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  • Socit Franaise de Musicologie

    Les Vingt-quatre Prludes op. 28 de Chopin Genre, Structure, SignificationAuthor(s): Jean-Jacques EigeldingerSource: Revue de Musicologie, T. 75e, No. 2e (1989), pp. 201-228Published by: Socit Franaise de MusicologieStable URL: http://www.jstor.org/stable/928883Accessed: 25/07/2010 22:50

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  • Jean-Jacques EIGELDINGER

    Les Vingt-quatre Prdludes op. 28 de Chopin

    Genre, structure, signification* Un siecle et demi apres leur premiere publication, les 24 Prdludes'

    continuent "a briller d'un 6clat singulier et "a exercer une fascination unique dans la litterature de piano. Ce recueil nous regarde comme un sphynx qui propose son enigme, restee pratiquement intacte. En connaisseur averti, Andre Gide affirme : < Certaines des oeuvres les plus courtes de Chopin ont cette beaut6 necessaire et pure de la resolution d'un probleme. En art, bien poser un probleme, c'est le resoudre2. ? Voil" qui s'applique admirablement aux Prnludes. Je tenterai ici de poser la problematique de l'oeuvre et de degager les lignes de force de sa >a travers son architecture. Pour ce faire, il conviendra de situer l'op. 28 face aux traditions du prelude; sa signification dans la production du compositeur sera &voqu~e en conclusion. Si l'op. 28 a suscit6 une litterature abondante et souvent anecdotique en raison de l'6pisode de Majorque, il est peu d'oeuvres de cette importance chez Chopin dont on connaisse aussi mal la genese et la destination. Pour memoire, les 24 Prnludes ont 6t6 publies en juin 1839 par l'6diteur parisien Catelin (repartis, pour des raisons purement commerciales, en deux cahiers: nos 1-12 et 13-24). Camille Pleyel 6tait

    * Ce texte a 6t6 publi& en traduction dans le volume Chopin Studies, 6d. J. Samson (Cambridge, 1988), p. 167-193. Je remercie Cambridge University Press d'avoir autoris& la pr6sente publication de l'original frangais et la reproduction integrale des exemples musicaux, composes ad hoc. On ne s'6tonnera done pas de trouver dans ceux-ci des mentions de tonalites et autres notations en anglais.

    1. Tout au long de cet article je me ref~re "a l'&dition des Preludes par T. Higgins, Norton critical scores (New YQrk - Londres, 1973), qui reprend le texte musical Adit6 par E. Zimmermann et H. Keller chez Henle Verlag (Munich-Duisburg, 1956; nouvelle ed., 1968).

    2. A. Gide, Notes sur Chopin (Paris, 1948), p. 111.

  • 202 Revue de Musicologie, 75/2 (1989) le commanditaire, proprietaire et dedicataire du recueil pour la France; parue la meme annee & Leipzig chez Kistner, l'&dition allemande fut offerte A J.C. Kessler en remerciement de la dedicace de ses 24 Prdludes op. 31. Chopin expedia son manuscrit & Fontana, pour copie(s), le 22 janvier 1839, date a laquelle la derniere revision de l'oeuvre &tait donc terminee. Je n'entrerai pas ici dans la controverse de savoir combien de pieces et lesquelles ont pu tre composees ou mises au net a' Majorque3.

    3. Sur cette question, cf. L. Bronarski, [Manuscrits musicaux de Chopin " Geneve], in Ksiqga pamiqtkowa ku czciprofesora Dr Adolfa Chybihskiego (Cracovie, 1930), 93-105 ; du meme, Etudes sur Chopin, I (Lausanne, 1944), p. 40-42; M.J.E. Brown,

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    Quels que puissent &tre ses origines et son developpement chronolo- gique, le recueil sera considere synchroniquement et dans sa totalit&4, & partir de sa realisation finale au milieu de la carriere du compositeur.

    Depuis son apparition au Xve siecle dans les tablatures d'orgue allemandes jusqu'aux nombreux recueils pour piano dans les annees 1810-1830, le prelude pour clavier (par extension pour luth et autres instruments assimilables), au gr6 de ses denominations terminologiques, est lie & des elements d'improvisation et se definit avant tout par ses

    Pour lire cette seconde esquisse en Si bemol, il faut transformer l'ortho- graphe de l'accord de main gauche, mes. 2, 5e croche, en Ut#-Sol au lieu de l'Ut-Sol b de l'original, qui omet de toute faqon quelques alterations au cours de cette progression harmonique. Or, il convient de lire l'esquisse en Fa mineur, avec l'orthographe originale Ut-Sol b:

    Exemple 2.

    Il ne fait pas de doute pour moi que ces deux esquisses sont celles de Prl1udes abandonnes, du moment que s'y trouve clairement &nonc6e la cellule motivique (main gauche pour le Cis moll; main droite pour celle en Fa mineur) que j'explicite plus loin.

    A l'appui de l'hypothese de Brown concernant lop. 28/10, on notera que cette piece est celle dont la substance harmonique s'avere l'une des moins riches du recueil, tout en reposant sur deux idles consecutives (mes. 1-2, 3-4, etc.), qui rappellent curieusement le debut de l'Impromptu op. 90/4 de Schubert: rencontre peut-etre non fortuite chez un Chopin press6 de completer sa collection ?

    4. Que Chopin n'ait jamais jou& integralement l'op. 28 en public ne constitue pas un argument A l'encontre de mon propos. Tout au plus executa- t-il quatre Preludes en concert (26 avril 1841), ce qui n'&tonne pas de sa part et reste conforme ia la coutume de l'6poque. En revanche, les relations tonales de huit Preludes destines atre 6tudies par une 6l6ve, revelent un souci ordonnateur. Au dos d'un exemplaire des Nocturnes op. 9 offert & J.W. Stirling, il prescrit deux groupes de quatre Preludes: un premier bas6 sur deux couples de toniques identiques, distantes d'une quinte (nos 9 et 4; 6 et 11), et un second oiA pr6dominent des rapports de quintes (nos 15, 21, 13 [marqu6 sol bemol majeur !] et 17). Cf. E Chopin, CEuvres pour piano :

    fac-similk de l'exemplaire de Jane W. Stirling, 6d. J.-J. Eigeldinger et J.- M. Nectoux (Paris, 1982), p. XXVIII et [25] (fac simile).

