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« Le logement, une priorité pour le Grand Paris ? »
Mardi 13 décembre 2011
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Accueil
Pierre‐Antoine GAILLY Président de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris
Monsieur le Député,
Messieurs les Préfets,
Mesdames et Messieurs les Maires,
Mesdames et Messieurs, Chers amis,
C’est pour moi un très grand plaisir de vous accueillir ce soir dans le cadre de ces Entretiens Friedland consacrés à une question essentielle pour l’avenir de notre Région et qui lui est spécifique : la crise du logement est une réalité en Île‐de‐France, comment la résoudre ?
Vous le savez, vous êtes ici dans la Maison des entreprises de Paris et de la Petite Couronne. Ce territoire constitue le « noyau dur » de cette région qui se classe parmi les plus importantes d’Europe, par son PIB comme par son rayonnement international. Ceci dit, cette richesse « statistique » ne doit pas occulter des difficultés territoriales ou sociales, à la hauteur de cette puissance toute relative, finalement.
Précisément, la question du logement des salariés constitue l’une des grandes faiblesses de notre région. Un rapport récent du CESER a montré que cette situation est ressentie comme telle par les chefs d’entreprise franciliens : ils sont 38% à s’inquiéter des difficultés rencontrées par leurs salariés, soit 2 fois plus qu’au niveau national. Concrètement, la cherté et la rareté des logements entraînent difficultés de recrutement et turn‐over important pour les unes, stress et retards dus à un allongement des trajets domicile‐travail, pour les autres.
Cette situation est d’autant plus grave qu’elle entraîne le départ des ménages franciliens à niveau de revenus moyens et induit un chiffre très élevé d’emplois non pourvus. A terme, elle fait peser une vraie menace sur l’attractivité économique de la métropole francilienne avec des conséquences en chaîne :
- Les entreprises ne prospèrent que si leurs salariés ont accès à des logements correspondant à leurs besoins et à leurs moyens.
- de cette possibilité dépendront les décisions d’implantation des entreprises nationales et étrangères en Île‐de‐France.
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Ainsi, des conditions de vie, d’accueil et de transports satisfaisantes pour les entreprises comme pour leurs salariés sont indispensables à la compétitivité de la Région, qui contribue, je le rappelle, à hauteur de 28% du PIB national : face à la concurrence sévère qui se joue entre grandes métropoles européennes et mondiales, elle doit impérativement conserver son rang.
Face à ces enjeux clairement identifiés, face à ces risques pesant sur la compétitivité de l’Île‐ de‐France, quelles solutions envisager ?
Les solutions institutionnelles inscrites dans la Loi…
Certes, le projet du Grand Paris apporte un changement manifeste et favorise le renouveau du logement. Ainsi, le législateur, dans la loi Grand Paris, a fixé un objectif de production de 70 000 logements par an. La CCIP salue ce projet, qui conjugue la réalisation d’un réseau de transport en commun avec des ambitions de développement économique et des objectifs de production de logement. La territorialisation des politiques de logement notamment au niveau des CDT ouvre des solutions intéressantes.
Il s’agit à la fois de répondre aux besoins des Franciliens, mais aussi d’assurer la présence sur l’ensemble du territoire d’un bassin de compétences diversifiées et accessibles aux entreprises.
L’engagement des collectivités territoriales en faveur du logement social pour les populations à bas revenus et en grande difficulté est fort. Elles s’en préoccupent mais rencontrent des difficultés pour répondre aux besoins. Elles doivent aussi apporter des solutions au problème du logement intermédiaire.
…ces solutions seront‐elles suffisantes face à de nouvelles contraintes ?
En effet, faut‐il craindre qu’un écart se creuse entre : - d’un côté, les prévisions d’objectifs (je rappelle que dans les 20 prochaines années,
elles sont d’1,5 million d’habitants supplémentaires) et ceux que se donne la loi sur le Grand Paris
et - d’un autre côté, la capacité à mettre en œuvre cette politique, dans un contexte
institutionnel particulièrement complexe et face au retard cumulé dans le domaine de la construction au cours de la dernière décennie ?
Le respect de ces enjeux s’inscrit enfin dans un contexte de mutations des paramètres sociétaux et institutionnels, qui prennent (ou prendront) une ampleur spécifique en Île‐de‐France :
- le resserrement des finances publiques sur les politiques du logement (4/5e des logements commencés en Île‐de‐France bénéficient d’une aide publique),
- la recomposition des interventions des collectivités locales dans un contexte métropolitain à statut particulier, comme le législateur l’a entériné, en n’ouvrant pas le statut de « métropole » récemment institué au cas de l’Île‐de‐France, sont à prendre en compte en matière de politique de l’habitat.
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- de même, l’après Grenelle II pose de nouveaux enjeux d’aménagement et de développement des territoires, en limitant l’étalement urbain et en incitant à la reconstruction de la ville sur la ville. L’objectif de mixité dans un souci de cohésion sociale constitue également une priorité.
Les politiques du logement qui sont à l’œuvre en Île‐de‐France sont diverses et les acteurs multiples.
C’est la raison pour laquelle, après l’adoption par notre Assemblée générale du Rapport qui porte le nom de son initiateur, Michel CLAIR, que je salue chaleureusement, nous avons souhaité réunir certains des acteurs clefs du secteur, particulièrement engagés dans la réflexion et dans l’action sur cette problématique.
Je les remercie d’avoir accepté notre invitation dans cette période particulièrement chargée, tout comme je salue spécialement tous les partenaires présents ici ce soir manifestant ainsi l’intérêt qu’ils portent à ce dossier prioritaire.
- Madame JUILLARD, vous êtes ce soir notre experte, nous serons très attentifs à l’exposé des études et recherches que vous menez dans le cadre de votre chaire à Paris Dauphine.
- Merci à nos prestigieux intervenants de la table ronde, vous nous promettez des débats riches et ouverts.
- Merci enfin à François VIDAL, rédacteur en chef des Echos, qui animera vos débats.
Excellents Entretiens Friedland à tous.
Merci de votre attention.
