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La supplémentation lipidique desrations des ruminants a d’abord été unmoyen d’accroître la valeur énergétiquedu régime. Maintenant, elle est souventun moyen d’améliorer la valeur nutri-tionnelle des lipides du lait et de la vian-de. Cette amélioration consiste en parti-culier à réduire la concentration enAcides Gras (AG) saturés et à augmentercelle des AG polyinsaturés (AGPI) de lasérie n-3, ou oméga 3 (voir encadré 1pour les définitions). Le rôle de ces der-niers est considéré comme positif pourla santé humaine, en particulier dans laprévention des maladies cardiovasculai-res, mais les AGPI n-3 jouent égalementun rôle dans le développement de l’en-fant et la prévention de maladies menta-les (Riediger et al 2009). Ce change-ment dans la composition en AG du laitentraîne toutefois une modification dupoint de fusion des lipides, ce qui peutse traduire par des problèmes lors dutraitement technologique du lait. Deplus, les AGPI sont sujets à l’oxydation,induisant parfois des problèmes de qua-lité sensorielle des produits (Wood et al2008, Gobert et al 2010).

Chez les monogastriques, les AGlongs de la ration sont absorbés auniveau de l’intestin sans avoir été méta-bolisés et il y a donc une relation étroi-te entre la composition des AG ingérés

et celle des AG absorbés. Au contraire,chez les ruminants, les AG insaturéssont très fortement hydrogénés et iso-mérisés dans le rumen. Il y a donc unegrande différence entre la compositiondes AG ingérés et celle des AG absorbés,et les produits de ruminants contiennentune grande variété d’AG qui ne sont pasprésents dans leur ration. Parmi eux, lesacides linoléiques conjugués (ConjugatedLinoleic Acids ou CLA) et les AG mono-insaturés trans ont été particulièrementétudiés en raison de leur rôle potentielsur la santé humaine. L’acide rumé-nique, qui est l’isomère c9, t11-18:2 des

CLA, joue un rôle préventif dans l’ap-parition de cancers sur des modèles ani-maux, mais son effet chez l’homme n’apas été démontré, probablement parceque les quantités consommées sont tropfaibles. Au contraire, les AG trans sontconsidérés comme ayant un effet néga-tif sur la santé humaine, bien qu’il y aitde plus en plus de preuves que l’acidevaccénique (t11-18:1), l’isomère mono-insaturé principal dans les produits deruminants, n’a pas d’effet négatif sur lasanté humaine (Shingfield et al 2008). Ilpourrait même jouer un rôle positif parun effet hypocholestérolémiant mis en

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INRA Prod. Anim.,2012, 25 (4), 361-374

M. DOREAU1,2, V. FIEVEZ3, A. TROEGELER-MEYNADIER4,5, F. GLASSER1,2

1 INRA, UMR1213 Herbivores, F-63122 Saint-Genès-Champanelle, France2 Clermont Université, VetAgro Sup, UMR Herbivores, BP 10448, F-63000 Clermont-Ferrand, France

3 Université de Gand, Laboratoire de Nutrition Animale et de Qualité des Produits Animaux, Proefhoevestraat 10, 9090 Melle, Belgique

4 Université de Toulouse, INP, ENSAT, ENVT, UMR1289 Tandem, F-31076 Toulouse, France5 INRA, UMR1289 Tandem, F-31326 Castanet-Tolosan, France

Courriel : [email protected]

Métabolisme ruminal et digestiondes acides gras longs chez le ruminant :le point des connaissances récentes

Le métabolisme des acides gras longs dans le rumen est à l'origine d'importants remaniements desacides gras ingérés et de l'apparition de nombreux isomères. A ce titre, c'est l'un des déterminantsmajeurs de la composition en acides gras des produits animaux. Cet article synthétise les résultatsrécents sur ce métabolisme et ses facteurs de variation1.

1 Ce texte reprend de larges extraits de l’article : Doreau M., Glasser F., 2011. Ruminal biohydrogenation of fatty acids. In: Proc. 33. Simposio InternacionalAvanços em Tecnicas de Pesquisa em Nutriçao de Ruminantes. F.P. Rennó, L.F. Prada e Silva (Eds.), Universidade de São Paulo, Pirassununga, Brazil, 46-62.

Encadré 1. Formule chimique et nomenclature des Acides Gras (AG) à chaîne longue.

- La formule chimique des acides gras saturés est CH3-(CH2)n-COOH. - L’insaturation des AG (portant une ou plusieurs doubles liaisons) peut se situer sur différentscarbones. Ainsi, on nomme 18:2 un AG qui possède 18 atomes de carbone et 2 doublesliaisons. - L’hydrogénation de ces doubles liaisons conduit à des isomères cis et trans, notés c et tdans le texte.- Omega 3 (ou n-3) signifie que le nombre de carbones entre l'extrémité méthyle CH3 et lecarbone le plus proche ayant une double liaison est de 3. - La nomenclature officielle mentionne l’emplacement de tous les carbones qui portent unedouble liaison, à partir de l'extrémité carboxyle COOH. Par exemple, la formule de l’acidelinoléique est CH3 - (CH2)4 - CH = CH - CH2 - CH = CH - (CH2)7 - COOH ; sa nomenclatu-re officielle est c9c12-18:2 et c’est un AG en n-6, ou oméga 6.- Une autre formulation officielle est l’utilisation de Δ pour indiquer la place des doubles liai-sons à partir de l’extrémité carboxyle : l’acide linoléique est 18:2 Δ9, 12. En pratique, l’utili-sation du symbole Δ est privilégiée pour indiquer une fonction : la Δ-9 désaturase est uneenzyme qui désature une double liaison en position 9 à partir de l’extrémité carboxyle.

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évidence chez le lapin hypercholestéro-lémique (Bauchart et al 2007). Ainsi,seuls les AG trans des produits partiel-lement hydrogénés de type margarine(principalement t9-18:1 et t10-18:1)réduiraient le «bon» cholestérol, qui estla fraction HDL (High-Density Lipro-protein) (Chardigny et al 2008).

Après leur biohydrogénation dans lerumen, leur absorption dans l'intestin etleur transport sanguin sous forme delipoprotéines, les AG sont prélevés parla glande mammaire, les différents mu-scles et tissus adipeux et par le foie.Deux processus ont alors lieu (Doreauet al 2010) : une désaturation par une Δ-9désaturase, conduisant en particulier àun accroissement du CLA c9, t11-18:2,produit à partir de l’acide vaccéniquet11-18:1, et l’élongation de l’acidelinolénique en AGPI n-3 à 20 et 22carbones principalement par le foie(Cherfaoui et al 2012).

Les processus de biohydrogénationet les conséquences sur les flux d’AGsortant du rumen ont été décrits dans cejournal par Sauvant et Bas (2001).Depuis, un saut qualitatif important aété réalisé. D’une part, les techniquesd’analyse des AG par chromatographieen phase gazeuse ont très fortementprogressé par l’équipement avec descolonnes polaires à haute résolution etla détection par spectrométrie de masse ;ainsi depuis près de 10 ans la descrip-tion des profils d’AG des contenus

digestifs s’est enrichie d’un grand nom-bre d’isomères géométriques et d’iso-mères de position des AG insaturés.D’autre part, la connaissance des micro-bes du rumen s’est rapidement dévelop-pée et de nouveaux concepts sont appa-rus, suite au développement de tech-niques de biologie moléculaire. Cesprogrès rapides ont été pris en comptedans des revues de synthèse publiéesrécemment en langue anglaise telles quecelle de Glasser et al (2008b) sur lesflux digestifs et celle de Lourenço et al(2010b) sur les microbes responsablesdu métabolisme des AG dans le rumen.Cet article synthétise les développe-ments récents des connaissances sur lemétabolisme ruminal et la digestibilitéintestinale des AG.

