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Le mardi 14 septembre 2010 - Volume 100 Numéro 2, le seul journal francophone de l’Université McGill.

le délitArch Café à sa dernière goutte? > 3 & 10

Projet de loi 103 version 2.0 > 6M. Muscles: Cachez ces capsules que je ne saurais voir! > 8-9

Entrevue: Patrice Dubois sur Abraham Lincoln et la schizophrénie > 13

Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill.

Manque de café depuis 1977.

CHINATOWN: irrésistiblement pop!

Entrevue en page 11

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Arch salon d’étudeAu retour de la fête du Travail, une mauvaise nouvelle attendait les amoureux du Arch Café.

CAMPUS

Alors que la vie étudiante reprend son cours sur le campus, les portes du lé-

gendaire Architecture Café reste-ront verrouillées. L’administration mcgilloise a décidé de fermer le dernier établissement géré par des étudiants. Pour ceux qui n’ont pas eu la chance de connaître le «Arch Café», c’était l’endroit où les étudiants de toutes les facultés pouvaient aller prendre un repas ou un café équitable à un prix rai-sonnable. Le café, dirigé par l’As-sociation des étudiants d’archi-tecture (ASA) depuis 1993, était le dernier survivant d’une vague de fermetures des établissements étudiants sur le campus.

Il y a trois ans, McGill avait aussi essayé de fermer l’Arch Café, mais sa tentative avait échoué devant la résistance massive des étudiants. Cet incident ne fut pas sans conséquences: depuis ce temps, l’université obligeait l’ASA à laisser l’administration finan-cière entre ses mains. Toutefois, selon Katherine Messina, ancien-ne présidente de l’ASA, même si McGill les obligeait à passer éco-nomiquement «sous l’aile de Food Services», le café retenait le droit de choisir leurs fournisseurs, ainsi que les prix de la marchandise.

Changement de capMalgré cette entente, au mois

de mai passé, l’administration fit part à l’ASA de leur intention de ne pas rouvrir le café à la rentrée. Le premier vice-principal exécu-tif adjoint aux études et à la vie étudiante, Morton J. Mendelson,

dans une entrevue accor-dée au McGill Reporter, a donné deux raisons à la fermeture du café. D’après lui, «l’École d’Ar-chitecture et la Faculté d’Ingénie-rie ont besoin d’espace pour des salles d’études», et les pertes fi-nancières constantes du café font que cet endroit «ne pourra pro-bablement jamais être financiè-rement viable». Cependant, en ce qui concerne la raison monétaire, selon Messina rien ne prouve que les pertes financières du café fus-sent si graves. «Personne ne nous a jamais montré de chiffres», dit-elle, «on ne pouvait pas voir les read-outs de la caisse enregis-treuse. Pendant trois ans, on leur a demandé plus de transparence, on nous a toujours dit non!»

Pied ferme, pied dans la porte Il semblerait que l’université

essaye de se maintenir ferme par rapport à cette décision, prise unilatéralement. Lors d’une réu-nion convoquée pour débattre du futur du café, la coalition étu-diante, composée des exécutifs de l’AÉUM, du EUS et du ASA, s’est retrouvée devant la vo-lonté de fer de l’administration. D’après Messina, à la réunion, les membres de l’administration «n’étaient vraiment ouverts à aucun débat». En effet, la coali-tion étudiante déçue de l’attitude de McGill a même déclaré dans

un mémorandum: «Nous som-mes frustrés par le manque de consultation des étudiants lors de la prise de décision concernant la transformation du Architecture Café.»

La ripostePrésentement, les mem-

bres de l’Association étudiante de l’Université McGill, des étu-diants en ingénierie et celle des étudiants en architecture se pré-parent à présenter le cas devant le Sénat de l’université qui aura lieu le 22 Septembre. Messina déclare aussi qu’un sondage auprès des

étudiants d’Architecture sera fait pour voir s’ils donnent leur appui afin que l’Architecture Café ne soit pas converti dans une autre simple salle d’études.

D’autres initiatives se for-ment graduellement afin d’es-sayer de sauver le café, plusieurs personnes, de toutes les facultés, ont même essayé de contacter Messina afin d’initier une cam-pagne de protestation. Toutefois, pour l’instant, le meilleur point de rassemblement semble être le groupe Facebook «Save The Architecture Café 2010». x

Andrea SaavedraLe Délit

Cyber-effort étudiant spontané : une pétition sur facebook.Hannah Palmer / Le Délit

«Personne ne nous a ja-mais montré de chiffres.»

«Nous sommes frustrés par le manque de consul-tation des étudiants lors de la prise de décision concernant la transfor-mation du Architecture Café.»

Le G6 réouvrira-t-il ses portes dans les prochaines semaines?Hannah Palmer / Le Délit

Le premier vice-principal exécutif adjoint aux études et à

la vie étudiante, Morton J. Mendelson, explique au Délit

les raisons pour lesquelles l’administration choisit de

fermer le Architecture Café.

MORTON J. MENDELSONSur la viabilité financière

La raison principale pour laquelle nous avons décidé de fermer le café, c’est parce qu’il n’est pas viable financièrement. Si on ne prend en compte que les opérations quotidiennes, le café est rentable, il a amas-sé des profits de quelques milliers de dollars dans les années passées. Toutefois, il y a une panoplie de coûts indirects qui ne sont pas comp-tabilisés et qui dépassent de loin les revenus.

Par exemple, il faut prendre en compte les coûts liés aux ressources humaines, au paiement des salaires, à la consommation d’électricité, à l’entretien de l’espace, etc. Tous ces coûts sont présentement assumés par l’université.

Sur l’accès aux données financièresJe ne peux pas vous fournir les rapports financiers du café car ils ne

sont pas encore disponibles. Nous devons répartir les coûts généraux, qui touchent tous les services alimentaires, entre chacun des points de services. Nous n’avons pas terminé de comptabiliser ces données. Elles devraient être disponibles d’ici la semaine prochaine.

Sur la gestion par des étudiantsLa façon dont le Architecture Café est géré actuellement n’est pas

viable. Il y a beaucoup d’employés à temps partiel et la gestion est très coûteuse. Je l’ai déjà déclaré dans les médias: avant 2007, quand le café est rentré sous l’égide des services alimentaires de McGill, il était géré comme un comptoir de limonade au coin de la rue! Nous espérions le rendre plus viable en rationalisant la gestion, mais ça n’a pas fonc-tionné.

Sur le manque d’espace de travail pour les étudiantsLa décision de transformer le local occupé par le café en espace de

travail pour les étudiants d’architecture ne vient pas de nous, mais de la Faculté de génie. L’utilisation de l’espace est de leur ressort. x

Propos recueillis et traduits par Stéphanie Dufresne.

3Nouvellesxle délit · le mardi 14 septembre 2010 · delitfrancais.com

RÉPONSES DE L’ÉQUIPE ADVERSE

La rumeur court...Ce matin à 10h30, Zach Newburgh, président de l’AÉUM, a envoyé à Monsieur Mendelson un mémo-

randum relatant que la majorité des étudiants en architecture s’opposait à la fermeture du café. Cette affir-mation était accompagnée de chiffres significatifs: 80% des étudiants de premier cycle dont trente étudiants du deuxième rejettent la reconversion de l’espace en salle d’étude. Newburgh relate que dans une rencontre avec ce dernier et Joshua Abaki, vice-président affaires universitaires, durant laquelle «ils firent un discours passioné pour la réouverture du café, Morton J. Mendelson aurait «personellement dit [aux deux exécutifs] qu’il reconsidérait sa décision, sans toutefois donner de détail ni avancer une date». Pourtant, dans une en-trevue avec le McGill Tribune et ensuite Le Délit, ayant toutes deux eu lieu ce matin, il n’a «non seulement pas fait mention de ce changement de position mais l’a aussi nié», dit Newburgh.

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4 Nouvelles xle délit · le mardi 14 septembre 2010 · delitfrancais.com

Sécurité sur le campusL’abécédaire du changement de main dans la sous-traitance des services de sécurité à McGill.

CAMPUS

Le bureau canadien d’in-vestigation et d’ajustement (BCIA) était, jusqu’à tout

récemment, l’agence en charge de la sécurité sur le campus de l’Uni-versité McGill. Cette importante agence avait remporté l’appel d’of-fres quelques années auparavant et s’est vu confié cette tâche colossale jusqu’en 2012. Pourtant, l’entente des services de sécurité de l’uni-versité avec BCIA s’est écourtée abruptement en mai dernier.

Les derniers mois d’avril et de mai ont été très difficiles pour cet-te firme. Elle a dû jongler avec des investissements de quatre Fonds d’intervention economiques ré-gionaux (FIER) autorisés par Investissement Québec dans ses fi-nances. BCIA a aussi été éclabous-sée par les relations entretenues de son directeur, Luigi Coretti avec l’ex-ministre libéral Tony Tomassi. Cependant, en entrevue avec Le Délit, le directeur associé des ser-vices de sécurité de McGill, Pierre Barbarie soutient que la rupture

de contrat avec BCIA n’était pas lié aux allégations faites contre l’entreprise.

Après s’être placé sous la Loi sur la protection des créanciers, le 30 avril 2010, BCIA n’a su attirer des créanciers prêts à relancer la compagnie. Aucune proposition concordataire ne fut mise sur la table, et BCIA a failli le 27 mai. Le personnel qui était affecté à la sé-curité et à la gestion du territoire de l’université était directement affecté: salaires impayés, commu-nication manquante avec leur em-ployeur, entre autres. Comme le laisse entendre Monsieur Barbarie, la fin du contrat «concorde avec la faillite de BCIA. Nous avions plu-sieurs problèmes avec eux, notam-ment des services non rendus».

À la lumière de ces éléments, l’Université McGill a décidé de confier le mandat à la firme sué-doise Securitas. Selon le direc-teur de la sécurité, le changement s’est effectué avant la déclaration officielle de faillite de BCIA, soit le 12 mai 2010. Il témoigne que l’université n’a pas été très af-fectée par ce changement. «Les contractuels affectés à la sécurité

du campus du centre-ville nous sont restés loyaux, comme au mo-ment des problèmes de paiement sous BCIA.» La plupart des agents ont en effet gardé leur emploi, ce ne sont que l’employeur et l’uni-

forme qui ont changés. De plus, McGill ne semble pas figurer sur la lourde liste des créanciers qui attendent leur tour de compen-sation par le syndic de faillite. Monsieur Barbarie maintient que

l’université n’a enregistré aucune perte dans cette affaire: «on payait les factures seulement une fois le service rendu». De manière gé-nérale, les gardiens ont accueilli favorablement ce changement d’employeur et étaient ravis de garder leur emploi, en partie parce qu’ils ont été spécialement formés pour travailler sur le site de l’université.

L’Université McGill n’est pas la seule à avoir subi les contre-coups de cette faillite. L’Agence métropolitaine de transport, la Société des alcools du Québec, la Commission scolaire de Montréal et le Service de police de la Ville de Montréal comptaient égale-ment parmi les clients de BCIA.

Securitas compte plus de 260 000 employés à travers le monde et 150 ans d’expérience. Espérons qu’elle sera plus à même de sur-monter les obstacles. x

Francis L. RacineEmma Ailinn HautecoeurLe Délit

«Business as usual» aux services de sécurité.Hannah Palmer / Le Délit

Semaine de la sécurité de l’Université McGillOù: Campus du centre-ville.Quand: Du 13 au 17 septembre.www.mcgill.ca/safety/safety_week/events

5Nouvellesxle délit · le mardi 14 septembre 2010 · delitfrancais.com

Les audiences publiques de la commission sur le droit de mourir dans la dignité,

présidée par Monsieur Geoffrey Kelley, député de Jacques-Cartier, sont présentement en-clenchées; neuf députés ont ain-si pour mandat d’examiner cette question délicate. Comme M. Kelley l’a rappelé lors du point de presse, il s’agit d’une démar-che qui n’est associée à aucun parti politique en particulier et qui cherche à entendre les ci-toyens sur les thèmes de l’eutha-nasie, du suicide assisté et des soins palliatifs, dont les aspects légaux et moraux sont de plus en plus débattus dans la province et ailleurs dans le pays.

