UNIVERSITE DE MONTPELLIER I
CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE
UMR 5815 « DYNAMIQUES DU DROIT »
MASTER II DROIT PRIVE ECONOMIQUE
LE TRAITEMENT JURIDIQUE DE L’OBSOLESCENCE
PROGRAMMEE
Par :
Cécilia Eber
Directeur de recherche :
Mademoiselle Alice Turinetti
ANNEE UNIVERSITAIRE 2011-2012
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
2
« La faculté n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises
dans ce mémoire ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur »
`
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
3
REMERCIEMENTS
Je tiens à adresser tous mes remerciements à :
Mademoiselle Alice Turinetti, Doctorante à la Faculté de droit de Montpellier, qui
par ses conseils et son suivi très attentif, m’a réellement soutenu dans la rédaction de ce
mémoire.
Monsieur Daniel Mainguy, Professeur à la Faculté de droit de Montpellier et
Monsieur Malo Depincé, Maître de conférence à la Faculté de droit de Montpellier pour
m’avoir permis de suivre leurs enseignements de qualité au cours de l’année de Master
2 Droit Privé Economique.
L’ensemble de l’équipe pédagogique qui encadre le Master 2 pour leur présence et
leur disponibilité.
Sans oublier l’ensemble de la promotion 2011/2012 du Master II Droit du marché.
Enfin, toutes les personnes qui ont su m’apporter leur aide et leur soutien.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
4
SOMMAIRE
INTRODUCTION .......................................................................................................... 6
PARTIE I : LES FONDEMENTS THEORIQUES DES ACTIONS JURIDIQUES
CONTRE L’OBSOLESCENCE PROGRAMMEE .................................................. 16
TITRE 1 : L’OBSOLESCENCE PROGRAMMEE : L’ATTEINTE A L’USAGE
DES PRODUITS ....................................................................................................... 16
Chapitre I : L’obsolescence programmée : L’identification des différentes
formes de réduction de la durée d’utilisation des produits ................................. 16
Chapitre II : Les fondements découlant de l’altération de l’usage normal de la
chose ................................................................................................................... 28
TITRE II : L’OBSOLESCENCE PROGRAMMEE : L'ATTEINTE AU
CONSENTEMENT DU CONSOMMATEUR ....................................................... 54
Chapitre I : L’influence du comportement du vendeur sur le consentement :
l’inexécution de l’obligation d’information ....................................................... 54
Chapitre II : Les fondements dérivés du défaut d’information .......................... 75
PARTIE II : LES OUTILS DU DROIT FRANÇAIS A LA SANCTION DE
L’OBSOLESCENCE PROGRAMMEE .................................................................. 111
TITRE I : L’INSUFFISANCE DU DROIT FRANÇAIS FACE A
L’EVOLUTION DE LA SOCIETE ...................................................................... 111
Chapitre I : La mutation de la société de consommation ................................. 112
Chapitre II : L’insuffisance des recours en justice du droit français ................ 128
TITRE II : L’ACTION DE GROUPE, UNE REPONSE APPROPRIEE AU
PREJUDICE DECOULANT DE L’OBSOLESCENCE PROGRAMMEE ..... 153
Chapitre I : Les avantages de la class action, le modèle américain de l’action de
groupe ............................................................................................................... 153
Chapitre II : L’action de groupe, un procédé ignoré du droit interne ............... 170
CONCLUSION GENERALE .................................................................................... 190
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
5
LISTE DES ABBREVIATIONS
Ass. plén. Cour de cassation Assemblée plénière Art. Article Bull. civ. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (Chambres civiles) Bull. civ. ass. plén. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (Assemblée plénière) Bull. crim. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (Chambre criminelle) CA Cour d'appel Cass. req. Cour de cassation Chambre des requêtes CDE Cahier de droit de l’entreprise Civ. Cour de cassation Chambre civile CJCE Cour de justice des Communautés européennes Com Cour de cassation Chambre commerciale Conc. consom Revue de la concurrence et de la consommation Cons. const Conseil constitutionnel Cont. Conc. Cons. Contrat, concurrence et consommation crim. Cour de cassation Chambre criminelle D. Recueil Dalloz Dr. et. Pat Revue Lamy Droit et Patrimoine Ed Edition Fasc Fascicule Gaz. Pal. Gazette du Palais J.-Cl. Juris-Classeur JO Journal officiel JOCE Journal officiel des Communautés européennes JOUE Journal officiel de l’Union européenne JPC E La semaine juridique édition entreprise et affaires JCP G La semaine juridique édition générale LPA Les petites affiches Rep. Civ Répertoire de droit civil Rep. Dt. Com Répertoire de droit commercial RDBF Revue de droit bancaire et financier RDC Revue des contrats RLC Revue Lamy de la concurrence RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil RID Comp Revue internationale de droit comparé TGI Tribunal de grande instance
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
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INTRODUCTION
« Nous sommes tous, par définition, des consommateurs. Ils constituent le groupe
économique le plus important, influant et étant influencé par presque toutes les
décisions économiques publiques et privées. Ils sont le groupe le plus important... mais
leur voix n’est souvent pas entendue ».
J.F KENNEDY, discours au Congrès du 15 mars 1962
1.- L’obsolescence programmée renvoie à l’idée que des opérateurs économiques
mettent sur le marché des biens à la durée de vie volontairement réduite dès leur
conception afin que les consommateurs soient incités à procéder à leur remplacement.
Plusieurs formes d’obsolescence programmée peuvent être recensées, de l’obsolescence
par péremption qui concerne les produits indiquant une date au delà de laquelle ils sont
annoncés comme périmés, à l’obsolescence par incompatibilité qui met en exergue
l’inutilité d’un produit en raison de son incompatibilités avec les versions postérieurs.
Cependant, deux formes d’obsolescence sont d’avantage répandues et ce dans divers
domaines. Il s’agit de l’obsolescence psychologique qui entraine le consommateur à
s’emparer du dernier produit sorti au détriment de la précédente version encore viable.
L’obsolescence technique quant à elle met en exergue un comportement positif de
l’homme, du fabricant, lors de la fabrication du produit afin que celui-ci ait une durée de
vie limitée, et donc d’avantage réduite par rapport à une autre confection de qualité
supérieure. C’est ce comportement actif au sein de la confection des produits qui est
susceptible d’intéresser le droit, c’est donc cette dernière forme d’obsolescence qui fera
l’objet de notre étude.
2.- Historique de l’obsolescence programmée- Cette stratégie commerciale a
émergé en même temps que la production en série et la société de consommation. La
question des produits fabriqués pour durer moins longtemps a commencé avec la
révolution industrielle. Les nouvelles machines produisaient des marchandises
beaucoup moins chères ce qui était favorable aux consommateurs, mais il y avait un
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
7
excès de production. Avec cette production en série, la baisse des prix et le caractère
abordable de nombreux produits, les industriels se sont posé la question suivante, à
l’origine de l’obsolescence programmée : Que se passerait-il lorsque le consommateur
aura satisfait ses besoins ?
3.- La première illustration de l’obsolescence programmée réside dans l’affaire du
cartel de Phoebus, au sein duquel les fabricants s’attachaient à réduire la durée de vie de
leurs ampoules électriques en de ça de 1000 heures. Il convient de rappeler que les
premières ampoules de Thomas Edison commercialisées en 1881 avaient une durée de
vie de 1 500 heures. En 1924, quand le cartel fut fondé, les fabricants annonçaient des
durées de vie de 2 500 heures. C’est dans les années 1940 que le cartel a atteint son but,
alors que la durée standard d’une ampoule est désormais fixée à 1000 heures, les
participants de l’entente augmentaient les prix des ampoules de façon considérable et
surtout, sans craindre la moindre concurrence.
4.- Une autre illustration réside dans le milieu automobile. Henri Ford, voulait que
le modèle T soit à la portée du consommateur moyen et l’a donc produit en série de
1908 à 1927, sur un modèle de base fiable, et conçu pour durer. La stratégie du modèle
unique a marché dans un premier temps, si bien qu’au début des années 1920, la moitié
des automobiles produites et vendues dans le monde étaient des Ford T. Ayant pour
objectif de concurrencer Ford, General Motors a misé sur une stratégie nouvelle et au
lieu de concevoir la nouvelle Chevrolet comme le modèle T, le président Alfred.P.
Sloan lui a fait subir une transformation radicale basée sur l’esthétique et a mis la
nouvelle Chevrolet sur le marché à un prix légèrement inférieur à la Ford T.
5.- Ainsi, le pari de Monsieur Sloan était celui du design plutôt que celui de la
mécanique. En créant le concept du modèle annuel avec différentes gammes couleurs,
formes et tailles, Alfred. P. Sloan avait pour but d’encourager le consommateur à
changer de voiture tous les trois ans. Il est possible de faire un lien à ce titre avec la
publicité lancée par Citroën sur la DS3 dans laquelle Alfred Hitchock vante les
différentes versions esthétiques de cette dernière automobile. La stratégie de Monsieur
Sloan a par ailleurs fonctionné car Ford a connu une chute des ventes, les
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
8
consommateurs trouvant le modèle T obsolète et démodé. En 1927, la Ford T était
retirée du marché.
6.- Ainsi, les méthodes qui consistaient à offrir des objets destinés à satisfaire un
besoin évident ne suffisaient plus. Il fallait inventer des techniques commerciales qui
transformeraient la société en consommateurs obligatoires et ce sont les Trente
Glorieuses qui ont marqué le passage à une consommation de masse, qui s'est traduite,
notamment, par une augmentation des dépenses de 4,1 % par habitant chaque année1.
7.- Historique du droit de la consommation - C’est de façon corrélative qu’à la
même époque, le droit de la consommation fait son émergence. Cette époque,
correspondant à un développement économique sans précédent qui multiplie les biens et
services proposés découle de l’accroissement de la taille des entreprises, de la
complexité des produits et de services, du développement du crédit, de la publicité et
du marketing.
8.- Ainsi, le déséquilibre entre les partenaires économiques s’accroit, les
professionnels vont alors se trouver en position dominante par rapport aux
consommateurs. De ce fait, la nécessité de protéger les consommateurs apparaît non
seulement contre la déloyauté de certains professionnels mais également contre les abus
de puissance économique qui ont bien sûr des répercussions sur les consommateurs.
9.- C’est aux Etats-Unis que les dangers de la société de consommation ont en
premier lieu été dénoncés et notamment par des philosophes comme Marcuse ou des
économistes comme Vance Packard. Il paraît également inévitable de citer le Président
américain Kennedy lors de son message sur l’état de l’Union qui déclara « Nous
sommes tous des consommateurs ». C’est encore aux Etats-Unis que les consommateurs
ont commencé à se rassembler pour défendre leurs intérêts et c’est ainsi qu’est apparu le
consumérisme, expression à prendre dans le sens du mouvement consistant à lutter
contre les dangers d’une société de consommation de masse.
1 Etude de l’INSEE : « Cinquante ans de consommation en France », 2009,spéc. p 14 disponible sur le site http://www.insee.fr
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
9
10.- Quelques années plus tard, c’est à l’Europe occidentale de prendre conscience
des dérives de cette nouvelle société sur les consommateurs. Particulièrement en France,
c’est dans les années 1970 et 1980 que le pays a assisté à l’éclosion et la multiplication
d’organismes de défense et de règles protectrices. A l’image des Etats-Unis où l’avocat
Ralph Nader fait voter des réformes au Congrès en s’appuyant sur les médias et
l’opinion publique, le mouvement associatif français se transforme en groupe de
pression. En 1976, les pouvoirs publics lui offrent un interlocuteur privilégié avec la
nomination d’un Secrétaire d’Etat à la Consommation. Les années 1980 sont alors celles
de la reconnaissance de la consommation comme fonction économique. En 1981, un
véritable ministère à la consommation, toujours sous l’égide du ministère de
l’Economie et Jacques Delors, alors ministre de l’Economie déclara « La politique de la
consommation est inséparable d’une politique économique et sociale d’ensemble ». Ce
mouvement a été consacré par l’adoption du Code de la consommation en droit interne
en 1993.
11.- Enjeux pratiques de l’étude - La question de la protection du consommateur a
d’autant plus d’intérêt dans la société d’hyperconsommation actuelle dans laquelle nous
sommes encouragés par les techniques de marketing toujours plus diverses et
innovantes, à l’image de l’obsolescence programmée, dans lesquelles le consommateur
semble se perdre.
12.- Une des conséquences néfastes d’une telle société de consommation réside
dans le préjudice de masse subi par les consommateurs, illustré par la pratique de
l’obsolescence programmée et qui est manifeste, puisque les dommages se répètent à
l’identique pour tous les consommateurs placés dans la même situation et qu’ils
trouvent leur origine dans le même manquement du professionnel à ses obligations.
L’étude de l’obsolescence programmée permettrait ainsi de réaliser un état des lieux sur
la réparation de ces dommages. Ces préjudices semblent ne pas faire l’objet d’une
indemnisation en conséquence car, bien que chaque consommateur lésé dispose d’une
action individuelle pour obtenir la réparation de son dommage, il est dissuadé d’agir
parce que le gain n’en vaut pas les inconvénients ou que, seul, il ne parviendra pas à
prouver la responsabilité de l’entreprise. Toutefois, il paraît nécessaire de doter le
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
10
consommateur des moyens d’actions lui permettant de lutter efficacement contre les
excès d’une économie de marché. Monsieur Zymut Bauman affirme à ce titre que « le
marché dans son fonctionnement et dans son offre génère des problèmes collectifs
auxquelles les consommateurs doivent faire face individuellement »2
13.- Cela revient à envisager la question des actions ouvertes aux associations de
consommation et des difficultés qui en découlent. En premier lieu, la défense de
« l’intérêt collectif » des consommateurs qui est assurée par les associations agréées
empêche une véritable réparation individuelle. En effet, l’intérêt collectif se caractérise
comme étant à mi-chemin entre l’intérêt général et l’intérêt individuel des
consommateurs3. De ce fait, le préjudice subit et qui va être réparé par les dommages et
intérêts susceptibles d’être octroyés à l’association ne correspond pas à l’addition des
préjudices individuels mais au préjudice subi par un ensemble abstrait de
consommateurs non individuellement désignés4.
14.- Dans le contexte de crise politique et économique qui est celui de la France, la
question de l’introduction de l’action de groupe est un sujet épineux. Cela permettrait de
répondre à un besoin des consommateurs qui sont avant tout des citoyens, et de
restaurer leur confiance dans les institutions politiques et acteurs du marché. A ce titre,
Madame Stéphanie Brunengo-Basso considère que la réticence des pouvoirs politiques
quant à l’introduction de l’action de groupe en France tient aux enjeux qu’elle peut
représenter en termes de démocratie économique et politique.5 En effet, l’action de
groupe permet à un grand nombre de personnes de se regrouper pour faire valoir leurs
demandes en justice face à un ou plusieurs défendeurs physiques ou personnes morales
de droit privé ou de droit public. Elle élargit dès lors l’accès au juge et donc la remise en
cause de certains comportements, émanant le plus souvent des entreprises. Ainsi,
l’action de groupe favorise les moyens d’action du consommateur et a fortiori du
citoyen face aux opérateurs économiques et éventuellement aux pouvoirs publics. 2 Z. BAUMAN, La société assiégée, Hachette Littérature, 2007, spéc p. 89 3 J. FRANCK, Pour une véritable réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs, Mélanges Calais Auloy, Dalloz, p. 409 4 J. CALAIS-AULOY et F. STEINMETZ, Droit de la consommation, 7ème Ed, Dalloz, 2008, spéc. p. 598 5 S. BRUNENGO-BASSO, L’émergence de l’action de groupe, processus de fertilisation croisée, PU Aix-Marseille, 2011, spéc. p. 1
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
11
15.- Cependant, le débat est susceptible d’être relancé avec plus de rigueur avec les
dernières déclarations de la Ministre de la Justice, Christiane Taubira, qui s’est
prononcée pour la création dans le droit français des « actions de groupe. »Disant
vouloir « aller vers plus de simplicité », la garde des Sceaux a « l'intention de permettre
les actions de groupe : cette procédure autorise les actions en justice à plusieurs pour
que la réparation de petits litiges soit effective ». Ce projet à construire ne devrait pas
être finalisé avant le printemps 2013, a précisé le porte-parole de la Chancellerie,
Monsieur Pierre Rancé. Il vise à « créer une procédure simple et efficace pour les
victimes de petits litiges, pour lesquels le préjudice est évident et qui ne nécessitent pas
d'expertise, et pour lesquels la justice pourra prendre une décision rapide ».
17.- Les effets de l’obsolescence programmée sont à doubles facettes. En effet,
l’obsolescence programmée favorise l’innovation que ce soit l’obsolescence technique
ou l’obsolescence esthétique. Cet apport est d’ailleurs à mettre en relation avec la
croissance schumpetérienne qui, comme l’explique Monsieur le professeur Claude
Rochet « est basée sur l’innovation par la technologie ». Ce dernier ajoute que la
technologie, « dans le processus de l’évolution, c’est donc la capacité d’une société à
accepter la connaissance nouvelle contre les technologies établies. (...), la capacité
d’une société à choisir la combinaison pertinente de facteurs de production »6.
18.- Ainsi, Schumpeter met en évidence le rôle déterminant de l’innovation dans
l’essor et la pérennisation du système économique et rejoint à ce point Alfred North
Whitehead, philosophe, mathématicien et logicien britannique lorsque celui-ci avance
que « La plus grande invention du XIXème siècle fut l’invention de la méthode de
l’invention »7Ainsi, adapter et planifier l’innovation serait un modèle de croissance
économique efficace. En effet, selon Monsieur le Professeur Jean-Luc Gaffard, « la
prise en considération du phénomène de l’innovation et des contraintes qui y sont
associées conduit à justifier des imperfections ou des connexions du marché.»8
6 C. ROCHET, L’innovation, une affaire d’Etat, Edition L’Harmattant, Collection L’esprit économique, 2007 7 A. N. WHITEHEAD, Scicence and the Modern World, Free Press, 1997 8 J.-L. GAFFARD, Innovation et concurrence, retour sur les fondements des politiques anti-trust, Conc. consom, Janv-Fév. 1995, p. 18
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
12
19.- L’intérêt de ce sujet réside particulièrement dans la problématique mettant en
balance l’innovation des entreprises et ses effets sur les consommateurs. En effet, il peut
être établi un lien entre l’innovation des entreprises et le principe de la liberté du
commerce et de l’industrie, principe général du droit à valeur constitutionnelle9 et la
liberté d’entreprendre des entreprises dont la valeur constitutionnelle fut également
reconnue10. En effet, dans quelle mesure est-il possible d’interdire aux entreprises de
mettre des produits entachés d’obsolescence programmée sur le marché sans que cela ne
porte atteinte à la liberté du commerce et à leur droit de propriété ?
20.- La réponse réside peut être dans le préjudice subi par le consommateur dont le
traitement constitue l’objet de cette étude.