1 / Les sources de lipidesdans l’alimentation desruminants

Dans les aliments consommés par lesruminants, les AG sont sous forme detriglycérides qui sont des lipides destockage, de phospholipides localisésdans les membranes cellulaires et deglycolipides (galactolipides) stockésdans les parties vertes des fourrages.Les fourrages et les aliments concentrésclassiques tels que les céréales, les tour-teaux non gras et les sous-produitsindustriels, contiennent moins de 4% delipides. Dans les céréales, la majorité

des lipides est constituée d’AG, alorsque ces derniers représentent souventmoins de la moitié des lipides des four-rages. Dans les pays tempérés, l’herbepeut contenir 3% d’AG au printemps età l’automne, mais moins de 1% en été(Bauchart et al 1984). Le principal AGde l’herbe fraîche est l’acide linolé-nique (18:3 n-3 ou c9,c12,c15-18:3) quireprésente environ 50% des AG totaux.L’acide palmitique (16:0) et l’acidelinoléique (18:2 n-6 ou c9,c12-18:2)représentent en moyenne respective-ment 20 et 15% des AG. Il y a moins devariation des teneurs en AG entre espè-ces végétales qu’entre stades de végéta-tion ou modes de conservation pour unemême espèce (Dewhurst et al 2001,VanRanst et al 2009a). La teneur en AGtotaux de l’herbe n’est pas modifiée parl’ensilage, mais est généralement rédui-te par le fanage, probablement en raisondu processus d’oxydation et de la pertede feuilles qui sont plus riches en AGque les tiges. Le processus d’ensilage nemodifie pas non plus la composition enAG, mais le fanage réduit la proportiond’acide linolénique qui est souvent seu-lement de l’ordre de 30% dans les foins.Bien que le profil en AG ne soit pasmodifié significativement par le modede conservation par voie humide (ensi-lage), la proportion des classes de lipi-des est différente : du fait de la lipolyse,la majorité des AG présents dans lesensilages sont non estérifiés. L’ensilagede maïs contient environ 2% d’AGconstitués en moyenne, respective-

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Acides gras

<16:02 16:0 18:0 18:1n-9 18:2n-6 18:3n-3

Huile de coprah 80 8,5 2,5 7,5 1,5 -

Huile de palmiste 71 8,5 2,5 15 2,5 0.5

Huile de palme 1,7 46,5 4,4 36,1 8,7 0,2

Suif 3,5 25,4 17,2 39,9 4,4 0,4

Graine de colza 0,2 4,8 2,1 60,5 20,8 9,2

Graine de tournesol (linoléique) 0,1 5,1 4,3 21,6 66,8 0,3

Graine de tournesol (oléique) - 3 5 83 9 -

Graine de coton < 1 24 2 17 47 < 1

Graine de soja 0,1 11,3 4,1 22,4 53,5 7,2

Graine de lin 0,1 3,6 3,4 18,8 16,3 54,4

1Données issues d’une base de données des auteurs, sauf pour l’huile de coprah, la graine de coton et la graine de tournesol oléique (Karleskind 1992). Des valeurs plus détaillées ont été données par Morand-Fehr et Tran (2001) et Givens et al (2001). 2Acides gras saturés à 8, 10, 12 ou 14 carbones. Il s’agit de 14:0 pour toutes les sources sauf l’huile de coprah et l’huile de palmiste. Pour ces dernières, l’acide gras le plus important est le 12:0, en quantité au moins deux fois plus importante que le 14:0. Le 8:0 et le 10:0 représentent chacun moins de 5% (huile de coprah) ou moins de 10% (huile de palmiste) des AG totaux.

Tableau 1. Composition moyenne en acides gras (% des AG totaux) des principales sources de lipides consommées par lesruminants1.

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ment de 15, 20, 45 et 5% d’acidespalmitique, oléique (18:1 n-9 ou c9-18:1), linoléique et linolénique. Lescéréales contiennent 2 à 3% d’AG, dontenviron 50% d’acide linoléique.

Les ruminants peuvent être alimentésavec des graines oléagineuses riches enlipides, brutes ou traitées thermique-ment. La composition en AG des princi-pales graines disponibles en France (etdonc de leurs huiles) est donnée dans letableau 1. Les traitements thermiquescomme l’extrusion ne modifient pas lacette composition. Les huiles et graines

oléagineuses peuvent être traitées auformol pour assurer une protectioncontre l’hydrogénation ruminale (voir §5.2). Les déchets d’abattoir, suifs etsaindoux, ont été utilisés et sont richesen 16:0, 18:0 et 18:1.

Les produits d’origine marine, huilesde poisson et algues, sont susceptibles,en fonction de la règlementation, d’êtredistribués aux ruminants. Leurs lipidessont riches en AG à 20 et 22 carbones,en particulier l’acide eicosapentaé-noïque (EPA, 20:5 n-3) et l’acide doco-sahexaénoïque (DHA, 22:6 n-3), mais

leur teneur en ces AG est extrêmementvariable, de 5 à 20% pour chacun d’en-tre eux. Selon l’espèce de poisson, l’AGprincipal est soit l’EPA soit le DHA,parfois même certaines espèces sontpauvres à la fois en EPA et en DHA ;elles sont toutes pauvres en 18:3n-3 etcontiennent divers AG saturés et mono-insaturés à 16 et 18 carbones (Givens etal 2001, Médale 2009). La même varia-bilité existe pour différentes espècesd’algues (Givens et al 2001). En revan-che, les micro-algues2, pour lesquelles ily a peu de références, semblent contenirdes proportions variables d’EPA (0 à

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2 Les micro-algues sont des algues microscopiques cultivées en bioréacteurs.

Figure 1. Principales étapes du métabolisme des AG dans le rumen : représentation simplifiée des principaux mécanismes detransformation (flèches noires) et de l’action des principales enzymes et facteurs d'inhibition (flèches rouges), (adaptée deDoreau et al 2010).14:0 : acide myristique ; 16:0 : acide palmitique ; 18:0 : acide stéarique ; 18:1 n-9 : acide oléique ; 18:2 n-6 : acide linoléique ;18:3 n-3 : acide linolénique ; 20:5 n-3 : acide eicosapentaénoïque ; 22:6 n-3 : acide docosahexaénoïque ; AGV : acides grasvolatils ; AAR : acides aminés ramifiés ; CLA : acides linoléiques conjugués ; PPO : polyphénol oxydase.

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30%) mais très peu de DHA ; les autresAG sont également en proportions trèsvariables : 0 à 40% de 18:3n-3, teneursparfois importantes en 16:0 et c9-16:1(Zhukova et Aizdaicher 1995).

Certains traitements technologiquesde sources lipidiques fournissent desaliments industriels qui sont distribuésaux ruminants sous forme de poudre.Les savons de calcium d’AG sont géné-ralement produits à partir d’huile depalme ou de ses dérivés, mais sont par-fois produits à partir d’autres huilesvégétales. Les matières grasses cristalli-sées proviennent de sources lipidiquesnatives ou hydrogénées et sont compo-sées d’AG saturés ou monoinsaturés.

