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LES TABLEAUX DE BORD DU CAPITAL INTELLECTUEL
WEGMANN Grgory
Universit de Bourgogne, IAE, LEG-Fargo, UMR CNRS 5118
Afnor Editions, VI-10-12, avril 2009
Cet article a pour objectif de prsenter et danalyser les tableaux de bord du capital intellectuel qui constituent un modle alternatif au Balanced Scorecard. Dans une premire partie, nous
retraons les origines et les fondements des tableaux de bord du capital intellectuel. Puis dans
une seconde partie, nous dcrivons les diffrentes faons dapprhender le capital intellectuel pour dans une troisime partie analyser des exemples de tableaux de bord du capital
intellectuel.
1 Les origines et les fondements des tableaux de bord du capital intellectuel
1.1Les origines des tableaux de bord du capital intellectuel
Lmergence de modles de tableaux de bord fonds sur le capital intellectuel (tableaux de bord du capital intellectuel, dsormais TBCI) principalement dans les pays scandinaves
sexplique par les spcificits de leur modle conomique et social. Ce modle se caractrise par une importance toute particulire accorde la protection sociale et conomique des
populations de ces pays. Cette sensibilit pour les questions sociales explique lmergence dans le domaine de la recherche en management des travaux pionniers dHermanson au milieu des annes 1960. Cest loccasion de ces travaux que fut utilise pour la premire fois lexpression comptabilit des actifs humains . A la suite de ces travaux, apparurent des dveloppements partir des annes 1970 sur la mise en place dune comptabilit des ressources humaines (Flamholtz, 1985).
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1Manuscrit auteur, publi dans "in Bouton O. Et Chernet D. (dir.), Indicateurs et tableaux de bord (2009) 13 p."
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La comptabilit des ressources humaines na cependant pas connu un succs massif dans les entreprises scandinaves. La plupart du temps, les expriences se limitaient un compte de
rsultat identique au compte de rsultat traditionnel, avec en plus une dcomposition analytique
plus pousse des cots de personnel, ainsi quun rapport des ressources humaines contenant des informations qualitatives. Dautres projets ont merg dans la ligne des dveloppements sur la comptabilit des ressources humaines comme le Bilan des Intangibles , ou encore la
matrice des ressources. Ces projets ont intgr les limites tant thoriques que pratiques de la
comptabilit des ressources humaines en proposant des indicateurs non financiers. Pour
mesurer la satisfaction des clients, la Poste de Sude labora en 1989 un baromtre de
satisfaction des clients sudois. Cette mesure est lanctre de lindice de satisfaction des clients (ACSI) regroupant 190 entreprises amricaines et publi par la revue Fortune.
Lavnement des TBCI est ainsi le fruit combin dune histoire spcifique aux pays scandinaves, mais aussi de linfluence des volutions managriales anglo-saxonnes (et en particulier du Balanced Scorecard).
1.2 Les fondements des tableaux de bord du capital intellectuel Les promoteurs des TBCI sappuient sur une argumentation trois niveaux pour justifier la pertinence de leur modle :
- un niveau conomique avec notamment les dveloppements relatifs aux thories du capital
humain et de la croissance endogne,
- un niveau organisationnel avec le thme de la chane de valeur virtuelle ,
- et un niveau stratgique avec la thorie des ressources.
Le poids croissant des actifs intangibles (brevets, recherche et dveloppement, clientle, .) dans les entreprises des pays les plus avancs indique que le capital humain et organisationnel
(intangible) devient un facteur de plus en plus prpondrant de la croissance dune conomie. Do le rle majeur de linvestissement en ducation et en formation sur la comptitivit dune nation (thorie du capital humain). De mme, des conomistes comme Romer, Lucas ou Barro
ont propos d endogniser le progrs technique qui dpend des efforts de recherche et dducation de la collectivit et daccorder un rle majeur au capital intellectuel susceptible de gnrer une croissance auto-entretenue (thorie de la croissance endogne. Il reste que le
facteur organisationnel savre tre le grand absent des modles de croissance endognes (le Japon par exemple tmoignait dans les annes 1990 de faiblesses en matire de dpenses
dinvestissement immatriel mais dune grande force dans le domaine de lorganisation et de la mise en cohrence des facteurs).