  • 204 Revue de Musicologie, 75/2 (1989) fonctions. Selon les cas, celles-ci consistent & 6prouver l'instrument et a v6rifier son accord; a 6tablir le silence avant une execution, comme a disposer l'auditoire au climat propre au ton de la/des piece(s) qui vont suivre; A maitriser l'apprentissage des modes ou tons en usage; 6ventuellement a faire montre de virtuosit6. Le prelude a donn6 lieu " des genres d'6critures et de compositions tres varies, voire tres types, selon les 6poques, les ares g6ographiques et les 6coles musicales. Ainsi, les preludes non mesures des luthistes et clavecinistes frangais du XVIIe siecle, les alternances de stile fantastico et stile osservato dans les diverses sections des toccatas baroques d'ob6dience italienne, ou encore le couple prelude-fugue dans l'Allemagne du Hoch- et Spdtbarock. De dimensions variables, le prelude peut aller d'une formule cadentielle a peine 6toff6e a plusieurs pages torrentueuses. Forme ouverte par excellence, il lui arrive cependant de revetir une allure monomotivique au tournant des XVIIe et XVIII siecles. Apres avoir explor6, dans ses Inventions et Sinfonies', a des fins p6dagogiques clairement explicit6es, les quinze tonalit6s majeures et mineures les plus usit6es, J.S. Bach donne une forme d6finitive au Wohltemperirtes Clavier (1722)6, en 6largissant la voie ouverte notamment par J.K.E Fischer. Didactique, voire pol6mique, l'ouvrage veut d6montrer l'excellence d'un tempera- ment qui explore pour la premiere fois dans la musique de clavier le cycle des 24 tonalites dispos6es suivant l'ordre chromatique ascendant. Un fosse est franchi d6sormais, qui ne marque pas tant une rupture qu'un accomplissement faisant date a tous 6gards. Pour notre propos, l'immense impact du Wohltemperirtes Clavier s'exerce dans deux directions principales, A la faveur de la gen6ralisation du temperament 6gal - ou de solutions approchantes - apres 1800. D'une part il d6termine les audacieuses 36 Fugues op. 36 [c 1805] de Reicha, comme le contrepoint n6o-baroque du Gradus ad Parnassum [1817-26] (pieces en < style s6vere >) de Clementi et de la double s6rie des [48] Canons et Fugues dans tous les tons majeurs et mineurs [1855] de Klengel - qui, sous les doigts de l'auteur, avaient retenu l'attention de Chopin en 1829. Mais surtout il engendre largement la prolif6ration de pr61udes et d'6tudes pour piano dans les vingt-quatre tonalit6s des l'aube du XIxe siecle7. Directement li6s l'essor du pianoforte, ceux-ci acquierent un statut propre dans l'ere postclassique et romantique. Les deux

    5. Elles sont intitul6es respectivement < Praeambula et dans leur r6daction premiere du Clavier-Biichlein fir Wilhelm Friedemann (1720).

    6. Un premier etat des Preludes 1-6 et 8-12 figure 6galement dans le Clavier-Bichlein fdir Wilhelm Friedemann. Dans les deux redactions, ils se pr6sentent essentiellement comme des variations d'6criture sur la base du schema harmonique du premier Prelude en Ut majeur (mes. 1-11 en parti- culier), pierre angulaire du cahier. On verra que l'op. 28/1 peut, jusqu'& un certain point, jouer un role analogue dans l'ensemble du recueil de Chopin.

    7. Maintes formules d'6criture du Wohltemperirtes Clavier fournissent la matiere d'arguments techniques aux Etudes de Clementi, Czerny, Moscheles (op. 70) et surtout de Cramer.

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    genres8, qui presentent des points de contact (destination >, monoth6matisme &ventuel comme principe de composition), ont parfois tendance a se confondre au cours de leur 6volution. Le prelude peut alors perdre de son caractere improvisando et de sa fonction introduc- tive, et l'6tude de sa sp6cificit6 didactique pour glisser vers l'6tude de concert (Chopin, Liszt) ou vers l'6tude dite de style, de salon ou caracteristique (Moscheles9, Henselt, Alkan, Liszt): zone oiA il arrive au prelude de la rejoindre avec des dimensions plus restreintes. Ainsi Lenz, quelque temps 6lve de Chopin, &tablit-il la relation suivante:

  • 206 Revue de Musicologie, 75/2 (1989) Szymanowska, Vingt Exercices et PrOludes [1819]. - Wrfel, Zbi6r exercycyi w ksztalcie preludy6w ze wszystkich ton6w maior i minor [1821]".

    - Kalkbrenner, Vingt-quatre Prdludes dans tous les Tons majeurs et mineurs, pouvant servir d'Exemple pour apprendre a' preluder op. 88 [1827]. Moscheles, 50 Priludes ou Introductions dans tous les tons Majeurs & Mineurs [...] op. 73 [18281N.B. Cet ouvrage est destin6 & servir d'Exercices pr6paratifs aux Etudes [op 70] du meme Auteur'2.

    Avec les figures de proue de Clementi et Hummel, ces compositeurs illustrent les principales 6coles pianistiques issues du Classicisme. Relativement diversifies, leurs recueils ont en commun des buts utili- taires et p6dagogiques avou6s, lies qu'ils sont "a des fonctions pr6c6- demment 6num6rees - Szymanowska faisant fusionner les notions de prelude et d'6tude au profit de la seconde. Aucun ne presente d'unit6 interne, sinon celle garantie par le parcours des vingt-quatre tonalites, diversement agenc6'3 (Clementi, Hummel, Wfrfel, Kalkbrenner). Hum- mel reste le seul a adopter le cycle des quintes et relatives mineures paralleles, en montant dans l'6chelle des dieses pour redescendre dans celle des b6mols a la faveur de l'enharmonie Fa diese majeur-Mi b6mol mineur. L'absence d'architecture tonale chez Cramer et Moscheles fait de leur collection un ensemble de pieces rapportees. Les pr1ludes sont partout & l'6tat isol6, sauf dans le cas de Clementi - encore que partiellement'4. Assez constantes a l'interieur de chaque recueil, leurs dimensions varient entre un a deux systemes au moins et une moyenne exceptionnellement 1lev6e de trois pages au plus chez Szymanowska. A part cette derniere, la plupart font appel a des formules pianistiques toutes faites et dict6es par le clavier - topoi h6rit6s du postclassi- cisme

    -, plus rarement a un contrepoint rudimentaire. Les caracteres conventionnels des tonalit6s se voient volontiers mis en 6vidence. De forme ouverte'5, ils restent confines dans les acceptions fonctionnelles du prelude, voire de la cadenza ou du recitativo instrumental, sans

    11. Ce recueil a 6chapp '~ i mes investigations en Suisse, a Paris et "

    Varsovie. W. Wfirfel (1791-1832), professeur au Conservatoire de Varsovie, passe pour avoir donne des rudiments d'orgue a Chopin adolescent.

    12. Cette notice de l'6diteur tient lieu de reclame commerciale, sans plus. 13. Pour les seuls Exercices. Clementi adopte la succession majeur-mineur

    en descendant et montant alternativement dans le cycle des quintes et relatives mineures paralleles (Ut majeur-La mineur ; Fa majeur-R6 mineur ; Sol majeur- Mi mineur; Si bemol majeur-Sol mineur, etc.). Kalkbrenner suit la progres- sion chromatique ascendante du Wohltemperirtes Clavier.

    14. L'oeuvre a connu des remaniements. Dans son 6tat final elle pr6sente un ou plusieurs pr61ude(s) jusqu'au ton d'Ut diese mineur, mais pas au-dela. En revanche, trois tonalit6s donnent lieu chacune ia plusieurs preludes: Ut majeur (5), Fa majeur (2), Sol majeur (3) - d'ouf le total de 25.

    15. L'improvisation stylis6e est marqu6e en outre par l'absence de barres de mesures chez Cramer et, partiellement, chez Moscheles.

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    empieter sur d'autres genres, sinon occasionnellement celui, connexe, de l'exercice ou de l'6tude 6bauch6e par r6petition motivique (Szyma- nowska except6e pour ces dernieres considerations).

    Ce faisceau de constatations indique une d6pendance minime de Chopin a l'6gard de ses pr6d6cesseurs. Si certains de ses Priludes donnent l'illusion d'improvisations, c'est assur6ment par des moyens sans rapport avec leurs ant6c6dents. Le recueil se borne tout au plus a pr6senter une succession tonale similaire a celle de Hummel. Quant '% la brievet6 variable des pieces de Pop. 2816, elle apparait indissociable de leur substance musicale et de leur succession dans l'6conomie totale du recueil - ces parametres assurant notamment a l'oeuvre de Chopin son profil unique. Le monoth6matisme comme principe essentiel de composition dans les Prdludes n'est guere reliable a des pr6c6dents dans le genre: a cet 6gard, il conviendrait plutot de regarder du c6t6 de l'6tude. Enfin, les 6ventuelles r6miniscences motiviques chez Chopin n'excedent pas une analogie avec Szymanowska17 et, en sollicitant beaucoup le texte, une id6e pr6sente chez Hummel'8. Voila qui est mince

    on pouvait s'en douter; encore convenait-il de le montrer.

