voir chouer; ils diront aussi que legouvernement polonais s'est efforc d'empcher les ngociations et l'accord. Ce sont ldes circonstances capitales qu'aucun jugement sur les responsabilits de la guerre nedevrait omettre et que le tribunal de Nuremberg a certainement tort de ne pasmentionner. Il n'en est pas moins vrai que c'est l'arme allemande qui a tir les premierscoups de canons. Le 1er septembre 1939 un tlgramme pouvait encore tout sauver : cetlgramme ne pouvait partir que de Berlin.

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    Ceci dit, voici o commence la mauvaise foi. D'un ct, on fouille toutes lesarchives, on sonde les murs, on scrute les conseils, on utilise les confidences : tout est

    jour, les conversations les plus secrtes des hommes d'Etat allemands sont exposes surla table des preuves, on n'a mme pas oubli les coutes tlphoniques. De l'autre ct, lesilence. On reproche l'tat-major allemand des [63] tudes d'oprations qu'on aretrouves dans ses archives : vous prpariez la guerre, lui dit-on. A qui fera-t-on croireque, pendant le mme temps, les autres tats-majors europens ne faisaient aucun plan,ne se prparaient faire face aucun cas stratgique ? A qui fera-t-on croire que leshommes d'Etat europens ne se concertaient pas ? A qui fera-t-on croire que les tiroirs deLondres et de Paris sont vides et que les prparatifs allemands ont surpris des agneauxqui ne songeaient qu' la paix ? Lorsque la dfense demande au Tribunal dposer desdocuments analogues sur la politique franaise d'extension de la guerre, sur la politiqueanglaise d'extension de la guerre, sur les plans de l'tat-major franais, sur les crimes deguerre allis, sur les instructions donnes par l'tat-major anglais aux commandos, sur la

    guerre de partisans en Russie, on lui rpond que cela n'intresse pas le tribunal et que laquestion souleve "est absolument hors de propos". Ce ne sont pas les Nations Uniesqui sont mises en accusation, leur dit-on. C'est fort juste : mais alors pourquoi appelerhistoire ce qui n'est qu'un savant [64] clairage de scne ? L encore, il n'y a que lamoiti de la terre qui est claire. C'est en se fondant sur de telles apparences qu'on niaitautrefois que la terre ft ronde. L'histoire commence quand on rpartit galement lalumire, quand chacun dpose ses documents sur la table et dit : jugez. En dehors de cela,il n'y a que des oprations de propagande. Est-il honnte d'accepter cette prsentationdes faits, tait-il honorable de la mutiler ainsi ? Il est plus juste et finalement plusconforme l'intrt de nos propres pays de dire tout de suite que cette mobilisation desarchivistes ne nous en impose pas.

    Car cette science de l'clairage ne prvaudra point contre l'vidence. C'estl'Angleterre qui s'est dclare en tat de guerre avec l'Allemagne le 3 septembre 1939, 11 heures du matin. C'est la France qui a fait la mme dclaration 5 heures du soir.L'Angleterre et la France avaient des raisons de droit pour faire cette notification. Maisenfin, il est certain qu'elles l'ont faite. On est mal plac pour rejeter toute responsabilitdans une guerre quand on a fait savoir, le premier, [65] un autre Etat, qu'on se regardaitcomme en tat de guerre avec lui. Au surplus, il y avait en France et en Angleterre un

    parti de la guerre. On ne nous le cache pas aujourd'hui. On reproche des hommes d'Etatd'avoir t munichois, c'est--dire d'avoir recherch un arrangement : c'est donc qu'on nevoulait pas d'arrangement, c'est qu'on acceptait, et mme qu'on souhaitait cette guerre.

    Ceci vaut bien la note Hossbach, il me semble. Enfin, tout le monde sait qu'aprs ladfaite de la Pologne, l'Allemagne chercha entamer des ngociations sur la base du faitaccompli. C'tait peut-tre fort immoral, mais c'tait encore un moyen d'viter une guerreeuropenne. Ces ouvertures ne furent pas acceptes. On tenait cette guerre, on tait biendcid ne pas la lcher. Ce sont l des vidences un peu trop fortes pour trediscrtement relgues. Malgr la mise en scne de Nuremberg, l'avenir rtablira aismentla vrit : Hitler a accept de risquer une guerre pour une conqute qu'il jugeait vitale,l'Angleterre a dcid de lui imposer la guerre pour prix de cette conqute. Hitler pensaitdclencher au [66] maximum une opration militaire locale; l'Angleterre en a fait sortirvolontairement une guerre mondiale.

