Université de Strasbourg
Ecole nationale d’administration
Master Administration publique
Parcours Administration Publique Spécialisée
L’impact de la réforme budgétaire De 2005 sur la gestion publique en Haïti
Sous la direction de
M Robert HERTZOG
Professeur émérite, Université de Strasbourg
Soutenu par
Duquesne PROPHETE
CIP Promotion Palmyre (2015-2016)
1
Remerciements
J'adresse mes sincères remerciements à toutes les personnes qui m'ont aidé dans la réalisation
de ce mémoire et à faire de cette période d’apprentissage à l’ENA une vraie réussite. Je
remercie d'une manière spéciale M Robert HERTZOG, mon tuteur académique qui m’a
accompagné dans la rédaction du travail.
Je remercie M Fabrice LARAT pour son encadrement et ses mots d’encouragement
Mes remerciements vont également à toute l’équipe pédagogique de l’ENA qui s’est toujours
montrée disponible et à l’écoute de chaque élève pendant toute la période de la scolarité.
Je remercie aussi tous mes collègues de la promotion Palmyre pour leur franche camaraderie,
leurs mots d’encouragement et la solidarité dont ils ont fait preuve tout au cours de l’année
Mes dernières pensées vont à mes parents et à toute ma famille qui m'ont toujours soutenu dans
la réalisation de mes projets.
2
Table des matières Introduction ........................................................................................................................................... 4
Objectif ................................................................................................................................................ 6
Méthodologie...................................................................................................................................... 6
Plan suivi ............................................................................................................................................. 7
I. Le cadre institutionnel antérieur à la reforme ................................................................................ 8
1. Caractéristiques du système budgétaire avant 2005 ..................................................................... 8
a) Planification et gestion budgétaire inexistantes ......................................................................... 8
b) Absence de contrôle .................................................................................................................... 9
2. Caractéristiques de l’administration publique Haïtienne ............................................................... 9
a) Une administration archaïque et fortement centralisée ........................................................... 10
3) La nouvelle gestion publique et ses implications ......................................................................... 12
4. La gestion du changement ............................................................................................................ 13
Hypothèse de travail ......................................................................................................................... 14
II. Les changements annoncés............................................................................................................ 16
1. Contexte relatif à la réforme ......................................................................................................... 16
2. Objectif de la réforme ................................................................................................................... 17
3. Les principales dispositions arrêtées ............................................................................................ 17
a) La planification budgétaire ...................................................................................................... 18
b) L’exécution budgétaire ............................................................................................................. 19
c) Le contrôle budgétaire .............................................................................................................. 20
Le contrôle administratif ............................................................................................................... 20
Le Contrôle Juridictionnel ............................................................................................................ 21
Le Contrôle Parlementaire ........................................................................................................... 22
4. Les principales avancées ............................................................................................................... 23
a) Amélioration de la gestion de la trésorerie .............................................................................. 23
5. Un Renforcement institutionnel nécessaire mais inachevé ......................................................... 25
a) La Cours Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif ........................................ 25
b) La Commission Nationale des Marchés Publics ...................................................................... 26
c) L’Inspection Générale des Finances......................................................................................... 28
6. L’improbable changement ........................................................................................................... 29
a) Le non-respect du calendrier budgétaire.................................................................................. 29
b) Le recours aux comptes spéciaux ............................................................................................. 30
c) Le recours à l’état d’urgence .................................................................................................... 30
d) La faiblesse du contrôle à posteriori ........................................................................................ 31
3
e) L’obstacle organisationnel ....................................................................................................... 32
Conclusion ........................................................................................................................................... 35
Recommandations ............................................................................................................................... 37
Bibliographie......................................................................................................................................... 38
4
Introduction
En Haïti, la question des reformes de l’Etat commence à être posées avec beaucoup d’acuité
toute de suite après le départ de Jean Claude Duvalier du pouvoir en 1986. Fortement endetté
et avec une capacité de production extrêmement faible, le pays était contraint de réinventer son
modèle économique tourné vers l’agriculture et dominé jusque-là par d’importantes entreprises
publiques. Cependant, en dépit de la complexité du problème haïtien (croissance
démographique, économie paysanne, exode rural), de la faiblesse des structures économiques
et de l’organisation de l’Etat en général, les premières mesures proposées par les économistes
libéraux ne portaient que sur l’ouverture économique. Haïti fut contraint comme beaucoup
d’autres pays pauvres avant lui de procéder à la libéralisation pure et simple de l’économie.
Sous injonction du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale, les premières
mesures dites de modernisations consistaient en l’élimination des barrières tarifaires et le début
des privatisations. Les barrières constituaient, de l’avis des néolibéraux une entrave à la
croissance et seule la libéralisation commerciale pouvait permettre au pays de se consacrer au
développement des secteurs pour lesquels il jouirait d’un éventuel avantage comparatif. Ainsi,
au cours de la décennie 1980-1990, à la faveur du programme d’ajustement structurel, les
barrières tarifaires furent démantelées ; pour un produit comme le riz par exemple, elles sont
passées de 35 % à 3 %1. Sans mesures compensatoires ni réel plan de modernisation, le
changement s’est révélé d’une violence sans précèdent pour le secteur agricole en particulier
qui s’est retrouvé du jour au lendemain en compétition avec les grands acteurs de l’économie
mondiale dont les Etats Unis.
Ces décisions allaient accentuer la paupérisation des plus vulnérables, accélérer le phénomène
de l’exode rural. Il en découlait également une aggravation de la situation de dépendance du
pays de l’appui internationale car les barrières tarifaires en plus de protéger les producteurs
locaux, constituaient une source de revenu non négligeable pour les finances publiques. Les
premières mesures adoptées, loin de poser la question de la gouvernance dans sa globalité, ne
les abordaient qu’à la marge en mettant l’accent uniquement sur la libéralisation du commerce
et en exigeant le désengagement de l’Etat dans l’Economie.
A l’opposé, le modèle de gouvernance marqué par une gestion catastrophique des finances
publiques, l’absence de contrôle efficace et de pratiques de reddition de compte ne vient à faire
1 (Roland PARENTEAU, 1992) http://cadtm.org/Le-marche-haitien-du-riz-un-cas; consulté le 6 mai 2016
5
l’objet de changement que tardivement. Les premières tentatives de réforme budgétaire post
Duvalier remontent à 2003. Votée en décembre de l’année indiquée, la Loi Organique sur la
Préparation et l’Exécution des Lois de Finances s’inscrivait dans cette dynamique. Le décret
organique du 16 février 2005, portant sur la gouvernance et établissant le processus de
préparation et d'exécution des Lois de Finances confirme l’importance accordée à la matière
tant par les acteurs locaux qu’internationaux.
Cependant, les cycles d’instabilités incessants auxquels le pays s’est accommodé depuis 1986,
se sont révélés peu propices à l’application d’une réforme qui se veut très exigeante et inscrite
dans la continuité. Sa mise en place s’est donc révélée plus longue que prévue. Ainsi, si la
création du corps des comptables publics et de celui des inspecteurs des finances etc. en 2005
et 20062 constituent des avancées certaines, visant l’amélioration des procédures budgétaires
et du redressement des finances publiques d’une manière générale, la question d’une gestion
budgétaire saine et efficace demeure encore d’actualité. Pour preuve, le compte unique du
trésor prévu dans les trains de mesures à adoptées depuis le lancement de la réforme, n’a été
instauré qu’à la fin de l’année 2015.
Cette réforme consignée dans le document dit cadre de coopération intérimaire de 20053 reflète
les vœux de la communauté internationale de voir s’installer de nouvelles pratiques de gestion,
dans le pays et ne rencontre pas moins l’adhésion des gouvernants nationaux. Conscients du
déficit de gouvernance auquel le pays est confronté depuis toujours, les responsables de tout
bord ont vu dans cette réforme une manière de rompre avec les mauvaises pratiques de gestion
et d’emprunter la voie de la modernité et de l’efficience budgétaire. Pour preuve, depuis la
publication du décret cadre portant préparation et exécution des Lois de Finances du 16 février 2005,
les différents gouvernements qui se sont succédés ont continué à faire de la gouvernance
économique une priorité. Pressé par l’international, ils se sont tous engagés à poursuivre les
reformes initiés en 2005. Les différents plans élaborés de 2005 à nos jours, portant sur cette
thématique4, témoignent de cette réalité.
2 Décret du 16 Février 2005 portant préparation et exécution des Lois de Finances 3 Le Cadre de Coopération Intérimaire fait référence au cadre de développement stratégique adopté par le
gouvernement (intérimaire de 2004-2006) en 2005. Il fixe les priorités du gouvernement en termes de
gouvernance et de politique économique 4La thématique de la gouvernance a fait depuis 2005 l’objet de plusieurs rapports gouvernementaux appuyant la
poursuite des réformes et le renforcement des mesures relatives à l’amélioration du processus budgétaire. Le
dernier en date vient tout juste d’être rendu public (mai 2016) et s’intitule Rapport relatif à la mise à jour du
plan d’action des reformes de finances publiques.
6
Cependant, si les acteurs sont unanimes à reconnaitre l’utilité de la démarche pour garantir le
bon fonctionnement des institutions et améliorer la compétitivité de l’économie, les résultats
sur le terrain tardent à venir. Après plus de 10 ans de mise en place, de formulation, de
reformulation et d’application sans doute manquée, ne serait-il pas aujourd’hui opportun de
questionner la justesse de cette réforme et les modalités de sa mise en œuvre?