2 / Les mécanismes de lipo-lyse et de biohydrogénationruminales

Le métabolisme ruminal des lipidesassocie plusieurs mécanismes complexesréalisés grâce aux micro-organismesprésents dans le rumen et résumés dansla figure 1. La première étape est lalipolyse qui hydrolyse les esters d’AG.Une fois les AG libérés, leurs doubles

liaisons peuvent subir des modificationsde leur configuration (trans isomérisa-tion) et/ou de leur position (incluant laformation de formes conjuguées) le longde la chaîne hydrocarbonée, suivies deleur hydrogénation partielle ou totalepar les enzymes microbiennes. La bio-hydrogénation est un ensemble de réac-tions biochimiques se déroulant dans lerumen et transformant les AG insaturésingérés en AG plus saturés (figure 2).Ces réactions sont des isomérisations etdes hydrogénations des doubles liai-sons, qui interviennent uniquement surles AG dont la fonction carboxylique estlibre. Pour les aliments contenant prin-cipalement des esters d’AG, une lipoly-se préalable est donc nécessaire pourque la biohydrogénation puisse avoirlieu. Le terme de biohydrogénation estégalement employé pour désigner ladisparition des AG insaturés dans lerumen (en général exprimée en pour-centage des AG ingérés). Par ailleurs,un certain nombre d’AG (principale-ment saturés et monoinsaturés ; Bauchartet al 1990) sont assimilés par les micro-organismes qui synthétisent leurs pro-pres AG. Plus d’une décennie aprèsla très complète revue de Harfoot etHazlewood (1997), les nombreux tra-vaux de recherche ont permis de com-

pléter les connaissances à ce sujet.Lourenço et al (2010b) ont ainsi récem-ment publié une synthèse scientifiqueactualisée des processus microbiens dumétabolisme ruminal des lipides.

2.1 / La lipolyse des esters lipi-diques d’origine alimentaire

La lipolyse est réalisée par des bacté-ries. L’espèce la plus connue estAnaerovibrio lipolytica, dont l’action,depuis longtemps démontrée, repose surl’action d’une lipase (Henderson 1971).Toutefois, si cette enzyme est active surles triglycérides, elle n’hydrolyse ni lesgalactolipides ni les phospholipides.D’autres bactéries, appartenant au genreButyrivibrio, possèdent une activitéestérase (Hazlewood et Dawson 1979),et peuvent lyser les phospholipides etles galactolipides afin d’obtenir des AGlibres. L’avancée des connaissances surle métagénome microbien ruminaldevrait permettre d’identifier dans unavenir proche d’autres espèces bacté-riennes capables de produire des estéra-ses, dont des lipases. Une activité lipo-lytique a été détectée chez les proto-zoaires ruminaux (Harfoot et Hazlewood1997), mais l’importance de cette acti-vité au cours de la digestion ruminale

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Figure 2. Principales voies possibles de biohydrogénation des acides linoléique et linolénique (adaptée de Chilliard et al 2007).Quand les configurations cis (c) ou trans (t) ne sont pas mentionnées, les configurations cis-cis, cis-trans et trans-trans sontconsidérées. Les flèches épaisses indiquent les voies majeures (Harfoot et Hazlewood 1997) ; les flèches fines indiquent lesautres voies possibles, suggérées par des accroissements des isomères produits lors d’incubations in vitro ; les flèches poin-tillées indiquent de possibles voies indirectes de biohydrogénation. Tous les AG ne sont pas mentionnés, et les nombreusesinterconversions entre isomères monoinsaturés (Laverroux et al 2011b) ne sont pas représentées.

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des lipides est inconnue. Les protozoairescontiennent une grande quantité d’AGde nature variée (Devillard et al 2006),mais ces AG résulteraient plutôt d’uneprédation des bactéries que d’une syn-thèse intrinsèque. Enfin, les lipases végé-tales contribuent également à l’hydrolysedes galactolipides et des phospholipidesdes fourrages. Bien que l’ampleur de cephénomène ait longtemps été considéréecomme négligeable, récemment, desétudes in vitro ont démontré que leslipases végétales participaient significa-tivement à l’hydrolyse des lipides desgraminées et des légumineuses herba-cées (Lee et al 2004, Van Ranst et al2009b). Néanmoins, la part respectivedes activités des bactéries et des lipasesvégétales dans la lipolyse ruminale deslipides des fourrages est encore incon-nue. La lipolyse ruminale ne produit pasd’intermédiaires tels que des mono- oudes di-glycérides et de ce fait, les AGlibres sont la fraction lipidique majo-ritaire dans le rumen et le duodénum,même lorsque les animaux reçoivent degrandes quantités de matières grassesdans leur alimentation.

2.2 / Les différentes voies de labiohydrogénation ruminale desacides gras insaturés à 18 carbones

La biohydrogénation ruminale desAG libres correspond à une successionde réactions de saturation des doublesliaisons CH=CH, nécessitant une iso-mérisation préalable des doubles liai-sons des AGPI. Des voies de biohydro-génation simplifiées ont été proposéespour les acides linoléique et linolénique(Harfoot et Hazlewood 1997). L’acidelinolénique est tout d’abord isomériséen c9,t11,c15-18:3 (isomère majoritairedes acides linoléniques conjugués), puistrois étapes d’hydrogénation produisentsuccessivement et principalement let11,c15-18:2 puis le t11-18:1 (acidevaccénique) et au final le 18:0 (acidestéarique) produit terminal de la bio-hydrogénation des AGPI. La biohydro-génation de l’acide linoléique se dérou-le de manière identique mais ne com-porte que deux réactions d’hydrogéna-tion : la première étape produit du c9,t11-18:2 (acide ruménique, isomèremajoritaire des CLA), suivie de deuxétapes d’hydrogénation donnant princi-palement du t11-18:1 et du C18:0. Sicette voie est généralement majoritaire,dans certaines conditions d’alimenta-tion elle peut être remplacée par la voiedu t10, produisant alors majoritaire-ment des AG insaturés intermédiaires,t10,c12-18:2 et t10-18:1 (cf. ci-après).La biohydrogénation de l'acide oléiquen’est constituée que d’une seule étaped’hydrogénation mais peut produire descomposés mineurs tels que l'acide hydroxy-stéarique (issu de l'hydratation de l'aci-de oléique et comportant un groupe-

ment OH sur le carbone 10 de la chaînehydrocarbonée) et l'acide kétostéarique,issu de l'oxydation du précédent (Jenkinset al 2008).

Le métabolisme ruminal des AG insa-turés n’est pas limité aux quelques voiesdécrites précédemment et sa complexitéa été soulignée dans la synthèse deJenkins et Bridges (2007). En effet, lesprogrès réalisés dans l’analyse des AGont permis de mettre en évidence denombreux isomères des 18:1, 18:2 et18:3, produits au cours de la biohydro-génation, présents dans les contenus durumen et du duodénum. Toutes les voiesbiochimiques impliquées ne sont doncpas connues. Certes, différents isomèrescis et trans 18:1 et différents isomèresde CLA ont été identifiés depuis long-temps (Keeney 1970), mais l’améliora-tion des techniques d’analyse a permisdepuis une décennie la mise en évi-dence d’un grand nombre d’isomères.Ainsi, Loor et al (2005) ont identifiésdans des contenus duodénaux de nom-breux isomères résultant du métabolismeruminal : 7 correspondaient à des isomè-res non conjugués du 18:2, 9 à des iso-mères CLA et 16 à des isomères cis ettrans du 18:1. Parmi ces AG, certains

peuvent être associés spécifiquement à labiohydrogénation d’un AGPI : ainsi, l’aci-de linolénique produirait spécifiquementles c9,t11,c15-18:3, t11,c15-18:2, c15-18:1 et les t13-18:1 à t16-18:1, mais peude CLA et uniquement des isomères enposition 11,13 ; l’acide linoléique pro-duirait spécifiquement les c9,t11-18:2,t10,c12-18:2 et t10-18:2. Ces résultatsont été obtenus in vivo avec des rationsenrichies en matières grasses de lin oude tournesol (Loor et al 2005, Akraim etal 2006) et in vitro avec des AG purs(Jouany et al 2007, Zened et al 2011).