21.- L’obsolescence programmée met en exergue également la problématique
tenant à la et à la libre circulation des marchandises. En effet, sont concernées par cette
pratique de nombreuses entreprises internationales. Cependant, cette pratique étant très
complexe, ne seront étudiés uniquement les litiges relevant du droit interne.
22.- L’obsolescence programmée pose également une question d’éthique. En effet,
de nouvelles valeurs apparaissent au sein des ingénieurs qui, influencés par le marché,
utilisent leur savoir pour concevoir des produits de plus en plus jetables dans le but de
faire du profit et de pousser indirectement à la consommation au lieu de favoriser le
progrès technologique. Les ingénieurs s’emploient donc à limiter la durée de vie des
produits en limitant la fonctionnalité des biens qu’ils produisent. Cela s’illustre à travers
les exemples mentionnés précédemment que ce soit dans l’hypothèse du bas en nylon
dont le but est de le rendre plus fragile, ou encore limiter la durée de vie de la batterie
de l’iPhone, limitant alors la durée d’utilisation de ce dernier appareil. Cependant, en
contexte de crise, les consommateurs aspirent à plus d’éthique, en tous cas à une
parfaite transparence, de la part des producteurs.
9 Cons. Const. déc. n° 81-132 DC du 16 janv. 1982, Loi de nationalisation 10 Ibid.,
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
13
22.- En plus d’une crise économique et politique, il est possible de noter le contexte
de crise écologique résultant de la prise de conscience collective des conséquences du
réchauffement climatique. En effet, depuis plusieurs années, des mouvements en faveur
de la prise en compte des critères écologiques et citoyens dans l’acte de consommation
voient le jour et le consommateur dans son acte d’acquisition est placé face à une
nouvelle responsabilité citoyenne le conduisant à privilégier les critères qualitatifs sur
les critères tarifaires dans la sélection du produit ou du servi. De ce fait, l’étude du
traitement juridique de l’obsolescence programmée présente un intérêt évident au regard
de l’impact de cette pratique sur l’écologie.
23.- En effet, la production annuelle moyenne de déchets d’équipements électriques
et électroniques (DEEE) par français s'élève à 16 à 20 kgs11. En France, seulement 18 %
des déchets municipaux (déchets ménagers et déchets de la collectivité) étant recyclés,
la majeure partie (près de 70 %) est incinérée ou mise en décharge12 à savoir que ces
deux modes de traitement engendrent la diffusion dans l'atmosphère et dans les sols, de
polluants toxiques spécifiques à ce gisement de déchets.
24.- La première directive relative aux DEEE13 est entrée en vigueur en 2005 pour
fixer des objectifs de collecte spécifiques à la filière et traduire le principe « pollueur
payeur » par le prélèvement d'une écotaxe dédiée aux coûts de gestion de ces déchets. Il
convient également de savoir que l'exportation de ce type de déchets est soumise aux
dispositions d’un amendement à la Convention de Bâle qui, depuis 1997, interdit
l'exportation des déchets dangereux des pays membres de l'OCDE vers les pays en voie
de développement 14 .Cependant, les entreprises détournent ladite Convention en
déclarant ces déchets comme du matériel d’occasion alors que seulement 20% du
contenu de ces containers peut être réparé. Ainsi, les 80% de déchets électroniques
restants finissent dans des décharges illégales qui se situent le plus souvent dans les
11 « L'obsolescence programmée, symbole de la société du gaspillage Le cas des produits électriques et électroniques », Rapport Septembre 2010, disponible sur le site http://www.amisdelaterre.org 12 Chiffres d’Eurostat pour 2009 13 Directive 2 002/96/CE du 27 janvier 2003, JOUE n° L.37 du 13 février 2003 p.24 14 Décision 97/640/CE du Conseil du 22 septembre 1997, JOCE n° L 272 du 4 octobre 1997
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
14
pays du tiers monde15.
25.- Enjeux théoriques de l’étude - L’effet néfaste le plus contraignant et qui fera
l’objet de notre étude reste le préjudice économique causé aux consommateurs. Dans le
cadre de l’obsolescence technique, le consommateur est d’avantage contraint de
remplacer ses produits devenus obsolètes car ce sont des biens qui deviennent de plus
en plus indispensables que ce soit le téléphone portable ou un logiciel informatique.
Ainsi, cette étude a donc un intérêt théorique évident qui est d’identifier la pratique de
l’obsolescence programmée au regard du dommage qu’il crée afin de proposer une
réparation adéquate aux consommateurs victimes.
26.- La Cour de cassation réaffirme constamment que le préjudice, pour être
réparable, doit être personnel, direct et certain, peu important l'ordre dans lequel elle
délivre ces trois caractères cumulatifs.16L’obsolescence a pour conséquence de laisser
entre les mains du consommateur un produit qui est devenu hors d’utilisation. Bien sûr,
il paraît logique que chaque produit devienne un jour inutilisable, rien n’est éternel et en
particulier les biens de consommation utilisés de façon quotidienne. Cependant, ce qui
est reproché aux auteurs de l’obsolescence programmée c’est d’anticiper volontairement
ce caractère inutilisable. Cette anticipation va donc obliger le consommateur soit à
tenter des réparations qui ont auront un coût financier non négligeables en fonction du
produit concerné, soit à remplacer le bien obsolète et donc procéder à une nouvel
investissement. De ce fait, sans l’obsolescence programmée, le consommateur n’aurait à
réaliser des nouvelles acquisitions qui ont un coût financier, ou du moins, de façon
moins fréquente.
27.- Ainsi, le préjudice découlant de l’obsolescence programmée est avéré et certain
puisque les coûts mis en œuvre par le consommateur sont bien réels. Le préjudice est
également directement tiré de la pratique de l’obsolescence programmée puisque sans
cette pratique, le consommateur n’aurait pas à remplacer aussi fréquemment son bien.
Enfin, la victime de l’obsolescence programmée subit personnellement le dommage. 15 « L'obsolescence programmée, symbole de la société du gaspillage Le cas des produits électriques et électroniques », Rapport Septembre 2010, disponible sur le site http://www.amisdelaterre.org 16 Cass. 1ère civ., 7 nov. 2000, n° 98-13.432
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
15
28.- De ce fait, il devient intéressant de se demander si les institutions du droit
français permettraient-elles d’appréhender l’obsolescence programmée afin d’assurer
une réparation effective du dommage subi par le consommateur victime de cette
pratique.
29.- Il convient de préciser que cette analyse n’a pas pour finalité de superposer à la
pratique de l’obsolescence programmée tous les fondements qu’offre le droit interne
mais de se concentrer sur ceux qui présentent le plus de chance d’être soulevés par la
victime de l’obsolescence en fonction de la compatibilité de cette pratique aux
conditions requises par le droit français. De plus, cette étude reste théorique et
prospective car l’obsolescence programmée n’a jamais fait l’objet en France d’un
recours en justice.
30.- Afin de d’étudier de quelle manière le droit interne répond à la pratique de
l’obsolescence programmée, il convient d’analyser d’une part les fondements des
actions juridiques qui seraient intentées par les victimes de l’obsolescence programmée
(Partie I) et d’autre part les outils du droit français permettant la mise en œuvre de ces
actions (Partie II).
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
16
PARTIE I : LES FONDEMENTS THEORIQUES DES ACTIONS
JURIDIQUES CONTRE L’OBSOLESCENCE PROGRAMMEE
31.- L’obsolescence programmée technique peut être appréhendée par le droit
selon deux axes. En effet, de façon objective, il est possible de s’attarder sur les
conséquences matérielles de cette stratégie commerciale sur le produit en lui même.
Sera donc pris en considération l’atteinte provoquée par celle-ci sur l’usage de la
chose entachée d’obsolescence programmée (Titre I). Cependant, lorsque le
consommateur a fait l’acquisition du bien entachée d’obsolescence, celui-ci s’est
représenté le bien de façon erronée ne correspondant pas à la réalité et ainsi, son
consentement a donc été atteint (Titre II).
Titre 1 : L’obsolescence programmée : L’atteinte à l’usage
des produits
32.- L’obsolescence programmée est une stratégie commerciale qui recouvre
plusieurs formes, cependant, quelle que soit la technique utilisée par les entreprises à
l’origine d’une telle stratégie, l’obsolescence programmée a pour finalité de réduire la
durée de vie des produits mis sur le marché (Chapitre I). C’est cette réduction de la
durée d’utilisation des produits pourrait être perçue comme une altération de l’usage de
la chose (Chapitre II).
Chapitre I : L’obsolescence programmée : l’identification des différentes
formes de réduction de la durée d’utilisation des produits
33.- L’obsolescence programmée ou « L’art du gaspillage »17 selon l’économiste
américain Vance Packard, peut revêtir plusieurs formes, cependant, les obsolescences
les plus problématiques et donc celles dont l’analyse est la plus opportune sont d’une
17 V. PACKARD, L’art du gaspillage, Calmann-Levy 1962
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
17
part l’obsolescence psychologique au sein de laquelle, la désuétude du bien découle du
phénomène de mode (Section I), et d’autre part, l’obsolescence technique qui met en
exergue une stratégie commerciale ayant pour but de planifier la mort technique du
produit (Section II).
SECTION I : L’OBSOLESCENCE PSYCHOLOGIQUE : LA MODE COMME
FACTEUR DE LA DESUETUDE DU BIEN
34.- L’obsolescence esthétique est caractérisée par l’influence psychologique
qu’elle exerce sur le consommateur car celui-ci se verra soumis aux tendances actuelles,
ce qui lui causera donc indirectement un préjudice (Paragraphe I). Cette forme
d’obsolescence extrêmement répandue trouve des illustrations pratiques dans des
secteurs très variés (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : L’OBSOLESCENCE PSYCHOLOGIQUE : LA SOUMISSION DU
CONSOMMATEUR AUX TENDANCES ACTUELLES
35.- La forme la plus répandue de l’obsolescence programmée est l’obsolescence
esthétique ou psychologique. Celle-ci consiste pour une entreprise à provoquer le
caractère dépassé, démodé, d’un produit, que cela soit un vêtement, une voiture ou
encore la décoration d’un appartement sans que ces produits ne deviennent hors
d’utilisation et donc uniquement pour des raisons de mode. L’obsolescence esthétique
apparaît comme l’illustration de la pensée de l’écrivain Oscar Wilde lorsque celui-ci
précisait que « La mode est une forme de laideur si intolérable qu’il faut en changer
tous les six mois ».
36.- L’obsolescence psychologique intervient avant même la désuétude technique
ou la panne éventuelle du produit, c'est le fait pour le consommateur de se séparer d’un
bien lorsque celui-ci n'y est plus attaché ou que son attrait cesse de s'exercer.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
18
37.- Selon le sociologue Colin Campbell, le trait dominant du consommateur de la
deuxième moitié du XXe siècle est son insatiabilité, cette propension à vouloir à tout
prix acquérir le dernier bien de consommation mis sur le marché. Ce dernier parle ainsi
de «neophilia» (l'amour des nouvelles choses) et décrit trois types de « nouveaux »
consommateurs : celui qui veut maintenir une image immaculée de lui-même, l'avant-
gardiste et enfin le fanatique de la mode18.
38.- C’est ce dernier consommateur qui va être visé par l’obsolescence esthétique
qui renvoie à la conception de Clifford Brooks Stevens, designer et styliste industriel
américain qui définit quant à lui l’obsolescence programmée comme étant « la volonté
de la part du consommateur de posséder un bien un peu plus neuf, un peu plus
performant, un peu plus tôt que nécessaire ». Le designer va ensuite préciser que « tout
le monde sait bien que nous écourtons la durée de ce qui sort de nos usines, et que cette
politique est la base même de notre économie. Nous fabriquons d’excellents produits,
nous incitons les clients à les acheter, et l’année suivante, nous y introduisons
délibérément un élément nouveau qui fera paraître ces articles vieillots, démodés et
désuets, ce n’est pas du gaspillage organisé, c’est une saine contribution à l’économie
du pays ».
39.- L’aisance avec laquelle ce dernier décrit l’obsolescence esthétique pourrait
surprendre, cependant, elle est justifiée par l’absence de contrainte exercée sur le
consommateur. En effet, cette forme d’obsolescence ne va pas être imposée aux
consommateurs qui se verront d’avantage séduits par celle-ci. Le fait que le
consommateur ait le désir de posséder un produit toujours plus neuf a été assimilé de
façon parfaite par la société Apple qui produit chaque année des versions nouvelles de
ses produits. Il est alors possible de remettre en cause la véritable raison du succès
d'Apple qui ne tiendrait pas seulement au caractère révolutionnaire des nouveaux
appareils électroniques que la société propose, mais plutôt à sa maîtrise du design et de
la conception de produits.
18 Rapport septembre 2010 « L'obsolescence programmée, symbole de la société du gaspillage Le cas des produits électriques et électroniques », disponible sur le site http://amisdelaterre.org
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
19
40.- Ce qui caractérise cette forme d’obsolescence est le fait que celle-ci va
s’attacher à l’aspect du produit, plutôt que de réaliser un réel changement au niveau de
sa fonction ou de son mécanisme. George Nelson, un designer américain affirmait à ce
propos que «Lorsqu’aucune autre possibilité de changement n’est réalisable, le seul
moyen consiste à modifier l’aspect extérieur. Dans une société comme la notre, où le
changement est aussi impératif, l’illusion doit pouvoir remplacer le réel ». Le
consommateur va ainsi être rattrapé par l’illusion qui lui est propre et qui va l’amener à
penser qu’il n’est plus dans la tendance actuelle.
41.- Cette forme d’obsolescence trouve des illustrations dont la liste ne saurait être
exhaustive, dans des secteurs variés.
PARAGRAPHE II : UNE STRATEGIE COMMERCIALE AUX ILLUSTRATIONS
VARIEES
42.- La première illustration de cette forme d’obsolescence remonte aux années
1920 avec l’affaire Ford décrite précédemment. Henri Ford, fondateur du constructeur
automobile Ford, a subi les conséquences de la tragédie d’un produit qui ne s’use pas.
La stratégie du modèle unique fut un succès, cependant le pari était du design plutôt que
celui de la mécanique allait s’avérer d’avantage attractif. Le concept du modèle annuel
avec différentes gammes de couleurs, de formes et de tailles était donc lancé, et avec
lui, l’obsolescence programmée.
43.- Si cette forme d’obsolescence a été initiée dans les années 1920, des
illustrations contemporaines sont extrêmement nombreuses et ne peuvent être
énumérées de façon exhaustive.
44.- En effet, concernant le secteur de l’automobile, de nombreuses entreprises ont
adopté le concept de l’obsolescence esthétique. Il est possible de prendre l’exemple de
la Mini Cooper, voiture de la marque MINI, appartenant au groupe allemand BMW
depuis 1994. Cette voiture à l’apparence variable est actuellement déclinée en quatre
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
20
carrosseries, berline, décapotable, countryman (4X4), et clubman (break). Le nombre de
déclinaisons est indéfinissable en raison des différentes gammes de couleurs, de motifs
arborant la carrosserie, les rétroviseurs et le toit. Cette stratégie a d’ailleurs été suivie
par le groupe PSA Peugeot Citroën et ses modèles Citroën DS 3 qui se déclinent de
façon variable.
45.- Si cette forme s’est appliquée en premier lieu dans le secteur de l’automobile,
elle s’illustre aujourd’hui dans divers secteurs tels que l’industrie de l’électronique. Il
convient ici de prendre l’exemple du géant de l’électronique grand public, Apple, qui
tous les ans, améliore sa gamme. La différence entre l’iPhone 4 et l’iPhone 4S par
exemple est minime et le propriétaire de l’iPhone 4 ne sera pas dans l’obligation de
posséder l’iPhone 4S, cependant, l’obsolescence esthétique suscitera le désir d’avoir le
dernier produit sorti et d’être à la pointe de la technologie.
46.- Dans l’impossibilité d’illustrer cette forme d’obsolescence programmée dans le
milieu de la mode vestimentaire en raison de son ancrage manifeste dans ce dernier
secteur, il convient de citer Earl Puckett, président d’Allied Stores Corporation, une
ancienne chaine américaine de grands magasins, qui en 1950 déclarait que « Le besoin
utilitaire n’est pas une base suffisante pour la prospérité d’une industrie vestimentaire,
nous devons accélérer le processus de changement ». Cette citation résume bien la
stratégie commerciale adoptée par les entreprises du secteur vestimentaire.
47.- Si l’obsolescence esthétique semble d’avantage séduire que contraindre le
consommateur, il en est autrement de l’obsolescence technique dont les conséquences
sur le consommateur vont être rédhibitoires car le bien va se trouver hors d’utilisation.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
21
SECTION II : L’OBSOLESCENCE TECHNIQUE : LA STRATEGIE
COMMERCIALE A L’ORIGINE DE LA MORT DU PRODUIT
48.- Selon Vance Packard, l’obsolescence technique est décrite par les ingénieurs
comme le « minimum utilitaire exigé »19 et donc celle-ci va avoir pour objectif de
prévoir la « mort » technique des produits (Paragraphe I) et c’est en cela que les
illustrations qui en découlent sont explicites (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LA PLANIFICATION DE LA « MORT » TECHNIQUE DES
PRODUITS
49.- L’obsolescence technique, contrairement à l’obsolescence programmée, ne va
pas séduire le consommateur et tenter de dicter ses désirs, mais va le contraindre à
remplacer son bien car la mauvaise confection intentionnelle de celui-ci va avoir des
conséquences néfastes sur sa durée d’utilisation qui va se trouver réduite (I). Les
objectifs poursuivis par l’auteur de l’obsolescence programmée seront d’autant plus
atteints que les produits concernés ne pourront être remplacés (II).
I- La réduction de la durée d’utilisation découlant de la confection intentionnellement
médiocre du bien
50.- L’obsolescence fonctionnelle, ou obsolescence technique est le type
d’obsolescence le plus inconvenant et le plus choquant. La stratégie des entreprises
consiste à programmer le caractère inutilisable du produit qu’elles mettent sur le
marché.
51.- Il faut bien comprendre que l’obsolescence programmée technique consiste en
une fabrication volontairement défectueuse, volontairement médiocre du produit qui va
être mis sur le marché. En effet, le fabricant va réaliser la conception de son produit 19 V. PACKARD, L’art du gaspillage, Calmann-Levy 1962
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
22
avec des composants dont il sait la qualité moyenne. Cette composition
intentionnellement déficiente a pour finalité de réduire la durée de vie du produit, ce
qui va contraindre les consommateurs à remplacer celui-ci.
52.- Richard Finlay, un ancien ingénieur informatique de la société Hewlett Packard
commande dix mini « net book » dont la moitié tombe en panne au bout d’un an. Ce
dernier se plaint donc auprès de la société venderesse, qui lui répond que la durée de vie
est estimée entre quinze et vingt-quatre mois. Selon Michael Gil de Muro, concepteur
informatique, les deux composantes qui chauffent le plus au sein d’un ordinateur
portable sont le processeur et la puce graphique. Quand des pièces lâchent comme
l’alimentation ou les ventilateurs, de la poussière se dépose sur les composants qui
surchauffent. Ce concepteur a essayé de prévenir ces sources de panne principales en
insérant une alimentation plus robuste avec des composants plus robustes et isoler les
composants qui sont susceptibles de tomber en panne pour les réparer, retirer les
ventilateurs et recouvrir les parties qui chauffent avec de l’aluminium. Il est donc
possible de construire un ordinateur qui dure, c’est un choix de conception, qui n’est
manifestement pas le choix de la société Hewlett Packard.
