CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018 I 1
Méconnaître
CYCLE NATIONAL 2017-2018
CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES
AU CHILI
Promotion Jeanne Barret
CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018 I 3
SOMMAIRE
Préambule
Orientations générales
Remerciements
1 Ce que l’art chilien nous dit de la société chilienne Catherine AMIEL, Dominique BAILLARGEAT, Florence LEFEBVRE-JOUD, Céline PIERRE, Muriel SINANIDES
3 La notion de résilience au Chili et le rapport au temps Isabelle BERGERON, Sylvain PERRET, Fabien SERAIDARIAN, Nakita VODJDANI
4 Où et comment se passe la diffusion scientifique et technique, où et comment se passe le débat sur les enjeux de santé publique ?
Giovanni ANELLI, Mikaël CONTRASTIN, Anne-Marie DUVAL, Caroline TOURBE
5 Quelles correspondances entre les défis du Chili et les dynamiques d’innovation ?Agnès BEHAR, Laurence GRANDJEAN, Catherine PACHERIE-SIMERAL, Jacques ROSEMONT
6 Les fondamentaux des biens communs,des biens sociaux et des biens économiques du Chili Corinne BAUER, Christian FILLON, Guillaume RAVEL, Georges WEIL
7 Les particularités du lien entre le système de production des connaissances et l’organisation sociale
Fabien BLANCHOT, Flavio CHIOMENTO, Frédéric DAMEZ, Pascal ODOT
8 Les faces de la philosophie et de la mémoire chilienneJean-Marc DELTORN, Guillaume HOUZEL, Sabine TUYARET
9 Le Chili, une terre latino-européenne ?Christian DUCROT, Fabrice IMPERIALI, Audrey MIKAËLIAN, Bruno PREVOST
10 Mobilités et réseaux au Chili : les effets de la géographie, de l’histoire et des organisations sociales et familiales
Daniel BRUNO, Virginie FARRE, Marie-Line VAIANI, Maud VINET
Annexe
4 I CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018
MéconnaîtreSession 8 au Chili • 08 -15 avril 2018
PRÉAMBULE
Les voyages d’études du cycle national de l’IHEST sont l’occasion de rencontres et de débats. Ils
visent à apprécier d’autres modèles d’émergence de la connaissance et à mesurer l’importance
des facteurs culturels et géopolitiques dans le développement de la recherche, de l’éducation et
de l’innovation.
À l’issue de ces déplacements, des carnets de voyages sont demandés aux auditeurs répartis en
groupes. Chaque groupe doit remettre, sur le thème choisi, un chapitre des carnets de voyage
de trois à quatre pages. Ces chapitres témoignent de la découverte, circonscrite dans le temps et
l’espace, de pays aux contextes politiques et culturels différents, ils expriment les étonnements
collectifs.
Ces étonnements ne sont ni un compte rendu de visites, ni une critique franco-centrée des per-
sonnes et institutions rencontrées, mais le repérage d’éléments originaux et structurants dans les
interventions et visites proposées.
L’ensemble constitue les « Carnets du voyage d’études » qui font l’objet d’une publication.
CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018 I 5
MéconnaîtreSession 8 au Chili • 08 -15 avril 2018
ORIENTATIONS GÉNÉRALES
Méconnaître amène à considérer ce qui aurait pu, d’un re-
gard trop rapide, ne pas être identifié et à ouvrir des pers-
pectives plus complexes de recherche. Puisque nous avons
pris le temps, dans la session précédente, de croiser les
regards sur l’erreur, et mis en lumière certaines de ses ca-
ractéristiques : féconde, humaine, soumet le collectif à une
réflexion, a des conséquences visibles, est source d’oppor-
tunités, fait évoluer les valeurs, ouvre au partenariat, n’est
pas intentionnelle, a des effets non escomptés et est inhé-
rente à l’action, nous pouvons nous risquer à faire des hypo-
thèses sur « Chili et méconnaître ». Et, comme un auditeur le
souligne « ma seule certitude est que l’inconnu de demain
est l’incertitude du connu d’aujourd’hui ».
En 1605, un marin portugais soupçonne l’existence du conti-
nent antarctique, qu’il appelle Terra australis incognita.
Nous pourrions faire ici le lien entre nos voyages au Portugal
et au Chili, passer du départ vers l’inconnu à l’arrivée en
pays méconnu. Chili ne signifie-t-il pas « endroit où finit la
terre » ? Le continent arctique, ce sont 14 millions de km²
dont 1 250 000 appartenant au Chili, laissés libres aux re-
cherches scientifiques par un traité ratifié en 1959 par douze
pays. Les revendications territoriales y sont gelées et les
activités commerciales interdites. Sur cette terre méconnue,
on cherche hors frontières.
Méconnu sur l’échiquier mondial jusque dans les dernières
décennies du siècle passé, ce pays qui ne peut se résumer,
étiré sur quelques 4 300 km, large d’un peu plus de 350 km
traversé par bien des climats, doté de paysages à couper
le souffle, composé d’une mosaïque de cultures, dont cer-
taines puisent leurs origines très profondément dans cette
terre, manifeste depuis longtemps une identité propre. Dès
la première constitution, en 1833, la nation a été consoli-
dée grâce à une attention particulière portée à l’éducation.
Aujourd’hui, poètes, écrivains, scientifiques et philosophes
chiliens font autorité.
Une légende Mapuche rappelle que le Dieu de la mer se mit
à élever le niveau des mers, aussitôt le Dieu de la Terre haus-
sa les terres et les montagnes. L’affrontement dura un cer-
tain temps. Le Chili pays des tremblements de terre, dispose
de la fosse marine la plus profonde du monde (7 000 m) et
de terres occupées à 80% par les montagnes. Tout est pro-
fondeur et contraste. Ce pays riche de ressources naturelles
actualise ses richesses (cuivre, argent, charbon, blé, fruits,
élevage, pêche, bois…) à force d’exploration, de prospection
et de travail. Et simultanément, dans l’Atacama, on passe
du désert absolu à un infini qui semble tout aussi absolu :
grâce à la transparence de l’atmosphère, des astronomes
du monde entier accèdent aux galaxies situées à plus de
10 milliards d’années lumières. Là aussi on y cherche hors
frontières.
Face à cet ensemble, où se trouvent les forces d’innovation
du Chili ? Comment éducation et recherche se lient-elles à
l’économie, à la vie sociale et politique de ce pays deve-
nu membre de l’OCDE en 2010 et tellement lié à l’Europe ?
Grâce à quels dialogues se fonde son identité intellec-
tuelle ? Comment réussit-il à afficher sa stabilité tout en étant
soumis à des mouvements si puissants ? Développe-t-il un
modèle d’innovation bien à lui, qui couplerait méconnaître
et résilience.
Muriel MAMBRINI-DOUDETDirectrice de l’IHEST
6 I CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018
Le Portugal, terre européenne d’innovationles dynamiques de décision
REMERCIEMENTS
L’IHEST adresse ses profonds remerciements à toutes les personnes et les institutions sans qui ce programme n’aurait
pu aboutir, à nos conférencières et conférenciers et à toutes celles et ceux qui ont pris le temps de préparer avec nous
ce programme, pour accueillir et dialoguer avec les auditeurs. Nos premiers remerciements vont à Roland Dubertrand,
l’ambassadeur de France au Chili, pour son soutien et l’accueil qu’il réserve à notre délégation. Nos remerciements
chaleureux vont aussi particulièrement à Ingrid Chanefo, attachée de coopération scientifique et universitaire pour son
aide précieuse et dynamique dans la programmation de ce voyage, son implication, sa disponibilité et son écoute. L’Institut
remercie également le centre Inria Chile et plus spécifiquement Claude Puech, Blandine Bussière et Julia Allirot pour les
nombreux conseils qu’ils nous ont prodigués pendant toute la phase de préparation de notre programme et pour avoir
organisé notre visite à l’université catholique. Nous adressons également des remerciements tout particuliers à Sergio Silva
avec qui nous avons abondamment correspondu pour organiser notre programme à Antofagasta.
Nous remercions Enrique Aliste, géographe et professeur à l’Université du Chili qui a la lourde tâche d’ouvrir ce programme
et de nous présenter, à peine arrivés, comment il est façonné. Nous tenons également à remercier Juliette Marin et Jaime
Campos pour le parcours qu’ils ont préparé à travers toute l’envergure du projet interdisciplinaire qu’ils développent. Merci
aussi à Alejandro Maass pour sa présentation du Centre de Modélisation Mathématiques et pour mettre en exergue la
vigueur des relations scientifiques franco-chiliennes. Merci aux dirigeants du Centre d’innovation Anacleto Angelini de nous
accueillir et de nous présenter leurs activités. Nos sincères remerciements vont aussi aux organisateurs du festival Puerto
de ideas et, outre Sergio Silva, à Chantal Signorio pour venir rencontrer les auditeurs et leur présenter le festival à la veille
de son ouverture. Nous tenons à remercier les autorités de l’Observatoire de Cerro Paranal pour nous ouvrir les portes
de leurs installations et Claudio de Figueiredo Melo pour nous accompagner tout au long de cette visite extraordinaire.
Les rencontres à l’Université Catholique du Nord n’auraient pu avoir lieu sans la contribution de Rodrigo Riquelme que
nous remercions chaleureusement. Merci également à Erika Tello pour venir présenter aux auditeurs l’action de l’université
en faveur des immigrants. L’organisation de la journée portant sur la société chilienne a été possible grâce à l’accueil du
Musée de la mémoire et des droits de l’homme. Cette journée n’aurait pu avoir lieu sans les recommandations de Giovanna
Zamorano, Nona Fernández, Fabiola Miranda Pérez, Fabien le Bonniec et José Luis Martinez que nous tenons à remercier
pour leur participation.
L’équipe de l’IHEST tient également à remercier toutes les personnalités qui ont donné de leur temps pour l’aider à imaginer
et organiser ce voyage et avec qui elle a eu de nombreux et riches échanges : Guillaume Boccara, anthropologue, directeur
du Centro Franco Argentino de Altos Estudios de la Universidad de Buenos Aires, Maurizio Lopez, étudiant en droit à
l’Universidad Catolica del Norte (campus de Coquimbo), Jacques Demongeot, professeur à la Faculté de médecine de
l’université de Grenoble Alpes, Mathieu Potte-Bonneville, responsable du pôle Idées et savoirs, Département Langue
Française, Livre et savoirs à l’Institut Français, Marianne Vidal-Marin, chargée de mission Nouveaux acteurs de la
Citoyenneté, Pôle Idées & Savoir, Institut Français et Olivier Ihl, professeur à l’IEP de Grenoble.
CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018 I 7
Le Portugal, terre européenne d’innovationles dynamiques de décision Méconnaître
8 I CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018
1 Ce que l’art chilien nous dit de la société chilienne
Même si peu de temps était directement consacré à l’art lors
de ce voyage d’études il est frappant de constater à quel
point il est présent dans toute la société chilienne que ce soit
sur les façades, au gré de nos déambulations citadines, qu’il
témoigne de l’importance des éléments naturels, ou nous
questionne sur la dictature et le devoir de mémoire. Les ar-
tistes se sont emparés des sujets de société qui font l’objet
de débat dans le Chili contemporain. L’art illustre également
deux aspects, marquants, de ce voyage au Chili : d’une part
un État absent, notamment dans la définition d’une politique
culturelle, et, d’autre part, une société chilienne fractale.
1. ART ET ENVIRONNEMENT
Le Chili est une terre d’extrêmes (feu, glace, tremblement
de terre et tsunami) et l’art témoigne de cette nature ex-
ceptionnelle qui est un marqueur fort de l’identité chilienne.
Ainsi, les reproductions d’art rupestre et les œuvres naïves
contemporaines du musée d’Antofagasta sont très large-
ment axées sur la faune et l’environnement.
L‘art Mapuche représente également ces forces naturelles.
Une pièce en pierre taillée représente deux serpents, ce-
lui de la mer et celui de la terre, illustrant la légende selon
laquelle lorsque le Dieu de la mer se mit à élever le niveau
des mers, aussitôt le Dieu de la terre haussa les terres et les
montagnes.
2. LA DICTATURE, SILENCE ARTISTIQUE
ET DEVOIR DE MÉMOIRE
L’activisme culturel initié par Allende semble perdurer au-
jourd’hui, maintenant le lien entre engagement artistique et
engagement politique de gauche.
Ainsi les artistes ont-ils contribué et/ou témoigné de la chute
de la dictature de Pinochet après en avoir été les premières
victimes, (mort de Pablo Neruda ou Victor Jara, chanteur en-
gagé du mouvement de la Nueva Chanson Chilena, exil de
Raul Ruiz, réalisateur…).
Les artistes jouent un rôle important dans l’exercice du de-
voir de mémoire, même si la société chilienne semble divi-
sée sur le sujet.
Les arts, et tout particulièrement le cinéma et la littérature,
traitent de ce devoir de mémoire et racontent cette période,
comme le fait Nona Fernández, écrivaine, actrice et scéna-
riste dans son livre La 4e dimension.
Il en est de même des peintures murales qui, si elles
sont physiquement transitoires, marquent néanmoins les
consciences de façon durable, répondant ainsi au « devoir
de mémoire ».
Le Musée de la mémoire et des Droits de l’Homme, inaugu-
ré en 2010, se définit comme un espace donnant à voir les
violations des droits de l’homme commises par l’État chilien
entre 1973 et 1990. Ce musée, dont le bâtiment est en lui-
même une œuvre d’art, permet de témoigner des exactions
de la dictature, mais, de façon surprenante, il s’agit de do-
cuments d’archive et il n’est pas laissé beaucoup de place
dans ce lieu à l’expression artistique pour témoigner de
cette période ou symboliser ce devoir de mémoire.
3. L’ART REFLET ET MOYEN
D’EXPRESSION DE LA SOCIÉTÉ
CHILIENNE ? L’art et notamment le cinéma s’ouvrent, au-delà de la dic-
tature, aux sujets de société contemporains. Les sujets tels
Catherine AMIEL
Dominique BAILLARGEAT
Florence LEFEBVRE-JOUD
CélinePIERRE
Muriel SINANIDES
CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018 I 9
que les violences faites aux femmes sont traités par des
médias artistiques –une chanson a ainsi été écrite sur ce
thème– ou servent de toile de fonds à des films.
Le sujet de l’immigration est également au cœur de la créa-
tion artistique. En effet, après avoir été un pays d’exil, avec
une diaspora qui a eu une certaine influence sur l’organisa-
tion du pays, le Chili est maintenant devenu une terre d’im-
migration (notamment de la communauté haïtienne).
Le muralisme est une forme artistique importante au Chili
et constitue un moyen d’expression alternatif. Forme d’art
ancienne au Chili, apparue dès les années 1960 durant les
luttes politiques, le muralisme a pris réellement son envol
suite au coup d’état de 1973. Avec le retour à la démocratie
de nouvelles revendications et messages divers fleurissent
sur les murs : maintien de la mémoire, revendications du
peuple mapuche, politique et droits humains, santé et po-
pulation, écologie ou même messages plus personnels.
Dans une société où l’art est sujet aux lois de la commercia-
lisation, c’est une prouesse pour un groupe d’artistes ano-
nymes que d’exprimer une réalité sur un mur et de l’offrir à
tous les regards1. De par sa place dans l’espace public, son
caractère gratuit et éphémère, sa dimension humaine, ses
dynamiques innovantes et changeantes, le muralisme trans-
forme un mode de vie fortement influencé par les logiques
marchandes tendant à atomiser la société et à baser toute
relation sur une logique économique.
Mais il est difficile de dire si cette expression artistique très
ancrée à gauche est représentative, sur l’un ou l’autre des
sujets qu’elle traite, de la société et dans quelle proportion.
4. UNE POLITIQUE D’ÉTAT PEU PRÉSENTE
Après la dictature, la culture acquiert un rôle fondamen-
tal dans le développement social et politique du Chili. Le
manque d’institutions culturelles n’a pas permis l’émer-
gence d’une véritable politique culturelle chilienne et le
gouvernement s’est longtemps contenté de déléguer aux
universités toute responsabilité en la matière. Il faut en effet
attendre juillet 2003 pour que soit créé le Conseil national
de la culture et des arts du Chili. Il s’agissait alors d’une ini-
tiative historique visant à couvrir un large champ d’interven-
tion publique dans le domaine restituant à la culture son rôle
central. Le Conseil n’a cependant pas réussi à mobiliser une
réelle participation citoyenne et n’a pas été en mesure de
surmonter la fragmentation du secteur culturel2.
L’absence d’une véritable stratégie culturelle a trouvé à s’il-
lustrer à plusieurs reprises au cours du voyage :
La place de l’art dans le système éducatif chilien semble
limitée. Ainsi, un seul doctorat en art, délivré par la Pontifi-
cia Universidad Católica de Chile (UC) à Santiago, existe au
Chili. Lors de notre voyage, les autorités de l’UC, tout comme
celles de l’Universidad Católica del Norte à Antofagasta, ont
indiqué promouvoir la pratique et la découverte des arts et
de la culture (théâtres, cinéma, musique) sur les différents
campus pour les étudiants, mais nous ont présenté ces dé-
marches comme restant relativement exceptionnelles.
À noter toutefois le Festival Puerto des Ideas à Antofagas-
ta qui rassemble penseurs, chercheurs et artistes. Il propose
des rencontres ouvertes à tous et des programmes péda-
gogiques et de médiation scientifique dans un esprit mul-
tidisciplinaire, promouvant l’intégration et la convergence
des savoirs de diverses disciplines telles que la littérature,
l’histoire, la philosophie, la sociologie, les arts, les mathéma-
tiques ou les neurosciences. Ainsi, pour son édition 2018,
des œuvres de théâtre scientifique, une sur Darwin et une
sur l’intelligence artificielle, ont-elles été présentées dans le
cadre de ce festival.
Le musée régional d’Antofagasta s’appuie quant à lui sur
une démarche « de bas vers le haut » pour porter des pro-
jets, notamment en matière d’environnement, en lien avec
les populations locales. Une exposition d’œuvres naïves
en cours durant notre séjour a permis d’illustrer ce besoin
d’identifier et de traiter des problématiques locales d’Anto-
fagasta par et pour ses habitants. Il reflète un réel besoin
de décentralisation, de développement culturel local. La
question de la conciliation entre le besoin d’ouverture au
tourisme, de la préservation du patrimoine d’art rupestre et
de celle de l’environnement est posée au niveau local.
S’il existe une École d’Architecture à la Pontificia Universi-
dad Católica de Valparaíso, fondée par l’architecte Alber-
to Cruz et le poète Godofredo Lommi, reconnue dans bien
des pays européens (par exemple, Borja Huidobro, formé
dans l’école, est l’architecte du ministère des finances en
France), la recherche artistique architecturale ne semble pas
imprégner l’urbanisation de Santiago. Certes, certains bâti-
ments anciens et rénovés sont le siège de lieux de culture,
de pouvoir ou d’université, et quelques bâtiments récents,
tel que l’UC ou le Musée de la mémoire, portent un véritable
message architectural, mais les communes de Santiago et
d’Antofagasta ne semblent pas porter de projet architectural
d’ensemble.
Enfin, dernière illustration de la faiblesse de la politique
culturelle au Chili : le prix prohibitif des livres, du fait, notam-
ment, d’une TVA unique à 19% imposée à partir de 1976 par
le régime de Pinochet et toujours en vigueur.
La situation est toutefois susceptible d’évoluer avec la créa-
tion, récente, d’un ministère des Cultures et du Patrimoine3,
qui comme son nom l’indique devrait faire plus de place aux
1 C. Steygers, Le muralisme à Valparaiso : un art critique, reflet de sa société, Université Catholique de Louvain, 20112 N. Munoz del Campo, La culture au Chili : réflexions sur un processus de constitution d’une catégorie d’intervention publique, Cahier des Amériques Latines, 2013
10 I CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018
arts dans toute leur diversité. En effet, les savoir-faire liés
à l’artisanat traditionnel relèvent pour partie du patrimoine
culturel immatériel de l’humanité, il est important de recen-
ser et documenter ces pratiques avant qu’elles ne dispa-
raissent. La question de la préservation de l’art indigène n’a
pas été abordée lors du séjour et ni sur les différents lieux
visités, ce qui interroge sur sa sauvegarde et sa place dans
le patrimoine artistique chilien.
5. L’ART TÉMOIN D’UNE IDENTITÉ
CHILIENNE FRACTALE
L’art est un élément indispensable de la constitution d’une
identité nationale. La société chilienne est d’une très grande
mixité, et la mosaïque des populations vivant au Chili té-
moigne d’une histoire et de flux migratoires extrêmement
riches. Cette diversité de population se retrouve dans la pro-
duction artistique. Ainsi au Musée d’Antofagasta des objets
d’origine européenne côtoient des objets d’origine asiatique
et des représentations d’art rupestre. Parmi les communau-
tés indigènes, la plus importante et la plus active politique-
ment est celle des Mapuches (9,1% de la population). Pour
les communautés indigènes, les arts (art rupestre, théâtre,
chorégraphie, danse, chant et musique) sont les vecteurs de
transmission des légendes et savoirs traditionnels à travers
le temps. Ce voyage ne nous a pas permis d’établir quelle
place était consacrée aux arts indigènes dans l’art chilien.
