Les vins d’Ile-de-France et Oise au banc d’essai :
les deux coups de coeur de notre jury
>Culture & Loisirs>Sortir en région parisienne|Grégory Plouviez|16 septembre 2018, 19h19|MAJ : 16 septembre 2018, 19h50|0
Le concours des vins d’Ile-de-France et de l’Oise organisé par le Parisien a livré son verdict. Soumis au jugement avisé d’un jury de professionnels et d’amateurs avisés, les vins de Suresnes et Saint-Prix ont conquis leur palais. La dégustation à l’aveugle a débuté à l’heure du café, s’est terminée à celle de l’apéritif. Entre les deux
ont défilé quatorze nectars d’Ile-de-France et de l’Oise passés au crible de notre jury. La méthodologie
de l’opération organisée à la Cantine du Troquet, la table bistronomique de Christian Etchebest à
Dupleix (XVe) ? Tout ce qu’il y a de plus professionnel. Installés en fond de salle, nos cinq jurés (une
sommelière, une œnologue, un journaliste dégustateur et deux abonnés du Parisien) ont jaugé les
couleurs, humé les odeurs, évalué en bouche les rondeurs. Et noté consciencieusement leurs ressentis.
Désigner le meilleur vin de la région parisienne ? L’entreprise n’est pas banale et éveille autant
d’excitation que d’appréhensions chez notre quintet. On pourra dire « On y était », s’amuse Caroline
Furstoss, sommelière.
Les verres tournoient, les breuvages défilent… Chaussette chevillée au corps pour éviter d’être reconnue, la première bouteille entre en scène. On
commence par les blancs, majoritaires dans notre sélection. Une teinte « pâle », des notes de « citron
vert ». Plus tard, on croisera dans les conversations du pamplemousse, de la pomme (« attention, ce
n’est pas un compliment », avertit Myriam Huet, l’œnologue), des fruits mûrs…
Les silences sont studieux. Les froncements de sourcils évocateurs. Les verres tournoient, les
breuvages défilent dans un rythme scandé par le passage du métro aérien, tout proche. Dans les
verres, cinquante (ou presque) nuances de blancs, de la pâleur pastel aux reflets dorés. Un petit coup
d’eau (« j’ai bu deux litres », confiera Christian Swat, un juré lecteur) en guise d’ardoise magique entre
deux crus et hop, ça repart.
Sourires unanimes sur la cinquième bouteille : un premier vin (qui s’avérera être celui de Suresnes)
fait l’unanimité. « Je suis scotchée », murmure Myriam. « Je n’ai pas les mots de spécialistes pour le
dire, mais il sort vraiment du lot », acquiesce Robert Marty, le deuxième juré lecteur.
Paris, le 5 septembre. Le jury en plein travail./LP/ Jean-Baptiste Quentin
Fabriqués par des pros, semi-pros ou amateurs avertis Il y a des hauts… et des bas. « Sentez, c’est chimique », lance Robert après le sixième verre. Reviennent
alors en tête les indications en préambule de Mathieu Janin, journaliste du Parisien à l’initiative de ce
concours : « Ces vins ont des profils variés, ils sont fabriqués par des pros, des semi-pros ou par des
amateurs avertis. La plupart travaillent avec des œnologues, mais pas tous. Il faut que vous ayez en
tête que vous n’allez pas déguster de grands crus classés ».
De la dégustation fusent quelques appréciations techniques : « Il doit y avoir un élevage sur lie sur
celui-là, il a plus de consistance, de gras », éclaire Alexis Goujard, journaliste dégustateur à la « Revue
du Vin de France », partenaire de l’opération.
10h40, c’est parti pour les rouges. Ils sont moins nombreux mais très vite, là aussi, une bouteille
emporte tous les suffrages. Un vin (made in Saint-Prix apprendront les jurés) qui rappelle certains
coteaux champenois. « On dirait du bouzy », applaudit Robert. Nos jurés ont trouvé leur deuxième
coup de cœur.