53.- Cependant, le prix est un élément non négligeable. En effet, l’ordinateur des
concepteurs informatiques a une durée de vie de six ans environ, néanmoins, sa valeur
est de mille euros. L’ordinateur portable « net book » de la société Hewlett Packard ne
coute que cinq cents euros. Toutefois, il paraît opportun de préciser que deux
ordinateurs à cinq cents euros d’une durée de vie respective de deux ans, correspondent
à une durée de vie totale de quatre ans pour mille euros alors que l’ordinateur des
concepteurs informatiques vaut mille euros et dure six ans.
54.- Aucune étude indépendante en France n’existe sur la durée de vie des produits.
Cependant, un communiqué de presse de l’organisation GIFAM, Groupement
Interprofessionnel des Fabricants d’Appareils d’Equipement Ménagers démontre qu’en
trente ans, la durée de vie des produits ménagers a baissé uniquement de moins d’un
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
23
an.20 Il convient de préciser que le GIFAM est un syndicat professionnel qui défend les
intérêts des marques comme Bosh, Brandt ou Siemens, LG, Samsung….De plus,
l’institut TNS Sofres qui a réalisé l’enquête se base sur une première enquête que celui-
ci avait publié en 1977, déjà commandée par le GIFAM, cependant, cette ancienne
étude reste introuvable, comme l’a confirmé Monsieur Bernard Planque, délégué
général du GIFAM. Il est donc légitime de douter de la crédibilité de la nouvelle
enquête.
55.- Bernard Planque justifie le fait que les appareils ménagers n’ont pas une durée
de vie plus importante malgré l’apparition des nouvelles technologies et de l’évolution
de la technique en raison du fait que la fréquence d’utilisation de ces appareils a
augmenté. Or, des enquêtes démontrent que la fréquence d’utilisation d’une machine à
laver par exemple, a augmenté de seulement 11% depuis 1977.
56.- Il est possible de constater que les biens faisant l’objet d’obsolescence
programmée ne peuvent faire l’objet de réparation et ce pour diverses raisons.
II- L’impossible réparation du produit
57.- Lorsque les consommateurs ont l’intention de faire réparer, la première cause
de non réparation est le coût trop élevé de la réparation par rapport au prix du produit.
Selon cette étude, le consommateur consent à payer si le prix de la réparation est
inférieur au tiers du prix du neuf. En effet, le consentement à payer est de l’ordre de 25
à 33% du prix du produit. En dessous de ce seuil la réparation est systématique. Entre
33 et 50% du prix du neuf, 10% des personnes acceptent encore la réparation. Au-delà
de 50% du neuf, cela reste exceptionnel et concerne des produits comme des montres ou
des voitures.21
20 Communiqué de presse GIFAM du 21 juin 2011 « Une étude TNS Sofres sur la durabilité des gros appareils ménagers contredit les idées reçues », article disponible sur le site http://www.gifam.fr 21 Panorama de l’offre de réparation en France, Rapport de l’ADEME, disponible sur le site http://www.ademe.fr
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
24
58.- L’impossibilité technique de réparer est présentée par certains professionnels
interrogés comme la conséquence de l’absence de réparation par les consommateurs. Le
consommateur refuse en effet de faire réparer soit pour raison économique (prix de la
réparation trop élevé par rapport au neuf), soit en raison du caractère évolutif des
produits car le consommateur préfère racheter un produit neuf plus performant,
compatible avec les nouvelles options, et ce quel que soit le prix de la réparation.
Lorsque les fabricants constatent ou anticipent cette absence de réparation, ils ne voient
plus l’utilité de concevoir des produits démontables. Ainsi la fabrication de produits
moulés en bloc à l’image des produits électroménagers ou rivetés tend à se généraliser.
De tels produits ne sont plus démontables ni réparables, y compris par le particulier.
59.- De plus, la sophistication croissante des appareils entraîne une
complexification des systèmes qui fait que les appareils sont plus souvent susceptibles
de tomber en panne et seront plus compliqués à réparer. Par exemple, le tube cathodique
d’un ancien poste de télévision a une durée de vie moyenne de dix à quinze ans alors
que celle d'un écran plat avoisine cinq années. De façon générale, la durée de vie
moyenne des appareils électroménagers courants serait aujourd'hui de 6 à 8/9 ans alors
qu'auparavant elle était de 10 à 12 ans.22
60.- Si le fait de prévoir le moment de la défaillance d’un produit fait partie de la
stratégie commerciale de nombreuses entreprises, les illustrations qui en découlent n’en
restent pas moins quelque peu choquantes par leur diversité.
PARAGRAPHE II : UNE PRATIQUE AUX ILLUSTRATIONS EXPLICITES
61.- La pratique de l’obsolescence programmée technique est une stratégie qui
s’applique à un nombre considérable de biens dont la liste ne saurait être établie de
façon exhaustive, cependant, il paraît opportun de citer quelques exemples visant des
produits présents et nécessaires dans la vie quotidienne.
22 Enquête UFC Que Choisir : « Fiabilité des marques d’électroménager - état stationnaire », mars 2010
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
25
62.- Le cartel de Pheobus, au sein duquel les fabricants s’attachaient à réduire la
durée de vie de leurs ampoules électriques en de ça de 1000 heures, en est la première.
Dans un autre secteur, le bas en nylon a également été confronté au phénomène de
l’obsolescence programmée. En 1940, la société américaine et géant de la chimie
DuPont, lance une fibre synthétique révolutionnaire, le nylon, matière principale des bas
qui seront alors très résistants. Cependant, c’est pourtant cet avantage qui va constituer
un problème car le défaut de remplacement des bas, conséquence de leur résistance, a
conduit à une baisse des ventes. De nouvelles instructions furent donc données au sein
de la société DuPont dont les ouvriers s’attachèrent à produire des bas plus fragiles et
donc de qualité inférieure. Une simple révision de la fabrication des bas permettait de
réduire le défaut de résistance. En effet, les additifs qui sont ajoutés au nylon dans la
fabrication des bas protègent ces derniers du soleil. De ce fait, réduire la quantité des
additifs, c’est finalement réduire la protection des bas qui s’abiment plus facilement,
ainsi, la destruction est donc programmée.
63.- Vance Packardt expose dans son livre diverses illustrations pratiques et
rapporte que le journal américain Home Furnishing Daily, au cours d’une enquête sur la
baisse de qualité, a interrogé cent vingt sept marchands qui se sont plaints de ne cesser
d’avoir des difficultés avec les appareils ménagers ou les postes de télévision
défectueux que les clients renvoyaient chaque semaine ou quelques moins après leur
achat. Certains de ces détaillants accusaient directement les fabricants d’une médiocrité
de qualité volontaire et l’un deux déclarait que « l’inusable n’existe plus, il n’y a plus
que du semi inusable.» Plus choquante est la citation rapportée également par Vance
Packard d’un directeur du service d’essais d’une grande firme commerciale qui déclara
en 1958, à un congrès d’ingénieurs électriciens : « le client est véritablement le pauvre
type. Il doit se débattre avec des appareils qui coutent de plus en plus cher chaque
année pour un service de moins en moins satisfaisant. Le bruit cours qu’on les construit
pour une durée de vie limitée et l’industrie en souffre ».23
64.- Les meubles de jardin sont également concernés par l’obsolescence
programmée selon Vance Packard. L’aluminium employé aurait diminué de moitié 23 V. PACKARD, L’art du gaspillage, Calmann-Levy, 1962
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
26
d’épaisseur, les tubes eux-mêmes sont moins larges de six millimètres, la trame du tissu
est moins serrée. Un marchand considérait que certains ne supportaient pas le poids
d’une personne de 70 kilos. Les boulons en acier inoxydable sont remplacés par des
rivets d’aluminium.
65.- Dans un registre plus technique, il convient également de citer le cas de la
batterie de l’iPod d’Apple. L’iPod des première, deuxième et troisième générations dont
le prix était relativement élevé, comportait une batterie qui ne durait seulement que dix-
huit mois. Au delà, de cette durée l’iPod ne fonctionnait plus, obligeant donc son
propriétaire à le remplacer par un nouvel appareil. Après une polémique autour du film
relatant cette stratégie commerciale, l’avocate américaine Elizabeth Pritzker intenta une
action contre la société Apple en décembre 2003 devant le Tribunal d’instance de San
Matéo, compté de l’Etat de Californie. Au cours du procès, de nombreux documents
techniques sur la durée de la batterie ont été demandés à Apple ainsi que des documents
sur le design et les tests pratiqués sur la batterie de l’iPod. Ces documents ont permis de
découvrir que le type de batterie au lithium contenue dans l’iPod était conçu pour avoir
une durée de vie limitée. Après quelques mois de tensions, les deux parties sont
parvenues à un accord et Apple a mis en place un service de remplacement des
batteries, a prolongé la garantie à deux ans et les plaignants ont été dédommagés.
66.- Apple n’en est pas resté là et il semble que la problématique de la batterie non
remplaçable par les consommateurs ait été reportée sur l’iPhone lancé en 2007. Dans le
dernier modèle, l’iPhone 4S, la batterie est même vissée à l’appareil, dans les
précédents, elle avait été collée et soudée. Harvey Rosenfeld, avocat américain sollicite
de Steve Jobs que ce dernier rende public la fabrication de la batterie de l’iPhone ainsi
que son cout de remplacement, en vain. Deux avocats dont Maître Tim Hoffman portent
plainte contre Apple qui évite le procès. En effet, la société a proposé un règlement à
l’amiable.
67.- Une autre illustration de cette forme d’obsolescence réside dans la prévision du
nombre d’impressions qu’une imprimante pourra réaliser. En effet, les fabricants
d’imprimantes insèrent une puce dans les circuits de l’imprimante qui mémorise le
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
27
nombre d’impressions et une fois que la quantité d’impressions préétablies est atteinte,
l’imprimante se bloque.
68.- Il est encore possible également de citer un article de la revue « 60 millions de
consommateurs» de février 2009 qui dénonce le vieillissement anticipé des écrans
plats. « Sur les téléviseurs à cristaux liquides, le signe de fatigue majeur est la baisse
de luminosité de l’écran : respectivement -21, -31 et -40% pour les trois modèles du
test ». « Comparé à des téléviseurs à tube cathodiques, l’outrage du temps est cruel
pour les LCD et plasma » « avec les téléviseurs plasma, il y n’y a pas que le temps qui
passe, les couleurs aussi ».24 Une explication à ce vieillissement peut être fournie. Les
condensateurs de certains écrans plats seraient placés trop près des radiateurs, ces
condensateurs chauffent et le vieillissement sera donc accéléré. Ces condensateurs ont-
ils donc été fixés de manière à tomber en panne plus rapidement ? La réponse paraît
évidente.
69.- De plus, le prix des condensateurs intégrés par la marque Samsung est de seize
centimes au lieu de quatre euros pour une marque d’écran plats plus résistants. Les
équipements électroniques sont donc conçus pour avoir une durée de vie raisonnable
mais surtout satisfaisante au regard des bénéfices du fabricant. Aux Etats-Unis, les
consommateurs ont entamé des procédures judicaires contre la marque Samsung. Un
document de cette dernière société a révélé que 7,5 millions d’américains sont en
possession de téléviseurs défectueux. La marque a proposé un arrangement qui
consistait à rembourser la réparation des téléviseurs à hauteur de 300 dollars par
téléviseur, la justice américaine a approuvé l’accord.
70.- Ces deux formes d’obsolescence programmée, ont la même finalité qui est de
réduire la durée de vie des produits. Cependant, l’obsolescence technique met en
exergue une intervention matérielle et technique de l’homme, en l’occurrence du
fabricant, qui a donc pour conséquence une altération de l’usage de la chose visée par
ladite stratégie. C’est ce comportement véritablement actif de l’homme qui va
24 Les écrans plats vieillissent vite, article de 60 millions de consommateurs, disponible sur le site http://wwww.60millions-mag.com
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
28
volontairement produire un bien de qualité moindre qu’il va ensuite mettre sur marché
et donc inciter le consommateur à l’acheter, qui est susceptible d’être appréhendé par le
droit au regard du préjudice qui est causé au consommateur résultant de l’altération de
l’usage normal de la chose.
Chapitre II : Les fondements découlant de l’altération de l’usage normal
de la chose
71.- La garantie des vices cachés découlant du Code civil ainsi que la garantie
légale de conformité prévue par le Code de la consommation font toutes deux référence
de façon implicite à la notion d’attente légitime, se référant pour la première à « l’usage
normal de la chose » et à « l’usage habituellement attendu » pour la seconde. Ainsi,
cette notion d’attente légitime de plus en plus présente dans notre droit peut apparaître
comme un nouveau mode de consommation (Section préliminaire). Par application de
la pratique de l’obsolescence programmée aux différentes garanties concernant
l’altération de l’usage de la chose, il est possible de considérer que la garantie légale des
vices cachés paraît être un fondement recevable contre l’obsolescence programmée
(Section I) au même titre que la garantie légale de conformité découlant du Code de la
consommation dont le caractère opportun est relatif (Section II).
SECTION PRELIMINAIRE : L’ATTENTE LEGITIME, UN NOUVEAU MODE
DE CONSOMMATION
72.- Au delà de références implicites dans le droit positif français, la notion
d’attente légitime qui est également présente dans les textes internationaux
(Paragraphe I) va se voir appréciée de façon in abstracto (Paragraphe II).
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
29
PARAGRAPHE I : UNE NOTION PRESENTE DANS LES TEXTES
INTERNATIONAUX
73.- Cette attente légitime, n’est pas consacrée de façon explicite par un texte de loi,
néanmoins selon certaines dispositions et doctrines elle est considérée comme créatrice
d’un droit subjectif, notamment par Monsieur le Professeur Jean Calais-Auloy.25
74.- La notion d’attente légitime mérite d’être analysée car l’étude des textes
internationaux montre que l’attente légitime serait susceptible d’accéder au rang de
notion juridique. Le droit français a été sujet à évolution ces dernières décennies et
parmi les mouvements influents, il est possible d’observer qu’il est accordé moins
d’importance à la volonté du débiteur qu’à l’attente légitime du créancier.26 En effet, il
est possible de citer de nombreuses références à l’attente des consommateurs et
notamment dans la directive du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des
produits défectueux définissant le produit défectueux comme le produit qui « n’offre
pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre ».27 Plus explicite encore est
la directive du 25 mai 1999 dispose dans son article 2)b que « le bien de consommation
est présumé conforme au contrat s'il présente la qualité et les prestations habituelles
d'un bien de même type auxquelles le consommateur peut raisonnablement s'attendre,
eu égard à la nature du bien ».28
75.- Madame le Professeur Hélène Aubry souligne à ce titre le rôle que doit jouer le
consommateur sur le marché en participant à l’orientation de l’activité économique.29
Ainsi, en vertu de la confiance et des attentes investies par ces agents économiques, ces
derniers ne doivent supporter aucune déception. C’est pourquoi, selon cette dernière, la 25 J. CALAIS-AULOY, L’attente légitime, une nouvelle source droit subjectif, Mélanges Guyon, Dalloz 2003, spéc. p. 171 26 J. CALAIS-AULOY, L’attente légitime, une nouvelle source droit subjectif, Mélanges Guyon, Dalloz 2003, spéc. p. 171 27 Directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux 28 Directive 1999/44/CE du parlement européen et du conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation, JOCE L. 171/12 du 7 juil. 1999 29 H. AUBRY, Un apport du droit communautaire au droit français des contrats : la notion d’attente légitime, RID comp., 2005, spéc. p. 627
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
30
référence aux attentes légitimes joue un rôle économique important et deviendra
certainement une notion juridique.
76.- L’attente légitime du consommateur se rapproche de la conception
internationale du droit des contrats puisque la Convention de Vienne sur la vente
internationale de marchandise dispose entre autre dans son article 79 qu’« Une partie
n'est pas responsable de l'inexécution de l'une quelconque de ses obligations si elle
prouve que cette inexécution est due à un empêchement indépendant de sa volonté et
que l'on ne pouvait raisonnablement attendre d'elle qu'elle le prenne en considération
au moment de la conclusion du contrat, qu'elle le prévienne ou le surmonte ou qu'elle
en prévienne ou surmonte les conséquences. » Ainsi, ce que pouvait raisonnablement
attendre le créancier est pris en considération afin de déterminer l’étendue de la
responsabilité contractuelle du débiteur. Sachant que cette dernière formulation a été
reprise par la Commission pour le droit européen des contrats lors de l’élaboration des
principes destinés à s’appliquer au sein de l’Union Européenne et ce à l’article 8.103.
77.- Le livre vert ayant précédé la directive du 25 mai 1999 sur certains aspects de
la vente et des garanties des biens de consommation fait référence à la notion de
« défaut de conformité aux attentes légitimes du consommateur ».