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Exposé d’Expert Claire JUILLARD Enseignant chercheur à Paris IX Dauphine, co‐directrice de la Chaire Ville et Immobilier Bonsoir à tous. Le logement est‐il une priorité pour le Grand Paris ? Nous sommes tous d’accord pour répondre par l’affirmative ! Aussi et pour éclairer ce débat et introduire la table ronde, je souhaite vous donner des éléments de cadrage socio‐démographiques du territoire francilien, qui conditionnent les mobilités dans le parc et la dynamique du marché immobilier Je ferai ensuite un bref état de la situation résidentielle des classes moyennes franciliennes, car les difficultés qu’elles rencontrent en matière de logement sont symptomatiques d’un profond malaise. Malaise ressenti bien sûr par les catégories les plus fragiles et aussi par les classes moyennes, qui sont au cœur même de notre société et de la population francilienne en particulier, où elles sont surreprésentées. Je finirai en parcourant quelques évolutions récentes des marchés immobiliers franciliens, qui opposent aux ménages des obstacles toujours plus difficiles à franchir. Commençons par un bilan démographique global. L’aire urbaine de Paris compte 11,8 millions d’habitants et a connu une croissance démographique de 650 000 habitants entre les deux derniers recensements de population, soit +6%. Cette hausse est comparable à celle de Lyon, et de Marseille‐Aix, mais nettement inférieure à celle de Toulouse, Rennes ou Bordeaux. Si l’on considère les deux leviers de la croissance démographique que sont le solde naturel et le solde migratoire, la dynamique de l’aire urbaine de Paris se caractérise par une croissance naturelle particulièrement élevée et par un solde migratoire négatif : le déficit au seul titre des mobilités résidentielles est de plus de 160 000 habitants. Nous avons là, avec la forte attractivité de Paris pour les migrants internationaux, une dynamique caractéristique des grandes métropoles telles que Londres, New‐York ou San Francisco. Ce déficit migratoire révèle notamment l’attractivité croissante d’autres territoires métropolitains et l’effet repoussoir des difficultés rencontrées sur les marchés du logement, au premier rang desquels le coût élevé. On constate que Paris joue un rôle de plaque tournante : elle fonctionne comme une pompe qui aspire et reflue les populations migrantes. L’aire urbaine parisienne constitue même une étape incontournable dans la vie de nombreux métropolitains. Mais c’est une étape en début de parcours : elle attire essentiellement des jeunes en fin de formation ou en début de carrière. A l’inverse, elle refoule essentiellement des familles avec enfants et des retraités : on vient à Paris en début de vie professionnelle et on y fait des enfants avant d’en
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partir, le plus souvent vers sa région d’origine. Pour 2 adultes qui viennent à Paris, 2 adultes et 2 enfants en moyenne en sortent. Cela répond au durcissement des conditions de vie offertes par la capitale, mais aussi à l’attractivité croissante d’autres métropoles françaises. Celles‐ci tirent en effet parti d’une compétitivité économique accrue et d’une forte attractivité en termes de cadre de vie et de coût de la vie. De ce point de vue, le bilan migratoire de Paris révèle de fortes difficultés à fidéliser des populations, ce qui est particulièrement significatif dans un contexte de concurrence accrue entre territoires. Ce bilan révèle également la grande ampleur des flux résidentiels qui, tout en générant de fortes mobilités au sein du parc de logements, se heurte à la baisse spectaculaire de la fluidité dans l’ensemble du marché du logement. Le territoire francilien est inégalement attractif. Trois principales zones composent le territoire de l’aire urbaine : Paris intra‐muros, la banlieue, composée de la petite couronne et de la seconde couronne, et le péri‐urbain. Paris intra‐muros a retrouvé le chemin de la croissance démographique sous l’effet d’une forte dynamique naturelle, mais elle accuse le plus net déficit migratoire du territoire, avec une perte nette de plus de 60 000 habitants, soit 3% de la population, entre les 2 derniers recensements. A l’inverse de villes‐centres comme Toulouse (+7% d’habitants) et Bordeaux (+5%), Paris intra‐muros ne tire pas directement parti du mouvement de concentration des populations qui, dans le cadre du processus de métropolisation, favorise très largement les migrations en direction des villes‐centres. Elle subit plutôt les effets de cette force centrifuge, qui conduit au départ du cœur des agglomérations vers leurs périphéries. Dans le contexte du Grand Paris, cette force centrifuge profite essentiellement au péri‐urbain plutôt qu’à la banlieue, qui refoule plus d’habitants qu’elle n’en attire. Les ménages se retirent toujours un peu plus loin pour réaliser le double objectif d’accession à la propriété dans des zones moins chères et d’habitat dans une maison individuelle, dans des zones moins denses. Ces mobilités résidentielles impactent la structure sociale du territoire et renforcent les phénomènes de polarisation sociale interne à l’aire urbaine de Paris en particulier. On constate des départs nets d’ouvriers (‐8%), de retraités, de professions intermédiaires et d’employés mais des arrivées nets de cadres (+24%), seule catégorie excédentaire. Ceux‐ci, en effet, se diffusent plus largement dans le territoire de l’aire urbaine et optent pour des localisations de plus en plus sélectives. Ces sont les cadres venus de province et de l’étranger qui contribuent le plus à l’embourgeoisement de Paris et, notamment, des communes des Hauts‐de‐Seine.
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A l’inverse, les migrations internationales accentuent la différenciation sociale avec une forte concentration des catégories les plus populaires en proche banlieue nord‐ouest, dans des grands ensembles et dans des zones pavillonnaires situés aux confins de la région. Des différences de localisation opposent également les différentes catégories composant les classes moyennes, en précisant que les cadres sont notamment surreprésentés en ville. Les classes moyennes sont composées à 30% de cadres, à 55 % de professions intermédiaires, et de 15% de « membres par alliance ». Les cadres sont sur représentées en ville‐centre et en petite couronne et sous‐représentés en grande couronne et en péri‐urbain. La concentration en petite couronne est désormais symptomatique de l’effet d’éviction accentuée par la flambée des prix au cours du dernier cycle immobilier. Elle correspond également à un mode de vie tourné vers la centralité et à un mode d’emploi répondant aux exigences du secteur tertiaire. Les professions intermédiaires, à l’inverse des cadres, sont légèrement sous‐représentées dans Paris intra‐muros et en petite couronne, et légèrement surreprésentées en seconde couronne et dans le péri‐urbain. Leur situation apparaît symptomatique si l’on considère qu’en province, les professions intermédiaires sont surreprésentées en ville‐centre, et ce d’autant plus qu’elles sont jeunes et sans enfants. Cela rappelle qu’une vocation importante des villes‐centres est en train de se perdre dans la capitale : l’accueil des populations en début de parcours, voire même des populations précaires, ces populations ayant le souci de la proximité avec les équipements publics, les services publics et les administrations. Enfin, parmi les classes moyennes logées en seconde couronne ou dans le péri‐urbain, il faut distinguer :
- les populations qui profitent de leur localisation pour accéder à un logement plus grand, tout en limitant leur temps de transport du fait d’un mode d’emploi moins attaché à l’hyper‐centre,
- et, de l’autre côté, des populations confrontées à de grandes difficultés d’accès à leur lieu de travail, et dont la localisation lointaine répond davantage à une contrainte.
