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    HOSPITALIERS EN TERRE SAINTE

    ET A CHYPRE

  • J. DELAVILLE LE ROULX

    LES

    HOSPITALIERSEN-

    TERRE SAINTE ET A CHYPRE

    (1100-1310)

    PARIS\

    ERNEST LEROUX, DITEUR28, RUE BONAPARTE, VI*

    1904

  • AVANT-PROPOS

    L'histoire de l'Hpital Saint-Jean de Jrusalem, quipendant sept sicles personnifia en Orient et dansle bassin de la Mditerrane la lutte de la Croixcontre le Croissant, se divise naturellement en trois

    grandes priodes, correspondant aux trois tapesprincipales de l'Ordre : Terre Sainte et Chypre(1100-1310), Rhodes (1310-1523), Malte (1530-1798).Le prsent travail ne vise que la premire de cestrois priodes.

    Le sjour des Hospitaliers en Terre Sainte est mar-

    qu par la constitution, l'organisation administrativeet l'expansion territoriale de l'Ordre. L'Hpital, direc-

    tement ml au mouvement des croisades, se distingueau premier rang des dfenseurs du royaume de Jru-salem : c'est la phase hroque de son rle militaire.Plus tard ces caractres pourront se modifier etse transformer, les rouages administratifs se perfec-tionner, la dfense des intrts chrtiens en Orient

    changer d'objectif, les progrs politiques et territoriaux

    provenir de causes diffrentes de celles auxquelles ils

    taient dus aux xii^ et xiii sicles, il n'en reste pasmoins acquis qu'au moment de l'tablissement des

    Hospitaliers Rhodes (1310), l'Ordre, en pleine posses-sion de soi-mme, de sa force militaire et financire.

  • II AVANT-PROPOS

    de son organisation intrieure et extrieure, de ses

    privilges et immunits, est constitu en un corpshomogne, dont le fonctionnement, quelque point devue qu'on le considre, comme nous nous proposonsde le faire, est dsormais complet et dfinitif.

    L'tude de cette priode de l'histoire des Hospita-liers, pour tre complte, devra envisager d'abordl'Ordre dans ses origines et dans le rle politique etmilitaire que ses grands-matres lui ont fait jouer. Elledterminera ensuite la constitution mme de l'Hpital,les organes par lesquels la vie administrative se trans-

    mettait du centre aux extrmits, et constatera que le

    dveloppement de ces organes est parallle au dve-

    loppement intrieur et extrieur de l'Ordre.A quelles sources d'information l'auteur a-t-il

    emprunt les lments de cet examen ? Pour tout ce

    qui concerne la constitution, l'administration centrale

    et rgionale, les progrs territoriaux et les liberts et

    privilges de l'Hpital, le Cartulaire gnral des Hos-

    pitaliers (1) a fourni les renseignements les plus pr-cis et les plus abondants. Mais ce recueil, form d'actesmans des Hospitaliers ou eux adresss, est, par sanature mme, muet, ou peu prs, sur leur histoireproprement dite; pour tablir la succession chronolo-

    gique des faits et le rle politique et militaire de l'Or-

    dre, il a fallu interroger les sources narratives, chro-

    niqueurs et historiens, en discuter la valeur absolueet relative, et les contrler par les documents diplo-matiques contenus dans le Cartulaire.De la mise en uvre de ces divers matriaux est n

    le prsent ouvrage; puisse le lecteur y trouver, avec

    (1) Delaville Le Roulx, Cartulaire Jean de Jrusalem (1100-1310), Paris,gnral des Hospitaliers de Saint- E. Leroux, 4 vol. in-fol.

  • AVANT-PROPOS III

    le rsultat de travaux poursuivis sans interruptiondepuis de longues annes, la rponse aux questionsque soulvent, chez un esprit curieux, les origines,la formation et les destines d'une institution dontl'clatante renomme a, pour ainsi parler, laiss dansl'ombre l'essentiel, et n'a mis en lumire, souvent audtriment de l'exactitude et de la vrit historiques,que les cts brillants et chevaleresques.

  • INDEX BIBLIOGRAPHIQUE

    \

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    Aboul Faradj, Gregor'd Abulpharagiisive Bar-Hebraei Chronicon Syria-cum, e codicibus Bodieianis descrip-sit, maximam jpartem vertit, iio-tisque illustravit Paulus JacobusBruns. Edidit ex parte, vertit no-tasque adjicit Georgius GuillelmusKirsch, Leipzig, 1789, 2 vol. in-4.

    Aboul Feda, Annales. Extraits dansRecueil des Historiens des Croisades(Historiens orientaux, I, 1-165).

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    istoire gnalogique des famillesde du Puy-Montbrun et de Murinais,Grenoble, 1682, in-4o.

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    Annales Altahenses majores (708-1073),dans Monumenta Germani historica(Scriptores, XX, 780-824).

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  • VI INDEX BIBLIOGRAPHIQUE

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    Chroniques d'Amadi et de Strambaldi,d. H. de Mas-Latrie, Paris, 1891-3,2 vol. in-4'' (Coll. de documentsindits).

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    Chroniques de S. Martial de Limoges,d. Dupls-Agier, Paris, 1874, in-8 (Socit de l'Histoire de France).

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    Collection de documents indits surVhistoire de France, Paris, 1835 etsuiv., in-4. V. Chroniques d'Amadi,BusTRON, Du Cange, Rey.

    Continuation de Guillaume de Tyr, ditedu manuscrit de Bothelin, dans Bec.des histor. des croisades (Historiensoccidentaux. II, 485-639).

    Coiyus scriptorum histori Byzantin,publ. par Niebuhr, Bekker, etc.,Bonn, 1828-78, 49 vol. in-8. V.Paghymkrs.

    CoTTiER (Ch.), Notes historiques concer-nant les recteurs du ci-devant comtVenaissin, Carpentras, 1806, in-8

  • VIII INDEX BIBLIOGRAPHIQUE

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  • XII INDEX BIBLIOGRAPHIQUE

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    Rotuli litterarum patentium in turri

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  • INDEX BIBLIOGRAPHIQUE XIII

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    Vertot (Abb de), Histoire des chevaliersHospitaliers de S. Jean de Jrusalem,appelles depuis chevaliers de Rhodes,et aujourd'hui chevaliers de Malthe,Paris, 1726, 4 vol. in-4.

    Vita Huldowici imperatoris, dans Mo-num. Germ. hist. (Script., II, 604-48).

    Vogu (Melghior de), Les glises de la \/Terre sainte, Paris, 1860, in-4.

    Walterus de Goventria, Memoriale,d. W. Stubbs, Londres, 1872-3,2 vol. in-8 (Rerum Britann. mediivi script., n" 58).

    Weil (G.), Geschichte der Chalifen,Mannheim, 1846-51, 3 vol. in-8

  • LIVRE PREMIER

    HISTOIRE DE L'ORDRE

  • CHAPITRE PREMIER

    ORIGINES DE L'ORDRE

    Les origines de toutes les institutions dont les modestesdbuts ont pli devant l'clat de leur dveloppement ultrieur,sont enveloppes de tnbres paisses, et le plus souventvolontaires. On s'est plu, en effet, parce que ces originestaient humbles, parce que leur mdiocrit s'accordait mal avecla grandeur postrieurement acquise, dnaturer ces souve-

    nirs, les modifier, les amplifier et les entourer d'une

    aurole de lgendes et de traditions plus en harmonie avec les

    glorieuses destines d'un institut dont la naissance tait petite,et en quelque sorte compromettante.

    L'Hpital n'a pas chapp cette loi commune ; ses histo-

    riens, sans mauvaise foi d'ailleurs, mais influencs par desrcits oraux que l'imagination avait grossis de proche en

    proche, soucieux de perptuer la mmoire de tout ce qui pou-vait relever le prestige de leur ordre, ont voulu que, ds le ber-

    ceau, son histoire ft digne de la brillante carrire qu'il tait

    appel parcourir. A cette exagration enthousiaste, contrelaquelle l'observateur attentif devra se tenir en garde, s'ajou-tent, pour augmenter l'obscurit des origines de l'Hpital, les

    circonstances spciales dans lesquelles il a vu le jour. On sait,en eff'et, fort peu de choses de l'histoire de la Terre Sainte

    avant les croisades, et on connat fort mal dans quelle mesure

    la tolrance des Musulmans pouvait y permettre, ou mme yadmettre, la prsence accidentelle ou le sjour rgulier desChrtiens. Il importe avant tout de dterminer, autant que faire

    se pourra, l'tat des rapports entre Chrtiens et Musulmans enTerre Sainte pendant le haut moyen ge, et d'examiner com-

    ment tait prpar le terrain sur lequel devait prendre nais-

    sance et se dvelopper l'ordre de l'Hpital.