78.- De plus, il apparaît opportun de se rapprocher des travaux du Groupe de
recherche sur le droit privé communautaire en vigueur, Groupe Acquis communautaire,
sur l’enrichissement du droit européen, qui s’attache notamment à définir des notions
transversales s’apparentant à des principes directeurs de droit européen du contrat. A ce
titre, parmi les questions du Livre vert publié le 7 février 2007 sur la révision de
l’acquis en droit de la consommation, était ainsi posée celle de l’opportunité de créer un
instrument horizontal incluant l’obligation générale de bonne foi et de loyauté. A coté
de la bonne foi, le groupe acquis communautaire cite la prise en compte des attentes
légitimes du cocontractant, notion récurrente du droit communautaire et dont une
certaine généralisation a été proposée. Les deux notions ne seraient d’ailleurs pas
étrangères l’une à l’autre : l’attente légitime permettrait de donner une certaine
consistance à la bonne foi et d’en assurer la concrétisation, le critère de l’attente
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
31
raisonnable pouvant composer celui de la bonne foi.30
79.- Au niveau interne, la loi du 28 janvier 200531, a naturellement fait l’objet d’une
proposition dont l’exposé des motifs précisait que « les pouvoirs public doivent
accorder au consommateur, à ses attentes, à ses insatisfactions une attention toute
particulière »32
80.- Il est alors opportun de s’interroger sur le fait que cette notion d’attente
légitime ne pourrait pas, comme dans d’autres systèmes juridiques, constituer une
véritable notion juridique dont l’étude permettrait alors de saisir les nouvelles
évolutions du droit français des contrats33 et de contribuer à une plus grande sécurité
juridique.34
PARAGRAPHE II : L’APPRECIATION IN ABSTRACTO DU CARACTERE LEGITIME
DE L’ATTENTE
81.- L’attente est une notion psychologique faisant référence aux sentiments et
perceptions de l’individu, cependant, le droit ne saisit jamais le sentiment lui même
selon Madame le Professeur Hélène Aubry d’une part, et ne peut prendre en
considération les attentes d’une seule personne d’autre part.35Ainsi, le qualificatif
« légitime » témoigne de toute son importance car l’expression relèvera alors de la
matière juridique et il appartient au législateur et aux juges de déterminer ces attentes
légitimes en fonction des éléments matériels à la disposition du créancier lors de la
formation du contrat, au moment où l’individu détermine ses attentes. 30 C. AUBERT DE VINCELLES, B. FAUVARQUE COSSON, D. MAZEAUD et J. ROCHFELD, Droit européen des contrats : évolutions et circonvolutions..., Dr. et. Pat. 2007 n° 165 31 LOI n° 2005-67 du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur 32 Proposition de loi adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 11 déc. 2003 tendant à redonner confiance au consommateur disponible sur le site de l’Assemblée nationale htttp://www.assemblee-nationale.fr 33 M.-T. CALAIS-AULOY, De l'indemnisation a la prévention des dommages, LPA, 6 juin 2000, p.23 34 H. AUBRY, Un apport du droit communautaire au droit français des contrats : la notion d’attente légitime, RID comp., 2005, spéc. p.631 35 H. AUBRY, Un apport du droit communautaire au droit français des contrats : la notion d’attente légitime, RID comp., 2005, spéc. p. 632
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
32
82.- Il convient ici de préciser que la Commission de refonte du droit de la
consommation avait proposé une obligation de conformité des biens et services aux
attentes légitimes du consommateur. Selon cette Commission, les attentes légitimes des
consommateurs dépendent principalement des facteurs suivants : « de la nature et de la
destination du bien et du service, des lois et règlements concernant le bien et le service,
des informations données par le fabricant, distributeur ou prestataire ».36La Commission
a d’ailleurs précisé que la notion d’attente légitime doit être considérée comme « un
concept dynamique qu’il y a lieu d’apprécier en tenant compte de toutes les
circonstances et notamment des dispositions du contrat, de la présentation du produit,
du prix, de la marque, de la publicité et de toute information fournie sur le produit, de la
nature de celui-ci, de sa destination (…) »37
83.- Les éléments d’appréciation du caractère légitime des attentes du créancier
pourraient donc être l’information précontractuelle, le document contractuel, l’usage de
l’objet de l’obligation, la qualité du cocontractant et de manière subsidiaire la marque et
le prix.
84.- Afin que l’information soit prise en considération lors de la vérification du
caractère légitime d’une attente, il est logique que celle-ci soit explicite. Madame le
Professeur Hélène Aubry illustre cette exigence en donnant l’exemple d’une publicité
pour un parfum mettant en scène une femme, cette publicité est à l’origine de
représentations et d’attentes plus ou moins conscientes mais ne met pas à la charge du
débiteur, d’obligations précises quant à la qualité du parfum.38 Or, lorsque l’information
précontractuelle est explicite, elle constitue une donnée matérielle concrète qui permet
d’apprécier le caractère légitime de l’attente du consommateur découlant de cette
information. Dans le cadre de l’obsolescence programmée, cette donnée ne pourra être
prise en compte afin d’évaluer le caractère légitime de l’attente du consommateur
victime car les entreprises mettant en place cette stratégie ne mettent pas à la disposition
36 Ibid. 37 Livre vert sur les garanties des biens de consommation et les services après vente présenté par la Commission, disponible sur le site htttp://europa.eu 38 H. AUBRY, Un apport du droit communautaire au droit français des contrats : la notion d’attente légitime, RID comp., 2005, spéc. p. 635
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
33
de l’acheteur des données suffisamment explicites sur la durée d’utilisation des produits
concernés.
85.- Concernant l’objet de l’obligation, dans le cadre d’une vente, le vendeur doit
mettre à disposition de l’acheteur la chose conforme au contrat et exécuter les
obligations accessoires nécessaires à l’utilisation de la chose. Madame le Professeur
Hélène Aubry illustre ces dernières obligations par le fait que le vendeur est tenu de
donner au consommateur toutes les informations utiles et nécessaires à l’utilisation de
la chose. Ainsi, l’attente légitime ne s’interprète pas uniquement au regard du seul objet
du contrat dans son sens matériel mais également dans son sens fonctionnel.
86.- S’agissant de la marque et du prix, ces éléments semblent être utilisés à titre
subsidiaire dans l’appréciation de la légitimité de l’attente du consommateur. Madame
le Professeur Hélène Aubry démontre d’ailleurs l’absence de lien objectif entre le prix
et la qualité de la prestation en expliquant que le consommateur qui achète un produit
un prix inférieur à celui du marché ne considère pas pour autant que celui-ci va être de
qualité moindre, mais estime seulement avoir acquis le bien à un prix avantageux.
Ainsi, il ne pourra être reproché au consommateur qu’en vertu du bas prix du bien,
celui-ci aurait du s’attendre à la durée de vie réduite du produit.
87.- Même si des éléments matériels sont des indices permettant de déterminer le
caractère légitime ou non des attentes du consommateur, celles-ci demeurent
individuelles et propres à chaque individu. La prise en considération des attentes ne
saurait donc se faire de façon subjective, in concreto en raison de la multiplicité des
situations contractuelles que cela aurait pour conséquence. Le juge ne doit donc pas
prendre en compte les circonstances qui ont un caractère personnel au contractant.
L’appréciation in abstracto de la légitimité de l’attente suppose donc de se référer à un
modèle abstrait de comparaison, et à ce titre, un auteur propose de prendre comme
référence l’individu raisonnable, appartenant à la même catégorie que le contractant
concerné.39
39 Ibid., spéc. p. 637
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
34
88.- L’examen des lois en matière de contrat de vente et particulièrement en matière
de contrat de vente entre un consommateur et un professionnel témoigne de
l’émergence de cette notion d’attente légitime qui apparaît donc comme une nouvelle
forme de consommation et atteste la nécessaire prise en compte de cette notion dans la
démonstration de l’applicabilité des garanties contre l’altération de l’usage à la pratique
de l’obsolescence programmée.
SECTION I : LA RECEVABILITE DU FONDEMENT DE LA GARANTIE DES
VICES CACHES
89.- La mise en œuvre de la garantie légale des vices cachés du Code civil est
naturellement soumise à des conditions auxquelles semble satisfaire la pratique de
l’obsolescence programmée (Paragraphe I), cependant, il est possible de constater que
son régime pose quelques difficultés et place le consommateur victime dans une
position incertaine (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LA SATISFACTION DES CONDITIONS DE LA GARANTIE DES
VICES CACHES
90.- L’obsolescence programmée répond aux différentes conditions de la garantie
des vices cachés dans le sens où la composition médiocre des produits apparaît comme
un vice inhérent à la chose et antérieur au contrat (I). De plus, la caractéristique
principale de l’obsolescence programmée résidant dans la confidentialité de celle-ci, le
caractère caché du vice ne peut qu’en être accentué (II).
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
35
I- La composition médiocre des produits : un vice inhérent à la chose et antérieur à la
vente
91.- La jurisprudence et la doctrine majoritaire 40 retiennent une conception
matérielle ou dualiste du défaut qui renvoie à une anomalie, une défectuosité, une
altération de la chose selon Monsieur le Professeur Olivier Tournafond qui reprend les
termes des magistrats de la Cour d'Appel de Paris41. C’est donc ce défaut qui va
empêcher l’acquéreur de la chose d’en faire un usage normal car elle sera moins
efficace ou moins solide. Ainsi, selon la conception matérielle du défaut, le vice caché
est décelé autant par rapport à sa nature de la chose mais également par rapport à ses
conséquences.
92.- Cette conception matérielle semble correspondre à la pratique de
l’obsolescence programmée dans le sens où comme il a été précédemment exposé, les
produits faisant l’objet de cette pratique commerciale, sont par essence de qualité
volontairement médiocre et c’est cette qualité médiocre qui va nuire à l’utilisation
normale de la chose. Ainsi, le vice correspond ici à l’apport de matières considérées
comme étant de mauvaise qualité par le fabricant au sein du produit.
93.- Il convient de préciser qu’il n’est pas nécessaire que l’usage de la chose soit
compromis de façon totale, il suffit que le défaut diminue cet usage selon l’article 1641
du Code civil. En effet, le vice peut présenter un caractère rédhibitoire et dans ce cas, la
chose devient totalement inutilisable.42 Dans une seconde hypothèse, le défaut de la
chose aura pour conséquence dommageable de diminuer l’utilité de la chose.
L’obsolescence programmée semble répondre au caractère rédhibitoire du vice. En
effet, le défaut que contient le produit a rendu, certes après un certain temps
d’utilisation, ce dernier obsolète, hors d’utilisation.
40 D. MAINGUY, Contrats spéciaux, 7ème Ed., Dalloz, 2010, spéc. p. 168 ; F. COLLART DUTILLEUL et P. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, 8èmeEd., Dalloz, 2007, spéc. p.235 ; A. BENABENT, Droit civil, les obligations, 10ème Ed., Montchrestien, 2005, spéc.p. 159 41 O. TOURNAFOND, La distinction entre vice caché et défaut de conformité de la chose vendue, D. 1993. p. 239 42 Cass. 1ère civ., 24 fév. 1988, Gazette du Palais., 1988, Pan ,143 : a propos d’un chalet édifié dans un couloir d’avalanche
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
36
94.- La gravité du défaut est appréciée en fonction de la destination normale, de
l’usage normal de la chose, la garantie ne saurait être due pour un vice empêchant un
usage inhabituel ou spécifique de celui-ci.43C’est ici que l’importance accordée à
l’attente légitime a tout son intérêt. Il a été précédemment exposé que l’attente légitime
devait se faire in abstracto, donc par rapport à un individu raisonnable et de la même
catégorie que le demandeur. Cependant, tout consommateur, lorsqu’il achète une
machine à laver ou tout autre bien de consommation, s’attend à ce que ce produit ait une
durée d’utilisation longue et non programmée par avance par le fabricant. A ce titre,
Monsieur le Professeur Philipe Le Tourneau se réfère à la Convention de Vienne sur la
vente Internationale de Marchandise dans son article 35 paragraphe 2 lorsqu’elle précise
que le bien vendu doit être propre aux usages « auxquels serviraient habituellement »
des biens du même genre44.
95.- Parmi les diverses situations dans lesquelles la jurisprudence et la doctrine
retiennent la diminution de l’utilité de la chose où l’usage totalement compromis de
celle-ci, la durée de vie des produits vendus est également prise en compte par la
doctrine et la jurisprudence afin de caractériser le défaut du produit. Monsieur le
Professeur Jérôme Huet considère en effet qu’une usure trop rapide et donc prématurée
survenant au cours de l’utilisation qu’en fait l’acquéreur sera constitutive d’un vice.45
Dans ce sens, la troisième Chambre civile de la Cour de Cassation a pu considéré que
constituait un vice caché, le matériau utilisé pour assurer l’étanchéité qui comportait un
défaut de fabrication entrainant un vieillissement prématuré à l’air.46
96.- Ainsi, la jurisprudence tient compte de la durée de vie d’un appareil et
considère que le vice sera établi si la défaillance s’est manifestée dans un temps court.
C’est en ce sens que les juges de la Haute juridiction ont statué dans l’arrêt de la
Chambre commerciale de la Cour de Cassation du 12 novembre 1973 en considérant
que l'avarie d'un réducteur de vitesse de navire, survenue après sept ans de 43 D. MAINGUY, Contrats spéciaux, 7ème Ed. Dalloz, 2010 spéc. p.168 ; A. BENABENT, Droit civil, les obligations, 10ème Ed., Montchrestien, 2005, spéc. p. 159 44 P. LE TOURNEAU, La responsabilité des vendeurs et fabricants, Dalloz 2006 45 J. HUET, Traité de droit civil, Les principaux contrats spéciaux (sous dir. J. GHESTIN), LGDJ 1996, spéc. p. 253 46 Cass. 3ème., 23 oct. 1991, Bull. civ. III, n° 249
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
37
fonctionnement alors que la durée normale d'un tel appareil est de l'ordre de vingt a
trente ans, n’était pas due a l'usure ou a une cause extérieure, mais avait une origine
préexistante a la mise en service.47Dans le même sens, a été considéré comme un vice,
l’usure anormale d’un véhicule d’occasion rendant impropre son usage. 48
97.- Il est possible d’établir un lien entre ces doctrines et jurisprudences et la
pratique de l’obsolescence programmée. En effet, si une usure prématurée du produit
acquis par le consommateur est considérée comme un vice caché, les actions des
victimes fondées sur la garantie des vices cachés peuvent être recevables puisque les
produits visés par cette stratégie commerciale voient leur durée de vie volontairement
réduite. L’obsolescence programmée répond d’autant plus à la garantie des vices cachés
que dans les jurisprudences précitées prenant en compte l’usure prématurée de la chose,
celle-ci reste utilisable, sa fonctionnalité semble seulement compromise. Or, dans le cas
de l’obsolescence programmée, la chose devient hors d’usage.
98.- D’autant plus que la gravité du vice est susceptible d’être discutée en elle-
même devant les tribunaux. En effet, les juges du fond semblent disposer d’un pouvoir
souverain pour apprécier si la gravité du défaut justifie la résolution. Ainsi, dans un
arrêt du 4 juin 1980 de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation, les juges de la
Haute juridiction ont affirmé que la Cour d'Appel a usé de son pouvoir souverain en
refusant de prononcer la résolution du contrat et d’octroyer des dommages et intérêts
après avoir relevé que les insuffisances de l'objet d'une vente ne rendent pas le matériel
impropre à l'usage auquel il est destiné mais en diminuent seulement les possibilités
d'utilisation.49En l’espèce, il était question de la charge utile réelle du véhicule qui était
inférieure à celle dont faisaient état les documents techniques. Ce pouvoir souverain est
admis depuis longtemps par la jurisprudence50 et semble être un fait parfaitement
établi51.
47 Cass. com., 12 nov. 1973, Bull. civ., IV, n°345 48 Req. 15 nov. 1927, Sem. Jur. 1928. p. 126 49 Cass. com., 4 juin 1980, Bull. civ., IV, n° 239 50 Cass. com., 20 avr. 1970, Bull. civ., IV, n°125 51 Cass. com., 12 nov. 1973, Bull. civ., IV, n°345
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
38
99.- Le vice doit être antérieur à la vente, à défaut, c’est à l’acheteur d’en supporter
les conséquences puisque c’est à lui qu’incombe la charge des risques. Cependant, la
date de la vente n’est pas la référence systématique pour établir l’antériorité du vice. Le
véritable critère de référence réside d’ailleurs dans le transfert des risques.52
100.- Là encore, il semble que la pratique de l’obsolescence programmée satisfait à
cette deuxième condition subordonnant l’action en garantie des vices cachés. En effet,
le vice qui affecte la durée de vie des produits existe depuis la fabrication des produits.
Lors de la confection de l’imprimante par exemple, une puce va être intégrée dans le
mécanisme de celle-ci qui va alors contenir le défaut avant même sa mise sur le marché.
Encore, la composition du bas en nylon va faire en sorte que celui-ci s’use plus
rapidement par l’apport réduit d’additifs permettant sa résistance au soleil et à l’air.
101.- Les deux premières conditions du vice tenant au caractère inhérent de celui-ci
à la chose et antérieur au contrat de vente semblent donc satisfaites, à l’instar de la
troisième condition et pas des moindres, le caractère caché du défaut.
II- Le caractère incontestablement caché du vice atteignant le produit obsolète
102.- Afin d’être déclenchée, la garantie doit porter sur un vice qui doit donc être
caché au moment de la conclusion de la vente. En effet, le Code civil dispose dans son
article 1642 que « Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu
se convaincre lui-même ». Est donc considéré comme caché, le défaut que l’acheteur ne
pouvait pas déceler, compte tenu de la nature de la chose vendue et dont il n’a pas eu
connaissance au moment de la vente.53 Il en est ainsi par exemple, des vices qui ne
peuvent être décelés que par le biais d’une expertise.54
52 F. COLLART DUTILLEUL et P. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, 8ème Ed. Dalloz, 2007, spéc. p. 239 ; J. GHESTIN, Conformité et garantes dans la vente – Produits mobiliers, LGDJ, 1983, spéc. p. 29 53 Ibid. 54 Cass. 1ère civ., 7 juin 1995, Bull. civ., 1995, I, n°250
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
39
103.- Le caractère caché du défaut est ainsi établi en fonction des qualités et des
compétences de l’acheteur, de la nature de la chose vendue et de la connaissance que
l’acheteur avait au moment de la vente. La problématique concerne alors le
comportement que doit adopter doit l’acheteur au moment de la vente, doit-il faire
preuve d’une grande diligence et doit-il avoir un comportement actif ?
104.- Il est admis que si l’acheteur est un non professionnel et donc sans
compétences nécessaires pour connaître la chose et a fortiori déceler le vice, la
jurisprudence admet aisément que le vice ait eu un caractère indécelable et donc caché à
moins que ce vice ait pu être révélé après une vérification élémentaire,55une vérification
normalement diligente.56 Cette doctrine va être confirmée par un arrêt de l’Assemblée
plénière de la Cour de Cassation du 24 octobre 2006.57Ainsi, a été considéré comme
indécelable, le vice qui ne peut être découvert qu’au démontage des pièces. 58Est
également considéré comme indécelable, le vice qui ne peut apparaître qu’à l’usage59.
105.- Le vice en matière d’obsolescence programmée est par essence caché. Il
convient de rappeler ici le caractère confidentiel de cette stratégie commerciale qui a
pour but d’inciter les consommateurs à acquérir les biens que les entreprises mettent sur
le marché. Ainsi, si ces mêmes entreprises révélaient le défaut qui compose leurs
produits et qui est à l’origine de la mort programmée de ces derniers, de façon logique,
les consommateurs ne procéderaient pas à l’acquisition des biens.
55 D. MAINGUY, Contrats spéciaux, 7ème Ed, Dalloz, 2010, spéc. p. 169 56 J. HUET, Traité de droit civil, Les principaux contrats spéciaux (sous dir. J. GHESTIN), LGDJ 1996, spec. p. 264 57Ass. plén. 24 oct. 2006, Bull. ass. plén., n°13 : Après la vente d'une maison d'habitation par acte notarié, il apparaît, au vu d'une expertise, qu'avant la date de la vente, cette maison était infestée d'insectes xylophages qui en rongeait la charpente et que son toit comportait de nombreuses tuiles gélives. La décision de la Cour d'appel de renvoi ayant, comme la première, rejeté l'action en garantie des acquéreurs, fait l'objet d'un pourvoi en cassation basé sur les mêmes moyens que ceux invoqués devant la troisième Chambre civile. Dans ces conditions, c'est l'Assemblée plénière qui est saisie et elle confirme le droit à réparation des acquéreurs victimes des vices affectant le bien acheté qui étaient bien occultes, puisque les acquéreurs n'auraient pu les découvrir qu'au cours d'une visite approfondie et non seulement élémentaire. 58 Cass. com., 20 avr. 1970, Bull. civ., IV, n°125 59 F. COLLART DUTILLEUL et P. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, Dalloz, 8ème Ed., 2007, spéc. p. 243. V° en ce sens : Cass. com., 11 fév. 1966, Bull. civ., 1966, III, n°109
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
40
106.- L’affaire de l’iPod illustre parfaitement le caractère tabou de ce phénomène
car c’est uniquement au cours du procès que la stratégie commerciale de l’obsolescence
programmée a été révélée. En effet, de nombreux documents techniques sur la durée de
la batterie ont été demandés à Apple ainsi que des documents sur le design et les tests
pratiqués sur la batterie de l’Ipod. Ces documents ont permis de découvrir que le type
de batterie au lithium contenue dans l’iPod était conçu pour avoir une durée de vie
limitée. Il convient donc ici d’apprécier le caractère hautement confidentiel de ces
informations contenant la preuve de l’intégration de l’obsolescence programmée dans la
stratégie commerciale de l’entreprise.