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    Un mot encore pour en finir avec l'examen de nos griefs. L'accusation a consacrd'importants exposs aux agressions qui eurent lieu pendant le droulement desoprations. Sur ce point, si l'on se borne constater des faits, la position de l'accusationest trs solide. Ces agressions sont certaines. Mais a-t-on le droit de prsenter,exactement sur le mme plan, exactement comme des actes de la mme gravit, desagressions stratgiques et le dclenchement d'une guerre mondiale ? Il est assurmentcontraire au droit, la justice, aux traits, de faire surgir quatre heures du matin unedivision blinde Copenhague ou Oslo, mais est-ce un acte du mme ordre de grandeur,est-ce un acte de la mme essence, que de prendre la responsabilit de mettre le feu lEurope ? Les vrais responsables de la guerre sont indirectement responsables dans lamme mesure des oprations locales offensives que le droulement de la guerre rendaitinvitables. Si l'Angleterre n'avait pas dclar la guerre, la [67] Norvge n'aurait jamais toccupe. C'est le 3 septembre que Copenhague et Oslo ont commenc trembler.

    Et l encore, la rflexion, on ne peut s'empcher d'tre gn par certainescomparaisons. Quand un diplomate anglais intrigue pour obtenir certains accordsconomiques ou pour provoquer ou entretenir certaines dispositions politiques, c'est unlibre jeu d'influences, ce n'est pas une agression, ce n'est pas une pression, ce n'est riend'incorrect l'gard de la loi internationale : et pourtant, n'est-ce pas une sorte de balisagede la carte politique, la cration d'une zone d'influence sans intervention militaire ? Etlorsque le mme diplomate ne se contente plus de suggrer, de conseiller, mais provoque

    brusquement une crise ministrielle qui a pour rsultat le renvoi des ministresgermanophiles, c'est toujours le mme jeu libre des influences, cela ne s'appelle pas non

    plus un acte dingrence : et pourtant n'est-ce pas une installation politique camoufle,analogue ces interventions qu'on reproche maintenant au rgime sovitique ? Et quelle

    garantie peut-on avoir que cette installation [68] politique ne prparera pas, et neprcdera pas l'installation militaire ? Il est si facile de se faire appeler au secours. La presse britannique, qui est fort indigne de ces procds quand ils sont le fait desdiplomates sovitiques ou allemands, a toujours tendance les trouver fort naturelsquand ils sont employs par l'ambassade britannique. Il y a l videmment une lacune dela loi internationale, et une lacune fort difficile combler. Mais alors, il faut en accepterles consquences. Les agressions qu'on reproche l'Allemagne (je mets part l'attaque dela Russie) sont, en ralit, des interventions prventives. L'Angleterre n'a pas fait autrechose en Syrie, par exemple. Il y a, en cas de guerre, une fatalit des zones faibles. Unterritoire mal dfendu est une proie : il s'agit d'tre le premier occupant. La correctionabsolue serait une abstention totale : c'est l'esprit de la loi internationale, mais elle est, en

    ce domaine, peu prs impossible appliquer. Les mthodes diplomatiques tournent laloi, les mthodes stratgiques l'ignorent. Mais tout cela se vaut finalement. Il n'est pas

    bon [69] d'tre un neutre stratgiquement intressant.

    Ainsi, dans ce domaine o les faits paraissent accabler le gouvernement allemand,on s'aperoit que la ralit ne fut pas si simple. Prsenter les faits sans contexte, c'estune manire de mentir. Il n'existe pas de fait brut, il n'existe pas de document sanscirconstances : ignorer systmatiquement ces circonstances, c'est travestir la vrit. Nosmensonges ne seront pas ternels. Demain la nation allemande lvera la voix son tour.Et nous savons dj que le monde sera contraint de tenir compte de cette voix. Elle nousdira que si Hitler a bien attaqu la Pologne, d'autres hommes avec angoisse, attendaientcette attaque, souhaitaient cette attaque, priaient pour qu'elle et lieu. Ces hommes