    Des lors, l'interrogation de Gide parait fondee : < J'avoue que je ne comprends pas bien le titre qu'il a plu a Chopin de donner a ces courts morceaux : Prdludes. Preludes a quoi ? Chacun des preludes de Bach est suivi de sa fugue; il fait corps avec elle. Mais je n'imagine guere plus volontiers tel de ces pr61udes de Chopin suivi par tel autre morceau du meme ton, ffit-il du meme auteur, que tous ces pr61udes de Chopin jou6s l'un aussit6t apres l'autre9. >> A cette derniere affirmation pros, le commentateur pose bien le probleme, encore qu'obnubil6 par le couple prelude-fugue. L'important est qu'il nomme Bach, dont l'in- fluence sur l'op. 28, comme en g6n6ral sur l'oeuvre de Chopin, s'avyre infiniment plus f6conde et subtile que celle des pianistes-compositeurs postclassiques. Ce n'est pas ici le lieu d'un d6veloppement sur cette influence, qui a fait l'objet de plusieurs recherches20.

    16. Selon A. Cortot, Edition de Travail des (Euvres de Chopin, 24 Prdludes op. 28 (Paris, 1926), les durees extremes oscillent entre 0,30/0,35 et 4,20/4,25 minutes.

    17. Cf. op. 28/23 et Vingt Exercices.../1 - tous deux en Fa majeur. 18. Cf. op. 28/10 (mes. 1) et Vorspiele op. 67/10 (mes. 1). 19. A. Gide, Notes sur Chopin, p. 32. 20. Cf. W. Wiora, , The Book of the First International Musicological Congress Devoted to the Works of Frederick Chopin, 6d. Z. Lissa (Varsovie, 1963), p. 73-81. - K. Hlawiczka, >, Chopin a muzyka europejska, 6d. K. Musiol (Katowice, 1977), p. 3-17. - J.- J. Eigeldinger, Chopin vu par ses Wlkves (Neuchatel, 1988 - 3e d.), p. 200- 201, note 137, et passim. - G.P. Minardi,

  • 208 Revue de Musicologie, 75/2 (1989) Qualifi6 par Liszt d'? 61elve enthousiaste de Bach >21, Chopin tenait le Wohltemperirtes Clavier pour son Evangile de compositeur, de

    pianiste et de pedagogue. Ce n'est certes pas un hasard s'il l'a emport6 a Majorque22 dans le temps ofi ii allait mettre la derniere main a ses propres Prdludes. Qu'il ait conqu le recueil dans les vingt-quatre tonalit6s n'apparait pas tant comme une concession au genre h6rit6 des generations precedentes qu'une marque de son enracinement dans l'oeuvre de Bach. Si Chopin n'emprunte plus l'ordonnance chromatique ascendante (comme le fait encore Kalkbrenner en 1827), c'est qu'il n'a pas a prendre parti dans un contexte polemique agit& autour du temperament. Au-del" de la collusion avec Hummel, le cycle des quintes et relatives mineures paralleles s'impose a lui comme un cadre structurel - on le verra plus loin. Walter Wiora (cf. note 20) a montr6 l'ascendant du Wohltemperirtes Clavier a la fois sur les Prdludes op. 28 et sur les Etudes op. 10 et 25. Interpretant de maniere convaincante les succes- sions tonales a l'int6rieur des op. 10 et 25 (ce dernier plus difficilement r6ductible), il a 6mis l'hypoth~se d'un projet initial d'Etudes dans les 24 tonalit6s, projet qui aurait 6t6 abandonn6 en chemin pour etre repris autrement dans l'op. 28. Or cette hypothese se voit contredite par la publication s6par6e, distante de plus de quatre ans, des op. 10 (1833) et 25 (1837), dont le second n'est nullement le complement tonal du premier et se double d'un contenu poetique plus prononce. D'autre part, la question de savoir ce que les 24 Priludes repr6sentent face aux deux recueils de 12 Etudes ne regoit pas de r6ponse, sinon sous forme d'une nouvelle hypothese, aussit6t mise en question : l'id6e d'un corpus de 24 Prel1udes et Etudes (par analogie avec Bach, Clementi et Klengel). Cette conjecture est elle aussi infirm6e par la chronologie de publication de l'op. 28, dernier en date. Ces vues apparaissent comme des inter- pr6tations a posteriori. En revanche, les analogies 6tablies par Wiora entre le premier pr61ude du Wohltemperirtes Clavier 123 et les op. 10/1 et 28/1 n'en demeurent pas moins probantes. Frontons de chaque recueil, dans la tonalit6 paradigmatique d'ut majeur, les trois pices

    21. E Niecks, Frederick Chopin as a Man and Musician, 2 vols (Londres, 1902, 3e ed.), t. I, p. 30.

    22. Cf. Correspondance de FrMd&ric Chopin, t. II, p. 283, lettre a Fontana (Palma, 28 d6cembre 1838) qui mentionne le nom de Bach sans autre precision. Un temoignage contemporain, ignor6 des chopinologues, confirme qu'il s'agit du Wohitemperirtes Clavier : Le Clavecin bien tempere a 6t6 le vade mecum de tous les grands pianistes; c'6tait le seul livre de musique port6 par Chopin, dans son voyage a la grande Baleare [...] >>~crit J.-J.-B. Laurens, o Lettre d'un touriste peintre-musicien, "a son ami Castil-Blaze, sur quelques artistes et sur l'art en Allemagne >>, La France musicale, VI (1843), p. 145. Au retour de Majorque, Chopin mentionne un travail instinctif de critique textuelle - unique chez lui - applique a Bach au moment oi` il termine sa Sonate op. 35 : cf. Correspondance..., t. II, p. 349, lettre a Fontana [Nohant, 8 aofit 1839].

    23. Le module de Bach est a l'6vidence Kuhnau,

    Neue Clavier Ubung (1689), , Praeludium (pour le regime d'&criture et pour la substance harmonique).

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    monomotiviques sont d'essence accordale; elles debutent par l'6nonc6 de la triade majeure et d6veloppent un regime continu d'6criture en arpeges, dont la formule est donnee dans la mesure initiale (tierce au sommet chez Bach et dans l'op. 10/1). Les diff6rences d'6criture et d'ambitus tiennent bien entendu aux instruments, styles, genres et destinations respectifs. A l'analyse de Wiora, j'ajouterai une double constatation a propos de l'op. 28/ 1. A travers une succession de vagues sonores (impression auditive), la notation complexe de Chopin pourrait expliciter, a la faveur de la resonance offerte par la pedale, I'6criture en style ou < bris6 >> - retrouvee d'instinct, stylis6e, s'entend - dont participe 6videmment la piece de Bach. La dette de son disciple s'exprimerait jusque dans cette intimit6 de l'6criture; mais en meme temps Chopin innove en faisant 6merger de ses arpeges une ligne m'lodique, le6ment d6terminant pour l'unit6 structurelle du recueil.

    L'empreinte transfigur6e de Bach sur les 24 Priludes se marque essentiellement au niveau de la redaction de la texture musicale; pour puissante et neuve qu'elle soit, I'harmonie y apparait souvent comme la r6sultante de superpositions lin6aires24. Nombre de pieces reposent sur une 6criture polymelodique des plus inventives et fort loign'e du contrepoint n6o-baroque pratiqu6 au meme moment par un Mendels- sohn ou un Schumann.

