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Le seul journal francophone de l’Université McGill

Le mardi 10 mars 2009 - Volume 98 Numéro 20

Mallarmé se raidit dans la pâte depuis 1977.

le délit

Cupcakes!pages centrales

Élections de l’AÉUM et questionsde référendum!

Les élections régulières se tiendront du

10 au 12 mars

Bureaux de vote:Burnside – 10 mars

McConnell – 11 marsLeacock – 12 mars

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PARESSEUX” depuis l’enfance? La recherche de vision de McGill recherche des participants d’étude. Veuillez appeler Dr. Davar Nikneshan ou Dr. Simon Clavagnier au (514) 934-1934 extension 35307 ou contacter mcgillvisionresearch@

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limite. Minimum 40,50$/5 annonces.

Petites annonces

Assemblée généraleannuelle

L’assemblée générale annuelle (AGA) de la Société des publications du

Daily (SPD), éditeur du Délit et du McGill Daily, aura lieu

le jeudi 19 mars 2009au Leacock 232 à 18h.

La SPD recherche des candidats pour former son Conseil d’administration 2009-2010. L’élection des administrateurs aura lieu

à l’AGA. Les mises en candidature seront acceptées du 16 février à 9h au 18 mars à

17h. Les candidats potentiels devront remplir un formulaire de candidature, disponible

sur www.dailypublications.org ou dans le bureau de la SPD (Shatner B26).

Pour de plus amples renseignements, contactez le directeur général du

scrutin, à [email protected].

Envoyez vos dessins, photos, poèmes et autres créations originales à artsculture@delitfrançais.com pour notre cahier création du 7 avril!

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3Nouvellesxle délit · le mardi 10 mars 2009 · delitfrancais.com

Rencontre du droit islamique avec la modernitéLa Charia a-t-elle encore une place dans le monde contemporain? Avis partagés au sein de la communauté musulmane.

CAMPUS

Maysa PharèsLe Délit

Explorer la pertinence de la Charia, ou loi isla-mique, dans le monde

d’aujourd’hui, est l’objet d’une série de conférences organisée par l’Association des étudiants musulmans en droit de McGill. Mercredi dernier, Wael Hallaq, spécialiste en droit islamique, et Khaled Medani, professeur de science politique, ont esquissé des pistes de réponses à la ques-tion de la survivance de la Charia dans le monde moderne.

La Charia et l’État moderne: deux entités incompatibles

Il ne fait aucun doute pour Wael Hallaq que la Charia telle qu’elle était pendant des siècles est morte. «Nous n’avons pas, aujourd’hui, de culture juridi-que appelée Charia», a-t-il dit. L’avènement de la modernité et de l’État-nation ont selon lui sonné le glas de ce système en mettant fin à la «communauté morale», structure sociale à la-quelle la Charia servait de mode d’harmonisation. Réticent à dé-finir la Charia comme une «loi», Hallaq a rappelé que la Charia pré-moderne se rapproche du droit coutumier en pratique. Cela lui conférait la flexibilité que n’ont pas les lois codifiées; et a fortiori celles qui se fondent sur le précédent juridique. «La Charia d’aujourd’hui est une entité sous forme de texte, alors qu’auparavant elle était un esprit. Ses principes n’étaient jamais prononcés», a-t-il affirmé, ajou-tant qu’«un principe mis sur pa-pier est un principe rigide».

L’incompatibilité de la Charia et de l’État découle également de ce que les fonctions respectives de ces deux entités divergent fon-damentalement. «La Charia est

un système grassroots», a expliqué le professeur, «il prend naissance au niveau social même auquel il s’applique.» Cela le distingue de l’État, qui exerce son contrôle par le haut et qui, en pratiquant l’ingénierie sociale, «a remanié la Charia tant de fois qu’il en a dé-truit l’essence même.» Évoquant l’exemple du soutien conjugal, auquel la version abrégée de la loi substantive de l’Islam consacre

cinquante pages, Hallaq a rappelé qu’«aujourd’hui, il n’y a que trois lignes sur le sujet, parce qu’il n’y a pas de société sur laquelle on peut dépendre pour l’application de ces fonctions.» La notion du souci de l’autre a, selon Hallaq, disparu en grande partie.

Toujours vivante dans les ré-seaux informels

Contrairement à Wael Hallaq, Khaled Medani affirme que «la Charia est bien en vie, mais pas au niveau de l’État. La commu-nauté morale est très résiliente.» Adoptant un discours moins abs-trait que celui de son confrère, M. Medani a illustré son propos par une comparaison entre l’Égypte et le Soudan, rappelant que «la ré-surgence de l’activisme islamique est liée à la crise économique des années soixante-dix», moment où l’État incapable d’assurer la dis-tribution de certaines ressources a poussé les populations à avoir recours à des réseaux informels pour certains services.

M. Medani a expliqué qu’au

Soudan, où le coup d’état de 1989 a été suivi de la mise en pla-ce d’un gouvernement islamique, la Charia résonne de façon né-gative dans une société qui s’en détourne de plus en plus, à tel point que l’on observe la résur-gence du droit Soufi. L’Égypte, qui n’est pas une république is-lamique, mais dont la population est plus homogène que celle du Soudan, a paradoxalement une

société civile plus or-thodoxe. Cela dit, M. Medani a rappelé que le rapprochement de la Fraternité musulma-ne de l’État égyptien, auquel elle s’est tradi-tionnellement opposé, l’a rendue impopulaire, ce qui a «mis la Charia sous arrêt cardiaque.»

Le professeur a toutefois évoqué les classes laborieuses, qui prati-quent toujours la Charia dans le cadre d’une organisation infor-melle dans les «espaces non gou-vernés.» C’est ainsi que l’on ob-serve la popularité des mosquées privées, ainsi que de la provision privée de la protection sociale.

Au-delà des discours d’experts Pour les jeunes musulmans

ayant grandi en Amérique du Nord, la perception n’est pas bien différente. Imran Siddiqui, avocat originaire du Pakistan et installé à Atlanta est d’avis que «la Charia est en train d’entrer en conflit avec les lois occidentales et devra s’adapter dans un avenir proche». Il estime que «l’adop-tion de la Charia par l’État ainsi que les avancées technologiques ont dénaturé tout ce qu’elle avait pu être.»

Sur la question de l’existen-ce de tribunaux islamiques aux États-Unis ou au Canada, M. Siddiqui affirme que «si la Charia est en train de faire une poussée

en Occident, les jeunes musul-mans, surtout ceux que j’ai ren-contrés aux États-Unis, seraient selon moi en grande partie op-posés à l’usage de la Charia dans leur pays.» Il ajoute: «Pour être honnête, je pense que beaucoup de jeunes sont dégoûtés par les éléments radicaux.»

Pour Firas Ayoub, membre de l’Association des étudiants arabes en droit, «il est possible de régler les problèmes fami-liaux de manière privée, mais je pense que c’est plus aisé en Irak que dans un contexte comme celui du Canada, où il y a tant d’incompatibilités.»x

Vincent Bezeault

Pour le professeur Hallaq, la Charia est «Morte! Morte! Morte!»

«La Charia avait la flexibilité que n’avaient pas les lois codifiées, et a fortio-ri celles qui se fondent sur le précédent juridique.»

4 Nouvelles xle délit · le mardi 10 mars 2009 · delitfrancais.com

Robert Fisk à MontréalLe journaliste du quotidien britannique The Independent écorche la complaisance de l’establishment canadien envers Israël

INTERNATIONAL

Alexandre Ruiz de Porras GuédonLe Délit

«La situation au Moyen-Orient est catastrophique», a

lancé d’entrée de jeu Robert Fisk dans une conférence donnée à l’UQÀM le 20 février dernier. Le correspondant au Moyen-Orient du journal britannique The Independent a dressé le topo de la situation dans cette région turbulente et a commenté la cou-verture médiatique qu’en font les journaux occidentaux.

Après avoir lu quelques ex-traits d’articles tirés de grands journaux canadiens concernant le récent conflit israélo-palesti-nien dans la bande de Gaza, M. Fisk a interpelé l’audience en af-firmant qu’on peut lire «des arti-cles bidons dans la presse cana-dienne.» Il s’est d’ailleurs plaint à ce sujet: «Pourquoi les journa-listes ne posent pas les questions qui dérangent?». D’après lui, les journalistes occidentaux «ont couvert le [récent] conflit com-me s’il s’agissait d’un match de football», avec des gagnants et des perdants. Et c’est ce «traves-tissement de la réalité» que dé-nonce M. Fisk. «Il faut [que les

journalistes occidentaux osent] confronter la réalité, et non plus essayer d’assurer le peuple.»

Non sans qu’il y ait appa-rence de contradiction, M. Fisk ajoute croire «que les journalis-tes se doivent d’être neutres, im-partiaux et du côté de ceux qui souffrent.» Il affirme la nécessité de «parler des morts et des sur-vivants», prenant pour exemple sa couverture des affreux évé-nements de Sabra et Chatila en 1982. M. Fisk a aussi dénoncé la banalisation de l’accusation d’antisémitisme. «Lorsque de nombreux journalistes sont ainsi qualifiés s’ils critiquent Israël pour certaines conduites, c’est un scandale, une calomnie», s’est-il indigné. M. Fisk a aussi dénoncé la censure. Il a dit de pas subir de censure de la part de son rédacteur en chef, contraire-ment à un certain nombre de ses collègues américains. D’un autre côté, il s’est félicité de voir que, pour la première fois, des jour-nalistes palestiniens ont couvert les événements et a qualifié Al-Jazeera de «bénédiction pour les journalistes.»