107.- D’un point de vue théorique, la pratique de l’obsolescence programmée
semble donc répondre aux conditions de la garantie des vices cachés au vue de la
jurisprudence et des doctrines précitées, cependant, le régime de ladite garantie semble
poser quelques difficultés qui s’avèrent être de plusieurs ordres.
PARAGRAPHE II : LES DIFFICULTES TENANT AU REGIME DE LA GARANTIE
DES VICES CACHES
108.- La victime de l’obsolescence programmée intentant une action en garantie des
vices cachés va se trouver en premier lieu confrontée à des difficultés probatoires (I) et
va se heurter au caractère quelque peu incomplet de la réparation que propose la
garantie légale des vices cachés. (II)
I- Le fardeau probatoire de la victime de l’obsolescence programmée
109.- Concernant la preuve du vice, c’est sur l'acheteur que pèse la charge de la
preuve de l'existence d'un vice caché. C’est ainsi ce qu’a décidé la première Chambre
civile de la Cour de Cassation dans un arrêt du 12 juillet 2007 en affirmant que « c'est à
l'acquéreur exerçant l'action en garantie des vices cachés qu'il appartient de rapporter
la preuve de l'existence et de la cause des vices qu'il allègue, en sollicitant au besoin
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
41
une mesure d'expertise ».60Trois preuves doivent être rapportées par l’acquéreur. Doit
être prouvé la présence d’un vice, le fait que ce vice soit antérieur à la vente et que ce
vice ait été caché.
110.- Ce fardeau probatoire est conséquent pour la victime de l’obsolescence
programmée qui ne dispose que de peu de moyens d’investigation bien que les modes
de preuve acceptés par la jurisprudence soient assez larges car la preuve peut se faire
par tous moyens61. En effet, la preuve peut résulter d’une comparaison par exemple
entre des plants morts après avoir été traités par un produit fongicide et d’autres plants
non traités, ayant eu une réussite supérieure à la moyenne, ce qui établit la nocivité du
produit et l’existence d’un défaut.62Encore, la preuve peut se déduire de l’énumération
et de l’élimination des autres causes possibles du dommage.63Cependant, le procédé le
plus classique reste néanmoins l’expertise, procédé qui sera en théorie choisi par la
victime de l’obsolescence programmée en raison de l’impossibilité manifeste de
découvrir le vice par lui même, ou par les moyens mis en œuvres par la jurisprudence,
la stratégie commerciale intervenant à la fabrication du produit et arborant un caractère
confidentiel manifeste.
111.- Quant à la preuve de l’antériorité du vice, celle-ci sera aisée car elle se
déduira de l’existence même du vice notamment lorsqu’il s’agira d’un défaut de
fabrication, hypothèse même de l’obsolescence programmée. Cette preuve sera
cependant rapportée le plus souvent par le biais d’une expertise.
112.- Au delà des difficultés probatoires dont devra faire face la victime de
l’obsolescence programmée dans son action contre le vendeur professionnel, la
réparation qu’offre la garantie des vices apparaît quelque peu comme insatisfaisante.
60 Cass. 1ère civ., 12 juill. 2007, n° 05-10.435 61 S. MAZEAUD-LEVENEUR, Vente commerciale.-garantie des vices cachés- J.-Cl. Contrats-Distribution, fasc 330, spéc. point 29 62 Cass. com., 30 mars 1978, Gaz. Pal. 1978, 2. Somm. p. 293 63 Cass. 1ère civ., 18 janv. 1978, Bull. civ., 1978, I, n°22 : Pour l’explosion spontanée d’une bouteille contenant une boisson gazeuse sans avoir été heurtée ni être tombée par terre.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
42
II- Le caractère incomplet de la réparation proposée par la garantie des vices cachés
au regard de la situation du consommateur victime de l’obsolescence programmée
113.- L’article 1648 du Code civil a imposé pendant deux siècles à l’acquéreur
d’agir dans un « bref délai », cependant, l’ordonnance du 17 février 2005 a fixé la durée
de ce délai à deux ans, afin de mettre un terme aux difficultés d’appréciation dudit délai.
Le point de départ du délai n’est pas la date de la vente, mais en principe, le moment de
la découverte du vice selon l’article 1648 du Code civil, non seulement dans l’existence
du vice mais dans son amplitude. Ainsi, cela sera donc à l’issue d’une expertise que
l’acquéreur sera pleinement informé et que commencera à courir ce délai.64Concernant
ce délai, il apparaît comme relativement large pour la victime de l’obsolescence
programmée et donc lui est profitable.
114.- L’article 1644 du Code civil donne à l’acheteur à choisir entre rendre la chose
et se faire restituer le prix, l’action rédhibitoire ou garder celle-ci et se faire rendre une
partie, l’action estimatoire. Si l’acheteur choisit de rendre la chose, il exerce alors
l’action rédhibitoire dont l’objet est l’anéantissement de la vente. Dans cette dernière
hypothèse, le juge procède alors à la réfaction du contrat et estime la partie dont le prix
doit être amputé pour tenir compte du vice qui affecte la chose. A savoir que le juge
peut refuser la demande de réduction du prix lorsque l’atteinte à l’usage de la chose ne
le justifie pas65.
115.- L’issue, même concluante de la garantie légale ne saurait satisfaire au mieux
les intérêts du consommateur. En effet, celui-ci se trouvant avec un produit qui ne
fonctionne plus, préférera obtenir le remplacement de ce produit par un bien susceptible
d’utilisation sur du long terme. Or, dans l’hypothèse de l’action rédhibitoire, le
64 Cass. 1ère civ, 19 mars 1991, Bull. civ., 1991, I, n°101 : Un rapport d'expertise officieuse constitue un élément de preuve admissible quant à la date de la connaissance du vice rédhibitoire par l'acquéreur. Dès lors, ne donne pas de base légale à sa décision une cour d'appel qui, pour déclarer une action en résolution de la vente irrecevable comme tardive, retient qu'elle a été introduite seulement 5 mois après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire, sans rechercher si la découverte du vice ne résultait pas uniquement des conclusions du rapport d'expertise officieuse à laquelle avait fait procéder le demandeur, qui n'était pas satisfait des conclusions de l'expert judiciaire. 65 Cass. 3ème civ., 25 janv. 1989, Bull. civ., 1989, III, n° 23 : trouble d’exploitation diminuant temporairement l’usage de l’immeuble.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
43
consommateur va se retrouver dans la même situation dans laquelle il était avant de
contracter. L’hypothèse de l’action estimatoire place la victime de l’obsolescence
programmée dans une position encore plus défavorable car celui-ci ne va se voir
attribuer qu’une partie du prix et au surplus, se verra encombré d’un bien qui ne
fonctionne plus.
116.- De plus, la jurisprudence ne donne malheureusement pas la possibilité au
vendeur de proposer la réparation pour faire échec à une demande de résolution ou de
diminution du prix. C’est ainsi que dans un arrêt du 6 octobre 1998,66 la première
Chambre civile de la Cour de Cassation affirme la souveraineté de l'acheteur67, dans
l'exercice de son option. En l’espèce, après que le vendeur ait remplacé le moteur d’un
véhicule entaché d’un défaut, l'acheteur exerce l'action rédhibitoire alors que l’usage
normal du véhicule n’était plus compromis. La victime de l’obsolescence programmée
ne peut que déplorer l’absence de cette alternative car ce que ce dernier souhaite c’est
d’avoir un produit qui marche au delà de la réparation pécuniaire et donc il lui serait
opportun de pouvoir bénéficier d’un produit réparé et partant susceptible d’utilisation.
117.- L’acheteur victime d’un vice caché peut également obtenir une indemnisation
indépendamment ou en complément d’une action rédhibitoire ou estimatoire.68A ce
titre, Monsieur le Professeur Christiant Larroumet affirmait que l’action estimatoire, se
rapprochant d’avantage de l’action en rescision pour lésion que d’une action en
responsabilité, ce n’est pas la réduction du prix qu’obtiendra l’acquéreur qui comblera
la réparation de son préjudice.69 Cependant, cette action ne pourra être mise en œuvre
qu’à la condition que la victime de l’obsolescence programmée souffre d’un dommage
distinct de la perte de valeur du bien que permettent de compenser l’action estimatoire
et l’action rédhibitoire70.
66 Cass. 1ère civ., 6 oct. 1998, n° 96-14.660 67 P.-Y. GAUTIER, Valse-hésitation de la Cour de cassation sur l'option de l'acheteur en cas de vice caché : l'inutile et le droit (suite), RTD.Civ 1999, p. 127 68 Cass. com., 25 fév. 1981, Bull. civ., IV, n° 111 (indépendance par rapport à l’action rédhibitoire) ; Cass. com., 1er déc. 1964, Bull. civ., III, n° 532 (indépendance par rapport à l’action estimatoire.) 69 C. LARROUMET, D. 1981, IR, 445 Note sous Cass. com., 25 fév. 1981, Bull. civ., IV, n° 111 70 J. HUET, Traité de droit civil, Les principaux contrats spéciaux (sous dir. J. GHESTIN), LGDJ 1996, spéc. p. 295
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
44
118.- La protection du consommateur victime de l’obsolescence programmée est
d’autant plus forte que le vendeur professionnel, qu’il soit fabricant ou simple revendeur
est irréfragablement présumé de mauvaise foi71 car censé connaître les vices de la
chose. C’est ainsi que dans un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation
du 27 avril 1971, les juges ont pu considérer que « tout fabricant est tenu de connaitre
les vices affectant la chose fabriquée et doit, malgré toute stipulation excluant a
l'avance sa garantie pour vices caches, réparer les conséquences dommageables de ces
vices. »72
119.- Il convient d’ailleurs d’ajouter à cet égard que la Cour de Justice des
Communautés européennes a admis que cette présomption ne transgresse aucun
principe communautaire et ce notamment dans un arrêt du 24 janvier 1991.73 Monsieur
le Professeur Daniel Mainguy considère que la jurisprudence met alors en place une
responsabilité contractuelle objective.74
120.- Cette protection étendue du consommateur sera bénéfique au consommateur
victime de la pratique de l’obsolescence programmée qui pourra choisir la façon dont il
estime avoir été lésé. Cependant, il sera assez complexe pour ce dernier de demander
des dommages et intérêts en complément de l’action rédhibitoire ou estimatoire car il lui
faudra prouver l’existence d’un préjudice issu du vice de la chose et distinct de celui
résultant de la perte de valeur du bien. Néanmoins, celui-ci peut démontrer la présence
de dégâts matériels ou la réalisation de dépenses sur la chose résultant d’une réparation
par exemple.
121.- La garantie des vices cachés se transmet automatiquement avec la chose
puisque la Cour de Cassation a affirmé d’une façon catégorique et générale : « Le
maître de l’ouvrage, comme le sous acquéreur, jouit de tous les droits et actions
71 P. MALAURIES, L. AYNES et P.-Y. GAUTIER, Les contrats spéciaux, 4ème Ed., Défrenois, 2010, spéc. p. 245 72 Cass. com., 27 avr. 1971, Bull. civ., IV, n° 117 73 CJCE 24 jan 1991, SA Alsthom Atlantique c/ SA Compagnie de construction mécanique Sulzer et autre Rec CJCE 1991 I-00107 74 D. MAINGUY, Contrats spéciaux, 7ème Ed., Dalloz, 2010, spéc. p. 175
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
45
attachés à la chose qui appartenait à son auteur »75 L’action du sous acquéreur est sans
doute attachée à l’effet acquisitif du droit de propriété issu des reventes.76 Le sous
acquéreur dispose donc d’une action de nature contractuelle directe qu’il peut exercer
indifféremment contre son contractant direct, un membre intermédiaire comme le
distributeur, ou le membre extrême de la chaine, le fabricant.77
122.- Ainsi, le consommateur victime d’obsolescence programmée se verra donc
octroyer la possibilité d’exercer une action en garantie soit contre son vendeur, soit
contre le fabricant du produit entaché de vice, ce qui lui est bénéfique car ce dernier fait
souvent preuve d’une plus grande solvabilité.
123.- La garantie légale contre les vices cachés prévue par le Code civil apparaît
insuffisante en raison des difficultés résultant de son régime mais également par le fait
que les consommateurs n’en ont pas connaissance et se cantonnent donc à la garantie
contractuelle. Ainsi, en l’absence d’une garante contractuelle, les consommateurs se
retrouvent donc désarmés face aux professionnels. La garantie légale de conformité
semble elle, être d’avantage opportune à la réparation du préjudice découlant de
l’obsolescence programmée.
SECTION II – L’OPPORTUNITE RELATIVE DE LA GARANTIE LEGALE DE
CONFORMITE
124.- L’origine de la garantie de 1999 du 25 mai 1999 78 transposée par
l’ordonnance du 17 février 200579 repose sur la volonté de remédier aux disparités des
droits nationaux en matière de garantie des biens de consommation dans un contexte
75 Ass. plén. Sté MPI c/UAP, 7 fév. 1986, D. 1986, p. 23 76 P. LE TOURNEAU, La responsabilité des vendeurs et fabricants, Dalloz 2006, spéc. p. 257 77 Cass. 3ème civ., 7 mars 1990, Bull. civ., 1990, III, n°72 78 Directive 1999/44/CE du parlement européen et du conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation, JOCE L. 171/12 du 7 juil. 1999 79 Ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005 relative à la garantie de la conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
46
actuel reposant sur la diversité des ventes communautaires. Cependant, la mise en
œuvre de la garantie suppose de respecter un champ d’application défini auquel la
pratique de l’obsolescence programmée semble répondre (Paragraphe I). Si ladite
garantie a pour objectif de renforcer la protection du consommateur, il n’en demeure
pas moins que son régime apparaît comme imparfait au regard de la situation de la
victime de l’obsolescence (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : L’OBSOLESCENCE PROGRAMMMEE REPONDANT AU
CHAMP D’APPLICATION DE LA GARANTIE LEGALE DE CONFORMITE
125.- La garantie légale de conformité du Code de la consommation semble
consacrer la notion d’attente légitime afin d’apprécier le caractère non conforme du bien
ce qui ne peut qu’apparaître favorable à la victime de l’obsolescence programmée (I).
De plus, la condition tenant au caractère caché du défaut de conformité intrinsèque au
produit est bien sûr satisfaite en raison du caractère confidentiel de cette dernière
stratégie (II).
I- La consécration de l’attente légitime par la garantie légale de conformité favorable à
la victime de l’obsolescence programmée
126.- L’article L. 211-1 du Code de la consommation limite l’application de la
garantie légale aux « contrats de vote de biens meubles corporels » auxquels sont
assimilés les contrats de fourniture de biens meubles à fabriquer ou à construire. De
plus, l’article L. 211-3 du Code de la consommation impose des conditions tenant aux
qualités des parties. En effet, le vendeur doit agir dans le cadre de son activité
professionnelle ou commerciale et l’acheteur en qualité de consommateur. Concernant
le défaut de conformité, l’article L.211-4 dispose que Le vendeur répond des défauts de
conformité existant lors de la délivrance mais également des défauts de conformité
résultant de l'emballage, des instructions de montage ou de l'installation lorsque celle-ci
a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
47
127.- La pratique de l’obsolescence programmée entre dans le champ d’application
de la garantie légale prévue par le Code de la consommation. En effet, les marchandises
atteintes d’obsolescence programmée sont des biens meubles corporels. Concernant la
qualité que les parties au contrat doivent revêtir, sur ce point également, l’obsolescence
programmée analysée dans cette étude, répond à l’exigence posée par l’article L. 211-3
du Code de la consommation car il est question ici des rapports
professionnels/consommateurs. Enfin, l’obsolescence programmée étant une stratégie
commerciale mise en œuvre lors de la confection du bien, le défaut existait donc lors de
la délivrance.
128.- L’article L 211-5 du Code de la consommation prévoit quant à lui que Pour
être conforme au contrat, le bien doit :
1° Etre propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable et, le cas échéant :
- correspondre à la description donnée par le vendeur et posséder les qualités que
celui-ci a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle ;
- présenter les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux
déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant,
notamment dans la publicité ou l'étiquetage ;
2° Ou présenter les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou
être propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du
vendeur et que ce dernier a accepté..
129.- L’innovation de cette nouvelle garantie légale réside exactement dans ledit
article en ce qu’il crée la confusion entre vice caché et défaut de conformité. Ainsi, cela
s’oppose à la conception matérielle du défaut de conformité adoptée par la
jurisprudence interne80 et qui est expliquée par Monsieur le Professeur Daniel Mainguy
lorsqu’il considère que si la chose délivrée est autre que celle prévue par le contrat, il y
a défaut de conformité. Cependant, si la chose apparaît de moins bonne qualité par
rapport à sa destination normale mais que celle-ci reste conforme à la chose vendue, il y
a vice caché.81 Monsieur le Professeur Jean Calais-Auloy accueille à ce titre, avec
80 Cass. com., 26 avr. 1994, Bull. civ., IV, n°159 81 D. MAINGUY, Contrats spéciaux, 7ème Ed, Dalloz, 2010, spéc. p. 150
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
48
enthousiasme l’absorption du vice caché par la non conformité en considérant que le fait
de livrer une chose viciée, c’est livrer une chose non conforme au contrat.82
130.- En l’absence de précisions sur les modalités d’acquisition des produits visés
par l’obsolescence programmée, seule sera étudiée l’hypothèse dans laquelle le bien
doit répondre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable.
131.- Il convient de se rapprocher de la directive afin d’établir une juste
interprétation de l’article L.211-5 du Code de la consommation. L’article 2 2c) et d) de
la directive de 1999 dispose que
2. Le bien de consommation est présumé conforme au contrat:
c) s'il est propre aux usages auxquels servent habituellement les biens du même type;
d) s'il présente la qualité et les prestations habituelles d'un bien de même type
auxquelles le consommateur peut raisonnablement s'attendre, eu égard à la nature
du bien (…) La directive de 1999 fait donc référence aux usages habituels des biens du
même type et aux attentes que le consommateur aurait pu raisonnablement avoir, donc à
ses attentes légitimes.
