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© 2003 – Presses de l’Université du QuébecÉdifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca

Tiré de : Loisir et société /Society and Leisure, vol. 26, no 2, S. Arai, K. Silverberg et A. Thibault(dir.).

LES MONDES SOCIAUXDE L’ASSOCIATION SPORTIVE :

PARADIGMES ET RÉALITÉ SOCIALE

William GASPARINIEmmanuelle WALTER

Université Marc Bloch

Introduction

L’organisation du sport en France est passée d’une auto-administration par lespratiquants eux-mêmes à une institutionnalisation des groupements sportifs avecdes projets sportifs et associatifs qui renvoient à une grande diversité d’objectifs :formation morale de la jeunesse, éducation par le sport, préparation de l’élite sportive,accès à la citoyenneté, réduction des inégalités, sélection des futurs professionnelsdu sport, etc.

Depuis sa naissance, l’association sportive formalise un type de sociabilitéspécifique et une médiation entre l’individu et la société (Callède,1987). Propresà l’expression du mythe de « esprit sportif », le processus d’idéalisation et le sensmoral s’élaborent et se renforcent dans le cadre associatif. Leur importanceexplique, pour une grande part, la négation du politique caractérisant la culture etl’institution sportives dans leur(s) système(s) de catégorisation. Ainsi, le foyerprincipal de la vie sportive reste l’association, le club. Et c’est à l’intérieur et autourde ces structures formalisées de sociabilité (Agulhon, 1976) de type associatif quese forment et se diffusent des modèles culturels, notamment le modèle sportif soussa forme associative.

Le monde sportif ne se réduit pas à une sous-catégorie du monde associatif.En effet, il est important de rappeler qu’il existe une spécificité sociale dusport afin d’éviter d’englober sans nuances les associations sportives dans le« monde des associations » : le sport n’est pas une lacune sociale, pas plus qu’ilne se développe, d’un point de vue historique, sur un dysfonctionnement social1

Loisir et société / Society and LeisureVolume 26, numéro 2, automne 2003, p. 453-468 • © Presses de l’Université du Québec

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(contrairement à la pauvreté, par exemple, qui traduit un vide social, et aux solu-tions qui sont envisagées dans ce cas pour y remédier). La diffusion sociale despratiques sportives au cours du XXe siècle repose sur deux principes « libéraux »relativement interdépendants : l’associationnisme (la liberté de d’associer entrepairs pour pratiquer un sport) et le bénévolat (la liberté d’organiser et de gérer lesactivités sportives avec un minimum de contraintes). Partagé entre la traditiond’encadrement de la jeunesse sportive (mission d’utilité publique) et le « renou-veau » associatif qui vise davantage la « prestation de services sportifs » (missiond’utilité ludique et économique), le monde sportif associatif semble actuellementrechercher sa « troisième voie ».

1. Évolution du sport associatif en France au XXe siècle

Dans tous les pays de l’Europe occidentale, le sport moderne émerge dèsle XIXe siècle à l’intérieur de groupements privés de type associatif2. Ce nouveauloisir (mais aussi ce nouvel usage normé du corps) trouve son origine dans lapremière puissance capitaliste industrielle, commerciale et financière : la genèsedu sport associatif est intimement liée à l’histoire des classes sociales anglaises(l’aristocratie et ses clubs, la gentry, les premières formes de classe ouvrière indus-trielle et de classes d’entrepreneurs ; Defrance, 1995). L’Angleterre victorienneexporte non seulement un modèle compétitif du jeu sportif, mais aussi son moded’organisation : au XIXe siècle, le club sportif s’organise sous la forme du cerclebritannique. Réservé aux hommes, très hiérarchisé, il reproduit la structure et lesystème de valeurs des institutions britanniques (les public schools, par exemple).

En France, lycéens, étudiants, rentiers et actifs qui ont connaissance del’exemple anglais prennent en charge l’organisation de leurs propres distractions.Ce premier « état » de l’organisation sportive associative se caractérise par unefaible bureaucratisation, un moindre coût de la pratique sportive personnelle, deséquipements sportifs relativement sommaires, un recrutement essentiellementbourgeois et un encadrement technique et administratif restreint et bénévole.L’organisation interne est simple : un président (le plus fréquemment un commer-çant, un entrepreneur ou un membre d’une profession libérale), un trésorier, desmembres adhérents, parfois un comité de direction. Le siège social est souvent situédans un bâtiment paroissial ou dans un pub.

Reproduisant ce modèle anglais, le Havre Athletic Club (1872), le BordeauxAthletic Club (1877), le Rowing Club de Strasbourg (1879), le Racing Club deFrance (1881) ou le Stade français (1882) s’inscrivent dans cette logique socio-organisationnelle. En quelques années, animés par des hommes très informés dela situation anglaise, ils bénéficient d’un recrutement et de relations dans lesmilieux urbains aisés. Ces clubs organisent la pratique moderne de l’athlétisme,de l’aviron, du football et du rugby, créent des équipements de plus en plusspécialisés et insèrent le sport français dans les échanges internationaux3.