    Prenons a titre illustratif le Prel1ude no 2, le plus hardi dans sa texture comme par son emplacement A l'interieur du recueil (incertitude du lieu tonal, inflechissement in extremis en La mineur). Rev6lateurs en sont I'esquisse et le manuscrit mis au net pour l'6dition frangaise. L'esquisse commence par noter ainsi le debut de la main gauche:

    Exemple 3.

    suivi immediatement d'un repentir pour les deux premieres mesures (et mes. 8): Exemple 4.

    24. Cf. notamment B. W6jcik-Keuprulian, Melodyka Chopina (Lw6w, 1930) - du meme auteur, , Kwartalnik muzyczny, I (1929), p. 251-259 - J. Chomidski, >, Annales Chopin, II (1958), p. 179-237 - J.-J. Eigeldinger, ? Autour des preludes de Chopin >>, Revue musicale de.Suisse romande, XXV/1-2 (1972), p. 3-7 et 3-5 - C. Burkhart, ? The Polyphonic Melodic Line of Chopin's B- minor Prelude >>, in Preludes op. 28, &d. T. Higgins (r6f6rence en note 1, ci- dessus), 80-88.

  • 210 Revue de Musicologie, 75/2 (1989) Dans la mise au net, la redaction a partir de la mesure 3 est simplifi6e,

    pour commodit6 de plume et de gravure, en:

    Exemple 5.

    Seules les actuelles editions Urtext suivent I'orthographe du repentir (non retenue dans la premiere edition frangaise), qui montre le chemin d'une comprehension horizontale :

    Exemple 6.

    - .0 - afW

    Il s'agit d'une piece conque entierement a quatre >, dont les tensions proviennent du mouvement des parties, specialement des frottements de la partie superieure avec les broderies du > - lequel semble participer d'un archetype du genre Dies irae. Ains: entendue, la piece se rapproche singulibrement de l'Etude op. 10/6, notre a quatre parties reelles. Qu'on prenne A l'autre extrrmit6 du recueil le Prelude no 21, audacieux par la dissolution de sa forme, qu'on en explicite la redaction polyphonique, et I'on obtiendra ce graphisme

    Exemple 7.

    oh l'volution en sens contraire des parties m6dianes laisse entrevoir la primaut6 qu'elles auront a la > (mes. 33-45), sur prdale de dominante effective puis sous-entendue. Dans l'op. 28/3 la main gauche d6livre une formule giratoire dont est issu, par libre augmentation, le motif bondissant de main droite 6nonc6 par bribes et enrichi de

  • Jean-Jacques Eigeldinger: Les Vingt-quatre Preludes, op. 28 211 doublures a la tierce et a la sixte. Purement pianistique, l'6criture recr~e cependant le profil d'une ou d'un g deux parties. Dans l'op. 28/4 la redaction de main gauche dissimule, sous ses accords en position serree, le cheminement chromatique de trois lignes interdependantes dans leur mouvement descendant tour a tour: superpositions lineaires chez Chopin face a la polyphonie harmonique du > de la Messe en Si. Pour cette 1~lgie en Mi mineur, I'auteur des Prdludes recourt

    " une tonalit6 de deploration traditionnelle

    dans la peinture baroque des affects25. De mime apparait dans F'op. 28/20 le chromatisme descendant dans l'espace d'une quarte (mes. 5-6, 9-10), figure d'affliction chez Bach, comme chez ses contem- porains et predecesseurs. L'6criture de l'op. 28/18 recree en quelque sorte une section recitativo de quelque toccata ou fantaisie baroque. Il n'est pas jusqu'au moto perpetuo mis en oeuvre dans tant de Preludes du Wohltemperirtes Clavier qui ne se retrouve chez Chopin, au service d'une autre esthetique. On le voit, Bach determine maints el6ments de texture dans les Priludes, avant de susciter d'autres prolongements dans la derniere phase creatrice discernee chez Chopin par G. Abraham26.

    Tout en plongeant racine dans Bach, les Priludes representent precisement le point de rupture avec la tradition heritee des postclas- siques. Apparemment le recueil ne remplit aucune des fonctions auxquelles son titre pouvait pretendre jusque-lh. En extraire des pieces choisies pour les coupler avec tel autre morceau du meme ton chez Chopin peut constituer une tentative interessante dans le meilleur des cas, mais nullement necessaire. A ce stade de mon expose, les el6ments qui autorisent l'intitul6 sont : le cycle des vingt-quatre tonalites ; l'allure d'improvisation stylis~e27 se degageant de certaines pieces; la brievete de leurs dimensions (< ces courtes pages qu'il intitulait modestement des preludes>> 6crit G. Sand28) ; le monomotivisme comme principe fondamental de composition. Meme si l'une ou l'autre de ces categories s'applique au genre Etude, nul propos pedagogique ne s'affirme a

    25. Cf. aussi Wohltemperirtes Clavier 1/ 10, le Prelude en 6criture d'arioso (mes. 1-22). 26. G. Abraham, Chopin's Musical Style (Londres, 1939), p. XI-XII et 96- 111. 27. L'l16ment improvisateur est plus sensible dans le Prelude op. 45, dans

    certaines sections de la Fantaisie op. 49 (mes. 43-67, 180-198) et au debut de la Polonaise-Fantaisie op. 61 (alternance de stile fantastico et stile osservato). 28. G. Sand, Histoire de ma vie in (Euvres autobiographiques, 6d. G. Lubin, 2 vols., (Paris, 1970-1971), II, p. 4'20.

  • 212 Revue de Musicologie, 75/2 (1989) travers le deroulement du recueil consid6r6 comme entit6. Aussi bien, la conclusion de Lenz cit6e plus haut s'avere-t-elle reductrice et inad6quate29

    Le point de rupture marqu6 par les Prdludes n'a pas 6chappe a Schumann ni "a Liszt, qui le ressentent et l'expriment chacun de maniere tres r6v61atrice dans leurs comptes rendus ce61bres. Les voici juxtapo- ses:

    J'ai qualifi6 les Preludes de remarquables. J'avoue que je me les figurais autres, et traites, comme ses Etudes, dans le plus grand style. C'est presque le contraire : ce sont des esquisses, des commencements d'&tudes, ou si l'on veut, des ruines, des plumes d'aigle detach6es, le tout versicolore et sens dessus dessous. Mais chaque morceau porte la carte de visite d'une fine ecriture perle : >; on le reconnait jusque dans les silences a sa respiration haletante. Il est et demeure le plus fier esprit po&tique du temps. Le cahier contient aussi du morbide, du fievreux, du repoussant. Que chacun y cherche ce qui lui convient, et que le Philistin seul se tienne

    .

    l'6cart30. Les Preludes de Chopin sont des compositions d'un ordre tout a fait

    a part. Ce ne sont pas seulement, ainsi que le titre pourrait le faire penser, des morceaux destines a &tre joues en guise d'introduction a d'autres morceaux, ce sont des preludes po6tiques, analogues a ceux d'un grand poete contemporain [Lamartine], qui bercent l'ame en des songes dores, et l'&lvent jusqu'aux regions ideales. Admirables par leur diversit&, le travail et le savoir qui s'y trouvent ne sont appreciables qu'.

    un scrupuleux examen. Tout y semble de premier jet, d'&lan, de soudaine venue. Ils ont la libre et grande allure qui caracterise les oeuvres du g6nie3. Avec son regard aquilin, Liszt discerne d'embl6e la sp6cificit6 de

    l'oeuvre et la breche ouverte sur l'avenir. A part G. Sand sur un autre registre, personne ne s'est exprim6 avec une telle acuit6, que ces lignes viennent confirmer par ailleurs: >32 A l'inverse, le ton ambigu de Schumann manifeste, pour la premiere fois dans ses recensions cho- p6niennes, une nuance de reserve d6sorient6e. La hardiesse 6nigmatique

    29. C'est aux Trois Nouvelles ltudes pour la Mithode des Mithodes [1840] de Moscheles et F6tis que s'applique le mieux le jugement de Lenz sur l'op. 28. Elles constituent un moyen terme entre les Etudes et les Preludes par leur argument (musical plus que technique), leur forme et leur dimension.