Les dynamiques de peuplement stimulant les dynamiques immobilières autant qu’elles sont stimulées par ces dernières, quel constat tirer des achats immobiliers réalisés par les classes moyennes ? On distingue, d’un côté, les cadres dont la part d’achat diminue fortement avec la distance au centre et, de l’autre, les professions intermédiaires dont la part d’achat augmente au contraire avec cette distance. Cette localisation différenciée des classes moyennes à l’achat révèle la structure des prix de l’aire urbaine de Paris : ceux‐ci baissent avec l’éloignement au centre. Cela semble banal, mais il s’agit là d’un phénomène qui distingue Paris de certaines métropoles françaises comme Marseille.
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Les trois autres caractéristiques du marché immobilier francilien sont aussi : - la forte déconnexion entre Paris intra‐muros et la banlieue, - l’accentuation de cette déconnexion pendant le dernier cycle immobilier, - les augmentations de prix, qui ont été beaucoup plus fortes sur le marché bas de
gamme de l’aire urbaine parisienne que sur le marché haut de gamme, aussi bien dans Paris intra‐muros qu’en banlieue et dans le péri‐urbain.
Cette situation contribue encore à l’accroissement de la sélectivité du marché immobilier parisien et à l’éviction d’un nombre croissant de ménages hors de ce marché. Ainsi, les dynamiques immobilières accentuent à leur tour les phénomènes de polarisation sociale qui découlent de l’évolution sociale en général et des migrations en particulier. La difficulté accrue pour les ménages d’accès à la propriété et le blocage des parcours résidentiels en Île‐de‐France sont symptomatiques d’une crise profonde, dans une société de classes moyennes, dont le moteur est précisément la mobilité sociale, car cette mobilité se traduit traditionnellement par l’évolution de la situation résidentielle tout au long du cycle de vie. Je terminerai ce constat en rappelant que l’enjeu auquel nous sommes confrontés est le déblocage des parcours résidentiels et l’incitation à davantage de mobilités. La solution se trouve dans le rééquilibrage du parc de logements, en particulier dans les zones franciliennes les plus tendues. Si l’accès à la propriété peut être favorisé, une alternative doit en priorité être proposée dans le parc locatif, notamment grâce à la reconstitution du parc locatif intermédiaire. Il s’agit de redonner au parc locatif son rôle de sas d’entrée dans le parcours résidentiel et d’instrument de la mobilité résidentielle et d’accueil des mobiles. Il doit enfin retrouver son rôle de solution de repli au sein de parcours de vie de plus en plus mouvementés. Il s’agit enfin, de multiplier les passerelles entre statuts d’occupation, localisations et types de logements, pour offrir d’autres alternatives que la location d’un petit logement en ville‐centre ou la propriété d’une maison dans une périphérie de plus en plus lointaine. Il en va de l’attractivité du Grand Paris à l’échelle nationale et internationale.
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Table ronde
- Animée par François VIDAL, Rédacteur en chef, Les Echos.
• Michel CLAIR, membre élu de la CCIP, président du Conseil de surveillance de la Société Klepierre
• Silvia CASI, architecte urbaniste, Atelier d’Architectes Castro/Denissof/Casi
• Jean‐Yves LE BOUILLONNEC, député du Val‐de‐Marne, maire de Cachan, co‐président du groupe d’études sur la construction et le logement
• Bertrand LEMOINE, directeur général de l’Atelier International du Grand Paris et des Projets Architecturaux et Urbains (AIGP)
• Gilbert EMONT, senior advisor à l'Institut de l'Épargne Immobilière et Foncière (IEIF), directeur du projet immobilier du Pôle de compétitivité Finance Innovation
• Pierre MUTZ, ancien Préfet de l’Île‐de‐France, président du Conseil de surveillance de Logement Français, conseiller du président d’Eiffage
• André YCHÉ, président du directoire du Groupe SNI (Caisse des Dépôts et Consignations)
François VIDAL Bonjour et merci, Claire JUILLARD, de cette intervention. Michel CLAIR, pouvez‐vous nous éclairer sur les problèmes que cette pénurie de logements entraine pour les entreprises franciliennes ? Michel CLAIR Monsieur GAILLY a posé un diagnostic clair des problèmes que pose la crise du logement en Île‐de‐France et rappelé à juste titre les raisons pour lesquelles la Chambre de commerce et d’industrie a inscrit cette question au titre de ses priorités. Pour les entreprises, ce problème entraine de graves conséquences sur leurs activités, et notamment, des difficultés à recruter, un turn‐over important, du stress et des retards des salariés dus à un allongement des trajets. La CCIP estime que l’attractivité de la région parisienne risque de pâtir de cette situation si le problème du logement des salariés des entreprises, en particulier, n’est pas résolu. Ce problème francilien spécifique doit être reconnu comme tel par tous les acteurs, professionnels et politiques. Je le répète, il ne s’agit pas d’un problème national, mais d’un problème massif propre à la région parisienne, qui peut rendre progressivement Paris moins compétitif vis‐à‐vis d’autres métropoles.