M. Fisk a aussi commenté les politiques occidentales me-nées au Proche-Orient. Il s’est

révolté de voir l’ancien premier ministre britannique Tony Blair comme envoyé de la «paix» dans la région. «Comment ce men-teur peut-il se croire l’envoyé de la paix après avoir trempé ses mains dans le sang de centaines de milliers d’Irakiens?», s’est-il exclamé. En ce qui concerne la politique étrangère américaine, il s’est permis un brin d’humour, commentant que «la situation avec Hillary Clinton ne va pas changer, car elle veut être la pro-chaine présidente. Elle n’a pas intérêt à changer fondamenta-lement le discours américain au sujet d’Israël.» M. Fisk semble n’épargner personne. Pour ce qui en est de la nouvelle adminis-tration américaine, il s’est mon-tré sceptique. «Il n’y a là-bas [à Washington] que la machine du pouvoir politique (...). Si on ne comprend pas cela, on ne com-prendra jamais qu’il n’y a aucun mouvement pour régler le dos-sier israélo-palestinien», a-t-il expliqué, ne ratant pas l’occasion pour indiquer que le Canada est en guerre en Afghanistan et a noté que «M. Ignatieff n’est pas différent de M. Harper.» M. Fisk n’en finit pas d’invectiver la clas-se au pouvoir. Il a poursuivi en

disant que les dirigeants «trans-forment les forces de maintien de la paix en forces de maintien de la guerre».

C’est aussi en historien que M. Fisk s’est adressé. Il a dit avoir calculé qu’il y aurait actuelle-ment vingt-deux fois plus de soldats occidentaux au Moyen-Orient qu’il n’y avait de croisés au XIIe siècle. Citant des figures emblématiques de la lutte arabe, M. Fisk a dit que «Lawrence d’Arabie avait déjà compris la situation.» Il laisse paraître son effarement face au manque d’at-tention que l’on porte à l’his-toire. «Nous ne prévoyons rien,

nous ne pensons pas à l’avenir et nous n’en parlons pas. Nous ne comprenons rien, ni la frus-tration ni la colère que ces gens [au Moyen-Orient] ressentent», a-t-il dit.

La franchise de M. Fisk est presque déconcertante. Souhaitant «donner un exemple de la façon de voir la réalité» à travers son métier, M. Fisk a fini par lancer une invitation à l’en-gagement en disant que «nous devons accepter que nous som-mes tous sur la ligne de front.» Et après avoir interpelé l’audien-ce face à ce défi, il a conclu qu’il «devait y avoir un moyen».x

Alan Liefting

Robert Fisk n’en finit pas d’invectiver la classe au pouvoir.

Daniel MayerLe Délit

Le Conseil de l’AÉUM a adopté la semaine der-nière une motion qui

reproche à Élections McGill la manière dont elle dirige les élec-tions. La motion visait cinq élé-ments précis, soit l’inaccessibilité des candidats et des membres des comités référendaires, l’échec de l’application de la politique de bi-linguisme de l’AÉUM, la supervi-sion déficiente des campagnes, le caractère insuffisant des activités promotionnelles et l’inexactitude des informations diffusées.

Le Conseil de l’AÉUM a ressenti le besoin d’adopter cette motion qui signale son mécon-tentement dans le but d’amélio-

rer le processus électoral étudiant à l’Université McGill. Nadya Wilkinson, vice-présidente aux affaires universitaires de l’AÉUM, précise que «nous n’avons pas eu quorum au dernier semestre et nous étions inquiets de ne pas l’atteindre encore une fois à ce semestre». «Les élections consti-tuent un élément important de notre processus opérationnel et d’ailleurs le quorum est un élé-ment crucial de nos élections», a-t-elle ajouté.

L’AÉUM espère augmenter le taux de participation des étu-diants de McGill, voire dépasser le quorum, fixé à 15 p. cent. «C’est malheureux dans les cas où moins de 15 p. cent du corps étudiant votent.» «C’est important que le plus grand pourcentage possible

soit impliqué dans le processus démocratique», a dit Wilkinson. Les élections des membres de l’exécutif du Conseil de l’AÉUM sont toujours valides si le quorum n’est pas atteint, mais les ques-tions référendaires ne le sont pas, a fait remarquer Mme Wilkinson.

Pour sa part, Nicole Gileadi, directrice générale d’Élections McGill, reconnaît l’existence de certains problèmes. «On a eu quelques ennuis pendant les élections, mais cette motion pu-blique du Conseil de l’AÉUM est non seulement injuste, mais aussi sans précédent et peu profession-nelle», a-t-elle dit. Selon Mme Gileadi, les problèmes auxquels fait référence la motion ne méri-taient pas une telle motion de ré-probation. Elle explique dans une

lettre envoyée au Délit: «J’ai reçu l’information que cette motion avait été votée à 3h30 du matin des scrutins avancés (sic). Avant qu’ils aient pris cette décision, on m’avait fait part de quelques soucis et questions, auxquels on a répondu avec précision. Mais le Conseil ne m’avait pas informée d’un problème majeur.»

L’AÉUM et Élections McGill sont tout de même des organisa-tions indépendantes, bien qu’elles soient reliées pour des raisons or-ganisationnelles. «Financièrement, Élections McGill est relié à l’AÉUM, mais à tous les autres niveaux, il est indépendant», pré-cise Mme Wilkinson. Cela n’em-pêchera pas l’AÉUM de prêter as-sistance à Élections McGill. «Les membres du Conseil de l’AÉUM

veulent tout faire pour que les étudiants soient au courant des élections. Par exemple, certains membres participent à la distribu-tion des dépliants d’information», a ajouté Mme Wilkinson.

Malgré les reproches, Mme Gileadi souligne les accomplis-sements d’Élections McGill dans la dernière année. «Cette année, Élections McGill a réussi à deve-nir pratiquement bilingue, ‘Green Friendly’ et nous avons complè-tement refait notre site Internet, améliorant la facilité d’utilisation.» À la fin de l’élection, Élections McGill devra présenter un rapport au conseil de l’AÉUM. C’est à ce moment que les membres pour-ront évaluer si des améliorations ont été apportées au processus électoral sur campus.x

Motion de censure de l’AÉUM contre Élections McGill

CAMPUS

5Nouvellesxle délit · le mardi 10 mars 2009 · delitfrancais.com

Daniel MayerLe Délit

Dans le cadre de la «Semaine apartheid is-raélien» à McGill, qui

s’est tenue du 2 au 6 mars der-niers, Ronnie Kasrils présentait une conférence intitulée «Boycott Israel – The Apartheid State». Il a lui-même milité pour mettre fin à l’apartheid en Afrique du Sud et il est devenu le ministre adjoint de la Défense dans le premier gouvernement démocratique en Afrique du Sud après l’apartheid. Il a également servi comme minis-tre de l’Eau et des Forêts de 1999 à 2004, ainsi que comme ministre des Services de renseignement de 2004 à 2008. Maintenant à la retraite, il dédie son temps libre à écrire des livres et à participer à des conférences sur la question israélo-palestinienne.

Au tout début de sa confé-rence, il a signalé l’importance de l’objectif de la Semaine, à sa-voir maintenir le dialogue entre

les deux groupes qui s’affron-tent dans le conflit. Le but de sa conférence était de dresser une comparaison entre l’apartheid en Afrique du Sud et la situation actuelle en Palestine. «Il y a une reconnaissance mutuelle de souf-france», a-t-il dit en abordant les similitudes entre l’apartheid en Afrique du Sud et la Palestine. «Il ne faut pas vivre de l’autre côté de la rivière pour pouvoir compren-dre», a-t-il poursuivi.

Premier point de comparai-son selon lui: la race. «Ce qu’il y a en commun, c’est la question de la discrimination de la race, c’est-à-dire le contraire de l’inclusion des gens.» Dans les deux situations, on distingue un groupe par rapport à l’autre: les Blancs par rapport aux Noirs, les Palestiniens par rapport aux Israéliens. M. Kasrils explique que cette différenciation permet l’adoption de lois qui discriminent un groupe: le lieu où celui-ci peut vivre, ce qu’il peut faire, et ainsi de suite. Par exemple, puisque les Palestiniens ne peuvent recevoir la

citoyenneté israélienne, «ils ne bé-néficient pas des avantages que la citoyenneté israélienne offre aux Israéliens».

Par contre, M. Kasrils note qu’il existe tout de même des dif-férences entre les deux conflits. «En Afrique du Sud, jamais les endroits interdits n’ont été en-vahis par des avions militaires et des chars d’assaut». Par consé-quent, M. Kasrils semble pou-voir expliquer pourquoi tant de violence persiste dans le conflit israélo-palestinien. «La répres-sion engendre la résistance», a-t-il expliqué. Il faisait référence en l’occurrence aux roquettes qui sont lancées en territoire israélien depuis la bande de Gaza. Il s’est alors demandé si la cause palesti-nienne était «juste». En réponse: «Mandela et d’autres voient sû-rement la question palestinienne comme une cause juste.»

M. Kasrils a également par-tagé son pronostic sur une éven-tuelle solution au conflit. «Quand les conducteurs de trams d’Oslo

interrompent le système de trans-port pour deux minutes en guise de protestation contre les agisse-ments israéliens, c’est un signe que les attitudes changent.» Il a également rappelé que l’Afrique

du Sud a récemment refusé de décharger un bateau contenant de la marchandise en provenance d’Israël. Pour lui, ce n’est qu’une question de temps avant que le conflit n’arrive à sa fin.x

Maysa PharèsLe Délit

Des problèmes de gou-vernance au manque de vision, Benoit Labonté

a beaucoup à reprocher à l’ad-ministration en place à la Mairie de ce qu’il appelle la «fédération de Montréal». Les yeux rivés sur l’Hôtel de Ville, le candidat à la mairie entame, à huit mois de l’échéance électorale, une cam-pagne dans laquelle les étudiants figurent en cibles privilégiées. C’est pourquoi jeudi dernier, M. Labonté et son collègue Karim Boulos se sont soumis aux ques-tions des membres du Conseil lé-gislatif de l’association étudiante, dont le déroulement d’ordinaire soporifique a pris pour l’occasion des allures de consultation pu-blique. Il a été question de recy-clage, de pistes cyclables, de trot-

toirs verglacés et de transports en commun; mais il s’agissait surtout pour le chef de Vision Montréal de mettre en avant les points saillants de sa plateforme.

Martelant la nécessité de «faire de Montréal une grande ville du monde», M. Labonté a souligné les défauts de gouver-nance qui, selon lui, affectent les prises de décision et la cohé-rence des politiques municipa-les. «Nous nous trouvons dans une situation étrange», a-t-il dit, «les arrondissements voient leurs pouvoirs renforcés dans le contexte d’un pouvoir central fai-ble, auquel s’ajoute le manque de gouvernance.» L’argumentaire de M. Labonté trouve ainsi son fon-dement dans la nécessité de «ra-patrier des pouvoirs vers l’Hôtel de Ville», un projet dont Labonté est conscient qu’il soulèvera une forte controverse. «Mais nous le ferons», a-t-il affirmé.