  • 4 RAPPORTS DE L OCCIDENT AVEC LA TERRE SAINTE

    Depuis la prise de Jrusalem par les Perses (614) jusqu' lareprise de cette ville par les Seldjoucides (1070), l'histoire enre-gistre peine deux ou trois faits saillants de guerre ou de san-

    glante destruction. On en a, un peu tmrairement, infr que,durant ces cinq sicles, les Chrtiens qui allaient en plerinageau tombeau du Christ taient horriblement maltraits, torturset ranonns. Il est certain que, dans cet espace de temps, diverses reprises, le fanatisme musulman svit avec uneextrme violence; mais il est non moins avr qu' ces priodescritiques succdrent d'autres priodes d'apaisement et delibert. On sait que les rapports entretenus par l'Occident avecla Terre Sainte par l'intermdiaire des plerins furent trs fr-

    quents, que Rome fut en communion avec les patriarches deJrusalem, et que le S. Sige leur tmoigna autant de bien-veillance spirituelle qu'il leur fit de libralits temporelles. Il

    est galement hors de doute que la charit des Chrtiens songea soulager les souffrances endures par les pieux voyageurs entablissant des hospices, leur assurer, en btissant des glises,le moyen d'exercer leur foi et leur pit, et que cette sollicitudese traduisit par un protectorat effectif sur les Lieux Saints,exerc par Charlemagne et ses successeurs. Un examen plusapprofondi des relations de l'Occident avec la Terre Sainte, et

    spcialement de l'existence et du dveloppement d'tablisse-ments latins hospitaliers en Palestine, ne sera pas sans utilit

    pour prciser l'tat des relations entre Chrtiens et Infidlesen Syrie (1).Ds les premiers sicles de notre re, les plerinages aux

    Lieux Saints apparaissent. Nous savons qu'en 199 l'rection parl'empereur Adrien Jrusalem de statues Jupiter et Vnusne diminua pas l'afluence des plerins dans cette ville, et quela reconstruction par Constantin de l'glise du S. Spulcre,sur l'emplacement du temple lev Vnus par les paens,donna au mouvement qui entranait les fidles vers la CitSainte un essor nouveau et enthousiaste (2).

    (1) Nous renvoyons le lecteur, pour Terre Sainte avant les croisades, p. i)tout ce qui concerne ces origines, en comptait huit avant le iv sicle,notre travail : De prima origine Hospi- quatre au v^, huit au vi^ ; ces chiffrestalariorum Hierosolymitanorum. ont t considrablement augments

    (2) Lalanne [Des plerinages en par les diteurs du tome II des Itinera

  • PELERINAGES EN TERRE SAINTE O

    Du IV' au VI*' sicle, les plerinages sont nombreux (1) ; septdescriptions des Lieux Saints et de voyages Jrusalem noussont parvenues pour la mme poque. C'est dire assez, siTon remarque que seuls le souvenir et le rcit des personnages

    que leur naissance, leur rang social ou leurs vertus distin-

    guaient de la foule des plerins, sont venus jusqu' nous, la

    vogue dont jouissait le voyage de Terre Sainte, et le nombrede ceux qui l'entreprenaient dans toutes les classes de lasocit (2).

    Cette affluence devait naturellement faire natre la pensede fonder, Jrusalem mme, un refuge pour les plerins, et deleur y procurer au point de vue spirituel les consolations reli-

    gieuses, au point de vue pratique des conseils sur la route suivre et les dmarches faire, au point de vue matriel le

    gte, la table, et, en cas de maladie, les secours mdicaux. C'est

    pour rpondre ces besoins que, ds les dernires annes duvi** sicle, saint Grgoire le Grand envoyait Jrusalem unabb, nomm Probus, charg de construire un hospice et d'ydistribuer des aumnes, et qu' la mme poque il faisait ga-lement tablir un second hospice au Mont Sina (3).La prise de Jrusalem par les Perses, quelques annes plus

    tard (614), dut porter la fondation de saint Grgoire un coupmortel

    ;les historiens nous ont conserv le souvenir des

    cruauts dont les Chrtiens furent alors les victimes, et celuides profanations dont les reliques et les glises furent l'objet.Mais le triomphe de Chosros dura peu ; dix ans plus tard, sesarmes taient battues par l'empereur Hraclius, qui rentraiten triomphateur dans la Ville Sainte et y rtablissait le cultechrtien. On pouvait esprer que cette victoire assurerait laPalestine une re de tranquillit et de paix; il n'en fut rien.

    En 636, Jrusalem retomba sous la domination musulmane, etle sort des Chrtiens fut remis en question. S'ils subirentalors la violence des perscutions, ce qui est hors de doute,celles-ci furent nanmoins intermittentes ; l'empressement

    Hierosolymitana latina, qui ont rc- (2) T. Tobler et A. Molinicr, Itineracueilli toutes les mentions de voyages Hierosolymitana latina, passim. Laeffectus en Terre Sainte antcrieu- plus ancienne description est un itinc-

    rement l'anne 600. raire de Bordeaux Jrusalem en 333.

    (1) Lalanne, Des plerinages, 23-5. (3) De prima origine , 133.

  • 6 PROTECTORAT DE CHARLEMAGNE

    sans cesse croissant des plerins, dont Thistoire atteste la

    prsence chaque jour plus nombreuse en Terre Sainte, montreque la situation qui leur tait faite, pour tre tendue, n'tait

    pas intolrable.

    Sous le gouvernement des califes Ommiades et Abassides, ilsjouirent d'un traitement prcaire, mais en somme acceptable ;le rgne sage et paisible d'Haroun al Raschid fit cesser la per-scution et renatre l'espoir. A cet apaisement correspondl'ouverture de relations diplomatiques entre l'Occident et lescalifes. Ppin le Bref les inaugura en envoyant en Orient uneambassade, qui revint en France accompagne d'envoys Sarra-sins, auxquels le roi fit un solennel et magnifique accueil (1).Gharlemagne suivit la voie ouverte par son pre ; les deux

    ambassades, qui, sur son ordre, visitrent la Terre Sainte en797 et en 799, furent accueillies avec faveur par le calife (2). La

    seconde, celle de 799, dont Gharlemagne, en prsence dusuccs de la premire, avait, la requte du patriarche deJrusalem, dcid l'envoi, eut un rsultat inespr, la recon-naissance du protectorat de l'empereur sur les Lieux Saints (3).Elle revint accompagne d'un moine du Mont des Oliviers etd'un moine du Mont Saba, rapportant les clefs du S. Spulcre,du Calvaire et de Jrusalem, et le vexillum, symbole del'investiture accorde (4).Ce protectorat semble avoir t assez analogue celui que

    la France exerait dans ces rgions au xviii^ sicle. Laissantintacte l'autorit politique aux mains du calife ou du sultan, ildonnait Gharlemagne l'autorit administrative sur les tablis-sements chrtiens de Terre Sainte et sur les sujets chrtiens du

    calife; peut-tre aussi l'autorit judiciaire relevait-elle de lui.Mais, la diffrence de ce qui se passait au xviii^ sicle, la

    (1) chronique de Frdgaire, dans testati adscriberetur, concessit [califa].Recueil des Hist. de France, y ,^. (Eginhard, Vita Karoli, dans Monu-

    (2) La premire ambassade semble menta Germanise historica, Scripto-avoir eu pour objet une ngociation que res, 11,451).nousne connaissons pas, mais trangre (4) Reginon, Chronicon, dans Mo-au protectorat. Bien accueillie, elle rap- num. Germ. hist., Script. I, 562.

    porta des prsents du calife Charle- Annales Altahenses majores, ibid.,magne, parmi lesquels un lphant. XX, 783. Simon Dunelmensis, //sf.Cf. De prima origine, 75 et 135. de gest. regum Anglorum, dans Mo-

    (3) Locum [Jrusalem] ut illius po- num. hist. Britannica, I, 672.

  • ETABLISSEMENTS DE CHARLEMAGNE EN ORIENT 7

    France, au ix sicle, protgeait indistinctement tous les Chr-tiens, qu'ils fussent de rite latin, grec, syrien ou gorgien, puis-qu' cette poque le patriarche grec tait encore en communionavec Rome (1).Le patronage de Gharlemagne porta ses fruits sous le rgne

    de ce prince, et dveloppa les rapports de l'Occident avec laTerre Sainte. Aux aumnes impriales, envoyes annuellementen Palestine et dont la pratique fut sanctionne par un capitu-laire spcial (2), se joignit un change incessant d'ambassadesentre l'empereur et le calife (3), attestant et le zle du premier jouer son rle de protecteur, et les bonnes dispositions dusecond l'gard des Chrtiens de ses tats. Gharlemagne nes'en tint pas ces dmonstrations officielles; il obtint d'Harounal Raschid l'autorisation de fonder Jrusalem divers tablis-

    sements, dont l'ensemble fut dsign au moyen ge sous lenom de Latinie , par opposition aux fondations grecques deTerre Sainte (4).En quoi consistaient ces tablissements ? Il est assez difficile

    de le dire avec prcision. Il est cependant certain que parmieux figurait un hospice, continuation de la fondation de saint

    Grgoire en 603, et qu'auprs de cet hospice, ouvert tousles plerins latins, s'levait une glise sous le vocable deSainte Marie, qui possdait une riche bibliothque et des pos-sessions dans la valle de Josaphat (5).