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La formation de fédérations et d’unions de clubs résulte de la nécessitéd’établir des matchs ou des rencontres interclubs sur des bases réglementairescommunes et constantes (Defrance, 1995). Divers comités et ligues se mettent enplace. Leur but est de développer les exercices physiques et sportifs, essentiel-lement dans le cadre lycéen, étudiant et périscolaire. Implicitement, ces initiativesvisent aussi, pour des fractions de l’élite économique et sociopolitique de l’époque,à s’assurer le patronage de la jeunesse. L’Union des sociétés françaises de sportsathlétiques (USFSA) se constitue en 1887 sous l’impulsion de sportifs issus del’élite sociale. Jeune aristocrate anglophile et militant de la première heure pourle sport éducatif, le baron Pierre de Coubertin en sera le secrétaire général en 1891.L’Union jouera un rôle important comme centre d’organisation et commelaboratoire idéologique (Haumont, 1987).

L’institution sportive fédérale revendique peu à peu le monopole de l’orga-nisation et du discours légitime dans le domaine sportif. Véritable gardien d’un« vrai sport », l’institution sportive de type anglo-saxon développe un modèleautour de la compétition et diffuse l’idée d’une vertu intrinsèque au sport. Cet« esprit sportif » (Callède, 1987) évoque à la fois un idéal, une morale en acte etune disposition personnelle. Produit de cette idéologie, l’association sportive,comme « idéal-type » de l’organisation sportive, formalise un type de sociabilitéspécifique et une sphère de médiation entre l’individu et la société.

Ainsi, successivement ou simultanément, depuis plus d’un siècle, l’école,les Églises, les partis politiques, les mouvements de jeunesse et d’éducationpopulaire, le mouvement sportif, l’État ont tenté d’organiser la pratique d’exercicecorporel à destination des jeunes prioritairement et en fonction de projets plus oumoins explicites (sportif, éducatif, politique ou religieux). Coexistent aujourd’huides formes associatives variées apparues en des temps distincts – clubs, fédérations,œuvres, patronages, mouvements de jeunesse, MJC, etc. – qui témoignent desdifférentes façons de penser les loisirs sportifs organisés.

2. Associations de sportifs ou entreprises du sport ?

À quelques exceptions près, la loi de 1901 a été pendant de longues années l’uniquesupport juridique des organisations sportives.

La formation des associations sportives répond à un certain nombre deprincipes juridiques communs à toutes les associations. Selon la loi du 1er juillet1901, l’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnesmettent en commun d’une façon permanente leurs connaissances ou leur activitédans un but autre que de partager des bénéfices4. Pour déclarer une associationsportive, il est nécessaire de déposer ses statuts à la préfecture ou à la sous-préfecture du siège social. La rédaction des statuts est libre, toutefois, lors de lademande d’affiliation, les fédérations sportives imposent certains articles figurant

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dans leurs statuts types. Si le club demande son agrément, le service départementalde la Jeunesse et des Sports exige également certaines mentions dans les statuts.Deux personnes suffisent pour se constituer en association déclarée (sept membresminimum en Alsace-Moselle). Enfin, la naissance du club est rendue publique parune insertion au Journal officiel (ou un journal d’annonces légales pour l’Alsace-Moselle) sur présentation du récépissé de déclaration.

Le fonctionnement quotidien du club sportif résulte de l’activité tant desorganes que des acteurs qui les constituent. Les acteurs sont les sociétaires qui,en leur qualité de membres cotisants ont voix délibératives dans les assembléesgénérales. Élus pour gérer l’association, les dirigeants appliquent la politique votéeen assemblée générale. Le président, le trésorier, le secrétaire général et, dans lecas d’un club omnisports, les responsables de section constituent les principauxdirigeants élus et bénévoles. Dans le cas d’associations disposant d’un budgetimportant, des salariés (non sociétaires) peuvent être employés dans des fonctionsd’encadrement sportif ou d’administration-gestion.

Les organes du club sont constitués par les assemblées générales, le conseild’administration ou le comité de direction et le bureau. Dans les clubs omnisports,des sections ont la responsabilité d’une discipline sportive, mais ne possèdent pasla personnalité morale. Organe souverain du club, l’assemblée générale a despouvoirs illimités ; elle exerce un droit de contrôle sur le fonctionnement du club,entend annuellement les rapports sur la situation financière et morale et approuveles comptes et la gestion du club en donnant quitus aux administrateurs.