Prenant conscience du rle croissant des ressources immatrielles et des stocks et flux de
connaissances et de comptences comme ressources principales, Martory et Pierrat (1996) nous
expliquent que la chane de valeur virtuelle a pour objet le management du capital intellectuel,
ce dernier ayant pour origine le capital humain et pour finalit la production de produits et
services, en passant par la gestion du capital structurel de lentreprise. Un des objectifs de ce management consiste valoriser le capital humain et tenter den transformer une partie en capital structurel (par le biais notamment des banques de donnes et des systmes
dinformation). Cette chane de valeur ne consiste pas, comme pour celle dveloppe par Porter (1985), dissocier des activits principales des activits de soutien mais distinguer les
activits fondes sur du capital humain de celles fondes sur du capital structurel. Les
concepteurs de TBCI sappuient sur cette approche de la chane de valeur. Prenant conscience de lincertitude croissante de lenvironnement et donc dune perte de pertinence des dmarches stratgiques classiques fondes notamment sur ladaptation, les TBCI reposent aussi sur une approche par les Ressources (Wernfelt, 1984) et les Comptences
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Centrales de la stratgie (Hamel et Prahalad, 1995). La RBV (Resource-based View pour
approche fonde sur les ressources et les comptences, voir Arrgle, 1996) trouve son origine
conomique dans les travaux de Ricardo loccasion desquels ont t dveloppes les notions de Rente et de Quasi-rente. La Rente ricardienne consiste en la possession et lutilisation dun actif stratgique rare dont loffre est limite et qui ne peut pas tre facilement imit, chang, substitu ou cr sur un march. La RBV sinscrit dans le cadre plus large des thories volutionnistes qui postulent que la dimension structurante de la performance des entreprises
nest pas leur position concurrentielle, mais la gestion de lvolution de leurs procds techniques et de leurs processus organisationnels. Elle aboutit donc recentrer la rflexion
stratgique au cur de lentreprise en tentant didentifier ses ressources rares et plus spcifiquement ses comptences humaines et organisationnelles, cest--dire son capital intellectuel. Les lments du capital intellectuel sont alors perus comme des ressources
stratgiques de premier ordre, susceptibles de procurer aux entreprises un avantage
concurrentiel dterminant. Hall (1993) distingue la catgorie des ressources intangibles qui
dpendent des employs de lentreprise de celles qui en sont indpendantes. Ensuite, Hall associe chacune de ces catgories des capacits fondes sur les comptences et des capacits
fondes sur des actifs. Cette typologie a des similitudes avec celle la base du navigateur de
Skandia et plus gnralement de la plupart des versions de TBCI (voir plus loin).
2 Les diffrentes approches pour apprhender le capital intellectuel 2.1 Des rflexions thoriques
De nombreux chercheurs et praticiens proposent des typologies sur les actifs immatriels ou
intangibles. Bounfour (1998) a dvelopp une synthse des diffrentes approches possibles
pour apprhender ces actifs. Parmi ces diffrentes contributions, plusieurs sont issues dun programme de recherche intitul MERITUM (Measuring Intangibles to Understand and
Improve Innovation Management, Mesurer les intangibles pour comprendre et perfectionner
linnovation en management). Ce programme de recherche consistait en un rseau de 30 chercheurs rpartis dans 9 universits ou coles situes au Danemark, en Finlande, en France
(HEC), en Norvge, en Espagne et en Sude. LOCDE a propos de dfinir la notion dinvestissement intangible. Ses travaux ont abouti distinguer des investissements physiques des investissements intangibles en technologie (recherche et dveloppement, licences, brevets,
design, process, dessins,..), des investissements intangibles de soutien (formation, structure de
linformation et structure organisationnelle) et des investissements intangibles relatifs au march (exploration, organisation,..).
En synthse, la plupart des travaux relatifs une classification des actifs intangibles et du
capital intellectuel aboutissent des propositions sous la forme de dichotomies : actifs ou
lments appartenant ou nappartenant pas de manire lgale lentreprise, actifs acquis lextrieur ou actifs produits par lentreprise et enfin, actifs dpendant des hommes ou ne dpendant pas des acteurs de lorganisation. Cest cette dernire dichotomie qui sest avre la plus pertinente, ou tout au moins la plus instrumentalise.
Johanson (p. 17, 1999) a propos un travail qui permet de comparer de faon concrte la
diffrence entre le concept dactif intangible et celui dactivit en utilisant lexemple dune socit de conseil. Le tableau ci-dessous montre que cest bien en terme dactivit que lentreprise doit raisonner pour btir un instrument de pilotage du capital intellectuel. Le plus souvent, les activits ainsi dfinies sont plus pertinentes du point de vue du pilotage stratgique
dune organisation que les actifs intangibles.