Les incohérences de la gou-vernance décentralisée ont res-surgi dans les réponses des in-vités aux membres du conseil. Interrogé sur les fusions munici-pales, M. Boulos a affirmé que «le bilan est mauvais, mais ce n’est pas à cause des fusions, c’est à cause du leadership.» En répon-se à une étudiante critiquant la qualité des trottoirs montréalais, Labonté a dénoncé le fait que les arrondissements «ont la res-ponsabilité d’assurer 100 p. cent des services municipaux, tout en n’ayant que 23 p. cent du bud-get de la Ville», un fait que le candidat a illustré en rappelant que seuls huit cols bleu sont dé-ployés pour déneiger la totalité du centre-ville la nuit.

Remédier à de telles incohé-rences s’inscrit dans la volonté de M. Labonté d’attirer vers la mé-tropole les talents, et de les gar-der. «Si nous ne parvenons pas

à le faire, nous sommes cuits», a-t-il expliqué. «Or, ces talents sont des étudiants, et ils viennent souvent d’ailleurs.» C’est pour-quoi, si le financement des uni-versités est hors du mandat de la municipalité, M. Labonté insiste pour que «les villes s’impliquent de manière indirecte dans ce fi-nancement». Selon lui, cela im-plique, entre autres politiques, la baisse des tarifs d’accès aux transports en commun pour les étudiants, voire même la gratuité. Sur ce même sujet, M. Labonté a affirmé que «[Vision Montréal] n’aur[ait] jamais enlevé un sou aux transports publics, même en temps de récession.»

Dans une entrevue au Délit au sujet du redéveloppement des friches industrielles et nombreux terrains vacants à Montréal, le candidat a souligné leur concen-tration inappropriée dans le cen-tre-ville, expliquant qu’«il y a des

avantages financiers à ne pas dé-velopper ces terrains.» Prenant l’exemple des parcs de station-nement illégaux qu’il a fait fer-mer, Labonté a affirmé que ces terrains privés apportent à leurs propriétaires un rendement éco-nomique bien plus élevé en tant que parkings qu’un immeuble de bureaux ou d’habitation. Les problèmes liés au développement urbain sont, pour MM. Labonté et Boulos, fortement liés à l’im-possibilité d’avoir une politique et une vision cohérentes. Une fois de plus, la gouvernance est à la source du problème. «Le développement économique et immobilier, a-t-il affirmé, ne doit pas être soumis aux caprices des arrondissements.»

M. Labonté a conclu sur ces mots: «Un aspect de la gouver-nance consiste à prendre des dé-cisions, l’autre aspect implique de les assumer.» Affaire à suivre.x

Montréal et ses provincesEn visite à McGill, le maire de l’arrondissement Ville-Marie et candidat de Vision Montréal à la mairie dénonce la décentralisation de la gouvernance municipale.

LOCAL

L’Afrique du Sud et le conflit israélo-palestinienRonnie Kasrils soutient que Nelson Mandela voyait comme «juste» la cause palestinienne.

CAMPUS

Vincent Bezault / Le Délit

En troisvitesses

Citation de la semaine

LES PETS DE MOLLUSQUES

Une étude germano-danoise a brisé la coquille du secret: les pets de mollusques seraient un «facteur im-portant» contribuant au réchauffement climatique. Bien entendu, l’activité hu-maine n’y est pas pour rien. C’est la pollution des plans d’eau aux nitrates qui «encouragerait» le système diges-tif des bestioles. Si la communauté internationale reste de glace face à ce fléau, il faudra s’attendre à ce que l’in-testin grêle, et peut-être sonne le glace de l’humanité telle qu’on la connaît. Libération

Maysa PharèsRédactrice en chef

La rengaine du «trop peu, trop tard» est un refrain familier sur le terrain de la lutte environnementale. Brandie avec ardeur par les agités des causes vertes, elle retentit traditionnellement chaque fois qu’est présenté un plan destiné de près ou de loin

à améliorer les conditions de vie urbaines tout en promouvant les pratiques «durables». C’est de bonne guerre; exiger plus est sain. Mais à l’approche des élections municipales, les trop-peu-trop-tardistes aiguisent et aigrissent leurs discours, parfois au risque de tomber dans l’excès. À tel point que l’on est en droit de se demander si les partis sont motivés par le seul souci de critiquer le parti de M. Tremblay, dans le but de mieux agencer leurs cartes politiques.

La tendance est telle qu’il n’est guère surprenant de voir le Plan de déplacement ur-bain (PDU) du Plateau, adopté la semaine dernière, accueilli par un communiqué vitriolé du chef de Projet Montréal, Richard Bergeron. Le Parti, dont la plateforme fait de la dura-bilité son fer de lance, n’a pas hésité à dégainer la formule magique du mécontentement systématique. Selon Bergeron, le PDU est si insuffisant que la circulation augmentera de 20 p. cent avec son application. La formulation est sournoise puisqu’en réalité, ce n’est que si la tendance actuelle se maintient (c’est-à-dire une augmentation de 2 p. cent par an) que la circulation augmentera. Bergeron prend donc pour acquis que le PDU n’aura aucun effet.

Le Plan de déplacement a pour objectif principal la diminution de la circulation dans le Plateau, dont nombre de mcgillois sont les envahisseurs, et par conséquent les bé-néficiaires à long terme. Il a pour stratégie le développement d’alternatives efficaces à la voiture, auxquelles s’ajoutent des mesures d’apaisement du transit. Parmi les nombreux objectifs, le plan prévoit une diminution à 30km/h de la vitesse hors des voies artérielles. Flagrant délit de mauvaise foi, Bergeron s’empresse de crier que l’apaisement de la circu-lation nécessite la reconfiguration des rues et des intersections, et non pas simplement l’installation de pancartes! Il a sans doute sauté un point du PDU, qui parle précisément d’ «améliorer la géométrie des intersections».

Certes, l’échéancier, qui fixe à 2019 les actions les plus ambitieuses, est quelque peu décevant. Cela dit, s’il est vrai qu’on n’en fait jamais assez, mieux vaut se dire qu’il est ra-rement trop tard. À la lecture du plan, on se demanderait même si l’arrondissement n’en met pas trop dans son assiette. En tout cas, l’initiative permet d’ouvrir la porte à des ini-tiatives similaires de la part d’autres arrondissements, l’étape ultime étant d’aboutir à une politique cohérente à travers la métropole. Le PDU est solidement conçu et clair, et malgré l’imprécision de certaines de ses actions, il a l’avantage non négligeable d’exister. x

«Certains men-tionnent la pilule

anticonceptionnelle, la libéralisation de

l’avortement, ou en-core la possibilité de travailler à l’exté-rieur de la maison.

D’autres vont encore plus loin: la machine

à laver.»

- Journal du Vatican

[email protected]

Mononc’ Serge: album de l’année selon CHOI FM

Que le célèbre Mononc’ Serge pavoise: la non moins illustre station de radio CHOI FM, de Québec (où Jeff Fillion a déjà sévi), a décerné le prix de l’album de l’année à son dernier opus, Musique Barbare. On organise même un concert privé pour l’occasion, qui selon nos sources se tiendra au bar bar du gouffre. Trou noir culturel oblige: dans une telle cave, l’abîme regarde au fond de toit. Le Délit

Obama est cheapEn visite à Washington, le premier

ministre britannique Gordon Brown a of-fert à Obama un stylo sculpté dans le bois authentique d’un navire de guerre du dix-neuvième siècle. M. Obama lui aurait rendu la politesse... en offrant un coffret de DVDs hollywoodiens. Qu’on ne se fasse pas de films au sujet de cette histoire: je bois à la santé de l’austérité financière, de la cime de l’arbre jusqu’aux branches les plus infimes du gouvernement. NY Daily News

Insolite

en hausse

au neutre

LA FRATERNITÉ DES POLICIERS

Au Michigan, un ivrogne a été arrêté après avoir juré contre un poli-cier qui avait refusé de lui faire un câ-lin («hug»). Il est accusé d’avoir porté atteinte à l’ordre public. Ne coupons pas les cheveux en quatre: le danger de la brosse est tel que la Couronne devra analyser la preuve au peigne fin. KTLA.com

en baisse

C’est connu: la machine à laver tour-noyante a tracé l’esquisse de la spirale in-fernale qui a conduit à l’émancipation de la femme. C’est fou tout ce qu’un homme peut faire dans une salle de lavage...

LES WOKS SUR GLACE

Ils le sont vraiment: à la ville de Winterberg, en Allemagne, des compé-titeurs dévaleront une pente, chevau-chant des woks sur glace. Les organisa-teurs décrivent ainsi le choix qui s’offre au concurrent perdant le contrôle de son bolide en périlleuse accélération: il peut rester et être cuit, ou sauter pour le plaisir des croquants. Les gagnants, quant à eux, ne recevront que des pea-nuts, mais l’huile d’arachide n’est pas interdite pour améliorer la qualité de la glisse. Cyberpresse.ca

6 Controverses xle délit · le mardi 10 mars 2009 · delitfrancais.com

Maysa Pharès / Le Délit

Mécontentement durableCAMPUS

rédaction3480 rue McTavish, bureau B•24

Montréal (Québec) H3A 1X9Téléphone : +1 514 398-6784

Télécopieur : +1 514 398-8318

Rédactrice en chef [email protected]

Maysa Pharè[email protected] de section Philippe CloutierSecrétaire de rédaction Daniel MayerArts&[email protected] de section

Julie CôtéSecrétaire de rédaction

Catherine Côté-OstiguySociété[email protected]

Éléna ChoquetteMai-Anh Tran-Ho

Coordonnateur de la production [email protected]

Louis MelançonCoordonnateur [email protected]

Vincent BezaultCoordonnatrice de la [email protected]

Laurence Côté-FournierCollaborationRalph Elawani, Habib Hassoun, Julie Leroux, Jérémy Leopold-Metzger, Jimmy Lu, Alexandre Ruiz de Porras Guédon, Véronique Martel. CouvertureMai-Anh Tran-Ho

bureau publicitaire3480 rue McTavish, bureau B•26

Montréal (Québec) H3A 1X9Téléphone : +1 514 398-6790

Télécopieur : +1 514 [email protected]

Publicité et direction générale Boris Shedov

Gérance Pierre Bouillon

Photocomposition Geneviève Robert

The McGill Daily • [email protected]

Jennifer Markowitz

Conseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD)Lauren Chang-MacLean, Angel Chen, Braden Goyette, Jennifer Markowitz, Lawrence Monoson, Maysa Pharès, Ana-Gray Richardson-Bachand, Perrin Valli, Eric van Eyken [[email protected]].

le seul journal francophone de l’université McGill

L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.

Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la repro-duction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill. L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité pa-raît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).

Volume 98 Numéro 20

le délit

Avec une grosse, on ne man-que pas de s’amuser: comme me l’a déjà confié un expert, à chaque fois, pour elle, «c’est comme si c’était la dernière fois». Et le surplus de viande ironise: on a beau les prendre à trois heures moins corps, celui-ci n’est pourtant pas en moins. D’autant plus que personne ne niera qu’elles coû-tent moins chair...

Une autre de mes connaissances se confessait: «À l’UQÀM, c’est plein de grosses chicks. C’est tellement à faire, se

pogner une grosse». Et ce genre d’avis, à force d’enquêter, s’avère aussi courant que les grosses ne courent pas. Ici, pas de tapis –et encore moins d’accélérateur– pour le clamer. Nul n’ose chauffer et faire vrombir son amour de la chaude charrue. Avis répandu, et si peu exprimé: il n’a pas la côte... qui saillit.

* * *L’amour de la grosse se cultive. Le

tour de taille qui rappelle le Cercle polaire commande la date à la Banquise. Son père a peut-être volé les étoiles du ciel pour les mettre dans ses yeux. Ça devait être la Grande Ourse. Il faudra régler au quart de poil la suite des choses. Bien entendu, je ne parle pas du succès, qui est générale-ment assuré, cela va de soi. Je parle plutôt de la pénible justification auprès des amis. Le chasseur du dimanche, mal à l’aise, in-voquera la myopie et la perte de ses fonds de bouteille. Le prédateur aguerri, lui, sait qu’il n’y a de fond de bouteille qui n’accompagne une soirée agréablement arrosée. Le taureau en rut a vu rouge: il épatera donc ses compères en parlant de l’expérience comme du vin de robe épo-nyme.

Parmi les AOC de grosses chicks, on lit l’admiration pour «la grosse négresse avec

un style incroyable de sympathie» comme un cépage de grand livre ouvert. Celui qui mourra sans y avoir fait vendange aura de toute éternité le vît gnoble. Noir destin que le sien.

Faut-il mépriser pour autant la géné-reuse blanche sans des seins? Certes non. On n’y score pas sans but: gonflé à bloc par ses pneus, on atteint des sommets humides, jusqu’à ce que l’adhérence du Michelin Alpin soit requise. La silhouette donne à voir un ventre qui va plus loin que les boules? Qu’importe. C’est ailleurs que l’on déglace la crème.

Garder en tête l’Ordre: la cuisse, moins chère et plus Hospitalière. Si la craque des chevalières rappelle la forme du por-te-avion, dites-vous bien que c’est pour mieux décoller et atterrir. Encore et encore. Et quand le calembour devient la fente de l’esprit qui vole, on fait camp retranché au Païen-Orient, après une bonne croisade. C’est le temps plié par votre plaisir qui vous l’assurera. Ne soyez pas mat, vos exploits brillent: que rien ne voile la vérité...

Vous êtes-vous déjà réveillé auprès d’une appétissante grosse? [email protected], le confessionnal personnel de Clayton, est là pour vous. x

La mûre réflexionClayton Laframboise

Le principe de la grosse chicksCHRONIQUE

7Controverses

Assemblée généraleannuelle

L’assemblée générale annuelle (AGA) de la Société des publications du Daily (SPD), éditeur du Délit et du

McGill Daily, aura lieu

le jeudi 19 mars 2009au Leacock 232 à 18h.

Les membres de la SPD sont cordiale-ment invités. La présence des candidats au Conseil d’administration est requise.

Pour de plus amples renseignements, contactez le directeur général du scrutin, à [email protected].

la Section nou-velles cherche un

chroniqueur!

contactez vite le [email protected]

xle délit · le mardi 10 mars 2009 · delitfrancais.com8

Un cupcake, en français, se nomme un quatre-quarts, le gâteau ne né-cessitant que quatre ingrédients

à proportions égales pour être réalisé. Néanmoins, le mot «cupcake» est com-munément utilisé en Amérique du Nord francophone. Le terme est sans équivoque: sa seule prononciation suffit pour évoquer l’image, plaisante et délicieuse, du joli gâ-teau conçu pour la consommation indivi-duelle, le plus souvent préparé dans de pe-tits moules en papier, couronné d’un cré-mage onctueux et de pépites sucrées.

Le début du XIXe siècle réservait deux usages au terme «cupcake». Le premier découle du format du moule utilisé pour la cuisson des petits gâteaux. Les gâteaux étaient souvent cuits non pas dans les moules uniformément gris et antiadhé-sifs d’aujourd’hui, mais dans des moules individuels appelés ramequins, ou dans tout autre type de contenant résistant à

la chaleur du four. Souvent en porcelaine, ces moules avaient la forme et la taille des tasses de thé, d’où le «cup» cake. Le même gâteau est aussi nommé, à l’occa-sion d’une fête et de façon plus fantaisiste, «fairy cake».

Le deuxième usage est lié à la façon de mesurer des ingrédients qui composent la pâte du gâteau. Les cuisiniers veillaient traditionnellement au respect des propor-tions des ingrédients en les pesant avant de délaisser cette pratique au profit de la me-sure de leur volume. Non seulement me-surait-on en tasses plutôt qu’en livres dans les cuisines, mais on le faisait aussi désor-mais dans les foyers familiaux. C’est alors que certains gâteaux délaissèrent le nom «pound-cake», et que certaines recettes prirent le nom de «1234 cakes» ou de qua-tre-quarts, soulignant le fait que l’on utilise quatre ingrédients en proportions égales; le beurre, le sucre, les œufs et la farine.

Nul n’est besoin de se promener longuement sur les grands boulevards pour dénicher une demi-douzaine de cupcakes, ces pe-tits gâteaux colorés. Vous trouverez avec aisance de nombreux porte-clefs qui imitent leurs formes, maints chandails sur lesquels s’impriment leurs couleurs, sans mentionner ceux qui décorent les cartes d’anniversaire. D’où tombent-ils donc tous?

Le Délit met la main à la pâte!Éléna Choquette & Mai Anh Tran-Ho

Mai Anh Tran-Ho / Le Délit

9Société

Comment expliquer que ces gâteaux issus du monde de l’enfance, par-fois copieux, souvent délectables,

soient devenus un des desserts les plus «tendance» du monde des plus grands?

Depuis le XIXe siècle, les cupcakes sont servis à l’occasion de fêtes, le plus souvent lors de l’anniversaire d’un enfant. Aujourd’hui, nous les retrouvons accompagnant les plus sérieuses séances de thé. Leur petite taille y est pour quelque chose. Décidément, on pré-fère les élégantes portions individuelles aux disgracieux ustensiles.

Évidemment, la télévision rentre ici – comme souvent – en jeu. L’émission Sex and the City montrait souvent Carrie dévorant les cupcakes de sa boulangerie newyorkaise préférée, Magnolia. Puis, dans The Devil Wears Prada, Andy insiste devoir y passer pour at-traper un truc pour son copain. Magnolia est ainsi devenu non seulement un symbole,

mais probablement la plus populaire des boulangeries spécialisées dans la fabrication de cupcakes.

Au fond, pourquoi un tel engouement pour ces gâteaux? Est-ce leur petite taille, ré-pondant à la satisfaction d’un rapide désir de sucre, sans pour autant permettre l’écart de conduite que représente le plus alimentaire des sept péchés capitaux? Est-ce leurs dé-corations hautes en couleur qui laissent en bouche le tendre goût de l’enfance? Est-ce davantage en raison du plaisir entraîné par le déballage du papier coloré (qui rappelle agréablement celui d’un cadeau) du petit gâ-teau réservé que pour soi? Ou encore, est-ce le fait que l’on puisse se les mettre sous la dent à toute heure de la journée et en toutes occasions, plus sophistiquées les unes que les autres? Célébrations de mariage, séances de thé et pauses-café ne sauraient plus com-poser sans eux…

Exclusivement pour vous (il n’existe plus altruiste), Le Délit a fait un détour dans la ville qui ne dort jamais pour vi-siter Magnolia sur Bleecker Street. Les quelques trente minutes consacrées au respect de la file d’attente nous ont permis d’accéder au désormais célèbre comptoir et de mettre la main sur six cupcakes – Magnolia restreint leur achat au nombre de douze en raison de la demande im-portante conjuguée à la rareté de l’offre. En ce jeudi soir, aucune loi économique n’aurait pour autant su gêner la transac-tion: votre dévoué déliite a l’intérêt des lecteurs à cœur.

Fondé par Allysa Torey et Jennifer Appel en 1996, dans le West Village de Manhattan, Magnolia a ouvert une succursale dans l’Up-per West Side en 2008 après le succès de The Devil Wears Prada. Cet emplacement géogra-phique, on ne peut moins familial, suggère en effet que les cupcakes sont dorénavant l’affaire des grands.

À l’ouverture de ses portes, Magnolia assurait non seulement la fabrication et la vente de gâteaux qui font aujourd’hui sa réputation, mais aussi celles de quatre types de pain, de roulés à la cannelle et de rou-lés de blé entier aux noix. Pourtant, la vente des gâteaux a rapidement supplanté celle des pains, dont la fabrication a ralenti pour finalement s’éteindre, faute d’espace et de temps. Progressivement, Allysa a développé les recettes de plus petits gâteaux à la noix de coco (6” au lieu de leur taille normale de 9”). Il n’y avait, à ce moment, que des cupcakes à la vanille avec le crémage rose, rappelant ceux aujourd’hui désigné sous le nom de «Barbie Cakes». Ils étaient cuits l’après-midi, mais le crémage était préparé et appliqué pendant la nuit, au moment où le comptoir de vente était fermé à la clientèle. Plusieurs personnes passant tout près aux petites heures de la nuit mendiaient d’ores et déjà quelques gâteaux. Depuis, la noblesse et les ventes de cupcakes Magnolia connaissent une croissance exponentielle.