    30. Neue Zeitschrift fiir Musik (19 novembre 1839), no 41, p. 163. Trad. franqaise par l'auteur du present article. 31. Revue et gazette musicale de Paris, VIII (2 mai 1842), p. 246.

    32. E Liszt, E Chopin (Leipzig, 1882, 3e &d.), p. 15.

  • Jean-Jacques Eigeldinger : Les Vingt-quatre Pr61udes, op. 28 213 de l'op. 28 l'inquiete dans la mesure ouf lui-meme tend a se ranger sous la banniere protectrice de Mendelssohn. Surtout, elle va t l'encontre de sa propre aspiration - son probleme compositionnel, en fait a cr6er dans des formes toujours plus amples. Par-delk sa diversit6, l'unit6 du recueil lui 6chappe : il n'y discerne que bribes, inachevement, ruines. Pareille interpretation des Prdludes a largement prevalu pendant un siecle. Certes, le cahier renferme les pieces les plus courtes, en dur6e et en nombre de mesures33, jamais publiees par Chopin. Mais brievet6 n'est pas synonyme d'esquisse, ni concision extreme d'inachevement. Jointe " la dissociation des vingt-quatre pieces, cette confusion entre dimension et contenu est a la source d'un malentendu prolong6. De 1a, une comprehension amoindrissante du recueil, morcele en pieces isol6es oh l'on a voulu voir des miniatures, des pieces lyriques et des Charakterstticke. Les Priludes ne participent nullement de l'esth6tique du fragment qui domine dans les Bunte Blditter op. 99 et plus encore dans les Albumbldtter op. 124 de Schumann - a fortiori dans tant d'oeuvrettes de ses 6pigones. A la faveur d'une mode 6trangere a l'art de Chopin34 et d'6tiquettes reductrices en regard de leur significations, les Priludes ont fait l'objet d'interpretations litt6raires: titres, 6pi- graphes, commentaires programmatiques - autant de compensations verbales d'une perception musicale limitative et normative35.

    33. L'op. 28/9 est le plus court en nombre de mesures (12), mais aussi le plus dense : art de la litote. Cependant, lop. 28/20 qui comporte treize mesures dans la version imprimbe, n'en compte que neuf dans la conception manuscrite originale (deux phrases a-a'). Pour les mes. 5-8 l'autographe presente la numerotation a-b-c-d, indiquant leur repetition dans une dynamique diff6rente pour les mes. 9-12, avec cette precision: note pour l'6diteur (de la rue de Rochechouard [sic]) petite concession faite a" Mr XXX qui a souvent raison. Chopin s'est donc rendu a l'avis de Pleyel, qui a dfi juger la piece scanda- leusement breve pour l'6dition. Note par le compositeur dans l'album de la famille Cheremietieff (20 mai 1845), ce prel1ude reproduit le texte integral de l'6dition; mais 6crit pr6c6demment dans l'album d'A. de Beauchesne (30janvier 1840), il conserve la redaction initiale en neuf mesures. Chopin n'y avait donc pas renonc6, puisque ni le manque de place ni la paresse d'6criture ne sont en cause ici (il aurait d'ailleurs suffi de barres de reprises). A mon sens, on est fond6 a retenir la version premiere, qui n'en acquiert que plus de force dans l'6conomie generale du recueil.

    34. Sur l'aversion inspiree & Chopin par les titres frangais dont son 6diteur anglais Wessel affublait ses compositions, cf. Correspondance..., t. III, p. 76, 82 et 237. Voici l'original en frangais de cette derniere ref6rence : ? [...] mes nouvelles productions ne pourront plus faire penser ni aux gazouillements des fauvettes ni meme a la porcelaine cassee >>, impliquant un jeu de mots sur porcelaine/vaisselle et Wessel.

    Autre chose sont les images auxquelles Chopin recourait parfois dans son enseignement pour faire comprendre ses intentions: cf. J.-J. Eigeldinger, Chopin vu par ses Jlkves, p. 23, 106-107, 116, 124, 128, 131, 132.

    35. Meme H. Leichtentritt, Analyse der Chopin'schen Klavierwerke, 2 vols. (Berlin, 1921-1922), t. I, p. 125-176, n'y 6chappe pas en d6pit de son approche positiviste.

  • 214 Revue de Musicologie, 75/2 (1989) Cette pseudo-tradition remonterait a G. Sand, si l'on en croit les

    reminiscences de sa fille : ( George Sand avait donn6 un titre a chacun des pr61udes admirables de Chopin. Ils ont 6t6 conserves sur un exemplaire donne par lui. 0>36 Cet exemplaire n'a pas 6t6 retrouv6 jusqu'ici et les six Prel1udes (nos 2, 4, 6, 7, 9, 20) recopies par Sand dans son album37 ne comportent aucune allusion litt6raire. En revanche, les notations de Solange 6voquant Chopin au piano approchent le nombre de 24, dont plusieurs sont recoupees par le texte fameux de G. Sand sur les Preludes A Majorque38 ; les expressions de Solange ont donc des chances de reflnter, sinon de reproduire les titres imagines par sa mere.

    En hommage a Chopin qui venait de mourir, Ferdinand Hiller organisait & Diisseldorf (3 novembre 1849) une soiree commemorative oi? chaque morceau interprete 'tait prec6de d'une recitation poetique. L'op. 28/4 y faisait 1'objet d'une stance de cinq vers39.

    Ami de la musique A programme, Liszt cite dans son E Chopin (p. 238- 239, note 1) de perspicaces considerations du comte Zaluski sur les Prdludes, assorties de deux quatrains pour le no 8. Titres individuels et arguments programmatiques 6chevel6s pour chaque piece ont 6t6 publi6s comme reminiscences de Laura Rappoldi-Kahrer4 , pr6tendument d6riv6es de Builow et < authentifiees > par leur analogie avec celles de Lenz et de Mme Mouchanoff-Kalergis - tous deux 6lves de Chopin.

    Des le debut de ce siecle, R. Koczalski accompagnait de commentaires ses recitals Chopin; leur publication comporte pour chaque Prel1ude des gloses litteraires suivies de conseils techniques et

    stylistiques4.. Des lors les tentatives repetees de Cortot apparaissent comme l'abou- tissement de cette tradition au-delk de 1945, tant dans son Edition de travail des Priludes (cf. note 16) que dans les notices de ses programmes, dans ses causeries - auditions et cours d'interpretation42 Si les Prnludes ne sont pas une replique miniaturisee des Ettudes ni

    une collection de feuillets d'album heterogenes, comment les definir ? Debussy remarque a propos de l'oeuvre de Chopin en general: , Revue musicale de Suisse romande, XXXI (1978), p. 226-227.