Objectif
L’objectif de ce travail consiste à analyser l’impact de la réforme budgétaire orchestrée depuis
2005 et poursuivie jusqu’à aujourd’hui sur la gestion publique en Haïti. Inscrite dans la droite
ligne de la nouvelle gestion publique, les tenants de cette réforme laquelle se veut le
prolongement des actions dites de modernisations (privations, libéralisations commerciales) de
l’économie déjà entreprises au début des années 1990, ne jurent que par l’amélioration de la
gouvernance. Toutes les actions menées ou programmées sont censées contribuer à la
réalisation de cet objectif.
La réforme engagée revêt un caractère multisectoriel. Sa réussite dépend donc de la volonté et
de la coopération de nombreuses parties prenantes souvent habitées par des logiques de travail
différentes. Ainsi, une bonne compréhension des retombées de cette réforme sur l’action
publique nous impose une analyse du fonctionnement des institutions clefs responsable de
porter l’esprit de changement tant attendu. Elle se fera à la lumière de l’approche de la nouvelle
gestion publique sous-jacente à ladite réforme et de la théorie du changement.
En effet, la réforme de 2005 ne peut pas être dissociée de l’influence de la nouvelle gestion
publique (NMP). Entamés au début des années 1990 avec la libéralisation commerciale et les
privatisations, les changements exigés par les partenaires internationaux d’Haïti s’inspirent des
doctrines néolibérales dominantes. La réforme budgétaire adoptée quelques années plus tard
répond également au besoin d’une nouvelle gouvernance telle que réclamée par le NMP.
Méthodologie
Pour traiter cette problématique, nous allons nous appuyer sur la méthode
hypothéticodéductive. L’approche est de type qualitatif et les données utilisées proviennent
uniquement de l’analyse documentaire ce qui représente une limite notable à la qualité du
travail. En effet, compte tenu de la période de temps dont nous disposons pour le conduire et
7
les contraintes liées au contexte, il aurait été très difficile de recourir à l’enquête de terrain.
L’analyse documentaire couvre toute la période de l’étude ; les rapports nationaux, officiels ou
non, les rapports internationaux et les statistiques portant sur le sujet constituent nos principales
sources.
La nature du sujet justifie quant à elle le choix de l’approche qualitative. En effet, toute réforme
fait écho à tort ou à raison à la notion de changement, phénomène qui peut se révéler plus ou
moins complexe de par le nombre de parties prenantes qui sont appelées à interagir, le temps
de sa mise en place (qui peut être plus ou moins long) et les doutes qu’ils suscitent
généralement.
Plan suivi
Les réformes entreprises en Haïti depuis 1986 répondent toutes à la logique de la nouvelle
gestion publique ; elles visent toutes un autre type de gouvernance. Ainsi, la première partie du
travail sera consacrée à la situation de l’administration publique en Haïti au moment de la
réforme, le NMP et ses implications y compris la notion du changement seront abordées
brièvement. Dans la deuxième partie, nous allons présenter succinctement la réforme avant
d’analyser ses impacts sur la gestion publique dans le pays.
.
8
1. Caractéristiques du système budgétaire avant 2005
Avant 2005, le cadre budgétaire haïtien était caractérisé par la faiblesse ou l’absence d’un
ensemble de structures dans la chaine. La planification, l’exécution et le contrôle ne
constituaient pas dans leur ensemble un processus rigoureux, établis suivant des règles
clairement établies. En effet, les crises successives qu’a connues le pays depuis 1986 ont rendu
inopérantes la plupart des institutions censées intervenir dans le processus. Entre 2001 et 2005,
la situation s’était clairement aggravée et l’administration d’alors frappée par les sanctions
internationales ne manifestait pas de volonté réelle en vue d’y remédier. Ceci se traduisait
dans les faits par « des votes tardifs des budgets, l’utilisation abusive des comptes courants
pour contourner les problèmes de trésorerie5 etc.
a) Planification et gestion budgétaire inexistantes
En Haïti, les gouvernements se sont succédés pendant longtemps sans changer de modes de
gouvernance. L’absence des principaux organismes devant assurer le fonctionnement
harmonieux de la chaine budgétaire par exemple marque bien cette tendance à vouloir se passer
de toute contrainte institutionnelle. La volonté des politiques dans ce contexte-là fait office de
règles.
Un exemple frappant de ce désordre institutionnalisé est la préparation budgétaire. Elle se
décide entre quelques acteurs, généralement sur une période très courte (parfois deux mois),
très en-dessous de la moyenne internationale en tout cas. Les informations mobilisées pour
parvenir à l’élaboration de la loi de finance demeurent dans ce contexte très limitées et reflètent
très mal la réalité économique du pays. Le document qui en résulte s’apparente beaucoup plus
à un catalogue de dépenses présentant peu ou pas de cohérence d’ensemble qu’un document
budgétaire. Le budget voté ne repose donc sur aucune information pertinente et ne traduit
nullement l’expression d’une politique publique inscrite dans une stratégie en phase avec la
réalité économique du pays
5 Cadre de Coopération Intérimaire, rapport du groupe thématique Gouvernance économique, mai 2004
I. Le cadre institutionnel antérieur à la reforme
9
La gestion budgétaire ne procède pas non plus d’une démarche différente. Absence de
comptables publics, absence de contrôleurs financiers, l’exécution se confond avec le contrôle
interne ce qui laisse beaucoup de place à l’improvisation et à la confusion. Tout est décidé par
l’ordonnateur qui procède lui-même au paiement en se substituant au comptable public. De
plus, le recours abusif aux comptes courants, reconnus pour leur « caractère hautement
discrétionnaire et échappant à la rigueur budgétaire, faussent le suivi des dépenses, facilitent
le détournement des fonds budgétisés à des usages autres que l’intention initiale de la dépense,
et accroissent le risque de corruption dans l’utilisation des fonds publics6 ». Chaque Ministère
disposait de ses propres comptes, deux au moins, à partir desquels les ordonnateurs effectuaient
toutes les transactions engageant leur organisme respectif.
Dans ces conditions, les dépenses effectuées sont souvent entachées d’irrégularités graves. En
plus d’un budget qui n’adresse pas les vrais problèmes de la population, les maigres ressources
sont parfois détournées en toute impunité.
b) Absence de contrôle
Le contrôle à posteriori confié d’une part à la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux
Administrative et au parlement d’autre part ne figurait en réalité dans l’agenda d’aucune de ces
institutions. Sur la période allant de 2001 à 2004, aucune trace de lois de règlement soumise et
votée par le parlement ni avis de la Cour Supérieure des Comptes ne peuvent être mentionnés.
L’objet même de la loi de règlement n’était pas entré dans les mœurs ; elle n’était ni élaborée
ni sanctionnée. Dans ces circonstances, le vote de la loi des finances lequel violait le principe
d’unicité (avec la multiplication des comptes spéciaux) et celui de spécialité budgétaire
s’apparentait à un rituel dont l’exécution échappait à tout contrôle. Cette situation ne faisait
qu’affaiblir davantage les institutions et entretenir le cercle vicieux de la corruption et de la
pauvreté comme le prouve la situation économique d’alors. Ces pratiques reflétaient l’image
de l’administration publique haïtienne chargée de conduire et/ou d’implémenter le changement
annoncé par la réforme budgétaire.
2. Caractéristiques de l’administration publique Haïtienne
Pendant longtemps l’administration publique haïtienne a été plus au service de groupes
d’intérêts voir celui d’un homme au lieu de celui de la collectivité. La monopolisation du
6 Cadre de Coopération Intérimaire, rapport du groupe thématique Gouvernance économique, mai 2004
10
pouvoir, le désir de nombreux dirigeants successifs de contrôler l’appareil de l’Etat à tous les
niveaux ont privé l’administration d’un certain degré de professionnalisation nécessaire à la
réalisation de sa mission.
a) Une administration archaïque et fortement centralisée
La loi régissant le fonctionnement de l’administration publique en Haïti date 1982, soit de la
période de la dictature de Jean Claude Duvalier. Les différentes tentatives de réformes initiées
(en 1997, 2000, 2004, 2007 etc.) n’ont jamais abouties. L’instabilité politique persistante est
l’un des facteurs évoqués pour expliquer cette tendance à la multiplication des reformes sans
suite. Il en ressort une administration de plus en plus affaiblie, dotée de structures incapables
de répondre aux exigences d’un cadre légal qui se révèle lui-même dépassé par le temps et non
adapté à la réalité du pays. Ainsi, les dysfonctionnements constatés se multiplient et la
mauvaise gestion devient la norme d’une administration dont les différentes fonctions sont soit
mal définies soient exercées par des personnels peu qualifiés.
L’administration publique haïtienne fait face à un manque criant de cadres. Les conditions
politico socio-économique n’ont pas favorisé le développement de compétences sur place alors
que parallèlement, le pays doit traiter avec la réalité de la fuite des cerveaux. Le programme
cadre de la fonction publique élaborée en 20077, soit 2 ans après le lancement de la réforme
budgétaire fait état d’une administration marquée par : « le sureffectif des ressources humaines
peu qualifiées dans la catégorie dit d’appui (techniciens et assimilés, personnel de soutien)
tandis que le personnel professionnel est insuffisamment représenté ». Ce double constat lève
le voile sur la gestion ou l’absence de gestion au sein des organismes publics et pose en même
temps la question du statut au sein de la fonction publique où pendant longtemps, ministres,
directeurs généraux et dignitaires (de quelque pouvoir que ce soit) en général pouvaient se
permettre de nommer à tour de bras. Ainsi, à l’opposé de la logique du management, prévalent
la gestion du personnel et d’une manière générale, une certaine bureaucratie que les plus
puissants n’hésitent pas à enfreindre à chaque fois que cela les arrange.