Est-ce en soit un indice ?
3 https://www.gob.cl/ministerios/ministerio-de-las-culturas-las-artes-y-el-patrimonio/
CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018 I 11
3 La notion de résilience au Chili et le rapport au temps
Définir la résilience :
“l’art de naviguer entre les torrents”
(Boris Cyrulnik)
Nous privilégions une approche de la résilience issue des
sciences sociales, plutôt que celle, stricte, de la résilience
physique –capacité d’un corps à retourner à son état ini-
tial après une perturbation– même si, dans la réalité, cette
distinction reste complexe. Dans cette optique, la rési-
lience constitue la capacité pour un individu ou un collectif
(groupe, organisation) à faire face à une situation difficile,
un choc, générateur de stress, de tensions, de difficultés
et de dommages d’ordres divers (psychologiques, sociaux,
matériels…). Cette faculté n’est pas forcément acquise, mais
se construit plutôt par la capitalisation d’expériences et leur
évaluation, l’acquisition progressive de réflexes d’auto-pro-
tection, la recherche d’équilibre et de l’évitement de ten-
sions potentielles ou de situations risquées, de la créativité
et de l’innovation dans la construction de solutions.
1. CE QUE LA NATURE IMPOSE AU
PEUPLE CHILIEN : VIVRE ET SE
PRÉPARER À CONTINUER À VIVRE
SOUS LA MENACE DE CATASTROPHES
NATURELLES
Terre de tous les dangers, le Chili est exposé à tous les
risques naturels : tremblements de terre, tsunamis, inonda-
tions, incendies et éruptions volcaniques. De par sa géogra-
phie particulière, étiolée le long de l’arc de feu du pacifique
–où la convergence de deux plaques tectoniques majeures
provoque des séismes de magnitude 8 tous les dix ans en-
viron– le Chili est un des pays au plus fort risque sismique
(plus de 8 000 secousses par an). Il a notamment été té-
moin du plus fort tremblement de terre jamais enregistré,
le 22 mai 1960, avec le séisme de Valvidia, de magnitude
9,5, qui avait rompu plus de 1 000 km de contact entre les
deux plaques à l’œuvre, et provoqué un tsunami dont les
effets destructeurs ont été ressentis dans tout le Pacifique,
laissant un bilan désastreux de plus 5 700 morts et 2 millions
de sans-abri. Aucune ville de la côte n’a été épargnée par
les tremblements de terre, et les tsunamis sont une autre
terrible réalité chilienne, dont on retrouve l’évocation dès le
XVIe siècle.
Les conséquences majeures sur les vies humaines, l’environ-
nement naturel, et la vie économique ont longtemps accablé
le pays. Alors que très vite les plans d’urbanisme adoptaient
des normes strictes de construction antisismique qui ont fait
leurs preuves (seuls 6 des 6 000 immeubles de Concepción
ont été terrassés par le tremblement de terre de magnitude
8.8 de 2010), le gouvernement tardait à mettre en place les
coordinations nécessaires qui incombent à ses fonctions de
protection civile, laissant aux seules populations vulnérables
et démunies le ressort de protection et de leur résilience.
Le séisme de magnitude 8,8 et le tsunami gigantesque
consécutif du 27 février 2010 à Concepción ont dévasté le
pays, avec un bilan de plus de 7 520 morts et 2 millions de
déplacés. Il s’agissait du premier séisme sous l’ère démo-
cratique, mais aussi le premier sous l’ère d’Internet, placé
sous le regard du monde entier, les failles de l’état dévoi-
lées par les réseaux sociaux. Isolement des populations si-
nistrées, désorganisation des secours, manque d’autonomie
énergétique et de communication des centres de secours
névralgiques, manque de préparation et de communica-
tion des responsables, partout, on a assisté à des scènes
Isabelle BERGERON
Sylvain PERRET
Fabien SERAIDARIAN
Nakita VODJDANI
12 I CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018
de désespoir suivies de violents pillages, qui ont mené à
une interpellation des autorités et à l’instauration d’un état
d’exception de catastrophe afin de garantir l’ordre public et
d’accélérer les secours. Le retard pris dans la décision d’en-
voyer l’armée pour intervenir dans les lieux reculés et isolés
a été en partie lié au fait que cela aurait été la première fois
après l’ère Pinochet que l’armée serait intervenue auprès de
la population civile. Cette intervention tardive a généré des
pillages et un soulèvement de la population.
Dégâts post-tsunami en 2010
L’impact médiatique de cette catastrophe a sans aucun
doute contribué à faire bouger les choses. Le Chili a réalisé,
et ce, devant les caméras du monde entier, qu’il n’était pas
préparé, un travail systématique s’est mis en place aboutis-
sant à la création de l’Onemi1, Office national des urgences.
La coopération internationale a permis, par ailleurs, d’attirer
des spécialistes, d’élever les standards, d’accélérer la re-
cherche (exemple du programme Citrid à l’Universidad de
Chile2**, et du projet H2020) et de bénéficier des bonnes
pratiques internationales avec notamment la constitution
d’une plateforme nationale de protection civile visant la ré-
duction des risques et une véritable politique nationale de
gestion des risques.
Les effets des efforts de réduction de l’impact des risques
n’ont pas tardés à être sensibles : lorsque le 16 septembre
2015, la ville côtière de Coquimbo (150 000 habitants) est à
son tour dévastée par un tsunami de 4,5 mètres suivant un
tremblement de terre de 8,4 sur l’échelle de Richter, seules
9 personnes perdent la vie – alors même que des séismes
de moindre magnitude laissaient sans vie des dizaines de
milliers de personnes en Haiti et au Nepal. Plus d’un million
de personnes sont déplacées, dans des délais et selon des
procédures dont l’efficacité est saluée par les organisations
internationales.
Aujourd’hui l’Onemi s’occupe pourtant principalement de
réparer les dégâts et se situe moins dans l’anticipation et
la prévention des risques. Il manque encore une structure
de décision et de coordination centralisée des différents
services de l’état en cas de crise. Récemment une plate-
forme expérimentale nationale RRD, Réduction des risques
et désastres, a été créée. Cette plateforme d’échange et de
discussion réunit tous les acteurs publics, (intérieur, santé,
environnement, transport..) mais également privés : énergie,
électricité, eau, télécom, représentants de la communauté
scientifique et académique et pourrait constituer le support
à une structure de décision et coordination.
Survivre aux désastres naturels est constitutif du peuple
chilien. Les traditions et les croyances anciennes en sont
imprégnées. Ainsi, on peut citer l’exemple d’un village Ma-
puche touché par le tsunami en 2010 et dans lequel il n’y a
eu aucune perte humaine, les habitants étant partis se réfu-
gier dans les lieux de culte sacrés, tous situés en hauteur.
Les deux serpents représentés sur un médaillon Mapuche
de pierre taillée conservé au Musée d’art précolombien
d’Antofagasta, représentent la légende populaire du serpent
de la mer qui, créa un Tsunami en se fâchant, alors que le
serpent de la Terre, créait simultanément les montagnes
pour protéger la population (cf. figure ci-dessous).
Pièce en pierre taillée Mapuche. Musée Chilien d’art précolombien d’Antofagasta
Les réactions politiques de Michelle Bachelet et de Sebas-
tián Piñera à la suite du séisme du 27 février 2010 témoignent
de cette tradition d’adaptation au risque, de résilience : “en
surpassant les défis de la Terre, les chiliens sont devenus
plus forts”. “Ainsi, à chaque catastrophe naturelle, le peuple
chilien résiste et par là même, devient meilleur. C’est la Na-
ture qui forge la population et l’identité chilienne”.
La “construction sociale du risque” du peuple chilien, fa-
çonnée par l’expérience et entretenue par la fréquence des
1 Onemi, organisme de l’État chilien, a pour mission de planifier et mettre en œuvre la prévention et l’intervention face aux catastrophes naturelles. Mais aussi pour celles qui sont provoquées par l’action de l’homme, comme les incendies intentionnels qui ont ravagé des milliers d’hectares en 2015
2 CITRID, Programme de réduction des risques et désastres a 5 axes de recherche : comprendre le risque de désastres ; renforcer la gouvernance de la gestion des risques de catastrophes naturelles; planifier et investir pour les réduire ; avoir une réponse proportionnée rapide et efficace ; préparer une résilience et récupération durable. Défis : connaître le risque : les menaces, la vulnérabilité, mapping ; réduire le risque : prospectives de planification nationale, éducation, intervention d’infrastructures ; gérer la crise : renforcer les systèmes de monitoring, alerte, communication, programme d’évacuation ; éduquer la population ; transférer le risque : mettre en œuvre les financements (assurance) à trouver des financements, ressources pour reconstruire rapidement les secteurs clés.
CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018 I 13
aléas qui rappellent à l’imminence possible d’une prochaine
catastrophe, contribue à préparer la société aux aléas, à
supporter et absorber le choc pour le dépasser. Aguantar :
« Supporter, absorber et dépasser : c’est ce qui constitue la
résilience »3.
L’Onemi, géré par un ancien général chilien ayant perdu sa
femme dans un tremblement de terre, organise 6 à 7 éva-
cuations régionales par an, préparation massive clé d’une
gestion plus efficace de crise. Le Chili est aujourd’hui un la-
boratoire de la connaissance et de l’observation de la ges-
tion du risque sismique pour les communautés scientifiques
et les organisations de solidarité internationale, et sa ges-
tion du séisme de 2015 est devenu un cas d’école.
CATASTROPHES NATURELLES, PERCEPTIONS, RÉSILIENCES. DES QUESTIONS DE TEMPS
La perception des causes de catastrophes évolue selon les
époques et la résilience se construit selon la même évolu-
tion. Le déplacement de la ville a été un mode d’adapta-
tion aux risques sismiques ; il entre pour les Espagnols dans
un processus de résilience : toutes les villes de fondation
espagnole se sont déplacées d’abord en raison d’attaques
par les indiens, puis à cause de catastrophes naturelles. En
s’installant, les Espagnols n’avaient connaissance ni des
risques sociaux ni des risques naturels. Dans les régions de
l’ancien empire inca, il y a eu peu de déplacements de villes
car les Espagnols ont utilisé à bon escient les connaissances
sur les risques naturels acquises par les Incas. Les villes qui
se sont néanmoins déplacées l’ont été à cause de phéno-
mènes naturels (cas de la ville de Concepción au Chili). On
recense le déplacement de près de 170 villes d’Amérique
latine à la suite de catastrophes naturelles. Pour la popula-
tion chilienne, le déplacement des villes fait partie de son
identité. C’est un peuple qui s’est construit au fil des années
en survivant aux désastres naturels.
Face aux phénomènes naturels la population doit, pour
“aguantar”, adopter un comportement particulier. C’est ainsi
qu’à chaque tremblement de terre aux 18 et 19e siècles, les
femmes avaient pour rituel de sortir dans la rue à demi-nues.
La population répond à la colère divine par une attitude
spécifique. En effet, les chiliens croient qu’ils sont victimes
d’une catastrophe naturelle parce qu’il y a une « bonne rai-
son ». Alors, si cette bonne raison existe, un comportement
adéquat doit permettre de résorber la cause.
À Cuzco, la première mesure adoptée suite à un tremble-
ment de terre a été de modifier la longueur des jupes des
femmes qui auraient pu déclencher la colère divine. De
même que pour se faire pardonner, les prostituées resti-
tuèrent leurs bijoux aux églises. L’ensemble de ces com-
portements, en réaction à la catastrophe, constitue une mé-
thode de résilience.
En outre, le pouvoir en place demandait fréquemment des
enquêtes scientifiques sur les causes des phénomènes na-
turels. Les théories scientifiques ne commencent à s’établir
en tatonnant qu’à partir du 18e siècle, et reposent essentiel-
lement sur le postulat de Sénèque. Sénèque en reprenant
Aristote et Théophraste écrit à propos des tremblements
de terre : « comme la lutte des deux courants d’air opposés
repousse violemment les obstacles, il y a alors secousse et
fracas ». Pour libérer ces courants d’air souterrains, il faut
creuser des trous. Les croyances scientifiques accroissent,
par ce procédé, la vulnérabilité des villes. Ces explications
scientifiques ne convainquirent pas les populations. La ca-
pacité de résilience de la population réside alors essentiel-
lement dans le religieux.
2. UNE ÉCONOMIE LIBÉRALE, AU RYTHME
DES CYCLES MINIERS :
QUELLE RÉSILIENCE ? DE QUI ?
Le Chili se caractérise par une extrême continuité de son
modèle social et économique depuis la seconde guerre
mondiale, basé sur le libéralisme et l’extractivisme minier. Il
est le pays le plus riche (PIB per capita) d’Amérique Latine,
et est membre de l’OCDE. Il est cependant extrêmement
inégalitaire. Véritable laboratoire de l’école d’économie de
Chicago, le pays concentre toutes les caractéristiques et
les conséquences d’un modèle économique ultra-libéral.
La relative faiblesse du tissu industriel constitue une autre
caractéristique du modèle économique chilien. Le faible in-
vestissement en R&D (0,4% du PIB, le plus faible des pays
de l’OCDE) s’explique-t-il par la prédominance des secteurs
primaires (minier en tête) et tertiaire ? Ou simplement par la
faiblesse de l’État dans un système ultra-libéral où domine
le marché ? Le secteur minier n’est, par exemple, pas suffi-
samment intéressé par les recherches en géologie pour les
financer.
Le Chili et sa gestion des cycles économiques et extractivistes Le secteur minier domine, il passe d’un cycle d’extractivisme à un autre depuis 150 ans (salpêtre/nitrates, argent, cuivre, lithium), sans beaucoup se préoccuper, semble-t-il, du nécessaire changement de modèle économique de dévelop-pement qu’imposera l’épuisement des ressources, ni même de la gestion des cycles extraction et marchés florissants / phases de récession (cas de la réces-sion du cuivre entre 2013-2017).
LE CHILI ET SA GESTION DES CYCLES ÉCONOMIQUES
Jusqu’en 2013, la rigueur budgétaire en vigueur au Chili, ain-
si que le niveau soutenu du cours mondial du cuivre, ont as-
suré une forte protection contre les évolutions défavorables
de l’économie mondiale et les effets de la crise financière
de 2008. La rigueur a rendu possible une relance anticy-
3 Vulnérabilité sociale, justice spatiale et résilience : Concepción de Chili entre deux tremblements de terre (1751-1835) Intervenant : Alain Musset (Séminaire Normale Sup, cycle 2009-10).
14 I CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018
clique substantielle, maintenu la dette à un niveau très bas,
sans perturber les marchés financiers et en contribuant à
relancer l’activité. Ses effets en matière de qualité et quan-
tité de services publics rendus (faibles) et de creusement
des inégalités sont en revanche négatifs. Dès 2010, l’OCDE
recommandait au Chili d’assouplir cette règle, de l’adapter à
la situation économique mondiale, et notamment aux cours
des matières premières dont le cuivre. Ainsi, pour renfor-
cer la résilience aux chocs exogènes, il s’agirait de durcir la
règle budgétaire (fiscalité sur les bénéfices miniers notam-
ment) lorsque le cours du cuivre est très favorable, de façon
à dégager une marge ; cette marge permettrait d’assouplir
la rigueur en période de récession. L’OCDE recommandait
notamment de renforcer la composante assurance du sys-
tème d’indemnisation du chômage, pour protéger les chô-
meurs et mieux apparier offre et demande d’emplois.
À contrario, les indemnités de licenciement sont jugées trop
élevées et incitent les employeurs à privilégier les emplois
de court-terme, précaires, non assujettis à ces indemnités.
Pour l’OCDE, leur diminution aurait pour effet d’atténuer la
forte dualité du marché du travail, où prédomine emplois
précaires et informels. Globalement, l’OCDE incite le Chili
à prendre les mesures de politique économique adapta-
tives, aptes à élever le niveau de vie moyen, diminuer les
inégalités, augmenter l’offre en services publics face à une
demande croissante. L’OCDE constate en outre que le Chili
met en œuvre des programmes de dépenses sociales très
modestes par rapport aux autres pays de l’organisation.
COURS MONDIAL DU CUIVRE (US$/TONNE) SUR 5 ANS.
Le Chili n’a pas vraiment suivi ces recommandations. La
chute significative du cours du cuivre entre fin 2013 et fin
2016 a affaibli son économie et, par contrecoup, la popula-
rité de Michelle Bachelet. Quelques mesures sociales ont
été prises (dont des crédits d’éducation pour les enfants de
familles vulnérables) mais largement insuffisantes.
En 2017 et début 2018, la grogne sociale n’a cessé de croître
(étudiants, communautés rurales, retraités, chômeurs...).
Après une longue période de stabilité, le Chili entre dans
une phase plus tourmentée et incertaine, durant laquelle il
devra se forger de nouvelles résiliences : la société civile
n’adhère plus aux promesses des politiques ; l’abstention
aux législatives d’octobre 2016 a atteint le taux record de
65%, celle des présidentielles de début 2018 55% ; à la fin
de son second mandat, Michelle Bachelet n’obtenait que
15% de taux de popularité (score le plus bas depuis le re-
tour en démocratie en 1990) alors qu’elle avait été élue en
2013 avec 66% des suffrages. Le Chili est ébranlé par des
scandales de corruption sans précédent qui éclaboussent
l’ensemble du monde politique et plus seulement les cercles
proches de l’armée ou des grandes familles dominantes ; la
colère contre le statu quo socio-politique ne cesse de gran-
dir ; les manifestations et grèves se succèdent désormais,
sur la loi travail, la réforme de l’enseignement supérieur, le
système des retraites ; les réformes promises par Michelle
Bachelet sont au point mort, voire enterrées, avec l’arrivée
au pouvoir de Piñera début 2018.
Après des décennies de croissance, l’économie ralentit,
ébranlée par la chute des cours des matières premières
(dont le cuivre) sur les marchés internationaux. La croissance
a été de moins de 2% en 2017 ; le chômage tend cependant
à diminuer, et une reprise se dessine, étayée par la hausse
du cours du cuivre depuis 2017 et le boom du lithium, nou-
vel or blanc, dans le contexte de développement global des
véhicules électriques à batterie au lithium. Le Chili et le salar
d’Atacama en possèdent 20 à 30% des réserves mondiales.
La résilience démontrée par les classes les plus défavori-
sées (par le développement de l’économie informelle, la
culture des solidarités familiales et intergénérationnelles
par exemple), leur acceptation d’un système très inégalitaire
semble atteindre ses limites ; c’est sans doute désormais au
système socio-politique de montrer sa capacité à s’adapter.
La tradition minière du pays, passant d’un cycle extraction-
niste à un autre depuis 150 ans (salpêtre, argent, cuivre,
lithium) constitue aussi finalement un atout pour l’adap-
tation du pays, la résilience de son économie, et le retour
à la croissance, mais au prix sans doute de dégradations
irréversibles des écosystèmes et des ressources. Les dé-
fis environnementaux sont considérables et apparaissent
ignorés. Déforestation, désertification, raréfaction de l’eau,
dégradation des sols et des écosystèmes sont des réalités.
Elles semblent reconnues, mais finalement peu abordées.
Environnement et développement durable sont absents des
discours, et de la praxis des mines, secteur économique
dominant, en grande partie responsable. Encore une fois,
l’État apparaît absent, et in fine ne cherche pas à établir de
normes ni à promouvoir des recherches appliquées sur ces
questions.
Mine de lithium dans le désert de l’Atacama, Chili
Évolution du cours du lithium : le boom de 2016
CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018 I 15
3. L’OMBRE PORTÉE DE LA DICTATURE,
OU REFUSER LA RÉSILIENCE
La parole sur la dictature, ses séquelles, ne semble pas libé-
rée, assumée. La démocratie tâtonne à trouver les sentiers
de la justice, la pleine reconnaissance des victimes, l’identi-
fication des bourreaux, et finalement la réconciliation natio-
nale apparaissant difficiles. Presque 30 ans après la fin de la
dictature, l’armée apparaît toujours comme l’ombre portée du
régime de Pinochet. La commission Vérité et Réconciliation,
copiée-collée de la démarche sud-africaine, n’a pas abouti.
Le Musée des droits de l’homme reste un lieu peu fréquenté
par les chiliens. Le fantôme de la dictature empêche le Chili
de se poser les vraies questions sur les droits humains qui
font défaut aux plus vulnérables de ses citoyens : éducation,
eau, foncier… Les revendications et agitations en œuvre ces
derniers mois marquent-ils l’expression de ces questions ?
Ce malaise se manifeste par une dissonance frappante entre
science et société, les secteurs d’excellence de la science
chilienne (astronomie, mathématiques, géologie) et les ré-
alités socio-politiques et économiques du pays. “Quand
certains scrutent le ciel pour y trouver des étoiles, d’autres
grattent le sol pour y trouver les restes de leurs parents as-
sassinés…”4
L’identité chilienne apparaît confuse, écartelée entre une
revendication romantique et fantasmée de ses racines euro-
péennes, totalement dissonante de ses pratiques effectives,
fortement ancrée dans le modèle sociétal et économique
américain, la reconnaissance tâtonnante des origines indi-
gènes, les difficultés à gérer les flux migratoires et la tenta-
tion cryptique mais persistante d’un Chili “blanc”.