Le processus s’inscrit dans l’esprit d’une résolution ayant été adoptée à l’unanimité le 4 décembre 2009 par l’Assem-blée nationale, visant la mise sur pied de la commission spéciale chargée d’étudier des questions concernant la fin de la vie. Ce su-jet est donc passé sous la loupe des citoyens du 7 au 10 septem-bre à Montréal, et va se dépla-cer dans sept villes du Québec, choisies par les membres de la commission de façon à couvrir le plus de régions possibles.

Prises de positionsLe sujet sème la polémique au

sein de divers représentants de la société civile. L’Association qué-bécoise pour le droit de mourir dans la dignité milite en faveur du respect de la volonté personnelle. Pour eux, les choix se rapportant à la fin de la vie devraient rester à la discrétion de l’individu, en accord avec son propre sentiment vis-à-vis de sa qualité d’existence en tant que malade.

Le Collège des médecins du Québec présente quant à lui une vision orientée vers les soins pro-mulgués aux patients qui font face à une situation d’incurabilité. Comme le Collège le laisse enten-dre dans le mémoire qu’il a dépo-sé à la Commission, la légalisation de l’euthanasie serait un moyen de «laisser les patients à eux-mê-mes sous prétexte de respecter leur autonomie». Il se prononce donc en faveur d’une refonte du débat vers les soins qui peuvent être apportés aux patients en fin de vie.

Une question éthique Cette question comporte

de façon inhérente un caractère philosophique, ce que défend Margaret Somerville, professeure de droit et de médecine à McGill. Elle croit notamment que «l’aide au suicide peut affecter défavora-

blement nos jugements éthiques entourant la mort». La question de l’euthanasie en soi ne se limite pas à la légitimité de la fin de la souffrance physique. Il faut, selon elle, se demander si le bien-fondé du droit à la mort peut s’étendre dans le cas où une personne sou-haite mettre fin à ses jours, mais pour des raisons autres que celles des limites de la médecine. Il s’agit de définir l’euthanasie, mais aussi d’autres concept-clés y étant re-liés, telle que la dignité humaine. Cette dernière était une notion ne pouvant se dissocier du respect de la vie humaine qui, pour Mme Somerville implique «la valeur de l’humanité dans son ensemble».

Avec plus de 200 mémoires qui seront envoyés à la Commission, force est de constater que cette question polymorphe suscitera l’intérêt de la population québé-coise. Ce sera à la Commission de trancher face aux dissensions ßrencontrées: la conclusion qui sera tirée des audiences publiques pourrait éventuellement mener à la mise en œuvre d’un projet de loi. Dans tous les cas, le Québec devra se limiter à la prescription de comportement pour les méde-cins, la légalisation de l’euthana-sie relèvant d’un changement au code criminel et donc du gouver-nement fédéral. x

Le droit à la dignitéLes audiences publiques appellent dès maintenant aux jugements moraux et aux débats législatifs des Montréalais sur le droit de mourir ou de vivre dans la dignité.

POLITIQUE PROVINCIALE

Marie-France Barrette Le Délit

Depuis le DéBut Des années 2000, la tendance à adop-ter des habitudes plus vertes et plus respectueuses de l’environ-nement s’est doucement enraci-née dans les mœurs. Désormais, environnement et développement durable doivent rimer avec déve-loppement économique.

Depuis les années 2000, les environnementalistes ont une tri-bune plus grande qu’elle ne l’était par le passé. Ils sortent massive-ment, ils font des coups spec-taculaires à la «Greenpeace vs. le Japon», ils envoient des messages de bienfaisance qu’on pourrait presque prendre pour de la pro-pagande verte.

Depuis les années 2000, la guerre est ouverte! Et comme toute bonne guerre, la machine à propagande roule à plein régime pour que la population ait peur d’elle-même, que l’ennemi soit de l’intérieur, pour qu’elle participe à l’effort de guerre contre les gaz à effet de serre.

Depuis les années 2000, une chasse aux sorcières est lancée contre tout ce qui peut paraî-tre «néfaste à l’environnement». Pétrole, dehors! Voiture, dehors! Hydraulique, ici! Bixi, ici!

Depuis les années 2000 au Québec, la population a elle aussi, dans sa mouvance morale, emboîté le pas pour un environ-nement plus sain pour les futures générations, et ce, en diabolisant les industries n’étant pas-éco-nomiquement-viable-durable-et-environnementalistement-ap-prouvées!

Depuis 2010, un nouvel en-nemi s’est infiltré en sol québé-cois. Les milices vertes sont aux aguets! Les environnementalistes sont prêts à lancer leur propagan-de une fois de plus pour gagner la guerre! Le nouvel ennemi se nomme: gaz de schiste (cri d’hor-reur)!

Mais pourquoi une telle at-taque et cette hystérie généralisée autour de plusieurs projets de gaz naturel?

Attention chers concitoyens environnementalistes, «granos»

ou admirateurs du feu-Architec-ture-café ceci va offenser votre égo vert de Bixi-people. En parlant de Bixi, The Gazette soutient que son «green effect was grossly exa-gerated», car 86% des déplace-ments en Bixi remplacent la mar-che, le vélo personnel, l’autobus ou le métro.

Revenons à nos moutons. Alors Bixi-people préparez-vous à saigner des yeux. Les gens sont devenus conditionnés à penser que tout doit être vert au profit du développement économique et de la redistribution de la ri-chesse. On a vu les boucliers se dresser contre l’exploitation des gaz de schiste quand les gens se questionnent encore : les gaz de quoi? Simplement parce qu’il y a le mot gaz, alors là «OMG» (pour reprendre une expression de ces chères torontoises). La société ci-vile se bat contre le projet comme un diable dans l’eau bénite. On pense que les gaz de schiste vont prendre le contrôle du monde, du Québec. On demande un moratoire! Un mort à quoi? Un MORATOIRE! Pourquoi faut-il que le Québec se développe à coup de moratoire, de suspension et d’applaventrisme?

Pour calmer les esprits échauffés, le gouvernement du Quebec a annoncé que l’exploita-tion des gaz de schiste serait éva-luée par le BAPE avant toute ex-ploitation pour ne pas répéter les erreurs de la Pennsylvanie: bonne décision! Serait-ce un nouveau «Maître chez soi» grâce aux gaz naturels? Pourquoi pas.

Depuis les années 2000, les environnementalistes ne sont plus les mêmes. Ils sont des beaux diplômés en marketing ou en re-lations publiques, car si on de-mande, désormais, un moratoire sur le gaz de schiste, eh bien qu’en est-il du biogaz? On le vénère et on en veut dans sa cour… mais c’est du gaz! x

Vous adorez l’ère de la propa-gande environnementale?Écrivez vos commentaires à [email protected]

Le franc-parleurFrancis L. Racine

Gaz de quoi?CHRONIQUE

«Et comme toute bonne guerre, la machine à propagande roule à plein régime pour que la population ait peur d’el-le-même, que l’ennemi soit de l’intérieur, pour qu’elle participe à l’effort de guerre contre les gaz à effet de serre.»

Voir la lumière au bout du tunnel est-elle un droit ? George Diebold

Vous [email protected]

La commission parlementai-re sur la culture et l’édßu-cation vient tout juste

d’amorcer l’étude du projet de loi 103 qu’un bras de fer entre le gouvernement du Québec et l’op-position populaire devient inévi-table. Ce projet de loi a été adopté au principe lors de la dernière ses-sion parlementaire par 65 voix en faveur et 45 voix en défaveur en juin dernier.

Rappelons que le projet de loi 103 se veut une version ré-visée de la loi 104 adoptée en 2002 par le gouvernement du Parti québécois pour colma-ter une brèche dans la loi 101 concernant les écoles passerelles. Il s’agit d’écoles anglophones non-subventionnées par le gou-vernement du Québec à l’inté-rieur desquelles certains parents non-anglophones envoient leurs enfants qui après un an d’étude, ont le droit d’entrer dans les écoles anglophones publiques et subventionnées. La loi 104 avait pour but de pallier cette fai-blesse, mais la Cour Suprême a statué en octobre 2009 que cer-tains articles étaient anticonsti-tutionnels, établissant ainsi un moratoire d’un an, le temps que le Gouvernement du Québec réajuste ses voiles et propose un nouveau projet de loi.

Le 2 juin dernier, le projet

de loi 103 a été présenté par la ministre responsable de l’appli-cation de la Charte de la langue française, Mme Christine St-Pierre. Le projet de loi 103 vise à remédier au flou légal laissé par la suspension de la loi 104 en apportant, entre autre, «di-verses modifications à la Charte de la langue française. En ma-tière de langue d’enseignement, il permet au gouvernement de déterminer [qui recevra] un en-seignement en anglais financé par l’État. Le projet de loi revoit aussi certaines dispositions pé-nales, notamment en haussant le montant des amendes aux contrevenants. De plus, face au problème des écoles dites «pas-serelles», il prévoit une nouvelle infraction pour prévenir la mise en place ou l’exploitation d’un établissement […]. De plus, ce projet de loi modifie la Charte des droits et libertés de la per-sonne pour y consacrer l’im-portance du français, la langue officielle du Québec.» Le projet de loi 103 permettra ainsi au Gouvernement du Québec de résoudre le problème rencontré par les écoles «passerelles».

Depuis le dépôt de ce projet de loi, l’opposition populaire et politique se manifeste de plus en plus dans les médias. Ainsi, deux jours avant le début des travaux de la commission parlementaire qui étudiera le projet de loi, la Coalition contre le projet de loi

103 s’est manifesté. La coali-tion représente les mouvements souverainistes francophones du Québec (PQ, BQ, QS) ainsi que des syndicats, des organismes de protection de la langue fran-çaise. Le président de cette coa-lition, Mario Beaulieu, a affirmé que Mme St-Pierre «pouvait prendre une décision courageu-se, soit celle d’assujettir les éco-les privées non subventionnées à la Loi 101. Elle a plutôt fait le choix d’élaborer de nouvelles règles pour évaluer une deman-de d’admissibilité à recevoir un enseignement en anglais dans une école financée par l’État. La coalition considère que c’est une décision inadmissible.» Les membres de la coalition deman-de notamment que Québec uti-lise la clause nonobstant (art. 33 de la Charte des droits et liber-tés) pour outrepasser le droit des non-anglophones à fréquenter l’école anglophone. La ministre a réagi à ces propos en refusant catégoriquement de suspendre des «droits fondamentaux des Canadiens et des Québécois» en évoquant la clause nonobstant dans le projet de loi.