    37. K. Kobylaniska, Rqkopisy utwor6w Chopina: Katalog/ Manuscripts of Chopin's Works. Catalogue, 2 vols. (Cracovie, 1977), t. I, nos 381, 392, 401, 408, 416, 461; t. II, p. 45, 46, 50 (facsimiles). Autres facsimil6s in K. Kobylaniska, Korespondencja Fryderyka Chopina z George Sand i jej dziecmi, 2 vols., (Varsovie, 1981), I, planches 27-29.

    38. G. Sand, Histoire de ma vie, op. cit., II, p. 420-422. 39. E Hiller, Aus dem Tonleben unserer Zeit, 2 vols., (Leipzig, 1868), t. II,

    p. 264-269. 40. J. Kapp, ?Chopin's Preludes (op. 28). Aufzeichnungen von Laura

    Rappoldi-Kahrer nach Angaben von Liszt, W. von Lenz und Frau von Mouckhanoff >, Die Musik, XXXIV (1909/1910), p. 227, 233.

    41. R. de Koczalski, Friddric Chopin. Quatre Confirences analytiques (Paris, [1910]), p. 173-195.

    42. A. Cortot, >, Conferencia, XXVIII (1933/1934), p. 252-261. - B. Gavoty, Alfred Cortot (Paris, 1977), p. 277-281.

  • Jean-Jacques Eigeldinger : Les Vingt-quatre Preludes, op. 28 215 en comprendre la valeur de mise en place et la siUre ordonnance. >>43 Ensemble organique, les Prdludes doivent obeir a des principes de structuration : quels sont-ils et comment l'unit6 du recueil se voit-elle garantie par-del" sa diversit6 ?

    Certes, l'op 28 exploite des el1ments d'alternances; cycle des quintes partag& en c6t& ascendant vers les dieses/ descendant vers les bemols44; majeur/mineur; diatonique/chromatique; oppositions de tempi et de caracteres, de dimensions et de duree, de rythmes et de metres; balancements de deux harmonies; mouvements mlodiques ascen- dants/descendants; aigu/grave; main droite/main gauche; continui- t&/discontinuit6 des enchainements d'une piece a l'autre45; monomo- tivisme/ bithematisme. Or ces mouvements pendulaires ne sont pas systematiques: a isoler tel parametre ou a en reunir certains, l'on obtient de structures que partielles. Ainsi en est-il des groupements de couples complementaires (nos 1-6, 7-10, 13-18, 21-24) ou encore de la ponctuation du recueil par des pieces monomotiviques plus ou moins apparentees a l'Etude (nos 8, 12, 16, 19, 24) et bithematiques participant du Nocturne (nos 13, 15, 17, 21) - soit a partir du milieu du cahier essentiellement ! Inspire par des considerations de cet ordre, Chomifiski a discern& dans l'op. 28 des structures de sonate transparaissant dans

    43. Chopin, (Euvres complktes pour le piano, revision par C. Debussy, Valses, Preface (Paris, 1915), p. II.

    44. A propos de symetrie axiale dans le cycle des quintes, la bipolarit6 4 dieses - 4 bmols joue un r61e important chez Chopin. Occupant des positions symetriques dans l'op. 28, les preludes 9 et 17 modulent respecti- vement de Mi "a La bemol avec retour en Mi (no 9, mes. 7-9) et de La bemol & Mi (no 17, mes. 23-24, 43-46), ceci en des points nevralgiques. Les deux pieces semblent fournir une clef syntaxique de cette bipolarit6, qui domine, avec changements d'armatures, dans les op. 11/ii et 54 (modulation de Mi en La bemol) et les op. 10/10, 17/3, 53, 61, 64/3 (modulation de La bemol en Mi). A un degr6 affaibli, on la retrouve dans la relation Ut diese mineur - La bemol majeur/ Fa mineur (op. 10/4, 27/1) ou encore Mi majeur/ Fa mineur (op. 58/iii, mes. 29-83 sqq). Il est possible que la structure du clavier temper6 d6termine cet axe, Chopin privil6giant pour des raisons pianistiques les tonalites riches en dieses ou en bemols (statistiquement, La b6mol majeur est de loin le ton le plus usit6 chez lui).

    45. La force d'attraction entre les couples impairs-pairs (majeur-relative mineure) se marque par la presence d'une ou plusieurs note(s) commune(s), soit a la meme hauteur soit dans des registres diff6rents (a noter le transport de l'aigu/ m6dium au grave dans la transition des nos 1-2 Mi' - MI' - et 15-16 - Fa' - FA,,. A ces el6ments, le dernier couple nos 23-24 ajoute la tension de la septieme mib (avant-derniere mes.) qui se < resout > sur le premier re' du no 24. L'6troite liaison entre les nos 3-4 resulte d'une correction: l'esquisse du no 4 montre clairement que la levee si - si' (tierce de Sol majeur devenant quinte de Mi mineur) a 6t6 ajout6e apres coup (cf. planche 3). Quant aux enchainements pairs-impairs, ils consistent le plus souvent en un mou- vement diatonique, conjoint ou non.

  • 216 Revue de Musicologie, 75/2 (1989) un ensemble de >46. Pareille interpretation apparait comme une vue purement sp6culative: Chopin n'a-t-il pas donne sa reponse du moment au probleme de la sonate avec son op. 35, achev& quelques mois apres les Prnludes ? La conjugaison des parametres &numeres plus haut tient en &chec toute tentative probante de groupements a l'interieur du recueil. Le principe unitaire est done a chercher dans une autre direction. Chomiliski s'en approche lorsqu'il met en evidence une Substanzgemeinschaft commune a 12 (voire 14) des vingt-quatre pieces, sous forme de progressions de secondes. Mais c'est la totalit6 du recueil qui veut etre &clairee.

    Confront& au projet d'un cahier de courtes pieces parcourant les vingt-quatre tonalites, Chopin met necessairement en oeuvre une &co- nomie de moyens maximale. Chaque morceau exploite en effet un regime d'&criture en continuum, base sur un ostinato rythmique, voire melodique ou harmonique (les nos 6 et 15 poussent le processus dans ses dernieres consequences avec la repetition obstinee d'une note). Surtout, les 24 Prdludes se voient constitues en cycle par l'omnipresence d'une cellule motivique qui assure l'unit& du recueil a travers ses variations d'&criture. Caracterisee melodiquement par une sixte ascen- dante qui retombe sur la quinte, cette cellule est &nonc~e dans la phrase initiale du Prelude 1 :

    Exemple 8.

    Agitato

    ApAp-""

    d%974

    16. ~

    f',aIea ~.

    _ 3i"....

    46. J.M. Chominiski, Preludia Chopina (Cracovie, 1950), p. 300-333. Les vues de l'auteur sont resumees dans son Fryderyk Chopin, trad. allemande par B. Schweinitz (Leipzig, 1980), p. 108-112.

  • Jean-Jacques Eigeldinger : Les Vingt-quatre Preludes, op. 28 217 Aux La, broderies (B) puis 6chapp6e (E) du Sol (mes. 1-3), repondent

    les Mi appoggiatures (Ap) du Re (mes. 5-7) au sommet de la vague sonore. La cadence finale 6tablie, ces rapports sont mis en 6vidence dans une double contraction qui pr6sente les intervalles structurels sous la forme suspensive X (mes. 25-26), puis conclusive Y (mes. 27-28): Exemple 9.

    X Y

    X et Y, parfois les deux, apparaissent dans chaque Prelude a des emplacements strategiques: en debut de morceau (et des diverses sections pour les pieces bithematiques), " la cadence finale et dans les codas, plus rarement au centre de gravit6 du morceau, la ofi convergent tous les evenements du discours musical (nos 4, 9, 12): cf. ex 10, p. 222- 228.