Le Wenufoye est l’actuel drapeau mapuche, utilisé par le Conseil de toutes les terres et d’autres organisations.
Le sort réservé à la communauté Mapuche est assez symp-
tomatique de ces tâtonnements, du malaise actuel face aux
racines indigènes du Chili.
4. LE CHILI, UN LABORATOIRE
POUR EXPLORER LA RÉSILIENCE ?
La résilience est un concept qui aide à lire la relation des
chiliens à leur territoire. Nous en avons exploré trois facettes
pour appréhender la résilience de la population chilienne.
C’est certainement vis à vis de son environnement naturel
que la résilience du peuple chilien est la plus visible. Sur le
plan économique, l’idéologie ultra-libérale ne propose à la
population que de résister, de faire avec. Du point de vue poli-
tique, la résilience s’exprime encore par l’évitement, le devoir
de mémoire restant à mener au-delà de la symbolique.
Confrontés à un environnement naturel marqué par les
séismes, une faible densité de population regroupée autour
de quelques centres urbains et un territoire étendu coincé
entre l’océan et la Cordillère des Andes, les chiliens ap-
prennent à vivre ensemble avec ce territoire atypique. La ré-
silience qui se développe prend la forme d’un écosystème.
Il faut apprendre à réagir vite pour faire face aux risques
sismologiques, relier rapidement les individus entre eux et
interagir avec les institutions mais aussi apprendre à compo-
ser avec ce territoire pour faire système entre les différentes
logiques territoriales : Santiago, centre urbain regroupant
les institutions, les territoires agricoles, l’exploitation minière
dans le désert d’Atacama ou encore les espaces portuaires.
Dans la relation avec l’environnement naturel, la résilience
s’inscrit dans le temps court de la catastrophe, mais égale-
ment dans le temps long pour façonner le développement
avec la géographie du territoire et les moyens et activités du
développement.
Sur le plan économique, le Chili poursuit une politique inspi-
rée des préceptes de l’école d’économie de Chicago, adop-
tant une ligne ultra-libérale. Les économistes chiliens formés
à l’Université de Chicago ont exercé une forte influence
culturelle dès les années 1960 via le journal conservateur El
Mercurio, et leur hégémonie académique au sein de la puis-
sance Pontificia Universidad Católica de Chile. Le pays a ainsi
vécu une révolution économique entre 1975 et 1986, mais le
coût social et politique s’est avéré énorme et principalement
subi par les classes moyennes et populaires. Finalement, les
premières années de la « terreur » ont donné carte blanche
aux économistes pour réformer l’économie à leur façon. Les
gouvernements démocratiques ont opéré des changements
importants, mais le noyau du modèle est resté presque intact
jusqu’à aujourd’hui. L’économie chilienne a connu des chiffres
de croissance très importants dans les années 1990 et 2000,
mais avec d’énormes inégalités sociales qui ont fini par pola-
riser la société. La population a fait davantage preuve de ré-
sistance que de résilience face à un modèle économique qui
reste peu remis en cause et qui semble aujourd’hui renforcer
une fracture sociale durable.
L’histoire politique du Chili est une des dimensions majeures à
prendre en compte pour comprendre le Chili via la notion de
résilience. Au début des années 70, le président Allende ap-
plique son programme transformant le pays en État socialiste
impliquant un contrôle de l’économie par l’État : mines (loi de
juillet 1971 sur le cuivre), banques étrangères et entreprises
monopolistiques nationalisées, réforme agraire et conseils
paysans… Le 11 septembre 1973, les militaires s’emparent du
pouvoir et le président Allende trouve la mort lors de l’assaut
du palais présidentiel par l’armée. Avec le retour à la démo-
cratie au début des années 1990, le Chili cherche à démontrer
que le pays a tourné la page même si le devoir de mémoire
reste inachevé. La résilience s’exprime par une certaine céci-
té à permettre à la population de vivre et de se tourner vers
le futur. La résilience s’exprime également par le regard porté
sur l’Europe et la France et les liens qui se tissent masquant
une réalité politique douloureuse et largement présente.
4 P.Guzman, Nostalgie de la lumière
16 I CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018
4 Où et comment se passe la diffusion scientifique et technique, où et comment
se passe le débat sur les enjeux de santé publique ?
Éclairer la question de la diffusion scientifique au Chili né-
cessite en premier lieu de resituer les acteurs en présence
afin de saisir les spécificités chiliennes. Dans ce pays où l’ul-
tra-libéralisme a largement survécu à la dictature qui l’avait
installé, la concentration du pouvoir économique est une
réalité exacerbée par l’absence de contre-pouvoir de régu-
lation.
Vingt familles, citées régulièrement par nos interlocuteurs,
ont la main mise sur la majeure partie des secteurs écono-
miques. En regard, la sphère d’intervention de la puissance
publique est restreinte aux seules fonctions régaliennes.
Dans une démarche très centralisée, l’État a des marges de
manœuvre limitées face au secteur privé, avec une privati-
sation omniprésente, y compris dans le domaine de l’édu-
cation et des ressources naturelles, eau et mines incluses.
La question des enjeux de développement durable est
présente dans les discours des deux parties –changement
climatique, développement durable, accès à l’éducation,
écoute des minorités– mais nous avons bien noté que les
éléments de langage alternaient entre les enjeux de déve-
loppement d’un pays riche par son PIB mais où les difficultés
sont immenses, et parfois, avec plus de cynisme, enjeux de
camouflages ou de justification d’activités assez éloignées
de ces grands objectifs, comme par exemple le développe-
ment des relations avec les communautés pour faire accep-
ter le transport d’acide à travers une ville.
Quelle place alors pour les citoyens-consommateurs, entre
ces deux forces, et notamment sur la relation à la connais-
sance scientifique et aux enjeux de santé publique ? Com-
ment s’articulent les relations entre les acteurs et autour de
quels enjeux ?
1. UNE DÉFIANCE DES ENTREPRISES
ENVERS LES INSTITUTIONS
SCIENTIFIQUES NATIONALES
La relation entre les laboratoires de recherches acadé-
miques et les entreprises semble assez paradoxale d’un
point de vue français. D’un côté, l’ensemble des laboratoires
académiques que nous avons rencontrés nous ont tous
présentés les liens entre leurs recherches et les secteurs
économiques qui pouvaient en bénéficier, en éclairant les
enjeux associés.
De l’autre, les entreprises, que nous n’avons pu percevoir
qu’au travers des dire des mêmes académiques, nous ont
été décrites comme assez réticentes à collaborer avec les
académiques chiliens. La première cause de cette réti-
cence semble être une préférence pour les académiques
anglo-saxons et ce, pour une double raison : la majorité
des dirigeants actuels ont été formés dans des universités
étrangères et la crédibilité sur les thématiques de recherche
considérées semble en leur faveur. Le directeur du Centre
de modélisation mathématique de l’Universidad de Chile a
ainsi clairement évoqué un manque de de confiance envers
le niveau de performance des universités chiliennes par les
grands groupes miniers, qui préfèrent se tourner vers les
pays anglo-saxons (US, Canada, Australie). Cette préférence
à se tourner vers l’international se retrouve même dans les
appels à projets publics avec le financement d’Inria, d’un
Fraunhofer et d’une université Suédoise pour dynamiser le
rapprochement industrie - recherche. La seconde raison de
cette défiance réside dans la préférence à travailler pour les
industriels dans un mode de consulting plutôt qu’au sein de
collaborations de recherche, et ce, malgré la mise en place
d’incitations fiscales pour soutenir ces collaborations, de
Giovanni ANELLI
Mikaël CONTRASTIN
Anne-Marie DUVAL
Caroline TOURBE
Isabelle BERGERONNakita VODJDANI
Sylvain PERRETFabien SERAIDARIAN
CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018 I 17
type Crédit impôt recherche à hauteur de 50%. Cela dé-
montre bien que la cause de ces réticences est avant tout
culturelle et non financière.
Cette défiance ou ce manque d’intérêt des entreprises pour
la science et sa diffusion s’est illustrée au travers de la diffi-
culté à rencontrer des entrepreneurs lors de notre voyage.
2. LA SCIENCE ABSENTE DES DÉBATS :
UNE PORTE OUVERTE À LA
MANIPULATION
La relation entre la science et la société nous est apparue
très ténue, pour ne pas dire presque inexistante lors de notre
voyage. Preuve en est qu’il n’existe pas au Chili de ministère
de la Recherche. Il n’y a pas non plus de grande structure
officielle chapeautant la recherche publique du pays. En fait,
personne ne semble chargé d’assurer le lien entre la science
et la population. Du côté de la presse, plusieurs personnes
interrogées (scientifiques, interprètes, guides…) nous ont
confirmé que la diffusion de la culture scientifique n’était pas
une priorité au Chili. Par exemple, il n’existe pas de maga-
zine ou de rubriques dans la presse généraliste totalement
dédiés à la vulgarisation scientifique. Les sujets en lien avec
la science sont traités au fur et à mesure de l’actualité. Le
point le plus marquant est le manque d’indépendance de la
presse écrite, qui a été souligné par plusieurs intervenants.
Les principaux journaux appartiennent aux mêmes grandes
familles que le reste de l’économie du pays et cela n’est pas
sans conséquence sur le débat public.
L’un des exemples (cité par deux intervenants) porte sur la
sécheresse qui frappe de plus en plus souvent de larges
zones du pays. Pour expliquer le manque d’eau récurrent, la
presse avance l’explication de la diminution du niveau des
précipitations et de la hausse des températures au Chili. Or,
il s’agit là d’une instrumentalisation du discours sur les chan-
gements climatiques. En réalité, selon les intervenants qui
nous ont alertés sur ce point, les principaux responsables de
la sécheresse au Chili sont les industries qui puissent dans
la ressource sans avoir à rendre de compte.
En effet, l’eau n’est pas considérée comme un bien com-
mun au Chili. Au contraire, elle est totalement privatisée et
même les cours d’eau ont leurs propriétaires ! Pilotée par
l’industrie agroalimentaire, aux mains des mêmes grandes
familles, l’agriculture intensive a fait le choix de cultures
gourmandes en eau (avocatiers par exemple) qui assèchent
mécaniquement les nappes et les cours d’eau de certaines
régions. Les scientifiques, qui auraient les moyens d’éclairer
le débat, n’ont pas la parole et ne peuvent partager leurs
savoirs. Ici la « non information » devient de la « désinfor-
mation » scientifique : une arme redoutable. Petite éclaircie,
la télévision privée bénéficie depuis peu d’une émission de
qualité sur la science, nous n’avons malheureusement pas
pu la visionner et ne savons pas si son niveau d’audience
est large ou restreint.
3. PARTAGER LA SCIENCE :
UNE NÉCESSITÉ POUR FAIRE
FONCTIONNER LA DÉMOCRATIE.Au Chili, pour accéder aux études supérieures, il faut de
l’argent. Le prix demandé pour suivre un cursus universitaire
varie en fonction du domaine choisi. Le taux d’inscription
dans les universités a malgré tout augmenté depuis 25 ans.
« Environ 70% des étudiants inscrits sont les premiers de
leur famille à suivre des études supérieures et, trait distinctif
de l’enseignement supérieur chilien actuel, ce sont principa-
lement eux qui ont contribué à accélérer l’augmentation du
taux d’inscription à l’université. (…) Cet élargissement de la
base sociale du corps étudiant a été rendu possible, entre
autres, grâce à l’emprunt et à l’endettement des familles
pour financer les études supérieures.1».
La présidente de gauche, Michelle Bachelet, avait le pro-
jet de diminuer le prix des études dans les universités pu-
bliques. Mais son projet, qui a suscité de vives oppositions
et n’a pas été mené à terme avant l’élection du président de
droite Sébastian Pinera en 2018. Autre point important, dans
les facultés, un mouvement de contestation s’est organisé
en 2011. Alors que les universités semblent bien être le nou-
veau lieu de régénération de la démocratie au Chili, nous
n’avons malheureusement pas pu rencontrer de représen-
tants de ces mouvements lors de notre séjour.
4. UN SYSTÈME SOCIAL PEU
PROTECTEUR
Le système sanitaire national assure en théorie une bonne
couverture sanitaire pour l’ensemble de la population. Dans
la pratique, les délais sont très longs et une assurance pri-
vée est nécessaire pour accéder à un service de qualité. Les
assurances sont relativement chères (20 à 40% du salaire
mensuel moyen chilien), et ne sont ainsi pas accessibles
à tout le monde. Il faut aussi remarquer le développement
d’un réseau croissant d’hôpitaux et cliniques privées, qui as-
surent des soins de très bonne qualité avec des médecins
très compétents mais dont les prix peuvent s’avérer très éle-
vés. L’inégalité d’accès aux soins est aujourd’hui très impor-
tante, 44% des chiliens considèrent la santé comme l’une
des 3 priorités du pays, et seulement 25% se disent satisfaits
du système. La médecine générale, surtout en zone rurale,
est déficitaire en nombre et qualité.
En ce qui concerne l’alimentation, une analyse de l’Organi-
sation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
(FAO), présente le Chili comme ayant une meilleure situa-
tion à ce niveau-là que ses voisins d’Amérique latine et des
Caraïbes, mais présentant d’importants problèmes comme
la dénutrition infantile, le surpoids et l’obésité (les aliments
à forte densité calorique étant généralement moins chers
4 M. J. Lemaitre et R. Atria Benaprés, Chili : Le mouvement étudiant, symptôme d’un problème de fond, Revue internationale d’éducation de Sèvres, 59 | 2012, 16-18.
18 I CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018
que les aliments à faible densité calorique et à valeur nu-
tritive plus élevée), ou des problèmes liés aux spécificités
des territoires ruraux (zones présentant des déficiences
dans les services publics, d’accessibilité difficile et régions
plus vulnérables aux phénomènes climatiques). Les résultats
de l’analyse de la FAO sont assez clairs, mais nous n’avons
trouvé aucun indice permettant de penser que des poli-
tiques publiques seraient envisagées pour essayer de ré-
soudre ces problèmes.
En ce qui concerne le système des retraites, l’âge d’ouver-
ture des droits à la pension de vieillesse est de 65 ans pour
les hommes et 60 ans pour les femmes. La pension de vieil-
lesse minimum garantie est versée aux assurés ayant cotisé
durant 20 ans. Le montant de la pension de vieillesse est
déterminé en fonction du solde effectif du compte épargne
individuel et de l’espérance de vie de l’assuré. Des grands
fonds d’investissement gèrent les pensions des Chiliens.
90% des retraités touchent moins de 200 euros par mois
et sont dans des situations très précaires. D’autre part, les
entreprises qui gèrent ces fonds font partie des plus riches
du Chili.
Pour les retraites donc, comme pour la santé, chacun as-
sume ses propres risques en s’assurant individuellement,
sans système de mutualisation et avec une contribution
faible de l’état ou des employeurs.
5. LA SCIENCE ET DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU CHILI
La période actuelle semble toujours conditionnée par la
transition post-dictature. Le message que nous avons perçu
est que la contestation de l’organisation sociale et politique
du pays est freinée par rapport à d’autres pays subissant
aussi de fortes disparités de revenus : ce frein viendrait
d’une peur plus ou moins exprimée que la contestation
aboutisse à une fragilisation de la démocratie et à un retour
à un régime dictatorial répressif. Pourtant, pour certains ob-
servateurs, la contestation existe bel et bien. Des contesta-
taires « natifs » chiliens (dont la communauté des 700 000
Mapuche) rejoindraient une mouvance de contestation de
plus en plus active et structurée en Amérique du Sud. Et la
science dans tout cela ? Quel rôle politique joue-t-elle au
Chili ? Réservée à une petite partie de la population, elle ré-
pond néanmoins à un besoin de reconnaissance sur le plan
international. Vecteur de collaboration, elle a permis, et per-
met encore, aux plus aisés des chiliens de se former en Eu-
rope, en France notamment, et aux États Unis. Elle joue donc
de fait un rôle non négligeable dans la démocratie chilienne
actuelle. Pourtant, ces quelques jours passés au Chili nous
ont mis face à une question universelle : comment concevoir
le développement durable d’un pays quand l’accès à l’édu-
cation et à l’information scientifique est limité ?
CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018 I 19
5 Quelles correspondancesentre les défis du Chili
et les dynamiques d’innovation ?
Dès le premier jour de notre voyage d’études, nous avons
pu constater que le Chili n’est pas un pays comme les
autres. Il s’agit d’un pays assez complexe sous bien des
aspects. Le Chili est une terre alambiquée, aride, riche et
en même temps encore en construction, une démocratie
en émergence, prenant progressivement conscience de
ses richesses et des possibilités qui y sont associées. Mais
si le champ des possibilités s’agrandit, il s’accompagne,
comme c’est souvent le cas, d’un surplus de responsabilités.
« De grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités ».
Le thème de ce chapitre du carnet de voyage aborde le Chili
sous l’angle de l’innovation face aux défis inhérents au dé-
veloppement de ce pays.
Trois axes, nous étant apparus significatifs pour le pays et sa
société, ont été retenus.
« IL FAUDRAIT QUALIFIER D’ÎLE UN
TEL PAYS, MÊME SI LES FRONTIÈRES
NE RÉPONDENT PAS PRÉCISÉMENT
À LA DÉFINITION » BENJAMIN
SUBERCASEAUX
Large de 200 km au maximum et long de près de 4 500 km,
le Chili possède une géographie atypique et des climats très
différents sur l’ensemble de son territoire, du désert sec et
aride au Nord, hostile à toutes formes de vie, aux paysages
très verts du Sud où, finalement, la vie est à peine plus faci-
lement envisageable, et pourtant ....
Et pourtant, le Chili sait relever les défis posés par cette géo-
graphie en faisant face quotidiennement à ces injonctions
paradoxales : Antofagasta, ville du Nord, aux portes du dé-
sert de l’Atacama, en est l’exemple.
Mais où est l’innovation, peut-on se demander, nous, simples
humains que nous sommes ? Où est l’innovation qui permet
à cette agrégation de terres et de territoires de se projeter
face à cette géographie complexe et violente ?
Il semble sur ce point, que le Chili soit en train de prendre
conscience de son potentiel sans pour autant se donner les
moyens humains et matériels de l’exploiter, voire même en
Agnès BEHAR
LaurenceGRANDJEAN
CatherinePACHERIE-SIMERAL
JacquesROSEMONT
Very Large Telescope (VLT) dans le désert d’Atacama
20 I CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018
le laissant de côté, comme un diamant brut, que le pays,
peut-être par manque de savoir-faire, ne saurait tailler.
Aussi, sommes-nous en position d’exprimer un premier
étonnement sur cette dimension géographique: le Chili at-
tend-il d’avoir produit davantage de connaissances scien-
tifiques sur son propre territoire afin d’exploiter pleinement
sa puissance d’innovation ? Il apparait que le Chili se posi-
tionne sur ses spécificités géographiques comme un spec-
tateur prêt à se laisser surprendre par leur évolution. Autant
dire que le potentiel d’innovation et de prospective du Chili
est à l’image du désert d’Atacama : aussi étendu que com-
plexe à affronter.
Le Chili est-il une île ? comme le suggérait Benjamin Suber-
caseaux.
Bien sûr que non ! Bien que le pays en ait toutes les carac-
téristiques : difficile d’accès à l’Est, à peine plus à l’Ouest,
et ce n’est pas non plus évident au Sud avec le Cap Horn,
le Chili est incroyablement isolé. C’est l’autre dimension
géographique complexe de ce pays. Mais a-t-elle pour au-
tant obligé celui-ci à revoir sa stratégie ? Il semble que la
réponse soit non… Ouvert à tous, et à toutes les nations, lais-
sant chacun de ses concitoyens « maîtres » de leur propre
destin, guidés par l’espoir d’une ascension sociale pourtant
presque impossible, tant il est établi que les « péages »
sociaux sont épais et hermétiques. Au risque de nous ré-
péter, il nous semble que le pays dispose d’un potentiel in-
croyable, et parce que malgré tout, il ressort des contacts
avec les personnes qui nous a été permis de rencontrer, une
touchante volonté de changer, d’évoluer, bref d’innover et
ainsi d’appréhender le sujet.
Alors certes, d’un point de vue occidental, nous pouvons
être tentés de dire que le Chili innove peu, mais en pre-
nant l’exemple d’Antofagasta, l’innovation est indéniable. Il
change et c’est là que l’innovation commence; la première
innovation suite à la dictature n’est-elle pas d’ailleurs le re-
tour de la démocratie ?
Ainsi, ce défi sociétal est multigénérationnel car il touche les
personnes âgées dont la retraite est en fait inexistante, les
enfants qui ont vocation à ne pas attacher leur statut social
actuel à leur condition de demain, perception de l’avenir à
construire au travers de la transmission et de l’éducation.