    (1) Riant, La donation de Hugues, tam civitatcm Jrusalem, et rccepti

    marquis de Toscane, au S. Spulcre, et sumus in hospitalc gloriosissimi im-

    les tablissements latins de Jrusalem peratoris Karoli, in quo suscipiunturau x sicle^ passim. omnes qui causa devotionis illum

    (2) Capitulaire De eleeomozina mit- adeunt locum, lingua loquentes Ro-

    tenda in Hierusalem propter ecclesias mana. Cui adjacct ecclesia in honoreDei restaurandas in proximo natali sancte Marie, nobilissimam habens

    Domini (Canciani, Leges Barharo- bibliothecam, studio predicti impera-rum antiqux, III, 209. Cf. Lalanne, toris, cum duodecim mansionibus,Des plerinages en Terre Sainte^ 1). agris, vineis, horto in valle Josaphat.

    (3) Sur ces ambassades, voir Riant, Ante ipsum Hospitale est forum, proInventaire des lettres historiques des quo unusquisque ibi negotians in anno

    croisades, 11 et 18. solvit duos aureos illi qui illud provi-

    (4) Riant, Invent, des lettres hist. det {Bernardi Monachi itinerariumdes crois., 18. Cf. Chanson du [ycrsSlO]^ dans Itinera Ilieros. latina^voyage de Gharlemagne Jrusalem, I, 314). Le lecteur trouvera l'num-

    V, 208 (d. Koschwitz, p. 55). ration des autres sources dans notre

    (5) De Emmaus pervenimus d sanc- ouvrage De prima origine, 77.

  • 8 PROTECTORAT DE LOUIS LE DEBONNAIRE

    Les moines, chargs du service de l'glise et de l'hospice,appartenaient la communaut de saint Benot; ce point, dontnous constaterons plus loin l'intrt, est hors de doute, puisquenous le connaissons par une controverse dogmatique dont la

    solution, demande par les Bndictins au pape Lon III, futdonne par le concile d'Aix la Chapelle en 809 (1).

    Ils sjournaient alors au Mont des Oliviers, prs de leurs

    possessions de la valle de Josaphat. Le choix de cet emplace-ment, en dehors de l'enceinte de Jrusalem, s'explique par ledsir d'viter entre Chrtiens et Musulmans des froissements,qui n'auraient pas manqu de se produire si les moines etleurs htes avaient rsid dans l'intrieur de la ville. Soixante

    ans plus tard, quand Bernard le Moine visita Jrusalem

    (vers 870), il signala l'existence de l'hospice et de l'glise prsdu S. Spulcre, l'endroit mme qu'occupa plus tard l'H-pital. S'agit-il d'un transfert ou d'une succursale de la premiremaison? La question importe peu; ce qui est retenir, c'est

    que les Bndictins, en 809 comme en 870, dirigeaient l'hos-

    pice latin de Jrusalem (2).Les successeurs de Gharlemagne exercrent, comme lui, le

    protectorat obtenu d'Haroun al Raschid ; un impt d'un denier

    par manse relevant de la couronne avait t affect aux frais qu'ilncessitait, et l'argent ainsi recueilli tait port en Terre Sainte

    par les plerins (3). Sous Louis le Dbonnaire, les rapportsdiplomatiques continurent (4), et la situation des Chrtiensresta bonne en Palestine. C'est ce qui rsulte d'une lettre lueau viii^ concile cumnique de Constantinople en 869, et ma-nant du patriarche Thodose (5), et c'est ce que confirme par

    (1) Sur cette controverse, voir P. Le- Benedicti (d. E. de Certain), 81.

    quien dans la Prface des uvres de (4) Ambassade au calife en 831saint Jean Damascne, p. vii-viii. Les [Vita Ludovici imperatoris, dans Mo-moines s'intitulaient : Franci qui num. Germ. hist., Script. Il, 634; cf.sunt in Monte Oliveti

    ; et plus loin, Annales Bertiniani, ibid., I, 424).en parlant de leur rgle, ils disaient : (5) Multam benevolentiam ostendunt Rgula sancti Benedicti, quam nobis [Saraceni] in nos , licentiam nobisddit filius vester dominus Karolus . prbentesdificandi ecclesiasnostras,

    (2) Vogu, Les glises de la Terre et tenendi sine prohibitione moresSainte, 247-8. nostros, juste agentes et in nullo no-

    (3) Le moine de Saint-Gall, De Ges- bis injuriam vel violentam inferentestis Karoli Magni, dans Monum. Germ. (Lettre de Thodose Ignace, danshist., Script. II, 753.

    Miracula S. Uansi, Concilia, XVI, 26, cf. 314).

  • PROTECTORAT DES EMPEREURS d'oRIENT 9

    son silence Bernard le Moine, qui n'aurait certainement pasmanqu, dans le rcit de son voyage aux Lieux Saints, de faireallusion aux craintes qu'il prouva et aux dangers qu'il courut

    pendant son plerinage, si ces craintes et ces dangers avaientexist.

    Peu peu cependant, partir du milieu du ix^ sicle, la fai-blesse des successeurs de Gharlemagne laissa passer aux

    empereurs de Gonstantinople le soin de protger les chrtiensd'Orient. Officiellement transport aux empereurs d'Orient en

    1021, le protectorat fut exerc par eux jusqu' la prise deJrusalem par les Turcs (1070-8) (1). La situation des Chrtienset de leurs fondations ne semble pourtant pas menace pendantcette priode ; les plerinages se succdent, de plus en plusnombreux; les dons affluent, surtout ceux d'Angleterre (2); la

    correspondance entre l'glise de Jrusalem et l'glise d'Occidentest toujours trs active (3). Si, par suite des campagnes deZimiscs et de Phocas (968, 974-5), qui soumirent la Syrie

    l'empire grec, et de la roccupation de Jrusalem par les

    Egyptiens, la Palestine eut subir quelques moments cri-

    tiques, le trouble dura peu, et n'atteignit les tablissementslatins ni dans leur existence ni dans leur dveloppement; nousen avons comme preuve absolue l'importante donation, faiteen 993 par le marquis de Toscane au S. Spulcre et au mo-nastre de S. Marie Latine, de possessions considrables enItalie (4).

    Le fanatisme d'un fou, quelques annes plus tard, mit brus-

    quement fin l're de tranquillit et de tolrance dont jouis-saient les Chrtiens. Par l'ordre du calife Hakem Biamrillah,en 1010, le S. Spulcre et tous les difices chrtiens furentdtruits (5) ; la basilique de Bethlem fut seule pargne (6) ;mais, cette fois encore, la perscution ne fut pas de longuedure. En prsence des clameurs indignes du monde chrtientout entier, aprs la mort d'Hakem (1021), une conventionintervint entre Dhaher, fils et successeur d'Hakem, et l'em-

    (1) Riant, Invent, des lettres hist. (4) Riant, La donation de Hugues,des crois., 13, note 16. marquis de Toscane, au S. Spulcre.

    (2) De prima origine, 142. (5) Cf. De prima origine, 80.

    (3) Riant, Invent. des lettres hist. (6) Chroniques de Saint Martial dedes crois., 26, note 3. Limoges, 6.

  • 10 RECONSTRUCTION DU S. SEPULCRE

    pereur d'Orient, autorisant, aux frais de Constantin IX Mono-

    maque, la reconstruction du S. Spulcre, qui fut acheve en1048 sous le patriarchat de Nicphore (1).

    Il est probable qu'aprs cette terrible secousse les moines

    grecs, moins loigns que le clerg latin, et plus rapidementrenseigns que lui sur les dispositions pacifiques des Musul-

    mans, revinrent les premiers en Terre Sainte (2). S. Marie

    Latine, assurment dtruite par Hakem, ne dut pas tarder serelever de ses ruines. Fut-elle alors desservie par des religieuxgrecs ? La chose n'est pas invraisemblable. En tous cas, la res-tauration du culte suivit de prs son abolition; sans accepterabsolument le tmoignage d'Eccard, qui semble affirmer quejamais l'Hpital ne cessa d'exister Jrusalem, on peutadmettre que la destruction de l'Hpital fut assez courte

    pour n'avoir pas laiss dans la mmoire des contemporains unsouvenir prcis, et qu'Eccard, en se faisant en 1101 l'cho deleurs rcits, put de bonne foi leur suite affirmer l'existence

    ininterrompue de l'Hpital (3).Le coup d'il, que nous venons de jeter sur l'tat de la Terre

    Sainte antrieurement au xi sicle, nous permet de considrerle sort des Chrtiens pendant cette priode sous un jour un peudiffrent de celui sous lequel on tait habitu l'envisager. Ilest hors de doute que, pendant tout le moyen ge, le mouvementdes plerinages et l'existence des fondations latines en TerreSainte ont t, sauf des interruptions momentanes et relati-vement courtes, pour ainsi dire continus. Cette constatationtait ncessaire avant d'aborder l'tude de l'tablissement

    proprement dit des Hospitaliers en Terre Sainte ; il importaitde connatre le terrain sur lequel ils doivent prendre naissanceet se dvelopper. 11 est rare, en effet, qu'une institution nou-velle se cre de toutes pices, et prenne racine sans avoir des

    antcdents, plus ou moins directs, plus ou moins modestes,avec des fondations antrieures, auxquelles elle se substitueou auxquelles elle succde en en modifiant le caractre. C'est

    (1) Riant, Invent, des lettres hist. phronius (Martne, Thsaurus novusdes crois., 52, notes 9-12. anecdotorum, I, 176).