Ainsi, le gouvernement libé-ral devra faire face à un autom-ne chaud avec les protestations de la coalition. Fait intéressant, le Parti québécois , membre de la coalition opposée au projet, était au pouvoir en 2002 lors-que la loi 104 a été adopté, et

ce, sans qu’il n’utilise la clause nonobstant. Le projet de loi 103 est le projet de la dernière chance pour protéger la langue française sans bafouer les droits

protégés par la Charte des droits et libertés. x

6 Nouvelles xle délit · le mardi 14 septembre 2010 · delitfrancais.com

Le projet de la dernière chanceÀ la suite de la suspension de la loi 104 en Cour Suprême , le gouvernement provincial revient à la charge avec le projet de loi 103 sur les écoles «passerelles»

POLITIQUE PROVINCIALE

Francis L. RacineLe Délit

Vous souVenez-Vous lorsque vos parents vous ont en-seigné à traverser la rue? Il fallait regarder à gauche et à droite pour voir les dangers. Avec le temps, nous avons cessé de le faire. Or, ici, les dangers ne viennent pas de la route et la potentielle victime n’est pas nous. C’est de la liberté d’expression dont il est question

et pourtant, il faut encore regar-der à gauche et à droite.

Jetons un regard vers la gauche. Celle-ci se targue d’être la porteuse du flambeau de la justice sociale, de l’éga-lité et de la vraie liberté face à ceux qui détiennent le pou-voir. Son idéal Robin des Bois se drape souvent de supériorité

morale et de vertu, et ce, à un tel point qu’il accepte diffici-lement d’être remis en doute. Ceux qui oseront le critiquer seront taxés de nombreuses épithètes visant à les discrédi-ter et à les considérer comme des bigots. Certains subiront même la censure étatique puisqu’ils contreviennent au fantasme multiculturel créé par les mouvements de gauche des dernières décennies. La liberté d’expression n’est pas au-dessus de tout. Le procès du politicien critique de l’Is-lam Geert Wilders au Pays-Bas, les poursuites intentées contre le MacLean’s et Ezra Levant au Canada pour islamophobie, le renvoi de Nigel Hastilow pour avoir dit que Enoch Powell avait raison, l’accusation grossière de xénophobie que Lysianne Gagnon de «a proféré envers les défenseurs de la laïcité sont des exemples clairs de censure sociale et étatique envers des gens contrevenant à la norme établie.

Regardons maintenant à droite. Il semblerait que les politiciens de cette branche idéologique aient horreur de la critique à leur égard. Leur censure s’exprime surtout lorsqu’ils sont mis en cause directement. L’attitude obscu-rantiste de Stephen Harper en-vers les journalistes, la tentati-ve d’interdiction d’une poupée vaudou à l’effigie de Nicolas Sarkozy par le principal inté-ressé, la concentration des mé-dias par Silvio Berlusconi ainsi que la tentative de certains te-nants de la droite américaine de faire taire Paul Krugman après la deuxième élection de Bush démontre un mépris latent du droit d’autrui à la critique. Si la gauche ne tolère guère que l’on critique son idéal, la droite ne supporte pas que l’on atta-que ses représentants.

Des deux menaces, une est bien pire. Soumettre la li-berté d’expression à un idéal est suicidaire. Les idées sont plus permanentes, elles survi-

vent aux hommes qui les ont imaginées et propagées. Le capitalisme a survécu à Adam Smith et la psychanalyse, à Freud. Les idées et les idéaux ne meurent pas si simplement. Les individus oui. Soumettre la liberté d’expression à un idéal, c’est accepter sa mort au nom d’une vérité sclérosée. Si elle est soumise aux caprices d’un individu, il y a toujours l’espoir de voir ce dernier partir avec ses méthodes obscurantistes. À court terme, la droite sem-ble toujours plus menaçante, puisqu’on en voit les effets. Or, la gauche, à long terme, est la vraie menace puisqu’elle consi-dère qu’une vérité doit être mise en place et devient ainsi immuable. Or, aucune vérité ne l’est. N’acceptons pas l’inertie intellectuelle. Critiquons. x

Ne vous laissez pas tenter par la censure. Envoyez vos articles à nouvelles@delit-français.com

ATTENTION, CHRONIQUE DE DROITEJean-François Trudelle

Conseil de sécurité pour un libre-penseurCHRONIQUE

Hôtel du parlement où se tient les audiences de la CommissionCalypso Orchid

L’ordre est tombé: Gloria Uribe, qui habite Verdun depuis deux ans, doit quitter le pays accompagnée

de ses deux filles. Mardi passé, Mme Uribe, qui s’est vue refuser le statut de réfugiée par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR), a parlé en conférence de presse des événements et du règne de terreur que les miliciens impo-sent à la population de certaines régions de la Colombie. Elle était accompagnée de son avocat et de membres de groupes sociaux appuyant sa demande.

John Bradley, membre du comité de soutien, n’a pas hésité à faire la comparai-son avec le suicide assisté, qualifiant le cas de Gloria Uribe d’«assassinat assisté» en tout début d’entretien, donnant d’emblée le ton, hautement émotif, du point de presse.

«Je ne peux pas retourner en Colombie!» s’est écriée Gloria en espagnol, simulta-nément traduit par son accompagnatrice. Mme Uribe s’est vue refuser le droit de res-ter au Canada bien qu’elle plaidait que les paramilitaires ont tué et torturé son cousin

et son oncle en 2004. Selon ses dires, ils auraient proféré des menaces de mort à tous les membres de sa famille qui ont refusé de leur verser la moitié de leurs avoirs. Elle a d’ailleurs reçu des menaces de mort récem-ment, en septembre 2009.

«Les paramilitaires sont très organisés, ils disposent de moyens sophistiqués, ils utilisent la violence, ils agissent en quasi-im-punité et ils ont une longue mémoire», affir-mait Stewart Isvantffy, avocat de Mme Gloria Uribe, mère de deux enfants, dont l’une est née au Québec.

Bien que certains groupes paramili-taires aient déposé leurs armes, d’autres, comme la coalition paramilitaire connue sous le nom d’Autodefensas Unidas de Colombia perpétuent régulièrement des actes de violence sur des civils, les for-çant ainsi à quitter leur demeure pour des endroits plus sûrs. Un rapport de Human Rights Watch intitulé «Les héri-tiers des paramilitaires: le nouveau visage de la violence en Colombie» rapportait d’ailleurs que quelques trois millions de Colombiens ont dû fuir leur pays à cause des paramilitaires.

Droits humainsLe gouvernement canadien verrait

dans la situation des droits de l’homme une amélioration par rapport à celle du passé; il serait d’ailleurs sur le point de signer un accord économique avec le gouvernement colombien sur la base de cette amélioration. Certains, comme SOS Colombie, interprè-tent conséquemment le refus du gouverne-ment fédéral d’octroyer un statut de réfugié à Mme Uribe comme découlant de cette conception.

Mme Uribe a dû se rendre à l’aéroport ce jeudi alors qu’elle devait prendre un vol en direction de Bogota, capitale de son pays

natal, accompagnée de ses deux filles. En ré-ponse à la manifestation tenue par un groupe désapprouvant la décision du gouvernement conservateur, le ministre fédéral de l’Immi-gration Jason Kenney est resté muet.

La situation de Mme Uribe relance le débat sur l’immigration engagé notamment par le cas des réfugiés tamouls. Un sondage publié un peu plus tôt cette semaine révélait que près de la moitié de la population cana-dienne estime que l’immigration a un effet négatif sur la société. x

Dans quelle moitié vous placez-vous? Commentaires: [email protected]

7Nouvellesxle délit · le mardi 14 septembre 2010 · delitfrancais.com

Assassinat assistéÀ la suite d’une décision du ministère fédéral de l’Immigration, une Colombienne doit retourner dans son pays natal dans lequel sa vie serait menacée.

POLITIQUE FÉDÉRALE

Gloria Uribe et ses petites filles ont été déportées jeudi le 9 septembre dernier. Ginga Takeshima / Le Délit

L’avocat de Mme Uribe éclaire l’audience sur la situation en Colombie.Ginga Takeshima / Le Délit

Qui se qualifie pour le statut de réfugié au Canada?Ginga Takeshima / Le Délit

Geneviève Lavoie-MathieuLe Délit

xle délit · le mardi 14 septembre 2010 · delitfrancais.com8

Société[email protected]

Gonflés à bloc!

Liquid Nutrition fait des affaires en or ces derniers jours d’été grâce à ces frappés glacés et fruités aux noms

incongrus. Mais les smoothies ne sont pas les seules spécialités de la boutique qui se concentre aussi sur des produits de bien-être. Elle se donne une mission, que l’on peut lire sur le site Internet: «Informer et enseigner aux gens de notre commu-nauté que le fait de manger sainement peut être à la fois simple, amusant, rapide et délicieux». Sur les tablettes sont donc vendus des produits étiquetés «Total dé-tox», «Optimiseur de performance» ou «Optimiseur de santé». Peu importe leur message, toutes les bouteilles, chaudiè-res et fioles promettent un corps sain et reflètent, depuis leur étalage, la nouvelle industrie qui fleurit: les suppléments ali-mentaires. À l’ère de la surabondance des émissions et des livres culinaires, n’est-il pas ironique de voir, du même souffle, une émergence certaine des suppléments en poudre, des repas en comprimé et autres fast-food en capsule?

Les suppléments au service de la modernité

L’humain, de nature complexe, conçoit souvent sa nutrition comme un casse-tête. Pourtant, les conseils fournis par l’Association des diététistes du Canada au sujet d’une bonne alimentation n’ont rien de sorcier. Un large éventail de pro-duits frais, des repas complets suivant le Guide alimentaire canadien et une bonne dose d’activité physique devraient permet-tre à tout un chacun d’atteindre un bien-être corporel satisfaisant. Pourquoi exis-te-t-il alors autant de produits sur le mar-ché servant à compenser notre carence en vitamines, en énergie ou en protéines?

Selon Lucia, employée au Liquid Nutrition, «les suppléments de vitamines servent à compléter l’alimentation qui n’est plus ce qu’elle était il y a cinquante ans». En effet, la vitamine D est un bon exemple de ce qu’a fait la modernité à notre santé. Avec l’industrialisation, par exemple, lors de la transition du travail au champ vers le travail en usine, les gens maintenant confinés à l’intérieur ont dé-veloppé des carences en vitamine D, une vitamine qui se synthétise uniquement grâce à la lumière du soleil. Le lait, un des aliments les plus consommés, a donc été enrichi de vitamine D pour combler ce manque. Certains yogourts et la margari-ne s’ajoutent au lait comme sources riche en vitamine D ajoutée.

Dans l’assiette des sportifsPourquoi achète-t-on ces produits?

«Mais parce que ça se vend! La plupart des gens qui vont s’acheter des suppléments le font en pensant qu’ils ne mangent pas les bons aliments et ils font confiance aux gens de l’autre côté du comptoir pour les conseiller», affirme Sylvie Laramée, nutri-tionniste et diététiste membre de l’Ordre professionnel des diététistes du Québec.

Qui achètent ces suppléments de protéines? «Les végétariens ou végéta-liens qui veulent enrichir leurs repas, mais aussi les sportifs qui s’entraînent de trois à quatre heures par jour», précise Lucia. Mais attention! De véritables spécialis-tes du culturisme font de cette tendance une véritable science. «Certains clients savent calculer exactement combien de suppléments alimentaires ils ont besoin et à quel moment les prendre,» ajoute Lucia. François Peronnet, professeur de kynésiologie à l’Université de Montréal, pense tout autrement: «Les athlètes, ils sont prêts à manger n’importe quoi dans l’espoir d’améliorer leur performance. Tout le rituel associé à l’ingestion des suppléments, ça fait partie de la mytho-logie autour du sport et de ce genre de produit».

Et si les hommes semblent tant s’in-téresser aux suppléments, les femmes ne sont pas en reste non plus. Dans la gamme de produits Vega, par exemple, les femmes y trouvent leur compte. L’hypromellose, la microcrystalline, la cellulose et la silice se côtoient pour faire du produit «utile et complexe, l’ultime système de nutriments pour la femme active». Indispensable, vraiment?