Allysa et Jennifer n’ambitionnaient rien d’autre que de tenir fièrement une boulangerie de quartier entre huit et dix-huit heures quotidiennement. Pourtant, la force des choses permet aujourd’hui, à la prestigieuse Magnolia et aux bienfaisants cupcakes de compter parmi les peu nom-breux symboles qui façonnent le monde alimentaire huppé. x

Doux compromis entre la simplicité des gâteaux d’origine (beurre, œuf, farine et sucre) et les subtilités des

désormais trendy cupcakes. Faciles à réaliser, réussir et apprécier. En quinze minutes de préparation et vingt de cuisson, vous ob-tiendrez dix-huit délicieux cupcakes.

La pâte1 ½ tasse de farine blanche1 ½ c. à thé de poudre à pâte1 ½ c. à thé de sel½ tasse de beurre mou¾ tasse de sucre2 œufs 2 c. à thé d’essence de vanille¾ tasse de lait 3,25%

1. Préchauffez le four à 350o Fahrenheit 2. Dans un bol de taille moyenne, tamiser les trois premiers ingrédients.3. Dans un plus grand bol, battre le beur-re en crème et ajouter les trois suivants. S’assurer de bien mélanger en ajoutant le lait.4. Incorporer le premier mélange au deuxiè-me. 5. Remplir les moules au ¾.6. Mettre au four et cuire quelque vingt mi-nutes.

Le crémage1 tasse de beurre3 tasses de sucre à glacer1 c. à thé d’essence de vanille

7. Réaliser le crémage en mélangeant vigou-reusement les trois ingrédients.8. Tartiner de crémage les cupcakes lorsque refroidis et orner de décorations sucrées.

Mai Anh Tran-Ho / Le Délit

Mai Anh Tran-Ho / Le Délit

Date limite d’admission le 1er avril

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Située au cœur des affaires, reconnue pour sa réputation internationaleet pour son expertise de premier plan, la Faculté de droit de l’Universitéde Montréal demeure le choix par excellence pour des études supérieures.

Nos programmes d’études supérieures se distinguent par :

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Dans de nombreux secteurs de pointe ou traditionnels :

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Parce que l’avenira besoin de vous

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11Arts&Culturexle délit · le mardi 10 mars 2009 · delitfrancais.com

Catherine Côté-OstiguyLe Délit

aurait pu être touchant, pourtant. Deux amis, Richard et Christian, vivent leur jeunesse

dans les rues de Québec, à la fin des années quatre-vingt. Après leur rencontre, ils deviennent ra-pidement inséparables. «Un coup de foudre d’amitié», dira Richard. Mais Christian rencontre Kate et, puisqu’il ne peut en être autre-ment, il en tombe amoureux. C’est cette rencontre qui activera la grande machinerie du monde, et servira de moteur à la pièce.

Tout sépare Kate et Christian. Elle est une ambitieuse doctorante passionnée par la Renaissance, et lui n’a jamais fini son secondaire trois. Dès le début de leur relation, ils se savent très différents, mais plongent tout de même, appelés par la fatalité. L’opposition de ces deux mondes, qui constitue la principale tension de la pièce, ne convainc pourtant pas. Serait-ce à cause de l’accent forcé que prend Sophie Cadieux, l’interprète de Kate, pour mieux consolider le sté-réotype de l’étudiante en histoire

de l’art? Ou bien à cause d’un Christian plus stéréotypé encore, un bum affublé d’une douteuse perruque, qui préfère expérimen-ter de nouvelles drogues que se plonger dans l’œuvre de Da Vinci? Quoiqu’il en soit, le spectateur a du mal à être réellement touché par l’amour impossible qui unit les deux protagonistes. Richard, quant à lui, tente tant bien que mal de se tailler une place dans ce scénario. Il ne parvient pourtant pas à aller au-delà du rôle de l’ami de service, et le personnage se révèle insipide, af-fichant un manque de profondeur certain. Il aurait pourtant été inté-ressant de laisser une plus grande place à la forte amitié qui unit les deux garçons.

C’est à travers les souvenirs de Richard, incarné par un Stéphane Franche un peu mal à l’aise, que l’on est transporté dans le passé, à la découverte de l’histoire qui, de bien des manières, a marqué l’existence de ceux qui l’ont vé-cue. Sophie Cadieux, l’interprète de Kate, campe également le rôle d’Eli, qui reçoit les confidences de Richard. Le personnage d’Eli, plus authentique et plus intéres-sant, peut-être, que celui de Kate,

est également le plus attachant. Le spectateur est heureux de retrou-ver la jeune femme à chacun des segments qui la mettent en scène. Sa présence nous rappelle –heu-reusement!– le talent de Cadieux, qui se démarque nettement du lot.

La scénographie est sans aucun doute le point fort de La Grande machinerie du monde, et c’est son dynamisme qui fait tout l’inté-rêt de la pièce. Patrice Dubois ex-ploite l’espace, la lumière et le son de manière tout à fait originale. Au

centre de la scène, un cube gigan-tesque aux parois de toile blanche se démantèle et se transforme, pour former un espace différent à chaque tableau. Le tout est accom-pagné d’une utilisation sobre et juste de la musique et de quelques jeux d’ombres et de lumière pour le moins intéressants.

Somme toute, La Grande ma-chinerie du monde propose un dialo-gue avec le passé qui se perd dans un manque de naturel flagrant. Si le spectateur sourit parfois à

quelques répliques de Kate ou de Christian, ces moments sont trop rares pour racheter tous ceux qui, malheureusement, sonnent faux. Les personnages demeurent figés, pris dans l’engrenage d’une ma-chine mal ajustée.x

Une machine mal huiléeLe Théâtre PÀP présente La Grande machinerie du monde à l’Espace Go, une pièce aux mécanismes grinçants.

THÉÂTRE

Ç’

La Grande machinerie du mondeOù: L’Espace Go 4890, boul. Saint-LaurentQuand: Jusqu’au 21 marsCombien: 24$ (30 ans et moins)

Gracieuseté Théâtre PàP

Christian et Kate habitent deux mondes opposés.

Ralph ElawaniLe Délit

Chaque fois que je pense au boulevard St-Laurent en termes de nightlife, l’image

d’un Popsicle multicolore ou d’un paquet de Life Savers me vient tou-jours en tête. La raison en est fort simple: à chaque deux ou trois coins de rue, entre les rues Ontario et Saint-Viateur, la Main arbore des allures contradictoires et sou-vent surréelles. On ne soulignera pas l’absurdité du mélange hétéro-clite de vieux Portugais et de jeu-nes filles qui, dans des sweatpants à l’effigie de l’université qu’elles fré-quentent, trimbalent leur fatigue, assommées par les Sex on the Beach de la veille. Ce qu’il est désolant de constater, c’est à quel point tout ce qui n’est pas fréquenté par de fu-

turs diplômés du HEC ou de jeu-nes professionnels œuvrant dans des boîtes de communication est en voie de disparition.

Alors que les commerces à orientation «superflue» –maga-sins d’huile d’olive à tendance progressiste ou néo-bakouniniste et autres tanières de Christian Bégin– prennent finalement la poudre d’escampette en raison de la crise économique, les sal-les de spectacle décentes pouvant accueillir des foules modérées connaissent malheureusement un sort semblable. Le seul problème, c’est que la situation actuelle n’est pas due uniquement à la conjonc-ture économique. Si on gratte un peu, on réalise que ce qui a mis fin aux activités de salles comme le Blackdot, le Main Hall, le Green Room et maintenant la Casa Del

Popolo, c’est la chasse aux sorciè-res que la ville de Montréal leur a littéralement ouverte depuis quel-ques années. Ajoutez évidemment à cela une poignée de «gros bon-nets» qui déménagent dans le Mile End et font pression sur la Ville pour qu’elle ferme ces repères de païens mal accoutrés, car les ac-tivités de ces derniers empêchent lesdits «gros bonnets» de profiter pleinement de la qualité de l’image HD de leur nouveau cinéma mai-son.

La Casa Del Popolo, pro-priété de Kiva et Mauro Pezzente, a donc récemment dû suspendre tous ses concerts, en raison d’un problème lié à leur permis de pré-sentation de spectacle «payants». Tout cela vient alourdir les dé-mêlés qu’ils avaient déjà avec la Régie des Alcools, des Courses et

des Jeux (RACJ). Il est aussi perti-nent de mentionner qu’un permis comme celui pour lequel la Casa se bat ne peut être obtenu une seconde fois, advenant la perte de ce dernier. Vous devinerez qu’un grand nombre de «gros bonnets» seraient prêts à payer pour qu’un inspecteur ferme l’endroit, et ainsi racheter le permis, une démarche qui n’est pas sans précédent.

Que se passe-t-il avec tous les événements prévus? Pour l’ins-tant, les spectacles payants «ampli-fiés» (terme technique de la RACJ

pour parler de ce qu’on appelle communément des shows) sont suspendus, mais la Casa continue de servir nourriture et alcool, en compensant pour les spectacles par un plus grand nombre de «soirées DJ». Si vous vous deman-dez comment vous pouvez aider, dites-vous que c’est bien simple: déplacez-vous pour les «soirées DJ»! D’excellents musiciens, dont quelques membres de la forma-tion Pas Chic Chic, feront tourner le nec plus ultra de leurs collections durant tout le mois de mars.x

Le cas de la CasaIl y a de l’action dans le Mile End: les spectacles sont suspendus à la Casa del Popolo.

ACTUALITÉ CULTURELLE

Jimmy Lu / Le Délit

12 Arts&Culture xle délit · le mardi 10 mars 2009 · delitfrancais.com

Habib HassounLe Délit

Réalisé par Philippe Muyl, Magique est une produc-tion franco-québécoise qui

raconte un fragment de la vie d’une femme monoparentale. Betty est d’origine française, mais élève dans une campagne québécoise son fils unique de dix ans, Tommy. Pour l’épargner, elle lui fait croire qu’elle ne connaît pas l’identité de son père alors qu’en vérité, il l’a quittée soudainement après la naissance du garçon. Le petit, dans toute sa naïveté, s’imagine que son père est cosmonaute et qu’il reviendra un jour du ciel.