Par ailleurs, une partie de ces isomè-res, en particulier ceux du 18:1, provientde phénomènes d’isomérisation. Mosleyet al (2002) et Proell et al (2002) ontdémontré en utilisant de l’acide oléique(c9-18:1) et de l’acide élaïdique (t9-18:1)marqués, que ces AG étaient convertisen de nombreux autres isomères du 18:1.Plus récemment, Laverroux et al (2011b),à l’aide de t11-18:1 marqué, ont obser-vé que bien qu’une grande partie soitsaturée en 18:0, cet AG était égalementisomérisé en d’autres isomères 18:1.Ces études soulignent l’importance del’activité des isomérases sur de nom-breux AG dans le rumen.

Figure 3. Hydrogénation in vivo de l’acide linolénique d’huile de lin infusée dans lerumen : variations des concentrations (en % des AG totaux) dans le liquide du rumendans les heures qui suivent l’infusion (d'après Glasser et al 2006).

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La lipolyse et la biohydrogénationsont des réactions rapides : par exemple,l’acide linolénique de l’huile de lin esthydrogéné in vivo en environ 2 h (figu-re 3). Les acides linoléiques et linolé-niques conjugués sont éphémères dansle milieu ruminal car ils sont rapidementréduits, en particulier le c9,t11-18:2(Wallace et al 2007). En revanche, let11,c15-18:2 et les isomères trans du18:1 s’accumulent surtout lorsque l’ali-mentation est riche en AGPI. La derniè-re étape de réduction conduisant à laformation du 18:0 est plus lente, notam-ment en raison du faible nombre de bac-téries capables de la réaliser.

2.3 / La biohydrogénation desacides gras très insaturés à 20 et22 carbones

Les AGPI à 20 et 22 carbones commel'EPA et le DHA, apportés par les rations,sont également largement biohydrogé-nés (AbuGhazaleh et Jenkins 2004) etproduisent un grand nombre d'AG insa-turés comportant de 1 à 5 doubles liai-sons. La saturation finale de ces AG en20:0 ou 22:0 semble négligeable (Toralet al 2010, Kairenius et al 2011, Toral et

al 2012), malgré l'enrichissement consi-dérable en acide docosanoïque (C22:0)lors d'incubations in vitro avec du DHAmarqué au 13C (Klein et Jenkins 2011).Bien que ces auteurs démontrent la pos-sibilité de former du 22:0 à partir duDHA, cette production semble en réali-té faible, voire négligeable. En effet,l'augmentation du 22:0 après 48 h d'in-cubation représentait 1,4% du DHAdisparu. De plus, avec une teneur accrueen DHA (2 et 3% du substrat, comparéà 1%), l'enrichissement du 22:0 a décruvoire disparu et l’augmentation de laproduction de 22:0 ne dépasserait pas0,8% du DHA disparu. Plusieurs inter-médiaires de biohydrogénation ont étésuggérés pour l'EPA et le DHA (figures4 et 5), mais l'identification de leur ori-gine métabolique est complexe du faitde l'augmentation simultanée (au niveaudu rumen ou du duodénum) de trèsnombreux isomères mono- ou polyinsa-turés à 20 et 22 atomes de carbone enréponse à une supplémentation desrations en huile de poisson ou en micro-algues (Toral et al 2010, Kairenius et al2011, Toral et al 2012). De plus, la com-position de ces suppléments est elle-même complexe, ce qui empêche de rat-

tacher avec certitude tel ou tel isomèreaux voies de biohydrogénation de l'EPAou du DHA. Le métabolisme ruminal del'EPA et du DHA comprendrait uneréduction de la double liaison Δ5 pen-dant la première ou la seconde étape debiohydrogénation, se traduisant parl'accumulation de 20:3n-3, 20:2n-3 et22:4n-3 (Kairenius et al 2011). Cecipourrait également expliquer le plus fai-ble taux d’hydrogénation du 20:4n-3 etdu 22:5n-3 par rapport aux 20:5n-3 et22:6n-3, respectivement (Kairenius et al2011). Aucun isomère conjugué n'a étéidentifié dans les trois études citées pré-cédemment, mais en revanche de nom-breux isomères mono- ou polyinsaturésavec des liaisons trans ont été observés,indiquant que la biohydrogénation del'EPA et du DHA comprend des isomé-risations des doubles liaisons de formecis en forme trans. Toutefois, la confi-guration cis ou trans de certains inter-médiaires suggérés (figures 4 et 5) n'estpas confirmée car les techniques d'ana-lyse (chromatographie sur couche mincesur silice imprégnée en nitrate d'argentsuivie d'une analyse par chromatogra-phie en phase gazeuse couplée à unspectromètre de masse) ne permettent

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Figure 4. Intermédiaires de biohydrogénation possibles du 20:5 n-3, sur la base des contenus ruminaux après 3 à 7 jours desupplémentation en huile de poisson (Toral et al 2010) et/ou des flux abomasaux (d'après Kairenius et al 2011). Les flèches indiquent des voies prédominantes possibles suggérées par Kairenius et al (2011). Les AG entourés en pointillés nesont pas trouvés dans les contenus ruminaux ou abomasaux, mais sont des intermédiaires possibles (Kairenius et al 2011).Lorsque l’analyse des AG laisse subsister un doute sur leur configuration géométrique, soit les mentions c et t sont entre paren-thèses, soit la position des doubles liaisons est indiquée par Δ. Les AG monoinsaturés cis dont on observe l'augmentation dansles contenus ruminaux ou abomasaux (en grisé), pourraient résulter de la biohydrogénation du 20:5 n-3 et du 22:5 n-3 et/ou pro-venir directement de l'huile de poisson (Kairenius et al 2011).

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pas de discriminer complètement lesconfigurations des doubles liaisons.L'EPA et le DHA inhibent tous deuxl'hydrogénation finale des AG en C18:0,conduisant à une accumulation de 18:1trans (AbuGhazaleh et Jenkins 2004,Chow et al 2004).

2.4 / Les micro-organismesruminaux réalisant la biohydro-génation

La biohydrogénation des AG à 18carbones est un phénomène complexe.Ses différentes voies sont la conséquen-ce de l’action de plusieurs enzymes syn-thétisées par les bactéries (Wallace et al2007). Harfoot et Hazlewood (1997) ontrépertorié les différentes espèces debactéries capables de biohydrogéner lesAG insaturés et ont proposé de les divi-ser en deux groupes, nommés groupesA et B, en fonction de leur capacité et deleurs spécificités d’hydrogénation etd’isomérisation des doubles liaisons.Le groupe A, comprenant Butyrivibriofibrisolvens, réalise en grande partie lespremières étapes de biohydrogénationet est donc nécessaire à leur bon dérou-lement, mais se révèle incapable de réali-ser la dernière étape (saturation des 18:1en 18:0). Seul le groupe B, principale-ment représenté par une espèce bacté-

rienne identifiée dans un premier tempscomme Fusocillus sp., hydrogénerait let11-18:1 en 18:0. Cette interprétation estactuellement remise en question. Lourençoet al (2010b) ont récemment publié unesynthèse incluant les données obtenuesces dernières années concernant les bac-téries capables de biohydrogéner, suiteaux avancées permises par l’utilisationde nouvelles techniques de biologiemoléculaire. En particulier, les bactériesprécédemment identifiées comme appar-tenant au genre Fusocillus sont désor-mais dénommées Butyrivibrio hungateiet Butyrivibrio proteoclasticus (Maia etal 2007). Ces deux espèces sont trèssensibles à l’effet toxique des AG insa-turés sur les bactéries. L’isomérisationen Δ9, à l’origine des isomères t10,pourrait être réalisée par des espècesbactériennes telles que Megasphaeraelsdenii (Kim et al 2002) et Propioni-bacterium acnes (Wallace et al 2007).Toutefois, leur implication réelle estencore très discutée, puisque la produc-tion de t10 par M. elsdenii n’a pas étéobservée dans l’étude de Wallace et al(2007) et que P. acnes serait une bacté-rie très mineure dans le rumen (Verhulstet al 1987). Zened (2011) impute cetteisomérisation à des bactéries impliquéesdans le métabolisme ruminal du lactateet appartenant aux genres Eubacterium,