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Actifs intangibles et activits leur correspondant
(Johanson, 1999)
Actifs Activits
Capital humain Savoirs individuels Programmes de formation
Capital structurel - connaissance de nouveaux
produits,
- modles pour projets spcifiques,
- banque dexpriences, - flexibilit main duvre, - flexibilit main duvre, - flexibilit main duvre,
- connaissances sur leur
dveloppement,
- dveloppement de logiciels,
- dveloppement de logiciels,
- recrutement,
- cration dquipes, - taux de rotation des postes
Capital de march - rseaux,
- image
- participation des activits
sociales,
- fournir aux clients un
travail professionnel
2.2 Aux instrumentations de gestion
Cest la fin des annes 1990 que des spcialistes scandinaves en grande majorit, mais aussi Anglo-Saxons ont inscrit ces rflexions sur les lments intangibles dans le cadre dune instrumentation de gestion.
Brooking (1996), chercheuse et consultante amricaine, propose une typologie quaternaire en
distinguant les actifs de march, des actifs centrs sur lhumain (expertise collective, leadership, comptences entrepreneuriales,..), des actifs de la proprit intellectuelle (savoir-
faire, copyrights, labels,..) et des actifs d infrastructure (gestion du risque, existence dun systme de vidoconfrence,..) Cette classification a t critique, notamment par les
chercheurs scandinaves dans le sens o les catgories proposes par Brooking ne se situent pas
des niveaux dagrgation quivalents. Certains considrent par exemple quil nest pas pertinent de faire figurer la catgorie centre sur lhumain au mme niveau que la catgorie centre sur les actifs de la proprit intellectuelle, cette dernire catgorie apparaissant
davantage comme une sous-catgorie dun ensemble actifs organisationnels ou structurels. Diffremment Rennie (1999), une universitaire canadienne, propose de distinguer deux
catgories de capital intellectuel selon le niveau dincertitude associ aux bnfices futurs. Cette conception sinspire dune dfinition des actifs intangibles propose par lInstitut Canadien des Comptables Agrs qui considre un lment intangible comme un actif lorsque
les bnfices futurs ont une probabilit raisonnable de survenir, auquel cas il convient de
capitaliser les cots gnrant cet lment. Sur cette base, Rennie (1999) propose de distinguer
les actifs intellectuels rels des actifs intellectuels potentiels. Si ces dveloppements nont pas directement engendr de propositions instrumentales pertinentes, nous verrons en revanche
quils nous permettront daffiner lanalyse de la typologie qui va suivre.
Haanes et Lowendahl (1997) proposent de distinguer les ressources tangibles des ressources
intangibles et parmi ces dernires, les ressources de comptences des ressources relationnelles.
Parmi les ressources de comptences, ils distinguent :
- les comptences individuelles : savoirs et capacits individuelles (talents et aptitudes),
- des comptences collectives : bases de donnes et capacits collectives (talents et culture).
Parmi les ressources relationnelles, ils distinguent :
- les ressources relationnelles individuelles : rputation, loyaut, relationnel individuel,
- des ressources relationnelles collectives : rputation, loyaut et relationnel collectif.
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La Confdration Danoise des Syndicats sest galement penche sur la question en proposant de distinguer :
- les personnes : motivations, culture, ducation et formation et dveloppement,
- des marchs : clients et fournisseurs, marchs financiers, march du travail, march de la
connaissance,
- des systmes : mthodes, technologies, brevets et organisation.
Des travaux pousss ont galement t observs en Autriche, luniversit Karl Franzens. Un groupe de chercheurs a labor une typologie du capital intellectuel qui distingue les lments
organisationnels, structurels et managriaux des lments intellectuels, sociaux et motionnels.
Cette typologie renvoie aux travaux sudois qui distinguent le capital humain du capital
structurel. Ces travaux autrichiens ont donn lieu llaboration de mesures synthtiques du capital intellectuel (la VAIC, valeur ajoute du capital intellectuel notamment).
Deux typologies ont eu des effets particulirement significatifs sur linstrumentation des entreprises.