Les suppléments, pour le meilleur…

Le corps a besoin quotidiennement d’environ un gramme de protéine pour un kilogramme de masse. Les produits laitiers, les viandes et substituts tels que le tofu, les noix, les légumineuses et les œufs sont des aliments riches en protéi-nes. Lors de la digestion, les protéines se transforment en acides aminés et circulent dans le sang jusqu’à ce que les muscles s’activent. À ce moment, les cellules mus-culaires retransforment les acides aminés en protéines. Ces dernières n’ont plus qu’à adhérer aux filaments musculaires et à augmenter la constitution du muscle. Ainsi, les athlètes désireux d’augmenter leur masse musculaire doivent consom-mer la bonne quantité de protéine pour avoir les moyens de leurs ambitions. C’est donc lorsqu’ils ne mangent pas la portion nécessaire que les suppléments protéinés peuvent paraître intéressants.

Roger Léveillé tient une boutique de nutrition et a entraîné plus de 500 athlètes. Selon lui, les jeunes sportifs ne prennent pas toujours le temps de bien manger, et c’est là que les suppléments peuvent être utiles. Toutefois, la consom-mation de protéines par la nourriture est amplement suffisante pour les athlètes. Tout ce qui est ingéré en plus de la quan-tité nécessaire sera excrété dans les urines ou transformé en graisse.

Non seulement les gains physiques, mais aussi les gains psychologiques de-meurent à considérer. «Tout ça, c’est pour le culte du corps. Au temps des Grecs aussi, les hommes souhaitaient augmen-ter leur musculature. Maintenant, on peut simplement le faire plus vite avec des pro-téines en poudre», commente l’employée de Liquid Nutrition. Un jeune homme

comme Charles-Antoine Montreuil, fai-sant du culturisme son gagne-pain, aime le body-building principalement parce qu’il souhaite amplifier sa masse muscu-laire. Il aime le style de vie associé à ce sport, il se sent plus en santé et performe mieux dans d’autres sports. Il considère aussi que les muscles incitent au res-pect, car les gens prennent plus au sé-

Des sacs aux proportions démesurées, des bidons aux couleurs alléchantes ainsi que des fioles géantes trônent au centre d’une marée humaine. Il est midi, il fait 35° à l’ombre et la foule universitaire sait où se rendre: au magasin Liquid Nutrition.Anabel Cossette CivitellaLe Délit

«S’il y en a autant sur le marché, c’est que quelqu’un en achète… et qu’il y a quelqu’un qui en profite.»

rieux quelqu’un d’imposant. Ainsi, plus qu’un apport physique, la prise de muscle devient un soutien moral. Mais quel est l’équilibre à faire entre le physique et le psychologique?

… et pour le pire!Radio-Canada rapporte que «vingt-

neuf pour cent des garçons de 16 ans

veulent gagner du poids. Pour y arriver, le quart d’entre eux utilisent des supplé-ments alimentaires». Malheureusement, la plupart n’en connaissent pas les risques. «De nombreuses études ont démontré que, souvent, les substances affichées sur l’étiquette ne se trouvaient aucunement dans la bouteille, ou bien leur concentra-tion pouvait être divisée ou multipliée par

dix», déplore Dr Robert Foxford, ex-direc-teur médical de l’équipe olympique cana-dienne en entrevue pour Radio-Canada. À l’heure actuelle, l’Agence canadienne d’inspection des aliments dresse une liste de cinquante-neuf substances et herbes dont l’usage est interdit dans les produits de nutrition sportive. Parmi ceux-là, est comptée la caféine qui ne devrait appa-raître que dans les boissons gazeuses et de type cola.

Sylvie Laramée pense que la prise de protéines et de suppléments alimentaires en format liquide est un: «danger si le ni-veau de satiété n’est pas atteint lors de la prise des smoothies de suppléments. De plus, certains produits ne contiennent pas nécessairement tout ce qui est nécessaire à un repas complet».

Si l’on se fie aux dires de François Peronnet, la prise de suppléments ali-mentaires n’en vaut pas la chandelle pui-qu’elle semble n’avoir aucun effet: «La littérature scientifique [on peut penser, entre autres, à une étude faite en 2009 par le American College of Sports Medicine] le dit: pour quelqu’un qui suit bien le guide alimentaire canadien, il n’y a aucun bénéfice à prendre des suppléments pro-téinés.» «S’il y en a autant sur le marché, c’est que quelqu’un en achète… et qu’il y a quelqu’un qui en profite», renché-rit Monsieur Peronnet. Ce n’est pas peu dire, car les coûts associés à l’achat des suppléments peuvent être faramineux. Les produits Vega par exemple, vendus en grande quantité au Liquid Nutrition, coûtent de 2,95$ pour une barre énergéti-que jusqu’à 75,00$ pour l’«optimiseur de santé». Ainsi, la prise de supplément fait doublement serrer la ceinture… Madame Laramée révèle «que le lait au chocolat a le même effet à moindres coûts».

Dans les muscles ou dans la tête?

Ian Civitella n’avait jamais pratiqué d’activités sportives sur une base régu-lière avant de commencer à s’entraîner au gym. Depuis un an, il sent qu’il se porte mieux en général et tombe moins sou-vent malade. Sans hésitation, il associe l’entraînement à la bonne forme. Mais maintenant qu’il a des objectifs, il veut les atteindre le plus tôt possible. «Lorsque je prends une poudre énergétique avant de m’entraîner, je peux mieux me concentrer sur le muscle à travailler et ça me permet de lever des poids plus lourds.» Quand aux suppléments protéinés, il les prend scrupuleusement après l’effort et demeu-

re convaincu de leur efficacité. «Ce que les gens ne comprennent pas, c’est que la prise de suppléments est souvent ac-compagnée d’un regain d’effort au gym. Il est donc impossible de savoir quelle est la cause du gain musculaire», précise Sarah Lemelin, étudiante en médecine à McGill.

Qu’en est-il de l’éthique du sportif? Dépasser ses limites grâce à la chimie des protéines et des boissons énergétiques peut-il être analogue au problème de do-page? Peronnet, qui a notamment étudié la nutrition des athlètes et les problèmes relatifs au dopage, s’oppose farouchement à la question: «Ça ne fonctionne pas, donc il n’y a pas de problème éthique!» Parfois incorrectement étiquetés, certains produits peuvent receler la présence de stéroïdes anabolisants ou d’hormones de croissance, Créant ainsi un souci éthi-que. «Dix à quinze pourcent des sup-pléments alimentaires vendus librement sont contaminés», indique Christiane Ayotte, chercheuse à l’Institut national de recherche scientifique. Si les consé-quences apparaissent essentiellement au niveau biologique (apparition de boutons, débalancement des protéines du foie et des fonctions hépatiques, mauvais taux de cholestérol, donc des risques d’accidents cardio-vasculaires), elles peuvent aussi être désastreuse pour la carrière d’un ath-lète qui performe dans des compétitions de haut niveau. En 2001, le cas du sprin-ter français Christophe Cheval a fait les manchettes lorsqu’il a dû suspendre sa carrière pour cause de consommation de norandrostérone. Le coureur de 200 mè-tres aurait consommé des suppléments alimentaires contenant des stéroïdes ne figurant pas sur la liste d’ingrédients. Dans ce cas, les suppléments alimentaires auront eu un effet totalement contraire à celui espéré, soit d’augmenter la perfor-mance de l’athlète.

Mode passagère ou habi-tude permanente?

Selon Sylvie Laramée, «c’est quelque chose qui s’installe dans les habitudes parce que les étudiants ne cuisinent pas. Les suppléments de repas sont bons au goût, rapides, efficaces, donc c’est facile de tomber dans le panneau et d’acheter ce qu’il y a d’offert sur le marché.» Quant aux nombreux livres de cuisine sur le marché, ils ne semblent pas si utiles si on se fie aux dernières études: «Maintenant, il faut qu’il y ait moins de cinq ingrédients et que ça ne prenne pas plus de quinze minutes à préparer», dit la nutritionniste.

Depuis Lavoisier qui, en 1789, a jeté les premières bases de la science de la nutrition, le terme diététique a beaucoup évolué, mais demeure, encore et toujours, synonyme d’un mode de vie. Bien s’ali-menter, c’est aussi avoir du plaisir à man-ger et à prendre le temps de partager un repas avec ceux qu’on aime. La tendance actuelle bouleverse-t-elle cet équilibre en tentant de convaincre la population des propriétés bénéfiques des capsules ali-mentaires? x

Jimmy Lu / Le Délit

9Société

Gonflés à bloc!Des sacs aux proportions démesurées, des bidons aux couleurs alléchantes ainsi que des fioles géantes trônent au centre d’une marée humaine. Il est midi, il fait 35° à l’ombre et la foule universitaire sait où se rendre: au magasin Liquid Nutrition.

«Lorsque je prends une poudre énergétique avant de m’entraîner, je peux mieux me concentrer sur le muscle à travailler et ça me permet de lever des poids plus lourds.»

Les proportions parfaites de l’homme ont bien changé depuis Da Vinci.

En trois vitesses

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Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la repro-duction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).

Volume 100 Numéro 2

le délit

+ 1 sur la liste

Un nouvel acteur est venu s’ajou-ter à la liste des anciens politiciens qui sortent de leur mutisme pour prendre position dans les débats de société. Le dernier venu est nul autre que l’an-cien chef du Parti Québécois, André Boisclair. Ce dernier a fait une sortie publique remarquée pour défendre l’exploitation des gaz de schiste et la position du gouvernement quant à son appel au Bureau d’Audience Publique pour l’Environnement. Il augmente ainsi cette liste de politiciens «muets» comme Bernard Landry, Jacques Parizeau et Lucien Bouchard.

en hausse au neutre

il était une fois dans l’ouest

Depuis le début de la semaine, trois députés néo-démocrates ont an-noncé qu’ils voteront contre l’abolition du registre des armes à feu même si leur chef, Jack Layton, continue de vouloir appuyer le gouvernement. M. Duceppe a quant à lui demandé «du leadership» de la part de M. Layton pour empêcher l’abolition de ce registre. Plusieurs ana-lystes voient dans cet entêtement de M. Layton une stratégie électorale pour pouvoir percer le vote dans l’Ouest canadien où les appuis à l’abolition du registre sont très importants.

en baisse

attaché infidèle

La Commission Bastarache sur le processus de nomination des ju-ges bat son plein depuis la fin août et aujourd’hui d’autres témoins sont venus augmenter le lot de contradic-tions de la version de Marc Bellemare. En effet, l’ancien attaché de presse de Me Bellemare, M. Jacques Tétrault, a carrément contredit les dires de M. Bellemare quant aux pressions indues qu’il aurait subi en 2003. Ceci s’ajoute aux autres éléments qui contredisent le témoignage de M. Bellemare et qui compromettent sa crédibilité.

10 Éditorial xle délit · le mardi 14 septembre 2010 · delitfrancais.com

Éléna Choquette & Mai Anh Tran-HoLe Délit

Le Architecture Café aura fait cou-ler beaucoup de café dans les der-nières années et beaucoup d’encre

dans les derniers jours. L’inadmissibilité de la fermeture du café, qui opère dans le pavillon Macdonald-Harrington depuis 1993, est exacerbé par le manque de jus-tification chiffrée de l’administration de McGill et la tendance plus grande dans laquelle s’inscrit la fermeture: si la fer-meture du café est imminente, elle repré-sente surtout l’ultime d’une longue série de pression faite contre les initiatives étu-diantes.