L’absence d’une planification organisationnelle objective qui inscrirait le fonctionnement de
l’administration dans une autre dynamique ne laisse présager aucun changement véritable. Le
déficit d’une vision managériale au niveau des ressources humaines par exemple se traduit dans
les faits par le « laisser-faire ». Aucun ministère, aucun organisme central de l’Etat ne peut se
7 Programme cadre de reformes de l’Etat : Modernisation, administration et décentralisation
11
prévaloir d’un plan de formation pour ses cadres. Le fonctionnement de différentes entités
publiques n’obéit à aucune logique qui va dans le sens d’un projet d’ensemble de
l’administration mais contribue au contraire à la démotivation des rares personnels qui
s’ingénieraient à apporter un nouveau souffle au système.
Dans ces conditions, ministères et organismes déconcentrés de l’Etat fonctionnent presque de
façon cloisonnée. Cette tendance rend difficile la coopération, combien importante, entre les
différentes entités responsables de la mise en œuvre des politiques publiques. Le contribuable
qui s’adresse au service public se retrouve dès lors face à une administration inefficace,
inefficiente et incapable de répondre à ses besoins.
L’incapacité de l’administration haïtienne à répondre aux besoins de la population est due à la
fois à son faible niveau de professionnalisation et aussi à sa concentration. Comme les
différentes réformes, celles portant la déconcentration de l’administration centrale et/ou la
décentralisation de l’Etat demeurent toujours au stade d’annonce. La présence des agents
publics se remarquent surtout dans la capitale ; les représentations des ministères ou autres
organismes au niveau départemental, lorsqu’elles viennent à exister s’apparentent à des
coquilles vides. En effet, la présence de personnels qualifiés devient encore plus rare à mesure
que l’on s’éloigne du centre. A l’incapacité de l’administration de garder les cadres les mieux
formés, s’ajoutent donc celle de la couverture du territoire.
Le niveau d’abandon des territoires s’avère d’autant plus criant que les collectivités sont
incapables d’assumer leur mission. Il s’agit ici d’un autre débat mais le dénuement des
collectivités est tel qu’il mérite d’être souligné. D’ailleurs, des trois niveaux de collectivités
territoriales prévues par la Constitution de 1987 (départemental, communal et section
communale) seules les communes disposent, de façon irrégulière d’ailleurs, d’un appareil
administratif.
La réforme budgétaire de 2005 est mise en place dans ce contexte de désordre au niveau du
système budgétaire et d’un Etat mal administré. Un nouveau mode de gouvernance s’impose
donc et il s’inspirera comme le veulent les partenaires internationaux d’Haïti de la Nouvelle
gestion publique.
12
3) La nouvelle gestion publique et ses implications
Au confluents, de la théorie de l’agence, de la théorie des droits de propriétés et de la théorie
des organisations, la nouvelle gestion publique s’est développée et a connu une application
d’abord au Royaume Uni et aux Etats Unis au début des années 1980. Elle prône une
administration publique plus performante basée sur l’adoption de nouvelles pratiques
compatibles avec l’idée de l’efficacité et de l’efficience économique. La rhétorique de
l’efficience met directement en cause la bureaucratie jugée trop rigide8, contreproductif et
inadaptée aux nouveaux enjeux de l’administration.
En effet, régie par des règles et des procédures préétablies et le principe strict du respect de la
hiérarchie, la bureaucratie laisse peu de places à l’innovation et à la prise de risques. A un
tournant où les contribuables deviennent de plus en plus exigeants, où l’environnement des
organisations devient de plus en plus instable et où de façon concomitante la non progression
des ressources publiques, dans le cas de bon nombre d’Etats, appellent à de nouvelles façon de
faire, la bureaucratie, source de l’immobilisme caractérisé de l’administration publique, ne
pouvait plus être une solution.
Ainsi, au respect des règles et des procédures, s’appliquaient de préférence des objectifs à
atteindre et des clients à satisfaire. Avec la NMP, le langage managérial privé fait son entrée
dans l’administration, impose de nouveaux codes et une nouvelle culture. Il ne s’agit ni plus ni
moins que de celle de l’efficacité et de l’efficience. L’appropriation de cette nouvelle culture
par l’administration publique nécessiterait tout un processus de transformation
Connu sous le nom de plan d’ajustement structurel, elle a été proposée au cours des années
1980 comme la seule alternative aux problèmes économiques des pays d’Amérique latine. Face
aux déséquilibres macroéconomiques et à la crise de la dette que connaissent les Etats du sous-
continent, le FMI et la Banque mondiale appelés à leur rescousse, leur imposent l’ouverture au
marché mondial, la discipline budgétaire basée sur la réduction du système public de protection
sociale, des efforts pour soutenir les exportations en attirant les investissements directs
étrangers, une nouvelle gouvernance administrative etc. Jugées indispensable pour mettre les
acteurs privés en confiance et attirer les investissements directs étrangers ; l’adoption de ces
mesures conditionnerait l’intégration de ces pays dans l’économie mondiale.
8 Le Nouveau Management Public : Avantages et Limites ; Anne Amar , Ludovic Berthier.
13
Haïti a pour sa part fait l’objet de la même recette administrée par le FMI quelques années plus
tard. Libéralisation commerciale, privatisations et reformes budgétaire, le pays se devait
d’appliquer le plan d’ajustement structurel dans toute sa rigueur pour espérer en tirer les
bénéfices attendus (résorption des déséquilibres macroéconomiques, croissance économique).
Au démantèlement des tarifs douaniers des années 1980 s’en sont suivies la vague des
privatisations des années 1990-2000 et la réforme budgétaire. L’objectif de résultats prônés par
le nouveau management public imposerait une administration publique efficace à même de
conduire ces réformes.
Cependant, la recommandation relative à l’efficacité se situe aux antipodes de l’image et du
fonctionnement de l’administration publique haïtienne pour laquelle la performance n’a jamais
été une priorité. Avec la réforme budgétaire de 2005 néanmoins, elle vient à être posée. Celle-
ci traduit la nécessité de conduire la politique publique en accord avec de nouveaux principes,
d’inscrire les actions de l’Etat dans une autre dynamique ; elle en appelle à un changement de
paradigme. Ce changement peut être difficile à accepter pour certaines parties prenantes. Les
probabilités d’échec peuvent néanmoins être atténuées si les différents acteurs y sont préparés
et le processus encadré. Ceci renvoie à la gestion du changement lui-même.
4. La gestion du changement
Les théoriciens qui traitent de cette question la décrit comme phénomène complexe qui modifie
profondément les équilibres d’une organisation qu’elle soit publique ou privée et dont
l’évolution est difficilement prévisible9. Compte tenu de sa nature, il ne saurait être l’apanage
d’un groupe d’acteurs mais concerne l’organisation dans son ensemble. Il porte sur la culture,
les modes de fonctionnement, les habitudes et les compétences à long terme, soutiennent
Mintzberg, Ahlstrand et Lampel 10 . Autrement dit, le changement imprègne la vie de
l’entreprise, de l’administration publique et chaque partie prenante doit en être consciente afin
de l’assumer pleinement. La circulation de l’information joue un rôle primordial en ce sens et
conditionne la capacité à changer. Sinon, le changement martelé risque de rester au niveau
stratégique et se heurter à l’inertie de l’organisation traduisant ainsi le refus de son
appropriation par les autres parties et son rejet tout court.
9 Réf. L’évolution de la pensée en gestion du changement: leçons pour la mise en œuvre de changements complexes, Alain RONDEAU ; TELESCOPE Vol. 14 no 3, automne 2008 10 Réf. Cité par Alain RONDEAU dasn L’évolution de la pensée en gestion du changement: leçons pour la mise en œuvre de changements complexes ; TELESCOPE Vol. 14 no 3, automne 2008
14
En effet comme le soulignent Fixsen et Al. (2005), si la dimension stratégique constitue la
première logique d’action à prendre en compte dans la conduite du changement, elle ne saurait
être la seule. La gestion du changement outre l’aspect organisationnel, repose sur des logiques
fonctionnelles et opérationnelles. En plus de la définition de nouvelles stratégies nécessaires à
l’adaptation à l’environnement, la gestion du changement invite à la définition de nouvelles
méthodes et de nouveaux rapports entre les acteurs au sein de l’organisation. La réussite
souhaitée ne pourra être obtenue qu’à ce prix. Cette approche ne rencontre pas forcement la
position des théoriciens du courant néo-institutionnel.
Ces deux dernières dimensions du processus de changement échappent souvent aux hauts
responsables sociopolitiques des pays en développement y compris de ceux des organisations
internationales. Les recettes imposées de toutes pièces au regard de l’approche
organisationnelle ne pourra pas conduire à un changement véritable et c’est malheureusement
le cas dans de nombreux pays qui ont eu à adopter de gré ou de force les principes prônés par
les organisations internationales sans tenir compte des spécificités nationales caractérisées par
des institutions très faibles ; Haïti en fait bien sûr partie.
Hypothèse de travail
La déliquescence des institutions haïtiennes avant la réforme et la complexité du processus du
changement nous permettent de formuler cette hypothèse :
La réforme budgétaire programmée et mise en place depuis 2004 ne pourrait avoir en l’état,
de retombées significatives sur la gestion publique en Haïti. La stratégie adoptée, s’est
révélée complètement désarticulée de l’opérationnalisation et répond pour les gouvernants
au niveau national à une logique de légitimité plutôt que de résultats.
La situation économique politique et sociale d’Haïti justifie l’urgence de réformer. Envisager
une autre forme de gouvernance pour ce pays affaibli par un cycle d’instabilité politique de
plus de trente ans qui plonge chaque jour davantage de la population dans la pauvreté, sape les
institutions et entretient la corruption, constituerait un pas dans la bonne direction. Différentes
propositions de réformes mises sur la table par les partenaires internationaux dont la Banque
Mondiale et le Fonds Monétaire International, parfois remises en cause par les acteurs
organisés de la société civile, ont été pourtant adoptées. Elles portent sur le modèle
15
économique, la gouvernance et l’équilibre budgétaire etc. et visent toutes, dans leur formulation
tout au moins, à mettre le pays sur le sentier de la croissance et réduire la pauvreté.