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    s'appelaient Mandel, Churchill, Hore Belisha, Paul Reynaud. L'alliance judo-ractionnaire voulait "sa" guerre, qui tait pour elle une guerre sainte : elle savait queseule une agression caractrise lui permettrait d'entraner l'opinion. Les archivistesallemands n'auront gure de peine nous prouver qu'ils mnagrent [70] froidement lesconditions de cette agression. Craignez le jour o l'on crira l'histoire de cette guerre. A cemoment-l apparatra clairement le contexte des agressions locales. Le silence des Allisdeviendra leur propre accusation. On verra qu'ils ont omis de dire que leurs manuvreset leurs intrigues ont rendu les interventions invitables. Leur hypocrisie paratra en

    pleine lumire. Et leur norme machine juridique se retournera contre eux parce qu'onaura reconnu sa malhonntet. Car celui qui verse le poison n'est pas moins coupable quecelui qui frappe. Or, les mthodes de Nuremberg sont une belle chose. L'absence de toutdocument alli permet de nier le poison, et la loi internationale permet de dsignercomme coupable celui qui arrive le premier. C'est la combinaison de deux malhonntets,l'une portant sur l'enqute, l'autre provenant du code. Avec une loi mal faite et des

    policiers malhonntes, nous savons qu'on peut aller loin. Cette vrit nous a tdmontre pour notre propre compte.

    Nous voici donc amens cette premire conclusion que le procs de Nurembergn'est [71] pas un pur cristal. Le complot national-socialiste aboutissait une Allemagneforte, mais cette Allemagne forte ne conduisait pas ncessairement la guerre; elledemandait le droit de vivre, elle le demandait par des mthodes qui taient irritantes, maison pouvait causer. L'Allemagne tait en tat permanent de rbellion contre la contrainteinternationale, elle n'tait pas en tat permanent de crime contre la paix. Ledclenchement de la guerre est d un concours de circonstances beaucoup pluscomplexe que ne le dit la version officielle. Tout le monde y a eu sa part. Et tout le

    monde avait aussi d'excellentes raisons : l'U.R.S.S. de ne penser qu' elle et de vouloirviter un pige, l'Angleterre et la France de donner un coup d'arrt dfinitif, l'Allemagnede vouloir briser une politique d'touffement. Et tout le monde aussi avait des arrire-

    penses. Ne serait-il pas plus sage d'en faire la confession gnrale ? Personne n'estinnocent dans cette affaire, mais il y a des choses qu'on ne tient pas expliquer : c'est

    bien plus commode d'avoir un criminel.

    [72] Notre propagande a donc menti par omission et altration dans la descriptionde la responsabilit de la guerre. Et d'autre part, si l'on remonte des faits aux principes ,on s'aperoit que pour asseoir l'accusation nous avons t amens ressusciter unsystme qui n'avait jamais pu fonctionner et que les faits ont maintes fois condamn,

    soutenir contre l'exprience et la nature des choses une thorie chimrique et dangereusequi nous place dans l'avenir devant d'inextricables difficults. Ce systme a un avantage :il nous permet de nous justifier. Mais pour nous offrir cette satisfaction, nous risquonstoutes les consquences mortelles des ides fausses. Car on peut falsifier lhistoire : maisla ralit ne se laisse pas forcer si aisment.

    Ce systme est celui de la paix indivisible et de l'irrvocabilit des traits. C'est uneespce de conception gologique de la politique. On suppose que le monde politique quia t en fusion pendant un certain nombre de sicles comme la surface de notre plante aatteint tout d'un coup sa phase de refroidissement. Il l'a atteinte en vertu d'une dcisiondes diplomates. La masse des [73] nergies est suppose s'tre solidifie; elle s'est

    solidifie suivant certaines lignes de force dfinitives; cette physionomie immuable du

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    monde politique, cette coule de lave dsormais fixe et ternelle est ce qu'on appellel'armature des traits. Si une faille s'ouvre, si un glissement se produit quelque part,nous devons tous venir au secours car toute la crote terrestre est menace. L'histoire desempires est close. Dsormais il n'y a plus que des quipes volantes de sauveteurs qu'onappelle pour des travaux de terrassement et de consolidation.