Historiquement, le sport amateur, et à but non lucratif, n’avait pas besoind’autres types d’organisation pour fonctionner. Si l’on observe la totalité des struc-tures prestataires de services sportifs, l’association reste encore actuellement lesupport juridique par excellence. Pourtant, ses caractéristiques mêmes en font unoutil qui n’est plus forcément le mieux adapté pour gérer et proposer des produitsà des publics de plus en plus variés (Garrabos et Pigeassou, 1997). La diversitédes offres sportives, les besoins des différents partenaires, l’intervention croissantede professionnels rémunérés, les problématiques juridiques, fiscales, économiqueset financières qui se sont posées conduisent les responsables sportifs à utiliserd’autres types de supports juridiques et, dans certains cas, à en créer de nouveaux.

Bien que la structure associative, qui interdit de distribuer les bénéfices, necorresponde pas au secteur commercial, aucun texte juridique n’interdit à uneassociation de réaliser des actes de commerce. Cependant, pour pouvoir s’exercerdans le cadre juridique d’une association, cette activité ne doit pas être commer-ciale par nature (et donc représenter l’activité principale), spéculative et répétée.

Insérés dans un secteur associatif en pleine mutation, les clubs de haut niveauont souvent dû faire face à la professionnalisation de leurs sportifs et à l’entréemassive de l’argent, notamment dans les sports collectifs. Les clubs de footballou de basket de niveau national sont devenus de véritables entreprises de spectacles

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sportifs. Afin d’éviter des errements constatés dans la gestion financière de cesactivités, l’État a apporté ces quinze dernières années des modifications impor-tantes pour adapter les structures juridiques aux clubs accueillant ces pratiquesspectaculaires.

3. Les mondes sportifs associatifs

Derrière l’apparente homogénéité du « monde sportif associatif » se dégagent dessingularités non seulement sportives et structurelles, mais aussi politiques etéthiques. La structuration historique du monde sportif associatif selon deux axes(celui de l’éthique associative ou sportive et celui du rapport au systèmemarchand5 ) permet de dégager deux « mondes sportifs associatifs6 ».

Le monde sportif civique

Ce premier monde fonctionne selon une éthique sportive associative où le sportremplit une fonction intégrative et réglementaire, mais aussi une mission de servicepublic (par délégation). Au-delà de la poursuite d’une même finalité (« la formationde l’homme par le sport »), ce monde se scinde en deux catégories :

– le système sportif fédéral : ce système se présente sous la forme d’unmouvement (« le mouvement sportif ») relativement autonome par rapportau système social, cet espace s’estime être le seul représentant « historique »et gardien d’un « vrai-sport » : le sport amateur. La compétition sportiveconstitue le paradigme de ce monde qui affirme que les vertus du sport sonten lui-même. Le désintéressement, l’amateurisme, le fair-play, le culte dela performance gratuite, la valeur du travail, la morale de l’effort et le progrèsen constituent les fondements éthiques. « L’esprit sportif » et la sociabilitésportive sont des valeurs fréquemment avancées et évoquent à la fois unidéal, une morale en acte et une disposition personnelle. Le système sportiffédéral fonctionne selon le modèle de la démocratie sportive et répond à unobjectif de prééminence du collectif et de solidarité (solidarité entre les clubs,comités et ligues d’un même sport et solidarité entre les différents sports dansle cadre du Comité nationale olympique sportif français).

– le système des loisirs sportifs : ce système fonctionne selon une éthiqueassociative et sociale où le sport n’est pas une fin en soi, mais est considérécomme un moyen pour atteindre des objectifs sociaux, éducatifs, récréatifs,politiques ou religieux. Celui-ci rassemble des associations et unions d’asso-ciations qui ne se définissent pas prioritairement comme sportives, mais quiintègrent des activités physiques et sportives comme loisir actif et moyend’épanouissement, voire de formation et de développement personnel. Ilenglobe aussi bien les fédérations sportives affinitaires (fédérations confes-sionnelles liées aux patronages, fédérations d’éducation physique laïques,

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fédérations proposant des sports aux personnes handicapées ou déficienteset fédérations sportives « travaillistes ») que les mouvements d’Éducationpopulaire qui visent à encadrer la jeunesse à travers notamment les centresde plein air et les colonies de vacances (par exemple, les Scouts de France,les Éclaireurs de France, la Jeunesse ouvrière chrétienne, les Centresd’entraînement aux méthodes d’éducation actives ou CEMEA, ou encorel’Union des centres de plein air ou UCPA, à ses débuts).