Le contraste, après plus de trente ans de réformes et d’accompagnement des partenaires
internationaux est malheureusement saisissant. Toujours plus de pauvreté, l’amélioration de la
gouvernance n’est toujours pas au rendez-vous et les structures productives du pays demeurent
plus que jamais affaiblies. Ceci amène de nombreux observateurs à questionner même la
pertinence des réformes engagées. Celle relative à gouvernance budgétaire, adoptée en 2005
et dont la mise en place se poursuit aujourd’hui encore, pourrait-elle être considérée comme
une exception ?
Nous ne doutons pas que la vision d’une meilleure gouvernance budgétaire rencontre
l’adhésion de la plupart des acteurs en Haïti. Ainsi, sans mettre en cause l’urgence même de la
réforme budgétaire, nous allons tenter, à la lumière de la notion de gestion du changement et
du fonctionnement de l’administration publique haïtienne d’analyser l’impact de celle-ci sur la
gestion publique dans le pays.
16
1. Contexte relatif à la réforme
La réforme de 2005 vise à améliorer la gouvernance économique en mettant l’accent sur le
processus budgétaire. Cette réforme est proposée et commencé à être mise en place à un
moment où le système dans son ensemble est sorti affaibli d’une longue crise et apparait très
décrié. Avant de la présenter, il convient de décrire succinctement les conditions dans
lesquelles s’opérait la chaine budgétaire et le contexte économique global du pays.
Englué dans une crise socio-politico-économique quasi permanente, le pays connait souvent
des phases de récessions très aigue. La période 2000-2004 correspond à l’une de ces périodes
où le taux de croissance du PIB a toujours été négatif ou nul, (soit - 0,52 % en moyenne) comme
le montre le graphe ci-contre. Cette contre-performance notable s’explique par la crise politique
issue des élections contestées de l’année 2000 qui ont consacré le retour du président Aristide
au pouvoir un an plus tard et son départ précipité en 2004, année correspondant à l’apogée de
la crise.
Source : Institut Haïtien de statistique et d’Informatique (IHSI)
Déjà sanctionné pour cause de mauvaise gouvernance par les partenaires internationaux, le
pays allait connaitre un alourdissement desdites sanctions entre 2001 et 2004. La coopération
-4
-3
-2
-1
0
1
2
3
2001 2002 2003 2004 2005
Taux de croissance du PIB
II. Les changements annoncés
17
avec le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale s’est limitée à son strict
minimum. Parallèlement, privés d’appui budgétaire, le gouvernement n’a pas hésité à recourir
au financement monétaire, aggravant ainsi le déficit public et donnant libre court à l’inflation
qui se chiffrait en 2003 à plus de 2211 %. Le tissu productif déjà très affaibli se détériora
davantage ; ceci se répercute directement sur la balance commerciale. C’est dans ce contexte
que les nouvelles autorités qui succédaient à l’administration du Président Aristide arrivent au
pouvoir.
L’urgence de la situation socio-économique recommandait d’agir avec célérité et d’envoyer
des signaux clairs indiquant une rupture avec le mode de gouvernance de l’ancienne
administration. Pour rassurer les partenaires internationaux, le Cadre de Coopération
Intérimaire est dessiné conjointement avec ces derniers. Il trace les principales réformes à
engager en précisant pour chacune d’entre elles les horizons temporels nécessaires. La réforme
budgétaire qui plaide pour une autre gouvernance économique basée sur la performance et la
transparence constitue l’une des plus importantes envisagées.
2. Objectif de la réforme
En se basant sur un diagnostic très peu flatteur du système budgétaire caractérisé par
l’incapacité, l’affaiblissement et/ou l’absence des principaux acteurs nécessaires au bon
fonctionnement de la chaine, la réforme de 2005 plaide pour un renouveau du processus. Elle
vise dans ces principes à rompre avec l’opacité du système en garantissant l’amélioration de
l’information budgétaire, la rationalisation des dépenses publiques et instituer à termes le
budget programme avec la gestion axée sur les résultats. Ceci ne pourrait se réaliser sans
l’adoption de mesures visant à responsabiliser davantage les acteurs appelés à décider au nom
de l’Etat. Ainsi, dans la droite ligne des recommandations des partenaires de la communauté
internationale et suivant les principes du nouveau management public, un nouveau cadre
budgétaire, défini à travers le Décret sur la préparation et l'exécution des Lois de Finances de
mai 2005 est instauré.
3. Les principales dispositions arrêtées
Comme indiquer antérieurement, les réformateurs entendent grâce aux mesures adoptées,
couper court aux anciennes pratiques à la base de la mauvaise gestion budgétaire et de la
11 Réf. Banque de la République d’Haïti
18
mauvaise gouvernance en général. Ainsi, le nouveau cadre fixe de nouveaux dispositifs ou
ajuste d’autres nécessaires à l’instauration d’un système d’information budgétaire efficace,
renforce les procédures de contrôle et établit les responsabilités des ordonnateurs et des
comptables publics 12 etc. Ce cadre insiste sur la responsabilisation et la coopération de
l’ensemble des parties impliquées dans la planification, l’exécution et le contrôle.
a) La planification budgétaire
La planification constitue un maillon important du processus budgétaire. Elle a été très souvent
négligée ou conduite avec légèreté au cours des dernières années qui ont précédé la réforme.
Celle-ci réaffirme le calendrier budgétaire et le rôle de chaque partie dans la conduite du
processus devant conduire à l’adoption du budget par le Parlement. Un des moments forts de
de la planification demeurent les conférences budgétaires qui précèdent les arbitrages et
habilitent les responsables des différents ministères à participer à l’orientation des politiques
publiques dans les limites de leurs compétences. Etant entendu que « les projets de Lois de
Finances sont préparés, sous l'autorité du Premier Ministre, par le Ministre chargé des Finances,
avec le support technique et logistique de l'Office du Budget13 ».
Avec le nouveau décret cadre, l’exercice de préparation redevient une priorité comme c’est le
cas dans toute les économies modernes. Elle mobilise tout le gouvernement avec le Premier
Ministre et son Ministre des Finances au premier chef. Le calendrier dévolu à cet exercice dure
12 mois et débute le 15 octobre de "l’année n-1" avec le travail de l’Office du Budget consistant
à déterminer les perspectives budgétaires « Sur la base des orientations de politique
économique définie par le Gouvernement, de l'évolution escomptée des indicateurs
économiques et sociaux et des estimations de recettes établies par les organismes de
perception » et se termine avec la publication de la loi des finances le 30 septembre de "l’année
n". Cet exercice qui se veut participatif, porté par le ministère des Finances à travers l’office
du budget, nécessite l’implication tant du côté de l’office que de chaque ministère sectoriel de
cadres formés à même de s’approprier voir d’influencer les décisions relatives aux politiques
publiques traduites dans le budget. Le contraire nuirait au processus en ce sens que la
12 Réf. Décret sur la préparation et l'exécution des Lois de Finances, 16 Février 2005 ; Journal Officiel « Le
Moniteur » No. 39 du lundi 23 mai 2005 13 Réf. Article 12 du décret sur la préparation et l'exécution des Lois de Finances, 16 Février 2005 ; Journal
Officiel « Le Moniteur » No. 39 du lundi 23 mai 2005
19
participation se limiterait à une simple observation sans suite réelle dans la conduite des affaires
de l’Etat et renforcerait l’idée que tout se déciderait en conseil des ministres sans lien avec le
travail opérationnel qui devrait alimenter ces décisions.
En insistant sur la planification et son volet participatif les autorités voudraient marquer la
rupture avec l’exemple des budgets décidés à la va vite, mal ficelés et ne traduisant l’expression
d’aucune stratégie ou projet économique.
b) L’exécution budgétaire
La réforme de 2005 et les différentes reformulations qui suivront imposent comme principe de
base : l’optimisation des dépenses publiques, le respect des autorisations parlementaires et
veuillent à garantir la régularité de ces dernières. Les ordonnateurs, les contrôleurs financiers
et les comptables publics sont reconnus comme les principaux responsables de l’exécution du
budget qui inclut entre autres les recettes, les dépenses, la trésorerie et le patrimoine. Ils ont le
devoir de veiller au respect de ces principes chacun en ce qui le concerne et de manière
coordonnée. La cadre budgétaire distingue le rôle d’ordonnateur principal central (réservé au
Ministre des Finances) et les ordonnateurs principaux (autres ministres et gestionnaires
publics). La régularité des dépenses que veut la réforme repose sur des procédures conformes
aux règles régissant l’exécution budgétaire et dont l’un des piliers est la séparation de
l’ordonnateur du comptable. Les procédures à respecter portent autant sur l’ordre
d’intervention des acteurs que sur les informations à fournir en fonction de la valeur des
montants à engager.