    (2) En 1053 une donation de biens sis (3) Ekkehardus, Urangiensis abbas,en Rouergue est faite au S. Spulcre, Hierosolymita, dans Rec. des historiens

    reprsent par le patriarche grec So- occidentaux des croisades, V, 26.

  • FONDATION DES AMALFITAINS 11

    le cas, semble-t-il, pour THopital, malgr les affirmations deshistoriens de l'Ordre, qui n'ont pas voulu admettre que l'H-

    pital, devenu si illustre par la suite, ait d ses origines destablissements prexistants.Nous savons, par des tmoignages distincts et concor-

    dants (1), que des marchands d'Amalfi, frapps de la situation

    prcaire des chrtiens de Terre Sainte, obtinrent des califes

    Fatimites d'Egypte, matres de la Syrie, avec lesquels ils taient

    en rapports commerciaux frquents, la permission pour lesLatins d'tablir une glise et un hospice Jrusalem. L'poque laquelle cette concession fut accorde est assez difficile

    prciser; on la place gnralement au milieu du xi^ sicle (2),date assez vraisemblable par suite d'un ensemble de faits

    qui, sans concerner spcialement la fondation amalfitaine, s'ap-pliquent au dveloppement gnral et aux progrs des tablis-sements chrtiens Jrusalem (3). Ce qui est certain, c'est

    qu'elle est limite entre la fin des perscutions d'Hakem en1014 et la chute de la domination gyptienne en Syrie en 1070.La date de 1086, donne par Sicard de Crmone, doit tre

    signale ici, mais ne semble pas devoir tre admise, car elle

    correspond une priode trouble, pendant laquelle l'installa-tion des Amalfitains Jrusalem parat, sinon impossible, dumoins improbable.Dans quelle mesure l'tablissement amalfitain se rattache-t-

    il aux fondations antrieures ? Continua-t-il l'hpital de saint

    (1) Guillaume de Tyr, Historia re- religieux francs). Mais l'authenticitrum in partibus transmarinis gesta- du firman de Mouzzafr ayant t con-

    rum, dans Rec. des hist. occid. des teste par Heyd {Gesck. des Levan-crois., I, 315 et suiv.; Aim du Mont tehandels im Mittelalter, I, 116), bienCassin, Lystoire de li Normant, 231 ; que les arguments qu'il met en avant Sicard de Crmone, dans Muratori, ne soient pas premptoires, l doute

    Script, rerum italicarum^ VII, 586 ; subsiste, et ne permet pas d'accepter

    Anonyme d'Ughelli, dans /

  • 12 INSTALLATION DE MOINES BENEDICTINS

    Grgoire, restaur par Gharlemagne et rtabli aprs la mortd'Hakem vers 1050, ou sommes-nous en prsence d'une cra-tion nouvelle, indpendante de l'ancien hpital qui avait passau clerg grec? La premire hypothse est, tout prendre, la

    plus vraisemblable. Dans l'immuable Orient, dit M. de

    Vogu (1), o rien ne change, les mmes emplacements con-servent les mmes destinations. Cette remarque, dont lesvoyageurs ne cessent de constater la justesse, mrite d'tre

    rappele ici. Elle corrobore notre opinion, et permet de voirdans la fondation amalfitaine un renouvellement des hospicesantrieurs.

    Par qui fut desservie la nouvelle fondation ? Guillaume de

    Tyr (2) se borne parler de l'abb et des moines qui en assu-raient le fonctionnement, sans autre dsignation. L^Ejoor-dium (3) est plus explicite : les fondateurs, dit-il, firent venird'Italie des moines noirs . Ge renseignement, qui appartienten propre l'auteur, mrite d'tre retenu ; il est au moins fortvraisemblable. 11 parat naturel que les fondateurs, pour as-

    surer le service religieux et hospitalier dans leur nouvel ta-

    blissement, se soient adresss l'ordre de saint Benot pluttqu' tout autre (4). Nous savons, en effet, qu'aux x^ et xi'' siclesles environs d'Amalfi comptaient un grand nombre d'abbayesbndictines, et que, sans parler des plus clbres, le MontGas-sin et la Gava, les Bndictins taient installs Scala, Taver-

    nata, Monte Gerbelliano, Pogerola, Minori et Ravello.On a mme signal, pour fortifier cette hypothse, la prsence Scala, au dbut du xviii^ sicle, d'un trs ancien portrait de

    Grard, fondateur de l'Ordre, revtu de l'habit bndictin. Sicette reprsentation figure, dont nous ignorons l'ge, tait

    authentique, si elle n'avait pas t peinte pour appuyer les pr-tentions nobiliaires de la famille Sasso, elle fortifierait singu-

    (1) Vogu, Eglises de la Terre Sainte, Oceano di tutti li religioni del mondo) ,247. firent appel aux Bndictins du Mont

    (2) Sur Guillaume de Tyr, voir plus Cassin, et, d'aprs un historien rcent

    bas, p. 19. (P. Guillaume, Le Navi Cavensi nel

    (3) Sur l'auteur de VExordium, voir Mediterraneo durante il medio evo)^plus bas, p. 24. ceux de la Gava. Cette seconde hy-

    (4) Les Amalfitains, d'aprs Mauro- pothse nous semble plus plausiblelycus (Istoria sacra intitolata Mare que la premire.

  • BENEDICTINS EN TERRE SAINTE 13

    lirement le tmoignage de VExordium ; mais, dans Tignoranceo nous sommes des circonstances dans lesquelles elle a vule jour, elle parat suspecte, et il ne convient pas d'en fairetat (1).

    Ajoutons que la prsence des Bndictins en Terre Sainte cette poque n'tait pas une nouveaut ; nous savons d'unefaon certaine, malgr les efforts tents par le pre P. A. Paoli

    pour tablir qu'ils ne vinrent jamais Jrusalem avant la croi-sade (2), qu'ils rsidaient N.-D. de Josaphat au ix* sicle (3).Il est donc vraisemblable qu'ils y soient revenus l'appel desAmalfitains.

    Des tmoignages qui nous ont conserv le souvenir de lafondation amalfitaine, les uns (Aim du Mont Gassin, Sicard de

    (1) M. Camra, Meirorie di Amalfi,II, p. XLVII-XLVIII,

    (2) L'existence des Bndictins J-

    rusalem avant la croisade a t contes-

    te avec acharnement par le pre P. A.Paoli la fin du xviii sicle {Dell' ori-

    gine ed istituto del. . . . ordine diS. Giovambattista Gerosolimitano, 65

    et suiv.) par une srie d'objections,que nous rsumons ici en les rfutantau fur et mesure :

    1 D'aprs l'opinion des Bndictins

    eux-mmes, Rocco Pirri, Mabillon,Ruinart et d'Achery, l'ordre ne s'ta-blit N.-D. de Josaphat et S.Marie Latine qu'aprs la croisade.

    Quelque grande que soit l'autorit deces auteurs, elle ne saurait prvaloircontre un texte prcis la lettre desmoines bndictins au pape Lon IIIen 809, qui affirme l'existence des B-ndictins en Terre Sainte ds le dbutdu IX* sicle.

    2 Si depuis Charlemagne on trouvedes tmoignages formels de la prsencedes Bndictins Jrusalem et de nom-breux sanctuaires latins avant les croi-

    sades, la question reste entire pour lafin du XI* sicle cause des perscu-tions subies cette poque parles Chr-tiens en Terre Sainte. D'o Paoli con-clut la disparition des fondations la-

    tines pendant cette priode. C'est lun argument ngatif; on ne peut rien

    prjuger du silence des historiens dansaucun sens.

    3 Les croiss furent guids, leurentre dans la Ville Sainte, par des Ar-mniens et des Syriens, qui leur indi-

    qurent les insignes reliques qu'ellerenfermait. Pierre l'Ermite, venant Jrusalem en 1095, et le comte Robertde Flandre quelques annes auparavant,furent logs chez un chrtien. Si lesBndictins avaient rsid Jrusa-

    lem, ils auraient t les guides et leshtes des croiss et des plerins.

    C'est l un nouvel argument ngatif;en outre, en ce qui concerne Pierre

    l'Ermite, il tombe ; nous savons, eneffet, maintenant d'une faon certaine

    que Pierre l'Ermite ne vint pas J-rusalem (Riant, Invent, des lettres hist.des crois., 94). Mais admettons que leraisonnement de Paoli tienne en ce quiconcerne le comte de Flandre, et quecelui-ci n'et pas manqu d'tre l'htedes Bndictins s'il en et exist alors Jrusalem, il ne s'en suivrait tou-

    jours pas que des moines de l'ordrede saint Benot n'eussent pas desservi

    antrieurement la croisade l'hospicedes Amalfitains.

    (3) Voir plus haut, p. 8.