LE CHILI, MALADE DE LA SANTÉ
Depuis douze ans, le Chili affiche des taux de croissance ju-
gés dignes de ceux des « tigres » asiatiques. Ce pays n’est-il
pas d’ailleurs le premier d’Amérique latine à avoir stoppé ses
demandes de nouveaux crédits à la banque interaméricaine
de développement ?
On a cependant souvent tendance à simplifier le « miracle »
chilien. Les performances économiques du pays ne par-
viennent pas à occulter le fossé des inégalités, ainsi, l’écart
entre les revenus se creuse et l’accès aux services fonda-
mentaux que sont l’éducation et la santé demeure discrimi-
natoire pour les populations les plus pauvres.
Un système de santé destiné aux pauvres a été mis en place
pour la population immigrante, avec pour conséquence l’ap-
parition de discriminations dans la recherche de soins.
Le système public de santé chilien est précaire. Créé à une
époque où la notion de « service public » avait un sens, il a
été de plus en plus privatisé avec l’application des politiques
néolibérales des années 1980 et aujourd’hui, aussi bien les
infrastructures que le personnel font défaut.
Le personnel administratif est souvent sous-qualifié et ne
dispose pas des outils lui permettant d’assumer les respon-
sabilités que l’institution lui attribue.
Par ailleurs, il existe une assurance publique : le Fonds na-
tional de santé, Fonasa, qui prend en charge environ 70%
de la population. Pour se faire soigner, une partie de cette
population se dirige vers le système public de santé ; néan-
moins, dès que les personnes recherchent un meilleur ser-
vice, elles optent pour le système privé de santé, prenant
en charge les dépenses supplémentaires, non remboursées
par le Fonasa.
En résumé, l’assurance publique est « subsidiaire » du sys-
tème public et du privé ; le système public étant véritable-
ment fait pour recevoir les populations pauvres du pays vic-
times des inégalités dans la société. En ce qui concerne la
santé, ceci nous laisse penser qu’il existe au préalable une
politique de classe qui sépare les pauvres du reste de la
société, en raison des inégalités structurelles.
De véritables problématiques de santé publique sont poin-
tées du doigt depuis plusieurs années. Trois d’entre elles
nous ont plus particulièrement interpellées :
• La première est l’obésité, apparaissant dès le plus jeune
âge et se propageant à toutes les tranches d’âge.
Il y a en effet, un vrai problème de surpoids chez les enfants
chiliens dû à une mauvaise alimentation, à une culture de la
« malbouffe ». Le gouvernement a « pris le taureau par les
cornes » en instaurant une loi sur l’étiquetage des produits.
Le Chili a donc décidé de relever ce défi de santé publique
en prenant les grands moyens pour lutter contre l’obésité.
Le pays est considéré par l’Organisation mondiale de la san-
té (OMS) comme le pays le plus problématique en matière
d’obésité. Le surpoids touche majoritairement les enfants en
bas âge, premiers visés par cette nouvelle politique d’éti-
quetage.
Les produits dont la composition dépasse une certaine
quantité de sucres, de gras saturés, de calories ou de sel,
affichent maintenant sur leur étiquette un panneau d’avertis-
sement visant à dissuader les consommateurs de les ache-
ter. Le problème est avant tout social : « Les enfants obèses
sont considérés comme privilégiés au Chili car leur alimen-
CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018 I 21
tation riche en friandises et en boissons gazeuses, notam-
ment, est vue comme un signe de richesse. Les familles
les plus pauvres n’ont pas les moyens de se procurer ces
produits. Dans les familles encore plus riches, et chez les
adultes, la consommation de produits plus raffinés, comme
le vin et l’huile d’olive, est aussi problématique. »
• La seconde problématique de santé publique est la pro-
pagation du Sida qui ne cesse d’augmenter.
Son origine se trouve avant tout dans le manque d’éducation
sexuelle de la population, notamment le manque d’informa-
tions sur la contraception à disposition des jeunes femmes
chiliennes. Le gouvernement Chilien a annoncé vouloir faire
de la prévention en lançant un nouveau plan de dépistage
et de prophylaxie du VIH. Le pays connaît depuis quelques
années une forte hausse des cas détectés : leur nombre a
doublé entre 2010 et aujourd’hui, une progression record en
Amérique latine. Le Chili est pourtant l’un des pays les plus
développés d’Amérique du Sud, avec de bons indicateurs
de santé.
• La troisième problématique est l’interdiction de la pilule
du lendemain.
La Présidente chilienne sortante, Michelle Bachelet, a perdu
une bataille dans sa lutte contre les inégalités sociales en
faveur des femmes. À Santiago, le Tribunal constitutionnel a
confirmé, le vendredi 4 avril 2018, l’interdiction de la « pilule
du lendemain ». Dans le cadre d’un ambitieux plan de pla-
nification familiale pour les secteurs les plus démunis, Mme
Bachelet avait décidé, en septembre 2006, que la pilule du
lendemain serait distribuée gratuitement aux adolescentes
à partir de 14 ans, sans autorisation préalable des parents,
afin d’éviter les grossesses non désirées. Chaque année,
38 000 enfants naissent au Chili de mères adolescentes.
La décision de Mme Bachelet a été condamnée par l’Eglise
catholique, les partis de droite, mais aussi par les person-
nalités politiques du centre-gauche au pouvoir. Certaines
pharmacies ont même refusé de distribuer cette pilule, mal-
gré la pression du ministère de la Santé qui les menaçait de
lourdes amendes.
Première femme élue Présidente au Chili, Mme Bachelet
voulait lutter contre le manque d’information sur la sexualité.
Dans les milieux défavorisés, une jeune fille sur cinq âgée
de moins de 20 ans a déjà un enfant contre une sur trente
dans les classes aisées. « Personne ne fait une campagne
en faveur des relations sexuelles précoces, avait plaidé la
Présidente. Malheureusement, 14% des jeunes filles de 14
ans sont déjà actives sexuellement. Il est donc du devoir de
l’État de leur fournir une alternative qui ne soit ni l’avorte-
ment, ni la grossesse. »
L’IVG est interdite au Chili (160 000 avortements clandestins
ont lieu par an), sauf dans 3 situations : viol, risque pour la
mère ou risque pour l’enfant. Contrairement aux pauvres, les
femmes aisées peuvent s’offrir des interruptions de gros-
sesse dans des cliniques privées, qui les « déguisent » en
appendicite.
Effet d’annonce, mesures légères, ou encore archaïsmes,
l’on peut s’interroger sur la pertinence de telles postures
dans la mesure où il n’existe aucun suivi, ni évaluation des
politiques mises en place, ce qui ne permet pas non plus de
les corriger ou de les réajuster le cas échéant.
LE POIDS DE LA RECHERCHE
ET DE L’INNOVATION
L’investissement national en Recherche et Développement
est extrêmement faible : 0,4 % du PIB. Les trois quarts de
cet investissement proviennent du gouvernement Chilien, la
part du secteur privé étant très faible.
Cependant, dans les présentations qui nous ont été faites,
est apparu une vague d’initiatives destinées à renforcer la
place de la connaissance dans l’économie, favorisant ain-
si l’essor du système des services (en lien, par exemple,
avec le système productif minier), ces initiatives étant donc
tournées vers l’innovation et l’entreprenariat. Les gouverne-
ments successifs Bachelet et Piñera ont soutenu la mise en
place d’une structuration institutionnelle du système natio-
nal d’innovation.
Deux agences publiques de financement de l’innovation,
en particulier, ont été citées de nombreuses fois dans les
exemples qui nous ont été donnés à voir :
• La Conicyt qui dépend du ministère de l’Education et fi-
nance en particulier des actions de recherche scientifique
et technologique, ainsi que des actions de formation de pro-
fessionnels.
• La Corfo qui dépend du ministère de l’Economie et qui a
pour objectif de promouvoir l’entreprenariat, l’innovation
et la compétitivité. Cette agence propose plus de 50 pro-
grammes de financement dont bénéficient près de 200 000
personnes chaque année.
Parmi les politiques volontaristes de soutien à la science, à
la technologie et à l’innovation, on a pu remarquer l’impor-
tance accordée à un pilier essentiel de ces trois secteurs : la
formation du capital humain.
Des programmes de financement de formations à l’étranger
(niveau master et doctorat) ont été mis en place dès les an-
nées 2010, complétés ensuite par des programmes d’inser-
tion professionnelle dans le monde de la recherche ou de
l’industrie.
La Corfo, dans le but de créer des liens durables entre les
universités chiliennes, l’écosystème d’innovation et le mar-
ché économique, a développé un programme de soutien au
transfert technologique. Il est à noter que l’excellence des
universités chiliennes est reconnue internationalement.
Une des initiatives emblématiques de la Corfo pour générer
et renforcer les capacités technologiques au Chili, est le Pro-
gramme d’attraction de centres d’excellence internationale
22 I CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018
pour la compétitivité. Treize centres ont ainsi été créés de-
puis 2010, dont 3 sont d’origine française.
Nous avons rencontré les responsables de l’un des derniers
centres créés: Inria Chile, centre d’excellence dédié aux
technologies de l’information et de la communication, qui
travaille en étroite collaboration avec huit grandes universi-
tés chiliennes sur des thématiques clés pour le pays telles
que les énergies renouvelables, les ressources naturelles
ou encore les villes intelligentes.
Inria Chile est devenu un des interlocuteurs naturel des ac-
teurs chiliens en matière d’innovation et ce grâce au déve-
loppement d’une plate-forme de transfert technologique,
basée sur l’expérience de l’Inria en France, comme centre
de recherche d’une part, mais surtout en promouvant des
projets d’innovation au sein d’entreprises, en particulier des
PME, d’autre part.
Le Chili compte également de nombreux incubateurs pour
accompagner les projets innovants, très souvent avec une
vision internationale, beaucoup étant liés à des universi-
tés. En effet, du fait de la relative « insularité » du pays, dé-
crite précédemment, l’économie chilienne est très ouverte
(le coefficient d’ouverture au Chili est de 76,5 % pour une
moyenne mondiale de 61%), et en particulier vers le Paci-
fique et l’Asie. Ainsi, les start-up chiliennes pensent « glo-
bal » dès leurs premiers pas.
Il existe donc aujourd’hui au Chili une réelle volonté poli-
tique de soutenir l’innovation appuyée par une infrastructure
et des dispositifs déjà éprouvés, un rôle des universités ren-
forcé avec une mission forte de soutien à l’innovation et de
mise en relation avec les acteurs privés, un essor important
du secteur des services, et une dynamique de création de
start-up.
CONCLUSION
Depuis plusieurs siècles, nombre de voyageurs venus
au Chili n’en sont plus repartis. Pays fascinant, il n’en
reste pas moins plein de paradoxes. Situé au bout
du monde, éloigné des marchés mondiaux, le Chili
est néanmoins une des plus puissantes économies
d’Amérique latine.
Même si les chiliens voyagent beaucoup, qu’ils sont
très créatifs et tournés vers les nouvelles technologies,
la société chilienne reste un ilot de conservatisme so-
cial. Conservateurs certes, mais paradoxalement em-
plis d’une volonté de changement économique et so-
cial, concrétisée par l’élection de Salvator Allende en
1970, puis en 2006, d’une femme Présidente, Michelle
Bachelet. Face à ces contradictions, nous sommes
confiants dans la capacité du Chili à relever ses défis
et déployer une solide politique d’innovation. Comme
Isabel Allende, nous invitons le voyageur à « ne pas
mettre en doute les merveilles qu’on lui chantera sur
le pays, son vin et ses habitants, car un étranger ne
saurait émettre de critiques; 15 millions de Chiliens
s‘en chargent à plein temps ».
BIBLIOGRAPHIE :
• Notes LG/avril 2018/voyage d’étude au Chili.• Sites de l’Ambassade, de l’OMS.• Articles du Monde Diplomatique mars 2017, l’Express 18 mars 2017.• Recommandations de l’OCDE avril 2017.• Brochure FAO 2017 : Panorama of food and nutrition security in latin America and the carabbean. France Inter : Gros plan
sur un système de santé à 2 vitesses au Chili, RFI : les voix du MONDE 17.04.2018.• Publication de la Banque Mondiale : Projet de soutien au secteur de la santé au Chili 23 mars 2018.• « Chili, hub de l’innovation en Amérique Latine », Inpi-Inria, Septembre 2016
CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018 I 23
6 Les fondamentaux des biens communs,des biens sociaux et des biens
économiques du Chili
Le Chili est un pays aux dimensions exceptionnelles : une
bande de terre de 4 300 km de longueur sur 180 km de
moyenne en largeur. Il peut être considéré comme une île
de par sa géographie et ses dimensions, entouré de mon-
tagnes ou de mer et adossé à la Cordillère des Andes.
Il possède des richesses importantes en ressources natu-
relles et notamment minières avec un désert des plus arides
au monde.
Son peuplement est récent et c’est l’histoire contempo-
raine de ses immigrants/habitants qui nous renseigne tout
d’abord sur le sentiment national particulier : l’identité na-
tionale semble avoir peu de poids face à l’origine des ha-
bitants qui se définissent volontiers en fonction du groupe
d’immigrants auquel ils appartiennent, des années, voire
des siècles après. En effet, elle n’est pas une pensée com-
mune, pas plus que le territoire n’est perçu comme un bien
commun, puisque l’intérêt économique privé du pays est for-
tement ancré sur les matières premières et les ressources
naturelles. Aussi, face à cela, est-on réellement surpris en
découvrant ce pays, dans son histoire et sa géographie
considérablement méconnues du moins en France. Une ap-
proche du Chili sous l’angle des biens communs, sociaux et
économiques est encore plus surprenante. Ainsi, il apparaît
vite que ces biens qu’on pourrait supposer communs (mine-
rais, ressources halieutiques et forestières) sont comme alié-
nés par quelques familles très riches possédant des droits
privés d’exploitation de ces ressources.
LES BIENS COMMUNS,
AVANT TOUT DES BIENS ÉCONOMIQUES
De façon générale, un bien commun peut aisément se
concevoir également comme un bien social et, potentielle-
ment, un bien économique. Les interventions des différents
témoins et acteurs au cours de notre voyage d’études et
les différentes visites que nous avons effectuées nous ont
permis d’identifier les quelques éléments d’analyse déve-
loppés ci-dessous. Par exemple, l’eau, souvent présentée
comme bien commun de l’Humanité, est également un bien
social dès lors qu’elle est accessible à l’ensemble de la com-
munauté et pourra également être considérée comme un
bien économique pour les compagnies qui en assurent l’ex-
ploitation et/ou la distribution. Au Chili, l’assimilation, ou au
contraire la distinction, entre les biens communs, les biens
sociaux et les biens économiques revêt un caractère parti-
culier.
Ainsi, s’agissant des ressources naturelles, biens communs
environnementaux, elles sont exploitées principalement
par des entreprises privées (nationales, mais aussi interna-
tionales ou multinationales) et représentent les premières
richesses du pays :
• L’exploitation des ressources minières
Le Chili est le 1er producteur et 1er exportateur mondial de
cuivre (20% des ressources de la planète ; 50% des expor-
tations mondiales). Le pays possède également d’autres
importants gisements miniers tels que le lithium (33% de la
production mondiale), le nitrate (25% de la production mon-
diale), l’argent (8% de la production mondiale), le molyb-
dène…
• La pisciculture avec notamment l’élevage intensif de sau-
mons et les farines de poisson
L’économie agricole chilienne est la 4e mondiale en termes
de captures halieutiques et le Chili est le 2e producteur et
exportateur mondial de saumon, derrière la Norvège.
• La sylviculture, avec l’afforestation en pins et eucalyptus,
espèces à croissance rapide et haut rendement
CorinneBAUER
ChristianFILLON
GuillaumeRAVEL
GeorgesWEIL
24 I CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018
Les plantations des grandes entreprises forestières couvrent
80% des sols cultivables. Cette production appartient à plus
de 55% à deux entreprises chiliennes même si ces régions
où elles sont installées comptent parmi les plus pauvres du
pays.
Mais il ne faut pas se limiter à cela car il existe aussi des es-
paces communs et des moyens qui pourraient servir l’intérêt
général, comme les infrastructures routières et ferroviaires,
celles-ci, à l’instar des ressources, sont la propriété de cette
même minorité d’acteurs privés qui les utilisent aux seuls
bénéfices de leurs entreprises (chemins de fer, ports inté-
grés verticalement dans des holdings privés). Rien d’éton-
nant alors à ce que 0,1% de la population détienne près d’un
cinquième du PIB Chilien1.
Soulignons qu’au-delà des conséquences en termes d’iné-
galités d’accès et de jouissance, les biens communs que sont
les ressources naturelles et leur exploitation (et quelquefois
surexploitation2) conduisent à la mise en péril des écosys-
tèmes naturels (et donc du patrimoine commun), la charge
environnementale de cette exploitation intensive étant de
plus en plus soulignée3. Une prise de conscience du gou-
vernement et de certains acteurs privés semble aujourd’hui
se dessiner et des actions de protection de l’environnement
sont entreprises (actions par ailleurs également favorables
à l’acceptation, par les citoyens, des activités et nuisances
des grands groupes industriels…). À ce titre, le Chili est fré-
quemment qualifié de « pays laboratoire » du schéma de la
nouvelle économie des ressources4 (NER) telle que décrite
par les agences internationales telles que l’Agence française
de développement (AFD), l’Organisation des nations unies
pour le développement industriel (ONUDI) ou encore le Pro-
gramme des nations unies pour l’environnement (PNUE).
LE MODÈLE ÉCONOMIQUE CHILIEN
Concernant la répartition des biens, il est difficile de passer
sous silence l’influence des économistes Chiliens connus
sous le nom des ‘Chicago Boys’, qui œuvrèrent, de 1960 à
1990, à tous les niveaux de l’État (présidence de la Pontificia
Universidad Católica de Chile, gouvernement de la junte mi-
litaire) à la mise en place d’une économie ultralibérale faite
de privatisations et de réductions des dépenses sociales
afin d’éradiquer le communisme. Il convient d’ailleurs de no-
ter que beaucoup d’entre eux se sont reconvertis à la tête
d’entreprises qu’ils avaient eux-mêmes privatisées.
Dans ce pays, où tout est privatisé, se loger se révèle être
très onéreux au regard du revenu moyen, et l’éducation est
chère. L’ascenseur social ne fonctionne pas ce qui contri-
bue au taux d’inégalité du pays, qui se trouve parmi les plus
élevé du monde : 0,01% de la population détenant 10% du
PIB, soit environ 1 700 personnes, 15 à 20 familles, qui ne
remplissent pas, aujourd’hui, le rôle de mécènes. Il est donc
permis de s’interroger sur la nature des biens communs de
ce pays et s’il en existe encore ?
Quant aux biens économiques, au sens propre, que consti-
tuent les entreprises, ceux-ci sont, semble-t-il, privatisés
dans leur très grande majorité. La prospérité économique
profite-elle à l’ensemble de la population ? Ce serait une
question à instruire car le secteur secondaire (industries de
transformation et production de biens, gisement d’emplois
qualifiés) n’est pas très visible ; on remarquera tout de même
que la holding minière Quiñenco, basée à Antofagasta et
propriété de la famille Luksic, ne possède pas d’usines de
transformation du cuivre au Chili mais est l’actionnaire prin-
cipal de Nexans (près de 30% des parts) à la bourse de Paris.
Par ailleurs, il est bien délicat d’établir, au premier regard,
quelle part des biens sociaux revient aux populations moins
favorisées, contraintes au chômage, à de maigres emplois
de rue (réhabilités en entrepreneuriat individuel ?) ou au
travail dans les entreprises de l’oligarchie. S’agissant de la
protection sociale et des retraites, elles restent entièrement
à la charge des individus avec une attribution indexée sur
l’espérance de vie des personnes.
LA PLACE DE L’ÉGLISE ET DE L’ARMÉE
AU CHILI DE NOS JOURS
Pour autant, un arbitrage inattendu dans cette question des
biens et ressources pourrait être apporté par l’Église catho-
lique au travers de la notion de « péché social », brièvement
introduite dans une conférence à l’Universidad Católica del
Norte à Antofagasta. Les péchés sociaux, contre lesquels il
faut lutter, résident dans des choix politiques, économiques
et techniques dont l’impact sur la vie des collectivités peut
se révéler réellement négatif. L’Église, très puissante au
Chili, pourrait influer sur la possibilité d’une ascension so-
ciale au Chili par le biais de son influence sur les élites
comme sur le peuple –soutien au pouvoir et de protection
des plus faibles– et de ses institutions (dont les universités
catholiques).
Dans un autre contexte, nous nous serions intéressés à la
question de l’armée, forte de près de 140 000 hommes au
Chili et dont la dotation budgétaire, 4% du PIB, est la plus
importante de toute l’Amérique latine après Cuba. Les em-
prises sont réparties sur le territoire, conséquence d’une
forte contrainte liée à l’éloignement géographique. L’armée
a joué un rôle important durant la période de la dictature et
la moitié de son budget est consacrée aux ‘carabineros’ (ca-
rabiniers, police à statut militaire équivalent des gendarmes
1 Le Chili est en effet le 14e pays le plus inégalitaire au niveau mondial ; les 10% les plus riches ont un revenu 27 fois plus élevé que les 10% les plus pauvres. 2 Par exemple, les exploitations minières et la sylviculture sont consommatrices d’importantes quantités d’eau et limitent les possibilités et/ou rendements agricoles des communautés locales.