Fermer ce café, qui s’est rapidement attiré les faveurs des étudiants de la Faculté d’architecture et d’ailleurs, notamment avec ses repas végétariens à petits prix, est d’autant moins justifié qu’elle s’explique mal en chiffres. Si Merton Mendelson, premier vice-principal exécutif adjoint aux études et à la vie étudiante, livrait à notre journaliste (en page 3) que le café était traditionnellement géré comme un «comptoir de limonade au coin de la rue», aucun chiffre ne sont maintenant rendus publics. Un des anciens gestionnaires du café considère même que celui-ci générait des surplus budgétaires. Qui dit vrai? Nul ne le saura tant que l’administration de l’université gardera les chiffres pour elle.

Comme l’explique Zach Newburgh, le café se gardait de déclarer l’intégralité de ses opérations financières auprès des instances gouvernementales appropriées et évitait ainsi de payer sa juste contribu-tion fiscale, mais depuis que le café opère sous l’égide du McGill Food and Dining Services, une entente aurait été possible. Pour le moment, quoique la décision prise unilatéralement et sans compromis en désappointe plusieurs, les étudiants, professeurs et autres fervents du café de-vront apporter des collations ou manger Aramark. Mendelson aime à le rappeler: McGill ne peut se permettre de subven-tionner le repas (et l’éducation?) de qui-conque.

Non seulement la fermeture s’expli-que-t-elle mal financièrement (on aime à le rappeler, puisque c’est la raison prin-cipale que donne l’administration), mais elle s’inscrit surtout dans une propen-sion que prend l’administration à brider les initiatives étudiantes. Effectivement, plusieurs cafés et autres espaces gérés par les étudiants ont fermé leurs portes et ont été remis aux mains d’administrateurs professionnels. Le Architecture Café était le dernier café géré par les étudiants (de façon partielle depuis 2007). Plutôt que de battre au marteau le manque de pro-fessionnalisme et d’esprit d’entreprise des étudiants, il serait intéressant de voir l’université aider ces étudiants à acquérir ces compétences qu’elle juge nécessaires

pour soutenir financièrement une entre-prise.

Enfin, un autre doute plane sur toute l’affaire: l’université a désigné un nouveau contractuel, Aramark Canada, pour assurer l’intégralité des services relatifs à l’alimentation sur le campus. Selon Mendelson, la candidature d’Ara-mark était de loin la plus attrayante sur les plans financiers et environnementaux. Mais, demandons-nous enfin, la fin du contrat de Chartwells et l’entrée d’Ara-mark coïncide-t-elle avec la fermeture du Architecture Café? Si l’administration nie l’existence de tout lien, il est cependant permis de remettre en cause la fermeture du Café tant que toutes les raisons moti-vant l’entrée d’Aramark et ses conditions, la réhabilitation du Café et les chiffres démontrant l’ampleur du désastre des fi-nances du Café ne seront connues.

Les étudiants pleurent-ils la déci-sion? Selon une récente pétition destinée au premier vice-principal exécutif adjoint, 80% des 148 étudiants ayant répondu à la question, étaient en faveur de la réha-bilitation de l’espace en tant que Café. Ces étudiants, et d’autres, espérons-le, ne manqueront certainement pas de se présenter devant le bâtiment leacock, le mercredi 22 septembre à 2h15, pour montrer aux décideurs de cette université l’affection qu’ils éprouvent envers leur Café. La tasse n’est pas encore vide, quel goût aura la dernière goutte? x

Architecture Café: un arrière-goût amer

À la tombée de la nuit, dans un petit parc, Le Délit a rencontré Pierre-Alain

Faucon, Félix Dyotte et Julien Fargo de Chinatown. Ce soir-là, ils devaient se produire au Bain Mathieu dans le cadre des 10 jours du Festival des Arts du Faubourg. La rencontre, faite de sourires et d’anecdotes, était à l’image du groupe et de ses concerts: chaleu-reuse, généreuse et enthousiaste.

Petite histoire d’un début peu ordinaire

C’est en 2007 que Pierre-Alain Faucon et Félix Dyotte, deux amis de longue date décident de former un groupe de musique pop rock: Chinatown, dont le nom fait référence au film noir de Roman Polanski. Ils s’entourent très vite de Julien Fargo, Toby Cayouette et Gabriel Rousseau pour former un quintette dont le succès s’an-nonce dès les premiers mois de travail. En effet, leur composition «Retour à Véga», interprétée par The Stills, devient rapidement un succès. Une composition que Chinatown n’a pas abandonnée, puisqu’il continue de la jouer lors de ses concerts.

Il paraît difficile quand on les rencontre de s’imaginer que ces musiciens ne se connaissent pas depuis toujours. Leur complicité est palpable tant sur scène que dans les coulisses, notamment

quand ils se remémorent leur expérience en Chine, expérience fondatrice s’il en est. «C’était une opportunité, un croisement des astres», explique Julien. «On était un jeune band, on montait les chansons pour l’album. Cette tournée en Chine a été vraiment un bonus. Au niveau du collectif, ça a changé beaucoup de choses. En rentrant de là-bas, on était vraiment un band. On est vrai-ment chanceux, c’est un souve-nir génial.» Félix et Pierre-Alain se rappellent avec un plaisir visi-ble l’ambiance des concerts: «Les Chinois, ils comprenaient pas les paroles, ils comprenaient juste le fun qu’on se faisait sur scène.»

Non seulement le groupe sort de cette expérience grandi, mais il est soutenu par la criti-que: Strut, le magazine de mode anglophone, les qualifie de «Next Big Thing» tandis que le Nightlife Magazine conseille à ses lecteurs de surveiller ce groupe émer-geant. Entre le festival M pour Montréal, celui de La Rouge de Nominingue et la première par-tie de Jean Leloup au Colisée de Québec, Chinatown conquiert un auditoire toujours grandissant. Félix témoigne de leur évolution sur scène, fortement marquée par la célébrité des débuts: «Je trouve qu’enregistrer dans un lo-cal de pratique est quelque chose de vraiment enrichissant, mais ça trouve son aboutissement sur une scène. C’est comme la théorie et la pratique. Au début, tu sais pas

vraiment si les shows sont bons ou mauvais, et plus ça va, plus tu développes une expérience.»

Vers un deuxième albumAu vu de ce succès, le groupe

distribue lors de ses spectacles un EP, un mini album intitulé L’amour, le rêve et le whisky, dont les quatre morceaux font successivement leur apparition à la radio. «Tour assassine» et «Pénélope» séduisent particulièrement le public, com-me le montre leur position dans les palmarès radios de CISM et CIBL. Peu après, le quintette pré-pare son premier album, Cité d’or, réalisé par Gus Van Go. Le groupe y offre un mélange de pop-rock influencé par le rock contempo-rain et la musique française des années 60, de Gainsbourg à Ferré en passant par Higelin. Enregistré à Montréal et à New York, Cité d’or est lancé le 5 mai 2009: il n’en faut pas plus pour que les concerts s’enchaînent au Québec comme en Europe, que Radio-Canada en fasse sa Révélation Musique de l’année 2009-2010 et qu’un Prix Galaxie leur soit décerné.

Aujourd’hui, le groupe tra-vaille à un nouvel album qui sera enregistré à partir de janvier prochain. Pour les musiciens, c’est désormais un vrai travail de groupe au niveau du processus de création, contrairement au premier album où Félix et Pierre-Alain guidaient l’expérience en tant que chanteurs-compositeurs. «Les arrangements, les chansons,

c’est Pierre-Alain et moi qui les écrivons, raconte Félix. Et ça don-ne souvent lieu à des surprises.» Ainsi, le prochain album sera «plus collectif», annonce Pierre-Alain, alors que Julien ajoute: «Quand Gabriel, Toby et moi avons inté-gré le groupe, certaines chansons étaient déjà finies, imagées. Nous, on avait quasiment rien à mettre. On a juste mis un coup de pin-ceau, alors que là, on débute un nouvel album et il y a plus de tra-vail de band. J’ai l’impression qu’il y a une espèce de formule unique qui va sortir de ce travail.»

Chinatown nage dans la popJuste avant leur dernière

prestation, le vendredi 10 sep-tembre, le public s’installe et les artistes se retirent pour se préparer. Peu après, le concert commence dans le décor singu-lier de l’ancien bassin du Bain Mathieu. Après une excellente première partie interprétée par Monogrenade, Chinatown en-tre en scène sous un tonnerre d’applaudissements et entame son répertoire avec «Pénelope». Difficile de ne pas tomber sous le charme –si ce n’était déjà fait– de ce groupe, dont le plaisir et l’enthousiasme sont contagieux, et de leurs chansons aux ryth-mes entraînés et aux paroles poétiques. Avec plusieurs chan-sons inédites qui ont ponctué le concert et se retrouveront sur le prochain album, le public a été plus que gâté. Les musiciens

confiaient plus tôt, entre stress, fébrilité et excitation, que pré-senter ces nouvelles chansons tenait de l’essai: «Ça nous donne confiance de les jouer, de les tes-ter.» C’est un succès, le public a été séduit et on attend désormais avec impatience le prochain al-bum pour pouvoir les réécouter.

Il faut dire que le groupe ne laisse rien au hasard pour conquérir son auditoire, confir-mant ainsi que son talent dépasse le plan auditif. Les quelques mo-ments d’improvisation sont parti-culièrement réussis, ce qui tombe plutôt bien puisque, pour Félix, l’improvisation n’a pas lieu d’être dans l’interprétation des chansons mais peut aisément trouver sa place pendant le show: «On n’est pas vraiment un groupe de jam, on est plus un groupe structuré. On s’est donné un peu de place pour improviser, mais les chansons sont par définition assez finies. À Yellowknife, pour la première fois de ma vie, j’ai joué un solo de gui-tare en arrière de ma tête, pour de vrai. C’est ce genre d’improvisa-tion-là qu’on aime.»

Assurément l’un des meilleurs groupes montréalais du moment, Chinatown a donc offert un spec-tacle qui laisse présager non seu-lement un excellent deuxième album, mais, de manière générale, un avenir prometteur.x

Chinatown sera en concert le 1er octobre à 20h00 au Rialto. Pour info: www.chinatownmusique.com

11Arts & Culturexle délit · le mardi 14 septembre 2009 · delitfrancais.com

Arts&[email protected]

De la pop plein les oreillesMUSIQUE

Annick LavogiezLe Délit

Chinatown, le groupe romantico-pop-rock révélé en 2009 grâce à son album Cité d’or, était en concert vendredi dernier au Bain Mathieu. Histoire d’une rencontre en or avec des dandys des temps modernes.

Maude Chauvin

12 Arts & Culture xle délit · le mardi 14 septembre 2010 · delitfrancais.com

C’est l’angoisse. l’angoisse de la première chronique. Je fais les cent pas, tâtonne, griffonne et m’exaspère. Je cherche désespérément un point de dé-part, une pierre d’assise, une muse, un modèle inspirant, que sais-je: un chroni-queur à la plume déliée, vigoureuse et un tantinet irrévérencieuse. Je pense à Pierre Foglia, Steve Proulx, Tristan Malavoy-Racine, Marc Cassivi. Mais ce n’est pas suffisant, il m’en faut davantage pour aller plus loin. Besoin d’un véritable point de repère, d’une œuvre, de l’art.

Et c’est là qu’intervient Tout se pète la gueule, chérie, un spectacle multidisci-plinaire audacieux et déroutant présenté à La Chapelle par le groupe d’art Gravel Art Group (GAG) après un passage au Festival TransAmériques cet été. Dirigé par le chorégraphe, interprète, metteur

en scène et musicien Frédérick Gravel et composé de Nicolas Cantin, Stéphane Boucher et Dave St-Pierre («l’enfant ter-rible de la chorégraphie trash»), le collectif «temporaire et variable» réunit des artis-tes polyvalents d’horizons différents et illustre brillamment, à travers la danse, la performance, le théâtre et la musique, le désarroi de l’homme contemporain.