Magique est aussi l’histoire d’une troupe de cirque totalement folle et délirante qui arrive dans la campagne québécoise et à qui l’on interdit de s’installer sur un terrain public, faute de permis. La troupe est donc invitée à prendre place sur une partie de l’immense terrain appartenant à la famille de Betty. Émerveillé par la joie, l’absurdité et la singularité dans lesquelles vivent les membres de la troupe, le jeune

Thomas décidera de transporter ce bien-être dans son chez-soi, et particulièrement dans «l’âme de sa mère» qui, depuis quelque temps, semble souffrir de mélancolie.

L’actrice Marie Gillain sait fort bien rendre les caractéristiques principales de son personnage. La douceur de son jeu, mêlée à une grande force, la transforment en une mère qui réussit aussi bien sa vie professionnelle que familiale. Et Tommy, joué par Louis Dussol, est d’une habileté étonnante. Sa voix, lors de ses performances musica-les, enchante l’oreille du spectateur et y reste bien au-delà de la fin de la scène. Le film met également en vedette le chanteur français Cali, pour qui il s’agit d’un premier grand rôle au cinéma.

Le traitement du film pourrait être qualifié d’onirique: il mélange le conte de fée et l’invraisembla-ble à un drame contemporain, tout en mettant en scène une sé-rie d’oppositions. La troupe est la représentation parfaite de la vie en communauté. Les membres s’accompagnent continuellement; ils mangent, dorment, jouent et

se pratiquent ensemble. Mais la troupe aura be-soin de l’aide de la petite famille pour que ses mem-bres puissent continuer de pratiquer leur art. La ren-contre que met en scène le film provoque un choc entre deux modes de vie, entre société et réclusion. La petite famille voit la tranquillité de son retrait bouleversée. Or ce boule-versement, bien que perçu négativement par la mère au départ, devient un as-pect nécessaire, voire cru-cial, pour l’atteinte de son bonheur.

Si la troupe représente la com-munauté, elle est aussi la parole, le conte, la chanson. Les membres sont sans arrêt dans l’acte paro-lier, qui ne semble jamais s’épui-ser. Leur vie est une véritable or-gie de paroles. À cette réalité vient s’opposer le silence, les tabous même, qui planent lourdement sur la ferme avant l’arrivée des saltimbanques. Peu de mots, mais dont l’importance est accrue, et la

signification immense. Se rencon-trent alors la parole et le silence à travers ces deux mondes si diffé-rents, une rencontre qui a pour cadre une imposante forêt, dont la présence n’est pas innocente. La nature magnifique est considérée ici comme lieu de l’union possi-ble du mobile et de l’immobile, de la parole et de la méditation, de l’exubérance et de l’introspection.

Magique est un conte philo-sophique musical qui aborde des

thèmes universels: l’amour, la fa-mille, le père absent, le bonheur et la détresse. Le tout est traité non pas de manière simpliste, mais en adoptant un point de vue un peu naïf, comme si le film était vu à tra-vers les yeux d’un enfant. Jamais le réalisateur n’essaie d’élaborer de grandes théories: c’est plutôt une célébration de la simplicité du quotidien. Et derrière cette simpli-cité, il y a la découverte d’un tissu de gaieté qui se crée peu à peu. x

Habib HassounLe Délit

T he Exiles, réalisé par Kent Meckenzie en 1961, est actuellement présenté au

Cinéma du Parc. Ce film, tourné en noir et blanc, raconte une nuit dans la vie de quelques Amérindiens is-sus de Los Angeles. Oscillant entre la fiction hyperréaliste et le docu-mentaire subjectif, ce film décrit la façon dont cette communauté a été assimilée, consciemment ou pas, à la culture américaine.

Au cours du film, l’emploi du terme «exilés» pour définir cette diaspora installe une ambi-guïté qui n’est pas sans ironie. Les Amérindiens sont, en effet, consi-dérés comme des étrangers à Los Angeles, parce qu’ils ne partagent pas les mêmes racines que la majo-rité reconnue. S’ils sont totalement assimilés à cette culture, ayant adopté sa langue, son rythme de vie et son style vestimentaire, restent-

ils malgré tout étrangers? Avant de trouver réponse à cette question, et sans s’attarder davantage sur le rapprochement entre les deux cultures, une autre question s’im-pose: qui sont, historiquement, les véritables exilés?

Le titre évoque l’injustice qui caractérise la relation entre l’enva-hisseur et l’envahi: celle d’imposer son identité, sans aucune considé-ration pour l’identité originale des individus. Kent Meckenzie aboutit, par ce constat, à une démarche ci-nématographique aux visées dé-nonciatrices. Si le discours politi-que du film est implicite, la dénon-ciation qui passe par le particulier, l’unité, pour atteindre l’universel, est importante. Dénonciation, d’abord, des conditions de vie dans lesquelles vivent ces exilés à Los Angeles, qui passe par une compa-raison avec les Amérindiens issus de la même communauté qui, eux, vivent en retrait, loin de l’influence américaine. Une comparaison éclai-

rante, qui évoque aussi la détérioration des relations homme-femme au sein de cette communauté.

L’ivresse autant psy-chologique que physi-que que nous montre Meckenzie est évidente et domine le film. Embrouillés par le rêve américain et ses belles valeurs de mariage, de vie pieuse, d’enfants, de maison et de voiture, et conditionnés à vivre dans le but d’atteindre tous ces objectifs, les «exilés» sont à présent enivrés par l’al-cool. Après l’enivrement intellectuel, survient celui du corps. Pendant une partie de la nuit, la communauté tente ainsi de retrou-ver ses origines, tout en laissant de côté les idées traditionnelles héri-tées du passé. Cette réconciliation temporaire, aussi puissante soit-el-le, entre l’Amérique moderne et les Amérindiens, se fait sur une monta-

gne qui surplombe Los Angeles. La communauté amérindienne de la ville des anges, composée de peu de femmes, s’y retrouve au milieu de la nuit; elle danse, chante, crie, bouge et y retrouve ses véritables origines. Cette excursion dans la montagne révèle le besoin d’éloignement phy-sique que les Amérindiens ont par

rapport au rythme mouvementé de la ville, afin de retrouver, par la danse et la musique, une partie de leur identité.

The Exiles est un film qui évo-que plutôt que de dramatiser. Rare dans son genre, il fait le portrait de personnages aux visages désormais sans identité. x

Magique ou lentement le bonheurFraîchement arrivé sur nos écrans, un conte philosophique et musical sur le pouvoir des uns sur les autres.

La nuit de l’assimilationThe Exiles fait un retour sur les écrans au Cinéma du Parc.

Sur le grand écranCINÉMA

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13Arts&Culturexle délit · le mardi 10 mars 2009 · delitfrancais.com

Julie LerouxLe Délit

«Imaginez un monde où les idées et la culture, de “Happy Birthday” à

Mickey Mouse, sont enfermées sous verrous par les lois du copy-right. Même les idées qui pour-raient mener vers un remède contre le cancer seraient hors de notre portée. Cessez d’imaginer maintenant, car ce monde est ce-lui dans lequel vous vivez.» Ainsi s’exprime le réalisateur montréa-lais Brett Gaylor qui, après six ans de travail acharné, nous présente l’excellent documentaire RiP: A Remix Manifesto, une production qui sonne l’alarme quant aux dangers qui menacent la survie de notre culture et de notre li-berté d’expression.

Mêlant les tons informatif et humoristique, le film de Gaylor part de l’idée que les lois du co-pyright sont totalement hors de contrôle. Créées autrefois pour encourager la création et l’avan-cement dans le monde des idées,

ces lois protègeraient maintenant les corporations au détriment des artistes et du public. Si certains ar-tistes, tels que le groupe Metallica, sont reconnus pour leur soutien à ces lois rigides –on se rappel-lera leur participation au déman-tèlement de Napster–, d’autres, comme la formation Girl Talk, font de l’échantillonnage leur ins-trument principal et contestent ces règlements qui leur confèrent le statut de criminel. Ne pouvant payer les royautés pour les milliers de chansons qu’ils utilisent pour créer leur musique originale, ces artistes doivent-ils bénéficier d’un traitement de faveur?

Selon Gaylor, le partage des idées et des créations est essentiel au maintien de la culture, mais ce principe est malheureusement contraire au fonctionnement des industries capitalistes qui contrô-lent cette même culture. Même le fair use –cet usage d’extraits de do-cuments culturels dans le but de soutenir un argument– n’est plus possible alors qu’il était aupara-vant toléré. Le réalisateur mon-

tréalais craint que nous n’ayons pas encore vu les limites de l’obsession du contrôle et du profit qui caractérise les corpora-tions culturelles.

L’Internet est de-venu le champ de bataille dans cette guerre d’idées, et les consommateurs-créateurs s’arment de YouTube dans le but de se réapproprier leur culture, quoique illégalement. Les intermédiaires corporatifs sont également snobés par Radiohead, qui, en 2007, offrait gratuitement son dernier album, In Rainbows, à ses fans. Les Creative Commons, des copyrights plus souples créés par Lawrence Lessig, offrent une al-ternative aux consommateurs et artistes qui voient la culture non pas comme une propriété pri-vée, mais comme un bien public maintenu en vie grâce au partage, à l’échange et au dialogue.

En plus d’informer le public du dérapage des lois du copyri-

ght, le réalisateur Brett Gaylor donne une voix aux partis de la résistance émergente, ce qui rend RiP doublement intéressant. Des images superbes et des témoigna-ges intelligents et surprenants nous mènent de l’Amérique, pays des poursuites et de la loi du profit, au chaleureux Brésil, pays de la liberté, du partage et de l’épanouissement culturel. Pour les militants du «copyleft»,

la gauche du copyright, les lois d’aujourd’hui veulent donner l’impression qu’elles protègent les droits des artistes alors qu’el-les les briment; il faut riposter et rendre la culture plus libre et da-vantage démocratique. x

Pour plus d’informations:http://opensourcecinema.orghttp://creativecommons.org

Véronique MartelLe Délit

Le film de Vincent Carenq s’ouvre sur un Paris mou-vant, dans le quartier de

Belleville. Emmanuel est pédia-tre. Les enfants sont sa vie et sa passion. Mais il ne veut plus s’oc-cuper seulement des enfants des autres: il veut lui aussi être père. Son conjoint, Philippe, est caté-gorique: les enfants, c’est non. Or, le désir de paternité d’Emmanuel est un besoin; il tentera tout pour l’assouvir. C’est alors qu’apparaît Fina.