Le monde sportif marchand

Ce monde sportif met au centre des principes qui le régissent les notions servanthabituellement à définir les lois du marché. Être concurrentiel, capter la clientèle,réussir une affaire, obtenir le meilleur prix, tirer profit d’une transaction... sontautant d’objectifs qui illustrent le fonctionnement de clubs sportifs professionnelsqui se situent paradoxalement dans le monde sportif associatif. Même s’il s’estconstitué historiquement dans et par le refus (ou l’inversion) de la loi du profitmatériel, le mouvement sportif contenait depuis longtemps le professionnalisme.Mais il avait toujours tenté de le maintenir dans un champ restreint (football, auto-mobile, boxe, cyclisme) pour l’empêcher de contaminer tout le sport. En effet, dèsle XIXe siècle, l’intérêt du gain financier conduit des personnes à participer à descompétitions sportives dotées de prix et d’autres à organiser des paris dans lescombats et les courses ou à vendre des billets d’accès aux matchs. En Angleterre,les clubs de football se professionnalisent dès 1888 en devenant des sociétés paraction. Alors que le versement de salaires aux joueurs était toléré officieusementen France depuis la fin du XIXe siècle, dès les années 1920, les transferts de joueursd’un club de football à un autre sont l’occasion de rémunérations ou d’octroid’avantages sociaux ou professionnels. La Fédération française de football votedès 1931 le principe du professionnalisme (Wahl, 1989). Le débat amateurisme /professionnalisme est alors central : d’une part, les tenants du libéralisme total,souhaitant aligner les pratiques du football sur les principes de la société civile etdéfendent le principe de la liberté d’entreprendre des responsables de clubs ; del’autre, les puristes, nostalgiques d’un âge d’or du football sans argent. Imitant lefootball, d’autres sports collectifs se professionnalisent peu à peu : le jeu à XIII en1931, le basket officiellement en 1980, puis le hockey sur glace et enfin le handballet le volley-ball dans les années 1990. Organisé par des associations sportives auxstatuts juridiques variés (associations à statuts renforcés, sociétés à objet sportif,sociétés d’économie mixtes sportives locales, sociétés anonymes sportives pro-fessionnelles), le sport professionnel est pris actuellement dans une logique duspectacle marchand et télévisuel. Les sports s’organisent aujourd’hui autour d’unprofessionnalisme sans complexe (professionnalisation du volley et du rugby –longtemps « bastions » de l’amateurisme –, professionnalisation des centres deformation des jeunes « talents sportifs », professionnalisation de l’offre de spec-tacles sportifs et de produits dérivés, professionnalisation des managers du sport).

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Deux arguments du monde marchand reviennent souvent pour légitimer la rapidecommercialisation du sport professionnel : rattraper les retards par rapport auxautres pays européens et « libérer » le sport de son « carcan étatique ». En partiecontrôlé par des acteurs non sportifs (médias, équipementiers, sociétés decommunication et marketing, sponsors, etc.) ce monde remet en question l’éthiqued’intérêt général et le principe de solidarité véhiculés par le monde précédent. Latransposition au sport des règles du libéralisme économique généralise la logiquedu marché et met finalement un terme à ce que l’on pourrait appeler « l’exception(sportive) française, basée sur l’idéologie du service public » (Bourdieu, 1998).

4. L’encadrement de la jeunesse sportive :le point de vue des bénévoles

La diversité des « mondes sportifs » se manifeste aussi à travers les différentesmodalités d’encadrement de la jeunesse sportive dans les logiques bénévoles etassociatives. Alors que de nombreux discours sécuritaires et journalistiquesabordent actuellement la jeunesse sous l’angle d’une « menace », traditionnel-lement les associations (notamment sportives) la considèrent plutôt comme une« ressource7 ».

Dans le secteur du sport associatif, les propos de bénévoles interviewés surle sujet montrent que les jeunes adhérents8 d’associations sportives représententune « ressource » importante pour l’image et pour le dynamisme (symbolique,associatif, économique et politique) des associations sportives9.

Symbole de vitalité et de renouvellement tout d’abord, la « jeunesse » d’uneassociation sportive (en termes de nombre de jeunes de moins de 18 ans) est aussisa fierté, preuve de réussite et d’un avenir possible. Ainsi, les dirigeants associatifsissus de clubs qui comptent « beaucoup de jeunes » ne manquent pas de mettre envaleur cet aspect comme le fruit d’une politique sportive résolument axée sur lesjeunes et symbole « d’excellence associative ». Dans cette logique, le sommetde la réussite est incarnée par les associations qui peuvent se targuer de « refuserles jeunes ».

L’exemple strasbourgeois de l’Association sportive « Pierrots Vauban »est emblématique de cette logique. Créé en 1921, ce club de football unisportde 400 adhérents (dont 350 jeunes) est riche d’un illustre palmarès sportif qui enfait l’une des figures marquantes du sport régional. Dans ce contexte, la qualité etle nombre des jeunes footballeurs du club représentent « la relève » et le gage dela renommée et des compétences du club : « nous menons intensivement une poli-tique de jeunes, surtout des moins de 13 ans, moins de 15 ans et moins de 17 ans[…] les jeunes viennent d’un peu partout, à cause de la réputation du club […] ily a trop de joueurs déjà, c’est un club qui est très demandé […] nous refusonsmême du monde » (Président bénévole du club).

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De même, dans les clubs « en déclin », le manque, voire l’absence de jeunesest un signe fort et imparable du manque d’attractivité, et donc de dynamismeet du « défaut d’image » d’un club.