Sveiby (1997), chercheur et consultant sudois install en Australie, souvent prsent comme
le pionnier de la rflexion sur le capital intellectuel, a t lorigine dune classification ternaire du capital intellectuel qui distingue le capital clients et relationnel, du capital
organisationnel et du capital humain. Le modle issu de cette rflexion a t intitul la
plateforme de la valeur . Sveiby (p. 78, 1997) a notamment particip llaboration de tableaux de bord centrs sur le capital intellectuel Celemi, la Banque Morgan, WM Data
et PLS-Consult. Cette classification a notamment t retenue par les groupes de recherche
scandinave du MERITUM qui ont galement montr le lien qui existe entre cette classification
et la typologie des ressources intangibles propose par Hall (1993). Ces travaux du MERITUM
insistent galement sur la ncessit dadopter une approche dynamique de ce type de classification en apprhendant en particulier les interactions et les changes qui existent entre
les trois formes de capital retenues (humain, structurel et relationnel).
La typologie propose par Roos et al. (1997) est associe linstrument le plus connu, le navigateur de Skandia. Cette typologie est dite binaire ou dichotomique puisquelle distingue le capital intellectuel pensant , du capital intellectuel non-pensant , cest--dire le capital humain du capital structurel. La nuance par rapport la typologie prsente juste avant est que
le capital structurel regroupe le capital organisationnel et le capital clients et relationnel.
Edvinsson, ancien manager du capital intellectuel Skandia explique en substance que le
capital structurel est ce quil reste dans lentreprise une fois que les employs sont rentrs chez eux le soir. Aussi, cette typologie a tendance accorder un peu plus dimportance la dimension humaine qui constitue lun des deux piliers du capital intellectuel de lentreprise. La figure juste aprs propose une description de la typologie labore par Roos et al. (1997).
Le capital humain correspond aux ressources qui dpendent des employs et des capacits
fondes sur les comptences. Le capital structurel correspond quant lui aux ressources
indpendantes des employs et de capacits fondes sur des actifs.
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Larbre du capital intellectuel (adapt de Roos et al., 1997)
Valeur
totale
Capital Capital
financier intellectuel
Capital Capital Capital Capital
montaire montaire humain structurel
Comptences Attitudes Agilit Relations/ Organisation Renouvellement
intellectuelle partenaires & dveloppement
Comme on lobserve sur ce schma, le capital humain se dcompose en trois critres gnriques de performance qui se dcomposent leur tour en indicateurs stratgiques. Ces trois
critres gnriques sont les suivants.
- La comptence des employs dont les indicateurs stratgiques sont les savoirs et les savoir-
faire. De faon plus prcise, la notion de comptence peut galement tre analyse en terme de
comptence commerciale (capacit collaborer avec les clients et les partenaires externes), de
comptence professionnelle (habilet exploiter le capital structurel) et de comptence sociale
(habilet travailler ensemble).
- Lattitude des employs dont les indicateurs stratgiques sont la motivation, le comportement et la conduite.
- Et leur agilit intellectuelle dont les indicateurs stratgiques sont linnovation, limitation, ladaptation et la mise en forme. Il en est de mme du capital structurel qui se dcompose galement en trois critres gnriques
de performance. Ces trois critres gnriques sont les suivants.
- Les relations avec les parties prenantes de lentreprise dont les indicateurs stratgiques sont la gestion des relations avec les clients, les fournisseurs, les actionnaires, les allis et toutes les
autres parties prenantes.
- Lorganisation dont les indicateurs stratgiques sont linfrastructure, les processus et la culture.
- Et le renouvellement et le dveloppement dont les indicateurs stratgiques sont les nouveaux
produits, la formation, les dpenses de recherche et dveloppement, et les nouveaux brevets et
nouvelles licences.
En synthse, le tableau ci-dessous, reprenant des lments dvelopps dans la premire partie,
propose une chronologie de lmergence des TBCI dans les pays scandinaves.
Chronologie de lmergence des TBCI dans les pays scandinaves
1960 s. - les spcificits conomiques et sociales des pays scandinaves : sociale
dmocratie avant lheure (rle de ltat providence), philosophie de la coopration
1965- 1970
s.
- premiers dveloppements scandinaves autour de la comptabilit sociale
1977 s. - les dveloppements en comptabilit des ressources humaines se poursuivent
(1977, Bilan Social en France),
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- des applications limites
1981-
1989 ;
1986-1987
- groupes de travail autour du concept de capital intellectuel,
- Konrad group en Sude dirig par Sveiby
1989 s.