132.- En reprenant « l’usage habituellement attendu » par le consommateur, la
première exigence de l’article L.211-5 du Code de la consommation rappelle la garantie
contre les vices cachés, en vertu de laquelle le vendeur est tenu des défauts de la chose
qui la rendent “impropre à l'usage auquel on la destine”.
133.- Cependant, l’interprétation de la directive de 1999 qui fait référence à
l’attente raisonnable du consommateur, atteste de l’importance supérieure qui est faite
par la garantie légale de conformité à l’attente légitime du consommateur. En effet, il
est fait référence au bien semblable, aux attentes légitimes d'un acheteur que l'on peut
qualifier de moyen selon Madame Céline Rondey.83
82 J. CALAIS-AULOY, Une nouvelle garantie pour l'acheteur : la garantie de conformité, RTD.Civ 2005, p. 701 83 C. RONDEY, Garantie de la conformité d'un bien au contrat : la directive du 25 mai 1999 enfin transposée !, D.2005, p. 562
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
49
134.- Achetant un bien de consommation, comme un iPod, une machine à laver ou
encore un écran plasma, le consommateur s’attend raisonnablement à ce que ce bien ait
une durée d’utilisation longue et ce, notamment en fonction de la nature de ces biens.
En effet, ce sont des biens de consommation dont il est admis et ce selon une
appréciation in abstracto comme le requiert l’appréciation du caractère légitime de
l’attente, que la nature même impose un usage prolongé.
135.- À l’instar de la garantie des vices cachés, le produit obsolète répond
également à la condition tenant au caractère caché du défaut.
II- La satisfaction de la condition tenant au caractère caché du défaut
136.- Pour que la garantie du Code de la consommation puisse être invoquée par
l’acheteur, le défaut de conformité doit présenter deux caractères. En effet, d’une part,
celui-ci doit être caché pour l’acheteur au moment de la conclusion du contrat.
Cependant, le Code de la consommation n’exige pas que ce défaut soit caché lors de la
délivrance du bien. D’autre part, le défaut doit exister lors de la délivrance du bien.
Néanmoins, il est des situations dans lesquelles, le défaut de conformité est caché lors
de la délivrance de la chose et ne se révèle que plus tard. Dans ce dernier cas, une
présomption largement favorable aux consommateurs est posée par l’article L. 211-7 du
Code de la consommation qui dispensera le consommateur de prouver l’antériorité du
défaut de conformité si le défaut apparaît dans un délai de six mois après la délivrance.
137.- Les produits concernés par la pratique de l’obsolescence programmée
semblent donc entrer dans le champ d’application de la garantie légale de conformité
imposé par le Code de la consommation. Cependant, si la victime d’une telle stratégie
invoque cette dernière garantie, elle risquerait de se heurter aux imperfections de son
régime.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
50
PARAGRAPHE II : LE REGIME IMPARFAIT DE LA GARANTIE LEGALE DE
CONFORMITE
138.- Le régime de la garantie légale de conformité découlant du Code de la
consommation apparaît comme imparfait car la réparation qui est mise en œuvre par
celle-ci semble favorable uniquement en apparence d’une part et d’autre part, car le
délai d’action est extrêmement réduit (I). De plus, l’absence de l’action directe apparaît
comme une carence ayant des conséquences non négligeables sur la situation de la
victime de l’obsolescence programmée (II).
I- Une réparation en apparence favorable soumise à un délai restreint
139.- L’ordonnance française de 2005, profitant de la protection a minima de la
directive, ne retient pas le délai de dénonciation de deux mois et adopte en revanche le
délai de deux ans. Ainsi, l’article L. 211-12 du Code de la consommation dispose que «
L'action résultant du défaut de conformité se prescrit par deux ans à compter de la
délivrance du bien». Ce délai apparaît comme extrêmement court et présente un
inconvénient pour la victime de l’obsolescence programmée car certains biens entachés
d’obsolescence programmée auront une durée supérieur à deux ans à l’image de l’écran
plasma ou de la machine à laver.
140.- Concernant les actions offertes aux consommateurs, la garantie légale prévue
par le Code de la consommation offre quatre possibilités hiérarchisées. En premier lieu,
une option est laissée au consommateur qui pourra donc choisir entre la réparation ou le
remplacement du bien. Cette option s’exerce toutefois dans la limite d’un coût
manifestement disproportionné au regard de l’autre modalité compte tenu de la valeur
du bien ou de l’importance du défaut, auquel cas, le vendeur pourra imposer l'autre
modalité.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
51
141.- Si la réparation du bien ou son remplacement s’avèrent impossibles et
uniquement dans cette hypothèse, le consommateur se verra dans la même situation que
celle posée par la garantie légale contre les vices cachés du Code civil, à savoir l’action
rédhibitoire donc la restitution de la chose contre le prix, ou l’action estimatoire donnant
lieu à une diminution du prix. Si les actions principales ne suffisent pas à réparer le
préjudice subi par l'acheteur, l’ordonnance de 2005 ne fait pas obstacle à l’octroie de
dommages et intérêts.
142.- De prime abord, la sanction de la garantie légale de conformité apparaît
avantageuse pour la victime de l’obsolescence programmée dont le but est d’être en
possession d’un produit qui fonctionne au delà d’une réparation pécuniaire. L’apport de
ladite garantie de conformité réside dans le caractère extrajudiciaire du mécanisme car
le consommateur peut, en principe, exercer son droit d'exiger la conformité du bien sans
recourir à l'office du juge, alors qu'il doit, en principe, exercer une action en garantie des
vices cachés. Cependant, Monsieur le Professeur Jean Calais-Auloy regrette quelque
peu ce nouveau système en raison du fait que le vendeur a presque toujours la
possibilité de contester le choix fait par l'acheteur, 84ce qui donnera nécessairement lieu
à une action en justice pour la victime de l’obsolescence programmée.
143.- La liberté en apparence offerte au consommateur victime de l’obsolescence
programmée est d’ailleurs susceptible de nuances. En effet, la hiérarchie imposée dans
les remèdes que propose la garantie légale du Code de la consommation va s’avérer en
pratique, être profitable au vendeur, auteur de l’obsolescence programmée, seul
protagoniste en réalité à réellement disposer de l’option et choisira en pratique, le
remplacement ou la réparation en fonction du coût que cela représente, et spécialement
lorsque la différence de coût sera simplement différente, voire disproportionnée. Le
vendeur se verra donc la possibilité d’organiser selon Monsieur le Professeur Daniel
Mainguy, la prévisibilité des coûts engendrés par la garantie de conformité.85
`
84 J. CALAIS-AULOY, Une nouvelle garantie pour l'acheteur : la garantie de conformité, RTD.Civ 2005, p. 701 85 D. MAINGUY, L'ordonnance du 17 février 2005 sur la garantie de conformité : aux regrets s'ajoutent les regrets, RDC 2005, p. 947
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
52
144.- Enfin, contrairement à la garantie des vices cachés, l’action directe n’est pas
prévue par l’ordonnance de 2005 au détriment de la victime de l’obsolescence
programmée.
II- Une réparation limitée par l’absence d’action directe contre le fabricant
145.- Il convient également d’envisager le cas des chaînes de contrats, le bien ayant
été vendu et revendu plusieurs fois avant l'achat final par le consommateur.
L'ordonnance de 2005 reproduit malheureusement sur ce point, une disposition de la
directive de 1999 qui précise que les droits du consommateur s'exercent contre le
vendeur final, celui-ci pouvant exercer une action récursoire contre le précédent
vendeur, et ainsi de suite en remontant la chaîne selon l’article L. 211-14 du Code de la
consommation. Le consommateur victime de l’obsolescence programmée ne disposera
donc pas de la possibilité de mettre en oeuvre la nouvelle garantie contre le fabricant,
vendeur initial, pourtant d’avantage solvable que le vendeur.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
53
CONCLUSION TITRE I
146.- Dans l’hypothèse où le droit interne appréhenderait l’obsolescence
programmée selon une approche objective de cette stratégie, celui-ci prend donc en
considération les conséquences matérielles de cette pratique sur l’objet qui dont l’usage
va se trouvé altéré. En effet, c’est de façon logique que la réduction volontaire de la
durée d’utilisation altère l’usage considéré comme normal par le consommateur. De ce
fait, il semble donc possible pour le consommateur victime de l’obsolescence
programmée de recourir à la garantie des vices cachés puisque l’altération de l’usage
normal de la chose provient d’une mauvaise confection du produit, donc à un vice
inhérent à la chose. Cependant, celui-ci se heurtera à des difficultés probatoires puisque
la démonstration de la preuve de ce vice nécessitera obligatoirement une expertise au
regard de la qualité de consommateur. De plus, la garantie des vices cachés offre une
réparation insuffisante en l’absence de possibilité de remplacement ou de réparation du
bien devenu obsolète.
147.- Il convient de noter le caractère d’avantage opportun de la garantie légale de
conformité dont le champ d’application élargi met l’accent sur l’attente du
consommateur. Toutefois, si son régime paraît plus attractif que celui de la garantie du
Code civil, en pratique, cela laisse une marge de manœuvre importante au vendeur qui
pourra préférer le remplacement à la réparation et vice versa et ce en arguant, un coût
déraisonnable. Aussi, d’autres fondements méritent d’être analysés et ceux-ci découlent
d’avantage d’une appréciation subjective de l’obsolescence programmée puisqu’ils
sanctionnent l’atteinte à la psychologie du consommateur victime.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
54
Titre II : L’obsolescence programmée : l’atteinte au
consentement du consommateur 148.- «Le consentement est un objet, conséquence de la volonté, symbole de
l’extériorisation de la volonté ».86 Cette affirmation de Madame le Professeur Marie-
Anne Frison-Roche témoigne de l’importance du consentement puisqu’il matérialise la
volonté des parties et en l’occurrence du consommateur. En effet, lors de la conclusion
du contrat, celui-ci manifeste sa volonté d’acquérir le bien entaché d’obsolescence
programmée en fonction de ce que ce bien représente pour lui. Monsieur le Professeur
Jacques Ghestin propose alors de mettre l’accent non pas sur l’état d’esprit de la partie
victime, mais sur le comportement et les agissements du cocontractant. C’est en
considération de cette vision des choses qu’il est alors possible d’exiger du contractant
une obligation d’information qui permettra à l’autre partie, de donner son consentement
en toute connaissance de cause,87 obligation qui n’a pas été exécutée dans le cadre de
l’obsolescence programmée (Chapitre I). Ce défaut d’information qui attrait à la
conception volontairement médiocre du produit réduisant alors la durée d’utilisation de
celui-ci va vicier le consentement du consommateur dans son élément conscience, ce
dernier pourrait alors intenter des actions sur des fondements découlant du défaut
d’information (Chapitre II).
Chapitre I : L’influence du comportement du vendeur sur le
consentement : l’inexécution de l’obligation d’information
149.- À la lecture de l’article L. 111-1 du Code de la consommation, il pourrait être
possible de considérer que l'étendue de l'obligation est moins grande que celle de
l'obligation d'information du droit commun. En effet, le texte du Code de la
consommation limite l'obligation de trois manières d'abord dans son domaine
86 M.-A. FRISON-ROCHE, « Remarques sur la distinction de la volonté et du consentement en droit des contrats », RTD civ., juillet -sept 1995 , p 573 et suiv. 87 J. GHESTIN, Conformité et garantes dans la vente – Produits mobiliers, LGDJ, 1983, spéc. p. 104
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
55
d'application puisqu'il s'agit des contrats de consommation conclus avec un vendeur ou
un prestataire de services, ensuite parce que l'information est précontractuelle, enfin
parce que cette information porte uniquement sur les caractéristiques essentielles du
bien ou du service.
��� 150.- Cependant, une telle croyance serait erronée. En effet, il paraitrait absurde de
penser que l'obligation d'information à l'égard du consommateur soit réduite par rapport
au droit commun puisque toute l'action du législateur est au contraire de renforcer la
protection du consommateur88. Ce dernier a donc renforcé l'obligation d'information du
droit commun d'origine jurisprudentielle, à l’égard des consommateurs en l'inscrivant
dans un texte législatif. Ainsi, le consommateur bénéficiera ainsi non seulement des
dispositions de l'article L. 111-1 du Code de la consommation mais aussi de l'obligation
d'information du droit commun. A ce titre, il est possible de considérer que l'obligation
de droit commun, telle qu'elle est définie par la jurisprudence, recouvre les exigences de
l'article L. 111-1 du Code de la consommation précité quant à l'information sur les
caractéristiques essentielles du bien ou du service. Il n'y aurait donc pas de différences
entre les deux obligations d'information.89 C’est la raison pour laquelle, ces deux
obligations ne seront pas traitées séparément dans cette partie, le droit commun venant
en renfort au droit de la consommation. De plus, étant impossible de recenser toutes les
situations d’obsolescence programmée, nous partirons du postulat que la durée
d’utilisation n’est pas indiquée sur l’emballage ni sur la notice du produit acquis.
151.- Si la transparence est aujourd'hui devenue l'un des maîtres mots des relations
économiques, appliqué au droit des contrats, ce souci général se traduit par des
exigences diverses au premier rang desquelles figurent la reconnaissance et l’exécution
d'une obligation d'information qui fait aujourd'hui partie des données du droit positif.
Cependant, une obligation d’information ne peut être mise à la charge d’un contractant
que sous certaines conditions tenant à l’objet et aux sujets de cette obligation.
L’obsolescence programmée semble répondre à ces exigences car d’une part, le vendeur
88 G. RAYMOND, Information du consommateur, J.-CL. Concurrence-consommation, fasc 845, spéc. n°23 89 Ibid.,
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
56
professionnel, le fabricant et le consommateur victime de l’obsolescence programmée
paraissent répondre aux conditions tenant au sujet de l’obligation d’information
(Section I) et d’autre part, cette pratique semble pouvoir constituer précisément l’objet
d’une telle obligation (Section II).
SECTION I : LA SATISFACTION DES CONDITIONS TENANT A LA
QUALITE DES SUJETS DE L’OBLIGATION DE L’INFORMATION
152.- Les sujets de l'obligation doivent être définis au regard de l'inégalité des
parties devant l'information et c’est d’ailleurs ce rapport d’inégalité qui en constitue la
raison d'être et le critère. Ainsi, de façon logique, il est établi que celui qui doit informer
est celui qui sait, est censé savoir ou devrait savoir et c’est à ce titre que dans le cadre
d’un contrat de vente d’un bien de consommation entaché d’obsolescence programmée,
le vendeur spécialisé ainsi que le fabricant se trouvent débiteurs de l’obligation
d’information (Paragraphe I), a contrario celui qui doit être informé est celui qui
ignore, et qui ignore légitimement, à l’instar du consommateur victime qui se trouve
donc en position de créancier légitime de l’information (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LE VENDEUR SPECIALISE ET LE FABRICANT DU PRODUIT
OBSOLETE EN TANT QUE DEBITEURS DE L’OBLIGATION D’INFORMATION
153.- Le professionnel, qui s’apparente à « un connaisseur face à un ignorant, qui
place en lui sa confiance »90 est en premier lieu visé par l’obligation d’information.
Dans le cadre de l’obsolescence programmée, le vendeur et le fabricant semblent
satisfaire aux deux conditions auxquelles est soumise l’obligation d’information à
savoir la connaissance tant du contenu (I) que de l'importance (II) de l'information.
90 P. LE TOURNEAU, De l'allégement de l'obligation de conseil, D. 1987, p. 101
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
57
I- La connaissance théorique de l’obsolescence programmée par le vendeur spécialisé
opposée à la connaissance concrète du fabricant
154.- La connaissance du contenu de l’information apparaît comme une exigence
logique dans le sens où le professionnel ne peut révéler ce qu’il ignore.91 C’est ainsi,
qu’une Cour d'appel ne peut retenir un manquement à l'obligation de renseignement du
vendeur d'un immeuble sans relever que celui-ci disposait d'informations qu'il n'avait
pas communiquées à l'acquéreur. 92 Cette première condition semble évidemment
remplie par le fabricant du produit entachée d’obsolescence, auteur d’une telle stratégie.
155.- Cependant, cette condition aussi logique soit-elle est sujette à des nuances et
ce dans une finalité protectrice de l’acheteur consommateur.
156.- La première réserve tient dans l’obligation de s’informer pour informer à la
charge du professionnel. Monsieur le Professeur Phillipe Le Tourneau considère à ce
titre que « L'homme de métier doit toujours être à la page ; il se tient au courant des
évolutions juridiques et techniques. »93De ce fait, le professionnel a l’obligation de se
tenir informé des progrès réalisés dans sa spécialité et cette précision est importante car
il ne peut être raisonnablement demandé à ce dernier d’avoir un savoir général et
absolu.94Parmi les professionnels concernés, le vendeur est bien entendu visé95 et peut à
ce titre rechercher l’information auprès d’un tiers et notamment auprès du fabricant.96
157.- C’est ainsi que le vendeur d’un bien atteint d’obsolescence programmée a
l’obligation de se tenir au courant des évolutions et des caractéristiques techniques des
91 M. FABRE-MAGNAN, De l'obligation d'information dans les contrats, Essai d'une théorie : LGDJ, 1992, spéc. n°244 92 Cass. 3ème civ., 21 juill. 1993, Bull. civ., 1993, III, n° 117 93 P. LE TOURNEAU, Les professionnels ont-ils du cœur ? D. 1990, p.22 94 Ibid., « L’obligation de conseil se limite au domaine de la compétence du débiteur, de ce qu'il sait ou devrait savoir, mais pas au-delà : par exemple, un professionnel de la construction n'est pas tenu de donner des conseils dans le domaine de l'obtention des prêts » 95 Cass. com., 25 mai 1993, Bull. civ., 1993, IV, n° 211 : Le vendeur installateur spécialisé dans les systèmes de protection contre le vol doit, au besoin après s'être lui-même renseigné sur la conformité de son matériel aux normes imposées par les assureurs, informer son acheteur sur les conséquences de son achat au regard de la couverture du risque de vol. » 96 P. LE TOURNEAU, La responsabilité des vendeurs et fabricants, Dalloz 2006, spéc. p. 70
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
58
produits qu’il met en vente. Il pourra exécuter ce devoir en se renseignant auprès du
fabricant. Ainsi, un vendeur de produits de la marque Apple par exemple, se doit de se
renseigner auprès du fabricant afin d’exécuter correctement son obligation
d’information auprès du consommateur.