Le cas du club strasbourgeois de l’AGR Ski Montagne illustre bien cetteréalité puisque les bénévoles interviewés évoquent fréquemment le lien entre« manque de jeunes » et « déclin du club ». Créée en 1953 dans le cadre de la FSCF(Fédération française et culturelle de France), cette petite association de 35-40adhérents s’organise autour de la pratique du ski alpin et de la randonnée. Conçudès le départ comme une « bande de copains », l’AGR Ski Montagne est un clubvieillissant menacé dans sa pérennité par la chute des membres et par l’absencede renouvellement de ses adhérents et bénévoles. L’absence d’attractivité du clubauprès de nouveaux jeunes est perçue par les bénévoles interviewés comme laprincipale cause de la mort annoncée du club : « ce que nous déplorons c’est lajeunesse […] les jeunes ne veulent plus, ne viennent plus […] même nos propresenfants […] s’il n’y a pas de relève, dans 10 ou 20 ans, c’est la fin…on essaied’attirer les jeunes, mais ils ne veulent pas venir […] la section a mal vieilli et onsouffre de la carence des jeunes […] on n’a pas réussi à faire monter un peu plusla mayonnaise avec les jeunes […] je pense qu’on n’a pas réussi à trouver desréponses à leurs appels » (vice-président de l’AGR Ski Montagne).

Ressources symboliques, les jeunes adhérents sportifs associatifs repré-sentent aussi des ressources économiques dans la mesure où, dans de nombreusesmunicipalités, le calcul de la dotation annuelle versée aux clubs sportifs locauxsous forme de subvention publique est en partie basé sur le « nombre de jeunes »encadrés par l’association. C’est le cas à Strasbourg, où certains bénévoles necachent d’ailleurs pas que « les jeunes du club » représentent aussi un enjeuéconomique10. En effet, la subvention publique annuelle représente une part trèsimportante (voire la seule source de financement) du budget d’une association.Autrement dit, les associations sportives vivent largement des subventions muni-cipales et dépendent donc économiquement de leur capacité à attirer et à garderles jeunes sportifs.

5. Diversité des discours autour du rôle éducatifdu sport associatif

Si la plupart des discours de bénévoles place « les jeunes » au centre de leurpréoccupation, les avis sont plus partagés lorsqu’il est question du rôle éducatifque la structure associative peut jouer auprès des jeunes sportif. Les proposdes bénévoles sur le ou les rôles de l’association sportive dans l’éducation et laformation d’un jeune adhérent divergent en fonction de plusieurs variables : lecontexte associatif dans lequel ils s’inscrivent (les « mondes sportifs »), leur proprerapport à l’engagement associatif (statut dans l’association, fonctions exercées)

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et leurs caractéristiques sociales (par exemple, leur capital sportif et leur profil ettrajectoire socioprofessionnelle). L’enquête auprès d’un échantillon de bénévolesstrasbourgeois permet de dégager trois groupes d’acteurs :

– Marqué par une « croyance » dans l’idée de promotion sociale par le sport,un premier groupe de bénévoles pense que le club et la pratique d’un sporten compétition peuvent apporter à certains enfants l’espoir d’un avenirenviable que l’école n’est pas en mesure de leur offrir. Ainsi en est-il de cetentraîneur de demi-fond de la section athlétisme de l’ASPTT Strasbourg,pour qui le sport – et notamment l’athlétisme – est une « planche de salut »pour des jeunes par ailleurs en échec scolaire. Sa propre trajectoire montrequ’il a lui-même bénéficié des réseaux sportifs pour s’intégrer socialement,élément fortement explicatif de ce rapport « enchanté » au monde sportif.Selon lui : « en sport le mec il peut venir il a besoin de rien […] une pairede basket, et encore, on la lui prête […] un jeune d’un quartier peut un jourêtre international, et gagner beaucoup d’argent par le sport […] s’en sortir,quoi […] et pas finir en prison […] ces jeunes, ils sont tous au bas del’échelle, et grâce au sport ils deviennent quelqu’un ».

– En concordance étroite avec la culture dominante de l’association qu’ilsreprésentent, un deuxième groupe de bénévoles associe sport associatif etéducation morale dans le sens de l’inculcation de certaines valeurs huma-nistes et religieuses. Le projet éducatif de l’association sportive s’inscritici dans la promotion d’une morale chrétienne par la pratique sportive.L’exemple des dirigeants bénévoles de la Sportive Neuhof est illustratif dece type de discours. Affiliée à l’AGR, cette association est issue d’un mou-vement paroissial à l’initiative des prêtres de l’époque et dont la motivationprincipale était, par la pratique sportive, de « faire des chrétiens ». Cetteétiquette chrétienne est toujours un principe fortement structurant de ladoxa11 associative du club, notamment à travers les discours de ses dirigeantssur le thème de « l’éducation » par le sport, mais aussi sur la manière dontils se positionnent par rapport aux « contre-valeurs associatives » ; cetteculture est d’autant plus incarnée par les dirigeants du club (notamment laprésidente) qu’ils sont très fortement impliqués dans l’association, et ce,depuis plusieurs générations : « nous, on veut que tout le monde puisses’épanouir à travers le sport […] on porte des valeurs chrétiennes, pasd’exclusion […] c’est l’épanouissement à travers le sport […] les jeunes quiencadrent étaient déjà gymnastes chez nous […] elles continuent dansl’encadrement […] les jeunes qui jouent au basket dans la rue, ils ne veulentpas s’investir dans un club […] ils veulent faire du basket quand ils en ontenvie […] si j’ai pas envie, je ne viens pas […] ça ne va pas ça […] desconsommateurs, des consommateurs égocentriques […] il y a des parentsqui nous disent : « elle a pas envie de venir » […] moi, je dis plus tard elle