Olsenella, Dialister et Desulfovibrio.Quant aux protozoaires présents dans lerumen, ils n’interviendraient pas dansles voies de biohydrogénation, même sileur nombre diminue quand l’intensitéde biohydrogénation ruminale diminue(Boeckaert et al 2007). En fait, ils n’agi-raient pas directement mais commeprédateurs/régulateurs des populationsbactériennes (Jenkins et al 2008).

3 / Ampleur de la biohydro-génation et effet des facteursalimentaires

La biohydrogénation des AG insatu-rés (disparition des AG insaturés ingé-rés, mesurée par la différence entre laquantité ingérée et le flux au niveau duduodénum proximal) est très importantequand les lipides ne sont pas protégés.Doreau et Ferlay (1994) ont rapportédes pourcentages de biohydrogénationmoyens de 93 et 85% pour les acideslinolénique et linoléique respective-ment. Dans une revue plus récente avecun plus grand nombre de données, lesvaleurs moyennes correspondantes étaientde 87 et 86% (Glasser et al 2008b). Il ya moins de données disponibles sur labiohydrogénation de l'acide oléique,

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Figure 5. Intermédiaires de biohydrogénation possibles du 22:6 n-3, sur la base des contenus ruminaux après 3 à 7 jours desupplémentation en huile de poisson (Toral et al 2010) et/ou des flux abomasaux (d'après Kairenius et al 2011). Les flèches indiquent des voies prédominantes possibles suggérées par Kairenius et al (2011). Lorsque l’analyse des AG laissesubsister un doute sur leur configuration géométrique, soit les mentions c et t sont entre parenthèses, soit la position des dou-bles liaisons est indiquée par Δ. Les AG monoinsaturés cis dont on observe l'augmentation dans les contenus ruminaux ou abo-masaux (en grisé), pourraient résulter de la biohydrogénation du 22:6 n-3 et/ou provenir directement de l'huile de poisson(Kairenius et al 2011).

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parce que sa mesure dépend d'une bonneséparation des isomères du 18:1 dans lecontenu duodénal. En compilant lesrésultats de 4 expériences représentant13 régimes (Doreau et al 2003, Loor etal 2004, 2005, Doreau et al 2009), cepourcentage de biohydrogénation variede 57 à 85% et est souvent plus élevéavec des régimes riches en lipides. Cesvaleurs sont peut-être sous-estimées dufait qu'une partie de l'acide oléique pré-sent dans le contenu duodénal pourraitprovenir de la biohydrogénation ou del'isomérisation (Laverroux et al 2011b)d'autres AG insaturés. Bien que celafasse encore débat, l'étape limitante dela disparition des AG insaturés n'estsans doute pas la lipolyse (sauf en casde protection des lipides), car in vivo, lalipolyse est quasi-complète (il n'y a qua-siment plus d'AG estérifiés au niveau duduodénum) avec la plupart des rations,quelles que soient les conditions physi-co-chimiques du rumen. Une exceptionprobable est l’alimentation avec du trèfleviolet qui contient de la polyphénol-oxydase, une enzyme inhibitrice de l'ac-tivité lipolytique (Lee et al 2004, VanRanst et al 2009b) ; ceci reste toutefoisà confirmer in vivo.

L'ampleur de la biohydrogénationdépend assez peu de la quantité ou de lanature des AG des lipides alimentaires,sauf dans le cas d’une protection des lipi-des alimentaires contre les attaques desmicrobes par des moyens chimiques oupar l'apport de lipides sous forme de grai-nes oléagineuses entières par exemple(cf. § 5). Le principal facteur de variationde la biohydrogénation est le pourcen-tage d’aliments concentrés dans la ration.Selon Doreau et al (1997), les rationscontenant plus de 70% d’aliments concen-trés diminuent fortement la biohydrogé-nation, qui est alors comprise entre 50 et80% pour l'acide linolénique et entre 35et 60% pour l'acide linoléique. Cela estprobablement lié au faible pH ruminal,dont l'effet inhibiteur de la lipolyse(quand il est inférieur à 6) a été démontréin vitro (Van Nevel et Demeyer 1996).Un pH faible diminue également les tauxde biohydrogénation des AG insaturés etaugmente le ratio t10/t11 des 18:1 et desCLA (Troegeler-Meynadier et al 2003,Zened et al 2011) par la production det10c12-18:2 et surtout de t10-18:1. Ceprocessus entraîne entre autres une dimi-nution sévère du taux butyreux du lait(Shingfield et al 2010).

La déviation de la voie t11 vers lavoie t10 est la conséquence d'une modi-fication de la communauté bactérien-ne du rumen (Weimer et al 2010, Zened2011). Ainsi, la conversion de l’acidelinolénique en t10c12-18:2, un CLAprécurseur du t10-18:1, par certainessouches de Megasphaera elsdenii (Kimet al 2002) et de Propionibacterium

acnes (Maia et al 2007) a été démontréein vitro. Toutefois, l’action réelle in vivode ces bactéries reste à démontrer. Deplus, Troegeler-Meynadier et al (2006)ont montré qu'un faible pH diminue letaux d'isomérisation de l'acide lino-léique en CLA de type c9,t11-18:2 etdiminue également la saturation finaledes 18:1 trans en acide stéarique, pro-voquant l'accumulation des 18:1 trans.

L’apport d’amidon seul ne suffit pas àprovoquer une déviation majeure de labiohydrogénation de l’acide linoléiquede la voie t11 vers la voie t10, la voie t11étant maintenue. Pour que la voie t10devienne majoritaire, il faut apporter,outre de l’amidon, une quantité significa-tive d’acide linoléique. La quantité d’aci-de linoléique à partir de laquelle se pro-duit cette déviation n’est pas encoreconnue ; elle aurait toutefois deux typesd’action sur la biohydrogénation des AGinsaturés, un effet substrat et un effet surle microbiote ruminal. En fait, si l’acidelinoléique seul n’a pas d’effet in vivo surle microbiote ruminal, associé à l’ami-don il provoque une modification dumicrobiote différente de celle induite parl’amidon seul (Zened 2011).

Par ailleurs, une méta-analyse indiqueque les niveaux d'ingestion élevés aug-menteraient la biohydrogénation (Glas-ser et al 2008b). Ce résultat est surpre-nant, car on pourrait penser qu'unediminution du temps de séjour dans lerumen diminuerait l'activité microbien-ne, mais cela est toutefois cohérent avecdes données obtenues in vitro en incu-bateurs à flux continus (Qiu et al 2004).Les divers paramètres environnemen-taux du rumen (pH, taux de passage,composition de la ration…) doiventinteragir et modifier les populationsbactériennes et/ou leur activité, ce quiinfluence en retour le métabolismeruminal des AG.