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François VIDAL Avant d’écouter les propositions que fait la Chambre de commerce et d’industrie sur ce sujet, je me tourne vers Gilbert EMONT. Vous souhaitiez apporter quelques précisions sur le constat qui a été fait ? Gilbert EMONT L’exposé de Claire JUILLARD sur la démographie et la sociologie de l’Île‐de‐France était très clair, et je voudrais juste ajouter qu’en termes de logement, le plus important est la progression du nombre des ménages. En effet, la dynamique actuelle est en train de casser les ménages en morceaux, car le nombre de personnes par ménages diminue de plus en plus. Sur la Région parisienne, nous avons eu une croissance de 2 millions de ménages, en moins d’un quart de siècle, et ces ménages ont été entièrement accueillis par la périphérie de Paris ; nous sommes passés de 2,5 millions à 4,5 millions de ménages, et le nombre de logements nécessaires à leur accueil a donc dû doubler. Face à cette contrainte quantitative, la production de logement n’est pas à la hauteur. Sur la période d’avant 1999, on construisait environ 50% de plus de logements qu’il n’y avait de croissance des ménages. Sur la dernière période, cette proportion a chuté : nous n’en sommes qu’à 0,92%. Nous avons donc construit moins de logements qu’il n’y a eu de croissance des ménages. La situation est restée tenable en raison du taux de vacance des logements, qui a considérablement chuté sur la dernière période ; ce taux est aujourd’hui celui d’un marché très tendu : entre 5% et 6%. Les résidences secondaires de la seconde couronne ont également été réaffectées : 3.000 résidences secondaires ont été chaque année transformées en résidences principales. Sans ces 2 phénomènes, il aurait été impossible de loger la croissance des ménages sur cette période. Mais ces amortisseurs sont désormais usés jusqu’à la corde et le niveau auquel nous arrivons est assez dramatique. Les projections que l’on peut faire montrent, pour les hypothèses les plus basses, des besoins correspondant à 42.000 ménages par an, alors que l’on construit 40 000 logements en Île‐de‐France, qui ne permet pas le renouvellement, pourtant indispensable, du parc. Selon les hypothèses variables mais raisonnables, le chiffre des constructions devrait se situer entre 63 000 et 75 000. Il faut également souligner que le parc locatif privé est insuffisant sur la Région, compte‐tenu du fait que l’on a 2 millions de ménages supplémentaires. Ce parc locatif privé n’a pas permis, depuis 25 ans et malgré les aides fiscales, de produire plus de logements que ceux qui ont été vendus par les investisseurs institutionnels : il a donc diminué en nombre sur les 25 dernières années, même s’il a un peu augmenté pendant les dix dernières années. Il est donc largement insuffisant eu égard à la production de logements se faisant sur l’accession à la propriété et sur le parc HLM. François VIDAL Michel CLAIR, quelles propositions fait la Chambre de commerce et d’industrie pour remédier à ce problème ?
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Michel CLAIR La CCIP ne prétend pas détenir à elle seule la solution d’un problème aussi vaste. Nous pensons que la première question à résoudre est celle des décisions de construire, qui doit être réglée au niveau des 120 maires de la Région Île‐de‐France. Mais ceux‐ci, paradoxalement, peuvent être élus pour refuser les constructions nouvelles. Les lois de décentralisation ont très bien réussi en province et les communautés de communes ont pris à bras le corps les questions de construction et de développement. La majorité des grandes villes françaises fonctionne donc correctement dans ce cadre. Ce n’est pas le cas dans l’agglomération parisienne : il n’y a aucune autorité centrale. On parle de construire 70 000 logements par an pour le Grand Paris, mais ce sera un miracle si l’on y arrive car les centres de décisions sont encore trop peu coordonnés. Des efforts sont faits, mais il n’est pas facile de concilier la démocratie locale et le management d’une agglomération de 10 millions d’habitants. Le problème de la gouvernance centrale du logement en Île‐de‐France est donc posé, et il devra être résolu. Ce qui est également frappant dans notre Région est le décalage entre la situation locative sociale, qui évolue entre 5€ et 7€, et le parc libre, dont le prix augmente sans cesse, comme cela est naturel dans une situation de pénurie. Il y a donc sur le marché du logement un trou juste au‐dessus du logement social, entre 7€ et environ 13€ le m2. Or, ce manque correspond précisément aux besoins des classes moyennes et il n’y a pour ce segment de marché ni investisseur social ni investisseur privé. Cet écart se creuse donc, qui crée le malaise que nous connaissons aujourd’hui en Région parisienne. Le problème du logement intermédiaire et de son financement spécifique est donc également posé aujourd’hui. Mon propos n’est pas de vous résumer ici les propositions de la CCIP mais revenir sur les 2 suivantes :
- libérer le foncier et accroître l’efficacité foncière : certains assouplissements des contraintes d’urbanisme semblent être un levier indispensable. Les risques naturels, comme par exemple le risque inondation, pourraient être mieux intégrés dans les programmes immobiliers, pour faire évoluer les réglementations, les pratiques et les techniques. La moitié de l’Île de France serait en effet interdite de construction selon les règles existantes, et si ces règles étaient appliquées aux Pays‐Bas, rien ne pourrait y être construit. Un terrain inondable n’est pas inconstructible, mais il exige certainement des modes de construction particuliers.
- se mobiliser sur de nouvelles modalités de financement mais ce sujet est tellement
vaste que je m’abstiendrai d’en parler plus longtemps et vous renvoie au Rapport qui a été adopté par notre AG des élus
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Gilbert EMONT C’est effectivement un très vaste débat. Nous avons travaillé sur le problème du financement de l’immobilier depuis le début de cette année dans le cadre du Pôle de compétitivité Finance Innovation et je peux livrer quelques unes des conclusions tirées de ces deux principales réflexions, qui figureront dans un prochain rapport.
- Il est d’abord nécessaire d’affirmer que la crise du logement n’est pas nationale mais qu’elle concerne certaines zones géographiques du territoire français, et principalement, la région Île‐de‐France. Ce constat permettrait d’amener les Pouvoirs publics à ne plus légiférer de manière uniforme pour l’ensemble du territoire national, comme s’il n’existait qu’un seul marché et une seule problématique du logement. Ceci va peut‐être à l’encontre des principes de l’égalité républicaine, mais il y a des actions spécifiques à mener pour la région parisienne. En effet la situation de cette dernière n’est pas comparable à celle des autres régions.
- ‐ Notre 2ème réflexion est qu’il faudrait désormais adapter l’augmentation de la
durée de vie à la durée de rentabilité des investissements, qui pour sa part, n’a pas changé. Le problème du financement sera plus facilement résolu s’il devient possible d’accepter, pour les investissements immobiliers, des durées de rentabilité plus longues, dans un rapport plus étroit avec la durée de la vie. Le problème du locatif intermédiaire ne sera pas résolu avec des attentes de rentabilité sur 9 ou sur 15 ans. Il faut donc traiter le problème de façon plus séquentielle, sur la durée et peut être en dissociant le foncier du bâti, la nue propriété et l’usage du bien immobilier pour adapter davantage les situations à l’évolution de la réalité.
- La situation actuelle amène à une impasse et il faut traiter autrement le problème de
l’investissement intermédiaire. Il y a de ce point de vue 3 voies possibles. La première consisterait à accompagner les particuliers qui investissent dans le logement privé par des mesures fiscales qui pourraient être particulières à l’Île‐de‐France : ce sont les particuliers qui portent l’investissement locatif. Il faut avoir le courage de faire des exceptions lorsque cela est nécessaire, et le PTZ pour débloquer l’accession à la propriété doit peut‐être être différent en Île‐de‐France. Deuxièmement, les investisseurs institutionnels ne pourront pas revenir sur le marché du logement avec les équations actuelles : il faut peut‐être leur donner en Île‐de‐France les incitations fiscales qu’ils réclament. Troisièmement, n’oublions pas que les bailleurs sociaux sont le meilleur moteur pour produire aujourd’hui des logements intermédiaires : ce sont eux qui disposent de la capacité pour monter des opérations et qui disposent des potentialités de développement nécessaires. Une voie importante est donc que ces bailleurs sociaux se saisissent du problème du locatif intermédiaire, notamment grâce à des partenariats qui pourraient donner lieu à des filiales spécialisées pour drainer l’épargne privée.