Dès l’entrée en salle du public, un guitariste-chanteur (Boucher) entonne dans le style camp de jour des chansons folk à l’avant-scène. La prestation infor-melle et légérement déglinguée donne le ton et le rythme à la quinzaine de ta-bleaux qui suivront, juxtaposition de mo-nologues ludiques et ironiques, de cho-régraphies à un ou plusieurs interprètes, de numéros de musique acoustique ou électronique, de poésie et de scènes de séduction, d’exhibition et de mâles en dé-chéance dans lesquels l’homme est mis à nu, tant au sens propre (mais peut-être aussi sale) qu’au sens figuré. Bière, lu-nettes fumées, sous-vêtements, bottes de cowboy, musique country ou trash, osten-tation des muscles, exposition des parties intimes: nous sommes dans les bas fonds de l’âme masculine, dans la grossiéreté savamment poétisée. Ici, le privé enva-hit résolument le collectif, et les ressorts mêmes de la représentation sont mis à l’avant-plan: coulisses sur scène, chan-gements de costume, nettoyage du plan-cher et déplacement d’objets entre les numéros sous la lumière crue, etc. Mais le résultat, s’il surprend parfois, choque à peine. L’indiscrétion et la provocation

ne sont-elles pas aujourd’hui banalisés? Les médias ne nous ont-ils pas habitués à l’hyperexposition de soi, au scandale et à la déconfiture publique des petits et grands de ce monde?

Peu à peu le rythme s’accélère, le vo-lume de la musique grimpe, les élans s’in-tensifient, les mouvements et chorégra-phies relèvent encore plus clairement de l’exercice narcissique de musculation. À force de vouloir démontrer leur indépen-dance ou leur supériorité, les individus en scène se retrouvent seuls ou s’insèrent au sein de groupes dansants au synchro-nisme toujours décalé et imparfait. Le rire fait définitivement place au malaise, à l’émotion, à la réflexion, et l’odeur de bière, répandue au début du spectacle, persiste et laisse un goût amer.

Au terme de leur exercice, les artis-tes réunis pour «créer beaucoup, essayer abondamment, s’obtiner énormément et (se) donner du plaisir intelligemment» (voir le programme du spectacle), réus-sissent à créer une véritable mosaïque où les différents morceaux, à l’image des per-sonnages mis en scène (et des individus ultracontemporains que nous sommes), se cherchent, se frôlent, se touchent, mais demeurent plus souvent qu’autrement divisés.

L’homme, autant que la société, de-vient une unité fissurée, souvent séparée des autres et en conflit avec elle-même. Lutte contre soi, «fatigue d’être soi», pour emprunter l’expression d’Alain Ehrenberg. L’homme dépeint dans Tout se pète la gueule, chérie, tout comme l’individu

contemporain, est en quête de repères et de modèles au moment où toutes les for-mes d’autorité ont été tour à tour humi-liées et écrasées du talon. Au fait, qui sont vos modèles? Croyez-vous toujours en l’existence d’un modèle positif?

Si j’ai surmonté l’angoisse du départ, trouvé le courage (toujours à renouveler) d’écrire ces quelques lignes sans préten-tion et essayé tant bien que mal de donner une forme (encore à trouver) à ma pen-sée, c’est grâce aux membres du GAG et à tous les artistes qui, comme eux, cher-chent à plonger dans l’obscurité de soi et à se mettre à nu au risque de «se péter la gueule», non seulement pour exercer leur vocation et mieux se connaître, mais sur-tout pour explorer et dépasser les limites du connu; pour offrir au public de nou-velles visions du monde, de nouvelles for-mes de perception, de nouveaux portraits de lui-même grâce auxquels il pourra res-sentir, réfléchir, se remettre en question et plonger à son tour en lui-même. L’artiste intègre, contrairement à ce qu’on peut croire et malgré son égocentrisme qui lui est souvent (à tort ou à raison) associé, tend nécessairement, sinon vers l’univer-sel, vers le social. Si vous êtes toujours à la recherche de modèles et de remèdes à l’individualisme, vous êtes maintenant (non pas grâce à moi, mais à l’ensemble des créateurs à la démarche sérieuse) sur une bonne piste.x

Tout se pète la gueule, chérie de Frédérick Gravel est présenté jusqu’au 18 septembre au théâtre La Chapelle.

Coup de plumeFrancis Lehoux

Modèles réduits?CHRONIQUE

C’est avec un brin de timidité que le charmant acteur français Pascal Elbé, converti en réalisateur, présente

son premier bijou: Tête de turc. La première mondiale a eu lieu le 31 août dernier dans le cadre du Festival des Films du Monde de Montréal. Elbé a fait une brève apparition avant la projection de son film pour saluer l’auditoire du Théâtre Maisonneuve. Après les présentations et les remerciements, l’am-biance s’est soudainement refroidie.

Et vlan! La première scène du film est puissante, mais surtout violente à en glacer le sang. Une jeune clandestine chinoise se fait violemment arrêter par une brigade po-licière dans une banlieue difficile. Des jeu-nes lui viennent en aide et se mettent à jeter des pierres aux policiers avant que la situa-tion ne dégénère sérieusement. Ensuite, les

événements s’enchaînent: un médecin ur-gentiste, Simon Torossian (Pascal Elbé), est presque brûlé vif dans sa voiture, mais il est sauvé in extremis par Bora (Samir Makhlouf), un jeune turc de 14 ans. Ce qui semble être un simple acte de bravoure est en fait l’élé-ment déclencheur d’une enquête policière acharnée.

On assiste à une quête de la vérité sur fond de règlements de compte. Bora se ca-che, il est en cavale dans sa propre cité, car c’est lui qui à lancé le cocktail Molotov ayant provoqué l’explosion de la voiture du mé-decin. Un autre jeune est accusé à sa place, mais puisque c’est l’omerta qui dicte les règles du jeu, personne ne dénonce Bora. Atom Torrosian, un flic au lourd passé, est déterminé à trouver celui qui a envoyé son frère à l’hôpital.

En parallèle, une autre histoire se dé-veloppe: un homme appelle les urgences parce que sa femme a subi un malaise car-

diaque. Simon, qui devait se présenter à la résidence du couple, n’a jamais pu se rendre à destination puisqu’il était piégé dans les flammes. La malade succombe. Son mari ne pense plus qu’à venger la mort de sa femme et décide de retrouver celui qu’il considère comme l’assassin de sa dulcinée.

Outre la richesse du scénario, c’est l’in-terprétation des acteurs qui réussit à donner de la crédibilité à cette histoire. Effectivement, on retrouve dans Tête de turc une brochette d’acteurs exceptionnelle, dont la sulfureuse actrice israélienne Ronit Elkabetz qui incar-ne Sibel, la mère courageuse et ambitieuse de Bora. Roschdy Zem est aussi de la partie. Il en est à sa deuxième collaboration avec Pascal Elbé, après l’avoir dirigé dans son film Mauvaise foi, et incarne cette fois-ci Atom, le frère protecteur de Simon. Aussi, il convient de souligner le travail de l’excellent Samir Makhlouf, qui apparaît pour la première fois à l’écran dans le rôle du tourmenté Bora.

Il semble donc que tout y est: un bon scénario, une intrigue palpitante, des acteurs compétents et des scènes d’action spectacu-laires… Mais le plus important est que Tête de turc n’est pas un film qui prône la victi-misation, laissant plutôt la place au débat. On ne stigmatise pas les jeunes des quartiers sensibles et tous les policiers ne sont pas in-justes et racistes. Ce n’est pas une histoire banale tirée d’un fait divers. Au contraire, ce film est synonyme d’engagement social et on y explore plusieurs aspects de la vie. On examine par exemple celle des mères mo-noparentales, qui sont souvent obligées de subvenir aux besoins de leurs enfants dans des conditions difficiles, voir hostiles, mais qui réussissent à protéger leur progéniture malgré tout. La plus grande réussite de Tête de turc est donc d’arriver à concilier la fiction et la réalité sans tomber dans les clichés: on assiste à la douce transition de la violence vers l’héroïsme.x

De la violence héroïqueTête de turc, une première réalisation audacieuse de l’acteur français Pascal Elbé, nous plonge au cœur d’une histoire rocambolesque qui prend vie dans un quartier sensible.

CINÉMA

sabrina ait akilLe Délit

Gracieuseté de K-Films Amérique

13Arts & Culturexle délit · le mardi 14 septembre 2010 · delitfrancais.com

Après le succès du Ventriloque, en 2001, puis l’ingénieuse création de The Dragonfly of Chicoutimi au der-

nier Festival TransAmériques, on ne pou-vait que se réjouir de cette autre collabo-ration entre l’auteur Larry Tremblay et le metteur en scène Claude Poissant.

Éplucher la psychose de l’AmériqueAbraham Lincoln va au théâtre s’ins-

pire d’un événement historique: le 14 avril 1865, John Wilkes Booth, un acteur, assassine Abraham Lincoln lors d’une re-présentation de Our American Cousin pré-sentée au Ford’s Theatre de Washington. Plus d’un siècle après ce fait marquant, Marc Killman (Benoît Gouin), un metteur en scène, engage deux acteurs d’une série télévisée, Christian Larochelle et Léonard Brisebois, pour incarner le duo de Laurel et Hardy (Maxim Gaudette et Patrice Dubois), et rejouer l’assassinat de Lincoln. Killman, quant à lui, se donne le rôle de la statue de cire du président.

C’est sur une scène presque nue –une table et deux, trois chaises– que les mises en abymes se multiplieront. Chaque personnage en cache un autre, puis un autre, à la manière des poupées russes. Le texte de Larry Tremblay fait preuve, comme souvent, d’une imagina-tion sans bornes et regorge de jeux de mots succulents. À travers une structure rigoureuse, il examine les raisons qui ont pu pousser un acteur au sommet de la gloire à assassiner le seizième président

américain. L’hypothèse: il incarnait un rôle, il jouait.

Les trois comédiens incarnent des per-sonnages psychotiques, en crise identitaire. Les niveaux de théâtralité s’enchaînent jusqu’à ce que le spectateur perde lui-mê-me tout repère lui permettant d’identifier les personnages. Car à travers ces relations, c’est du théâtre qu’on nous parle, du jeu d’acteur et des rouages de la création théâ-trale. D’ailleurs, côté cour, une table dont la modernité détonne d’avec le reste du dé-cor sert de rupture dans le jeu et rappelle que les personnages incarnent d’autres rô-les. De l’acteur, on en vient à une réflexion sur l’être humain, puis sur l’Amérique. Dichotomique, celle-ci possède le beau et le laid, le meilleur et le pire. Mark Killman dit au duo: «Vous croyez que pour jouer la grosseur, il suffit d’être gros? Que pour jouer la maigreur, il suffit d’être maigre? La vérité se cache dans l’idée, autrement c’est de la pacotille. […] La grosseur américaine n’est pas qu’une affaire de gras, […] imagi-nez […] un cœur qui mange, qui chie et qui ne sait pas pourquoi […]. La grosseur amé-ricaine est le cancer. […] L’Amérique ne maigrit que pour encaisser de l’argent, c’est une maigreur qui cache une grosseur.»