La chaine des dépenses impose ainsi que chaque réquisition faite par l’ordonnateur soit
autorisée et validée par le contrôleur financier. L’autorisation est suivie de l’étude de régularité
par le comptable public. Ceci annonce un changement notable par rapport aux pratiques
antérieures où l’ordonnateur décidait seul des engagements financiers de l’Etat tout en étant en
contact directement avec les créanciers. Dorénavant, le système comptable mis en place est
destiné à offrir « des repères fiables pour faire le suivi des recettes, des engagements, des
paiements, des arriérés, des passifs et des actifs14 » conformément aux recommandations du
Fonds Monétaire International. Les procédures font la part entre dépenses en dessous du seuil
de marché qui appelle à une simple mise en concurrence que le comptable public aura à
constater et dépenses par voie de marché. Les dépenses par voie de marché nécessitent les
14 Réf. Fonds Monétaire International, manuel sur la transparence des finances publiques, édition 2007
20
interventions de la Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP) et de la Cour
Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA)
Ces deux institutions jouent un rôle fondamental en ce qui a trait à la garantie de la transparence
dans l’exécution et le suivi budgétaire. Prévue plusieurs années auparavant, la CNMP ne
devient effective qu’avec la réforme de 2005 laquelle préconise en même temps le
renforcement de la CSCCA. Si la CNMP intervient directement dans l’exécution des marchés
publics soit en diffusant les informations relatives au marchés soit en émettant des avis,
propositions ou recommandations dans le cadre de la politique d’achat public, la CSCCA
quant à elle entreprend des activités portant à la fois sur l’exécution et le contrôle budgétaire.
Dans le domaine de l’exécution des dépenses, elle intervient comme conseiller, approuve ou
rejette les marchés passés par le gouvernement. La fonction de contrôle exercée par la CSCCA
est partagée avec le corps des contrôleurs financiers et le parlement.
c) Le contrôle budgétaire
Le contrôle budgétaire est de trois ordres: administratif, juridictionnel et parlementaire. Le
Décret cadre sur la préparation et l'exécution des Lois de Finances de 2005 stipule en son article
67 que ces contrôle pourront, selon leur conception ou les circonstances, porter sur des
décisions prises ou à prendre, être de régularité ou d'opportunité, permanents ou occasionnels,
inopinés ou annoncés, individuels ou collégiaux, être effectués par sondage ou de manière
exhaustive. Même si l’opportunité de conduire l’un ou l’autre de ces contrôles peut être
identique, ils diffèrent de par leur nature.
Le contrôle administratif
Il s’agit d’un contrôle interne exercé à priori et est du ressort de l’administration. Ce type de
contrôle est effectué par le corps spécialisé de contrôleurs financiers relevant du Ministre des
Finances. Tout acte d’engagement de dépenses est soumis à son visa préalable. Ces actes sont
examinés au regard de l'imputation de la dépense, de la disponibilité des crédits, de
l'application des dispositions d'ordre financier, des lois et règlements, de leur conformité avec
les autorisations parlementaires et des conséquences que les mesures proposées peuvent avoir
sur les finances publiques. A cet effet, le contrôleur financier peut obtenir communication de
toutes les pièces propres à justifier les engagements de dépenses et à éclairer sa décision15.
15 Réf. Décret sur la préparation et l'exécution des Lois de Finances, 16 Février 2005 ; Journal Officiel « Le
Moniteur » No. 39 du lundi 23 mai 2005
21
Conformément à la loi, ce dernier a le devoir de refuser le visa si la dépense à engager ne
s’avère pas conformes aux dispositions énumérées ci-contre.
Toujours dans le souci de renforcer le contrôle budgétaire, le décret cadre sur la préparation et
l'exécution des Lois de Finances de 2005 prévoit et instaure la Direction Générale de
l’Inspection des Finances (IGF). Par décret du 27 mars 2006, l’IGF est instituée et le corps des
inspecteurs des Finances tels qu’il existe aujourd’hui instauré. Direction générale déconcentrée
du Ministère de l’Economie et des Finances, l’institution joue le rôle de conseiller du ministre
concerné. L’article 2 du décret du 27 mars 2006 portant création de l’Inspection Générale des
Finances précise sa mission en ces termes :
1) Vérifier, contrôler, assurer l'audit technique, administratif, financier et comptable à priori
et à posteriori sur l'ensemble de l'Administration Publique Nationale;
2) Etudier toutes questions, d'exécuter toute mission relative aux finances publiques, à la
comptabilité publique, aux programmes d'investissement public, aux marchés publics, aux
patrimoines de l'État et des Collectivités Locales ainsi que celles liées à la discipline
budgétaire et financière.
Avec la mise en place de cette entité, les autorités expriment le vœu de doter l’administration
d’organes nécessaires et indispensables à l’exercice de contrôle et manifestent ainsi leur
volonté d’inscrire l’activité budgétaire dans la modernité. Le renforcement voulu de la Cour
Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif va dans le même sens et conforte la
position du FMI qui recommande que les informations relatives aux finances publiques soient
soumises à un examen extérieur16.
Le Contrôle Juridictionnel
Le contrôle juridictionnel est du ressort de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux
Administratif. Ce contrôle exercé à posteriori concerne en théorie tous les comptes des
comptables publics. La juridiction des comptes qui assiste le gouvernement et le parlement
dans l’exécution et le contrôle de la loi de finances, a compétence comme le précise le décret,
pour vérifier sur pièce et le cas échéant sur place, la régularité des recettes et des dépenses
16 Réf. Fonds Monétaire International, manuel sur la transparence des finances publiques, édition 2007
22
décrites dans les comptabilités publiques et s'assure du bon emploi des crédits, fonds et valeurs
gérés par les Services de l'État et les autres personnes morales de droit public. Le contrôle de
la cour s’exerce aussi bien sur les entreprises publiques ou de tout organisme bénéficiaire de
fonds public. Prévue par la Constitution de 1987 et présente dans le fonctionnement de
l’administration publique depuis, la reforme veut une dynamisation de l’institution l’habilitant
à remplir convenablement sa mission.
Le Contrôle Parlementaire
Le décret cadre sur la préparation et l'exécution des Lois de Finances rappelle aussi
l’importance et la nature du contrôle du parlement. Suivant les dispositifs de 2005, il est prévu
comme cela se passe un peu partout dans les pays démocratiques que le pouvoir législatif
puisse exercer son contrôle de bout en bout du processus budgétaire sans entrave. Le travail
législatif est effectué d’abord à priori par l’analyse suivi du vote ou du rejet du projet de Loi
de Finances et se conclue par le contrôle à posteriori avec l’examen et le vote du projet de loi
de règlement. En vue de faciliter ce contrôle, les dates de dépôts de ces documents par devant
le corps législatif sont précisées. Par ailleurs, en dehors de l’analyse et du vote des projets de
lois précités, le Parlement veille, tout au cours de l’année budgétaire, à la bonne exécution de
la Loi de Finances. Ceci peut occasionner la conduite de certaines investigations ou l’audition
de certains ministres.
Le décret cadre sur la préparation et l'exécution des Lois de Finances du 16 février 2005
consacre l’amélioration de la gouvernance économique en mettant en avant le renforcement du
processus budgétaire. L’atteinte de cet objectif repose sur l’application de plusieurs mesures
d’importance majeure allant du système d’informations budgétaires, au contrôle interne et
externe à l’administration. Le changement voulu implique donc le travail en synergie d’un
grand nombre d’institutions, l’implication de toutes les parties prenantes pour une bonne
appropriation de la stratégie et sa déclinaison sur le plan fonctionnel et opérationnel. Le bilan
de la réforme sur les dix dernières années qui ont suivi révèle tout le contraire.
23
4. Les principales avancées
Pour comprendre l’impact de la réforme de 2005 sur la gestion publique en Haïti, nous allons
d’abord nous intéresser au bilan des 10 dernières années. Ce bilan porte sur l’ensemble des
aspects du cycle budgétaire et inclut aussi bien les procédures que l’aspect renforcement
institutionnel.
Les différents rapports traitant du système budgétaire haïtien confirment un niveau de
réalisations très faible. Néanmoins, certaines avancées méritent d’être signalées ; il s’agit par
exemple de l’amélioration de la gestion de la trésorerie, de la création et/ou du renforcement
de certaines institutions intervenant dans la chaine.
a) Amélioration de la gestion de la trésorerie
La planification et la gestion de la trésorerie relevant du Ministère de l’Economie et des
Finances sont opérées par la Direction du Trésor. Elle centralise toute les informations en
provenance des différentes institutions intervenant dans la collecte des ressources publiques ou
faisant office de caissier de l’Etat et ajuste les dépenses publiques en fonction des disponibilités
de la trésorerie. Ce travail était rendu difficile par la multitude de comptes des organismes
publics qui constituaient un frein à la gestion optimale de la trésorerie. En effet, le trésor ne se
donnait pas la peine de procéder à la consolidation journalière de ces différents comptes. Dans
ces conditions, il était impossible d’avoir une idée nette de la trésorerie en temps réel. Ainsi,
alors que des ressources publiques étaient thésaurisées sur des comptes au nom des différents
ministères17, le trésor recourait parallèlement aux avances de la Banque Centrale pour financer
les activités de l’Etat.
La mise en place du compte unique du trésor résout ce problème. Les autorités disposent
dorénavant d’informations complètes et en temps réel sur la trésorerie. Outre l’aspect
managérial de la question, le CUT favorise la transparence en éliminant la multitude de
comptes auxquels les ministères en particulier avaient accès. Prévu de longue date, cet
instrument n’a été rendu disponible et mis en service néanmoins qu’au cours de l’exercice
17 Chaque ministère disposait avant la mise en place du compte unique du trésor au moins de deux comptes
ouverts à la Banque Centrale. Il s’agit du compte courant de fonctionnement et du compte courant
d’investissement
24
2015-2016. Il centralise pour l’instant les informations relatives aux ministères et aux
administrations centrales de l’Etat. La procédure s’étendra progressivement aux collectivités
territoriales.
L’instauration du compte unique du trésor a succédé au déploiement des postes comptables.