158.- La deuxième nuance réside dans l'instauration, à la charge du professionnel,
d'une présomption irréfragable de connaissance de l'information, dès lors que celle-ci
entre dans le domaine de sa spécialité. Toutefois, la question qui se pose est de savoir si
cette solution vaut à l’instar de la garantie des vices cachés, pour le simple revendeur
aussi bien que pour le fabricant. La jurisprudence a, sur ce point évolué. En effet, les
juge de la Cour de Cassation ont dans un premier temps admis que le revendeur pouvait
être mis hors de cause au motif qu’il « n’était pas forcément au courant » des éléments
ne résultant pas de l’étiquette apposée par le fabricant.97 Cependant, la Cour de
Cassation a récemment posé en principe que « le vendeur professionnel ne peut
invoquer, vis-à-vis de son acheteur profane, une information insuffisante du fabricant
du matériau incriminé. »98
159.- Néanmoins, il reste concevable que la présomption de connaissance ne
s’étende pas à tout fournisseur mais seulement, comme le laisse entendre des arrêts, au
revendeur spécialisé. En effet, dans un arrêt de la première Chambre civile du 23 avril
198599, les juges de la Haute juridiction ont confirmé la décision des juges du fond qui
pour retenir la responsabilité du fabricant d'un produit en raison du manquement à son
obligation de renseignement, ont relevé que les caractéristiques de ce produit, bien
qu'apparentes, ne pouvaient, pour qui ne connaissait pas sa composition
particulièrement complexe, conduire l'utilisateur à deviner les précautions à prendre
pour son emploi. En l’espèce, un artiste peintre ayant utilise un vernis commercialisé
sur ses toiles, des acquéreurs de ses oeuvres, se plaignaient de leur détérioration
résultant du fait que la peinture s'écaillait par plaques et se détachait de la toile. Les
juges du fond ont affirmé que l'obligation de renseignement incombe aussi bien au
97 Cass. 1ère civ., 31 janv. 1973, Bull. civ., 1973, I, n°40 98 Cass. 1ère civ., 27 fév.1985, Bull. civ., 1985, I, n°82 ; Cass. 1ère civ., 4 avr. 1991, Bull. civ., 1991, I, n°131 99 Cass. 1ère civ., 23 avr. 1985, D. 1985, jurispr. p. 558
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fabricant qu'au revendeur spécialisé.
160.- Dans un autre arrêt de la Chambre commerciale du 25 mai 1993100, une
société qui exploitait un commerce de bijouterie, avait acheté un système d'alarme et de
protection contre le vol à une autre société. Or cette installation se révéla non conforme
aux prescriptions imposées par le cahier des charges de l'assemblée plénière des sociétés
d'assurance incendie et risques divers, de sorte que les assureurs de la société
exploitante refusèrent de couvrir celle-ci du risque de vol. La Chambre commerciale
considéra que le vendeur installateur spécialisé dans les systèmes de protection contre le
vol, était tenu, au besoin après s'être lui-même renseigné sur la conformité de son
matériel aux normes imposées par les assureurs, d'informer son acheteur sur les
conséquences de son achat au regard de la couverture du risque de vol.
161.- Dans le cadre de l’obsolescence programmée, le produit fabriqué est vendu à
des distributeurs qui eux mêmes les vendent à des consommateurs finaux. Lorsqu’un
produit est conçu, des matériaux et des processus spécifiques sont choisis et ceux-ci
influeront sur la durée de vie du produit. La durée de vie approximative est connue pour
chaque produit conçu cependant le caractère informel persiste car ce domaine relève du
secret industriel. En effet, peu de personnes au sein des entreprises connaissent la
possibilité de calculer la durée de vie d’un produit. Le service marketing en amont
définit un cahier des charges avec une durée de vie préétablie du produit, le transmet à
certains ingénieurs qui, à leur tour, le transmettent à d’autres ingénieurs, etc.
L’information est ainsi dispatchée dans une chaîne de conception au sein de laquelle
chacun travaille de façon respective et autonome sur une partie du produit. De ce fait, au
sein même de l’entreprise de fabrication, la totalité des employés ne sont pas en
connaissance de la durée de vie d’un produit ni de son procédé de fabrication. Ainsi, le
distributeur est susceptible de ne pas connaître ces informations non plus au même titre
que le vendeur.
162.- Cependant, au vue de ces dernières jurisprudences qu’il est possible de
qualifier de sévères envers le vendeur professionnel, d’un point de vue théorique, le 100 Cass. com 25 mai 1993, Bull. civ., 1993, IV, n°211
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
60
vendeur professionnel spécialisé ne pourra alléguer au consommateur victime
d’obsolescence programmée que celui-ci n’était pas en possession de l’information qu’il
se devait de fournir, en l’occurrence la qualité médiocre des composants du bien acquis
par le consommateur. En effet, le vendeur spécialisé est présumé connaître
l’information et ne peut prétendre un manque d’information de la part du fabricant.
Cependant, l’appréciation des juges du fond étant souveraine, il est possible d’émettre
quelques doutes quant à l’application d’une telle jurisprudence dans le cas d’un produit
ne répondant pas à la durée qui est normalement attendue par le consommateur. Ce
problème ne s’applique pas au fabricant qui connaît inévitablement l’information.
163.- Cette connaissance est insuffisante à elle seule, à imposer au débiteur, une
obligation d’information, la deuxième condition est relative à la connaissance par le
contractant de l’importance que revêt l’information aux yeux du cocontractant.
II- La connaissance inévitable de l'importance de l’obsolescence programmée
l'information par le vendeur et le fabricant
164.- Cette condition relève également de la logique, seul doit parler celui qui sait
que l'information est déterminante pour l'autre partie.101 De façon traditionnelle, c’est à
chaque partie de faire part de ses besoins à l’autre, et d’expliciter ce qu’elle attend de la
conclusion du contrat. A défaut, ce dernier pourra légitimement alléguer que s’il n’a pas
fourni l’information, c’est qu’il ignorait son importance. 102Il convient alors de citer
Monsieur le Professeur Jacques Ghestin lorsque celui-ci précise que « Qui a été trop
laconique décharge d’autant le partenaire de sa responsabilité. C’est une règle
générale du droit de la vente et du contrat d’entreprise »103Néanmoins, il serait absurde
de contraindre chaque contractant et en l’occurrence chaque consommateur de dresser
une liste exhaustive de ses intentions et de ses attentes lorsque ces dernières
apparaissent comme évidentes.
101 Ibid., spéc. n°242 102 B. STARCK, Droit civil, Obligations, t.2 : Contrat, 6ème Ed., Litec, 1998, par H. ROLAND et L.BOYER, n°340 103 J. GHESTIN, La notion d’erreur dans le droit positif actuel, thèse Paris, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, 2ème éd., 1971, t. XL1, préface J.Boulanger,n°141
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
61
165.- La constatation de l’importance de l’information peut cependant revêtir deux
formes. Il est des situations dans lesquelles, les juges se contentent d'énoncer, in
abstracto et par référence à une connaissance déduite de l'opinion commune, que
l'information était nécessaire pour permettre à l'utilisateur « de faire du produit un
usage correct, conforme à sa destination ».104 Au contraire, le juge peut se référer à une
connaissance effective, acquise in concreto et cette connaissance concrète peut résulter
des circonstances. Ainsi, cette connaissance peut résulter des indications expresses du
cocontractant. Tel est spécialement le cas en matière de fourniture de matériel
informatique, domaine dans lequel la Cour de cassation considère que le devoir de
conseil du vendeur doit s'apprécier en fonction des besoins et des objectifs définis par le
client.105
166.- Dans le cadre de l’obsolescence programmée, l’appréciation in abstracto de la
connaissance de l’importance de l’information se trouvera à s’appliquer de façon quasi
systématique. En effet, le recours à l’opinion commune impose l’idée selon laquelle, le
vendeur ainsi que le fabricant devraient d’avoir à l’esprit que le consommateur souhaite
acquérir un bien de bonne qualité prévu pour durer. Ainsi, cette information s’avère
nécessaire pour permettre à l’acquéreur profane de faire un usage du produit conforme à
sa destination. De plus, il serait absurde d’imposer au consommateur d’indiquer au
vendeur professionnel qu’il souhaite que le produit qu’il est sur le point d’acquérir soit
fabriqué de manière à assurer une durée d’utilisation conséquente.
167.- Ainsi, d’un point de vue théorique, le vendeur spécialisé ainsi que le fabricant
d’un bien entaché d’obsolescence programmée peuvent être considérés comme étant
débiteurs de l’obligation d’information, les conditions établies par la jurisprudence et la
doctrine étant satisfaites, au même titre que le consommateur victime de l’obsolescence
programmée dont la qualité de créancier de l’obligation d’information pourrait lui être
reconnue.
104 Cass. 1ère civ., 23 avr. 1985 : D. 1985, jurispr. p. 558, 105 Cass. com., 14 mars 1989, Bull. civ., 1989, IV, n° 89
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
62
PARAGRAPHE II : LE CONSOMMATEUR VICTIME DE L’OBSOLESCENCE
PROGRAMMEE : CREANCIER EFFECTIF ET LEGITIME DE L’INFORMATION
168.- Le principe est que tous les contractants peuvent, selon les circonstances, être
créanciers d'une obligation d'information.106 Les non-professionnels sont certes les
premiers bénéficiaires de cette obligation et cela s'explique par la situation d'infériorité
dans laquelle se trouve a priori le consommateur. Le consommateur victime de
l’obsolescence programmée se verra créancier de l’obligation de l’information car son
ignorance était d’une part effective (I) mais également légitime (II).
I- L’ignorance effective de l’obsolescence programmée par le consommateur
169.- Cette règle relève de l'évidence, nul ne peut se plaindre de la non-révélation
de ce qu'il savait déjà.107 Ainsi, le créancier de l’obligation d’information ne doit pas
être en possession de l’information. La portée de cette exigence est assez faible car en
réalité l'ignorance alléguée ne fait généralement l'objet d'aucune discussion, et parce que
la jurisprudence tend, en certaines circonstances, à présumer que cette condition n'est
pas remplie, c'est-à-dire que le contractant savait à quoi s'en tenir.
170.- Si une telle présomption pèse spécialement sur le professionnel, et plus
particulièrement sur l'acheteur professionnel,108 il s'agit d'une simple présomption de
fait fondée sur la compétence que l'on peut attendre d'un professionnel. Il est possible
qu’une présomption semblable puisse se retrouver à la charge d'un contractant
quelconque, même non professionnel, dont la connaissance est susceptible d'être déduite
de circonstances diverses. Il pourra s'agir de l'expérience acquise par l'intéressé, par
exemple, celui qui se livre habituellement à des opérations spéculatives en bourse ne
peut prétendre ignorer les risques qu'il court109. Il pourra encore s'agir de la compétence
106 M. FABRE-MAGNAN, De l'obligation d'information dans les contrats, Essai d'une théorie : LGDJ, 1992, spéc. n°254 107 Cass. com., 11 mai 1999 : JCP E 1999, p. 1731, note D. Legeais : l'emprunteur, "homme d'affaire expérimenté, connaissait les risques inhérents aux opérations financières dont il avait pris l'initiative". 108 Cass. 1èreciv., 11 juin 1980 : Bull. civ. 1980, I, n° 186, "viticulteur confirmé qui ne pouvait ignorer les dangers d'une intervention dans une machine en mouvement". 109 Cass. com., 15 juin 1999, n° 97-13.388 : JurisDatn° 1999-002558
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
63
technique du contractant comme en matière de construction, où le devoir de conseil
s'efface devant la « compétence notoire » du maître de l'ouvrage.110 Enfin, le simple
« intérêt » qu'un contractant « même amateur » porte au domaine concerné pourra être
pris en compte111.
171.- La pratique de l’obsolescence programmée recouvrant des situations pratiques
tellement diverses qu’il saurait impossible de se prononcer sur des hypothèses précises.
Cependant, même dans le cas où l’acheteur profane possède des connaissances ou
compétences techniques dans le domaine concerné par le contrat, il ne saurait lui être
opposé que celui-ci était en connaissance du fait que le produit était sujet à
l’obsolescence programmée, et ce même, si en pratique, cette stratégie commerciale
tend à se répandre. Le consommateur était donc dans l’ignorance effective de cette
information.
172.- Outre la condition tenant à l’effectivité de l’information, l’existence d’une
obligation d’information est subordonnée à l’ignorance légitime de l’information par le
créancier.
II- Les justifications subjectives et objectives de l’ignorance légitime du consommateur
173.- Le devoir de s'informer reste un principe, en vertu duquel il appartient
normalement à tout contractant de s'instruire par lui-même des circonstances qui sont de
nature à influer sur la conclusion ou sur l'exécution du contrat. Ainsi, tout contractant
est normalement tenu de s'informer lui-même, y compris le profane ou le
consommateur. En effet, en jurisprudence, la qualité de profane n'a pas pour effet de
créer a priori une dispense définitive de l'obligation de s'informer même dans les
rapports avec un professionnel.112
110 Cass. 3ème civ., 23 avr. 1986, n° 84-14.310 : JurisData n° 1986-000771. 111 CA Paris, 4 déc. 1989 : D. 1990, inf. rap. p. 8t 112 Cass. 1ère civ., 4 juin 2009, Bull. civ. 2009, I, n°119
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
64
174.- Ainsi, par rapport à ce principe général, l'obligation d'information apparaît
comme une exception fondée sur la situation inégale entre les contractants et existera
toutes les fois que l'accès à l'information est, pour une des parties impossible ou difficile
ou plus difficile que pour son partenaire, dès lors tenu de parler. Cette impossibilité ou
cette difficulté peut se présenter sous deux aspects, selon qu'elle trouve sa source dans
un obstacle objectif ou dans un obstacle subjectif .113
175.- L'obstacle peut en premier lieu tenir à la circonstance que l'information est
relative à la personne ou à la prestation du cocontractant, qui est donc a priori mieux
placé pour la connaître et a fortiori la révéler. Concernant le contrat de vente, l'acheteur
n'est tenu de se renseigner sur la chose vendue que s'il « avait toute faculté pour le
faire » 114 en dehors de cette hypothèse, le contractant doit pouvoir s'en remettre à son
vendeur et il n'a pas l'obligation de se livrer à des examens peu praticables ou non
conformes aux usages.
176.- Il paraît logique sur ce point que dans le cadre de l’obsolescence programmée,
l’acheteur profane, ne peut par lui-même, à l’aide d’un examen succinct du produit,
obtenir l’information selon laquelle, le produit qu’il entend acquérir est de fabrication
volontairement médiocre. De plus, ce n’est pas cette dernière information que le
consommateur va chercher à connaître, mais plutôt la qualité du produit qui ne pourra
être mieux vantée que par le vendeur.
177.- L'obstacle peut également résulter de l'inaptitude personnelle du cocontractant
à se renseigner efficacement. En effet, il existe une appréciation in concreto de la faute
commise dans l'exécution du devoir de se renseigner115 c'est-à-dire en tenant compte de
l'ensemble des circonstances de l'espèce, qu'elles soient externes ou internes, et
spécialement de toutes les particularités individuelles du contractant considéré, qu'il
s'agisse de supériorités ou d'infériorités, même d'ordre psychologique ou intellectuel.
113 M. FABRE-MAGNAN, De l'obligation d'information dans les contrats, Essai d'une théorie : LGDJ, 1992, spéc. n°254 114 Cass. 3e civ., 24 oct. 1972 : Bull. civ.,1972, III, n° 543 115 M. FABRE-MAGNAN, De l'obligation d'information dans les contrats, Essai d'une théorie : LGDJ, 1992, spéc. n°260
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
65
Ainsi, de façon logique, l'ignorance est plus facilement jugée légitime lorsqu'elle est
invoquée par un non-professionnel ou un consommateur, lequel est en outre admis à
invoquer son inexpérience116.
178.- Ici encore, la pratique de l’obsolescence programmée semble répondre de
cette seconde hypothèse car l’objet de cette étude met en exergue une relation
contractuelle entre un professionnel et un consommateur, qui se verra donc en position
d’infériorité par rapport à la qualité de son cocontractant.
179.- L'obligation d'information apparaît également lorsque l'exécution du devoir de
s'informer est entravée par l'obstacle subjectif tenant à la confiance légitime d'une partie
envers l'autre.117 En effet il se peut que l'un des contractants soit fondé à penser que
l'autre prendra l'initiative de l'informer. Dans la mesure où cette attente est légitime, le
premier est alors déchargé de son devoir de se renseigner, et le second corrélativement
chargé d'une obligation d'information. Les auteurs estiment que l'inégalité des
compétences respectives impose au profane de s'en remettre à son cocontractant, de
sorte qu'il se noue entre les parties une relation de confiance telle que le profane n'a pas
à vérifier les informations fournies par le professionnel, ni à s'en enquérir lui-même.118
180.- Cette attente légitime tirée de la relation de confiance ainsi instaurée pourra
être invoquée par le consommateur victime de l’obsolescence programmée. En effet,
celui-ci était légitimement en droit d’attendre du vendeur que celui-ci le renseigne
correctement sur le produit qu’il entend acquérir sans qu’il y ait besoin de procéder à
des vérifications des informations fournies.
181.- Les conditions tenant au premier élément de l’obligation d’information
sembleraient donc satisfaites dans le cadre de l’obsolescence programmée car le
vendeur et le consommateur victime se révèlent être de véritables débiteurs et créanciers 116 B. PETIT et S. ROUXEL, Contrats et obligations . - obligation d'information : J.-Cl. Civil, Art. 1136 à 1145, spéc. n°37 117 M. FABRE-MAGNAN, De l'obligation d'information dans les contrats, Essai d'une théorie : LGDJ, 1992, spéc. n°255 118 B. PETIT et S. ROUXEL, Contrats et obligations . - obligation d'information : J.-Cl. Civil, Art. 1136 à 1145, spéc. n°39
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
66
de l’obligation de l’information, reste à savoir si les conditions tenant à l’objet de
l’obligation d’information sont remplies afin de soulever l’inexécution d’une telle
obligation.
SECTION II : L’OBSOLESCENCE PROGRAMMEE EN TANT QU’OBJET DE
L’OBLIGATION D’INFORMATION
182.- L'information due par le débiteur de l'obligation, peut se présenter sous des
aspects divers en raison de leurs différents degrés (Paragraphe I), cependant, il paraît
incontestable que la graduation effectuée ne fait obstacle à la pertinence dont doit faire
preuve l’information (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LE CONSOMMATEUR, CREANCIER DES DIFFERENTS DEGRES
D’INFORMATION
183.- Quant à sa nature, l'information due par le débiteur de l'obligation peut se
présenter sous trois catégories. L’obligation de renseignement, l’obligation de mise en
garde et l’obligation de conseil.
184.- S’agissant de l’obligation de renseignements, celle-ci est caractérisée par son
aspect de neutralité. En effet, le renseignement a pour seul objet d'instruire le
cocontractant des éléments lui permettant d'agir en connaissance de cause.119Comme le
dispose l’article L. 111-1 du Code de la consommation, le professionnel doit « avant la
conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les
caractéristiques essentielles du bien ou du service ».La loi ne dit pas ce que sont ces
caractéristiques essentielles du produit ou du service. Cependant, il est possible
d’envisager qu'il s'agit de ce qui est nécessaire au consommateur pour conclure en
119 B. STARCK, Droit civil, Obligations, t.2 : Contrat, 6ème Ed., Litec, 1998 par H. ROLAND et L. BOYER, n°323
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
67
connaissance de cause et pour utiliser correctement le produit.120
185.- Dans le cadre de l’obsolescence programmée, il semble que l’obligation de
renseignements à laquelle est soumis le vendeur ainsi que le fabricant ne fait aucun
doute, d’autant plus qu’elle est imposée par l’article L. 111-1 du Code de la
consommation. Ainsi, le vendeur et le fabricant pourraient se voir imposer l’obligation
d’indiquer la durée d’utilisation moyenne du produit.