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François VIDAL Silvia CASI, vous êtes architecte. Parlons des problèmes pratiques qui peuvent se poser dans le domaine de la construction et des difficultés opérationnelles que vous rencontrez. Silvia CASI Je souhaite d’abord souligner le fait que nous sommes tous d’accord sur le constat : un pas a été franchi et tout le monde est conscient de la nécessité de construire des logements et d’offrir des logements convenables aux habitants d’Île‐de‐France. Nous parlons beaucoup de quantité, mais il faut également avoir une réflexion aussi sur la qualité des constructions et sur leur adéquation aux nouveaux modes de vie des populations concernées. Il ne faut pas répéter l’erreur déjà faite d’oublier la qualité des logements, pour ne prendre en compte que leur quantité. Je souhaite donc vous mettre en garde sur l’importance de la qualité, de la dignité et de la beauté dans la construction de ces logements. Paris est une capitale très attractive par sa beauté aussi et la banlieue parisienne est riche de lieux qui ne demandent qu’à être révélés. Les maires des communes d’Île‐de‐France sont en effet confrontés à certains blocages réglementaires très lourds, et la volonté de construire des logements est parfois empêchée par des contraintes excessives et des réglementations qui dépassent un peu tout le monde, car elles ont pu se justifier à une certaine époque mais ne le sont plus aujourd’hui. Plusieurs équipes du Grand Paris souhaitent par exemple qu’une logique de projet soit mise en place pour construire en zones inondables, comme cela a été fait pour les constructions destinées aux Jeux Olympiques de Londres. Qui n’aimerait pas pouvoir profiter de la vue sur la Seine ? Cela donnerait également une identité différente à certains lieux de banlieues et serait qualitativement très intéressant. Un autre exemple de blocage provient du classement de tous les parcs, ceux par exemple de la Seine‐Saint‐Denis en zone Natura 2000 : cela empêche les maires concernés de construire au bord du Parc de la Courneuve, même lorsqu’ils le souhaitent. Ce type de contraintes interdit ainsi de construire des logements extrêmement qualitatifs, d’une qualité qui n’existe pas même au centre de Paris. La métropole parisienne doit être élargie, et la banlieue est très riche de lieux qui doivent être révélés. Mais il ne faut pas pour autant oublier le parc de logements existants. L’image actuelle de la banlieue parisienne est souvent celle du logement dégradé : il faut s’attaquer de manière très forte pour rendre ces logements dignes et même beaux. Les grands ensembles, qui sont peu denses contrairement à l’idée que l’on s’en fait, sont aussi l’une des grandes ressources foncières. Plus généralement, il faut donner à Paris et à l’Île‐de‐France un nouvel élan, comme Berlin a pu le faire de manière dynamique. Pour nous, l’une des pistes est aussi de s’attaquer au foncier que l’on appelle invisible. François VIDAL Avez‐vous d’autres propositions pour débloquer la situation ? Silvia CASI Je pense que la solution réside dans la manière de se poser face à cette problématique. Il faut construire dans des lieux qualitatifs, déjà desservis par des transports en commun,
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afin de débloquer dès aujourd’hui certains lieux. Nous pourrions parler par exemple des terrains militaires, des forts qui sont des lieux extraordinaires et actuellement vides. François VIDAL Jean‐Yves LE BOUILLONNEC, vous êtes maire et député, quel est votre point de vue ? Jean‐Yves LE BOUILLONNEC Pour ma part, je voudrais revenir à certains points évoqués par Claire JUILLARD dans son analyse, au demeurant fort claire, que je veux compléter par une appréciation : les acteurs sur le territoire ne peuvent plus faire face. Ce n’est pas le Grand Paris qui va faciliter le positionnement des maires sur le périmètre, et je dirai même qu’il y a un danger extrême : les processus d’intervention de la promotion immobilière se sont accélérés, le prix s’est élevé, le foncier également et les maires de la première couronne se trouvent face à des promoteurs qui viennent acheter des pavillons à la valeur du droit à construire et non à la valeur du bien réel. Le phénomène a subi une accélération, qui fragilise même les stratégies de réalisation du Grand Paris. La situation de la Région parisienne est effectivement particulière et nous avons vu apparaître l’idée du paroxysme francilien. Certes, il y a un problème d’habitat à Paris, mais il existe des situations comparables ailleurs sur le territoire français : se loger à Marseille pose parfois les même problèmes que dans la Région parisienne ; le bassin d’Arcachon connaît aussi une situation singulière, et les sites touristiques qui sont déserts 9 mois de l’année ne peuvent pas constituer une politique de logement. D’autre part, il n’y a pas de gouvernance du logement en France. Le problème ne se pose pas qu’à Paris, mais il est réglé avec un peu plus d’intelligence ailleurs, car aucune compétence sur le logement n’est décernée à une quelconque collectivité. Or, ce problème qui concerne les acteurs publics n’a pas été posé lors de la 2ème décentralisation Raffarin en 2004. La situation actuelle est qu’aucune autre région que l’Île‐de‐France n’est autant engagée dans le logement, alors qu’il n’y a aucun instrument de gouvernance. La désorganisation occasionnée par cette absence de règles de gouvernance est amplifiée, en raison de la configuration géographique de l’Île‐de‐France. Paris‐Métropole a essayé de remédier à cette situation en reconstituant ce qui existe déjà dans beaucoup de territoires, où les grandes villes mettent en œuvre une stratégie commune de logement avec l’accompagnement des communes de leur agglomération. Mais ce qui s’est bien passé ailleurs ne se passe pas bien ici. En 2004, j’ai porté des amendements législatifs qui tendaient à organiser cette gouvernance : compétences des Régions, délégations aux départements. Je suis également un maire bâtisseur et j’ai participé depuis 2002 à ces débats que je connais bien. Mon sentiment est qu’il faut que l’Etat soutienne l’investissement locatif, mais pas n’importe où, et surtout sans produire un effet d’aubaine, comme le fait encore l’effet des dispositifs Scellier ou Robien. L’Etat ne doit favoriser l’investissement locatif autrement que pour favoriser l’objet de cet investissement, c’est à dire l’habitat et le logement. Le prêt à taux zéro a également été mis en œuvre de façon inadaptée : si l’on veut aider l’accession à