3 « La tragédie des biens communs » ; tendance à utiliser la ressource de manière intensive et risque de surexploitation4 Les auteurs de la NER argumentent en faveur de l’instauration systématique de droits de propriété privés pour l’allocation des ressources naturelles renouvelables au motif d’une plus grande efficience des mécanismes marchands.
CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018 I 25
français). Depuis 2006, la conscription est automatique,
même si l’abandon du service militaire est régulièrement
évoqué. Cependant, une des étapes importantes a été la
reconnaissance des responsabilités institutionnelles de l’ar-
mée dans la violation des droits de l’Homme durant la dic-
tature. Ce geste a été bien accueilli dans le gouvernement
et la population qui semble attachée à son armée. Parallè-
lement, les jeunes générations d’officiers semblent animées
d’un véritable esprit de loyauté envers le gouvernement et
de nos jours, le Chili possède divers corps militaires (des
casques bleus) aidant aux missions de paix des Nations
unies, à Chypre, en Bosnie-Herzégovine, au Kosovo ou à
Haïti (missions Minustah).
CONCLUSION
Ainsi, les différentes rencontres et observations faites
durant ce séjour et au travers de la rédaction de ce
carnet ont permis de souligner que peu de biens
communs existent au Chili, pays pourtant stable et
prospère. Tout y est privatisé, peu accessible à l’im-
mense majorité de la population, l’ascenseur social
fonctionne mal et génère un taux d’inégalité qui figure
parmi les plus élevés du monde : nous sommes face
« au paradoxe chilien ».
Par de nombreux aspects, le pays apparaît comme
une tragédie tant géographique que géophysique
avec les séismes, éruptions volcaniques et autres tsu-
namis. Mais, il en est de même pour son économie
qui repose sur les vestiges de la dictature. Beaucoup
de gens vivent dans l’espoir d’une ascension sociale,
d’un commencement de redistribution, pour que leurs
enfants puissent bénéficier de meilleures conditions
de vie mais semblent aussi craindre le retour d’une
dictature.
Par ailleurs, l’histoire ou le devoir de mémoire en cours,
que l’on trouve par exemple dans l’ouvrage de Nona
Fernández5, devrait permette aux plus jeunes de com-
prendre le contexte dans lequel leurs ainés ont évolué
et seront peut-être en mesure de mieux comprendre
leur pays et de proposer des évolutions.
5 N.Fernandez, La quatrième dimension, éditions Stock, 2018
26 I CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018
7 Les particularités du lien entre le système de production des
connaissances et l’organisation sociale
La découverte du modèle social et éducatif chilien a été une
page d’étonnement, un bousculement de nos représenta-
tions, une mise à l’épreuve de notre zone de confort. Dans
ce chapitre, nous rendrons compte, dans un premier temps,
de nos impressions en la matière. Nous proposerons ensuite
une caractérisation du système de production des connais-
sances au Chili. Enfin, nous esquisserons les relations que
nous avons perçues entre ce système de production des
connaissances et l’organisation sociale chilienne, en nous
appuyant sur les discours des intervenants que nous avons
rencontrés durant notre voyage d’études.
ORGANISATION SOCIALE
On entend ici par organisation sociale un ensemble de
collectifs en interaction selon des règles ou principes par-
ticuliers. Ce qui nous a marqué au Chili, c’est le caractère
particulièrement saillant de certains groupes sociaux et le
rôle régulateur relativement limité de l’État. Nous avons été
frappés par la concentration des richesses aux mains d’une
poignée de familles, souvent issues de l’immigration euro-
péenne. Ainsi, 11% des richesses sont détenues par 0,01%
de la population du pays, 19% par 0,1% de la population et
30% par 1% de la population. Cette élite, de riches familles
essentiellement d’origine basque, française ou anglaise,
contrôle les leviers économiques en détenant les grandes
entreprises de secteurs aussi stratégiques que l’énergie,
l’approvisionnement en eau, les services financiers, les
transports, la presse écrite, et surtout les mines de cuivre
qui représentent l’activité économique principale du pays.
C’est la même élite qui est présente dans les strates les plus
élevées du pouvoir politique.
Ce mélange des genres et des rôles, souvent, mais pas ex-
clusivement, rencontré dans les pays d’Amérique du sud, li-
mite le rôle de contre-pouvoir de l’État et favorise en consé-
quence la prédominance d’une logique économique au
détriment du traitement des enjeux sociaux, sociétaux et en-
vironnementaux du pays. Il semble que l’État Chilien distille
ses aides et subventions au compte-gouttes, priorité étant
donnée à des enjeux majeurs comme la survie face aux ca-
tastrophes naturelles (surtout après le séisme de 2010 dont
la gestion par l’État a été considérée comme défaillante). En
particulier, nous n’avons pas perçu qu’une réflexion soit me-
née sur la question de la gestion du risque d’épuisement
à moyen terme des ressources naturelles, comme si le fu-
tur n’avait pas de valeur. La protection sociale semble très
faible, comme si elle devait exclusivement relever de la lo-
gique individuelle, et la réduction des inégalités sociales ne
semble pas être recherchée, comme si elle ne constituait
pas un enjeu. Le soutien aux plus démunis semble relever
de l’initiative privée, en particulier de l’Église catholique et
des familles. Même s’il nous a été signalé à plusieurs re-
prises que la France était un modèle de référence pour le
Chili, il n’en demeure pas moins que, d’un point de vue éco-
nomique, un système beaucoup plus libéral prévaut.
Le Chili apparaît, de ce point de vue, tiraillé entre plusieurs
logiques liées à son histoire singulière : vagues d’immigra-
tion d’origine européenne (créant un lien singulier avec
l’Europe), 17 ans de « dictature libérale » et puissante in-
fluence de l’Église catholique et des États Unis. Dans ce
pays, l’espoir d’élévation sociale est largement associé à la
poursuite d’études supérieures, mais les études sont chères
et obligent les étudiants (ou leur famille) à s’endetter consi-
dérablement. En effet, les universités publiques comme
privées fixent leurs droits d’inscription en fonction de leur
renommée et de leur stratégie. Il faut ainsi compter au moins
7 000 euros par année d’étude pour le secteur de la méde-
cine (source : RTBF, 2017). La loi que la présidente Michelle
FabienBLANCHOT
FlavioCHIOMENTO
FrédéricDAMEZ
PascalODOT
CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018 I 27
Bachelet a souhaité faire passer durant son second mandat
sur la gratuité des études n’a toujours pas été promulguée
et il est peu probable que son successeur, libéral, œuvre
dans ce sens. Qu’il constitue ou non un miroir aux alouettes
en matière d’élévation sociale, le système d’enseignement
supérieur, tant public que privé, tient une place importante
dans la société chilienne. On compte ainsi plus d’1,2 million
de jeunes inscrits à l’université pour une population de 17,5
millions (2,5 millions d’étudiants en France pour une popula-
tion de 67 millions d’habitants).
SYSTÈME DE PRODUCTION DES
CONNAISSANCES
L’université est aussi une pierre angulaire du système de
production des connaissances au Chili. En effet, elle re-
présente 75% des dépenses consacrées à la recherche, le
solde étant le fruit de l’investissement des entreprises. Glo-
balement, l’investissement en recherche est faible au Chili.
Il ne représente que 0,4% du PIB contre 2,3% en moyenne
dans le monde et 2,2% en France d’après les données de la
Banque mondiale. La recherche ne semble donc pas la prio-
rité pour le pays et encore moins pour le secteur industriel.
Pour autant, le Chili est le premier producteur de publica-
tions académiques en Amérique latine, rapporté au nombre
d’habitants, attestant d’une productivité remarquable des
chercheurs chiliens. Par ailleurs, le profil géologique particu-
lier du Chili en fait un formidable terrain d’observation ouvert
aux communautés scientifiques internationales : le désert
d’Atacama offre un site unique pour la recherche spatiale
et astronomique ; le sous-sol chilien détient des trésors ar-
chéologiques ; le pays tout entier, à cheval sur deux plaques
tectoniques, est un terrain de jeu grandeur nature pour l’en-
semble des sismologues de la planète… Sur ces niches, le
Chili fédère les meilleurs savants et experts du monde et ex-
celle au niveau scientifique. Qu’ils soient tirés par la commu-
nauté académique internationale, dans la volonté d’explorer
l’univers, ou par des multinationales en quête de nouveaux
gisements en minerais, ces pôles de compétences s’orga-
nisent naturellement au sein des universités, qu’elles soient
publiques ou privées, et contribuent à une recherche sou-
vent très appliquée.
Cette recherche est aussi très internationale et coopérative :
50% des activités de recherche se font avec des organismes
de recherche étrangers. En particulier, des partenariats ont
été noués avec le CNRS, pour la création d’une unité mixte
en mathématiques appliquées, le Center for Mathematical
Modeling (CMM) de l’Universidad de Chile et avec l’Inria
dans le domaine de la géologie et de la sismologie, condui-
sant notamment à la création d’un centre Inria Chile. En ce
qui concerne les entreprises chiliennes, il semble qu’elles
préfèrent coopérer avec les universités anglo-saxonnes plu-
tôt qu’avec des universités françaises, considérées comme
orientées vers des recherches trop théoriques. Il y aurait
« manque de confiance académique ». En outre, les entre-
prises chiliennes financent peu la recherche universitaire
(des doctorants par exemple) notamment pour des raisons
de confidentialité des données, préférant conclure, si be-
soin, des contrats intuitu personae avec les chercheurs
(consultations privées), de sorte que l’essentiel des finance-
ments de la recherche universitaire provient d’organismes
de financement de la recherche. Le mécénat des richissimes
familles vers la science, comme nous avons pu l’observer au
Portugal, n’est pas dans les us et coutumes du pays.
ARTICULATION ENTRE ORGANISATION
SOCIALE ET SYSTÈME DE PRODUCTION
DE CONNAISSANCES
L’articulation entre l’organisation sociale chilienne et son
système de production de connaissances ne saute pas aux
yeux. Il semble néanmoins possible d’établir trois liens prin-
cipaux, qui ont trait à l’intensité, aux modalités et au contenu
de la recherche.
Tout d’abord, le faible poids de la recherche en part du PIB
(1ère caractéristique de l’intensité de la recherche au Chili)
n’est certainement pas indépendant de la structure de l’acti-
vité économique chilienne. La place historiquement forte de
l’activité minière et, plus généralement, du secteur primaire
(agriculture, pêche, forêt, etc.) combinée à la domination
économique d’un nombre réduit de familles qui privilégient
le court et moyen terme au long terme n’est pas de nature à
favoriser l’investissement en matière de recherche.
Ensuite, le caractère coopératif et international de la re-
cherche est lié à la singularité géologique du Chili mais
sans doute aussi à la faiblesse des ressources allouées à
la recherche par l’État et les grandes entreprises locales. La
coopération internationale est en effet un moyen d’accès à
des ressources additionnelles. Elle peut aussi contribuer à
expliquer la productivité relativement élevée du Chili en ma-
tière de publications (2e caractéristique de l’intensité de la
recherche au Chili).
Enfin, le contenu des recherches réalisées n’est pas indé-
pendant du contexte socio-économique chilien. Il est certes
dépendant, on l’a mentionné, de la singularité géologique du
pays mais aussi lié à des problématiques sociales chiliennes.
Ainsi, l’Universidad Católica del Norte a-t-elle entrepris des
recherches sur la géographie humaine dans la région d’An-
tofagasta, notamment sur les flux migratoires relativement
importants dans cette région et les conditions d’une bonne
intégration sociale. Ou bien l’Universidad Católica de Te-
muco s’est intéressée aux communautés indigènes et aux
indiens Mapuche, dans le but de comprendre les rapports
entre Mapuche et tribunaux et d’expérimenter, dans le cadre
d’une recherche-action, des protocoles nouveaux pour gé-
rer les litiges impliquant des Mapuche.
Suivant cette perspective, l’enrichissement paraît mutuel,
la recherche visant l’utilité sociale. Pour autant, la fertili-
sation entre la recherche et la société chilienne fait sans
28 I CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018
doute plus figure d’exception que de règle. En matière de
production de connaissances, le faible investissement na-
tional combiné à un fléchage des ressources possiblement
influencé par des intérêts industriels limite de facto la por-
tée sociale, sociétale et environnementale de la recherche.
En matière de diffusion de connaissances, des efforts sont
localement réalisés pour irriguer les connaissances au sein
de la société chilienne, telle l’initiative de Chantal Signorio
qui, dans le cadre du Festival Puerto de Ideas (le port des
idées) qu’elle a mis en place à Antofagasta, permet d’ouvrir
la connaissance à un public élargi. Et si l’université forme à la
recherche et par la recherche, les bénéficiaires sont poten-
tiellement nombreux, compte tenu de l’importance des étu-
diants au Chili. Faisons l’hypothèse d’une telle acculturation
et gageons qu’elle provoque, dans l’avenir, une orientation
plus long terme et, conséquemment, un investissement plus
fort dans la recherche.
CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018 I 29
8 Les faces de la philosophie et de la mémoire chilienne
Jean-Marc DELTORN
GuillaumeHOUZEL
Sabine TUYARET
DE QUELLE PHILOSOPHIE CHILIENNE
PARLE-T-ON ?
Existe-t-il une philosophie chilienne ? Passer en revue un à
un les travaux des philosophes chiliens donnerait certaine-
ment un aperçu de l’histoire de la philosophie au Chili, mais
cela suffirait-il à identifier sa singularité ? Parmi les éléments
qui pourraient justifier une particularité chilienne, on pour-
rait d’abord examiner les généalogies – intellectuelles et
culturelles – de ces philosophes, reflets des mouvements
migratoires singuliers et des influences idéologiques dont
ils furent les véhicules. On pourrait encore analyser l’histoire
politique dans lesquelles ils s’inscrivirent (et les grandes
ruptures qui y sont associées : la transition pré/post colo-
niale, l’indépendance vis à vis de l’Espagne, le coup d’état
de 1973 et la dictature). On pourrait aussi souligner l’impor-
tance, le poids, de la religion sur le corpus philosophique (et
la difficile séparation religion-état). On pourrait enfin tenter
de tracer un portrait de la mémoire chilienne en miroir de
sa géographie, si particulière, entre ruptures, catastrophes
et segmentations. Car n’est-ce finalement cette nature sin-
gulière qui, unissant la population sur son territoire, serait
à même de fonder une identité chilienne en imposant une
construction sociale partagée du risque ?
UNE PHILOSOPHIE ANCRÉE DANS
LA GÉOGRAPHIE ?
Jorge Estralla évoque en ce sens, dans La philosophie au
Chili, la figure du philosophe Ernesto Grassi (1902-1991).
Pour ce dernier, « en Amérique latine, la présence déme-
surée de la nature dans l’esprit de l’homme fait de lui un
être mythique, spectateur des cycles cosmiques, pour le-
quel prévaut l’identique, le réitératif. » Selon lui, l’homme
sud-américain est ancré dans les cycles naturels et ses ca-
tastrophes. Il est en ce sens essentiellement ahistorique,
détaché d’une notion de progrès si chère au monde occi-
dental. « La pensée et la technique ne font pas partie de
la manière de faire latino-américaine : ses hommes ne pré-
tendent pas dominer la nature, ils s’y soumettent plutôt »1.
Mais si la géographie unique du Chili est sans doute un élé-
ment important qui a façonné sa culture, si elle est le lieu
des extrêmes, de cataclysmes géologiques qui furent tôt la
source d’une cosmogonie où les forces telluriques affron-
taient sans cesse les forces de l’océan, c’est aussi le lieu de
catastrophes humaines : colonisation, christianisation, révo-
lutions, et jusqu’aux dernières décennies, le lieu d’affronte-
ments politiques et idéologiques féroces.
UNE PHILOSOPHIE TRADITIONNELLE
RICHE MAIS IGNORÉE.
Les peuples autochtones, Mapuche, Aymaras, Quechua,
Atacameño (parmi de nombreux autres), constituent au-
jourd’hui environ 10% de la population chilienne. Riches de
leurs cultures originales, ces peuples ont développé des
philosophies propres, singulières, qui subsistent aujourd’hui
encore, non seulement au travers des pratiques spirituelles
et sociales mais qui s’expriment aussi dans l’exercice de
langues aux caractéristiques uniques. La langue Aymara
1 Jorge Estralla. La philosophie au Chili, p. 156
30 I CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018
est ainsi fondée sur une logique ternaire (consistant d’un
« oui », « non » et d’un « oui/non » qui échappe à une
traduction simple dans d’autres langues) dans laquelle se
développe un espace de représentation particulièrement
apte à manipuler les concepts abstraits3. Les principes
philosophiques occidentaux basés sur une catégorisation
« exclusive » (un objet appartenant à une classe ou à une
autre mais rarement aux deux simultanément) mériteraient
certainement d’être confrontés aux principes dérivés d’un
autre fondement logique. La représentation du temps, pour
les Quechua et les Aymara, est également unique : dans ces
traditions, le passé est « devant » alors que le futur est « der-
rière » (puisque le passé nous est accessible, il est donc
visible (et donc « devant nous ») alors que le futur est in-
connaissable, caché, et donc « derrière »)3. Une inversion
de la flèche du temps qui accorde à la mémoire une place
de premier plan (puisqu’il est difficile d’ignorer ce qui nous
fait face). Pour les Mapuche, enfin, l’équilibre de la vie com-
munautaire est au centre d’une philosophie qui repose sur
un profond respect des autres membres de la communauté
(« faire justice » y est ainsi davantage « retrouver un équi-
libre » que de chercher à sanctionner ou à identifier un cou-
pable) mais aussi de la terre et de l’environnement (dans
une vision qui s’oppose radicalement aux pratiques « extrac-
tivistes » de l’industrie minière chilienne et au faible intérêt
apparent du Chili face aux questions environnementales)4.
Pourtant, malgré ces caractéristiques uniques, force est de
constater que l’influence de ces philosophies traditionnelles
a été, jusqu’à aujourd’hui, largement ignorée. La philoso-
phie chilienne, comme le Chili tout entier, semblent en ef-
fet bien davantage « tournés vers l’Europe » que prompts à
s’interroger sur leurs origines et leur mixité, qu’elles soient
culturelles ou ethniques. L’ensemble des enjeux identitaires
et idéologiques du Chili moderne est ainsi caractérisé par
la persistance d’expression de ses origines européennes :
un rapport quasi-tutélaire dans lequel le développement
idéologique, philosophique autant que l’appareil critique se
trouvent comme « figés ». Il n’est donc peut-être pas tout à
fait surprenant que ce soit chez les Mapuche, notamment,
et sans doute justement grâce à ces fondements philoso-
phiques et à ces traditions propres qu’ils ont su préserver,
qu’un discours politique critique (accompagné d’une action
militante) se développe aujourd’hui face à l’ultra-libéralisme
dominant et à l’exploitation sans frein de l’écosystème
chilien5.
LA POLITIQUE, OBJET DE LA
PHILOSOPHIE ? LA PHILOSOPHIE,
INSTRUMENT POLITIQUE ?
Pour Ivan Jaksic, la proximité avec la question politique
est une des caractéristiques de la philosophie chilienne :
« In Chile, philosophers have traditionally understood their
role as one of utilising the instruments of philosophy for
addressing social and political problems. [...] This close
linkage between philosophy and politics constitute the fun-
damental basis for understanding the history of the disci-
pline in Chile and in many instances some of the most si-
gnificant educational and political events in the nation »6.
La question dépassa pourtant le cadre théorique lorsque le
11 septembre 1973 le coup d’état militaire mené par Augusto
Pinochet annonça le retour d’un « ordre » supposément
perdu, ou pour le moins remis en question, durant la prési-
dence d’Allende. Le corps des philosophes reçut, au même
titre que le reste de la société, le choc de plein fouet. Il serait
pourtant faux de penser qu’ils furent unanimes à condamner
le putsch. Une fraction conservatrice accueillit en effet l’an-
nonce d’un tel « retour à l’ordre » comme l’espoir d’un renou-
veau des valeurs fondamentales constitutives de l’identité
chilienne et la possibilité - pratique - d’exclure les fauteurs
de trouble qui risquaient de bouleverser les structures éta-
blies (y compris dans l’ordre administratif des facultés, où
nombre de ces philosophes exerçaient). Ce « nouvel ordre
» fut ainsi synonyme de « purge » dans le milieu universi-
taire. Le département de philosophie de l’Universidad de
Chili à Santiago fut particulièrement touché : « Critics like
Juan Rivano were arrested and sent into exile while others,
like Edison Otero, were dismissed without charges. The mi-
litary placed the University of Chile first under the aegis of
the Air Force and subsequently (1976) the Army»7. À la place
des philosophes et professeurs établis, à présent exclus de
l’université, des intellectuels de second-rang, mais proches
du régime de Pinochet furent nommés aux positions clés et
s’y maintinrent des années durant 8. L’université devint, dans
le même mouvement, le porte-flambeau d’une philosophie
économique inspirée de l’École de Chicago, dont les prin-
cipes néolibéraux organisent toujours, 45 ans plus tard, la
dynamique politique et sociale du pays9. Électricité, eau po-
table, communication et santé sont du domaine de la libre
concurrence.