Le deux lauréats choisis par le jury
Le vin blanc de Suresnes et le vin des Coteaux de Saint-Prix (à gauche) sont les deux vins à avoir été
sélectionnés par notre jury. /LP/Delphine Goldsztejn
Saint-Prix, un vin rouge« canaille parisien ». Ils étaient moins nombreux sur la ligne de départ côté
vins rouges d’Ile-de-France. Mais Saint-Prix (Val-d’Oise) n’a pas à rougir : le coup de coeur de nos
jurés adressé à sa cuvée 2016 100 % pinot noir est bien au niveau de son homologue blanc. « Il a une
robe rose déjà tuilée, des notes grillées, un côté fruit cuit, détaille Myriam Huet, l’œnologue. C’est
souple, léger, fondu. Facile à boire. » « Un rouge léger que l’on peut apprécier frais, presque comme un
rosé », éclaire Caroline Furstoss, sommelière. « Un bon vin de soif », résume Alexis Goujard,
journaliste dégustateur à la « Revue du Vin de France ». Un breuvage presque « tendance ». « On
retrouve de plus en plus de vins comme ça dans les bistrots à Paris », ajoute Alexis Goujard. « Oui, il a
un côté canaille parisien », note Carole Furstoss. « On retrouve le côté champenois, j’aime bien »,
applaudit Robert Marty, juré lecteur. « Je le boirais plus dans un esprit de vin rosé, pourquoi pas sur
une grillade », complète Christian Swat, l’autre abonné du Parisien figurant dans notre jury.
Le vignoble de Suresnes produit 4000 bouteilles par an. Depuis les rangs de vignes, la vue sur Paris./LP/
Jean Nicholas Guillo
Suresnes, un vin blanc « droit et charmeur ». Sur le papier, c’était le favori. Le seul vin francilien
véritablement commercialisé. Encore fallait-il passer l’épreuve de la dégustation à l’aveugle et séduire
pros comme amateurs éclairés. Carton plein pour la cuvée 2016 de Suresnes, un blanc composé de 85
% de chardonnay et 15 % de sauvignon. « On sent vraiment le fruit, il a un côté un peu granuleux qui
lui donne un goût de reviens-y, applaudit Myriam Huet, l’œnologue de notre jury. Droit et charmeur. »
Avec quoi le boire ? « En début de repas, avec un carpaccio de poisson ou un cocktail de crevettes »,
propose Caroline Furstoss, jurée sommelière, qui souligne « l’équilibre général » de cette cuvée. «
Durant la dégustation, c’est le seul où j’ai simplement mis bon sur ma fiche d’appréciation, sourit
Christian Swat, un juré abonné au Parisien. C’est un vin que je pourrai acheter. » « Je le boirai
volontiers sur des fruits de mer », appuie Robert Marty, le deuxième juré lecteur.
Ce que pense le jury des autres vins
Notre bouteille Cuvée des Jumelages 2016
Les douze autres cuvées d’Ile-de-France et Oise ont été testées par notre jury./LP/Jean-Baptiste Quentin
Le jugement des autres vins par nos jurés professionnels : Myriam Huet, l’œnologue, Caroline
Furstoss, sommelière et Alexis Goujard, journaliste dégustateur à la « Revue du Vin de France ».
Rueil 2017 (sauvignon). « Nez aromatique mais monolithique, avec une dose de soufre très haute »,
confie Caroline Furstoss. « On a un peu de pamplemousse, note Myriam Huet. C’est correct. Pour moi,
ça mérite la moyenne. » « On ne retrouve pas l’identité du cépage », estime Alexis Goujard.
Bagneux 2017 (sauvignon, sémillon). Des « arômes miellés », notent en chœur Caroline et Alexis. «
Le nez manque de netteté », ajoute la première. « Note finale sèche et dure. Très marqué par le soufre
», complète le deuxième. « Très citron vert en bouche », estime Myriam.
Sucy en Brie 2017 (sauvignon, sémilllon). Couleur « paille » tirant sur « l’or », pointe Myriam. « Au
nez, on retrouve des notes fruits blancs caractéristiques du sémillon, un peu brioché, confituré »,
ajoute-t-elle. « Note de pomme au four qui traduit une touche d’oxydation, précise Alexis. Court, mais
gourmand. » « Acidité prononcée qui a du mal à s’intégrer », avertit Caroline.
Combs-la-Ville 2017 (sauvignon, chardonnay, sémillon). « Le nez est charmeur avec des notes
exotiques, pomme cuite et céréales, note Caroline. Mais dommage, la bouche stoppe net cet élan, avec
un déséquilibre sur l’acidité. La finale est asséchante ». « Pas de gourmandise », estime Alexis.