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la propriété, il faut le faire pour ceux qui ne peuvent pas accéder à la propriété autrement que par ces aides. Celles‐ci doivent répondre à 2 exigences : ‐ne pas être données à ceux qui n’en ont pas besoin ‐et élargir le nombre de ceux qui en bénéficient et qui en ont vraiment besoin. D’autre part, inventer un dispositif fiscal qui ne s’applique que sur certains territoires est à ce jour techniquement impossible à mettre en place. Concernant les bailleurs sociaux, il faut leur permettre d’entrer dans une stratégie qui élargisse encore leur champ d’offre de logements locatifs. L’intervention des grands acteurs doit également être réactivée, et la patrimonialité doit être favorisée. On répondrait ainsi à la nécessité d’ancrer les gens dans les territoires, afin que les communes de banlieue redeviennent des parcours de vie de générations en générations, comme cela est le cas dans d’autres territoires. François VIDAL Vous avez parlé d’un marché bloqué. Ne croyez‐vous pas à l’objectif de 70 000 logements fixé pour le Grand Paris ? Jean‐Yves LE BOUILLONNEC Il n’y avait pas, initialement, d’impératif de logement dans la loi du Grand Paris. Cette loi ne parlait que d’un grand réseau desservant les grands pôles de développement économique. C’est à l’occasion des débats parlementaires, et notamment au Sénat, que l’on a traduit cette idée en chiffres en invoquant la raison suivante : si nous nous contentons de faire un grand réseau, nous allons dans le mur. Pourtant, l’objectif fixé à 70 000 ne correspond pas à une stratégie sur un territoire mais à l’exigence du point mort et à la tentative de maintenir une situation en l’état : si nous n’atteignons pas ce chiffre, nous provoquerons des baisses de populations. Le fait est que l’année dernière, nous avons difficilement atteint 40 000 logements construits et cette année, nous serons vraisemblablement autour de 36 000. A mes yeux, la vraie difficulté est que cette proclamation d’objectif est de nature déclarative et ne peut pas constituer une vraie politique, car nous sommes de fait dans une régression de la capacité de construire, pour de multiples raisons. La vraie question est donc : quelle machine mettons‐nous en marche pour construire ? François VIDAL Quelles solutions le Grand Paris peut‐il apporter ? Bertrand LEMOINE Nous pouvons déjà être d’accord sur un constat partagé et dire que les pistes de solution sont complexes. Nous sommes dans une situation où atteindre un objectif de 70 000 logements est encore très loin de la réalité mais qui recouvre en fait plusieurs phénomènes : le renouvellement du parc immobilier en raison de son obsolescence, sa croissance pour
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faire face à l’arrivée des nouveaux habitants et enfin, la fluidité du marché locatif et d’accession. Nous nous trouvons, en effet, dans une phase de mutations socio‐démographiques très importante, notamment avec le vieillissement de la population et la recomposition familiale qui entraine la rotation plus rapide des ménages. Nous avons donc besoin de créer une offre supplémentaire pour adapter notre société à ces mutations. L’effort que nous devons fournir est à la fois quantitatif et qualitatif ‐voire psychologique‐, car il nous faut adapter le parc du Grand Paris aux besoins de la population, et ces besoins sont très spécifiques. Sur les quelques images que je vais vous projeter, une carte montre notamment les projets urbains en cours dans le Grand Paris et les différents périmètres, ce qui permet de voir la polarisation autour d’un certain nombre de territoires et le maillage du réseau de transport qui les couvre. La logique du projet consistera à définir et à concentrer une offre de logements nouveaux dans les lieux desservis par les transports publics. Les territoires qui peuvent s’adapter à ce schéma couvrent environ 250 km2, ce qui constitue une offre considérable. Le projet consiste donc à intensifier la métropole, pour la garder compacte et éviter un étalement urbain, en évitant d’empiéter sur les zones agricoles. Cela est réalisable dans le contexte existant, même si cela est plus compliqué. Plusieurs pistes sont explorées en fonction du Schéma directeur d’Aménagement sur lequel nous sommes tous d’accord :
• On peut densifier le pavillonnaire en donnant la possibilité réglementaire de construire en plus sur les parcelles existantes et en densifiant les parcelles. Il est possible d’imaginer un processus progressif de densification du tissu pavillonnaire qui représenterait une offre de logements supplémentaires quantitativement significative.
• Les grands ensembles présentent également un potentiel de densification. Ces zones
présentent en effet des densités actuellement 6 fois inférieures, en moyenne, à celles des quartiers haussmanniens. On peut améliorer les logements et libérer du foncier.
• Les zones d’activités et les zones logistiques (parkings en particulier) peuvent parfois
offrir des capacités foncières supplémentaires.
• La manière de traiter les franges urbaines peut être réinventée.
• On peut intensifier l’habitat en surélevant par les toits : une tradition de surélévation des immeubles est constante à Paris, et cette pratique présente un potentiel de densification considérable à l’échelle métropolitaine.
• Les zones inondables sont en partie constructibles, et d’ailleurs construites à Paris : il
ne s’agit pas de construire en risque, mais de produire des logements adaptés près des fleuves, dans des zones agréables.
• Un potentiel foncier considérable existe également autour des infrastructures
routières et des autoroutes.
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• On peut parfois construire au dessus des hypermarchés et une partie de leurs
parkings peut être rendue à la ville ou au logement.
• Les parcs et les forêts sont des endroits agréables à habiter et la question des blocages qui empêchent d’y construire des logements doit être posée.
François VIDAL Merci Bertrand LEMOINE pour ce tour de l’Île‐de‐France en images. André YCHÉ, vous avez une vision très large du problème du logement en France. Comment faire pour optimiser les parcours résidentiels dans une métropole comme celle du Grand Paris ? André YCHÉ Je voudrai commencer en rappelant que le groupe SNI est le dernier opérateur significatif en matière de logements intermédiaires : avec une vingtaine de sociétés, nous détenons environ 100.000 logements intermédiaires et 200.000 logements sociaux. Les sujets qui ont été traités ce soir ont été abordés légitimement sous un angle institutionnel et politique, mais ce qui ressort des propos qui ont été tenus est qu’il y a un sous‐jacent économique et social essentiel. En effet, l’analyse de la situation sociale et économique a une importance fondamentale dans la construction des réponses à apporter. Les erreurs qui ont été commises dans le passé proviennent de la prise en compte insuffisante de ce sous‐jacent. Ainsi, on a beaucoup parlé ce soir de l’insuffisante production de logements depuis ces 20 dernières années. Or, pour l’essentiel, le décalage résulte d’une mauvaise appréciation du processus de dé‐cohabitation, qui représente la moitié de la demande supplémentaire de logements par rapport à celle que des flux démographiques normaux auraient engendrée. Pour l’avenir, on peut d’ores et déjà évoquer le risque de ne pas répondre à la demande de petits logements, car elle provient à 80% de ménages de plus de 60 ans, composés de deux, voire d’une seule personne. Je voudrais aussi revenir sur 3 points qui me paraissent essentiels pour caractériser des politiques publiques et des stratégies d’entreprises les plus pertinentes dans le contexte actuel.