Fidèle au burlesque, le jeu des acteurs dans Abraham Lincoln va au théâtre est ex-trêmement physique. Claude Poissant uti-lise notamment le chœur, comme il l’a fait plusieurs fois par le passé. Jouer en chœur, «c’est comme marcher les yeux bandés, c’est vertigineux», révèle Patrice Dubois. La multiplication des personnalités est un réel casse-tête, mais ne nuit jamais à la performance de cette brochette d’acteurs,

qui demeure tout à fait impressionnante. Le sujet, complexe certes, est scruté de manière intelligente et ludique –on rit, on rit, on rit. Enfin, la finale est spectaculaire et à l’image de cette Amérique psychoti-que: grotesque et sublime.

Être, c’est être schizophrèneCo-directeur du Théâtre PàP avec

Claude Poissant, Patrice Dubois explique que, selon lui, plusieurs textes contempo-rains manquent de cette dimension uni-verselle que comporte celui de Tremblay. «L’auteur parle de lui-même, c’est in-dividualiste. Ça manque de théâtralité.» Aujourd’hui, avec l’avènement de l’Inter-net, il y a une tendance à s’hyper-repré-senter: «On affiche où on est, qu’est-ce qu’on fait. Et la dramaturgie va dans le même sens, dans cette évocation excessive de soi-même.» Dans Abraham Lincoln va au théâtre, «ce sont des humains qui cherchent dans le domaine des idées, de l’Histoire, de la littérature, à s’identifier, à se dépasser en tant qu’êtres humains.» Larry Tremblay écrit-il aussi: «N’être que son ego, s’empê-cher d’être un autre, persister à s’identifier à l’idée qu’on se fait de soi-même, c’est l’histoire d’un éreintement. Je comprends alors le plaisir des acteurs à cesser d’être ce qu’ils sont pour jouer tous les autres qu’ils auraient pu être.»

La schizophrénie serait-elle alors une bonne chose? On peut du moins dire que c’est un trait majeur de notre société. «On joue avec nos identités, on porte des person-nages d’une certaine façon, car on n’est pas la même personne par rapport à un prof, à nos amis, dans le bois ou en ville. Et l’Inter-

net est le moyen de subterfuge idéal. Mais on vit bien avec ça.» Patrice Dubois énonce aussi que «le théâtre, c’est la rencontre de l’autre», et le quatrième mur est bel et bien tombé dans cette pièce où les adresses au public sont si nombreuses que le spectateur a l’impression d’assister à une répétition. Par exemple, pour pointer vers Laurel et Hardy, Killman pointera en fait le public.

Ce n’est toutefois pas tant une atta-que de l’Amérique qu’une investigation de sa psychée qui est proposée ici. Quels faits garde-t-on pour orchestrer la mémoire col-lective? Se souviendrait-on de Our American Cousin de Tom Taylor si Abraham Lincoln n’avait pas été assassiné pendant la repré-sentation de cette pièce? Qu’en est-il du journal de Booth? Larry Tremblay expli-que que le jour de l’assassinat de John F. Kennedy, «l’Histoire est entrée dans notre maison […] je [n’étais] plus désormais à l’abri des vicissitudes du monde.» À quel moment la réalité devient-elle théâtre? Les tragédies nationales ne sont-elles que des «histoires de couilles», c’est-à-dire de désir de gloire? Dès le début de la pièce, la ques-tion est posée par la projection d’un extrait de Dog Day Afternoon avec Al Pacino. Dans ce film, un vol de banque tourne rapide-ment au cirque, est transmis en direct sur la télévision, puis marquera l’Histoire. Et avec l’Internet, où on se met en scène et on se donne en spectacle, cette ouverture sur le monde est exponentielle et ne nécessite qu’un clic.

Abraham Lincoln va au théâtre, une pièce déroutante sur une Amérique qui se plaît à être théâtrale, vaut le détour. À l’Espace GO jusqu’au 25 septembre.x

L’Amérique schizophrèneLe Théâtre PàP reprend Abraham Lincoln va au théâtre, une tragicomédie qui expose le portrait décapant d’une Amérique psychotique.

THÉÂTRE

Maxim Gaudette et Patrice Dubois dans la peau de Laurel et Hardy.Suzane O’Neill

Mai Anh Tran-HoLe Délit

14Arts & Culture xle délit · le mardi 14 septembre 2010 · delitfrancais.com

Audrey (Marina Hands), une jeune trentenaire enceinte vivant à Toronto, passe ses

vacances chez ses parents dans une petite ville française en bord de mer. Alors qu’elle s’installe dans l’ancienne maison de ses grands-parents, elle découvre derrière un meuble de la cuisine le journal intime de sa grand-mère, Louise (Marie-Josée Croze). Cette trou-vaille fait naître en Audrey une ob-session pour l’histoire de sa famille et elle va tenter de comprendre ce qui s’est passé cinquante ans plus tôt, lorsque Louise a quitté son mari et ses deux enfants, Martine et Gérard. A travers l’exploration de l’histoire familiale, réelle et fan-tasmée, Audrey s’oppose à sa mère, Martine (Catherine Deneuve), qui a souffert toute sa vie de l’absence maternelle et refuse de se confron-ter à nouveau à un passé doulou-reux.

Mères et filles met en scène trois générations de femmes dont les blessures secrètes ressurgissent lorsque Audrey tente de compren-

dre son histoire familiale et soulève des questions enfouies que Martine ne sait comment affronter. Face à son rôle de mère mais aussi à sa sensibilité d’enfant abandonnée, Martine est devenue une femme dure et froide dont le travail sem-ble être le seul centre d’intérêt, alors que Audrey, elle, tente de savoir si elle pourra, avec l’enfant qu’elle porte, concilier vie familiale et tra-vail.

À travers cette histoire de li-gnée, Julie Lopes-Curval aborde l’évolution de la condition des femmes au cours du XXe siècle. Explorant les relations maritales dans les années cinquante sous le regard contemporain de Louise et celui, plus émotionnel et tradition-nel, de Martine, Julie Lopes-Curval relève avec brio le défi de livrer une histoire sur plusieurs niveaux sans jamais tomber dans les clichés ou le pathos. Elle sonde non seulement les relations entre mère et fille, qu’il s’agisse de Louise et Martine ou de Martine et Audrey, mais révèle aussi de quelle manière la violence subie par chacune d’entre elles se trans-met de génération en génération. La question dépasse ainsi l’accepta-

tion du passé et concerne l’avenir: Martine et Audrey sauront-elles pardonner et oublier afin d’ac-cueillir la prochaine génération?

Grâce aux performances dé-bordantes de pudeur et de sensi-bilité de Marina Hands, excellente dans son interprétation d’une jeune femme fragile et légère, et de Catherine Deneuve, dont la pres-tation rappelle quelque peu celle qu’elle avait livré dans Un conte de Noël d’Arnaud Despechlin, la force des dialogues et des scènes est dou-blée. Si la performance de Marie-Josée Croze semble parfois effacée par celle de ses partenaires, elle in-terprète pourtant toujours avec jus-tesse cette femme des années cin-quante qui cherche à s’émanciper, à trouver sa place dans un univers où aucune évolution ne semble réelle-ment possible pour elle.

Ainsi, si Mères et filles aurait pu être un film de plus dans la liste des nombreux films français abordant les rapports familiaux, il réussit habilement à s’en distin-guer grâce, entre autres, à d’ex-cellentes actrices et à la délicates-se et l’originalité avec lesquelles le sujet est traité.x

Ah!, l’Automne, Ah!, lA rentrée, que de plaisirs (mitigés) et de beaux moments (termi-nés). La rentrée, c’est comme les résolutions du Nouvel An, en pire. Parce que c’est plus lourd de conséquences d’arrêter d’étu-dier que d’arrêter de fumer ou de manger un légume orangé par jour, croyez-en ma vieille ex-périence. Mais tel n’est pas mon propos. Les lecteurs assidus de cette chronique (le pluriel étant purement hypothétique, je sais néanmoins qu’il y a ma maman) se surprendront peut-être de cette nouvelle résolution, et pourtant la voici: mes chroniques traite-ront toujours de littérature. Des romans, des nouvelles, des récits et peut-être des pièces de théâtre, c’est tout. Finies, les divagations indues sur la culture en général, la québécitude et la trépidante vie universitaire. Parler de littérature de langue française, voilà un ob-jectif qui relève de mes maigres compétences. «Mais quel genre de littérature?», vous demandez-vous sur le bout de votre chaise. Voilà une question qui suppose qu’on puisse distinguer des littératures différentes au sein de la littérature. Est-ce ben raisonnable? Eh bien quel adon, voici justement mon objet.

Classer a si mauvaise presse que toute tentative de qualifier peut être considérée comme in-signifiante, comme un vulgaire cochage de case ou une bureau-cratique gestion de dossiers –per-sonnellement j’imagine un im-mense sous-sol sombre rempli de classeurs beiges. On n’aime pas être décrit, mis dans une boîte ou réduit à une caractéristique (âge, ethnie, langue maternelle, etc.). Lorsqu’on veut qualifier intelligemment quoi que ce soit, surtout en culture il me semble, utiliser moins de quatre qualifica-tifs contradictoires passe vite pour terriblement réducteur. Moderne et ancré dans les traditions, har-monieux et chaotique (ou encore rock alternatif noise folk) sont des couples d’adjectifs qui relèvent

désormais du lieu commun de l’éloge. Bref, être inclassable est une réussite en soi.

Et, étonnant paradoxe de cet-te époque où l’accès à une variété infinie de produits culturels est généralisé, il est rare qu’on tente de débroussailler l’ensemble en distinguant ces produits les uns des autres –par exemple, en les classant dans des catégories. Les étiquettes, c’est, comme chacun le sait, pas fin.

C’est donc au risque de passer pour une bourgeoise élitiste finie que j’ose partager avec vous qu’il me semble que, quand même, il y a différentes catégories de livres. Pas seulement entre Marc Lévy (ou Danielle Steel, ou Mary Higgins Clark) et Proust, ce qui n’est gé-néralement pas matière à débat, mais –et c’est là où le bât blesse– entre Anna Gavalda ou Amélie Nothomb, entre Kundera ou Marie-Claire Blais. Même en tant que critique, je n’ose pas qualifier ces deux catégories. Ce n’est pas une distinction de qualité, mais de type: avouez que certains livres se lisent avec plaisir et suscitent des émotions fortes sans pour autant laisser un souvenir impérissable. Une question de style d’écriture probablement, et de bien d’autres choses sans doute.

On fait plus facilement la distinction au cinéma, où certai-nes comédies ou films d’action peuvent facilement être reconnus comme des bons p’tits films. Il n’y a pas de contradiction entre être une intello et avoir vu Le Journal de Bridget Jones, pourtant l’avoir lu est un plaisir un tantinet plus coupa-ble. Ce qui est dommage, parce que ce n’est pas parce qu’un film –ou un livre– tient du pur diver-tissement qu’il présente moins d’intérêt. Mais il suscitera proba-blement chez moi moins de ré-flexions publiables au sein d’une chronique. Ce sera la catégorie la moins divertissante qui sera conséquemment à l’honneur ici. Vous aurez été prévenus.

Reconnaître les distinctions entre les œuvres (et peut être aussi les gens, mais c’est une autre histoire) enrichit l’interprétation qu’on peut en faire, elle ne la limi-te pas. C’est donc ce que je tente-rai de faire, combattant fièrement la peur généralisée de la catégori-sation. Il faut dire qu’en classant de la sorte, on évite aussi de com-parer des pommes et des oranges, ce qui comme on le sait ne donne rien de bon, même en smoothie.x

Quelle opinion erro-née!, pensez-vous. Écrivez à [email protected]

Tant qu’il y aura des livresRosalie Dion-Picard

Des distinctionsCHRONIQUE

Vous souhaitez collaborer au Délit? Venez nous rencontrer tous les

lundis au local B-24 du pavillon Shatner.