3 Rafael Núñez, et Eve Sweetser. With the Future Behind Them : Convergent Evidence From Aymara Language and Gesture in the Crosslinguistic Comparison of Spatial Construals of Time
4 Armando Marileo Lefio et Ricardo Salas Astrain. Filosofía occidental y filosofía mapuche: iniciando un diálogo5 David Schlosberg et David Carruthers. Indigenous struggles, environmental justice, and community capabilities, p. 126 Ivan Jaksic. Academic rebels, p. 27 Stanford Encyclopedia of Philosophy: Chilean philosophy8 Id.9 Juan Gabriel Valdés. Pinochet’s Economists: The Chicago School of Economics in Chile
CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018 I 31
« POR LA RAZON O LA FUERZA »,
PAR LA RAISON OU PAR LA FORCE.
Et si la philosophie chilienne s’illustrait tout simplement dans
la devise nationale, conservée depuis 1834. Elle s’inscrit
dans la pure pensée rousseauiste : « Le plus fort n’est jamais
assez fort pour être le maître, s’il ne transforme sa force en
droit, et l’obéissance en devoir. » (J-J Rousseau, Du contrat
social). Une société peut-elle être une démocratie quand
elle s’autorise à fonder son droit sur la force ?
LA FIN DE PINOCHET : L’OPPORTUNITÉ
D’UN RETOUR CRITIQUE ?
La démocratie retrouvée en décembre 1989 a recensé
3 217 personnes assassinées et 38 000 cas de torture par
des agents de la dictature. Les chiffres donnent le vertige
et parlent d’eux-mêmes. En quittant le pouvoir, l’armée a
non seulement négocié l’impunité avec la Concertation des
partis pour la démocratie (alliance des partis politiques de
la démocratie chrétienne à la gauche non communiste) qui
gouverne le pays de 1990 à 2010 mais encore, détruit toutes
les archives de la Centrale Nacional de Inteligencia (CNI) qui
a succédé à la DINA. L’oubli est imposé. L’effacement pro-
grammé des traces par les militaires rend impossible tout
travail de mémoire. L’auteur Luis Sepúlveda qui retourne au
Chili pour vivre les derniers jours de la dictature parle d’«une
démocratie fatiguée dès sa naissance, surveillée, autorisée
et liée par un pacte monstrueux : construire l’euphémisme
permettant de sauver la face d’un État de délinquants, en
acceptant publiquement l’existence de crimes commis mais
pas le nom des criminels.10 »
LE CHILI : « UN PAYS À LA MÉMOIRE
SCHIZOPHRÈNE ». 11
La constitution de lieux de mémoire évoquant la répression
militaire ne débute qu’après le décès du Général Pinochet, res-
té chef des armées dans la nouvelle démocratie. Inauguré en
2010, le Musée de la mémoire et des droits de l’Homme est un
espace consacré aux violations des droits de l’Homme com-
mises par l’état chilien entre 1973 et 1990. Ce musée, né du re-
fus de mémoire, tente une construction sociale de la mémoire
pour éviter l’émiettement des mémoires individuelles. « Il n’y a
pas une seule mémoire du passé. Les gens se souviennent de
manière différente, individuelle et collective. La mémoire est
liée à l’émotion.» déclarait Michelle Bachelet dans son discours
inaugural du Musée.
Le film de Patricio Guzmán, Obstinate Memory, réalisé en
1997 en complément du documentaire La bataille du Chili
dans lequel il avait jadis révélé les scènes du coup d’état
dans toute leur brutalité, revient sur les traces laissées par
les évènements de 1973. Au cœur du propos, la difficulté
d’évoquer les blessures passées.
« Se souvenir », rappelle Ernesto Malbrán, réalisateur et dra-
maturge, recordarse, signifie un « retour au cœur » (« re », le
retour et « cor, cordis », le cœur). Un retour impossible pour
Hortensia Bussi, veuve de Salvador Allende pour qui « l’ou-
bli est une forme d’auto-défense ». Un retour douloureux
pour d’autres, tant « il est difficile d’admettre ses erreurs,
lorsqu’on sait les conséquences du coup d’état ». Ernesto
Malbrán souligne pourtant l’importance du devoir de mé-
moire, alors même qu’il faut expliquer les évènements à
une nouvelle génération qui, « après 23 ans de censures et
d’autocensures, a grandi dans l’ignorance »: « Je suis heu-
reux d’avoir fait partie de cette «nef des fous». Aujourd’hui,
alors que les modèles et les idéologies ont failli, il faut ac-
cepter cette responsabilité: celle d’être la mémoire vivante,
de nous constituer en témoins, pour que les jeunes sachent
que ce coup d’état ne fut pas un naufrage, la fin d’un rêve,
mais rien moins qu’un tremblement de terre. 12 »
Le temps ponce les émotions et permet désormais de ques-
tionner l’Histoire. Le mouvement est encouragé par le retour
des exilés qui se trouvent en décalage idéologique avec le
nouveau Chili. Les retornados poursuivent une forme de mi-
litantisme dans le domaine des droits de l’Homme afin de
sortir leur pays, idéalisé en exil, d’une forme de sommeil
dans laquelle il est plongé depuis 1973. Ils contribuent à la
reconstruction de l’histoire à partir de l’expérience de l’exil.
Et puisque, selon les traditions Aymara et Quechua, « le pas-
sé est devant nous », peut-être sera-ce là l’occasion de le
regarder, enfin, en face.
10 Luis Sepúlveda. Histoires d’ici et d’ailleurs – Portrait de groupe sur fond d’absence11 Thomas Huchon. L’Express 11/09/201312 Ernesto Malbrán. Extrait du film de Patricio Guzmán, « Obstinate Memory »
32 I CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018
BIBLIOGRAPHIE :
• Louise Bonte et Thomas Huchon. 40 ans après Salvador Allende, la mémoire schizophrène du Chili. L’Express, septembre 2013.
• Patricio Brickle. Les faces de la philosophie Chilienne. L’Harmattan, 2016.• Jorge Estrella. La philosophie au Chili. In : Contemporary philosophy, a new survey, vol. 8,
Philosophy of Latin America, Ed. Guttorm Floistad, Springer, 2003.• Patricio Guzmán. Obstinate Memory. Icarus films, 1997.• Iván Guzmán de Rojas. Logical and Linguistic Problems of Social Communication with the Aymara People. International
Development Research Centre, 1985.• Ivan Jaksic. Academic rebels in Chile, the role of philosophy in higher education and politics. SUNY series on American
and Iberian Thought and Culture, State University of New-York (SUNY) press, 1989.• Armando Marileo Lefio et Ricardo Salas Astrain. Filosofía occidental y filosofía mapuche: iniciando un diálogo.
ISEES: Inclusión Social y Equidad en la Educación Superior, vol. 9, 2011, p. 119-138.• Rafael Núñez, et Eve Sweetser. With the Future Behind Them : Convergent Evidence From Aymara Language and
Gesture in the Crosslinguistic Comparison of Spatial Construals of Time. Cognitive Science, vol. 30, n°3, 2006, p. 401-450.
• Nicolas Prognon. L’exil chilien en France ente mobilités transnationales et échanges. Amnis, Revue de civilisation contemporaine Europes/Amériques, décembre 2013.
• David Schlosberg et David Carruthers. Indigenous struggles, environmental justice, and community capabilities. Global Environmental Politics, vol. 10, n° 4, 2010, p. 12-35.
• Luis Sepúlveda. Histoires d’ici et d’ailleurs. Editions Métailié, 2011.• Stanford encyclopedia of philosophy: https://plato.stanford.edu/entries/philosophy-chile/• Gérard Thomas. Chili une mémoire élective. Libération, novembre 2013.• Bernado Toro. Entre histoire et mémoire - Le musée de la mémoire de Santiago du Chili. Revue française
sur les dynamiques migratoires, 1305/2014.• Juan Gabriel Valdés. Pinochet’s Economists: The Chicago School of Economics in Chile.
Cambridge University Press, 1995.
CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018 I 33
9 Le Chili, une terre latino-européenne ?
ChristianDUCROT
FabriceIMPERIALI
AudreyMIKAËLIAN
BrunoPREVOST
Tout laisserait à penser que le Chili, de par sa population, ses
influences et ses collaborations, peut être considéré comme
un territoire latino-européen. Une étude plus approfondie
pourrait toutefois nous laisser penser qu’il en est tout autre,
tant l’influence du continent nord-américain et progressive-
ment celle de l’Asie est présente derrière la façade.
EUROPÉEN PAR SA POPULATION
Bien qu’éloigné de notre continent et isolé par ses frontières
dissuasives, le Pacifique d’un côté, la Cordillère des Andes
de l’autre, la population chilienne est essentiellement eu-
ropéenne à la base. L’immigration européenne l’a façonné,
à commencer par son élite issue essentiellement du Pays
Basque espagnol puis par des arrivées plus massives, au
XIXe siècle, de populations issues d’autres pays d’Europe,
en particulier d’Angleterre, d’Italie, de France, de Croatie
ou d’Allemagne. Les Chiliens se définissent d’ailleurs da-
vantage par leur nationalité européenne d’origine, comme
leur patronyme le souligne fréquemment, que par leur ap-
partenance à une identité chilienne. Les peuples indigènes
(Mapuche et autres) représentent aujourd’hui moins de 5%
de la population chilienne, contrairement à la situation de la
plupart des autres pays d’Amérique latine.
Dans le même ordre d’idée il faut souligner le choix de l’Eu-
rope comme continent de destination d’une grande partie
de la population chilienne, dont 10 000 vers la France, du-
rant la dictature.
EUROPÉEN PAR SES INFLUENCES
Par ses influences, le Chili peut aussi se comparer à
l’Europe.
Politiquement d’abord, le pays a les mêmes préoccupations
que l’Europe : le libre-échange, nous y reviendrons, l’écolo-
gie, les droits de l’Homme (dans une certaine mesure), etc.
L’Europe reste donc un modèle et c’est étonnamment au tra-
vers des yeux européens que les Chiliens ont parfois réalisé
la gravité de la période Pinochet, quel que soit le niveau
d’objectivité des européens sur ce sujet.
Au niveau du développement économique, le Chili est
comparable à la Pologne ou au Portugal. Cela n’en fait pas
un pays d’Europe pour autant mais il est toutefois à noter
que l’Union Européenne est le 3e partenaire du Chili et
que le Chili est le 3e marché d’exportation en Amérique du
Sud pour la France. Pour continuer sur ces aspects éco-
nomiques, le pays est régulièrement comparé à la Suisse
Allemande en raison de sa rigueur et de son aspect « festif »,
image de marque du continent Sud-Américain, beaucoup
moins marqué que chez ses voisins.
Côté urbanisme, l’influence européenne ne fait aucun doute
tant l’inspiration des paysages urbains d’Europe est mani-
feste. Les multiples collines de Valparaiso, dont les habita-
tions rappellent les architectures rencontrées dans diffé-
rents pays de notre continent et ses monuments en sont une
autre preuve.
Enfin, sur un tout autre sujet, si la pratique religieuse semble
en perte de vitesse, la religion catholique est toujours pré-
sente, a minima entretenue, dans certaines catégories de
la population plutôt élitistes, dans ce pays pourtant laïque.
EUROPÉEN PAR SES COLLABORATIONS
La société chilienne est tout d’abord très inspirée du mo-
dèle intellectuel et académique européen et en particu-
lier français. Si déjà le Chili était un sujet d’écriture pour
Aragon, Brecht et Baudelaire, il n’est pas étonnant de trou-
ver de nombreux ouvrages français dans les bibliothèques
34 I CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018
ou les musées chiliens (traités de géologie ou de minéra-
logie par exemple au Musée de l’Universidad Católica del
Norte à Antofagasta). De même la plupart des universitaires
que nous avons rencontrés maitrisent la langue française et
collaborent avec des chercheurs français.
L’industrie européenne est également très implantée. Pour
ne citer que la France, les industries ferroviaire (métro), aéro-
portuaires (l’aéroport de Santiago est géré par la société Aé-
roport de Paris) ou énergétiques, représentent une bonne
proportion des 240 entreprises présentes sur le territoire.
Plus loin dans le passé, des capitaux européens importants
ont été investis dans le pays, par exemple des capitaux alle-
mands dans l’industrie du salpêtre et les pays européens ont
aidé à la reconstruction suite aux catastrophes sismiques.
Adossés au secteur industriel, pour reprendre l’exemple
de la France, des centres de recherche et développement
conjoints ont été développés (avec l’Inria Engie et Naval
Groupe par exemple) ainsi que de nombreuses coopéra-
tions scientifiques et universitaires (4 000 projets communs).
Des unités de recherches mixtes, du CNRS, de l’IRD ou de
l’Inria sont présentes localement et les échanges bilaté-
raux d’étudiants ne sont pas anecdotiques : 900 étudiants
chiliens poursuivent leurs études dans les établissements
supérieurs en France et 600 étudiants français se forment
au Chili chaque année. Pour terminer sur notre exemple, la
France, via le CNRS, est le plus gros collaborateur du Cen-
ter for Mathematical Modeling de l’Universidad de Chile à
Santiago.
L’astronomie est probablement le plus bel exemple de col-
laboration avec l’Europe. L’European South Observatory,
collaboration de pays européens, aurait presque sa place
sur le blason du Chili tant ses stations d’observations, mon-
dialement reconnues pour leur situation idéale, attirent les
scientifiques et les financements européens dans le désert
chilien.
LATINO-EUROPÉEN ET AMÉRICAIN
Alors oui, c’est un fait, le Chili est un pays latino-européen.
Mais cette vision en trompe l’œil masque une réalité somme
toute différente. Il n’est pas possible d’ignorer l’influence
américaine, politique au moment du cout d’état du Général
Pinochet en 1973, et économique aujourd’hui au travers d’un
modèle ultra libéral qui peine à masquer sa divergence ou
son exagération du modèle américain. Même si le modèle
social européen semble attirer les chiliens, la réalité montre
au contraire une organisation sociale fortement inégalitaire
et le pouvoir déterminant d’une oligarchie économique sur
l’état.
Par ailleurs, même si le Chili a été relativement isolé géo-
graphiquement au cours du temps et que des tensions
récurrentes existent avec la Bolivie autour de la question
d’accès à la mer, il entretient de bonnes relations politiques
et économiques avec la plupart des pays latino-américains.
Le pays est l’un des membres actifs du Mercosur et de l’al-
liance Pacifique. L’augmentation de l’immigration depuis
la fin de la dictature se fait d’ailleurs au profit de migrants
venant d’autres pays latino-américains (Bolivie, Pérou et
Colombie en premier lieu), attirés par l’attractivité écono-
mique du pays. Les migrants européens actuels sont en fait
des migrants temporaires qui viennent le temps de l’implan-
tation d’infrastructures.
L’éloignement à Valparaiso, à une centaine de kilomètres de
la capitale, donc du pouvoir, de la chambre basse du Parle-
ment trahit l’idée d’un modèle démocratique à l’européenne
tel que nous nous le représentons. La constitution rédigée
au temps de la dictature, période de forte influence des
États-Unis au Chili, n’a pratiquement pas évolué.
Et la révolution des citoyens dans tout cela….. ? Son absence
dans les faits à chaque changement de régime ou de gou-
vernement ne laisse pas de place à une quelconque compa-
raison avec un modèle français (sans jugée de son bienfon-
dé) pourtant cité en référence à répétition.
Au Chili, les biens considérés en Europe comme publics sont
vendus : à de riches compagnies d’extraction de cuivre en
ce qui concerne les ressources naturelles présentes dans
le désert d’Atacama, à la Bolivie pour une partie des eaux
territoriales, ou possédés par des particuliers comme cela
est le cas pour l’eau.
Côté nourriture, l’omniprésence du pain (à la française) sur
les tables peine à faire oublier les rayonnages hypnotiques
de boissons sucrées américaines dans les magasins, des
plus petits aux superettes. Des chiffres de 2015 indiquent
que le Chili est le second consommateur de sodas au
monde, derrière le Mexique, avec 144 litres consommés par
an par habitant. Conséquence directe : avec plus de 25%
d’adultes concernés, le Chili est le huitième pays au monde
le plus affecté par l’obésité (chiffre OCDE).
Le goût même du café est loin d’imiter un ristreto à l’Italienne
mais se rapproche davantage du breuvage consommé à
New York.
Les médias, télévisuels notamment, où les programmes
oscillent entre soaps ou séries à la mode américaine par-
ticipent de l’éloignement annoncé du mode de diffusion
Européen.
CONCLUSION
Donc oui, en s’arrêtant aux discours de certaines élites,
le Chili est un pays latino-européen. Mais nonobstant
les exemples concrets et nombreux que nous venons
d’énumérer, l’empreinte historique et croissante des
États-Unis, l’arrivée progressive des pays asiatiques
(la Chine achète 40% de la production de cuivre), et
la distance prise avec notre modèle égalitaire (pour-
tant vanté) nous obligent à fortement nuancer cette
affirmation.
CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018 I 35
10 Mobilités et réseaux au Chili : les effets de la géographie, de l’histoire
et des organisations sociales et familiales
INTRODUCTION
Pays d’Amérique du Sud qui partage ses frontières avec le
Pérou au Nord, la Bolivie et l’Argentine à l’Est, tout en étant
bordé par l’océan Pacifique à l’Ouest, le Chili constitue une
étroite bande de terre de 4 300 km du Pérou au Cap Horn,
d’une largeur moyenne de 180 km, dont la superficie totale
s’élève à 756 900 km2, comprenant l’archipel Juan Fernández
et l’Ile de Pâques.
Pays « couloir », « lame étroite de terre instable » « folie
géographique qui résume en elle mille souffrances, mille
erreurs de la terre», comme le décrit Fernand Braudel1, son
territoire est particulièrement exposé aux risques naturels :
ouragans, tsunamis, tremblements de terre, volcans, incen-
dies… « Chaque souffrance obligeant l’homme à réagir et
à s’adapter », poursuit Braudel, le pays est donc en perma-
nente reconstruction à la suite d’un traumatisme naturel.
Son histoire sociale, politique et culturelle est, quant à elle,
marquée aussi par la tragédie : l’« européanisation » induite
par les vagues d’immigration espagnole du début du XXe
siècle, les conquêtes et l’acculturation des minorités in-
diennes, notamment des Mapuches, les récentes vagues
de migrations haïtiennes et vénézuéliennes, ont conduit à la
constitution de communautés, fragmentant l’identité globale
du pays, sans commune mesure avec ses voisins d’Amé-
rique latine. S’ajoute à ces éléments le traumatisme récent
de la dictature Pinochet, et sa féroce répression, qui a pous-
sé à l’exil près de 400 000 Chiliens.
L’ensemble de ces caractéristiques font du Chili un pays
complexe à appréhender ; s’il est aujourd’hui officiellement
un pays riche d’Amérique latine et une démocratie depuis
1990, les réalités quotidiennes de ce pays ne reflètent pas
toujours ces faits.
D’un point de vue économique d’abord, le Chili présente
à la fois les caractéristiques de développement d’un pays
riche -économie dynamique, forte urbanisation, nombreuses
richesses naturelles-, et de fortes inégalités de développe-
ment liées à la rigidité de son organisation sociale, carac-
térisée par la concentration du PIB dans les mains d’un pe-
tit nombre (0,1% des plus riches captent ainsi 10% du PIB2 ),
la privatisation de ses ressources (eau, transport), le conser-
vatisme fort lié au poids de l’église, la quasi-absence de pro-
tection sociale, les difficultés d’accès à l’éducation…
D’un point vue politique ensuite, la gouvernance du pays
mêle ultralibéralisme et oligarchie se rapprochant ainsi de
l’ancien régime français. La vision duale, classiquement dé-
veloppée en France, entre Allende et Pinochet ne corres-
pond pas à la perception qu’ont de nombreux Chiliens pour
lesquels la période d’Allende fut une période de déclin éco-
nomique, de grèves et d’inflation. L’alternance démocratique
récente entre les gouvernements de Michelle Bachelet et
de Sebastian Piñera n’a pas conduit à de réelles réformes
structurelles d’envergure, objet aujourd’hui d’une contesta-
tion larvée, en particulier des plus jeunes.
Ainsi, les particularités géophysiques mais aussi historiques,
économiques et sociales, contrastées et parfois paradoxales
du Chili ont fortement impacté ses réseaux et mobilités et
généré une structuration de sa société tout à fait atypique
que nous tenterons de décrypter dans ce chapitre de notre
carnet de voyage.