• La question de la métropolisation met en évidence un certain nombre de contradictions difficiles à surmonter, la première étant celle, déjà évoquée, de diversifier beaucoup plus les politiques publiques, selon que l’on traite des territoires métropolitains ou des autres. A l’évidence, les attentes des populations concernées sont différentes : dans les métropoles, on est à la recherche d’opportunités, la préoccupation essentielle étant celle de la mobilité. Dans les territoires ruraux, on recherche l’enracinement, l’identité locale.
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On se trouve face à une contradiction entre le besoin d’accès au logement dans les métropoles et la logique du stockage de valeurs, qui est inhérente au processus d’investissement. L’équation à 2 données qui prend en compte l’emploi et le logement est ainsi insoluble et il faudrait donc construire une équation à 3 données : emploi, logement et patrimoine. L’autre contradiction dans laquelle on se trouve aujourd’hui face à l’émergence du Grand Paris et, plus généralement, des 6 à 8 pôles métropolitains qui vont structurer le pays dans les années à venir, résulte de l’oscillation des politiques publiques entre les préoccupations de logements et celles liées à l’emploi et au soutien du BTP La problématique de la métropolisation nécessite donc une plus grande différenciation des politiques publiques et une meilleure prise en compte des acteurs de la ville.
• Le processus lent et inexorable de démassification est un mouvement qui touche
l’ensemble de nos sociétés, dans tous les domaines. Historiquement, la massification continue a été le moteur du progrès des sociétés occidentales : taylorisme, machinisme agricole, grande distribution, culture de masse… Mais, depuis 20 ans s’est enclenché un mouvement inverse, avec la progression du sur‐mesure dans tous les domaines (individualisation des voitures, des bateaux, de tous les produits de consommation en général). La ville, le logement et l’habitat ne peuvent pas échapper durablement à ce processus de dé‐massification. Conséquence : il faudra prendre davantage en compte les demandes personnelles et individuelles dans les offres proposées, traiter par du « sur‐mesure » le vieillissement et le handicap, mais aussi la sous‐occupation, et également le choix du statut d’occupation. La ville de demain se construira autant avec du soft qu’avec du hard.
• Le problème de la confiance : sur un fond de forte tension sur les finances publiques,
l’accompagnement public est en régression et les perspectives ne sont pas fameuses pour l’avenir. Notre rôle est précisément de sécuriser les parcours résidentiels et de permettre une certaine réversibilité des choix patrimoniaux, car ces parcours sont moins linéaires aujourd’hui et il faut introduire la notion de liquidité du patrimoine, qui pourrait ainsi jouer le rôle d’outil destiné à faciliter la mobilité professionnelle.
Pour répondre aux problèmes et aux enjeux auxquels nous nous trouvons confrontés, nous ne pourrons faire face qu’en transformant notre modèle en celui d’un opérateur immobilier global, produisant une offre à large spectre de produits intermédiaires permettant à la fois l’accession sociale et, éventuellement, l’accession libre pour nous permettre de financer, avec l’épargne privée, les produits d’intérêt général. Il reste un segment qui me parait critique pour assurer cette vision de l’habitat de demain : celle des copropriétés sociales, segment qui n’est pas couvert et pour lesquelles il faut assurer un suivi important.
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Pour conclure, face aux enjeux financiers et sociologiques, nous devons nous efforcer de faire émerger une dizaine d‘opérateurs ayant une capacité patrimoniale suffisante pour intervenir dans le logement intermédiaire et aller vers la « gestion sur mesure » dont j’ai parlé. François VIDAL Après le logement intermédiaire, le logement social, comment peut‐il répondre aux besoins qui ont été évoqués ? Pierre MUTZ On l’a beaucoup dit ce soir, la Région parisienne doit être traitée de façon particulière et si beaucoup de problèmes restent à résoudre, pour ma part, je souhaite garder une attitude optimiste : les choses avancent depuis quelques années. Paris est en train de s’étendre vers la périphérie, comme on le voit en Seine‐Saint‐Denis, où l’habitat est de plus en plus agréable et où s’installent beaucoup d’entreprises. A travers le Grand Paris se dessine une capitale qui va encore s’étirer davantage vers ses banlieues, avec des zones de développement très importantes : on le voit dans le Nord, avec les plates‐formes aéroportuaires de Charles‐de‐Gaulle et du Bourget, avec la Défense, avec le plateau de Saclay, et à l’Est, le développement des nouveaux quartiers avec des logements écologiques. Dans le cadre des travaux menés avec Paris Île‐de‐France Capitale Économique, nous avons formulé des propositions, en particulier, pour réduire la pénurie de terrains constructibles, augmenter significativement les droits à construire, contenir les prix à des niveaux raisonnables, densifier l’habitat… Mais il faut parfois que l’Etat puisse se substituer aux collectivités territoriales pour que les contrats de développement territoriaux jouent pleinement leur rôle. D’une façon générale, différentes actions doivent être mises en œuvre pour accroitre l’offre de logements et notamment de logements intermédiaires, notamment en favorisant le retour des investisseurs institutionnels et en permettant aux sociétés HLM de faire ce type de logement. Pour conclure, je souhaite insister sur la nécessité d’accroître l’offre de transports reliant les territoires entre eux sans passer par Paris. Je pense qu’il faut certainement renforcer la gouvernance en la matière, mais il n’est pas nécessaire pour cela de créer de nouvelles autorités, car il existe suffisamment d’autorités responsables, notamment le STIF, qui peuvent prendre en charge cette gouvernance.