  • 14 AIME DU MONT CASSIN

    Crmone et l'Anonyme d'Ughelli) visent uniquement cette fon-dation; les autres (Guillaume de Tyr et ses imitateurs, et Guil-laume de S. Estne) rattachent celle-ci l'origine de l'Hpital.S'il est, pour ainsi dire, superflu de discuter la valeur des

    premiers, le fait qu'ils relatent nous paraissant hors de doute,il n'est cependant pas indiffrent de dire quelques mots deces chroniqueurs, dont le nom, cette occasion, apparat ici

    pour la premire fois.La chronique d'Aim du Mont Cassin (1), crite entre 1078 et

    1080, mane d'un auteur contemporain des vnements quinous occupent. Trs prise par les uns (2), violemment atta-

    que par les autres (3), elle n'a droit ni la valeur absolue queceux-ci lui attribuent, ni aux reproches systmatiques dontceux-l l'accablent. Il convient cependant de remarquer qu'ellenous est parvenue dans une traduction franaise, probablementdfectueuse, de la fin du xiii^ sicle ou du dbut du xiv^ sicle,et qu'on pourra toujours l'accuser d'interpolations. Mais, enfaisant la part du pour et du contre, elle doit tre considrecomme le rcit d'un tmoin original et bien inform, quoiquepartial sur certains points. Originaire de la principaut de

    Salerne, Aim tait, plus que qui que ce soit, mme d'treexactement renseign sur les choses survenues de son vivant Amalfi, ville voisine de sa patrie et entretenant avec le MontCassin des rapports frquents et amicaux (4). Ce qui concernela fondation amalfitaine appartient-il la chronique primitiveou au remaniement du traducteur? Nous l'ignorons. Il semblebien que ce renseignement, par sa nature mme, soit original,et que pour le fond, si la forme peut paratre suspecte,

    le rcit d'Aim doive tre accueilli comme exact.Avec Sicard, vque de Crmone (5), qui accompagna en 1203

    (1) L'ystoire de H Normant. (4) Nous savons que l'artiste, qui(2) Champollion-Figeac, dans l'intro- avait fait les portes de bronze d'Amalfi,

    duction de L'ystoire de li Normant; fut, la demande de l'abb du MontB. Capasso, Le fonti dlia storia dlie Cassin, envoy par les Amalfitains au

    provincie Napoletane, I, 181-204. Mont Cassin pour y excuter les portes(3) J. Hirsch, Amatus von Monte de bronze de ce monastre.

    Cassino und seine Geschichte der Nor- (5) Chronicon Sicardi Cremonensis,mannen, dans Forschungen zur deut- dans MurAtovi, Rerum Italicarumscrip'schen Geschichte, VIII, 203-323. tores, VII, 586.

  • SICARD DE CREMONE 15

    en Armnie le lgat du S. Sige en Orient et mourut en 1205,nous sommes en prsence d'un rcit qui, pour la priodequi nous occupe, n'est pas contemporain. Si la chroniquede Sicard contient des renseignements fabuleux, si elle estsouvent mal coordonne, rien n'empche qu'elle ait, surtout

    pour l'histoire de la Terre Sainte, que l'auteur visita la

    suite du lgat, une valeur personnelle. En tous cas, elle

    apporte un tmoignage tout fait distinct des autres sources ;elle nous apprend qu'en 1086 des marchands d'Amalfi obtin-rent du sultan la concession d'un terrain devant la porte duS. Spulcre, qu'ils y levrent leurs frais pour les Chr-tiens un hospice qui, au temps de Sicard, portait le nom

    de S. Marie Latine, et dont ils avaient assur le personnelhospitalier. Si la date de 1086 peut tre sujette caution (1),il ne s'en suit pas que l'ensemble du tmoignage de cetauteur, eu gard au caractre personnel qu'il revt, doivetre rejet de ce fait.

    Enfin un fragment de chronique anonyme (Vtus Chronicon

    Amalphitanum)^ qui mane d'Amalfi, au dire d'Ughelli (2),mais dont nous ignorons la valeur et l'ge, corrobore la

    chronique de Sicard sur la fondation des Amalfitains.La seconde srie de tmoignages relatifs l'tablissement

    amalfitain de Jrusalem se compose de Guillaume de Tyr(avec ses imitateurs) et de Guillaume de S. Estne. Nousn'avons pas refus d'admettre leur rcit en ce qui touche cette

    fondation, parce qu'il est confirm par les chroniqueurs dontnous venons de parler. Devons-nous voir dans les Amalfitainsavec Guillaume de Tyr, ou dans des Italiens, avec S. Estne,les prcurseurs des Hospitaliers ? Pour rsoudre la question,il importe avant tout d'examiner la valeur des affirmations deGuillaume de Tyr et de Guillaume de S. Estne; cet examentrouvera sa place ici, dans l'tude des sources proprementdites des origines de l'Hpital.Ces sources sont au nombre de trois :1" Lgendes fabuleuses [Miracula) .2o Guillaume de Tyr.3 Guillaume de S. Estne [Exordium Hospitalis).

    (l) Voir plus haut, p. 11. (2) Ughelli, Italia Sacra, VII, 260.

  • 16 SOURCES DES ORIGINES DE l'hOPITAL

    Nous dirons quelques mois de chacune d'elles.I. Les Miracula, ou rcit des origines fabuleuses de

    l'Hpital, figurent en tte d'un grand nombre de recueils deStatuts de l'Ordre (1), sous trois rdactions voisines mais

    distinctes, dont la plus ancienne remonte aux dernires annesdu XIII ou aux premires annes du xiv sicle (2), et la plusrcente au milieu du xiv sicle. Mais ces lgendes sont assu-rment plus anciennes. Les lments historiques qu'ellescontiennent, sige de Jrusalem par les Croiss (1099),mentions des deux premiers grands-matres Grard et Raymonddu Puy, confirmation des Statuts par le pape Innocent II (1130-1143), dont aucun n'est postrieur au milieu du xii sicle,permettent de placer la formation des Miracula entre 1140 et1150 (3). Nous ne reviendrons pas sur le mobile auquel obirentles Hospitaliers en entourant leur berceau de rcits miraculeux,et en rpudiant toute attache avec des fondations antrieures.A cette proccupation s'ajouta une considration plus pratique;ne fallait-il pas, en prsence de la fondation des ordresrivaux des Templiers et des Teutoniques, maintenir, par unensemble de lgendes, le prestige de l'antiquit de l'Hpital,sous peine de voir passer ceux-ci Tinfluence et la vogue quela concurrence des nouveaux venus menaait de lui enlever ?

    Ne fallait-il pas aussi par des rcits lgendaires entretenirl'enthousiasme des foules, et surtout, c'est un membre del'Ordre qui en fait lui-mme l'aveu (4), frapper leurs imagina-tions pour assurer la gnrosit de leurs aumnes? Du con-cours de ces diverses considrations naquirent les Miracula^ et

    le monde chrtien en adopta si compltement la valeur histo-

    rique qu'une bulle de Glestin III (16 juillet 1191) leur donnaune conscration officielle (5).La composition mme de ces Miracula se rduit trois

    groupes de faits : 1** apparitions antrieures la venue du

    Christ; 2" rcits divers emprunts au Nouveau Testament et

    (1) Nous les trouvons dans 13 ma- choses , dit Guillaume de S. Estne,nuscrits des Statuts. l'auteur de VExordium, aux dernires

    (2) De prima origine, 48-9. annes du xiiie sicle,

    [Z] De prima origine, kb-. (5) Cartul, I, n^ 911. Cette bulle

    (4) Mais je esme que questeors fut renouvele par Innocent IV le

    por mieaus gaignier troverent cels 9 avril 1254 [Cartul., II, n 2674).

  • MIRACLES DE l'aNCIEN TESTAMENT 17

    dont le silence des Ecritures a permis de placer le thtre dansl'enceinte de l'Hpital ; 3 miracle de Grard au moment de lacroisade (1).Le premier groupe se compose de trois apparitions : la pre-

    mire est celle du Seigneur au roi Antiochus. Celui-ci voulait

    punir le grand-prtre Melchior d'avoir viol le tombeau deDavid

    ;l'intervention divine l'oblige pardonner et fonder,

    l'endroit mme o il vit le Sauveur, au Calvaire, un hospiceauquel il consacra une somme de douze mille drachmes. L'ide

    premire de cette lgende est emprunte au second livre desMacchabes

    ;d'abord l'pisode d'Hliodore, qui, s'tant, sur

    l'ordre du roi Sleucus, empar des trsors du Temple, tomba

    foudroy au moment d'accomplir cette profanation (2), ensuiteau rcit du don d'une somme d'argent fait par Judas Macchabe

    pour assurer deS prires aux morts (3) ; enfin le nom d'Antio-

    chus, adopt par le rdacteur du miracle, figure maintes

    reprises dans ce livre sacr (4). En se servant de ces lments,en changeant le nom d'Hliodore en celui de Melchior, un des

    rois mages, et celui de Sleucus en celui d'Antiochus, en attri-buant aux pauvres l'aumne destine par Judas Macchabe auxdfunts, et en introduisant dans le rcit Tlment merveil-

    leux, c'est--dire l'apparition divine, le miracle se trouva cr

    de toutes pices.La seconde apparition nous montre le Seigneur ordonnant

    Zacharie, pendant que celui-ci faisait un sacrifice, d'aller, avecsa femme et son fils Jean, Jrusalem, pour y servir les

    pauvres, et d'y attendre la venue de Julien le Romain. Le choixde Zacharie, pre de saint Jean, s'explique facilement, puisquele patron de l'Hpital fut prcisment ce mme saint Jean ; lereste n'est que l'introduction de l'lment merveilleux, l-ment essentiel de toute lgende.Nous arrivons ainsi la troisime apparition : Julien le

    Romain, envoy par l'empereur Octavien en Terre Sainte poury lever l'impt, fait naufrage prs de Rhodes; miraculeusementsauv par le Christ, il se convertit la foi chrtienne. Son

    (1) Nous avons publi le texte des (2) 2 Mac. c. 3.deux rdactions principales de ces mi- (3) 2 Mac, c. 12, f. 43.racles dans De prima origine, 97-118. (4) 2 Mac, passim.