Le long métrage vacille constamment entre des séquen-ces de mouvements très rapides, surchargées de couleurs et d’élé-ments, et des plans plus lents, mais parcimonieux. Le mouvement rapide est à l’image du sentiment d’Emmanuel, qui n’a plus le temps d’attendre que la vie lui donne la possibilité d’avoir un enfant. Il doit provoquer les événements, car il vieillit, et bientôt ce rêve d’enfanter

ne sera plus possible. Les couleurs vivantes sont bien sûr celles de l’enfance. Les objets de l’enfance sont omniprésents, et la trame sonore du film rappelle parfois le bruit de jouets d’enfants, de leurs rires et de leurs pleurs. À cause du métier du protagoniste et de son contexte familial, les bambins ha-bitent littéralement le film. Ils sont partout: à l’épicerie, au restaurant, au travail, dans la rue, dans la mai-son de la sœur d’Emmanuel. Ils envahissent l’écran, le bousculent de cent façons, ce qui contribue au rythme accéléré du film. Les rares moments plus lents du film sont dédiés à la réflexion du personnage sur les enjeux de la paternité. Ces plans sont toutefois peu fréquents, puisque les protagonistes ne sont pas étudiés en profondeur.

Comme les autres revisite le cliché de la crise de la paternité à l’aube de la quarantaine. Même si le sujet est souvent traité –l’histoi-re d’un couple qui veut un enfant, mais que les obstacles de la vie bri-ment–, les protagonistes sont en marge de l’histoire classique, entre

l’homosexualité et le trian-gle amoureux qui devient un trio parental. Carenq traite un sujet banal sous un angle nouveau et dé-place le cliché. Cependant, malgré un traitement no-vateur du sujet, le film reste assez superficiel, omettant la psychologie des personnages et leurs motivations profondes. Tendant parfois vers le co-mique, d’autres fois vers les larmes, les acteurs ne parviennent pas à se fixer et l’interprétation reste de caractère léger, comme le long métrage qui la porte. La photographie du film favorise une esthétique très réaliste qui a pour but l’identification du spec-tateur aux propos du film, mais l’identification peut-elle se faire si l’on ne connait pas profondément Emmanuel, Philippe, ou même Fina? Le problème n’est pas le manque d’informations données par la trame narrative, mais bien la réalisation, qui laisse évoluer des

personnages vides dans un film mouvant et coloré. Le sceau de l’enfance y est naturellement om-niprésent, quasi obsédant, tirant ainsi l’auditoire vers un possible et très voulu attendrissement qui ne se manifeste pas toujours.

Comme les autres est très contemporain, il est réaliste et actuel: le mariage homosexuel ainsi que l’adoption par deux

personnes du même sexe étant encore illégaux aujourd’hui en France. Les maladresses du film sont dues à la volonté du réalisa-teur de toucher un auditoire plus vaste, d’avoir une plus grande vitrine. Bien que Comme les autres s’adresse spécifiquement à celles et à ceux qui adorent les bébés, il reste néanmoins très joyeux et divertissant. x

La culture sous verrousBrett Gaylor signe RiP : A Remix Manifesto, un manifeste pour une démocratie culturelle.

Comme les autres, finalementVincent Carenq nous propose Comme les autres, un film qui explore la paternité chez les couples homosexuels.

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14 Arts&Culture xle délit · le mardi 10 mars 2009 · delitfrancais.com

Partie intégrante de la littérature cana-dienne, Jo-Anne Elder s’est illustrée dans plusieurs sphères de la vie cultu-

relle, de sorte que sa réputation n’est plus à faire. Native de l’Ontario, elle entreprend des études en littérature comparée à l’Uni-versité de Sherbrooke pour ensuite s’établir à Fredericton. C’est dans les Maritimes, où elle est maintenant surtout reconnue en tant que traductrice littéraire, qu’elle construit sa vie. Ayant notamment traduit vers l’anglais les œuvres du poète acadien Herménégilde Chiasson, elle s’est vu attribuer le titre de finaliste au Prix littéraire du Gouverneur Général en 2008 pour sa traduction du re-cueil Béatitudes. Elle a également participé à diverses publications, en plus d’avoir fait pa-raître un ouvrage de fiction publié en 2005: Postcards From Ex-Lovers.

Les concours d’écriture à thème ont toujours inspiré Jo-Anne Elder; l’idée de de-voir créer en respectant des contraintes ne la rebutait pas mais la poussait à créer. C’est d’ailleurs lors d’un de ces concours littéraires que Jo-Anne Elder allait découvrir ce qui de-viendrait son genre littéraire de prédilection, la carte postale, qui permet d’écrire un court récit et qui n’a pour seule contrainte que de se plier au format de la carte. Une carte postale griffonnée en quelques minutes –tout en gar-dant un œil sur ses enfants– lui fit remporter le premier prix du concours. Cet événement ne resta pas sans conséquences. En effet, Jo-Anne Elder fut par la suite invitée à faire des lectures de ses cartes postales. Comme elle n’en avait alors écrit qu’une seule, elle se mit à rédiger d’autres cartes pour en faire la lecture, découvrant par le fait même ce qui devint son art: un genre flexible qui se mariait à merveille avec sa vie mouvementée de mère d’une fa-mille nombreuse, un avantage que ne pouvait lui offrir la fiction sous d’autres formes. Au fil des années, des histoires prenaient vie, avec pour support autant de véritables cartes que de simples serviettes en papier. La spontanéi-té de la carte postale a ainsi permis à Jo-Anne Elder d’écrire sur sa vie qui, comme elle le dit bien, a été marquée par une série d’imprévus. Et pourtant, le but de l’écrivaine n’est claire-ment pas de se lamenter, mais plutôt d’utili-ser ses expériences difficiles pour enrichir son écriture, une valeur qui se transmet dans son style.

Après une décennie à rédiger des cartes postales qui relatent ses souvenirs –voyages, déménagements et autres épisodes de sa vie–, Jo-Anne Elder est encouragée par ses amis à les rassembler pour former un recueil. C’est ainsi que Postcards From Ex-Lovers voit fina-lement le jour en 2005, rassemblant en un recueil des cartes postales qui font voyager entre fiction et réalité, d’une ville à l’autre. La délicieuse fiction que l’on retrouve dans le recueil d’Elder prend ses racines dans l’ob-servation des gens au quotidien, une activité dans laquelle l’auteure laisse libre cours à son imagination et se permet d’inventer des

vies et des histoires à de parfaits inconnus, rencontrés au hasard dans des cafés ou dans des lieux de passage, comme les gares et les aéroports. C’est d’ailleurs après avoir vu un homme et une femme utiliser leur carte de visite comme moyen de séduction que Elder eut l’idée d’utiliser la très conventionnelle bu-siness card à des fins créatives, un genre qu’elle est la première à avoir introduit. Peu importe la forme, Jo-Anne Elder s’amuse à donner de l’importance à des éléments qui passent gé-néralement inaperçus, à calculer ce que l’on cherche généralement à taire –tel le nom-bre de défaites ou de relations amoureuses vouées à l’échec– et à conter ce qu’on oublie trop souvent, comme l’histoire familiale. Elle recense les éléments qui font d’une personne ce qu’elle est, en montrant clairement que l’on se trouve bien souvent enrichi des expé-riences qui ne comptent pas aux yeux de la société.

Les talents de Jo-Anne Elder ne se limi-tent toutefois pas à la rédaction de cartes de toutes sortes, loin de là. Si l’écrivaine est éga-lement traductrice littéraire spécialisée dans le domaine des arts –elle s’intéresse elle-même aux arts visuels et à la photographie–, elle est aussi éditrice pour la revue Ellipse, une publication qui se donne pour mission de traduire des textes littéraires canadiens dans les deux langues officielles. L’un des objectifs de l’artiste est d’inclure certaines langues amérindiennes au champ d’action de la revue, un projet qui lui tient à cœur. La traduction est, selon Jo-Anne Elder, une contribution à la société, puisqu’elle permet la compréhension de la réalité des autres. C’est dans cette même optique que l’auteure organise annuellement l’événement Côte à côte, le seul festival de traduction littéraire au Canada.

Jo-Anne Elder porte également un vif intérêt pour les études de la femme, dé-nonçant la rigidité du domaine académique envers les femmes. Bien qu’elle enseigne aujourd’hui à l’Université de Moncton et à l’Université de Fredericton, elle reconnaît que le système académique n’accommode en rien les femmes désireuses d’avoir une fa-mille nombreuse, puisqu’il n’excuse pas les années passées à élever les enfants. L’intérêt de Jo-Anne Elder pour la condition fémini-ne se prolonge jusqu’à la sphère spirituelle, ce qui a donné lieu à un recueil de textes portant sur la spiritualité, écrits par des fem-mes canadiennes de provenances diverses et fait sous sa direction.

On peut être surpris, lorsqu’on rencontre Jo-Anne Elder, de constater le degré d’impli-cation qu’elle porte à toutes les sphères dans lesquelles elle s’implique. Elle perçoit son dévouement comme la clef d’une vie remplie par ses passions, même si sa plus grande ri-chesse, l’artiste vous le dira elle-même, est sa nombreuse famille, pour laquelle elle a donné plusieurs années et continue aujourd’hui de se dévouer. C’est bien la preuve que, même dans un domaine aussi difficile que celui de la littérature, il est possible de faire son chemin, à coup d’efforts. x

Café et cartes postalesC’est autour d’un café que Le Délit a rencontré l’écrivaine, traductrice littéraire et éditrice Jo-Anne Elder lors de son passage dans la métropole. Portrait d’une femme inspirante qui fonce dans la vie avec douceur et dont la philosophie ne peut que vous charmer.

LITTÉRATURE

Julie CôtéLe Délit

15Arts&Culturexle délit · le mardi 10 mars 2009 · delitfrancais.com

Samedi Soir, je regardaiS un film d’action à la télévision, mon laptop ouvert sur mes genoux, mes mains inertes déposées sur le clavier, le regard anxieux. Je cherchais sans succès un sujet culturel d’actualité qui intéresserait vraiment les lecteurs. Quelle ne fut pas ma honte, le len-demain matin, de réaliser qu’un sujet d’une haute importance planait juste sous mes yeux –d’autant plus que je participais à un événement culturel en son honneur.