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François VIDAL Avons‐nous des questions dans la salle ? Un Intervenant Qu’avez‐vous prévu de faire pour créer une force centralisée permettant de fédérer les efforts que vous avez évoqués ? De tous les domaines que vous avez abordés, il me semble également qu’il manque un sujet important : les évolutions techniques permettant de faire des bâtiments à énergie positive ; cela constitue une véritable évolution technologique qu’il faudra gérer. Pierre MUTZ Concernant la question sur la gouvernance, les propositions faites par la Chambre de commerce et d’industrie, et par Paris Capitale Économique ont été transmises au gouvernement. Jean‐Yves Le BOUILLONNEC Il faut souligner que le logement constitue l’un des problèmes les plus difficiles à résoudre en terme de politique publique, notamment parce que les enjeux politiques passent à l’arrière‐plan des enjeux techniques. Toute action publique en général et particulièrement en ce domaine ne se traduit qu’en 4 ou 5 ans, durée politiquement infructueuse. C’est un enjeu colossal, avec celui de la santé, de l’éducation et de l’emploi. Cependant, l’action politique qui le prend en charge est extrêmement ingrate. Je vous invite à aller sur le site de Paris Métropole, pour prendre connaissance de la déclaration sur le logement que nous avons faite, toutes tendances politiques confondues. Bertrand LEMOINE L’ensemble des forces politiques et des acteurs a pris conscience de cet enjeu colossal ; mais il s’agit d’un problème extrêmement lourd,‐ je dirais même de civilisation‐, pour lequel il est impossible d’afficher des réponses simples et faciles. Un travail pédagogique et citoyen devra donc être mené pour que le public s’approprie ces réponses. Silvia CASI Pour répondre à la seconde partie de la question, je dirai que l’enjeu énergétique a été pris en compte par les 10 équipes du Grand Paris, qui ont imaginé une métropole d’après le traité de Kyoto, une Métropole durable. Je voudrai néanmoins revenir sur les 3 points suivants :
- l’aspect gestion énergétique, est, je le rappelle, acté par les accords de Grenelle I et II,
- il faut aussi prendre en compte la question du coût des constructions, car il est cher de construire aujourd’hui en France. Aussi, nous pourrions prendre exemple sur d’autres pays pour trouver d’autres modes de constructions (métal, bois …),
- l’aspect social du développement durable est également essentiel, et il faut se poser la question de savoir comment créer des logements modulables, adaptables dans le temps à l’évolution des ménages (c’était le cas avec les immeubles haussmanniens).
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Jean‐Claude BOUCHERAT, Président du Conseil économique, social et environnemental régional d’Île‐de‐France : Je souhaite faire une remarque. Les conclusions de la CCIP sont en phase avec les préoccupations du Conseil économique, social et environnemental que j’ai l’honneur de présider, et nous pensons que nous pourrons réfléchir ensemble pour aller vers une meilleure gouvernance. En effet, il faudra bien une forme de gouvernance unique pour atteindre les objectifs de 70 000 logements qui ont été fixés en matière de logement. Nous menons actuellement avec le Conseil Régional une étude sur la création d’une forme d’autorité qui permette de conjuguer les efforts des différents acteurs de ce secteur. Si nous n’y arrivons pas, nous ferons de nouveau dans quelques années le constat que n’avons pas répondu aux besoins.
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Conclusion Jean‐Claude RUYSSCHAERT, Préfet, Directeur de la Direction Régionale et Interdépartementale de l’Équipement et de l’Aménagement d’Île‐de‐France (DRIEA) Bonsoir. Il est impossible de conclure un débat aussi complexe et passionnant sur le logement, aussi je voudrais revenir aux propos qui ont été tenus. Le Grand Paris est lui‐même un changement de paradigme. Grâce à ce projet, nous passons à une forme de métropole multipolaire, où les pôles de développement sont reliés par un réseau de transports efficace et où l’on passe d’un urbanisme de planification à un urbanisme de projet. La spécificité de notre Région est également règlementaire : je ne connais pas d’autres régions françaises pour lesquelles la loi a fixé des objectifs en matière de logement. Cela est significatif de la manière dont nous pourrons résoudre ce problème. Le Grand Paris est aussi l’affirmation de certains grands principes républicains : mixité de l’habitat, développement durable, intensification de la ville et densification de l’habitat, économie des ressources. Mais comment atteindre l’objectif ambitieux de 70 000 logements fixé dans le cadre de ce projet ? Le choix qui a été fait a visé à territorialiser ces objectifs, afin d’objectiver la répartition de l’effort à apporter sur le territoire métropolitain, en laissant le choix aux différents acteurs de décliner ces objectifs sur des territoires restreints et en répondant à une exigence d’équité, en fonction des objectifs et des atouts de chacun. Dans ce cadre, les documents d’urbanisme, PLU, SDRIF, laisseront la possibilité de faire, au lieu d’interdire ou d’empêcher. Comme je vous le disais, il s’agit de passer d’un urbanisme de planification à un urbanisme de projet : la loi indique que les contrats de développement territorial peuvent ainsi s’imposer aux documents d’urbanisme, dès lors que ce contrat a fait l’objet d’une enquête publique. Il faudra également inciter à la construction de nouveaux logements, en appliquant une logique de contractualisation : des contrats de développement territorial fixant des objectifs en termes de logements seront conclus entre les acteurs publics concernés et le monde économique. Il sera aussi nécessaire de développer le segment manquant dans les parcours résidentiels dont on a parlé tout à l’heure. C’est un constat que l’on partage tous et même si nous savons que 70%de la population d’Île‐de‐France dispose de revenus inférieurs au plafond HLM, il ne faut pas pour autant construire 70% de logements HLM en Île‐de‐France… Non, Il est nécessaire de développer le logement intermédiaire, en s’appuyant notamment sur des opérateurs globaux, établissements publics d’aménagement, SEM, opérateurs privés, comme cela a été suggéré.
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Concernant la question de la gouvernance, il s‘agit là d’un problème complexe, je répondrai par 3 termes qui devraient guider notre action en la matière :
- par des partenariats, - par des contrats, - par le travail en réseau. Un premier pas a été fait dans ce sens par le Préfet, qui au Comité Régional de l’Habitat a annoncé la création de 2 sous‐commissions visant notamment à favoriser le développement de l’offre de logement et l’accès au logement. Merci de votre attention.
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ANNEXE
ANNEXE
I ‐ Synthèse des propositions de la CCIP « Des logements pour les salariés en Île‐de‐France : un impératif de compétitivité pour la métropole » www.etudes.ccip.fr II ‐ Pour tout savoir sur :
- Les 10 propositions de Paris Île‐de‐France Capitale économique www.greater‐paris‐investment‐agency.com
- L’Atelier international du Grand Paris
www.ateliergrandparis.com - Le Groupe SNI
www.groupesni.fr - Le Logement Français
www.groupelogementfrancais.fr - Le Pôle de compétitivité Finance Innovation
www.finance‐innovation.org - L’Institut de l’Épargne Immobilière & Foncière
www.ieif.fr