  • 18 MIRACLES DU NOUVEAU TESTAMENT

    sauveur lui rvle alors qu'il Ta destin succder Zachariedans la direction de THpital, et que, pendant qu'il le dirigera,lui-mme viendra corporellement dans la maison de l'Hpital.Ainsi se rattachent, sans briser la succession chronologique,les lgendes de l'Ancien Testament celles du Nouveau.Avec le Nouveau Testament apparat le second groupe de

    faits, assez concis dans la premire rdaction, mais beaucoup

    plus dvelopp dans la seconde. Pour tablir ce deuxime

    groupe, on a eu recours un procd extrmement commode,celui de fixer dans la maison de l'Hpital la scne des divers

    vnements de la vie du Christ dont remplacement n'tait

    pas dtermin dans les Evangiles, et d'y faire prononcer parle Sauveur divers aphorismes moraux que les Evanglistesavaient relats sans prciser en quels endroits ils les enten-

    dirent mettre. C'est ainsi que dans cette lgende THpitalabrita la Vierge et les Aptres pendant la passion, fut aprs larsurrection le thtre de l'apparition de Notre Seigneur aux

    disciples et saint Thomas, et celui de l'lection des sept pre-miers diacres

    ;c'est galement l'Hpital que l'on rattacha la

    fausse conversion d'Ananias et de Saphira, raconte dans les

    Actes des Aptres, en dclarant que l'argent donn par euxtait destin aux pauvres de l'Hpital. L'imagination, on le voit,n'eut qu'un rle secondaire dans l'agencement de ces faits; en

    se bornant localiser des vnements connus de tous, onn'veilla aucune mfiance, et on fit accepter comme absolument

    vridique la forme nouvelle et dtourne sous laquelle on les

    prsenta.Le troisime groupe de faits nous reporte l'poque de la

    premire croisade. Grard, administrateur de l'Hpital pendantle sige de Jrusalem par les croiss, au lieu de jeter du hautdes murailles de la ville des pierres contre les assaillants, leur

    aurait jet du pain, dont ils avaient grand besoin. Dnonc et

    pris sur le fait, il aurait t conduit devant le sultan pour

    rpondre de sa trahison; mais, en prsence de celui-ci, le painse serait chang en pierres, la confusion des dnonciateurs,dont le sultan aurait puni la calomnieuse dlation. C'est assu-rment la partie la plus intressante de la lgende. Le fait

    surnaturel, qui forme le fond du rcit, est dat (1099), et nousest rapport cinquante ans aprs l'poque laquelle il se

  • GUILLAUME DE TYR 19

    serait produit. Il offre donc, dfaut d'un caractre historiqueabsolu dans les personnages et les vnements qui y concou-rent, un ensemble d'lments historiques incontestables. Sansadmettre que le pain ait t chang en pierres, ni mme qu'ilait t jet aux croiss en guise de projectiles, nous croyonsqu'on doit retenir du rcit de ce miracle : que Grard, placpar les historiens en tte des grands-matres de l'Ordre, tait Jrusalem et dans l'Hpital avant la croisade, que lescroiss souffrirent de la faim pendant qu'ils assigeaient la VilleSainte (1), et que Grard, qui leur avait mnag des intelli-gences dans la place, sut se disculper devant le sultan et con-

    fondre ses accusateurs (2). Il n'est pas tonnant que l'imagi-nation des croiss, devenus matres de Jrusalem la suited'extraordinaires pripties, d'un voyage et d'une expditionpendant lesquels les choses qu'ils avaient vues et les vne-ments qu'ils avaient traverss confinaient au rve et au miracle,ait spontanment entour la dcisive intervention de Grarddes couleurs les plus potiques et de l'aurole du merveilleux,crant ainsi d'enthousiasme la lgende du miracle. Les rdac-teurs des Miracula l'ont recueillie ensuite telle qu'elle tait

    ne, et l'ont fait prcder des lgendes dont nous venons de

    parler, chafaudes dans le but intress que Ton sait.II. Guillaume, surnomm de Tyr, parce qu'il fut archidiacre

    (1167), puis archevque (1174) de cette ville, dont le lieu denaissance nous est inconnu, mais dont l'existence s'coula en

    Syrie, fut directement ml aux vnements dont la TerreSainte fut le thtre pendant la deuxime moiti du xii' sicle.Il put, grce aux hautes fonctions qu'il exerait, voir de prsces vnements et les juger avec une comptence particulire.Il semblerait, dans ces conditions, que l'exactitude des faits qu'ilnous a transmis diit tre mise hors de tout soupon ; en ralit,

    (1) Guillaume de Tyr {Hist. occ. des et tortur par eux. A-t-il confondu le

    crois., l, 333), en relatant les souf- grand-matre de l'Hpital avec Grardfrances auxquelles les croiss furent d'Avesnes, qui subit Arsur un traite-en butte, nous apprend qu'ils souffri- ment analogue en 1099 (Hist. occ. desrent surtout de la soif devant Jrusa- crois., IV, 507 et suiv.)? Nous ne sau-lem et de la faim devant Antioche. rions le dire; mais ce rcit, s'il s'ap-

    (2) Guillaume de Tyr (Hist. occ . des plique notre Grard, semble vraisem-

    crois., I, 315) dit que Grard, soup- blable et conforme au rle jou par luionn parles Musulmans, fut incarcr vis vis des croiss.

  • 20 RECIT DE GUILLAUME DE TYR

    les choses de Terre Sainte ne pouvaient trouver d'historienmieux inform et d'une clairvoyance plus avise ; d'une faon

    / gnrale Guillaume de Tyr est unanimement considr commele tmoin le plus sr et le plus autoris pour cette priode (1).En ce qui concerne l'origine de l'Ordre, voici comment il

    s'exprime :

    Regno Hierosolymorum cum universa Syria et iEgypto, cum adjacen- tibus provinciis, peccatis nostris exigentibus, in manus hostium nominis et fidei Ghristianae, secundura quod antiquae tradunt histori, devolutis, quod tempore domini HeracHi, Romanorum imperatoris, invalescen- tibus contra eum Arabiae populis, certum est accidisse non defuerunt de Occidentalibus muUi, qui loca sancta, licet in hostium potestate redacta, aut devotionis, aut commerciorum, aut utriusque gratia visita- rent aliquoties. Inter eos autcm qui negotiationis obtentu, de Occidenta-

    libus per illa secula loca praedicta adir tentaverunt, fuerunt viri de

    Italia, qui ab urbe quam incolunt dicuntur Amalfitani. Est autem Amalfia civitas inter mare et montes eminentissimos constituta, ab oriente habens urbem nobihssimam Salernum, vix septem milliaribus marino ab ea distantem itinere; ab occidente vero Surentum, et Neapolim Ver- gihanam ; ab austro vero Siciliam, ducentis miUiaribus, plus minusve modico, remotam, Tyrrheno mari interjacente. Hujus regionis habita- tores, ut praediximus, primi merces peregrinas, et quas Oriens prius non noverat, ad supra nominatas partes lucri faciendi gratia inferre tentaverunt : unde et optimas conditiones apud illarum partium praesi- des, pro rbus necessariis quas inferebant, et sine difficuhate accessum, et popuH nihilominus gratiam merebantur. Possidebat illis diebus prin- ceps iEgyptius universas maritimas regiones, a Gabulo civitate, sita in littore maris juxta Laodiciam Syriae, usque in Alexandriam, quae est novissima civitas

    ^gypti. Et per praesides, singulis civitatibus deputa- tos, imperium suum late reddebat formidabile. Praedicti vero Amalfitani, tam rgis quam principum suorum plenam habentes gratiam, loca uni- versa, quasi negotiatores et tractatores utilium, tanquam merces

    circumferendo, confidenter poterant circumire : unde et traditionum paternarum non immemores et fidei Ghristianae, loca sancta, quoties opportunitas dabatur, visitabant. Non habentes autem in eadem urbe familiare domicilium, ubi moram possent facere aliquantulam, sicut in

    urbibus habebant maritimis, congregatis de suo populo quotquot ad

    opus conceptum poterant convocare, calypham ^gyptium adeunt, et

    (1) De prima origine, 13-4

  • RECIT DE GUILLAUME DE TYR 21

    obtenta familiarium ejus gratia, petitionem suara scripto porrigunt, et votis consone recipiunt impetratum.