Daniel BRUNO
VirginieFARRE
Marie-LineVAIANI
Maud VINET
1 Braudel Fernand. Chili, cette folie géographique. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 3e année, N. 4, 1948. pp. 443-446.2 Données fournies par le Conseiller économique de l’Ambassade de France, Avril 2018
36 I CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018
DES CARACTÉRISTIQUES
GÉOGRAPHIQUES FONDANT
UN SYSTÈME ATYPIQUE DE MOBILITÉS
ET DE RÉSEAUX
UNE ENCLAVE GÉOGRAPHIQUE EXPOSÉE
AUX RISQUES NATURELS ET PEU PROPICE
AU DÉVELOPPEMENT DES RÉSEAUX
DE TRANSPORT.
Finistère du bout du monde, le Chili se caractérise en pre-
mier lieu par une géographie physique particulière. Pays le
plus à l’ouest sur le planisphère, son histoire géomorpholo-
gique est directement liée à la tectonique des plaques. Sur
sa moitié Nord, il est à la jonction entre la plaque sud-amé-
ricaine et celle, restreinte et totalement immergée, de Naz-
ca. Sur sa moitié Sud, il se prolonge pour prendre appui sur
la plaque Antarctique. Il est donc situé dans une zone de
convergences de forces qui ont donné naissance à la Cor-
dillère des Andes, formant sa frontière à l’Est avec l’Argen-
tine. Il s’est étendu au Nord à la fin du XIXe siècle, et ce, au
détriment de la Bolivie qui a ainsi perdu son seul accès au
Pacifique. Au Sud, il s’est accordé avec l’Argentine pour se
partager la Patagonie et conserver le détroit de Magellan.
Aujourd’hui, encore, il aspire à étendre son territoire jusque
sur l’Antarctique.
Le Chili est par ailleurs exposé à tous les risques naturels :
en plus des ouragans, il est confronté aux tremblements de
terre, tsunamis, inondations, incendies (comme en 2017) et
éruptions volcaniques. Situé sur une zone de convergence
entre une plaque océanique et une plaque continentale,
cette particularité générant de très régulières secousses sis-
miques (près d’une centaine depuis le début XXe siècle de
plus 6,5 de magnitude) qui s’accompagnent régulièrement
de tsunamis violents.
Par son isolement et son éloignement, le Chili peut donc
facilement s’apparenter à une île. Ces caractéristiques géo-
graphiques ont nécessairement bridé le développement
des réseaux et infrastructures de transport : il n’existe au-
jourd’hui aucun tunnel pour traverser la Cordillère des
Andes et favoriser l’accès à l’Argentine. La voie de chemin
de fer construite au XIXe siècle pour relier les extrémités
Nord et Sud du Chili n’est utilisée que très partiellement, de
manière discontinue, essentiellement pour le transport de
marchandises et même uniquement dans le Nord du pays
d’autant que la ligne appartient à un consortium d’exploi-
tants miniers. Paradoxalement, alors que les caractéristiques
géographiques pouvaient le laisser supposer, l’État n’est pas
impliqué dans les services de transports, qui sont soit des
partenariats public-privé, soit exploités directement par le
secteur privé. Cela est vrai pour les très nombreux aéro-
ports (celui de Santiago est exploité par Vinci) mais aussi les
ports, surtout destinés à la pêche industrielle, ainsi que pour
les très nombreux bus et autocars qui sillonnent le pays sur
un réseau routier de qualité, développé après la 2nde Guerre
mondiale par l’état pour favoriser l’investissement privé.
En matière de prévention des risques naturels, on constate
un désengagement semblable en matière d’implication de
d’État et de réseaux associés. Le pays a toutefois mis en
place, en 1974, l’Onemi3, organisme de l’État chilien qui a
pour mission de planifier et mettre en œuvre la prévention
et l’intervention face aux catastrophes naturelles. Un plan
national de protection civile a permis de réduire le nombre
de victimes des catastrophes subies ces dernières années
et, en 2010, un programme spécifique sur les risques, le pro-
gramme Citrid4, a émergé à l’Universidad de Chili pour mo-
biliser les chercheurs autour des questions de gouvernance
de la prévention et de la sécurité, venant compléter le dis-
positif de prévention et donnant lieu, en 2016, à un véritable
programme et une philosophie du risque.
Pourtant, selon Ricardo Toro, actuel directeur de l’Office na-
tional d’urgence du Chili (Onemi), « Il est certain qu’il y aura
un tremblement et nous envisageons toujours le pire. Mais il
faut savoir qu’il n’est pas possible de déterminer le moment
où celui-ci se produira. Une série de secousses peut se ter-
miner dans le calme, se prolonger ou aussi – puisque nous
sommes un pays sismique – provoquer un tremblement de
terre, et cela, nous ne pouvons pas le prédire. »
En fait, derrière cette impossibilité annoncée, se cache la
conséquence d’un manque de pilotage national ; en matière
de prise en charge des risques naturels, l’organisation du
maillage territorial chilien est inexistante, à l’instar d’un état
très centralisé qui n’a connu aucune décentralisation ; les 15
régions du Chili, gouvernées par un préfet, ont des pouvoirs
très limités (ceux d’appliquer les directives de l’État même
si celles-ci ne prennent pas en compte les particularités des
différentes régions). L’organisation de ce maillage se heurte
en outre à une double difficulté : d’une part coordonner et
faire collaborer l’ensemble des acteurs privés qui assurent
des délégations de service public sur l’ensemble du terri-
toire que cela soit dans le domaine du gaz, de l’électricité et
de l’eau. D’autre part, fiabiliser les données des nombreuses
agences d’évaluation des risques réparties dans chaque
zone sensible et sites urbains dont le contrôle supranational
et le système d’évaluation est inexistant et fait donc obstacle
à la vérification et compilation de l’ensemble des données
recueillies de manière parcellaire pour avoir une vision glo-
bale et complète permettant d’établir des modèles de prévi-
sion suffisamment robustes.
En conséquence, en 2010 puis en 2014, de forts séismes
ont engendré de nombreux dommages et souligné les diffi-
1 http://www.onemi.cl/2 http://citrid.uchile.cl/
CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018 I 37
cultés des autorités chiliennes à prévenir ces catastrophes,
mais surtout à les gérer. Dans ce pays, où l’État est peu impli-
qué dans la vie économique et sociale, la seule organisation
capable de réagir en situation d’urgence a été l’armée ce
qui a suscité d’extrêmes inquiétudes de la part de la popula-
tion qui craignait un retour aux jours sombres de la dictature
Pinochet.
UNE ÉCONOMIE RICHE ET STABLE PERMETTANT
L’ESSOR DE PUISSANTS RÉSEAUX ÉCONOMIQUES
ET INDUISANT DE NOUVEAUX FLUX MIGRATOIRES
Malgré cette situation d’isolement liée aux fortes contraintes
géographiques, le pays a su développer une économie
variée axée à la fois sur la pêche industrielle, l’agriculture
intensive, la production de vins, l’exploitation des mines (sal-
pêtre et cuivre pendant la deuxième guerre mondiale pour
répondre aux besoins des usines d’armement des États-
Unis puis sulfates et lithium), l’industrie forestière et, de plus
en plus, le tourisme.
Le Chili est aujourd’hui le pays d’Amérique latine le plus
riche avec un PIB par habitants qui ne cesse d’augmen-
ter, aujourd’hui il se situe autour de 24 000$ par habitant5.
Il connait une croissance ininterrompue depuis 2000, et une
croissance moyenne de 4,9% entre 2000 et 2013.
Mature et dynamique, son économie est par ailleurs très ou-
verte sur le Pacifique et vers l’Asie (Chine Japon et Corée
du Sud). Pays le plus ouvert d’Amérique latine, le Chili se
caractérise par le libéralisme de son marché, et a passé des
accords de libre-échange avec 64 économies représentant
plus de 85% du commerce mondial. Le Chili fait partie, de-
puis 1996, du Merosur, Marché commun du Sud, et a signé
des accords de libre-échange avec le Pérou, la Colombie
et le Mexique. Il est une destination d’intérêt croissant pour
l’internationalisation des PME européennes. Le Chili fait aus-
si partie de l’Alliance du Pacifique, lancée en 2011, alliance
dont l’objectif est «d’encourager l’intégration régionale, et
ainsi la croissance, le développement et la compétitivité»
entre le Chili, la Colombie, le Pérou et le Mexique (et bientôt
Panama) 6.
Premier pays d’Amérique latine à être devenu membre de
l’OCDE (le Mexique l’a rejoint depuis), il a récemment relan-
cé le TPP, Partenariat Trans-Pacifique à 11 (sans les États-
Unis qui en sont sortis avec D. Trump), dont il a été membre
fondateur en 2005 avec 3 autres pays (Bruneï, Nouvelle-
Zélande, Singapour), le TPP représentant la plus vaste zone
de libre échange dans le monde.
Ces réseaux économiques bien développés, couplés à une
stabilité politique, font du Chili un pays attractif en matière
d’investissements étrangers, et notamment français
(240 filiales d’entreprises françaises y sont implantées) ; par
ailleurs, les coopérations scientifiques y sont excellentes, le
modèle intellectuel et d’enseignement supérieur subissant
un fort tropisme européen et plus particulièrement français,
à la nuance près du coût exorbitant des études : cela se
traduit notamment par des mobilités étudiantes importantes
vers la France, de l’ordre de 10 milliers par an.
L’urbanisation du pays et la concentration de la population
au sein des grandes villes (7 millions d’habitants à Santia-
go sur 17 millions d’habitants au total) couplée à sa stabilité
et à sa richesse, font de l’immigration, haïtienne et véné-
zuélienne notamment, un sujet nouveau, avec une législa-
tion pour l’heure encore très libérale.
UN AVENIR INCERTAIN
La situation, mais aussi l’histoire sociale et politique du Chili
ont généré une structuration atypique des réseaux et mo-
bilités du pays, caractérisés par une certaine rigidité, liée à
la construction de son identité, à une organisation sociale
figée, et à une économie finalement fragile car dépendante
de ses matières premières.
LA DIFFICILE CONSTRUCTION D’UNE IDENTITÉ
Le point commun identifié suite à l’étude historique, écono-
mique, et politique du Chili est le fait que ce sont des re-
présentants de pays étrangers, implantés sur le territoire ou
commanditaires, qui ont toujours piloté les choix de cette
nation chilienne.
Dans la continuité de la conquête espagnole du XVIe
siècle, beaucoup d’immigrants espagnols et basques sont
venus s’installer au Chili tout au long du XVIIIe siècle. Le
siècle suivant, nombreux anglais, français et italiens y sont
venus chercher fortune et ont le plus souvent, avec les
descendants espagnols, constitué l’élite locale. Le Chili
compte également de fortes communautés palestiniennes,
syriennes et israéliennes.
Par ailleurs, les populations indiennes, avec une faible pré-
sence sur le territoire (elles représentent à peine 10% de
la population chilienne alors qu’au Guatemala, elles y re-
présentent 70%) constituent aujourd’hui une minorité qui
fait de plus en plus parler d’elle. La communauté Mapuche
notamment, ensemble de communautés aborigènes de la
zone centre-sud du Chili et de l’Argentine, a subi, aux XXe et
XXIe siècles, un processus d’acculturation et d’assimilation
aux sociétés des États argentin et chilien, au rebours duquel
se feront jour des manifestations de résistance culturelle
et éclatent çà et là des conflits parfois violents (avec morts
d’hommes) centrés autour de la propriété des terres, de la
reconnaissance de leurs organisations et de la pratique de
leur culture.
5 https://data.oecd.org/fr/chili.htm6 Quatre pays donnent naissance à l’Alliance du Pacifique, Courrier international, 29 avril 2011
38 I CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018
Ces populations indiennes converties, après l’implantation
forcée sur des terrains à eux assignés par le Chili et l’Ar-
gentine, en un peuple de paysans, sont vouées à l’heure
actuelle à une grande fragmentation culturelle, à un morcel-
lement de la propriété, et à une migration vers les grandes
villes par les générations plus jeunes, qui a eu pour effet de
faire des Mapuches une population aujourd’hui majoritaire-
ment urbaine, établie principalement à Santiago du Chili et
à Temuco.
La question de la nation est donc complexe au Chili : les
anciens explorateurs ou migrants sont aujourd’hui à la tête
des institutions politiques et économiques alors que les des-
cendants des autochtones qui ont résisté farouchement aux
Espagnols se plaignent de discrimination raciale et sociale
dans leurs rapports avec le reste de la société, et que, selon
les statistiques officielles, leur indice de pauvreté est plus
élevé que la moyenne nationale chilienne.
Il existe une autre problématique fragilisant l’identité natio-
nale : le Chili s’est reconstruit après l’ère Pinochet sur un
consensus national de l’oubli, solution choisie par les diffé-
rents gouvernements pour permettre à la jeune démocratie
de se créer un avenir, respectant en cela le diktat de Pino-
chet. Le développement d’une mémoire officielle, avec no-
tamment le superbe Musée de la mémoire et des droits de
l’Homme à Santiago, ne suffit pas à l’établissement d’une
mémoire collective et les demandes de justice et de vérité
sont toujours éludées par les pouvoirs en place.
Cette situation peut sans doute expliquer que le taux de
participation aux dernières élections présidentielles n’ait été
que de 49% en moyenne l’un des plus bas de l’OCDE (69%
en moyenne à l’échelle de l’OCDE)
UNE ORGANISATION SOCIALE INÉGALITAIRE ET FIGÉE
Le Chili, comme la plupart des pays d’Amérique latine, est en-
core fortement marqué par l’influence de l’Eglise catholique.
La société chilienne reste très imprégnée de cette culture
chrétienne qui a diffusé jusque dans les universités, qui dé-
pendent directement du pontificat. Il existe aujourd’hui au
Chili, et ce depuis 1888, 18 facultés catholiques réunissant
26 000 étudiants et 3 500 professeurs.
L’église garde en outre un rôle très interventionniste en l’ab-
sence d’engagement de l’État dans certains domaines : elle
intervient ainsi dans le domaine d’accès aux droits des mi-
grants et organise leurs campements à l’encontre des direc-
tives des municipalités. Elle contribue à la promotion de l’art
et de la culture pour « éduquer » l’éco-système. Ce faisant,
ce poids de l’église contribue aussi à la rigidité de l’organisa-
tion sociale : si la liberté de culte est reconnue depuis 1925,
date de séparation de l’église et de l’État, en 2006, 75% des
députés ont voté contre la dépénalisation de l’avortement.
Par ailleurs, en matière d’éducation, le système d’ensei-
gnement supérieur est particulièrement critiqué, puisque
payant, même dans le public. Il a provoqué d’importantes
manifestations estudiantines en 2006 et 2011 appelant à
une « éducation gratuite pour tous ».
De la même manière, les systèmes de santé et de retraite
pâtissent du non engagement de l’État ; la sécurité sociale
est assumée entièrement par les salariés ; les hôpitaux pu-
blics connaissent des difficultés à accueillir les malades en
raison de la trop forte demande par rapport aux places dis-
ponibles, alors que la médecine privatisée est trop chère
pour la plupart des Chiliens.
Le Chili dispose d’un système complexe de comptes
épargne-retraite individuels mais le montant moyen des pen-
sions ne représente que 15% de la rémunération moyenne
d’un actif. La faiblesse des montants s’explique par des co-
tisations obligatoires de l’ordre de 10% seulement (20% en
moyenne sur les pays de l’OCDE) mais aussi par le cumul
de périodes d’activité indépendante, d’emploi informel, de
chômage ou d’inactivité particulièrement chez les femmes
et les travailleurs manuels.
UNE ÉCONOMIE DÉPENDANTE ET FRAGILE
La fragilité de l’économie chilienne se manifeste par sa
forte dépendance au cours des matières premières qu’elle
exporte, en particulier des cours du cuivre, dont elle est le
premier producteur mondial (50% des exportations) qui ont
ralenti la croissance (2%) entre 2014 et 2017. Au surplus,
l’extractivisme forcené des ressources naturelles, pour ré-
pondre aux besoins des grandes puissances, menace l’équi-
libre écologique et économique du pays. À la question de
savoir ce qui se passera quand les ressources de cuivre
seront épuisées, les universitaires répondent encore, pour
l’instant, on exploite.
Le gouvernement sortant a défini une politique de gestion
du pays à l’échelle macroéconomique ce qui a permis de
donner une assise économique saine, comme le souligne
l’étude économique de l’OCDE publiée le 26 février 2018.
Pour autant, restent à améliorer la faiblesse de la producti-
vité chilienne et les possibilités d’accès à des emplois quali-
fiés, et surtout à réduire l’ampleur persistante des inégalités
sociales.
Angel Gurria, le secrétaire général de l’OCDE, lors de son
discours de présentation soulignait : « la reprise économique
mondiale actuelle offre une occasion essentielle d’appro-
fondir les réformes structurelles engagées afin que le Chili
puisse réaliser pleinement son potentiel économique, profi-
ter pleinement de la globalisation et en partager plus équi-
tablement les fruits ». Quels seront les choix du nouveau
Président ? il est encore trop tôt pour le dire.
CARNETS DU VOYAGE D’ÉTUDES AU CHILI • CYCLE NATIONAL 2017-2018 I 39
CONCLUSION Si le Chili s’affirme comme une vraie puissance éco-
nomique en Amérique latine et l’un des pays les plus
développés du continent, les limites de son système
ultralibéral restent toutefois criantes : inégalités so-
ciales et culturelles manifestes, non prise en compte
des risques d’appauvrissement des sols et des ri-
chesses du pays, peu ou pas d’innovation, absence
de coordination politique des programmes sociaux,
des infrastructures et des services publics aux mains
du secteur privé sans aucun contrôle véritable.
Si ces inégalités s’expliquent et reflètent les contrastes
du pays, à tous points de vue, un certain nombre de
signaux de prise de conscience et de désaccord de
la population face à elles émergent : la jeunesse, les
Mapuches.
Le Chili se caractérise au sein des pays développés
selon le classement de l’OCDE comme étant en des-
sous de la moyenne internationale concernant les
thèmes de l’engagement civique, de la santé, de l’em-
ploi et les salaires, des liens sociaux, de la sécurité, de
l’éducation et des compétences, ainsi que de la qua-
lité de l’environnement. Parallèlement, les Chiliens,
eux, se distinguent de nombreux autres peuples par
un niveau global de satisfaction de leur vie de 6 ,7 (sur
10) légèrement supérieur à la moyenne de l’OCDE.
Le devenir et l’évolution du Chili est aujourd’hui une
vraie question ouverte.
40 I ANNEXE
Dimanche 8 - Lundi 9 avril Paris > Santiago du Chili
INFLUENCE D’UNE GÉOGRAPHIE
TRÈS PARTICULIÈRE
Le Chili est façonné par sa géographie si particulière que
ce soit en termes de système économique (plus de 20% de
l’économie du pays est basée sur l’exploitation ressources
naturelles), de structuration de la recherche (la recherche
scientifique hormis pour des domaines historiques comme
les mathématiques ou l’astronomie est tournée vers le sys-
tème productif du pays, lui-même lié à ses ressources na-
turelles) de structuration sociale (40,5% de la population
chilienne vit à Santiago, l’organisation réseaux –transport,
communication, électricité– est déterminée par la forme
spécifique du pays ), d’accès aux ressources (électricité,
eau) ou de gestion des risques et de résilience (importance
des risques sismiques et exposition aux tsunami).
LE CHILI : un pays façonné par sa géographie
Enrique ALISTE, géographe, professeur à
l’université du Chili
LES RELATIONS FRANCO-CHILIENNES ÉLEMENTS
DE CONTEXTE ET PANORAMA
Les services de l’Ambassade de France travaillent sur tous les
aspects de la coopération entre la France et le Chili que ce
soit en termes de relations diplomatiques bien évidemment,
de coopération linguistique, éducative, économique, cultu-
relle ou scientifique. Les agents de l’ambassade ont ainsi
une lecture approfondie du pays en lien avec leurs activités.
Ces premiers échanges permettront de mettre en exergue
les grandes dynamiques des systèmes économiques, de re-
cherche ou encore éducatifs du Chili aujourd’hui et les liens
particuliers que le pays entretient avec la France.
LES RELATIONS FRANCO-CHILIENNES
Gabriel NORMAND, premier conseiller
de l’Ambassade de France au Chili
LE SYSTÈME ÉCONOMIQUE CHILIEN
Marc LEGOUY, chef du Service économique de
l’Ambassade de France au Chili
LE SYSTÈME D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
ET DE RECHERCHE AU CHILI
Ingrid CHANEFO, attachée de coopération
scientifique et universitaire de l’Ambassade de
France au Chili
Mardi 10 avril Santiago
ORGANISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
ET DE LA RECHERCHE
L’Université du Chili, fondée en 1842, est l’institution d’édu-
cation supérieure la plus ancienne du pays, et l’une des plus
prestigieuses en Amérique du Sud. Nationale et publique,
la « Chile » se donne une vocation d’excellence, et cherche
à participer au développement intellectuel et matériel de
la nation, pour se positionner comme pionnière dans les
domaines de l’innovation, des sciences et technologies,
des humanités et des arts, à travers ses programmes de
recherche et de doctorats. L’Université du Chili se pose
comme promotrice de l’exercice d’une citoyenneté critique,
d’une conscience sociale et d’une responsabilité éthique,
en accord avec les valeurs de tolérance, de pluralisme et
d’équité, prônant indépendance intellectuelle et liberté de
pensée, aussi bien que respect, ou promotion et préserva-
tion de la diversité.