Alors que le CUT n’est effectif qu’à partir de l’exercice 2015-2016, les postes comptables sont
établis depuis 2005. La présence des comptables publics dans l’exécution budgétaire met fin à
une anomalie qui a trop longtemps duré et qui violait le principe fondamentale de la
comptabilité publique relatif à la séparation de l’ordonnateur du comptable. Avant la réforme
de 2005 en effet, les ministres et les ordonnateurs de tout ordre procédaient eux-mêmes au
paiement de leurs dépenses ce qui les exposaient au maniement des fonds publics.
b) les comptables publics et la préconisation du respect du calendrier budgétaire
En confiant tout le pouvoir à l’ordonnateur, il en résultait une absence totale de contrôle que
seul le comptable est à même de garantir. Le mélange de genre instaurait la confusion,
alimentait et/ou favorisait la corruption. La présence des comptables publics dans la chaine à
partir de 2005 place chacun dans son rôle et rétablit l’équilibre entre décision et contrôle, ce
qui contribue à améliorer la transparence au niveau de l’exécution budgétaire.
Le décret organique précise également le calendrier budgétaire et en exige le respect dans le
souci de freiner la tendance à l’improvisation. La bonne planification dans le domaine évitera
au pays la construction de budget concocté par une poignée d’acteurs (Présidence, Primature,
Ministère des finances) et déconnectée de la réalité socio-économique. Elle promeut à travers
cet outil qu’est le calendrier budgétaire l’existence d’un cercle vertueux dont l’information
budgétaire (les statistiques), la présence de cadres bien formés au sein des institutions
publiques, la coopération de l’ensemble des parties impliquées dans le système etc. seraient les
principaux éléments. Le souci de disposer d’informations pertinentes pour la construction
budgétaires favoriserait le développement de bonnes pratiques y compris la transparence.
La transparence est exigée à tous les niveaux, en amont dans la préparation budgétaire mais
aussi dans la gestion. Le renforcement des institutions de contrôle va dans ce sens.
L’institutionnalisation de la reddition de compte se matérialise à travers la Cour Supérieure des
Comptes et du Contentieux Administratif que le décret organique sur la loi de finance du 16
février 2005 réorganise.
25
5. Un Renforcement institutionnel nécessaire mais inachevé
L’assainissement du cycle budgétaire voulu par le décret organique du 16 février 2016 repose
sur le bon fonctionnement de plusieurs institutions dont en particulier celles responsables du
contrôle. Le décret prévoit le renforcement de celles déjà existantes comme la Cour Supérieure
des Comptes et du Contentieux Administratif, l’installation d’autres prévues par la constitution
mais n’ayant jamais vu le jour comme la Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP)
ainsi que la création de nouveaux organismes. L’Inspection Générale des Finances qui a débuté
ses opérations en 2006 fait partie de la dernière catégorie. D’une certaine manière, toutes ces
institutions sont aujourd’hui en place, malheureusement leur fonctionnement ne garantit pas
toujours l’accomplissement de la mission pour laquelle elles ont été « renforcées » ou créées
a) La Cours Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif
Avant la réforme de 2005, la CSCA participait très peu au processus budgétaire dont elle est
pourtant la principale garante. Les actions les plus fréquemment posées par l’institution étaient
limitées à l’approbation des contrats passés par l’administration en dépit des compétences que
lui reconnaisse la Constitution de 1987 dans le cycle budgétaire. Afin de dynamiser la Cour,
un nouveau décret (décret du 23 novembre 2005) portant organisation et fonctionnement de
l’institution a été adopté. Il fait de la CSCA le conseiller du Parlement et l’Exécutif dans le
contrôle de l’exécution des lois et dispositions règlementaires et lui assigne pour mission entre
autres :
1) de juger les comptes des comptables de droit ou de fait et leur donner décharge de leur
gestion ou engager, s’il y a lieu, leur responsabilité civile ou pénale ;
2) de confirmer, réformer ou annuler les actes des Responsables de l’Administration publique
non conformes aux lois et règlements ;
3) de donner son avis motivé sur tous les projets de contrats, accords et conventions à caractère
financier, commercial ou industriel auxquels l’Etat est partie ;
4) de faire de rapport au Parlement, de la régularité des transactions financières de l’Etat, ce
rapport devra être publié ;
5) de participer au processus d’élaboration et de préparation du Budget Général de la
République par des avis de conformité ;
6) d’exercer le contrôle administratif et juridictionnel des ressources publiques etc.
26
Cette large mission imposait un renforcement de la CSCCA en termes de ressources humaines
et budgétaires. Durant la première année qui avait suivi la réforme, la velléité de doter
l’institution de personnels techniques à même de conduire les études, de réaliser rapports et
audites nécessaires, relevant de son ressort était perceptible. Cependant L’ambition de
renforcer la CSCCA n’a été que provisoire et n’a donné lieu à aucun résultat tangible comme
nous le verrons dans la suite du travail. Le renforcement de la CSCCA s’accompagnait de la
mise en place d’autres institutions prévues par la Constitution de 1987 mais jamais
opérationnelles, comme la Commission Nationale des Marchés publics.
b) La Commission Nationale des Marchés Publics
Parallèlement au renforcement de la CSCCA, des dispositions sont adoptées pour réguler et
moderniser le système de passation de marchés publics. La Commission Nationale des Marchés
Publics est remis à l’ordre du jour. Le décret du 3 décembre 2004 portant sa réorganisation a
même précédé le décret organique sur la loi des finances. Le fonctionnement de cette institution
a été fortement recommandé par la communauté internationale qui assimile, à raison, son
absence, comme un manque de volonté pour lutter contre la corruption et promouvoir la
transparence.
En effet, le cadre juridique proposé et mis en œuvre à la fin de 2004 remplace un système de
passation de marché désuet et prêtant le flan à toute sorte de dérives. Avant la réforme, il
n’existait pas d’institution centralisée s’occupant des marchés publics au niveau national.
Chaque ministère et administration centrale de l’État avait la responsabilité de gérer ses propres
marchés et la vérification des comptes était confiée à un auditeur indépendant. Les transactions
s’effectuaient dans un vide institutionnel quasi complet qui n’incitait guère à la transparence.
Le décret du 3 décembre 2004 et les autres textes règlementaires qui ont suivi pallie cette
absence de contrôle qui caractérisait le système.
Notons que la gestion de marchés public depuis 2004 a fait l’objet de plusieurs réglementations.
La loi cadre régissant le système de marché public en Haïti actuellement est celle du 10 juin
2009. Elle conforte le rôle de la Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP) comme
unique organe normatif de l’Administration Publique Nationale qui a pour mission d’assurer
la régulation et le contrôle du système de passation des marchés publics et des conventions de
27
concession d’ouvrage de service public. Cette même loi, en son article 10, fixe les attributions
de la commission qui sont entre autres de :
1. Elaborer la réglementation en matière de marchés publics et de conventions de
concession d’ouvrage de service public en conformité avec la politique
d’achat public;
3. Proposer au Gouvernement une politique en matière de marchés publics;
4. Diffuser l’information sur les marchés publics;
5. Contribuer à la formation des acteurs de la commande publique, au développement du
cadre professionnel et à l’évaluation des performances des acteurs du système de
passation, d’exécution et de contrôle des marchés publics et des conventions de
concession d’ouvrage de service public;
6. Veiller au respect des seuils fixés suivant la nature des marchés;
7. Mener ou faire mener des enquêtes sur des questions intéressant les marchés publics;
8. Collaborer avec les institutions publiques de contrôle des finances publiques et leur
fournir toutes informations utiles;
9. Mettre en œuvre des procédures d’audits indépendants des marchés publics;
10. Imposer des sanctions administratives en cas d’irrégularités constatées dans la
passation et l’exécution des marchés publics;
Par ailleurs, en vue de rendre le système des marchés publics plus fluide, la loi organique du
10 juin 2009 prévoit l’institution de commissions départementales, à raison d’une par
département. La CNMP étant reconnue comme la garante du système, l’instauration des
commissions départementales demeurent à sa charge. Ces entités jouirait d’une relative
autonomie dans l’exercice de leur mission et devrait tout de même travailler sous le regard
bienveillant et vigilant de la commission nationale. La mission de la CNMP est donc très
large ; en plus des commissions départementales, suivant l’esprit de la loi du 10 juin 2009, elle
a l’obligation de travailler avec toutes les institutions intervenant dans le processus budgétaire.
A ce jour, les commissions départementales sont inexistantes. La velléité de reformer s’est vite
heurtée à l’inertie du système et à la réalité des moyens disponibles. La mise en place des
commissions départementales et leur gestion impliquent des coûts que le budget actuel de la
CNMP ne peut pas supporter. Par ailleurs, le volume d’activités qui se développent dans les
départements ne justifient pas non plus la prétention affirmée d’avoir une commission par
département.
28
c) L’Inspection Générale des Finances
L’une des institutions clef prévue par la réforme de 2005 et avec laquelle interagit la
commission est l’Inspection Générale des Finances. Direction générale déconcentrée du
Ministère de l’Economie et des Finances, elle constitue le seul organisme interne à
l’administration dotée de l’autorité et de la compétence de conduire des enquêtes, exercer le
contrôle et réaliser des audits sur cette dernière. Créée par décret du 17 mars 2006, l’IGF joue
le rôle de conseil auprès du Ministre de l’Economie et des Finances. Le travail de l’institution
intervient aussi bien à priori qu’à posteriori et touche tous les domaines relatifs aux finances
publiques incluant la comptabilité publique, les marchés publics, le patrimoine de l’Etat et le
management public d’une manière générale.
Le travail de l’IGF dans son essence, contrairement à la Cour Supérieure des Comptes et du
Contentieux Administratif vise plutôt à corriger, à orienter qu’à sanctionner. L’inspection
Générale des Finances pourrait être ainsi amenée à ce titre, à conduire des études sur le
fonctionnement des entités publiques en veillant à produire à chaque fois les recommandations
nécessaires. L’étendu de la mission de l’institution et son caractère très technique, touchant
différents domaines du management public, lui imposerait une expertise pour le moins
exceptionnelle même si elle est habilitée à recourir à des ressources externes.