- proposition Konrad group : The Invisible Balance Sheet,
- autre proposition : The Resource Matrix
1990 s. - Profit and Loss account model utilis,
- poursuite des travaux du Konrad Group et dautres sur une approche plus qualitative
1992
1994 s.
- influence conjointe du BSC et du Konrad group expliquant lapparition dun modle comme le navigateur,
-premires publications et autres modles comme The Intangible Assets Monitor
3 Prsentation de modles de tableaux de bord du capital intellectuel et analyse critique
3.1 Du navigateur de Skandia
Lexprience pilote par Leif Edvinsson (Edvinsson et Malone, 1997) Skandia AFS, et qui sest prolonge dans lensemble du groupe dassurances sudois Skandia, constitue le cas le plus connu de mise en place dun tableau de bord centr sur le capital intellectuel. Ds les annes 1980, le CEO (Chief Executive Officer) de Skandia, Bjrn Wolrath cherchait
une faon de mesurer les actifs intangibles de son entreprise. Cest en septembre 1991 que Skandia AFS recruta Leif Edvinsson en tant que directeur de la nouvelle fonction
management du capital intellectuel . La mission dEdvinsson tait de construire un instrument de mesure du capital intellectuel qui puisse constituer un supplment aux comptes
sociaux. Le premier rapport du capital intellectuel comme supplment au rapport de gestion
annuel date de 1994. Depuis, Edvinsson a t contact par quelques 500 entreprises intresses
par le modle du navigateur. En 1998, le navigateur a t adapt lensemble du groupe Skandia et a complt budgets. En octobre 1998, un systme intranet appel le Dolphin System
(le systme dauphin) a t mis au point pour lensemble du groupe et permet au navigateur de fonctionner de faon interactive. La figure ci-dessous reprsente le schma gnrique du
navigateur tel que le propose Skandia dans ses documents de gestion, en complment des
comptes sociaux traditionnels (p. 68, 1997). Le tableau qui suit propose quelques indicateurs
reprsentatifs du navigateur.
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Le navigateur de Skandia (Edvinsson et Malone, p. 68, 1997)
FINANCIAL
FOCUS
HUMAN FOCUS
RENEWAL and DEVELOPMENT FOCUS
PROCESS
FOCUS CUSTOMER
FOCUS
T
O
D
A
Y
T
O
M
O
R
R
O
W
I
N
T
E
L
L
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C
T
U
A
L
C
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P
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Illustration : quelques indicateurs du navigateur
(adapt dEdvinsson et Malone, 1997) Dimension
humaine
Dimension
financire
Dimension
clients
Dimension
renouvellement
Dimension
processus
indices de
motivation, de
leadership,
dempowerment
(revenus, valeur
de march,
VA)/employ
part de march opportunits
dinnover poids de
ladministratif
turnover revenus nets,
valeur de
march, retour
sur actifs
indice de
satisfaction
temps et
investissements
pour la formation
poids des TI
proportion de
managers, de
femmes
investissements
en TI, revenus
de nouvelles
oprations
clients lis aux
TI
part des dpenses
de R & D
poids des
dysfonctionneme
nts
employs
matrisant les
TI, tltravail
temps consacr
par les salaris
aux clients
fidlit des
clients
dpenses de
marketing
nombre de
contrats par
employ
Le tableau ci-dessous prsente les donnes pour 1994, 1995 et 1996 du navigateur de
SkandiaLink, filiale de Skandia ddie lassurance vie en Sude.
Le Navigateur de SkandiaLink
Indicateurs 1996 1995 1994
Dimension financire Primes brutes accordes (MSEK)
Rsultat oprationnel (MSEK)
Volume des actifs grer (MSEK)
2,413
179
9,202
2,087
176
5,699
1,874
132
3,670
Dimension clients Nombre de contrats
Taux de rsiliation
182,900
1.7
153,100
1.5
115,000
1.0
Dimension humaine Nombre demploys Indice du capital humain (valeur maximum = 1)
% demploys avec un niveau dducation secondaire ou suprieur
% demploys avec 3 ans ou plus danciennet
45
426
73
92
48
493
73
88
51
534
74
62
Dimension processus Dpenses administratives / primes brutes accordes
(%)
Dpenses TI / dpenses administratives (%)
4.1
26.3
5.0
27.1
4.5
28.0
Dimension renouvellement et dveloppement Nombre de contrats par employ
Fonds changs via Telelink (%)
4,064
50
3,180
40
2,253
22
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3.2 Aux autres tableaux de bord du capital intellectuel
Si le navigateur constitue le modle de TBCI le plus connu, lengouement pour ce type de tableau de bord fait que beaucoup dautres entreprises lont adopt. La somme des expriences accumules dans diffrents pays europens nous permet aussi destimer quil existe un courant managrial dominante europenne, centr sur le pilotage par la valorisation et le management
des actifs intangibles, au mme titre quil existe un courant managrial dominante anglo-saxonne centr sur le pilotage par la valorisation des actionnaires et des clients.