    Ce solennel arrt de l'histoire tant gnralement proclam au lendemain d'uncataclysme, voici ce que cela donne dans la ralit. Une nation est vaincue dans uneguerre, on occupe son territoire, on pille ses usines, on lui rend toute vie impossible, puison lui dit : signez seulement ce trait, et nous nous en allons, vous tes chez vous, la vierecommence. Cette loquence est persuasive. On finit toujours par trouver un chef degouvernement qui signe : il se couvre la tte de cendres, il pleure, il jure que sa main estforce, il en appelle au tnbreux et sonore [74] avenir, mais il signe : Ds lors, c'est fini.Shylock tient sa livre de chair. Ce trait est sans appel, ce trait est la loi. Vous avez

    beau implorer, vous avez beau dmontrer que ces chanes vous rendent la vieimpossible : c'est en vain. Ce trait est devenu la base dfinitive de vos relations avec lacommunaut internationale. Il oblige non seulement ceux qui ont d signer, mais leur

    postrit toute entire. Nul n'a le droit de dire qu'il le rpudie. Quiconque le transgressecommet un crime. Ce crime s'appelle crime contre la paix. Et il n'est pas une seuleviolation du trait de Versailles qui n'ait t porte au compte des dirigeants allemandssous cette rubrique. L'acte d'accusation s'exprime ainsi : tel jour de telle anne, vous avezaccompli tel acte qui tait contraire au trait de Versailles, paragraphe tant.

    Solidifies dans leur dfinition irrvocable, enfermes de force dans des poumonsd'acier o elles respirent avec peine, les nations vaincues implorent, elles demandent vivre. C'est ici o apparaissent les avantages de la rigidit gologique. On n'est pasinhumain, on les coute : mais on leur fait [75] comprendre que le trait est pour elles unmors. Qu'elles soient sages, qu'elles admettent l'tranger, qu'elles alinent leurindpendance, et ce mors pourra tre desserr. On pourra parler de concessions, peut-tre mme de rvision. Du caf et des oranges en change d'un gouvernementdmocratique : un ngre un bateau de riz, deux ngres deux bateaux de riz, une synagoguetout un convoi. Mais si elles veulent se gouverner leur guise, la loi. Nous ne choisissons

    pas d'autres documents pour illustrer cette situation que celui-l mme qui est cit parl'accusation, la dramatique confrence du 5 novembre 1937 dcrite dans la noteHossbach. Toutes les dductions d'Hitler ont pour base ce dilemme : ou nous quittons le

    pouvoir, et alors les nations anglo-saxonnes sont peut-tre prtes envisager des

    amnagements du trait de Versailles qui permettront l'Allemagne de vivre, mais devivre tributaire, ou nous restons au pouvoir et alors notre rgime est vou l'chec parcequ'on nous refuse les matires premires, les dbouchs et les territoires qui nous sontindispensables. Ce chantage est [76] parfaitement lgal : c'est cela qu'on aboutit avec lecaractre irrvocable des traits.

    Cet aboutissement est logique, mais il est insuffisant comme nous l'a prouvl'exprience. Si l'on veut marcher tranquillement sur la Mer de Glace, il faut treabsolument sr qu'aucun travail souterrain ne s'effectue pendant ce temps. Les demi-sujtions rservent des mcomptes. Si nous voulons que le monde soit immobile, il fautcontrler cette immobilit. L'application complte et consciente de ce systme aurait d

    nous entraner contrler l'industrie allemande, l'quipement allemand, la population

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    allemande, la nourriture allemande, les lections allemandes et exercer ce contrle aunom des nations solidaires dans l'indivisibilit de la paix. Quand on combat la vie, il fautla combattre jusqu'au bout. Si vous ne voulez pas qu'elle prenne sa revanche, la seulesolution est un malthusianisme racial et conomique qu'on peut tout au plus allger parl'migration et lexportation : les nations vaincues fabriqueront pour les autres desmarchandises et des esclaves. Et il sera [77] prudent de les surveiller pendant trslongtemps par une occupation larve. Le trait de Versailles nous condamnait maintenirl'Allemagne en esclavage. Il nous imposait et il imposait au monde entier une grance

    perptuelle que nous n'avons pas exerce. Vingt ans d'exprience politique nous ontprouv avec force qu'il n'y a pas de moyen terme entre la libert totale et la servitude desvaincus.