Nogent sur Marne 2017 (chardonnay, riesling). Tiens, une couleur déjà dorée. « Un peu tôt pour un
2017 », décrypte Alexis. « Oxydation au nez, ajoute-t-il. Dommage car il a plus de chair en bouche ». «
La bouche est fluette, basée sur une acidité mordante », estime Caroline. « Nez pas net », tranche
Myriam.
Clairoix 2017 (chardonnay). « Une forte odeur de lie se dégage au nez, avec un caractère alcooleux »,
décrit Caroline. « Sulfité et pas mûr, selon Alexis. On sent beaucoup de pomme au nez ! »
Yerres 2017 (chardonnay). Visuellement, Myriam pointe un « jaune soutenu ». « Le premier nez
paraît plus mûr que la moyenne, estime Alexis. On retrouve cette matière dans une bouche acidulée
mais de bonne consistance. » Niveau odeurs, ça « rappelle la cire et les fruits cuits », ajoute Caroline
qui pointe une « acidité décapante ».
Rosny 2016 (sauvignon). « Pas de défaut flagrant mais manque de maturité, selon Myriam. Avec
moins de soufre, ce serait bien. » « L’œuf dur domine le nez. Bouche serrée. Mais c’est un endroit où il
y a moyen de faire quelque chose », estime Alexis.
Issy 2016 (chardonnay, pinot beurot). « Le vin a du mal à s’ouvrir mais on trouve plus de volume
que la plupart des vins précédents », commente Caroline. « C’est droit… mais mou », estime Myriam. «
Il faut lui laisser de l’air mais il ne rougira pas à table avec un beau poisson », applaudit Alexis.
Sannois 2017 (pinot gris vendanges tardives). « Un vin axé sur le fruit, agréable, note Caroline.
Avec une légère sucrosité qui est bien intégrée. » « Sulfites à plein nez », tempère Alexis. Pour Myriam,
« le fruit n’est pas très précis, entre poire et fruits et blancs. Mais c’est correct. »
Paris 2017 (gamay, pinot noir, divers). « Expressif, croquant, pas d’une grande matière mais le vin
est honnête », tranche Alexis. Myriam souligne le « rubis violine brillant très joli » de sa robe. « Des
notes de fruits rouges, un nez agréable, pointe Caroline. Un vin gouleyant mais avec une acidité
marquée. »
Le Pecq Saint-Germain 2016 (pinot noir). « Le vin paraît déjà évolué au nez, débusque Caroline. En
bouche, l’alcool l’emporte avec une impression asséchante. » Myriam le trouve « intéressant », mais «
dommage que la note finale soit amère ».
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.
On a gouté les vins d'Ile-de-France
UN JURY DE PROS ET DE LECTEURS (TRÈS) POINTUS Pour certains viticulteurs, c’était la condition pour participer à notre concours : être jugés par des
professionnels. Ça tombe bien, leur exigence était aussi la nôtre.
Sommelière, œnologue et dégustateur. Pour déterminer quels étaient les deux meilleurs vins d’Ile-de-
France, nous avons, en collaboration avec « la Revue du vin de France », réuni trois professionnels
reconnus. Se sont donc retrouvés Caroline Furstoss, ancienne chef sommelière de Jean-François Piège
et fondatrice de sommelierparticulier.com ; Myriam Huet, œnologue qui travaille pour la maison
Richard et auteur du livre « Le vin pour tous » (Dunod) ; Alexis Goujard, journaliste dégustateur à « la
Revue du vin de France ». Robert Marty et Christian Swat, deux de nos fidèles lecteurs, choisis sur
concours, complètent le jury.
Paris XVe, le 5 septembre. Le jury de notre concours : Alexis Goujard, Caroline Furstoss, Robert Marty,
Myriam Huet, Christian Swat (de gauche à droite)./LP/ Jean-Baptiste Quentin
14 vins… sur des dizaines de producteurs. La sélection que nous avons effectuée peut sembler rude.
Nous n’avions qu’un critère subjectif : présenter au moins un vin par département, Ile-de-France et
Oise. Cette liste paraîtra injuste à certains, convaincus de faire mieux que leur voisin, ce qui est peut-
être vrai. Il n’empêche : variété des cépages, blancs, rouges, secs et moelleux, amateurs et pros réunis,
elle reflète la diversité de la production de la région.
M.J