La réforme du système budgétaire de 2005 met en avant le renforcement des institutions qui
interviennent dans le processus et une autre forme de management. Toute la chaine de contrôle
est repensée avec l’introduction de nouvelles règles, la mise en place de nouvelles institutions
et/ou le renforcement de certaines autres. L’accent est mis sur le système d’information
financière, le contrôle à posteriori conduit par une Cour des Comptes modernes et dotée de
compétences lui permettant d’accomplir sa mission dans de bonnes conditions. Le nouveau
mode de management introduite par la réforme implique la responsabilisation des acteurs et la
coopération entre toutes les parties prenantes. Enfin, si elle se révèle limitée par rapport à
certains objectifs comme l’adoption d’un budget programme remise à plus tard, elle n’en
demeure pas moins exigeante. Elle implique donc le fonctionnement d’une administration
flexible, compétente, prête à se renouveler et reposant avant tout autre chose sur la capacité
d’innovation de ceux et celles chargés de son implémentation plutôt que sur l’improvisation.
29
Pourtant, après dix ans de mise en œuvre de la réforme, ni les réalisations constatées ni le
fonctionnement de l’administration ne témoignent d’une telle réalité.
6. L’improbable changement
L’évolution du système budgétaire laisse entrevoir très peu de changements, après dix ans de
mise en œuvre de la réforme de 2005. L’impact de celle-ci sur la gestion publique dans son
ensemble reste très limité. L’analyse des différentes pistes d’amélioration attendue ainsi que le
fonctionnement des différentes institutions concernées attestent du « quasi statu quo ».
a) Le non-respect du calendrier budgétaire
La planification budgétaire prévue par le décret organique du 16 février 2005 se déroule suivant
un calendrier bien défini18. Les différentes étapes de la planification prévu mettent l’accent sur
l’implication des différentes parties et vise clairement à favoriser la transparence.
Malheureusement sur l’ensemble de la période, ce calendrier a été rarement respecté et des
retards ou vice de procédures entachent tout le cycle budgétaire.
La lettre-circulaire par exemple qui émane du Premier Ministre et qui définit les grandes lignes
de la politique budgétaire arrive parfois jusqu’à huit mois après la date fixée par le décret
organique. Ce document pourtant constitue un élément essentiel du processus, sorte de fil
conducteur, il conditionne le travail et le positionnement de tous les ministères et organismes
publics dans le cadre de la préparation de la loi des finances. Le non-respect de la procédure à
ce niveau laisse peu de temps aux ministères sectoriels et aux autres organismes publics pour
préparer leurs propositions qui sont parfois réclamées moins d’une semaine après la réception
de la lettre-circulaire du Premier Ministre. Conséquence : à l’exception des trois dernières
années, les ministères sectoriels ont très peu participé à la planification budgétaire. L’incapacité
de ces institutions à réaliser convenablement leur travail n’encourage pas la sincérité
budgétaire. La transparence prônée par la réforme à ce niveau en pâtit et la poursuite de
certaines autres pratiquent l’attestent.
18 Voir le calendrier budgétaire en annexe
30
b) Le recours aux comptes spéciaux
Les mauvaises pratiques ne concernent pas uniquement la préparation budgétaire. Elles sont
répertoriées sur toute la chaine et se rencontrent aussi bien au niveau de l’exécution que du
contrôle.
L’un des changements voulus par la réforme de 2005 porte sur la transparence budgétaire et
son corollaire qu’est la lutte contre la corruption. Elle prévoie à cet effet l’instauration du
compte unique du trésor, la fin des comptes spéciaux afin de parvenir à une gestion efficace
des ressources de l’Etat et le renforcement du contrôle à posteriori.
L’instauration du CUT à la fin de 20015 (plus de10 ans après) marque une avancée importante.
Cependant, beaucoup d’éléments contraires à la notion de transparence continuent d’entacher
le processus. Le CUT qui met fin à la multiplicité des comptes ouverts au nom des ministères
n’implique pas la fin automatique des comptes spéciaux. De nombreux comptes échappent
aujourd’hui encore au contrôle du parlement. Le niveau de dépenses extrabudgétaires a même
explosé au cours de ces dernières années avec le programme Petrocaribe 19 et celui de la
scolarisation universelle voulu par l’ancien gouvernement et financé par de nouveaux
prélèvements non intégrés au budget.
c) Le recours à l’état d’urgence
Un autre moyen très courant pour contourner le contrôle consiste en l’instauration de l’état
d’urgence. Les deux derniers gouvernements y ont eu recours à plusieurs reprises. Ils trouvent
malheureusement dans les catastrophes qui touchent le pays assez souvent un bon allié pour
justifier de telles mesures. Entre 2012 et 2015, plus de six cent millions de dollars ont été
dépensés en dehors des règles budgétaires, par le simple recours à l’état d’urgence et à chaque
fois pour des résultats jamais au rendez-vous. L’utilisation de ce mécanisme permet de mettre
en veilleuse toutes les procédures de dépenses tracées par les lois et les règlements relatifs aux
19 Le Petrocaribe est un accord de coopération énergétique entre le Venezuela et plusieurs pays de la Caraïbes
dont Haïti. Mis en place en 2005, Haïti y a été admis en 2007. Suivant les termes de cet accord, le Venezuela
vend le pétrole aux pays bénéficiaires au prix du marché. Cependant, 50% du volume livré est payable sous 90
jours et le solde fait l’objet d’un crédit remboursable sur 25 ans, au taux d’intérêt de 1 %.
La part de la facture à payer sous 90 jours et celle différée peuvent être modulées en fonction du cours du
pétrole. Plus celui-ci est élevé, plus important est le solde faisant l’objet du crédit et vice versa.
31
finances publiques. Il implique le contournement de la Commission Nationale des Marchés
Publics ; ce qui donne lieu à des marchés de gré à gré douteux impliquant directement les plus
hauts responsables de l’Etat. De plus, les rapports fournis sur l’utilisation de ces fonds sont au
mieux contestés ou au pire indisponibles. Le contrôle à posteriori exercé par la Cour Supérieure
des Comptes et le Parlement fait souvent défaut dans ces circonstances et les sanctions prévues
jamais appliquées.
d) La faiblesse du contrôle à posteriori
En insistant sur le renforcement du contrôle à posteriori, la réforme budgétaire de 2005 a prévu
explicitement l’amélioration du fonctionnement de la Cour Supérieure des Comptes et du
Contentieux Administratif et la professionnalisation du parlement. La CSCCA, complètement
absente du processus avait l’obligation de se renforcer en vue de réaliser son travail dans de
bonnes conditions et garantir la bonne gestion des finances publiques. Malheureusement depuis
le renforcement autant que l’implication de la CSCCA dans le processus ne sont pas à la hauteur
de sa mission et se font toujours attendre. Le contrôle de la Cour reste anecdotique, porte
d’avantage sur la forme que sur le fond et revêt souvent une couleur politique.
Le travail de l’institution se limite presqu’à l’approbation des contrats signés par les entités
publiques. Soulignons que beaucoup de contrats décriés, signés en période d’urgence ou pas
ont toujours été validés par la Cour. De plus, en dépit des soupçons de corruption très forts qui
pèsent sur certaines administrations, aucune enquête sérieuse n’est conduite sur la gestion de
ces dernières, aucun arrêt de débet ne vient sanctionner les responsables et les
recommandations pour une meilleure orientation de politique publique dans quelque domaine
que ce soit sont inexistantes.
La Cour ne s’est pas dotée de compétence nécessaire pour remplir convenablement sa mission.
Les recommandations souhaitées ne pourraient se faire que sur la base d’enquêtes et d’études
menées en toute transparence en s’appuyant sur les ressources humaines nécessaires à cette fin.
Malheureusement, la capacité technique actuelle de l’institution demeure très limitée, la
volonté d’habiliter la CSCCA à réaliser son travail convenablement n’a pas toujours été une
préoccupation pour les responsables de cette institution même après la réforme. Les signes
d’une implication de la Cour dans le contrôle ne commencent à se manifester que sous sa
32
nouvelle présidence élue il y a moins de deux ans. L’autre institution qui exerce le contrôle à
posteriori est le Parlement ; son travail n’en est pas moins controversé.
Le travail du parlement est d’ordre politique mais ne va pas du tout dans le sens de
l’amélioration de la conduite des politiques publiques. La position des deux assemblées sur de
nombreuses questions portant sur les finances de l’Etat n’est pas toujours marquée par la
défense de l’intérêt général. Dans ce contexte, l’exercice de contrôle prend souvent la forme
de règlement de compte vis-à-vis des ministres ou de responsables d’organisme public. Ceci se
traduit souvent par une forme de blocage systématique dans le cadre du vote des lois de finances
multipliant ainsi les retards inopportuns dans l’adoption du budget.
En dehors du vote des lois de finance, le contrôle parlementaire se transforme souvent en source
de nuisance directe contre les ministres. Les parlementaires qui voient en ces derniers des
concurrents directs pour les postes électifs n’hésitent pas à leur barrer la route en les privant de
décharges budgétaires.
e) L’obstacle organisationnel
La question de la participation des acteurs sectoriels dans la préparation du budget cache trois
autres réalités : celles liées à la capacité technique de ces derniers, le manque de coopération
entre les acteurs de l’administration publique et le déficit de transparence. Déficit
organisationnel et absence de préparation/gestion budgétaire sont intimement liés.