Les travaux pionniers de Karl-Erik Sveiby se sont concrtiss de faon directe par la mise en
place dun TBCI, The Intangible Assets Monitor dans lentreprise de conseil sudoise Celemi. Cette socit joue de plus un rle majeur dans la diffusion des TBCI puisque lactivit de conseil de Sveiby consiste proposer des mthodes de management du capital intellectuel, et
en particulier promouvoir le modle de TBCI expriment Celemi, fond sur la typologie
ternaire du capital intellectuel. Le TBCI de Celemi comprend donc trois axes stratgiques :
- laxe clients, - laxe humain, - et laxe organisation. Mais si lon tudie plus en dtail les indicateurs gnriques figurant dans ce TBCI de Celemi, on se rend compte alors que laccent est plus particulirement mis sur les dimensions clients et humaines de la performance. Comme mesures dployes, nous pouvons citer par exemple le
niveau de turn-over du personnel administratif, la proportion de personnel administratif, les
revenus procurs par les nouveaux produits et les revenus procurs par les relations avec les
clients. Les tableaux juste aprs prsentent le modle gnrique de lIntangible Assets Monitor (le moniteur des actifs intangibles), TBCI de Celemi, puis le TBSCI pour les exercices 1995-
1996.
Le Moniteur des Actifs Intangibles de Celemi
(Sveiby, 1997)
Nos clients Notre organisation Nos employs
croissance du CA clients influenant les
processus
exprience professionnelle
image de marque revenus de nouveaux produits comptences en rapport
avec les clients
revenus par client part de la R & D proportion dexperts
satisfaction des clients part des investissements
intangibles
VA par expert et par
employ
fidlit des clients proportion de personnel
administratif
indice de satisfaction des
employs
part dans le CA des clients
importants
revenus gnrs par le
personnel administratif
turnover des experts,
exprience
turnover du personnel
administratif
ge moyen des employs
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Rapport annuel de Celemi
(site internet : http ://www.Celemi.com)
Nos Clients
(structure externe)
Notre organisation
(structure interne)
Nos employs
(comptences)
Croissance/volution Croissance du revenu 44%
Satisfaction des clients 40%
Croissance / volution Investissements TI 11%
Organisation pour clients 44%
R et D produits 18%
Invest. Total 33%
Croissance / volution Exprience prof. - 25%
Comptences clients 43%
Comptences experts 43%
Niveau dducation 0%
Efficience Echange produits 4%
Efficience Personnel administratif 4%
Ventes / pers. adm. 20%
Efficience VA / expert - 13%
VA / employ 13%
Stabilit Renouvellement cdes 66%
5 plus gros clients 41%
Stabilit Turnover pers. adm. 0%
Pers. adm. senior 3%
Rookie ratio 64%
Stabilit Turnover experts 10%
Experts seniors 79%
Age moyen - 12%
Celemi a aussi pour rle de diffuser les mthodes de management du capital intellectuel et
notamment dans les pays scandinaves au sein dentreprises comme Ikea, les deux plus grandes banques de Sude, Freningsbanken et Sparebanken, ABB Corporate Research, Helsingin
Puhelin, Kone Hissit, Merita-Nordbanken, Metsliitto, ... Pour ABB par exemple, les
consultants de Celemi insistent sur limportance dimpliquer lensemble du personnel dans la conception de la stratgie et de crer un langage commun. A cette fin, un outil de simulation
intitul Tango est utilis. Mais Celemi a aussi des clients en Angleterre (ICL, SmithKline
Beecham, 3M et Cap Gemini), en Belgique, au Luxembourg et en Allemagne
(DaimlerChrysler et Schering-Plough notamment), aux Etats-Unis (3 M) et en Ocanie. Deux autres initiatives scandinaves ont galement eu un impact important sur le
dveloppement des TBCI. Il sagit premirement dun projet initi par le Danish Trade and Industry Development Council (le conseil de dveloppement industriel et commercial danois)
runissant 3 entreprises danoises (PLS Consult, Ramboll, deux socits de conseil et
Sparekassen Nordjylland, une institution financire) et 7 entreprises sudoises (Consultus et
WM Data, socits de conseil, Skandia, Telia, ABB, the Swedish Civil Aviation et Sparbanken
Sverige). Deuximement, il sagit dun projet intitul MERITUM (Measuring Intangibles to Understand and Improve Innovation Management, mesurer les intangibles pour comprendre et
amliorer le management de linnovation) support financirement par la Commission Europenne et auquel ont particip neuf universits et centres de recherche rpartis dans six
pays europens. Les chercheurs du MERITUM insistent sur la ncessit de dfinir clairement
la dmarche dlaboration dun TBCI et cest pourquoi ils proposent un modle de dfinition des indicateurs du capital intellectuel en fonction dobjectifs stratgiques prcis. Voici par exemple la dfinition dindicateurs relatifs un objectif de part de march.