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aura pas envie de travailler et ainsi de suite […] moi, je pense que c’est uneéducation […] les parents qui ont compris ça, je pense qu’ils rendent serviceà l’enfant » (présidente de la section gym sportive de la Sportive Neuhof).

– Un troisième groupe développe une conception très personnelle des enjeuxéducatifs du sport associatif à travers leur propre trajectoire et en relationétroite avec leur propre engagement bénévole. Le discours de cette mère defamille bénévole de l’Association Sportive Menora12 illustre bien cettelogique. Chargée d’accompagner et de conduire les enfants sur les lieux deleur compétition, elle participe ponctuellement et bénévolement à la vie duclub, sans cependant y avoir un statut particulier. Sa motivation se déclineà travers l’éducation qu’elle peut apporter à ses enfants en s’engageantbénévolement : « mon engagement se fait dans l’esprit d’éducation […] àtravers la pratique du sport dans une association, je souhaite que mes enfantsintègrent la notion de travail dans le plaisir et des valeurs d’ouverture etde développement personnel […] le sport leur aide à prendre confiance eneux […] l’éducation scolaire, bon, il y a des failles […] à travers le sport,bon, il y a une dépense énergétique, et cette dépense doit être constructive[…] la compétition peut être une mauvaise chose, mais elle peut aussi êtreconstructive dans la mesure où elle crée des situations qui permettentd’avancer […] chacun de nous a un rôle créatif, c’est ça qu’il faut développer ».

6. La désaffiliation sportive : constats et réactions

Si les jeunes peuvent constituer une ressource pour le sport associatif, ils lui posentaussi un certain nombre de questions et de problèmes. En effet, de nombreusesétudes ont montré que la pratique sportive « non instituée », ou « auto-organisée »13

était en nette progression, notamment chez les jeunes de 15-18 ans. Du tempsde l’hégémonie fédérale, la situation était relativement simple : l’offre déterminaitla demande. « Chaque fédération était garante de l’orthodoxie des pratiques et durespect des normes internationales. Avec elles, la stabilité et la continuité étaientgaranties dans le cadre d’un répertoire limitée de disciplines bien définies ».Aujourd’hui, les choses ne se passent plus ainsi ; déjà, en 1985, plus de deux pra-tiquants sportifs sur trois font du sport en dehors du cadre des clubs sportifs(Irlinger, Louveau et Métoudi, 1987), une tendance lourde qui se manifeste parun tassement, voire une régression du nombre de licenciés sportifs, alors que lapratique sportive continue, elle, à se développer. L’idée que le sport puisseaujourd’hui se développer en dehors d’une fédération et sans licence estaujourd’hui très répandue : en 1990, 49,5 % des personnes ont pratiqué un sport(en dehors des activités scolaires) et seulement 16,6 % l’ont fait dans le cadre d’ungroupement sportif. Ces résultats semblent aussi se vérifier au niveau des jeunesdont les pratiques dites « libres », « informelles » apparaissent dominantes pour prèsd’un quart des jeunes de 14 à 17 ans.

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Tiré de : Loisir et société /Society and Leisure, vol. 26, no 2, S. Arai, K. Silverberg et A. Thibault(dir.).

Tout en restant prudent14, on peut aussi dire que le développement despratiques sportives auto-organisées est, dans une certaine mesure, encouragé parles pouvoirs publics, qui réhabilitent nombre d’équipements (comme les piscineset les patinoires) et en construisent d’autres (skate-park, roller-park, pistescyclables) tout en soutenant nombre de manifestations sportives prisées par lesnon-licenciés.

Comment les associations sportives, à travers leurs bénévoles, réagissent-elles à l’émergence de ce phénomène ?