4 / Flux et composition desAG à la sortie du rumen

Les flux d'AG sortant du rumen sontdu même ordre de grandeur que les fluxentrants (AG ingérés) (Lock et al 2006),mais tendent à être supérieurs pour desrégimes pauvres en lipides (synthèsenette d'AG) et inférieurs pour des régi-mes riches en lipides (disparition d'AG)(Doreau et Ferlay 1994, Schmidely et al2008). Les mécanismes à l'origine decette disparition sont encore inconnus.Selon Schmidely et al (2008) un bilanruminal positif (synthèse) est observéquand l'efficacité de la synthèse micro-bienne est faible.

Les proportions des AG à chaînemoyenne et de l'acide palmitique sont

globalement similaires entre les AGingérés et ceux des flux duodénaux. LesAG arrivant au duodénum résultant derations enrichies en huile de coprah oude palmiste sont donc principalementl’acide myristique (14:0) et l’acide lau-rique (12:0) ; les rations enrichies enhuile de palme ou en savons de palmeentraînent une forte concentration enacide palmitique (16:0). Du fait de labiohydrogénation, les rations riches enacides linoléique et linolénique nedonnent que des flux faibles de ces AGau niveau du duodénum. Par exemple,dans 10 rations riches en graines de lindistribuées à des bovins, l’acide linolé-nique représentait plus de 30% des AGingérés, mais moins de 3% des AG duo-dénaux, quels que soient la forme deprésentation ou le traitement appliquéau lin (graines aplaties, micronisées,extrudées ou huile) (Scollan et al 2001,Gonthier et al 2004, Loor et al 2004,2005, Doreau et al 2009). De la mêmefaçon, des régimes riches en acide lino-léique, provenant de céréales ou de tour-nesol (60% des AG ingérés) ne fournis-sent que 5% d'acide linoléique dans lesAG duodénaux (Loor et al 2005). Le18:0 représente en moyenne près de70% des AG duodénaux à 18 atomes decarbone, proportion qui chute à 34%dans le cas de régimes supplémentés enhuiles de poisson, avec une augmenta-tion simultanée des 18:1 trans (Glasseret al 2008b).

Parmi tous les AG intermédiaires dela biohydrogénation ruminale des AGalimentaires, certains sont absents auniveau du duodénum, ou seulement pré-sents à l'état de traces, car ils sont trèsrapidement métabolisés en d’autres AG.C'est le cas du c9,t11,c15-18:3 (acidelinolénique conjugué). Les acides lino-léiques conjugués sont présents en trèsfaibles quantités (moins de 5% des AGduodénaux), du fait d'une vitesse debiohydrogénation très élevée. L'acideruménique (c9,t11-18:2) représentemoins de la moitié des CLA totaux dansle flux duodénal et en général moins de10% des isomères de 18:2 excluant l’acidelinoléique (c9,c12-18:2). L'isomère t10,c12-18:2 est soit non détectable, soitprésent en quantité très minime (fluxinférieurs à 0,5 g/j dans la grande majo-rité des cas) (Loor et al 2004). Parmi les18:2 non conjugués, le t11,c15-18:2 estprésent en quantités significatives, enmoyenne 0,5% des AG duodénaux,mais il peut atteindre jusqu'à 6% avecdes régimes riches en graines de lin eten aliments concentrés (Loor et al 2004,2005). En moyenne, cet AG représente20% des isomères totaux de 18:2, soitun tiers des quantités de c9,c12-18:2 derégimes non supplémentés en lipides(Glasser et al 2008b), ou des quantitésdu même ordre de grandeur que l’acidelinolénique.

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Le tableau 2 fournit les moyennes etplages de variation des proportions desdifférents isomères du 18:1. Les propor-tions des isomères trans sont supérieu-res à celles des isomères cis. La compo-sition des rations est le déterminantmajeur des proportions des différentsisomères (figure 6). Pour des rations richesen fourrages et non supplémentées enlipides, le t11-18:1 est majoritaire. Avecdes rations uniquement composées defourrages, le t10-18:1 peut ne représen-ter que 0,5% des AG duodénaux (Doreauet al 2003, 2007). L'augmentation de laproportion d’aliments concentrés aug-mente la teneur en t10-18:1 et, associéeà un apport important d'acide linoléique(lipides de tournesol ou de soja), pro-voque une déviation de la biohydrogé-nation de l’acide linoléique de la voiedu t11 vers la voie du t10 (Loor et al2005). Ce sont également les conditionsqui favorisent la production du t10,c12-18:2. Dans ce cas, l'augmentation de laproduction de t10-18:1 peut être trèsimportante ; cet isomère peut représen-ter jusqu'à 20% des AG à 18 atomes decarbone dans le contenu duodénal (Looret al 2005). En conséquence, les laitsissus de ce type de rations présentent unprofil en AG trans plus proche de celuides AG trans des produits industriels(de type margarine), qui exercent deseffets délétères sur la santé humaine ; ilfaut toutefois noter que les quantités deces acides gras dans les produits laitiersactuellement commercialisés sont trèsfaibles.

Les bactéries et les protozoaires peu-vent synthétiser et incorporer des AG.L'incorporation concerne entre autresl'acide linoléique, incorporé dans les lipi-

des polaires ou sous forme d'AG libre.Quand les AG libres sont présents engrande quantité dans le rumen, l'incor-poration dépasse la synthèse, tandis quela synthèse est plus importante pour lesrégimes pauvres en lipides (Bauchart etal 1990). Les flux d'AG bactériens dansle contenu du duodénum sont supérieursaux flux d'AG des protozoaires, car lesprotozoaires restent dans le rumen. Lesflux d'AG bactériens représentent enmoyenne 60% des flux duodénaux d'AGdans le cas de régimes pauvres en lipi-des, mais moins de 50% dans le cas derégimes plus riches en lipides (Schmi-dely et al 2008). Les AG bactériens sont

caractérisés par de fortes proportions d’AGà chaîne impaire ou ramifiée (principa-lement 15:0, 17:0, iso-15:0, iso-17:0,anteiso-15:0, anteiso-17:0) synthétisés àpartir du propionate et des résidus ramifiésd'acides aminés (Vlaeminck et al 2006).

5 / Protection des lipidescontre la biohydrogénation

5.1 / Protection naturelleL'incorporation des lipides dans la

ration sous forme de graines entières estun mode naturel de protection, qui dimi-

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Isomère Rations non supplémentées en lipides

Rations supplémentées en lipides Minimum Maximum

c9 19,6 ± 10,8 21,2 ± 17,6 4,8 58,7 c11 4,8 ± 3,1 6,1 ± 3,7 1,9 16,2

c12 1,5 ± 0,6 1,8 ± 0,9 0,4 3,4 c13 0,5 ± 0,1 0,4 ± 0,1 0,3 0,7 c15 3,7 ± 3,3 3,2 ± 2,3 0,8 11,8 t4 0,8 ± 0,3 0,5 ± 0,1 0,3 1,4

t5 0,7 ± 0,5 0,7 ± 0,6 0,2 1,9 t6+7+8 2,5 ± 0,9 2,3 ± 1,7 0,3 4,4 t9 1,8 ± 0,5 2,1 ± 1,4 0,1 4,6 t10 5,0 ± 3,2 16,2 ± 18,4 0,9 53,3

t11 30,8 ± 12,3 20,4 ± 16,7 2,3 60,2 t12 3,9 ± 1,1 2,9 ± 1,7 0,5 6,1 t13+14 11,1 ± 3,4 10,5 ± 4,9 5,3 18,1 t15 4,9 ± 2,5 4,5 ± 2,3 0,3 9,4

t16 6,0 ± 2,6 3,1 ± 2,1 1,0 10,7 Somme des trans 63,9 ± 16,1 71,7 ± 17,4 25,2 90,5

Tableau 2. Proportions en isomères cis (c) et trans (t) des acides gras (AG) en 18:1 au niveau du duodénum (en g/100 g d’AG18:1 duodénaux) (d’après Glasser et al 2008b, reproduit avec autorisation).