Les trois facteurs de blocages mentionnés prouvent que le fonctionnement de l’administration
n’a pas beaucoup changé depuis 2005. La mise en œuvre de cette réforme pourtant est tributaire
d’institutions publiques professionnelles et responsables. La préparation du budget qui s’étend
sur toute une année, devrait se réaliser sur la base de statistiques alimentées par toutes les
parties prenantes. Les ministères sont les premiers concernés par cette question or la faible
capacité technique de la plupart des organismes, liée à l’absence de personnels suffisamment
qualifiés, ne favorise pas ce travail.
Le dernier recensement sur la fonction publique, réalisé en 2014 confirme le statut quo sinon
l’aggravation de la situation. Alors que les partenaires internationaux d’Haïti exigeaient depuis
33
plusieurs décennies un dégraissement et une professionnalisation de l’administration, celle-ci
a vu ses effectifs augmenter de 70 % 20 en moins de 20 ans. Même si les secteurs concernés
(santé, éducation, justice) justifient cette hausse, le niveau de formation des personnels recrutés
fait défaut. En effet, suivant la même étude, 83 % du personnel effectue des tâches d’exécution
contre 4 % de cadres de direction et 12 % de cadres d’application. La sous-représentation des
cadres au sein de la fonction publique constitue un bon indicateur pour comprendre l’évolution
et la configuration de l’appareil administratif depuis la réforme.
Le mode de recrutement auquel continuent à recourir les responsables doit être mis en cause.
D’un organisme public à un autre, la recommandation prévaut sur le concours. Les différentes
mesures adoptées contre cette pratique n’ont jamais donné les résultats escomptés. Les
recrutements s’effectuent en dehors de tout plan de gestion de ressources humaines mais
répondent de préférence aux vœux d’un ministre ou d’un directeur général. La corrélation entre
instabilité politique et surreprésentation du personnel d’exécution va donc de soi ; l’un et
l’autre vont à l’encontre d’une administration responsable et centrée sur sa mission.
De telles pratiques affaiblissent les institutions au point qu’elles se retrouvent parfois dans
l’incapacité de produire des statistiques idoines pour la préparation budgétaire. Ceci explique
leur manque d’entrain à coopérer. En effet, réaliser des études à l’interne, travailler ensemble
relève d’une certaine culture organisationnelle et suppose la mise en commun de compétences
diverses dont souvent, elles ne disposent pas. Des budgets préparés parfois sans tenir compte
du calendrier, avec une faible participation résultent aussi de cette réalité.
Les interventions intempestives des ministres et hauts responsables dans le recrutement et la
promotion des agents publics influencent négativement les rares managers encore présents au
sein de l’administration. Elles entrainent la démotivation de ces derniers qui se voient imposés
des collaborateurs sur lesquels ils ne peuvent pas compter. De plus, la proximité d’un agent
parachuté avec un dignitaire constitue souvent un facteur déstabilisant pour la hiérarchie dans
la mesure où elle est souvent court-circuitée et ses décisions contestées. Difficile dans ce cadre-
là de parler de management au niveau intermédiaire ou décisionnel.
20 (Office du Management des agents de la fonction publique, 2014)
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Les cadres de directions éprouvent une grande frustration par rapport à ce mode de gestion des
institutions publiques où tout est décidé par les politiques. En plus de n’être pas entendue dans
la définition des politiques, ils ont le sentiment que son implémentation leur échappe. Faute de
compétence et de méthodes de gestion adaptées, l’administration a donc du mal à s’approprier
des décisions stratégiques arrêtées par les responsables politiques qui normalement restent très
peu de temps en poste.
35
Conclusion
La réforme budgétaire de 2005 annonce sur le papier une transformation de l’administration
centrale de l’Etat. Parvenir à une gestion saine des finances publiques en effet, ne pourrait faire
l’économie d’une administration efficience tournée vers la modernité et centrée sur ses
missions. L’accent mis sur le renforcement institutionnel par la promotion du renouvellement
des cadres annoncent que les réformateurs avaient peut-être intégré cette problématique au
moins partiellement.
Malheureusement, dix ans après la mise en œuvre de la réforme, l’analyse des différentes pistes
d’amélioration envisagées laissent dubitatif. De tous les changements annoncés à court, à
moyen et à long termes, très peu peuvent être considérés comme des acquis contribuant
véritablement à améliorer la performance de la gestion publique. Sans vouloir passer sous
silence, le déploiement des postes comptables, la mise en place du compte unique du trésor à
la fin de 2015, les mécanismes et/ou les institutions prévus ne fonctionnement pas correctement
ou tout au moins n’empêchent pas certaines dérives au niveau de l’administration.
La réussite de la reforme repose pourtant sur des institutions qui fonctionnent correctement :
Cour des Comptes, Inspection Générale des Finances, Parlement pour le contrôle et des
organismes compétents pour la gestion. Les institutions de contrôle peinent à remplir leur
fonction ; le bilan des dix dernières années de chacune d’entre elles est éloquent à ce sujet. Par
ailleurs, les pratiques ayant cours aujourd’hui encore dans l’administration publique (mode de
recrutement, promotion) et les nombreux scandales financiers qui entachent son
fonctionnement vont à l’encontre des principes fondamentaux de mangement et traduisent
l’absence du changement attendu.
Cette réalité ne surprend pas certains observateurs surtout quand on considère la façon dont la
problématique du changement a été envisagée. La réforme budgétaire de 2005, adoptée dans
un contexte de crise très aigue (social, politique et économique) renvoie à un changement
décrété plutôt qu’à un changement géré, et conduit de manière collective. Les acteurs appelés
à implémenter la réforme n’ont pas le sentiment d’être directement concernés ou responsables
d’un programme conçu par un cénacle et qui leur serait imposable. Très peu impliqué dans la
définition de la stratégie, l’administration ne se sent pas d’avantage responsable de son
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application. Cette attitude conduit normalement à ce qui est communément appelé la résistance
au changement.
La mise en œuvre du changement comme processus doit être gérée. Il s’agit d’un travail de
proximité à confier aux managers de direction. Dans la définition de cette réforme, ces derniers
en dépit de leur faible nombre au sein de l’administration ont été presque tenus à l’écart.
Difficile pour eux dans ces conditions de s’investir dans un processus qui n’emporte pas leur
adhésion. Ainsi lorsqu’elle ne suscite pas l’indifférence, cette réforme suscite au moins la
méfiance si bien qu’en pleine application tout le monde se questionne sur son bien-fondé. Au
lieu de conduire la réforme et de convaincre leurs équipes, les managers adoptent une position
au mieux attentiste et attendent de préférence d’être convaincus. L’attitude de ces responsables
explique en partie les résultats mitigés de la réforme budgétaire de 2005.
Un autre facteur à prendre en compte pour comprendre les résultats obtenus est l’aspect
multiforme et multisectoriel de la réforme. Il s’agit en effet d’une initiative qui touche toutes
les dimensions de l’administration (organisationnelle, fonctionnelle). La réussite de la reforme
dans ce cas ne peut pas se concevoir sans une réforme de l’administration elle-même. La liberté
à accorder aux ordonnateurs et managers publics par exemple renvoie à un changement de
culture organisationnelle. Ni les ministres ni les managers de direction ne sont pas préparés à
cela ; en témoignent la perpétuation des anciennes pratiques de recrutement et la configuration
de l’administration elle-même. Autrement dit, l’administration responsable de faire le passage
à une gestion efficiente, basée sur les résultats n’a pas elle-même changé.
Les responsables au plus haut niveau de l’Etat continuent à exercer leurs fonctions de la même
manière qu’avant sans risques de s’inquiéter. Toujours avec très peu de cadres, très peu motivés
dans l’ensemble et un personnel d’exécution pléthorique, le changement au sein de
l’administration apparait insignifiant. Difficile de s’attendre à un quelconque changement de
méthode ou de gouvernance d’une administration qui elle-même n’a guère évolué. Si La
réforme des finances publiques ne peut se dissocier de celle de l’administration, elle ne saurait
la précéder non plus.
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Recommandations
La réforme budgétaire de 2005 prévoit le renforcement ou la mise en place de nouvelles
institutions impliquées dans le processus budgétaire. Même si elles sont nombreuses, le
problème du renforcement n’est posé que pour les seules institutions intervenant directement
dans la chaine et suivant un prisme propre aux finances publiques.
Cette approche est problématique dans la mesure où elle ne pose pas le renforcement de
l’administration pour ce qu’elle représente ni pour la mission qu’elle est appelée à remplir.
Ainsi, au lieu d’envisager un vrai renversement de situation tel que le fonctionnement de
l’administration le réclame, les changements qui arrangent les finances publiques ont constitué
la priorité. Malheureusement la faiblesse des institutions est-elle en Haïti que tout changement
apparait non envisageable sans la réforme de l’administration (dans son ensemble).
La réforme de l’administration publique en Haïti constitue un préalable à toute autre type de
réforme engageant l’Etat. Le changement au niveau du processus budgétaire est indispensable,
celui de l’administration devant l’assurer l’est encore davantage. Autrement, comment
demander à des acteurs incapables de se prendre en charge, de porter le changement ? Le
renouvellement des acteurs doit être la première priorité et non une action à poser dans le cadre
d’une autre réforme. La limitation des ressources impose en tout cas des choix qui ne doivent
pas être uniquement guidés par la conjoncture.
La conduire des réformes et la promotion d’une autre forme de management reposent sur des
personnels réceptifs et bien formés. Sans la reforme préalable de l’administration, il est
carrément impossible de pouvoir compter sur de telles ressources. Cela suppose la définition
de nouveaux plans de carrières, la clarification du statut au sein de l’administration et surtout
un autre mode de recrutement. En refusant de commencer par le commencement, les différentes
tentatives de changements risquent de se transformer en simples actions de déstabilisation des
organisations, de gaspillage de ressources et de caisses de résonnance servant uniquement à
donner des gages aux partenaires internationaux.
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