    C'est pourtant ce que le Tribunal international refuse de voir. La logique lui faitpeur. Il pose des prmisses parce qu'elles sont indispensables l'accusation, mais ensuiteil se voile la face et ne consent pas la conclusion. Il s'entte comme un enfant, il rpondcomme un enfant, se rfugie dans le vague, s'abrite derrire les mots. Et tout ce qu'on

    peut tirer des accusateurs devant cette question si grave est cette phrase tonnanted'inconscience et de purilit : "Il est possible que l'Allemagne de 1920 1930 ait d faireface des problmes dsesprs, problmes qui auraient justifi les mesures les plusaudacieuses exception faite de la guerre. Toutes les autres mthodes, persuasion, [78]

    propagande, concurrence conomique, diplomatie, taient ouvertes une nation lse,mais la guerre d'agression restait proscrite". C'est bien en effet ce que nous avons rpt

    pendant vingt ans l'Allemagne et lItalie : Entassez-vous, dbrouillez-vous, mais nevenez pas pitiner nos jardins.

    Nos juristes de Nuremberg n'ont donc pas avanc d'un pas. Rveillant de sonsommeil la vieille doctrine du partage immuable du monde, ils en retrouvent toutes lesdifficults; et ils n'osent pas aller jusqu'au bout de leur systme. Ils n'osent pas choisir,ils ne peuvent pas choisir. S'ils optent pour la servitude perptuelle des vaincus, pourune servitude avoue, dclare, ils se mettent en contradiction avec toute leur idologie deguerre. S'ils renoncent empcher par la force cette respiration et cette expansion desempires qui a la puissance et le caractre imprescriptible des lois biologiques, ils donnentraison l'Allemagne et ils doivent accepter pour eux la responsabilit de la guerre. Ils setrouvent devant cette vidence : la diplomatie ancienne et probablement tolr le

    partage de la Pologne ce n'tait [79] pas la premire fois et la guerre mondiale ett vite. L'annexion de l'Ethiopie, la disparition de la Tchcoslovaquie n'taient-elles

    pas des oprations infiniment moins coteuses pour l'humanit que le dclenchementd'une guerre mondiale ? Ce n'tait pas juste ? Mais l'amputation d'un quart del'Allemagne au profit de l'imprialisme slave, le transfert effroyable de millions d'treshumains qu'on traite depuis quatre ans comme du btail sont-ils justes ? Les hommesd'Etat d'autrefois savaient qu'on ne doit risquer une guerre gnrale que pour des causesinfiniment graves qui mettent en pril l'existence de toutes les nations. Et ils savaientaussi qu'il faut concder quelque chose aux lois imprescriptibles de la vie. Etions-nousexposs un danger mortel par le partage de la Pologne ? Le danger que les hommesd'Etat dmocratiques ont fabriqu de leurs propres mains n'est-il pas infiniment plusgrave ? Notre situation n'est-elle pas infiniment plus dramatique ? Qui ne se ditaujourd'hui que l'Europe tait belle au mois d'aot 1939 ? Les vnements ont donnraison Choiseul. Les forces [80] politiques sont des forces naturelles comme l'eau et

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    comme le vent : il faut les canaliser par des appareils prcis et puissants, ou il fautnaviguer la voile. Si nous ne voulons pas, aprs les guerres, imposer la servitude qui estune des formes de la loi naturelle, il faut accepter l'autre, faire des traits viables et laisserse dvelopper les peuples vigoureux : les inconvnients qui rsultent de leur croissancesont finalement beaucoup moins graves que l'vnement d'une guerre gnrale dont l'issuene profite qu' ceux qui menacent notre civilisation.

    Nos nouveaux juristes, embarrasss entre la libert ou la servitude, se sont alorstablis sur une doctrine intermdiaire dont le pass leur offrait des lments et laquelleils ont donn une extension majestueuse. Les traits sont irrvocables, la paix estindivisible : mais, nous disent-ils, ne vous inquitez pas de l'apparence de servitude quidcoule de ces propositions, car elles sont en ralit le fondement d'un universdmocratique o toutes les nations jouiront de droits gaux et des bienfaits de la libert.Bien sr vous allez tre un tout petit peu [81] esclaves, mais c'est le meilleur moyen

    pour que vous soyez tous libres.