Figure 6. Flux duodénaux des isomères 18:1 trans chez des vaches laitières enfonction du régime (d’après Loor et al 2004). F : régime foin - concentré (65:35) ; C : régime concentré - foin (65:35) ; FL et CL : rations F et C plus 3% d’huile de lin dans la matière sèche.

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nue la biohydrogénation des AG insatu-rés comparativement à l'incorporationsous forme d'huile. Cette diminutiondépend de la dureté des graines et de lataille des particules (graines entières,aplaties, broyées ou moulues). Pour lesoja et le tournesol, les graines entières,voire aplaties, confèrent une certaineprotection, protection qui est en revan-che très faible pour le lin (Maddock etal 2006, Brunschwig et al 2010). Lesgraines entières de colza sont très peudigestibles (Doreau et Michalet-Doreau1987), ce qui limite leur utilisation.L'extrusion des graines de lin, qui se faitsouvent à des températures modérées(environ 140 à 150°C) en comparaisonavec l’extrusion des aliments pauvresen acides gras insaturés, ne diminue pasl'hydrogénation de l'acide linoléniquepar rapport aux graines entières, et aplutôt tendance à augmenter les inter-médiaires de biohydrogénation dontles isomères trans (Doreau et al 2009,Brunschwig et al 2010).

Certains fourrages présentent aussil’intérêt d’être partiellement protégéscontre l’hydrogénation. C’est le cas dutrèfle violet, qui contient une enzyme, lapolyphénol-oxydase, qui transforme lesdiphénols en quinones. Ces dernières selient avec les protéines, assurant uneprotection partielle contre la dégrada-tion des protéines, mais aussi contre lalipolyse. De nombreux travaux in vitroont été réalisés depuis les premiersessais de Lee et al (2004). Parmi les troismécanismes possibles pour expliquer laréduction de la biohydrogénation (inhi-bition directe des lipases endogènes oumicrobiennes, encapsulation des AGdans des complexes de protéines liéesaux quinones, et liaison directe des qui-nones sur les phospholipides), Van Ranstet al (2011) présentent l'encapsulationdes AG par des complexes formés entreprotéines des membranes et quinonescomme le mécanisme le plus plausible.Un essai in vivo n’a pas confirmé cestendances intéressantes (Doreau et al2005), mais il est possible que la varié-té de trèfle utilisée n’ait pas été suffi-samment riche en polyphénol oxydase.

Les tanins présents dans certainesplantes se lient aussi aux protéines etprotègent également les lipides de labiohydrogénation. Ceci a été montrépour la première fois par Vasta et al(2009) qui ont observé un effet de plan-tes riches en tanins mais aussi d’extraitsde tanins. Jayanegara et al (2011) ontmontré une corrélation entre d’une partla teneur en tanins des fourrages et d’au-tre part l’acide linolénique et plusieursintermédiaires de la biohydrogénation,suggérant un effet à différents stades duprocessus de biohydrogénation. Cepen-dant, les tannins semblent plutôt induireune accumulation des intermédiaires de

biohydrogénation, tels que le t11-18:1,en inhibant préférentiellement la dernièreétape de la biohydrogénation, qu'uneréelle protection des AGPI, ce qui réduitleur intérêt comme agent de protectiondes lipides (Khiaosa-Ard et al 2009,Vasta et al 2009).

Enfin, des essais in vitro ont montréque certaines huiles essentielles pour-raient réduire la biohydrogénation. C’estle cas du cinnamaldéhyde (Lourenço etal 2008), mais cela n’a pas été confirméavec de l’huile essentielle de cannelledont le principal composant est le cinna-maldéhyde (Laverroux et al 2011a). C’estégalement le cas de l’extrait d’ail ou deses composés (Lourenço et al 2010a,Laverroux et al 2011a), qui réduisent àla fois la disparition de l’acide linolé-nique et l’apparition de l’acide stéariqueen accroissant les AG insaturés intermé-diaires de biohydrogénation. Les méca-nismes sont inconnus, mais une inhibi-tion de certaines espèces bactériennesest probable comme l’ont montré Durmicet al (2008) avec de nombreux extraitsde plantes récoltées en Australie : leursrésultats suggèrent une inhibition sélec-tive de Clostridium proteoclasticum(aussi appelée Butyrivibrio proteoclasti-cus), qui est impliqué dans la formationd’acide stéarique, sans inhibition deButyrivibrio fibrisolvens. Dans le cas oùl’usage d’extraits de plantes se dévelop-perait, une validation in vivo serait bienentendu nécessaire.

5.2 / Utilisation de procédés tech-nologiques

Différentes technologies pour dimi-nuer la vitesse et l'ampleur de la bio-hydrogénation des lipides dans le rumenont fait l'objet de recherches depuis plu-sieurs décennies. La revue de Jenkins etBridges (2007) a fait le point sur cestechniques de protection et celle deFievez et al (2007) sur l'évaluation duniveau de protection. Une des premièrestechniques est l'encapsulation des huilesémulsifiées dans une matrice de protéi-nes traitées au formol. La coque de pro-téines protège les lipides de l'attaquepar les micro-organismes du rumen, puiselle est dissociée dans la caillette per-mettant la libération des lipides dansl'intestin grêle. Cette méthode est, jus-qu'à présent, la plus efficace, les limitesétant la rupture de la coque lors de lamastication et la maîtrise de la fabrica-tion. McDonald et Scott (1977) mention-nent un taux extrême de 20% d'acidelinoléique dans le lait obtenu avec del'huile de lin encapsulée et de 35% avecde l'huile de carthame encapsulée. Cettetechnique n'a pas eu de d'applicationcommerciale du fait de son coût et aussiparce qu'elle a été conçue à un momentoù l'augmentation de la teneur en AGPIdans le lait n'était pas recherchée. De

plus, une telle augmentation des AGPIdans le lait peut avoir des conséquencesnégatives sur le point de fusion desmatières grasses et donc sur les caracté-ristiques des produits laitiers. Des alter-natives au formol (interdit dans plu-sieurs pays) ont été récemment testées,telle que l'incorporation des lipides dansun gel de protéines de lactosérum (Carrollet al 2006). Cela semble assez efficace,mais reste à confirmer. Le prétraitementdes lipides tels l'émulsification ou dansune moindre mesure le traitement à lasoude, peuvent conférer une certaine pro-tection (Fievez et al 2007). Le traite-ment des graines oléagineuses avec duxylose, basé sur la réaction de Maillard,ou l'absorption d'huile dans des fibresminérales ne semblent pas efficaces(Sinclair et al 2005).