L’enquête montre que les réponses varient selon le contexte associatif etsocial dans lequel les bénévoles se trouvent, de leurs implications présenteset passées dans la vie associative et de leur propre rapport à la pratique sportiveet à ses enjeux éducatifs :

– Pour un premier groupe, seule la pratique sportive associative a une légiti-mité, car elle permet l’inculcation de valeurs collectives jugées structuranteset capitales dans un contexte de dégradation générale des valeurs morales(cas des dirigeants de La Sportive Neuhof) ;

– Selon un deuxième groupe de bénévoles, la défense de l’orthodoxie sportivetraditionnelle (et compétitive) implique forcément une certaine « hostilité »à l’égard des pratiques auto-organisées, jugées comme des « pratiques desauvages ». En effet, les considérer comme illégitimes et minimiser le poidset le développement de ces pratiques dans la vie sportive, c’est les considéreren quelque sorte « hors la loi » et exclure toute remise en cause du fonction-nement sportif associatif tel que certains clubs le proposent aujourd’hui (casde certains dirigeants de l’ASPTT Strasbourg).

– Pour les bénévoles du troisième groupe, au contraire, le développementd’une nouvelle demande sportive, non organisée ou auto-organisée, doit êtreconsidérée par les associations comme une injonction à se remettre en causeet à changer leurs modes de fonctionnement. Si cette nouvelle demandeexiste, elle est légitime, et doit interpeller le sport associatif dans le sensd’une réorganisation de son éthique et de ses structures. Le discours decertains dirigeants de l’Ill Tennis Club de Strasbourg15 illustre bien cettelogique. En effet, développant à la fois une politique sportive loisir (clientèleplutôt aisée des « riches » quartiers de la Robertsau) et une politique sportivede compétition de haut niveau (une des meilleures équipes masculines dela région), le club se targue en plus (par la voix de son directeur sportif)d’avoir développé (et même exporté) une gestion associative « avant-gardiste »16. Très porté par la promotion d’une sorte de nouveau « manage-ment associatif », le directeur sportif (bénévole) du club pense que l’époquedu bénévolat et du sport associatif « pépère » est révolue. L’avenir estdésormais entre les mains des « gestionnaires du sport », lesquels doiventintégrer la nouvelle versatilité et le consumérisme des jeunes comme unedonnée essentielle et structurante de l’offre sportive « moderne ».

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Conclusion

L’analyse nous montre que, loin de constituer une catégorie homogène, le mondesportif associatif est non seulement pluriel, mais il est aussi traversé par descontroverses et des enjeux qui dépassent le seul secteur sportif. C’est à partir dela connaissance conjointe des mondes de l’association sportive et des enjeuxsociaux qui font « courir » les dirigeants bénévoles que l’on peut finalement mieuxsaisir le point de vue des acteurs engagés dans cet « espace du désintéressement ».Effet de l’histoire incorporée du sport associatif et des discours sportifs dominants« autorisés », ce point de vue est aussi le produit d’une position sociale et asso-ciative à partir de laquelle s’institue une vision particulière du sport, de sa fonctionet, finalement, du monde social.

NOTES

1. Jean-Paul Callède « La réalité sociale du bénévolat dans l’évolution du sport enFrance », in Un autre club sportif pour le XXIe siècle ?, Cahiers de l’université sportived’été, no 12, MSHA – UNCU / USJSF, 1998.

2. Dans cet article, nous n’aborderons que l’activité sportive de compétition d’origineanglo-saxonne (« le sport ») encadrée dans des clubs. D’autres formes de pratiqued’exercice corporel et d’organisation de ces pratiques existent aussi dans cette mêmepériode (par exemple, la gymnastique dans les Turnen allemands ou dans le cadre desSokols en Tchécoslovaquie), mais restent éloignées du modèle sportif parce qu’ellessont liées aux traditions et aux fêtes religieuses.

3. Au sujet de l’émergence et de la signification sociopolitique des premiers clubs spor-tifs, voir l’exemple des clubs sportifs strasbourgeois in J. Beauchez et W Gasparini.,« Les clubs sportifs strasbourgeois sous l’annexion allemande : affinités nationales,enjeux politiques et oppositions sociales (1879-1914) », Revue internationale d’histoiredu sport, no 27, 2001.

4. Les associations d’Alsace et de Moselle bénéficient d’un régime spécial, car soumisesau Code civil local. Les statuts sont déposés au registre des associations auprès dutribunal d’instance.

5. Ouverture ou résistance à une logique économique de type libéral.

6. Nous appliquons ici le modèle des « mondes sociaux » développé par Luc Boltanskiet Laurent Thévenot dans leur ouvrage De la justification, Gallimard, Paris, 1991.

7. Parmi les travaux animés par la volonté de prendre de la distance avec les discoursqui alimentent la « rhétorique sécuritaire » – sans basculer pour autant dans la logiqued’un discours « idéaliste » sur une jeunesse forcément innocente et inoffensive, on peutciter l’ouvrage récent d’A.Vulbeau (dir.), La jeunesse comme ressource : expérienceset expérimentations dans l’espace public, Ramonville-Saint-Agne, ERES, 2001.