    Pour rallier cette thse ingnieuse, l'accusation fut amene laisser un peu dansl'ombre ce trait de Versailles que ses adversaires dsignaient du vilain mot de diktat etqui sentait en effet la poudre du plus fort. Et elle alla dterrer dans l'arsenal diplomatiqueun certain nombre de pactes usags qui avaient une physionomie trs pacifique et quis'accordaient peu prs l'ide d'un libre consentement. En effet, disent nos juristes, cen'est pas seulement le trait de Versailles que les Allemands ont viol. Ils ont viol aussides traits qu'ils avaient librement signs, les conventions de La Haye, le pacte deLocarno, le pacte de la Socit des Nations, le pacte Briand-Kellog. Nous ne nousattarderons pas ici aux conventions de La Haye : elles sont imprcises, du moins en cequi concerne l'agression. Et nous n'avons rien ajouter aux paroles du procureur

    britannique sir Hartley Shawcross: "Ces premires conventions furent loin de mettre laguerre hors la loi ou de crer une forme obligatoire [82] d'arbitrage. Je ne demanderaicertainement pas au tribunal de dclarer qu'un crime quelconque a t commis enviolation de ces conventions". Mais le pacte de Locarno, mais le Briand-Kellog, on nousle rpte vingt fois, c'est autre chose. Ce sont des textes sacrs, c'est le tabernacle Et lemme sir Hartley Shawcross dfinit par ces mots leur signification essentielle : le traitde Locarno "constituait une renonciation gnrale la guerre" et le pacte Briand-Kellogen constituait une autre, si grave, si solennelle, qu' partir de cette date "le droit laguerre ne fit plus partie de l'essence de la souverainet". C'est d'ailleurs en application dece pacte, ajoute sir Hartley Shawcross, que l'Angleterre et la France se sont trouves en

    guerre. Elles n'ont pas eu dclarer la guerre, elles taient en guerre, car "une violation du pacte l'gard d'un seul signataire constituait une attaque contre tous les autressignataires, et ils taient en droit de la traiter comme telle".

    Ces dclarations mritent d'tre examines de prs. On les louera d'abord pour leursubtilit. Elles sont une faon fort lgante de [83] rsoudre le problme de la dclarationde guerre. C'est trs simple : celui qui tire la premier coup de canon se met en tat deguerre avec tout le monde. Les historiens allemands nous demanderont peut-tre

    pourquoi, de tous les signataires, l'Angleterre et la France ont seules montr ce zle :nous leur rpondrons qu'ils sont de mauvais esprits et des ennemis personnels de sirHartley Shawcross. Mais ce n'est pas tout. C'est surtout sur le plan politique que ces

    propositions sont d'une grande beaut et d'une grande fermet de doctrine : "Vous avez

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    accept, dit en substance notre lgiste, de faire partie d'un super-Etat, vous avez renoncsur ce point une partie de votre souverainet, vous n'avez plus le droit de vous enddire, ceci est irrvocable et votre signature peut tre invoque contre vous". II y aurait

    beaucoup dire l-dessus au point de vue historique. L'Allemagne s'est retire de la S. D.N., elle n'tait plus lie par les travaux et les rsolutions de la S.D.N. Elle a rpudi lepacte de Locarno, renouvel une premire fois en 1934 pour une priode de cinq ans, etnon renouvel [84] l'expiration de cette priode : elle n'tait donc plus lie par lesengagements de Locarno. Elle n'a pas rpudi le Briand-Kellog, qui d'ailleurs n'admettaitaucune clause d'abrogation, mais qui pouvait se croire rellement li par le Briand-Kellog,

    puisque ce pacte s'tait rvl inapplicable la suite de la guerre dEthiopie ? Cela ne faitrien, dit l'accusation. Ces rvocations, tant unilatrales, n'ont aucune valeur pour nous :l'Allemagne, qui ne fait plus partie de la Socit des Nations, est aussi coupable nosyeux que si elle en faisait partie, le trait de Locarno a pour nous autant de valeur que s'iln'avait jamais t dnonc, et le pacte Briand-Kellog, qui n'a aucune signification lorsqu'il

    s'agit de l'Ethiopie, oblige imprieusement l'Europe faire la guerre lorsqu'il s'agit de laPologne. Les pactes internationaux ont quelque chose du caractre sacerdotal : ilsconsacrent pour l'ternit.

    Mais ce n'est pas l'aspect historique de l'affaire qui nous intresse en ce moment.Admettons que le Briand-Kellog soit un trait au mme sens o Versailles est un [85]trait, admettons qu'il ait t pris au srieux par l'opinion et par les puissances, etadmettons que ce trait ait t viol par l'Allemagne. Ce qui est important, ce qui est unchangement radical, c'est la valeur que prend soudain ce trait parmi tous les autrestraits, c'est la soudaine promotion, le changement d'essence qui en fait, non pas uncontrat comme les autres, mais une loi, un arrt de Dieu.