    Scribitur ergo Hierosolymorum praesidi ut viris Amalfitanis, amicis et utilium introductoribus, locus Hierosolymis juxta eorum desiderium, in ea parte quam Christiani habitant, ad construendum ibi domicilium, quale voluerint, designetur amplissimus. Erat autem civitas, sicut et hodie est, in quatuor partes pne divisa aequaliter, ex quibus sola quarta, in qua sepulchrum Dominicum situm est, fidelibus concessa erat ad habitandum; reliquas autem cura templo Domini soli infidles habe- bant domesticas. Designatur ergo eis de mandato principis qui sufficiens videbatur ad construenda necessaria locus, sumptaque a negotiatoribus quasi per symbolum pecunia, ante januam ccclesiae dominicae Resurrec- tionis, quantum vix lapidis jactus est, monasterium erigunt, in honore sanctae et gloriosae Dei genitricis, perpetuaeque virginis' Mariae, simul cura et iis officinis, quae ad usus raonachorum et suae gentis hospitura susceptionera potertnt aliquam prstare comraoditatem. Quo facto, de partibus suis tara monachos quam abbatera transferentes, locura regu- lariter instituunt, et Domino conversatione sancta reddunt placabilem. Et quoniara viri Latini erant, et qui locura fundaverant, et qui in reli- gione conservabant, idcirco ab ea die usque in praesens locus ille raonasterium de Latina dicitur. Accedebant etiam per illa nihilorainus terapora, ut loca deoscularentur venerabilia, sanctae viduae et continentes, quae, tiraoris oblitae ferainei, et periculorura, quae raultiplicia occurre-

    bant, non habentes forraidinera; quibus advenientibus, cura non esset inter septa monasterii ubi colligerentur honeste, congrua satis provi- sione procuratum est ab eisdera sanctis viris, qui locura fundaverunt, ut advenientibus devotis ferainis non deesset seorsura oratoriura, doraus familiaris et locus in diversorio. Tanderaque divina favente cleraentia ordinatura est ibi raonasteriolura in honore piae peccatricis, Mariae videlicet Magdalenae, et sorores sub certo nuraero ad obsequiura adven- tantiura raulierura constitutae. Gonfluebant etiara per illa periculosa terapora nonnulli ex aliis gentibos, tara nobiles quam secundae classis homines, quibus, quoniara ad sanctam civitatem non nisi per terras hostiura erat accessus, de suis viaticulis, cura ad urbera pervenissent, oranino non fiebat residuura

    ; sed miseros et inopes ante civitatis por- tara, tara diu cura surarao labore, farae, siti et nuditate exspectare opor- tebat, quousque, dato aureo nuraisraate, urbera eis licebat introire. Ingressis autera, et locis sanctis ex ordine peragratis, non erat eis vel ad unura diera refectionis spes ulla, nisi quantura eis de praedicto mo- nasterio fraterne rainistrabatur : nam ^jmnes alii civitatis habitatores Sarraceni erant et infidles, excepto doraino patriarcha, et clero et popello misero Surianorum ; qui diebus singulis tt angariis, paranga-

  • 22 RECIT DE GUILLAUME DE TYR

    riis et sordidorum munerum praestationibus vexabantur, ut vix sibi, in suprema paupertate constitutis, in continue timor mortis liceret respi- rare. Nostris ergo miseris, et ad supremum afflictis et egentibus, cum

    non esset qui tectura praeberet, procuratum est a beatissimis viris, qui monasteriura Latinorum incolebant, ut misericorditer victui et tegu- mento detrahentes, ad opus talium, intra ambitum sibi designatum, xenodochium rigrent, ubi taies sanos vel grotantes colligerent, ne de nocte per vias reperti jugularentur, et in eodem loco congregatis, de reliquiis fragmentorum utriusque monasterii, tam virorum quam mulierum, ad quotidianam sustentationem qualemqualem, aliquid minis-

    traretur. Erexerunt etiam in eodem loco altare in honore beati Johannis Eleymon. Hic vir Deo placens, et per omnia commendabilis, natione fuit Cyprins ; tandem, suffragantibus meritis, factus est Alexandrinus

    patriarcha, vir in operibus pietatis singulariter excellens, cujus pia stu- dia et librales eleemosynas in perpetuum enarrabit omnis ecclesia sanctorum. Unde et a sanctis Patribus vocatus est Eleymon, quod inter- pretatur misericors . Huic autem loco venerabili, quod ita caritative se porrigebat ad homines, neque reditus erant, neque possessiones ; sed

    praedicti Amalfitani annis singulis, tam qui domi erant, quam qui nego- tiationes sequebantur, collecta inter se quasi per symbolum pecunia, per eos qui Hierosolymam profciscebantur, abbati, qui pro tempore ibi erat, offerebant, ut inde fratribus et sororibus ad victum et tegumen provideretur, et de residuo feret advenientibus Ghristicolis in xeno-

    dochio aliqua misericordia. Ita ergo per multorum annorum curricula, quousque placuit summo rerum opifici, civitatem illam, quam proprio cruore mundaverat, a suspertitionibus gentilium purgare, sub iis con-

    ditionibus mansit locus ille. Adveniente namque christiano populo et

    principibus a Deo protectis, quibus regnum illud Salvator tradi voluit, in monasterio feminarum inventa est abbatissae fungens officio, quaedam Deo devota et sancta mulier, Agnes nomine, nobilis secundum carnem, natione Romana, quae, etiam postquam civitas restituta est fidei Ghris-

    tianae, per aliquot vixit annos. Et in xenodochio similiter repertus est quidam Geraldus, vir probatae conversationis, qui pauperibus in eodem loco tempore hostilitatis, de mandate abbatis et monachorum, multo tempore dvote servierat ; cui postea successit Raimundus iste, de quo nobis sermo est in prsesenti (1).

    La critique cependant, sur tout ce que Guillaume de Tyr a

    dit, ici et ailleurs, sur l'Hpital, formule des rserves, et

    dclare l'auteur reprochable. Elle a remarqu, en effet, que

    (1) Hist. occ. des crois. , I, 822-6.

  • CRITIQUE DU TEMOIGNAGE DE GUILLAUME DE TYR 23

    celui-ci avait contre les Hospitaliers un parti-pris de dnigre-ment, qui se fait jour ds qu'il nonce leurs origines par cesmots : Gomment li Hospitaliers orent petit commencement ,et qui trouve sa premire expression dans le rcit de leurs d-mls en 1155 avec le patriarche de Jrusalem, son prdcesseur l'archevch de Tyr, propos de dmes dont celui-ci leurcontestait la perception (1) ; elle conclut en l'accusant leur

    endroit de malignit et mme d^erreurs et de mauvaise foi.Mise en veil sur ce point particulier, elle a tendu sa suspi-cion tout ce que Guillaume avait crit sur l'Ordre, et rejetabsolument son rcit des origines de l'Hpital. Cette conclu-

    sion est assurment excessive, et tmoigne d'une animosit ensens contraire gale celle que l'on reproche Guillaume.

    Les historiens intresss combattre la vracit de cet auteurn'ont pas voulu voir que celui-ci avait, avant d'exposer lesdbuts de l'Ordre, mis le lecteur en quelque sorte en gardecontre le reproche de partialit qu'on serait tent de lui adres-ser (2) ; ils ne se sont galement pas aperus que deux autres

    tmoignages, dont l'indpendance s'affirmait par leurs diver-

    gences avec celui de l'archevque de Tyr dans la question desdmes pour l'un (3), et dans celle du patron primitif de l'institutnouveau pour l'autre (4), taient identiques sur la question des

    (1) Voir plus bas, p. 53, le rcit de des Hospitaliers : domino etiam pa-cette contestation. triarchae Hierosolymitano dvote obe-

    (2) Aprs avoir racont la querelle dientes, de bonis suis dcimas secun-relative aux dmes {Ilist.occ. des crois., dura sacros canones et utriusque testa-I, 822), Guillaume de Tyr s'exprime menti praecepta absque contradictioncainsi : Nec tamen omnes uno judicio reddebant ; ce qui est en oppositionet sublata discretionis differentia, in avec le tmoignage de Guillaume dehancDeo odibilem, etvitiorum matrem Tyr. Par contre, il corrobore le rcitomnium, involvimus superbiam, cre- de celui-ci sur la fondation de l'Ordredents vix posse contingere ut in tan- [Ilistoria Hierosolymitana ahbreviata,to corpore eodem gradiantur itinere, dans Bongars, Gesta Dei per Francos,et sit nulla differentia meritorum. Ut I, 1083).autem, ex quam modico jactu seminis (4) L'auteur de YExordium, donttantum locus memoratus ceperit in- nous parlerons plus bas, rectifie l'opi-crementum, quamque indebite contra nion gnralement admise que le patronDei ecclesias recalcitraverit, et usque de THpital ft l'origine saint Jeanhodie recalcitrare nondesinat, duximus l'Aumnier, et prouve que c'est saintmandandum historiae, veritatis regu- Jean Baptiste qu'il faut attribuer ce pa-lam omnino, auctore Domino, non tronage {De prima origine, 127-8) ; surpraetermittentes. la question des origines il est d'accord

    (3) Jacques de Vitry dit, en parlant avec Guillaume de Tyr (ibid., 120-122j.