Cette visite permettra de faire découvrir l’institution, sa stra-
tégie et son fonctionnement, et mieux comprendre com-
ment la recherche est pratiquée et organisée au Chili au
travers d’échanges avec des chercheurs de l’université. Il
s’agira donc de découvrir l’histoire de l’Universidad de Chile,
sa place dans le paysage chilien de l’enseignement supé-
rieur, son fonctionnement, sa gouvernance et sa stratégie.
Quelle est la position de l’Universidad de Chile par rapport
aux réformes en cours sur l’accès à l’enseignement supé-
rieur ? L’université a-t-elle fixé des axes de recherche priori-
taires ? Quels sont ses domaines d’excellence et comment
perçoit-elle cette question de la programmation stratégique
qui semble émerger dans le pays actuellement ? Quels pro-
grammes et stratégies sont portés par l’université pour ac-
compagner le pays vers une économie davantage fondée
sur la connaissance?
Le programme de réduction des risques
et des catastrophes de l’Université du Chili
(programme CITRID) rassemble des chercheurs autour de
la gestion des risques de catastrophes socio-naturelles. Ce
programme fédère de nombreuses disciplines comme la
géophysique, la psychologie, l’économie, l’ingénierie, la sis-
mologie, la sociologie, la climatologie, la médecine, le droit,
la géographie et l’architecture. Il promeut le développement
et la diffusion des connaissances et pratiques visant à la ré-
duction des risques et à leur prévention. Les quatre axes
de recherche de ce programme sont la théorie du risque,
la résilience, l’évaluation du risque et la gouvernance, avec
MéconnaîtrePROGRAMME • Session 8
ANNEXE I 41
une attention particulière portée sur la qualité de vie sociale
et le respect des droits de l’homme.
Dans un pays où le risque sismique est très fort, quels mo-
dèles de prévision et de prédiction sont utilisés ? Quels
enjeux de gouvernances se dessinent entre la volonté de
prédire et la capacité de résilience du pays ?
La découverte d’un programme de recherche interdiscipli-
naire, permettra de mettre en lumière les modes de finance-
ment et d’organisation de la recherche au Chili. D’autre part,
les discussions et présentations autour de ce projet permet-
tront d’échanger sur la manière dont ce pays, situé au-des-
sus d’une des zones de subduction les plus sismiques du
globe (en moyenne un séisme de magnitude 8 tous les 10
ans), perçoit et gère les risques, quelle part est donnée à
la prévention et à la réparation des désastres et les raisons
de la création d’un tel programme interdisciplinaire sur la
« résilience ».
Le Centre de modélisation mathématique (CMM) a pour
mission la création de nouvelles mathématiques, leur diffu-
sion internationale et leur utilisation dans la résolution de
problèmes complexes issus d’autres sciences, de l’industrie
et des politiques publiques.
Il a été créé en 2000 par un groupe chercheurs du Dépar-
tement de génie mathématique, avec le soutien du Fonds
pour la recherche avancée dans les domaines prioritaires
(FONDAP) et de la Commission nationale de la recherche
scientifique et technologique (CONICYT). Le 28 avril 2000,
le CNRS et l’Université du Chili ont signé un accord créant
une Unité Mixte Internationale commune, adossée au CMM.
Cette UMI CMM a pour objectif de faciliter les échanges de
scientifiques entre les communautés chilienne et française.
C’est la plus ancienne des UMI du CNRS.
Ce centre de recherche de premier plan, vecteur d’inno-
vations très importantes dans de nombreux domaines
(comme l’astronomie ou l’énergie), concentre aujourd’hui
ses efforts dans cinq champs stratégiques : l’exploitation
minière, la biologie et la santé, l’éducation, la gestion des
ressources, les datas et l’informatique haute performance.
LE PROGRAMME CITRID, PROGRAMME DE
RÉDUCTION DES RISQUES ET DES DÉSASTRES
Jaime CAMPOS, directeur du programme Citrid,
professeur, département de géophysique,
Universidad de Chile
Juliette MARÍN, chef de projet, Programme
des risques sismiques, Universidad de Chile
PRÉSENTATION DU CENTRE DE MODÉLISATION
MATHÉMATIQUE
Alejandro MAASS, directeur du Centre
de modélisation mathématique,
Universidad de Chile
RECHERCHE ET INNOVATION
La Pontificia Universidad Catolica de Chile (UC) est l’une des
universités les plus importantes et prestigieuses du pays.
Elle a été créée en 1888 par l’archevêque de Santiago avec
pour objectif de posséder dans le pays une institution ca-
pable de former à l’excellence académique dans le respect
de la doctrine chrétienne. Si deux facultés, droit et sciences
physiques et mathématiques, existaient seulement à sa créa-
tion, l’université catholique du Chili en compte aujourd’hui
18, qui couvrent tous les domaines de l’art en passant par les
sciences de l’ingénieur, de l’éducation ou encore la méde-
cine. L’université compte environ 24 500 étudiants, possède
64 programmes de doctorats et emploie environ 1900 pro-
fesseurs à temps plein. Elle fait partie des trois universités
pontificales –placées sous l’autorité du Saint Siège- du Chili
et des six universités catholiques du pays. L’université pos-
sède cinq campus dans la région de Santiago et a créé en
2012 un centre de soutien à l’innovation suite à une dona-
tion de quinze millions de dollars du groupe Angelini.
Ce centre d’innovation : le Anacleto Angelini UC Innovation
Center, a pour mission de soutenir l’innovation par la mise en
relation des acteurs des secteurs publics et privés et la mise
à disposition d’infrastructures et d’espaces (Fab Lab, salles
de conférences…). Le rôle des universités dans le soutien
à l’innovation est particulièrement intéressant à regarder
dans un pays dont les grandes entreprises ne consacrent
qu’une part très réduite de leurs activités à la R&D, leurs ac-
tivités étant tournées principalement vers l’exploitation des
ressources naturelles, et connaissant un essor important du
secteur des services et du nombre de startups créées en
lien avec ce secteur.
Quels leviers existent aujourd’hui au Chili pour soutenir cette
innovation naissante ? Par quels biais la communauté scien-
tifique nourrit-elle cette innovation ? Quels secteurs sont les
plus dynamiques en matière d’innovation et quels sont les
principaux atouts et freins du pays en matière d’innovation ?
L’UC ET SON POSITIONNEMENT PARMI
LES UNIVERSITÉS CHILIENNES
Pedro BOUCHON, vice-recteur en charge de la
recherche, Centro de Innovación UC Anacleto
Angelini
LE CENTRE D’INNOVATION UC ET SON RÔLE
AU SEIN DE L’UC
Conrad VON IGEL, directeur exécutif, Centro de
Innovación UC Anacleto Angelini
LE SOUTIEN À L’ENTREPREUNARIAT DÉVELOPPÉ
PAR LE CENTRE D’INNOVATION UC
Felipe GONZALEZ, responsable des programmes et
de la méthodologie, direction de l’entrepreunariat,
Centro de Innovación UC Anacleto Angelini
Les études en ingéniérie de l’UC, le programme
«Ingeniería 2030»
Muriel OYARZUN, directrice adjointe du transfert,
École d’ingéniérie, Pontifica Universidad Católica
de Chile
PRÉSENTATION DU CENTRE INRIA CHILE
ET DE SON DÉVELOPPEMENT (2012-2018)
Claude PUECH, directeur du centre Inria Chile
ALLOCUTION
Roland DUBERTRAND, ambassadeur de France
au Chili
DISCOURS
Antoine PETIT, président directeur général du
CNRS, président de l’IHEST
Muriel MAMBRINI-DOUDET, directrice de l’IHEST
Mercredi 11 avril 2018Santiago > Antofagasta
MIROIRS DE SCIENCE
Le festival de science d’Antofagasta (créé en 2014) contri-
bue à faire de cette ville l’un des lieux de diffusion de la
culture scientifique par excellence au Chili. L’un des mé-
cènes principaux de l’événement d’Antofagasta est l’entre-
prise BHP, exploitante de la mine « Escondida ».
Ce festival est la duplication du festival Puerto de Ideas créé
en 2011 à Valparaíso qui rassemble penseurs, chercheurs et
artistes en s’intéressant au processus créatif et à la genèse
des idées. De nombreux experts reconnus mondialement
(prix Nobel, Grammy ou Pulitzer…) y viennent chaque année
rencontrer un large public.
L’ambition du festival étant de faire circuler le savoir au-delà
des universités, il propose des rencontres ouvertes à tous et
des programmes pédagogiques et de médiation scientifique
pour tous les âges. L’événement affiche un esprit multidis-
ciplinaire, promouvant l’intégration et la convergence des
savoirs de diverses disciplines telles que la littérature, l’his-
toire, la philosophie, la sociologie, l’anthropologie, l’art, les
mathématiques, les neurosciences...
La rencontre avec l’équipe du festival permettra d’évoquer
la question de la circulation des connaissances, de l’éduca-
tion aux sciences, les rapports arts-sciences, ainsi que les
politiques culturelles du pays.
PRÉSENTATION DU FESTIVAL PUERTO DE IDEAS
Chantal SIGNORIO, directrice du Festival Puerto
de Ideas
Sergio SILVA, coordinateur général
du Festival Puerto de Ideas
MIROIRS CÉLESTES
Le désert d’Atacama, zone réputée la plus aride du monde,
est un lieu exceptionnel pour l’observation des astres. Elle
abrite ainsi de nombreux observatoires dont celui du Cerro
Paranal situé sur la montagne du même nom.
Cet observatoire est un projet européen de l’Observatoire
européen austral (ESO) ou officiellement Organisation euro-
péenne pour des observations astronomiques dans l’hémis-
phère austral, organisation intergouvernementale ayant son
siège en Bavière, soutenue aujourd’hui par 17 pays (15 pays
membres de l’Union européenne, le Chili en tant que pays
d’accueil et l’Australie en tant que partenaire stratégique).
Créé en 1962, l’ESO possède une vingtaine d’instruments
donc quinze à Cerro Paranal. L’observatoire unique de Cerro
Paranal, installé à 2635 mètres d’altitude, est l’une des ins-
tallations les plus importantes du monde dans le domaine.
L’observatoire contient notamment le Very Large Telescope
(VLT), un ensemble de quatre télescopes dont le diamètre
de chacun des miroirs primaires est de 8,2 mètres.
Portant chacun le nom d’un des frères Dalton, ces miroirs
ont également pour particularité de ne mesurer que 17,6
centimètres d’épaisseur.
PRÉSENTATION DE L’OBSERVATOIRE
Claudio DE FIGUEIREDO MELO, représentant de
l’ESO au Chili
VISITE DE LA SALLE DE CONTRÔLE
ET DE LA PLATEFORME
Claudio DE FIGUEIREDO MELO, représentant de
l’ESO au Chili
Cyrielle OPITOM, université de Liège, ESO
temporary staff
OUVERTURE DES TÉLÉSCOPES
42 I ANNEXE
Jeudi 12 avril 2018Antofagasta > Santiago
EXPLOITATION DES RESSOURCES NATURELLES
L’université catholique du Nord (UCN) a été créée en 1956
par des prêtres de la Compagnie de Jésus. La mission et
la vision de l’université sont résolument centrées sur la ré-
gion du nord et l’université affiche clairement une stratégie
tournée vers le développement et le rayonnement de la
région. L’université souhaite être un acteur dynamique du
passage d’une économie basée sur l’exploitation des res-
sources naturelles à une économie de la connaissance. La
recherche qui est menée sur ses deux campus –Antofagasta
et Coquimbo– est tournée vers des problématiques locales,
souvent liées à l’exploitation ou à l’accès aux ressources
naturelles avec une priorité forte donnée aux questions en-
vironnementales. L’université compte ainsi notamment un
Centre de recherches avancées sur les zones arides (Anto-
fagasta) ou un Centre de recherche en droit spécialisé dans
les ressources naturelles (Coquimbo).
Que ce soit en astronomie ou en géologie, deux domaines
de recherche privilégiés de par la situation géographique
de l’université, ou encore en matière de questions de dé-
veloppement durable liées à l’eau ou à l’énergie, l’universi-
té catholique du nord est un acteur incontournable dans la
région.
L’objectif est de mettre en exergue les grandes probléma-
tiques relatives à l’exploitation mais aussi à l’accès aux res-
sources naturelles dans cette région riche en gisements
de cuivre mais très pauvre en eau. Les mines, monstres à
ciel ouvert, sont extrêmement énergivores et consomment
également beaucoup d’eau. De nombreuses structures de
désalinisation ou de production d’énergie photovoltaïque
sont implantées dans la région par les grandes compagnies
exploitant ces ressources, compagnies chiliennes mais
souvent étrangères. Attirant de nombreux migrants éco-
nomiques venus pour travailler dans les mines, la ville est
passée de 49 000 habitants en 1940 à 157 000 en 1978 et
à 285 000 en 2002. Quelles sont les ressources présentes
dans la région ? Quelles sont les problématiques, humaines,
environnementales, de mobilité et économiques que leur
exploitation intensive soulève ?
Le Département de géologie de l’UCN a été créé dans le
but de former des géologues professionnels pour qu’ils
puissent contribuer au développement de l’industrie mi-
nière dans le pays en plus de promouvoir l’enseignement
et la recherche de pointe dans la région. Il se donne pour
mission de contribuer à la connaissance de la géologie, en
mettant l’accent sur la gestion durable des ressources natu-
relles du pays. Il concentre sa recherche sur les applications
directes dans l’industrie, et souhaite développer des projets
de portée internationale. Il compte aujourd’hui plus de 500
étudiants, et est dirigé par Maria Soledad Bembow Seguel.
L’UCN a lancé en 2016 le Projet « Intervención, Migración e
Investigación » (IMI), avec le soutien de l’Archevêché d’An-
tofagasta et de Minera Escondida. Son objectif est d’aider
les personnes venues de l’étranger pour chercher des op-
portunités dans la région. L’UCN fédère pour ce projet la Di-
rection générale de la pastorale chrétienne et de la culture,
la Faculté des sciences juridiques, la Faculté d’économie et
d’administration et l’École de psychologie. Celle-ci dispose
du Centre d’intervention et de conseil psychosocial (CIAP),
qui lui-même inclut l’Unité de soins aux immigrants. Le tra-
vail de l’IMI vise à favoriser l’interaction des étudiants, des
universitaires, des bénévoles et des réseaux de soutien aux
migrants.
PRÉSENTATION DE L’UNIVERSITÉ CATHOLIQUE
DU NORD
Sergio ALFARO, directeur de la communication,
Universidad Católica del Norte
UNE GÉOLOGIE PARTICULIÈRE
Rodriguo RIQUELME, géologue, Universidad
Católica del Norte
PRÉSENTATION DU PROGRAMME IMI
« RECHERCHE, MIGRATION ET INTERVENTION »
José-Antonio GONZALEZ PIZZARO, historien,
faculté de droit, Universidad Católica del Norte
Marcello LUFIN VARAS, département d’économie,
faculté d’économie et d’administration, Universidad
Católica del Norte
Erika TELLO, directrice générale, pastorale,
Universidad Católica del Norte
VISITE DU MUSÉE DE GÉOLOGIE
DE L’ UNIVERSIDAD CATÓLICA DEL NORTE
Humberto FUENZALIDA, directeur du musée
PRÉSENTATION DE FCAB / AMSA,
LES RELATIONS DES ENTREPRISES CHILIENNES
AVEC LES HABITANTS
Paulo DELGADO, responsable des relations avec
les communautés sur la zone côtière, FCAB / AMSA
ANNEXE I 43
QUESTIONS D’ALIMENTATION
L’organisation des nations unies pour l’alimentation et
l’agriculture (FAO) est l’agence spécialisée des Nations
unies qui mène les efforts internationaux vers l’élimination
de la faim. C’est une organisation intergouvernementale
présente dans plus de 130 pays. L’organisation comprend
194 états membres, deux membres associés et une orga-
nisation membre, l’Union européenne. Les objectifs straté-
giques de la FAO sont de contribuer à éliminer la faim, l’insé-
curité alimentaire et la malnutrition, de rendre l’agriculture,
la foresterie et la pêche plus productives et plus durables,
de réduire la pauvreté rurale, d’œuvrer à des systèmes agri-
coles et alimentaires inclusifs et efficaces et d’améliorer la
résilience des moyens d’existence face à des menaces ou
en situation de crise. Pour contribuer à ces missions, la FAO
crée et partage des informations déterminantes concernant
l’alimentation, l’agriculture et les ressources naturelles.
Le bureau de la FAO en Amérique latine et aux Caraïbes
a son siège à Santiago. Cette rencontre avec une des
consultantes en politique de sécurité alimentaire de ce
bureau permettra de découvrir comment cette institution
identifie les grandes problématiques liées à l’alimentation
au Chili où l’obésité au sein de la population chilienne aug-
mente de manière rapide et inquiétante.
PANORAMA DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE
ET NUTRITIONNELLE
Giovanna ZAMORANO, consultante en politique
de sécurité alimentaire et nutritionnelle,
Organisation des Nations unies pour l’alimentation
et l’agriculture (FAO)
PANORAMA DES ENJEUX SOCIAUX ET CULTURELS
Le Musée de la Mémoire et des Droits de l’Homme a été
inauguré par la Présidente Michelle Bachelet en 2010. Il
se définit comme un espace donnant à voir les violations
des droits de l’homme commises par l’État chilien de 1973
et 1990. La volonté du lieu est d’honorer la mémoire des
victimes et leurs familles ainsi que d’encourager une ré-
flexion et un débat public sur l’importance du respect et de
la tolérance, afin que l’histoire ne se répète pas. Le Musée
s’est donné une mission éducative de partage des connais-
sances sur ce sujet douloureux. Les nombreux documents
et archives qui s’y trouvent (témoignages écrits ou oraux,
documents juridiques, cartes, récits, productions littéraires,
articles de presse, photographies…) permettent de traverser
cette partie de l’Histoire et ses différents éléments : le Coup
d’État, la répression qui a suivi, la résistance, l’exil, la solida-
rité internationale, et la défense des droits de l’homme.
Cette matinée sera l’occasion d’approcher les questions so-
ciales et politiques qui animent le pays par le biais de ren-
contres avec des penseurs et artistes chiliens (écrivains,
anthropologues…). Nous évoquerons successivement les
questions liées à la mémoire, la place des femmes, les mi-
norités et communautés (et notamment les Mapuches), les
questions d’alimentation et de santé publique, le rapport au
corps etc.)
Une visite du Musée de la mémoire et des droits de
l’homme permettra de mieux saisir les enjeux d’une his-
toire violente douloureuse encore très présente dans la
société chilienne.
VISITE GUIDÉE DU MUSÉE DE LA MÉMOIRE
ET DES DROITS DE L’HOMME
LA QUESTIONS DES COMMUNAUTÉS INDIGÈNES
ET DES INDIENS MAPUCHE
José Luis MARTINEZ, anthropologue, professeur,
Faculté de philosophies et d’humanités,
Universidad de Chile
Angelica LEZANO VIDAL, chercheur
en anthropologie, Universidad Católica de Temuco
ÉCRIRE SUR LA MÉMOIRE
Nona FERNÁNDEZ, écrivaine, actrice et scénariste
La reconnaissance des droits des femmes dans
le Chili post-dictatorial : le cas des violences envers
les femmes
Fabiola Miranda PÉREZ, chercheur en sciences
politiques, chercheur, Universidad de Los Lagos
44 I ANNEXE
IHEST - 1, RUE DESCARTES - 75231 PARIS CEDEX 05TÉL. : 33 (0)1 55 55 89 67 - FAX : 33 (0)1 55 55 88 32E-mail : [email protected] - www.ihest.fr
Institut des hautes études pour la science et la technologie
27 avril 2007
Établissement public à caractère administratif
Ministères chargés de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation
L’Institut des hautes études pour la science et la technologie assure une mission de formation, de di�usion de la culture scientifiqueet technique et d’animation du débat public autour du progrèsscientifique et technologique et de son impact sur la société(Décret du 27 avril 2007)
L’IHEST est un organisme de formation enregistré sous le numéro 11 75 42988 75 auprès du préfet de région d’Île-de-France, référencé dans Datadock
- Cycle national annuel (40 auditeurs / 34 jours / septembre à juin)- Université d’été (40 à 50 participants / 3 - 4 jours)- Les Ateliers de l’IHEST (20 - 40 participants / 3 à 7 jours)
- Débats Paroles de chercheurs- Science et société en multimédias - La médiathèque de l’IHEST- Éditions d’ouvrages Actes sud/IHEST, Le Pommier- Réseaux sociaux : @IHEST, twitter, linkedin, facebook, dailymotion
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MISSIONS
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