    C'est ici qu'apparat le systme qui sert de base l'accusation, et en particulierl'unit de ce systme. Dans la premire section de l'Acte d'accusation, le Ministre publicaffirmait qu'il existe une conscience universelle, une morale internationale qui s'impose tous et que cette morale internationale interdit certaines formes d'action politique. Ici, ilaffirme que non seulement la morale internationale existe, mais qu'elle a des instruments,des porte-parole accrdits, et un pouvoir lgislatif ayant la mme force coercitive queles pouvoirs lgislatifs nationaux. Vous n'aviez pas le droit de faire la guerre, ditl'accusation, parce que la S.D.N. linterdit : au moyen d'un texte lgislatif au [86] basduquel se trouve la signature de vos reprsentants. C'est dans cette perspectiveseulement que le Briand-Kellog cesse d'tre une pure dclaration affirmant que la guerre

    est une trs vilaine chose, pour devenir un dit interdisant la guerre. Pour que le Briand-Kellog ait cette valeur, il faut admettre que la S.D.N. tait Richelieu : elle interdit laguerre comme il a interdit le duel, et elle fait pendre Ribbentrop comme il faisait couperla tte Montmorency-Boutteville. La S.D.N. tait donc une puissance dont l'Allemagnea viol la constitution. L'Angleterre et la France et non seulement l'Angleterre et laFrance, mais tous les Etats qui ont reconnu la S.D.N. se trouvent automatiquement enguerre contre elle, comme tous les Etats qui constituent la Confdration amricaine setrouveraient en guerre avec la Californie si la Californie se rvoltait contre le pouvoirfdral.

    Ainsi deviennent perceptibles l'unit et la puissance de la morale internationale. La

    conscience universelle, ou comme on voudra, la morale internationale devient un

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    pouvoir : elle interdit le nationalisme autoritaire [87] comme les lois fdrales interdisentla contrebande de l'alcool et elle punit la guerre comme une mutinerie. Cette promotionde la conscience universelle nous permet de pntrer plus avant dans l'esprit de nosnouveaux lgislateurs. Tout se tient chez eux et la seconde section de l'Acte d'accusationest parfaitement coordonne avec la premire.

    L'attitude de l'accusation consiste nier l'existence de ce qui existe et affirmerl'existence de ce qui n'existe pas. Pour elle, la morale internationale existe et elle a le

    pouvoir de faire des lois crites ou non qui doivent prvaloir sur les lois crites desnations. Et de mme, la S.D.N. qui n'existe plus existe, son pouvoir de police qui n'a

    jamais exist existe quelque part dans l'absolu, il est la main de Dieu, et son droit rgalienexiste bien qu'il n'ait jamais t affirm nulle part. Cette manire de voir est une forme dertroactivit plus subtile que les autres : car, en somme, le tribunal juge au nom d'unsuper-Etat qui a une certaine existence en 1945, supposer qu'on croit l'O.N.U., maisqui n'en avait aucune en 1939. C'est un rveil des fantmes. Mais surtout c'est le [88]triomphe des pures essences. Toutes les ides gnrales se mettent avoir un glaive. Lesnues font la loi. Elles disent qu'elles existent et qu'elles seules existent. C'est la cavernede Platon : nos ralits ne sont plus que des ombres, nos lois ne sont plus que desombres, et les ombres disent qu'elles sont la ralit et les vraies lois. C'est le triomphedes universaux. Et nous qui croyons ce qui existe, nous regardons avec stupeur cedchanement de l'impalpable.

    Car enfin il faut bien voir o cela nous mne. Je ne parle pas ici de l'usage honteuxqui a t fait au procs de Nuremberg du pacte Briand-Kellog au nom duquel on a

    prtendu transformer en crimes de droit commun tout ce qu'avaient fait les militairesallemands, sous prtexte que, leur guerre tant illgale, il n'y avait plus et il ne pouvait yavoir de leur part d'actes de guerre. Je songe ici aux consquences de ce rgne des nues.La principale est de la part de toutes les nations, qu'elles soient ou non participantes auxtraits (car elles sont toutes participantes la morale) un abandon de souverainet


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