Gracieuseté de Seville Films

De la difficulté d’être mère et filleMères et filles, le dernier film de Julie Lopes-Curval: une histoire familiale qui retrace l’évolution de la femme au XXe siècle.

CINÉMA

Annick lavogiezLe Délit

Après avoir été maintes fois annoncé, anticipé et contesté, voilà que le

virage numérique est véritable-ment amorcé dans le milieu qué-bécois de l’édition. La Presse an-nonçait récemment qu’un par-tenariat entre De Marque (créa-teur québécois du logiciel Tape Touche) et plusieurs grandes maisons d’ici (La courte échelle, HMH et Alto pour ne nommer que celles-là) permettrait bien-tôt aux publications québécoises de garnir les tablettes virtuel-les de l’iBookstore d’Apple. En court, les prochains romans de Nicolas Dickner, Naïm Katan, Yann Martel et bien d’autres se-ront désormais disponibles sur le iPad pour le grand plaisir des adeptes du 2.0 et au grand dam des inconditionnels du format traditionnel.

Loin de nous l’idée de relan-cer cette semaine le sempiternel débat sur l’intérêt du support élec-tronique face au bon vieux papier (n’est-ce pas là, d’ailleurs, qu’une simple question de préférence?), mais bien des questions peuvent toutefois être soulevées quant à l’influence de ce virage sur la vi-talité de l’édition québécoise. Les attentes des éditeurs par rapport à cette entreprise de numérisation sont-elles réalistes, voires justi-fiées? Rien n’est moins sûr.

Les maisons d’édition qué-bécoises l’attendaient de pied ferme, ce livre électronique. Les éditeurs appréhendaient son ar-rivée avec nervosité, envisageant avec elle une refonte complète de leur façon de faire. Maintenant que la «révolution» s’est bel et bien mise en branle, il est toute-fois difficile d’en évaluer l’éten-due. Martine Rioux, responsa-ble des communications chez De Marque, n’hésite pas quant à elle à évoquer la perspective d’un avenir glorieux pour une industrie en crise: «Toute la francophonie à travers le monde aura bientôt accès à la littérature québécoise à partir d’un iPad», a-t-elle confié à La Presse.

Le support électronique per-mettra évidemment à nos éditeurs de profiter pleinement de l’en-gouement actuel pour les nouvel-les technologies, ce qui n’est pas bête en soi. Cela dit, il serait éton-nant que le livre virtuel modifie réellement les habitudes de lec-ture -tant les nôtres que celles de lecteurs étrangers. Virtuel ou pas, un livre reste un livre. L’écran du iPad ne transformera pas les ga-mers, facebook junkies et blogueurs en lecteurs aguerris. Et si ce nou-veau support propose assurément son lot d’avantages, entre autres en ce qui a trait à la distribution des œuvres, il est à parier qu’il ne métamorphosera pas le statut de la littérature québécoise au sein de la francophonie, comme certains se plaisent à le croire.

L’accessibilité n’engage pas for-cément l’universalité. Depuis tou-jours marginale –exception faite de quelques élus– notre littérature aurait besoin de bien plus qu’un nouveau support pour parvenir à s’internationaliser.

Le plus inquiétant toutefois, c’est que le support virtuel repré-sente une dangereuse avancée vers la gadgétisation du livre. Il s’agit d’un pas de plus vers la su-bordination de la littérature à des données mercantiles avec les-quelles elle ne s’est jamais vrai-ment accordée. L’objet littéraire s’éloignait déjà de plus en plus de sa vocation artistique avec la recherche du best-seller et les pro-blèmes de surproductions aux-quels il est assujetti; qu’advien-dra-t-il de l’essence du livre dans sa version 2.0? Certains soutien-nent que seules les publications «populaires» se déplaceront vers le support électronique, et que la «Littérature avec un grand L» sera toujours associée au papier. On peut déjà prédire que la poé-sie ne remplira pas les rayons de la librairie virtuelle d’Apple. Cela pourrait donc mener à une mar-ginalisation encore plus grande de la littérature, qui a déjà une bien petite place sur le marché actuel. Mais la nouveauté excite, la révolution virtuelle s’installe et le Québec s’y joint avec enthou-siasme. Difficile de résister à la tentation de sauter dans le train, même lorsqu’on ignore où il s’en va.x

Dans mon temps, il y avait des livres

L’ÉDITO CULTUREL

Alexandre Belliard lançait récemment son troisième album, Des fantômes, des

étoiles, après plusieurs années de silence. Le titre est à l’image de ce nouvel opus: un alliage tout en douceur et en simplicité de textes intimistes et de mélodies travaillées.

Belliard s’inscrit dans une lignée d’auteurs-compositeurs-interprètes qui ont la cote en ce moment (Le Husky, David Marin, Yann Perreau...) et qui choisissent d’investir seuls l’espace créatif entre eux et leur public. Je dis «seuls», mais entendons-nous: ils sont évidemment accompagnés de musiciens talentueux et de toute une équipe. Ce qui les dis-tingue, toutefois, c’est le côté tout personnel de leur approche, le re-gard unique qu’ils posent sur le monde et qu’ils mettent en musi-que. Ce sont également des textes où le «je» et le «tu» prédominent, et où l’on invite l’auditeur à se plonger dans une tranche de la vie de l’artiste. Si le jeune com-positeur ne va pas aussi loin que Yann Perreau -qui est un cas à part, vous en conviendrez- il res-te que ses mélodies accrocheuses servent admirablement des textes simples et authentiques, qui sor-tent de l’ordinaire, tant par leur fraîcheur que par leur justesse.

Les mots de Belliard révè-lent une sensibilité vraie, teintée d’une certaine naïveté, c’est vrai, mais qui dénote un réel désir de dire les choses telles qu’elles sont

pour lui, sans artifice ni détour. En un mot, le musicien derrière Des fantômes, des étoiles se joint sans détonner à ses contempo-rains, tout en se forgeant une place bien à lui.

On ne s’étonne pas qu’Éric Goulet soit derrière la réalisa-tion de l’album. En effet, la pa-renté est certaine entre le son de Belliard et celui, clair et mé-lancolique, de l’interprète de Monsieur Mono. On leur trouve même des ressemblances dans la voix, et l’association semble toute naturelle. Il a assurément profité à Belliard d’avoir pour guide un artiste dont le talent est incontestable, et dont l’écriture est à ce point aboutie. Dans des chansons comme la très belle «Marie les ombres», Alexandre Belliard met en musique non pas une histoire, mais une émotion pure, et il le fait admirablement. La simplicité qu’il cultive est alors une richesse inestimable: ce sont les mots, des mots mé-ticuleusement choisis, qui sont à l’avant-plan et qui font tout le travail. Il en va de même pour des pistes comme «Étrange que tu ne meures jamais» ou «Aujourd’hui je suis malheureux», toutes deux magnifiques dans leur dépouille-ment.

Alexandre Belliard semble accorder sa voix à celle d’une génération d’artistes qui revendi-que une expérience individuelle du monde. C’est sans prétention qu’il nous livre donc son univers à lui, et il est assurément agréable d’y planer, quelque part entre les fantômes et les étoiles. x

Gracieuseté des productions de l’Onde.

Belliard et les étoiles

COUP DE CŒUR

Émilie BombardierCatherine Côté-OstiguyLe Délit

Catherine Côté-OstiguyLe Délit

Oui, oui, vous avez bien lu! Dans son numéro du mois de septembre, le ma-

gazine Playboy publiait quelques pages d’une traduction du classi-que de Flaubert, «roman le plus scandaleux de tous les temps», si l’on en croit le titre en couverture. C’est ce que l’Agence France-Presse (AFP) et Le Monde révélaient ré-cemment, étonnés qu’ils étaient de retrouver un article sur ce ro-man du 19e siècle au beau milieu des pages libidineuses de la célè-bre publication américaine.

L’on y décrit Madame Bovary comme « l’une des pécheresses les plus célèbres de la littérature». Toutefois, celle-ci «a d’abord été tentée», précise Playboy. L’AFP ajoute que la protagoniste est

perçue dans l’article comme «une petite fille bourgeoise nor-mande» qui se métamorphose en «enthousiaste femme adultère», scandale que le magazine associe «au simple fait d’être humain».

Le passage publié est ex-trait d’une traduction de Lydia Davis pour la collection Penguin Classics. Sa sortie aux États-Unis est prévue pour le 23 septembre. Dans une entrevue accordé au Times de Londres, Mme Davis avouait toutefois que le roman de Flaubert l’emballait peu : « J’aime les héroïnes qui réfléchissent et ressentent des choses. Je ne trouve Emma Bovary ni aimable, ni digne d’affection. Mais c’était également le cas de Flaubert.», a-t’elle avoué. x

15Arts & Culturexle délit · le mardi 14 septembre 2010 · delitfrancais.com

Madame Bovary en couverture de Playboy

LITTÉRATURE

Chris Drumm

16 Arts & Culture xle délit · le mardi 14 septembre 2010 · delitfrancais.com

Étrange et fascinant pro-duit du virage numérique entamé par les médias, le

web documentaire entraîne son spectateur dans un espace de découvertes et de rencontres où l’interactivité est reine. Alors que l’Amérique du Nord tarde quel-que peu à adopter la formule, ARTE, Le Monde et d’autres or-ganismes européens l’exploitent avec grand succès. Les inter-nautes ont désormais accès à des œuvres hybrides qui marient les bonnes vieilles techniques du documentaire audio-visuel à toutes les ressources que la toile peut offrir.

Dans l’univers du web do-cumentaire, on navigue comme bon nous semble à travers les in-formations et entrevues réalisées par les journalistes. L’ordre dans lequel on découvre les lieux et les personnages est généralement malléable. Le parcours choisi, quel qu’il soit, est ponctué de pa-ges dédiées aux échanges et aux discussions, permettant à chacun de participer aux questionne-ments et aux débats initiés. Mais malgré tout le sérieux des sujets universels qu’ils abordent, le côté ludique des web documentaires est on ne peut plus développé, rappelant les logiciels de jeux éducatifs que l’on a tous un jour possédé. Quoi qu’il en soit, les médias ajoutent désormais une

corde à leur arc avec ce nouveau format. Remplacera-t-il bientôt le documentaire traditionnel? On peut en douter. D’abord fau-drait-il que le spectateur puisse décider du niveau d’interactivité qu’il souhaite intégrer à son vi-sionnement. Le médium n’est pas tout à fait au point, et il serait agréable de se laisser entièrement guider par une narration sans avoir constamment recours à sa souris... Le produit est toutefois hautement intéressant pour ceux qui veulent bien tenter l’expé-rience.

À quand une production proprement québécoise de web documentaires? Tout porte à croire que cela ne saurait tarder. Un partenariat conclu cet été en-tre l’ONF et ARTE France devrait bientôt permettre aux deux insti-tutions de partager leur expertise afin d’investir ce nouveau marché en construction. D’ici là, mieux vaut se rendre dans le cyber-espa-ce des vieux pays pour découvrir ce que ces documentaires nou-veau genre ont de mieux à offrir. L’adresse webdocu.fr est d’ailleurs un passage obligé pour tous ceux qui voudront s’y initier. À la fois blogue et portail, le site propose un grand choix de web documen-taires, tous diffuseurs confondus. Vous y retrouverez notamment un lien vers Prison Valley (ARTE), une œuvre qui s’est nettement démarquée dans ce domaine en pleine expansion qui n’a pas fini de nous surprendre.x

Les grands documentaires, version 2.0

Le Délit aime...

Émilie BombardierLe Délit

La bd de la semainepar Et-Anne Moinsourath

Gracieuseté de prisonvalley.arte.tv


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