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Modle de construction des indicateurs du capital intellectuel
(Johanson, p. 19, 2001)
Objectif Amliorer la part de marchstratgique
Intangibles Maintenir et retenir Capacits Approche
critiques les employs cls innovatrices clients
Ressources Employs Brevet Loyaut des
intangibles hautement forms d'invention clients
crer et dvelopper
Invest. intangibles Activits de Activits de Marketing
pour accrotre les formation R & D direct
ressources
Invest. intangibles Enqutes sur les Analyse du Enqute sur
pour valuer les employs retour/ R & D les clients
rsultats
Conclusion et prolongements
En France, plusieurs entreprises ont dployes des TBCI. Parmi elles, citons GPS, TLF,
Syscom et Grandvision, cette dernire ayant publi rgulirement pendant plusieurs annes un
TBCI en complment de son rapport annuel.
Aujourdhui, dautres approches semblent cependant avoir pris le relais. Il sagit notamment : - dapproches managriales fondes sur la RSE (responsabilit sociale de lentreprise), qui consistent prendre en compte toutes les parties prenantes de lentreprise, - Et du management environnemental ou durable travers le dploiement de normes daudit et de reporting : ISO 14001, SD21000, GRI Global Reporting Initiative
(http://www.globalreporting.org), Accounting 1000, Sur les aspects environnementaux, Naro et Noguera (2008) prsentent la mise en place dun tableau de bord centr sur les aspects environnementaux au sein dune socits agroalimentaire. Des associations sont trs dynamiques sur ces questions comme par exemple lORSE (Observatoire sur la Responsabilit Socitale des Entreprises : http://www.orse.org). Le point
commun avec les TBCI est que ces approches aboutissent tablir des indicateurs centrs sur
les aspects immatriels (humains, organisationnels, environnementaux, ) des entreprises. Aujourdhui, beaucoup dentre elles prsentent un rapport environnemental ou socital au sens plus large. Par exemple Carrefour (http://www.carrefour.com/cdc/commerce-responsable/),
dans son rapport annuel, indique que le groupe ...a cr un outil de management, dnomm
Carrefour Attitude et que le systme dinformation qui laccompagne permet dvaluer la dmarche de progrs grce 22 indicateurs clefs de performance De mme, Michelin a labor un Systme de Management Environnemental (SMEM :
http://www.michelin.com/corporate/front/templates/affich.jsp?codeRubrique=89&lang=FR).Or
ange, un rapport de responsabilit dentreprise (http://www.orange.com/fr_FR/responsabilite/) qui regroupe des tableaux de bord de performance conomique au sens large, sociale, socitale
et environnementale. Suez publie un rapport dactivit et de dveloppement durable (http://www.archives-suez.com/fr/finance/rapport-annuel/2007/rapport-activites-2007/rapport
dactiviteetdeveloppement-durable/) et Renault un systme de management de lenvironnement bas sur la norme ISO 14001 (http://www.renault.com/fr/Groupe/developpement-
durable/environnement/Pages/management-de-l-environnement.aspx).
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La question qui se pose est de savoir si cela sinscrit uniquement dans une logique de communication ou si cela alimente le systme global de pilotage de ces entreprises.
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