Alors que l’on prend pour acquis, aujourd’hui, la liberté et le droit de vote fé-minins, il semble facile pour plusieurs per-sonnes d’oublier l’importance –ou parfois même l’existence– de la Journée internatio-nale de la femme. Pourtant, il reste encore

bien du chemin à faire en ce qui a trait à l’égalité des sexes, et les acquis sont tou-jours fragiles. C’est pour cette raison que la date du 8 mars revêt une importance parti-culière et devrait être mise en évidence dans tous les agendas et calendriers

La fin de semaine dernière, plusieurs colloques et manifestations avaient lieu pour souligner les combats passés, présents et futurs des femmes d’ici et d’ailleurs. Pour ma part, j’ai chanté le 8 mars dernier. La chorale dont je fais partie depuis peu, l’en-semble vocal Les Nanas de Montréal, avait été invitée à faire un bref concert dans le cadre de colloque De l’oppression à la recon-naissance, le 5e colloque de Gai Écoute, qui abordait la situation des femmes lesbiennes venues d’ailleurs et des femmes bispirituel-les autochtones. Nous y avons chanté des chansons jazz et des classiques français, mais la pièce à l’honneur lors de ce spec-tacle spécial était décidément «Du pain et des roses», une chanson de circonstance. La pièce avait été écrite en 1995 pour la Marche du Pain et des Roses, une mani-festation pacifique organisée par Françoise David et rassemblant 850 femmes revendi-quant l’éradication de la pauvreté qui affli-geait les Québécoises. Les 200 kilomètres parcourus en dix jours ont mené le groupe à l’Assemblée nationale, où 15 000 person-nes les attendaient. Grâce à cette marche, le salaire minimum a été augmenté et la

loi sur l’équité salariale créée. La Marche mondiale des femmes, un mouvement in-ternational réunissant 163 pays et militant pour l’égalité et contre la violence, est un autre produit de cette courageuse initiative québécoise. En 2005, une marche commé-morative réunissait quelques centaines de participantes «pour jeter des perspectives des luttes féministes qu’il [restait] à mener», lit-on sur le site de la Fédération des fem-mes du Québec.

Encore aujourd’hui, bien des gens sont mal à l’aise devant le mot «féministe». On y associe un mouvement extrémiste qui ra-baisse les hommes et qui prône la supério-rité féminine. Bien qu’il existe certainement des femmes qui en veulent aux hommes, la très grande majorité des féministes cher-chent plutôt à améliorer les conditions de vie des femmes et à promouvoir l’égalité entre les sexes. En d’autres mots, le féminis-me est un mouvement qui ne cherche pas à brimer les droits des hommes, mais bien à défendre les droits qui reviennent aux femmes. De Thérèse Casgrain à Françoise David, en passant par Janette Bertrand et Pauline Marois, le dernier siècle a vu agir des centaines de militantes dévouées. En retraçant non seulement l’histoire de la chanson «Du pain et des roses», mais aussi l’histoire générale des femmes au Québec, j’ai ajouté ma voix au mouvement féministe avec davantage de fierté. x

Billets au hasardJulie Leroux

Du pain et des rosesCHRONIQUE

Brèves culturelles

DANSE

Une chorégraphie dont vous êtes le hérosÀ l’Agora de la danse cette semaine, les amateurs de danse contemporaine pour-ront assister à Passage, la nouvelle produc-tion du groupe Kondition pluriel. Avec une mise en scène par Martin Kusch et Marie-Claude Poulin, le spectacle présente la danseuse Catherine Tardif qui met en mouvement ce projet novateur. Toujours dans l’esprit d’avant-garde qui caracté-rise les travaux de la formation, Kondition pluriel nous propose une oeuvre hybride interactive qui mêle danse et médias. Les spectateurs sont ainsi invités, plutôt que de simplement s’asseoir, à circuler dans l’es-pace, participant eux-mêmes à la perfor-mance. Un pas pour le moins osé vers une nouvelle conception de l’art-performance!

Passage de Kondition pluriel , Agora de la danse, du 11 au 14 mars.

MUSIQUE

En avant la musique!Pour une cinquième année, le festival Un-der the Snow entreprend de faire découvrir aux Montréalais le meilleur de la musique indépendante. Douze artistes, connus et moins connus, se produiront durant cinq soirs, pour le plus grand plaisir des ama-teurs de musique. Il Motore, Le Divan Orange, le Zoobizarre et la Sala Rossa, des salles bien connues des artistes et des in-tellos, seront les hôtes de cet événement original. C’est donc tout en faisant de nouvelles découvertes musicales que vous pourrez profiter des tous derniers jours de l’hiver, en attendant le beau temps!

Under the Snow, du 11 au 15 mars, Pour plus d’informations et pour la programmation complète. Consultez www.emorageimagazine.com/underthesnow.

CINÉMA

En allemand, au grand écran

Le Goethe-Institut de Montréal ac-cueillera cette semaine le film de Ray Müller The Wonderful, Horrible Life of Leni Riefenstahl. Le film, qui n’a pas été projeté sur grand écran à Montréal depuis 1994, met en vedette Leni Riefenstahl elle-même, et sera présenté en langue originale alle-mande, avec sous-titres en anglais. Il s’agit d’un documentaire, d’une durée de plus de trois heures, qui expose la vie et l’oeuvre de la réalisatrice allemande, qui est der-rière la création du film Le triomphe de la vo-lonté, film de propagande nazie hautement controversé. Le long métrage donne une foule d’informations fascinante sur cette femme intriguante.

Gœthe-Institut de Montréal, Les 12 et 13 mars, 19h.

je ne SaiS paS pour vous, mais de mon côté ça ne file pas très fort. On dirait que la déprime de novembre me poursuit depuis trois mois et s’accroche désespéré-ment au pan de mon manteau. Quel temps de merde! J’adore le froid, mais cette tem-pérature toujours changeante, qui nous fait piétiner dans l’eau et la gadoue, me déplaît au plus haut point. Je sors peu, je vois de moins en moins mes amis, je suis plus sou-vent qu’autrement de mauvaise humeur… Que se passe-t-il?

Je pensais à tout cela en marchant sur la rue McTavish quand, tout à coup, une vision presque irréelle attaqua mes rétines. Une meute de jeunes étudiantes avançait en ma direction sur le trottoir, menaçante. Moi qui jusqu’alors avais réussi à détour-ner le regard chaque fois qu’un tel spectacle s’était présenté à mes yeux sur le campus –et

Dieu sait que l’occasion s’est souvent pré-sentée!– j’ai pris la peine, pour la première fois, de regarder l’ennemi en face. J’ai af-fronté ces spécimens féminins appartenant à la race insupportable qu’il faut bien ap-peler par son nom: les «Oh My God!». Les plus assidus d’entre vous se rappelleront la charmante caricature de mon collègue Vincent Bezault, parue en début d’année, qui mettait en scène deux représentantes de cette espèce malheureusement beaucoup trop répandue sur le campus; dans l’équipe du journal nous les avions affectueusement appelées Muffin et Asperge, pour des rai-sons –comment dire– éminemment visi-bles. Premier trait caractéristique: aucun pantalon décent en vue; que des sweatpants ou, pire encore, des leggings!

J’avais commencé à signaler le numéro de mon pusher –la drogue dure étant main-tenant la seule solution envisageable pour ma pauvre âme assiégée par ces visions d’apocalypse–, quand j’aperçus quelque chose d’encore pire. Les jeunes filles en question portaient ce qui semblait être, de prime abord des mitaines pour le four aux pieds! Voyons, ça ne pourrait être le cas, ce serait trop ridicule, me suis-je exclamée! Avait-on non seulement accepté et prolon-gé à tous les jours de la semaine la motion du «no-pants Fridays», mais également créé le «we-bake-pie-with-our-toes club» sans que j’en sois averti?

Figé sur place en cet épicentre de la non-classe, immobilisé par mon angois-se existentielle qui, à ce moment précis, n’ayons pas peur des mots, atteignait un climax dangereusement élevé, j’aperçus soudain un sourire. Ces jeunes et naïves

podocuisinières souriaient! Qu’avaient ces filles que je n’avais pas? Comment pou-vaient-elles être plus heureuses que moi, même dans cet accoutrement?

La réponse s’imposa à moi presque immédiatement: parce qu’elles étaient en groupe! Il me fallait donc créer au plus vite mon propre club très sélect afin de régler mes problèmes existentiels et développer, du même coup, à la fois la superficialité et la «snoberie», véritables bourgeons –j’en suis persuadé– d’un sentiment d’appartenance à cette communauté étudiante mcgilloise au goût douteux. Allais-je, dans la lignée de ce groupe uni de par ses choix vestimentaires, créer le crocs club? Plutôt mourir! Non, je me suis plutôt lancé dans la création d’un club pour lequel j’ai un véritable intérêt: la musique! Avec un ami tout aussi désabusé de la vie que moi et surtout passionné de musique, j’ai fondé la Société du renouveau musical, un groupe privé exclusif dont le mandat est de mieux faire connaître la musi-que classique sous tous ses aspects. Chacun présente lors de rencontres hebdomadaires quelques pièces musicales de son choix, ain-si que les compositeurs qui en sont à l’origi-ne et les anecdotes croustillantes qui y sont rattachées. Le tout autour d’un bon verre de scotch, évidemment. Quelle merveilleuse manière d’apprendre à connaître de la belle musique! Même si j’abhorre toujours autant ces viles «Oh My God!» qui peuplent mes cauchemars les plus atroces, les cinq mem-bres officiels du groupe et moi-même nous portons bien mieux depuis que nous avons compris le secret de leur bonheur. x

www.renouveaumusical.wordpress.com

Découvertes musicalesLouis Melançon

Bach et bottinesCHRONIQUE

16 Arts&Culture xle délit · le mardi 10 mars 2009 · delitfrancais.com

Photo de Jérémy Leopold-Metzger

Envoyez-nous vos oeuvres pour le cahier création!Nous publierons vos poèmes, peintures, dessins et photos dans un numéro spécial le 7 avril. [email protected]


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