  • 24 EXORDIUM HOSPITALIS

    origines. Il semble donc que le rcit de Guillaume de Tyr, s'iln'offre pas premire vue un caractre d'authenticit absolue,ne doive pas tre cart de prime abord.A Guillaume de Tyr se rattachent la plupart des chroni-

    queurs postrieurs, d'abord la traduction franaise [VEstoire

    d*Eracles) (1), la version espagnole [La gran conquista de Ul-

    tramar (2) pour la majeure partie, les Passaiges d'Oultremer deSbastien Mamerot (3), puis la chronique de Roger de Wen-dover (4), et surtout l'ouvrage de Jacques de Vitry (5), quiemprunte l'archevque de Tyr, en y ajoutant quelques exag-rations, la trame de son rcit. De cette mme source, maisavec une imitation plus directe de Jacques de Yitry que de Guil-

    laume de Tyr, drivent galement les chroniques de MarinoSanudo Torsello (6) et de Jean d'Ypres (7). Tous ces tmoi-

    gnages, et ils forment la plus grande partie de ceux qui noussont connus pour l'histoire de la Terre Sainte, ont pour fond

    unique le rcit de Guillaume de Tyr et se ramnent luiseul.

    111. h''Exordium Hospitalis figure dans un petit nombre derecueils de Statuts. C'est, proprement parler, une dissertation

    critique sur les dbuts de l'Hpital, apportant un tmoignagenouveau et capital la question si controverse des origines decelui-ci (8). Elle apparat pour la premire fois dans un manus-crit des Statuts de 1302 (9) ; comme elle ne figure pas dans unautre manuscrit des mmes Statuts, rdig entre 1287 et 1290 (10)par le mme rdacteur que celui du manuscrit de 1302, elle futassurment compose entre ces deux dates. Elle a pour auteur, n'en pas douter, quoique la preuve absolue fasse dfaut,le compilateur des deux manuscrits prcits, Guillaume deS. Estne, frre de l'Hpital, rsidant au prieur de Lombar-

    (1) Hist. occ. des crois., t. I ; Chro- viata, dans Bongars, Gesta Dei pernique d'Ernoul et de Bernard le Tr- Francos .sorier. (6) Scrta fidelium crucis, dans Bon-

    (2) La gran conquista de Ultramar, gars, Gesta Dei per Francos.dans la Bihlioteca de autores Espa- (7) Chronica monasterii S. Bertini,noies. dans Monum. Germ. hist.

    , Script. XXY).(3) Les Passaiges d'Oultremer faiz (8) Voir le texte dans De prima ori-

    par les Francoys. g^i/ie, 119-128.

    (4) Chronica sive Flores historiarum. (9) Paris, Bibl. nat., ms. franc. 6049.

    (5) Historia Hierosolymitana ahhre- (10) Rome,Bibl, du Vatican, ms. 4852,

  • IMPORTANCE DE l'eXORDIUM HOSPITALIS 25

    die l'poque de la rdaction du plus ancien de ces manuscrits

    et devenu commandeur de Chypre en 1302 (1). Elle n'eut pas,et pour cause, comme les Miracula, les honneurs d'une insertion

    pour ainsi dire officielle dans les recueils de Statuts ; cinqmanuscrits seulement nous l'ont conserve, parmi lesquels deux

    manent de la famille mme de l'auteur (2). Son contenu, eneffet, allait l'encontre des origines que l'Ordre prtendaitaccrditer, et seuls les esprits indpendants lui donnrentasile dans leurs compilations statutaires.

    Nous avons eu occasion ailleurs (3) d'indiquer le rle pr-

    pondrant que Guillaume de S. Estne joua dans la rdactiondes Statuts, le souci qu'il prit de donner son travail uneauthenticit indiscutable en citant avec la plus scrupuleuseexactitude les sources auxquelles il avait puis; les mmes qua-lits de prcision et d'intelligence critique se retrouvent dans

    la seconde compilation due Guillaume de S. Estne, celle

    qui conXiQiiiVExordium. Si la premire offre tous les caractresd'une rdaction officielle, la seconde semble en revanche une

    uvre toute personnelle. Elle dnote un esprit perspicace,prudent et avis, et offre une abondance d'informations qu'ex-plique la position occupe Chypre par l'auteur au centre desvnements qui se droulaient dans le Levant. La dissertation

    (Exordium) qu'elle contient se prsente donc notre examensous les auspices d'une rudition tendue et d'un sens critiquetrs sr. L'auteur, en la composant, s'est propos de rduire la

    lgende miraculeuse des proportions plus justes et plus voi-sines de la vrit, et de nous faire connatre l'origine historiquede l'Hpital, qu'il n'hsite pas rattacher une fondation ant-

    rieure aux croisades. Il commence par faire le rcit des souf-

    frances subies par les Chrtiens venant visiter les Lieux Saints,des dmarches faites auprs du calife par des marchands ita-

    (1) Pour tout ce qui concerne l'jE'xor- crit de Paris, Bibl. nat., franc. 6049

    dium et son auteur, voir : De prima est le manuscrit mme de l'auteur; leorigine, 55-66, et notre tude sur les manuscrit de Paris, Bibl. nat., franc.

    Statuts de Vordre de l'Hpital, dans 1978 appartenait Daniel de S. Es-

    Bibliothque de l'Ecole des Chartes tne, lieutenant du visitateur gnralXLVIII (1887), passim. Nous croyons de Lombardie, et trs probablementque Guillaume de S. Estne tait italien apparent avec l'auteur de r'j:orrf/Mm.et s'appelait en ralit S. Stefano. (3) Dans notre travail sur Les Sta-

    (2) Dprima origine, 56. Le manus- tuts de l'ordre de l'Hpital, passim.

  • 26 VALEUR CRITIQUE DE l'eXORDIUM

    liens, mus de cette situation, pour obtenir la concession d'unoratoire et d'une maison Jrusalem, dmarches que le calife

    agre dans la crainte de perdre les relations commerciales queles Occidentaux entretenaient avec lui. Les marchands btis-sent alors une glise sous le vocable de Notre Dame, au sud duS. Spulcre, spare de celui-ci par le chemin royal, et unemaison hospitalire. Ils appellent d'Italie, pour desservir cette

    fondation, des moines noirs (Bndictins). Sur la dure pendantlaquelle ces moines la gouvernrent, l'auteur refuse de se pro-noncer, car, dit-il, je ne le say ni ne l'ay onques oy par voys digne de foi ni par escripture (1) ; mais il affirme que c'estbien l'tablissement des Italiens que l'Ordre est redevable de

    son origine. 11 repousse ensuite la lgende qui faisait remonter

    l'Hpital Melchior, c'est--dire au temps des Macchabes, etnous montre, par l'insertion in-extenso dans son rcit d'une

    charte de Godefroy de Bouillon, qu'au moment de l'entre descroiss Jrusalem l'Ordre tait constitu puisqu'il recevait des

    donations, et accessoirement qu'il avait pour patron saint Jean

    Baptiste puisque ce patronage est mentionn dans cette charte.11 termine sa dissertation en rfutant l'opinion par laquellel'Hpital se rclamait de saint Jean l'Aumnier, et dmontre

    qu'elle est le rsultat d'une confusion de nom, et que seul saintJean Baptiste a t le protecteur des Hospitaliers.Pour juger la valeur de la dissertation de S. Estne, il

    faudrait d'abord connatre les sources auxquelles elle est

    emprunte ; malheureusement l'auteur n'en cite aucune. Doit-on penser Guillaume de Tyr et aux crivains directement ins-

    pirs par celui-ci, ce qui enlverait toute originalit au rcitde S. Estne ? Nous ne le croyons pas, puisque, en ce quiconcerne le patron de l'Ordre, l'auteur est en contradictionformelle avec l'opinion de Guillaume de Tyr. Si S. Estne a

    rejet sur certains points le tmoignage de ce chroniqueurpour l'adopter sur certains autres, son choix a t dterminsoit par la seule pntration de sa critique, soit par des l-ments d'information que nous ignorons, mais qui taient coupsr indpendants de ceux qu'il a pu trouver chez Guillaume de

    Tyr. Dans les deux cas, le rcit de S. Estne revt un carac-

    (l) De prima origine, 122.

  • OBJECTIONS CONTRE l'eXORDIUM 27

    tre personnel, et ce titre un mrite particulier. Ce qu'ildit du patron de l'Ordre est rigoureusement exact; d'autres,

    aprs lui et en dehors de lui, sont arrivs la mme conclusionque la sienne (1). Si S. Estne n'a pas su faire justice detoutes les erreurs et invraisemblances contenues dans les Mira-

    cula^ on lui saura gr des efforts qu'il a tents et de la critiquedont il a fait preuve. Faut-il lui reprocher d'avoir de bonne foi

    tay son argumentation relative au patronage de saint Jean

    Baptiste sur une prtendue donation de Godefroy de Bouillon,

    qui, en ralit, appartient Godefroy, duc de Brabant, et

    l'anne 1183? L'erreur est d'autant plus excusable qu'elle a

    t partage par d'autres aprs lui, et n'a t reconnue quercemment (2).

    Faut-il suspecter son tmoignage en insinuant que, d'origineitalienne, il avail intrt relever le rle des Italiens,


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