La protection chimique en bloquant legroupement carboxyle COOH (qui doitêtre libre pour que la biohydrogénationait lieu) est une autre façon d'empêcherla biohydrogénation. Les savons de cal-cium ont été largement utilisés pourincorporer des AG d'huile de palmedans les rations de ruminants. Ils sontconsidérés comme inertes car ils n'af-fectent pas la digestion des fibres dansle rumen, même à forte dose. Toutefois,il a été montré qu'ils ne sont pas effica-ces pour protéger les AGPI de la bio-hydrogénation ruminale (Ferlay et al1993). Les savons de calcium ont aussiété essayés pour protéger des CLA, sansrésultat probant (de Veth et al 2005).Ceci résulte sans doute du fait que lessavons d'AG insaturés sont davantagedissociés, pour un même pH, que lessavons d'AG saturés, du fait de différen-ces entre leurs pKa. Une technique plusrécente est la synthèse d'amides à partirdes AG. Les AG insaturés sont liés, parune liaison amide, à une source d’aminetelle que la butylamine, l'éthanolamineou l'ammoniaque. Le taux de protectiona été évalué pour l'oléamide (acide oléi-que), la butylsoyamide et l'hydroxy-ethylsoyamide (AG de soja). Une pro-tection partielle, à l’origine d’une aug-mentation des AG insaturés dans le lait,a été constatée (Jenkins et Bridges,2007). Cependant cette technique n'estpas utilisée sur le terrain.

6 / Absorption intestinaledes AG

Les AG résultant du métabolismeruminal atteignent le duodénum princi-palement sous forme adsorbée sur lesparticules alimentaires ou les bactéries,voire incorporés dans les bactéries. Lesmécanismes d'absorption intestinalechez les ruminants sont proches de ceuxdes monogastriques (Bauchart 1993),mis à part le fait que les AG entrent dans

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l'intestin majoritairement sous formelibre, non estérifiés et saturés. L'absencede monoglycérides dans le duodénumdes ruminants est compensée par la pré-sence de lysolécithines dans la bile, pro-duites par des phospholipases à partirdes phospholipides bactériens et/oubiliaires. Les AG sont désorbés et solu-bilisés par les sels biliaires et les lysolé-cithines, puis passent dans une phasemicellaire (micelles mixtes) qui permetleur absorption au niveau du jéjunum.

L'absorption intestinale des AG nepeut être mesurée de façon fiable qu'en-tre le duodénum et l'iléon terminal, ou àla rigueur les fèces, en utilisant des ani-maux canulés au niveau du duodénumproximal et si possible de l'iléon termi-nal. Une revue de la littérature montreque la digestibilité intestinale varie entre55 et 92% (Doreau et Ferlay 1994).Cette variabilité n'est pas expliquée parles quantités ou les profils d'AG ingérés.Estimées par méta-analyse, les digestibi-lités apparentes sont en moyenne de 67,67, 77 et 75% pour les AG en C12, C14,C16 et C18 respectivement (Schmidely

et al 2008). Parmi les AG en C18, lesdigestibilités apparentes sont plus fai-bles pour les 18:0, 18:2 et 18:3 (74, 72et 70%, respectivement) que pour les18:1 cis et trans (78 et 82%) (Glasser etal 2008b). Pour les AG en C20 et C22les données sont moins nombreuses ; lesdigestibilités apparentes sont en moyen-ne de 70% (respectivement pour 35 et 22données publiées). Du fait que les diffé-rences de digestibilité entre AG sont fai-bles, la composition des AG absorbés estproche de celle des AG atteignant leduodénum, et cette dernière peut servirde base pour établir des relations entrecomposition des AG d'origine digestiveet composition des AG du lait (Glasseret al 2008a).

Conclusion

Les processus de biohydrogénationsont la résultante de nombreuses réac-tions biochimiques catalysées par lesenzymes des bactéries du rumen. LesAGPI sont très largement hydrogénés,

avec formation de nombreux isomèresinsaturés, pouvant se retrouver dans lesproductions des ruminants, et dont lerôle sur la santé humaine est inconnupour la plupart d’entre eux. Il existe unedifférence majeure dans le nombre et lacomposition des AG de produits, entred’une part, le lait et la viande de rumi-nants et d’autre part, la viande de porcet de volailles. De plus, il est beau-coup plus facile de modifier la com-position en AG de la viande de mono-gastriques que celle de la viande deruminants. En dépit de la complexité desinteractions entre le type de ration etl’écosystème microbien ruminal, quiest la cause de la forte variabilité de lacomposition en AG dans les digesta, lesprincipaux mécanismes qui régissent lacomposition des AG absorbés dans l’in-testin par les ruminants sont désormaisconnus. En particulier, des teneursélevées en aliments concentrés et enlipides dans la ration peuvent entraînerun changement de la composition en AGdans les digesta et donc in fine dans lesproduits.

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Métabolisme ruminal et digestion des acides gras longs chez le ruminant / 373

La maîtrise de la composition en Acides Gras (AG) des produits animaux est l'une des composantes de l'amélioration de leur qualiténutritionnelle, passant par exemple par une diminution des AG saturés réputés athérogènes et une augmentation des AG polyinsaturésde la série n-3 (oméga-3) dans les produits de ruminants. Chez les ruminants, les AG longs ingérés subissent des transformations struc-turales importantes dans le rumen, principalement des réactions de saturation, trans isomérisation et conjugaison des doubles liaisons.La composition des AG arrivant dans l'intestin grêle puis absorbés est donc complètement différente de celle des AG ingérés, avec deplus l'apparition de très nombreux isomères issus de l'action du microbiote ruminal sur les AG. Ces phénomènes sont très étudiés depuislongtemps, mais les récents progrès dans l'analyse des AG d'une part et dans l'étude du microbiote ruminal d'autre part ont permis d'af-finer les connaissances depuis quelques années. Cet article présente l'état des connaissances sur les mécanismes ruminaux de lipolyse etde biohydrogénation des AG insaturés alimentaires dans le rumen (y compris des données récentes sur les AG à 20 et 22 carbones), l'am-pleur de la biohydrogénation et l'effet des facteurs alimentaires, les flux et la composition des AG arrivant dans l'intestin, la protectiondes lipides contre la biohydrogénation et l'absorption intestinale des AG. Ces connaissances permettent de mieux comprendre et prévoirle devenir des AG ingérés et donc potentiellement de mieux maîtriser la composition en AG des produits de ruminants.

Résumé

Abstract

INRA Productions Animales, 2012, numéro 4

Ruminal metabolism and digestion of long chain fatty acids in ruminants: recent advances in knowledge

Nutritional quality of animal products is controlled among others by their Fatty Acid (FA) composition, such as a decrease in satu-rated FA and an increase in n-3 series (omega-3) FA in milk and meat. In ruminants, dietary FA are extensively metabolized in therumen, mainly through hydrogenation and isomerisation. Composition of FA reaching the duodenum is thus completely differentfrom that of dietary FA, including the appearance of numerous isomers produced by the action of rumen microbes on FA. Theseprocesses have been widely studied, but recent improvement in FA analysis techniques on the one hand, and in the knowledge of theruminal microbial ecosystem on the other hand, have resulted in a rapid refinement of available information. This paper presents thestate of knowledge of the mechanisms of ruminal lipolysis and biohydrogenation, including recent data on 20- and 22-carbon FA, onthe extent of biohydrogenation and its control by feeding, on the flow and composition of FA reaching the duodenum, on the protec-tion of lipids against biohydrogenation and on FA intestinal absorption. This information allows a better understanding and predic-tion of the fate of dietary FA, and thus provides tools for a better control of FA composition in ruminant products.

DOREAU M., FIEVEZ V., TROEGELER-MEYNADIER A., GLASSER F., 2012. Métabolisme ruminal et digestiondes acides gras longs chez les ruminants : le point des connaissances récentes. INRA Prod. Anim., 2012, 25, 4, 361-374.


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