    Mais il y a plus. Le profil melodique de la cellule motivique est gen6r+ par les premices du temperament du piano de Chopin; la succession ascendante dans les quintes et leurs tierces indique pas a pas la partition qui preside a l'accord de l'instrument47. Le Prelude no 1, mesure 1, dispose la triade majeure dans l'ordre donne par la resonance naturelle, la fondamentale 6tant redoublee a deux octaves de distance, la quinte triplee sur trois octaves, et la tierce doublee a l'octave. La relation Ut- Sol est donc mise en evidence. Aux mes. 5-7 est 6nonc~e la seconde quinte Sol-Re, avec appoggiature insistante du Mi. La partition est donc inauguree par la superposition des deux quintes Ut-Sol, Sol-Re, avec leur tierce respective Mi et Si; de 1a le profil melodique de la cellule, qui presente des notes identiques dans les Preludes 1-2-3 (dans ce dernier le Mi appoggiature du Re est particulibrement sensible dans la formule de main gauche, mes. 1, aussi bien que dans la libre augmentation du motif a la main droite, mes. 3-4), pour se voir transposee a partir du no 4. Ainsi le temperament obeit au schema suivant, qui tente empiriquement de synthetiser la demarche des Preludes no 1-13:

    47. Les consid6rations qui suivent sont le fruit d'une collaboration avec Pierre Studer, professeur au Conservatoire de Musique de Geneve. Je reviendrai en d6tail sur le temperament du piano de Chopin - et ses relations possibles avec l'accord du Wohltemperirtes Clavier - dont ne sont expos6s ici que quelques principes g6n6raux en rapport avec mon sujet.

  • 218 Revue de Musicologie, 75/2 (1989) Exemple 11.

    L B

    bars 1-30, Bass progression:

    Premiere charnibre, le no 5 fait entendre X tour & tour en R6 et La majeurs, puis en Mi et Si mineurs. D~s les nos 8 et 9, les synonymes enharmoniques dans les b~mols sont vrifis, d'abord successivement (no 8, mes. 7-18), puis simultan~ment (no 9, mes. 7-8). Le no 12 contr6l1e les synonymes enharmoniques dibses et doubles dibses = b1carres (mes. 9-12), parcourt les quintes successives Fa# - Si - Mi - La - R - Sol - Ut l (mes. 13-29) - ce qui divise l'octave en deux tritons

    -, et X peut resonner glorieusement en Ut majeur, au centre du morceau (mes. 29-32) et au centre du recueil: approche du d6noue- ment. Avec le contrOle des tierces Fa# - La# [ = Sib] et Ut# - Mi# [ = Fa] dans le Prel1ude 13, le temperament est d6finitivement 6tabli et v6rifi6, et le cycle des quintes peut redescendre vers les bemols jusqu'au no 24. Cette demarche donne la clef du recueil. Le tournant enharmonique R6# - Mib se fait entre la section m6diane du no 13 et le no 14, lequel s'ing6nie a brouiller les pistes avec son panchroma- tisme unisono.

    Le temperament 6tabli dans la premiere moiti6 du cahier, la seconde permet de jouir de l'accord au gr6 d'une contre-partition symbolique. En consequence, les pieces d6veloppent une architecture plus &laboree, notamment avec des jeux enharmoniques dans les pieces bith6matiques (nos 15, 17), qui 6tablissent un lien avec certains tons di6s6s de la premiere partie. Sol b6mol majeur, qui a 6t6 effleur6 fugitivement (nos 14 et 19), peut s'installer au centre du n0 21, etc. A partir du tournant

  • Jean-Jacques Eigeldinger : Les Vingi-quatre Preludes, op. 28 219 vers les bemols, la cellule motivique dev'ient sujette a des modifications : contraction en accord (nos 13, 21), renversement (no 13, mes. 16-18, 21- 22, 23-24; no 16, mes. 2; no 22, mes. 40-41), o apophonies ? intervalli- ques (no 17, mes. 19-21, 21-23, 23-24), permutations, etc. A la tension provoquee par la septieme en fin de Prelude 23 (cf. note 45) repond la double presentation de la cellule dans le no 24, X d'abord (mes. 4- 5), puis X-Y (mes. 8-9) en Re mineur, ton du morceau. Ultime el1gance de Chopin, l'ostinato de main gauche de ce no 24 dispose la triade mineure suivant l'ordre de la resonance - comme au depart du no I - et met donc en 6vidence la quinte R&-La, o preuve ? traditionnelle de la partition en temperament 6gal ! En d6finitive, c'est la logique de son accord (mettant en evidence les tierces) qui gouverne l'op. 28 et le fonde en cycle48. Dans cette optique, les 24 Preludes constituent une reponse confirmee au Wohltemperirtes Clavier. A la diff6rence de Bach, dont le propos didactique isole par paires les Preludes et Fugues de tonique identique, Chopin se saisit d'emblee de l'espace tonal de son ? Piano tempr6 >>. Il n'a certes pas conqu le recueil dans l'id6e d'accorder son instrument (operation qu'il a peut-etre 6t6 amend a faire a Valldemosa !), mais c'est l'euphonie d'un temperament qu'illustre et magnifie l'op. 28 - nous renseignant par 1a sur le goilt du compositeur en la matiere49. Des lors, la ref6rence & Hummel devient pratiquement caduque5.

    48. L. Kramer, Music and Poetry. The Nineteenth Century and After (Berkeley, 1984), p. 91-117, a mis en evidence un principe structurel dans l'op. 28, sorte d'Urlinie schenkerienne. L'unit6 du cycle est garantie par le rythme harmonique I - VI - V (Ut majeur - La mineur - Sol majeur), V devenant I " son tour (Sol majeur - Mi mineur - Re majeur) et ainsi de suite jusqu'au 24e Prelude. Reportee "a l'interieur de maintes pieces du recueil, la succession de ces degres peut engendrer aussi bien une formule harmonique de depart qu'une cadence conclusive ou une coda, voire deter- miner la forme d'un Prelude (no 21), etc. A travers son optique captivante de , l'auteur rejoint partiellement mes conclusions; mais c'est la realit6 musicale du temperament qui, de fait, engendre la succession I -VI - V - laquelle apparait des lors comme une resultante.

    49. L'importance accordee par Chopin au temperament de son piano est documentee dans une lettre poignante a Fontana (Mid-Calder, 18 aofit 1848) oi le compositeur deplore la mort de son accordeur parisien, qui travaillait pour le compte de Pleyel:

  • 220 Revue de Musicologie, 75/2 (1989) Du meme coup, les Prdludes fournissent une clef du sens expressif

    des tonalit6s chez Chopin. Microcosme "a cet 6gard, ils le sont aussi pour maints modeles d'6criture pianistique et genres musicaux prati- qu6s par lui. Outre des pieces du type Etude et Nocturne, le recueil pr6sente en raccourci des ~lCments de Mazurkas (nos 7, 10 - mes. 3- 4 et similaires) et d'Impromptu (no 11), deux alla Marcia (nos 9, 20), un moto perpetuo en unisono (no 14), un recitativo de Fantaisie (no 18), deux [Elegies] (nos 4, 6), deux [Arabesques] (nos 10, 23) et au moins... un Prelude (no 1).

    Au moyen d'une catharsis ordonnatrice, le genie nerveux de Chopin - patte de velours soudain toutes griffes dehors - s'incarne par excellence dans cette succession d'

  • Jean-Jacques Eigeldinger: Les Vingt-quatre Preludes, op. 28 221 une 6valuation ia posteriori de leur situation unique. Mais ceci est une autre histoire.