8. Nous définissons comme « jeunes » les adhérents associatifs de moins de 18 ans, selonles principes des catégories jeunes adoptés par le système fédéral, notamment dansle cadre du sport de compétition

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9. Cet article s’inspire d’entretiens, menés dans le cadre d’une enquête auprès de 51 béné-voles du sport associatif Strasbourgeois (issus de 22 associations sportives) inE. Walter,.Logiques de l’engagement dans le sport associatif. De l’illusio bénévole.Thèse pour l’obtention du doctorat STAPS (mention sport et sciences sociales), dirigéepar B. Michon, Université Marc-Bloch de Strasbourg, octobre 2001.

10. « De faire une politique de jeunes nous permet aussi de toucher des subventionscorrectes, et de la Ville, et du Département » (président de l’AS Pierrots Vauban).

11. Selon P. Bourdieu (1980), une doxa (ou orthodoxie) correspond à une loi implicitede fonctionnement dans un espace social particulier.

12. Club omnisports strasbourgeois dont la section Basket compte environ 120 jeunes pour200 membres.

13. D’après O. Bessy (Essai d’analyse de la pratique sportive auto-organisée : le cas dela ville de Blanquefort, in Revue Européenne de management du sport no 3, mai 2000,p. 105-173), la pratique sportive auto-organisée « peut se définir comme l’ensembledes pratiques sportives multiformes et diverses qui se développent spontanément endehors de toute institution en s’autorégulant sur des espaces privés ou publics, urbainsou naturels, aménagés, requalifiés ou réappropriés, mais en général toujours trèsaccessibles, à l’exception des espaces sportifs, scolaires ou publics fortement insti-tutionnalisés qui font parfois l’objet d’une transgression ».

14. Dans un article récent (« Assiste-t-on vraiment à un rejet de la culture sportive tradi-tionnelle ? », J. P. Augustin critique la tendance survalorisante de ce phénomène danscertains écrits et les « excès de vitesse » en matière d’interprétation. (Augustin, 1999)

15. Avec plus de 400 membres (dont 200 jeunes), l’Ill TC est un club « huppé » très envue sur la scène sportive locale.

16. Le club confie la gestion de la partie « compétition », de l’école de tennis au centred’entraînement, à un prestataire de services privé et libéral qui se loue à l’année.

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William GASPARINI et Emmanuelle WALTER

Les mondes sociaux de l’association sportive : paradigmes et réalité sociale

RÉSUMÉ

L’organisation du sport associatif en France est passée d’une auto-administrationpar les pratiquants eux-mêmes à une institutionnalisation des groupements sportifsavec des projets sportifs et associatifs qui renvoient aujourd’hui à une grandediversité d’objectifs. Derrière l’apparente homogénéité de l’espace sportif asso-ciatif se dégagent des singularités non seulement sportives et structurelles maisaussi politiques et éthiques. C’est à partir de la connaissance conjointe des principesqui régissent les différents mondes de l’association sportive et des enjeux sociauxqui font « courir » les dirigeants bénévoles que l’on peut finalement mieux saisirle point de vue des acteurs engagés dans cet « espace du désintéressement ». L’édu-cation par le sport et l’encadrement de la jeunesse constituent à ce titre des thèmesqui divisent les bénévoles sportifs autour du rôle éducatif du sport associatif.

William GASPARINI and Emmanuelle WALTER

The social worlds of the sports association: Paradigms and social reality

ABSTRACT

The organization of sports clubs and associations in France has developed from a self-administered activity run by the practitioners of the sports themselves, toan institutionalized assemblage of sporting units with projects that today are hometo a wide range of objectives. The apparent homogeneity of the world of sportsclubs and associations has its own singular characteristics, sporting and structuralbut also political and ethical. In order to better grasp the point of view of thestakeholders involved in this “selfless world”, one needs to begin by familiarizingoneself both with the principles that govern the domain of sports clubs and asso-ciations and those of a more social nature, that motivate the actions of thevolunteers in charge. Education through sport and the guidance and supervisionof young people are the dual themes that divide sports volunteers when it comesto determining the educational role of sports clubs and associations.

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William GASPARINI y Emmanuelle WALTER

El mundo social de la asociación deportiva : paradigma y realidad social

RESUMEN

La organización del deporte asociativo en Francia ha pasado de una autogestiónde parte de los mismos practicantes a una institucionalización de las agrupacionesdeportivas con proyectos deportivos y asociativos que remiten actualmente a unagran diversidad de objetivos. Tras la aparente homogeneidad del espacio deportivoasociativo se desprenden singularidades, no solamente deportivas y estructuralessino también políticas y éticas.

Es a partir del conocimiento conjunto de los principios que regulan losdistintos mundos de la asociación deportiva y de los desafíos sociales que hacen« correr » los dirigentes voluntarios que se puede finalmente comprender mejorla opinión de los protagonistas comprometidos en este « espacio del desinterés ».La educación por medio del deporte y el encuadramiento de la juventud constituyentemas que dividen a los voluntarios deportivos alrededor del papel educativo deldeporte asociativo.


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