    (1985)

    SUMMARY

    The 24 Preludes find their origin in J.-S. Bach's music, especially on account of their polymelodic texture; at the same time, they break from the post-classical tradition, since they lack any function connected with their title. Far from representing a heterogeneous collection of Charakterstiicke, they constitute a cycle owing to their dynamic covering of the 24 major and minor tonalities. This cycle is obviously unified by an omnipresent motif-like cell, set forth at the beginning of the introductory piece and evident in strategic places in each of the following pieces. This cell itself may derive from the early beginnings of the > of the temperament Chopin preferred, giving prominences to major thirds. There might be found here a sort of symbolic response to the Preludes of the Wohltemperiertes Klavier - without a didactic or controversial intention on Chopin's part. The Op. 28 can be considered as a microcosm of the genres and types of writing used by Chopin until then, and of the expressive meaning that the tonalities assume in his music. This work's descent right down to contemporary piano literature admits a posteriori evaluation of its unique position as Janus bifrons.

    (b) Les recueils de 24 preludes 6largissant le concept de tonalite, avec Debussy (1910, 1913), ou 6trangers au systeme tonal, avec Ohana (1974).

    (c) Les cahiers de preludes en nombre variable - inf6rieur ia 12 - depuis les nombreux recueils de Liadov et Scriabine; Szymanowski, op. 1 (1906); Faure, op. 103 (1910-1911), et jusqu'A E Martin (1949).

    (d) Il y aurait lieu ensuite d'6tablir des relations multiformes avec des cycles de pieces braves, tels les Sechs kleine Klavierstilcke op. 19 (1911) et les Ftinf Klavierstiicke op. 23 (1923) de Schoenberg, les Visions fugitives (1922) de Prokofiev, les Aforizm" (1927) de Chostakovitch, etc. (e) Un autre secteur examinerait d'une part l'arrangement pour orgue de l'op. 28/4 et 9 par Liszt (Raabe 404; Searle 662), d'autre part des variations sur les Preludes de Chopin, dont le no 20 a servi de theme a Busoni, op. 22 (1885; 2e 6d. 1922), et "a Rachmaninov 6galement, op. 22 (1904). Par ailleurs, il serait ais6 de montrer l'influence de l'op. 28/8 sur l'harmonie de Liszt dans < Au bord d'une source >>, voire dans < Les cloches de Geneve >> (mes. 140 sqq). L'op. 28/2 a exerc6 un ascendant direct sur le Via crucis (> II, V, X) du meme Liszt, mais aussi sur le prelude op. 23/1 de Rachmaninov, sur le no 2 des Ten Easy Piano Pieces (1908) de Bart6k, sur le no 1 des 10 Pikces pour le piano, op. 3 (1909) de Koddily - comme l'a montr6 I. Kecskemeti dans ces deux cas -, ainsi que sur le 3e Prelude de E Martin. Enfin, dans ses 24 Preludes, Ohana se reclame ouvertement de Chopin et signe comme lui de trois R6 graves sa derniere piece.

  • 222 Revue de Musicologie, 75/2 (1989) Exemple 10.

    Les indications de tonalites figurent ici en anglais, de meme que les mentions inv. (renvers?) et permuted (permutd).

    x

    SVivace

    stretto X

    Y (D ma.) Y (A maj.) S -

    -Y (E min.)

    5 sc.t$ ...........------

  • Jean-Jacques Eigeldinger : Les Vingt-quatre Pr61udes, op. 28 223 Exemple 10 (suite). O Lento assai

    6 sotto voce Y

    0 Andantino X

    7 Pdoke

    Molto agitato X

    -U. " l. aw. .

    .

    Allegro molto 0X X permuted

    10(U 10 TO- " T1

    -

  • 224 Revue de Musicologie, 75/2 (1989) Exemple 10 (suite).

    x Y

    x x (C maj.)

    I I Y (Dx(mn.)

    I Rnto X Y

    /L , .

    13 p Yretrograde

    Y inv. -

    1L- i'M V

    ,i

    'Ve

  • Jean-Jacques Eigeldinger: Les Vingt-quatre Pr61udes, op. 28 225 Exemple 10 (suite).

    Piii lento Y inv. (-, C maj.)

    To. .4

    ( Allegro

    14I1 , I

    Sostenuto

    a.

    ~ib. b. lrb. e* *b. sosno oce

    S(CI min.) SI Irm r I Im r Im rm

  • 226 Revue de Musicologie, 75/2 (1989) Exemple 10 (suite).

    ritnuto

    7" Pab.. ? ....

    *

    ?17b.f Presto con fuoco O 3Y inv.

    X (A maj.-'CI min.)

    Xl@ X (A maj.-CO min.)

    X (CI min. -*E maj.) X (Emaj.-'G min.)

    dim.

    fr pnIndSi - - - -

    Il b. a b. 'ia . I a .*

  • Jean-Jacques Eigeldinger: Les Vingt-quatre Preludes, op. 28 227

    Exemple 10 (suite). Allegro molto x

    18

    ' I

    Y

    -Vivace

    19 x Larg y

    i !

    Cantabile

    Y permuted 21f *

    fY

    .-F,

  • 228 Revue de Musicologie, 75/2 (1989) Exemple 10 (suite).

    Molto agitato AX-

    22 ff

    23 P

    delicatsimmo

    S i X (F maj.)

    tb. ) "b. * tt"ab.

    X X (D min.) Y

    24--------. Aq

    .

    .

    91 -1. =

    o

    ? ,t. . far]

    Article Contentsp. [201]p. 202p. 203p. 204p. 205p. 206p. 207p. 208p. 209p. 210p. 211p. 212p. 213p. 214p. 215p. 216p. 217p. 218p. 219p. 220p. 221p. 222p. 223p. 224p. 225p. 226p. 227p. 228

    Issue Table of ContentsRevue de Musicologie, T. 75e, No. 2e (1989), pp. 144-330Volume InformationFront Matter [pp. 144-144]Avant-propos [pp. 145-146]Lucrezia Floriani, miroir de la liaison Chopin-Sand [pp. 147-156]Chopin et la critique romantique: quelques aspects franais [pp. 157-169]La posie romantique polonaise et la musique de Chopin [pp. 171-184]Chopin et la Jeune Pologne. Chopin interprt par Przybyszewski [pp. 185-189]Le style de Chopin et ses transformations. Entre les inspirations contemporaines et la motivation intrieure [pp. 191-200]Les Vingt-quatre Prludes op. 28 de Chopin Genre, Structure, Signification [pp. 201-228]L'achvement des Prludes op. 28 de Chopin. Documents autographes [pp. 229-242]Chopin's op. 74: The Vernacular in the Art Song [pp. 243-264]Six Mazurkas de Frdric Chopin transcrites pour chant et piano par Pauline Viardot [pp. 265-283]Comptes RendusLivresReview: untitled [pp. 285-287]Review: untitled [pp. 287-288]Review: untitled [pp. 288-289]Review: untitled [pp. 289-291]Review: untitled [pp. 291-292]Review: untitled [pp. 292-293]Review: untitled [pp. 293-295]Review: untitled [pp. 295-297]Review: untitled [pp. 297-301]Review: untitled [pp. 301-302]Review: untitled [pp. 302-303]Review: untitled [pp. 304-305]

    MusiqueReview: untitled [pp. 305-307]Review: untitled [pp. 307-308]Review: untitled [pp. 308-309]Review: untitled [pp. 309-310]Review: untitled [pp. 311-312]

    Publications Reues [pp. 313-315]NcrologieClaudie Marcel-Dubois (1913-1989) [pp. 317-319]

    Back Matter [pp. 321-330]


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