186.- S’agissant de l’obligation de conseil, elle concerne une information orientée
contrairement à celle faisant l’objet d’une obligation de renseignement. En effet, le
contractant doit attirer l’intention du consommateur sur les conséquences de la
conclusion du contrat au regard des besoins de celui-ci. Il convient à ce titre de préciser
que le professionnel est dans l’obligation d’exposer au consommateur les effets tant
positifs que négatifs de l’opération envisagée. En effet, tel que l’a décidé la Cour
d’Appel de Paris, les obligations de renseignement et de conseil « se distinguent en ce
que l’obligation d’information porte sur les conditions du service sollicité par le client,
alors que l’obligation de conseil porte sur l’opportunité du service ».121
187.- Ceci implique donc que le devoir de conseil comprend également celui de
déconseiller et de dissuader le contractant d’agir.122 Il s’agit donc « d’une opinion
donnée à quelqu’un sur ce qu’il convient qu’il fasse ou ne fasse pas ».123Ainsi, si le
conseil fourni par le débiteur de l’obligation aura pour finalité d’orienter le créancier de
l’information dans son choix, celui-ci doit donc s’informer de la situation du client et
doit donner son conseil en précisant les raisons pour lesquelles il préconise cette
solution, les conséquences attendues ainsi que les risques possibles. Dans le cas où le
débiteur de l’obligation de conseil est un professionnel, celui-ci ne saurait ignorer les
mobiles et buts poursuivis par son contractant. A ce titre, la Cour de cassation met à la
charge du professionnel une véritable obligation de se renseigner lorsqu’elle décide que
120 Ibid., spéc. point 28 121 CA. Paris, 12 oct. 2006, Jurisprudence-Data n°2006-327372 122 P. LE TOURNEAU, Les professionnels ont-ils du cœur ? D. 1990, p.22 123 H. GROUTEL, Le devoir de conseil in Le devoir de conseil en assurance vie, RD Bancaire et bourse jan-févr. 1999, suppl. Ingénierie patrimoniale, p.4
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
68
« L’obligation de conseil à laquelle est tenu le vendeur lui impose de se renseigner sur
les besoins de l’acheteur et de l’informer (…) de l’adéquation du matériel proposé à
l’utilisation qui en est prévue ».124
188.- Le phénomène est particulièrement net en matière de vente dans des domaines
très techniques tels que la vente de matériel informatique, téléphonique ou de systèmes
de télésécurité. Le professionnel doit assister son client dans le choix du matériel le
mieux adapté à ses besoins.125 Toutefois, il semble que l’obligation de conseil s’étende à
d’autres matériels jusqu’à empiéter sur l’obligation de renseignement.126 De façon
traditionnelle, il est admis par la jurisprudence que l’intensité de l’obligation de conseil,
à l’instar de l’obligation de renseignement, varie en fonction de la qualité des parties et
elle est notamment considérée comme étant d’intensité puissante envers le profane.127
189.- Cette obligation de conseil semble également s’imposer au vendeur
professionnel dans le cadre d’un contrat de vente d’un produit atteint de l’obsolescence
programmée. En effet, comme il a été précédemment exposé, le fait que l’information
soit de nature à dissuader le consommateur de réaliser le contrat projeté, ne doit pas
faire obstacle à sa délivrance. De ce fait, le vendeur d’iPod ou d’iPhone ne doit pas
receler l’information tenant à la durée de vie limitée de ces produits.
190.- De plus, l’obligation de conseil met à la charge du professionnel le devoir de
se renseigner sur les besoins et les mobiles de l’acheteur, dont le caractère durable du
produit fait naturellement partie. Le vendeur ne saurait donc alléguer le fait qu’il ne
savait pas les intentions du consommateur quant à l’utilisation du produit. D’autant plus
que cette obligation de se renseigner sur les besoins de l’acheteur ne saurait aujourd’hui
être cantonnée aux contrats de vente conclu dans des domaines techniques, et donc 124 Cass. 1ère civ., 30 mai 2006, Bull. civ., 2006, I n° 280 125 V. notamment en matière de matériel informatique : Cass. com., 3 déc. 1985, Bull. civ. 1985, IV, n° 284 ; en matière de matériel téléphonique : Cass. 1ère civ., 5 déc. 1995, Bull. civ., 1995, I, n° 453 126 V. s'agissant d'un matériel de boulangerie : Cass. com., 4 janv. 2005, n° 03-16.790 : JurisData n° 2005-026397 ; - Cass. 1ère civ., 30 mai 2006, Bull. civ., 2006, I, n° 280 en matière de climatiseur : « un vendeur est tenu d’une obligation de conseil et il doit informer l’acheteur, fut-il accompagné d’un installateur, de l’adéquation du matériel proposé à l’utilisation prévue. » 127 Cass. 1ère civ., 18 mai 1989, Bull. civ., 1989, I, n°206 : « l’installateur d’un système de télésécurité est tenu d’un devoir de conseil envers son client, surtout lorsque ce dernier apparaît comme un profane ou un néophyte en la matière ».
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
69
pourrait avoir vocation à s’appliquer dans les domaines vastes que recouvre la pratique
de l’obsolescence programmée, allant de l’ordinateur portable au bas en nylon.
191.- L’obligation de mise en garde quant à elle concerne une information orientée
de manière négative qui consiste à « attirer l'attention du cocontractant sur un aspect
négatif du contrat, ou de la chose objet du contrat ».128 Il s'agit, sans comporter un
jugement de valeur, de prévenir un risque de dommage ou d'inexécution en appelant
l'attention de l'autre partie sur les précautions à prendre.
192.- Ainsi, il a été jugé qu’un professionnel doit informer son contractant des
contre-indications de sa propre prestation129 ou des contraintes techniques du produit.
C’est ainsi que dans un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation du 8
juillet 2003,130 les juges de la Haute juridiction ont pu considérer la société S avait
manqué à son obligation de mise en garde en n'informant pas la société O des
contraintes de l'utilisation du nouveau tissu. En l’espèce, il était question de
rétrécissement anormal de tissus vendus.
193.- Le vendeur d’un produit atteint d’obsolescence programmée va se trouver
débiteur de ce dernier degré d’information car, il est question ici d’informer le
consommateur sur les aspects négatifs du produit qu’il entend acquérir. Quoi de plus
inconvénient qu’une durée d’utilisation limitée d’un produit ? C’est en effet une
contrainte technique que le vendeur se devra de délivrer et contre laquelle, il se doit de
mettre en garde l’acheteur profane. Si le rétrécissement d’un tissu apparaît comme une
donnée dont le vendeur doit transmettre, il est possible d’admettre que l’anticipation de
la mort technique du produit, conséquence de la mauvaise qualité de ses composants est
également, une information à délivrer.
128 M. FABRE-MAGNAN, De l'obligation d'information dans les contrats, Essai d'une théorie : LGDJ, 1992, spéc. n°467 129 CA Paris 4 fév. 1988, D. 1988 inf. rap. p. 63 130 Cass. com., 8 juill. 2003, Bull. civ., 2003, IV, n°134
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
70
194.- Dans le cadre du contrat de vente conclu avec le consommateur victime de
l’obsolescence programmée, le vendeur professionnel est donc soumis à la fois à une
obligation de renseignement qui tire son essence dans le Code de la consommation mais
également à une obligation de conseil et une obligation de mise en garde.
195.- S’il existe donc trois degrés dans l’obligation à la charge du vendeur
professionnel, l’objet de celle-ci résultant dans l’information donnée, en l’occurrence, le
fait que le produit soit entaché d’obsolescence programmée, apparaît comme étant
pertinente.
PARAGRAPHE II : L’OBSOLESCENCE PROGRAMMEE, UNE INFORMATION
PERTINENTE
196.- Un auteur, Madame le Professeur Muriel Fabre-Magnan131 a démontré que
l'information ne peut avoir pour objet qu'un fait pertinent, c'est-à-dire un fait qui est en
rapport avec les obligations contractuelles, qui est utile au cocontractant, et dont la
révélation n'est pas illicite.
197.- Concernant la première condition tenant au rapport qui doit subsister entre
l’objet sur lequel doit porter l’information et l’objet des obligations nées du contrat,
celle-ci n’est pas des plus contraignantes car elle permet d’englober les caractéristiques
intrinsèques du contrat tenant donc à la chose du contrat de vente, et plus spécialement
les caractéristiques et qualités substantielles de celle-ci.132 Cette première condition
permet cependant d'exclure certaines informations en tant qu'elles sont étrangères aux
obligations principales issues du contrat.
198.- L’observation de cette première condition tenant à la pertinence de
l’information semble être réalisée par la pratique de l’obsolescence programmée car
131 M. FABRE-MAGNAN, De l'obligation d'information dans les contrats, Essai d'une théorie : LGDJ, 1992, n°169 132 B. PETIT et S. ROUXEL, Contrats et obligations . - obligation d'information : J.-Cl. Civil, Art. 1136 à 1145, n°45
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
71
l’information recelée relève des qualités intrinsèques du contrat, voire même des
qualités intrinsèques de la chose, objet du contrat. En effet, il est question de la
mauvaise qualité des composants de la chose ayant pour conséquence la réduction de sa
durée d’utilisation. Non seulement, l’information porte sur la substance même de la
chose, mais également sur son aptitude à l’usage qui constitue manifestement une
qualité substantielle pour le consommateur.
199.- S’agissant de la deuxième condition posée par Madame le Professeur Muriel
Fabre-Magnan, concernant l’utilité du fait133, objet de l’information, celui-ci doit
permettre au cocontractant de « l’éclairer dans ses décisions et, le cas échéant, de
modifier son comportement »134. Cette condition ne signifie pas que l’information doit
être déterminante, cependant, l’obligation d’information peut avoir une incidence sur le
consentement du contractant. A ce titre, Monsieur le Professeur Jacques Ghestin précise
que « l’obligation précontractuelle de renseignement n’a de sens que si l’information
était susceptible d’exercer une incidence sur le consentement de l’autre partie, de telle
sorte qu’elle n’aurait pas conclu le contrat, ou ne l’aurait conclu qu’à des conditions
plus favorables, si elle en avait eu connaissance ».135
200.- Lorsqu’il est procédé à la mise en relation de l’obsolescence programmée
avec cette deuxième condition, il semble que celle-ci soit plus que satisfaite. En effet,
s’il n’est pas requis que l’information délivrée doit avoir été déterminante pour être utile
au consommateur, en l’espèce, cela va être le cas car il ne fait aucun doute que si ce
dernier avait eu connaissance du vice altérant la chose acquise, celui-ci n’aurait pas
procédé à l’achat. Dans une hypothèse moins excessive, le consommateur aurait acheté
le produit à un prix moins élevé qui serait déterminé en fonction de sa durée
d’utilisation limitée.
201.- Enfin, s’agissant de la dernière condition tenant au caractère non illicite que
doit revêtir la révélation de l’information, celle-ci se justifie de façon logique car il 133 M. FABRE-MAGNAN, De l'obligation d'information dans les contrats, Essai d'une théorie : LGDJ, 1992, n°175 134 Ibid., spéc. n°175 135 J. GHESTIN, Les obligations, t.1, La formation du contrat, 3ème Ed., LGDJ, 1993, n°486
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
72
convient de préciser qu’il est des situations dans lesquelles, le contractant qui détient
l’information a le droit ou le devoir de ne pas les transmettre. Il peut s’agir d’un secret
professionnel, ou un secret de la vie privée.
202.- L'article 226-13 du Code pénal réprime la révélation d'une information à
caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession,
soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire tandis que les articles L1227-1
et L152-7 du Code du travail sanctionnent le directeur ou le salarié qui révèle ou tente
de révéler un secret de fabrication. Si l’obsolescence programmée est une stratégie
commerciale principalement caractérisée par son coté occulte, établir le fait qu’elle
relève d’un secret professionnel serait excessif en l’absence d’informations concrètes.
203.- Les conditions tenant à l’obligation d’information sembleraient donc en
théorie être remplies, cependant, le consommateur intentant une action en inexécution
de l’obligation d’information se heurtera à l’efficacité relative du régime de cette
dernière obligation.
PARAGRAPHE III : L’EFFICACITE RELATIVE DU REGIME DE L’OBLIGATION
D’INFORMATION
204.- Le régime de l’obligation d’information paraît quelque peu inefficace au vue
de la situation du consommateur victime car celui-ci sera d’une part en présence d’une
difficulté relative tenant à la charge de la preuve de l’obligation d’information (I) et
d’autre part, la réparation de son préjudice découlant de l’obligation d’information ne
sera que peu satisfaisante (II).
I- La relative difficulté tenant à la preuve de l’obligation d’information
205.- Dans un premier temps, il appartient en principe au prétendu créancier de
faire la preuve de l'existence de l'obligation.136 Cette démonstration préalable, qui ne fait
136 M. FABRE-MAGNAN, De l'obligation d'information dans les contrats, Essai d'une théorie : LGDJ, 1992, spéc. n°538
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
73
évidemment aucune difficulté lorsque l'obligation est imposée par un texte exprès,
résultera en dehors de ces hypothèses de la preuve, en principe par tous moyens de la
réunion des éléments subjectifs et objectifs caractérisant l'obligation d'information.
206.- La transmission de l'information constituant une obligation de résultat, c'est
sur le débiteur que pèse la charge de prouver qu'il a satisfait à cette obligation en portant
l'information à la connaissance de son cocontractant.137 La Cour de cassation pose
désormais en principe que « celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une
obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de cette
obligation »138. Le droit de la consommation pose la même solution dans les articles L.
111-1, III et L. 111-2 V du Code de la consommation qui précisent qu'en cas de litige, il
appartient au vendeur ou au prestataire de services de prouver qu'il a exécuté cette
obligation.
207.- Concernant la preuve de l’existence et de la transmission de l’information, le
consommateur victime de l’obsolescence programmée est incontestablement dans une
position favorable car en vertu du Code de la consommation, il appartiendra au vendeur
du produit devenu obsolète de prouver qu’il a bien exécuté son obligation
d’information.
208.- La recherche de l'information par le débiteur et sa compréhension par le
créancier sont en revanche l'objet d'obligations de moyens139. Ainsi, la charge de la
preuve pèse incontestablement sur le créancier lorsque celui-ci conteste le fait d'avoir
reçu un renseignement inexact ou un mauvais conseil. Il appartiendra alors au créancier
de démontrer, par tous moyens, que le débiteur ne s'est pas, en la circonstance,
comporté en bon professionnel.
209.- C’est lors de cette démonstration que la victime de l’obsolescence
programmée sera en difficulté car il se doit de rapporter la preuve que le vendeur a mal 137 Ibid., spéc. n°542 138 Cass. 1ère civ., 25 févr. 1997 : Bull. civ., 1997, I, n° 75 139 B. PETIT et S. ROUXEL, Contrats et obligations . - obligation d'information : J.-Cl. Civil, Art. 1136 à 1145, spéc. n°77
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
74
exécuté son obligation d’information en ne l’avertissant pas de la durée d’utilisation
volontairement limitée du bien acquis. En l’espèce, s’il est possible que le vendeur a
exécuté son obligation d’information de façon générale, celle-ci a pu ne pas porter sur la
confection de mauvaise qualité du produit, cependant, cette seule affirmation ne saurait
être suffisante. Cependant, les juges du fond, jouissant d’une appréciation souveraine,
pourraient prendre en considération la qualité des parties et dont la qualité de
consommateur créancier de l’information.
210.- Ainsi, la charge de la preuve de cette obligation d’information reposera en
partie sur le professionnel lorsqu’il s’agira de prouver l’exécution de cette obligation et
en partie sur le consommateur concernant la qualité de l’exécution. La position en partie
défavorable dans laquelle se trouve la victime de l’obsolescence ne va malheureusement
pas s’améliorer par l’octroi d’une réparation adéquate à son préjudice
II- Une réparation insuffisante
211.- L'obligation générale d'information ne fait pas l'objet de sanctions
particulières. Ce sont les sanctions générales du droit civil qui vont s'appliquer lorsque
le professionnel n'a pas satisfait aux dispositions légales ou réglementaires. Ne sera
étudiée ici uniquement la responsabilité civile car la nullité et les sanctions pénales
seront envisagées dans l’étude des fondements relevant des vices du consentement.
212.- La doctrine proposant de distinguer selon un critère fonctionnel,
responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle 140 paraît être la plus
convaincante et conduit à établir que la responsabilité est de nature précontractuelle,
donc délictuelle, et fondée sur l'article 1382 du Code civil, lorsque l'obligation
d'information a une incidence sur le consentement d'un contractant. 140 Selon Madame le Professeur Muriel Fabre-Magnan, il convient de distinguer selon les conséquences de l'inexécution de l'obligation d'information pour son créancier. Les obligations d'information ayant une incidence sur l'exécution du contrat se voient reconnaître une nature contractuelle permettant d'en sanctionner l'inexécution selon les règles de la résolution et de la responsabilité contractuelle. En revanche, les obligations ayant une incidence sur le consentement sont des obligations précontractuelles qui ne peuvent être sanctionnées que par l'annulation ou (et) par l'allocation de dommages-intérêts de nature délictuelle. (M. FABRE-MAGNAN, De l'obligation d'information dans les contrats, Essai d'une théorie : LGDJ, 1992, spéc. n°411 et n°282)
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
75
213.- Dans le cadre de l’obsolescence programmée, l’inexécution de l’obligation
d’information par le vendeur professionnel et par le fabricant a eu inévitablement une
incidence sur le consentement du consommateur victime car celui-ci n’aurait de façon
logique, pas procéder à l’achat en toute connaissance de cause. Cependant, le seul octroi
de dommages et intérêts, si il permet la réparation de son préjudice, ne semble pas
suffisant car le consommateur lésé reste en possession d’un produit hors d’utilisation
alors qu’il souhaiterait de façon légitime le remplacement de celui-ci avec un bien en
bon état de marche et apte à répondre à l’usage auquel il était destiné.
214.- Le défaut d’obligation peut également être sanctionné différemment et sur
d’autres fondements qu’il convient d’étudier.
Chapitre II : Les fondements dérivés du défaut d’information
215.- Lors de l’acquisition du bien atteint d’obsolescence programmée, le
consommateur ne joui pas d’une connaissance complète sur l’objet du contrat en raison
du défaut d’information et cet état d’ignorance qui, de façon logique va avoir une
incidence sur son consentement. En effet, contracter c’est consentir en pleine
connaissance de cause141. Or, si la victime de l’obsolescence avait su le caractère
médiocre de la confection du produit ayant alors une conséquence néfaste sur sa durée
d’utilisation, il n’aurait pas procédé à la conclusion du contrat de vente, son
consentement serait donc vicié (Section I). Le délit de tromperie découlant du Code de
la consommation serait dans le même temps constitué car celui-ci apparaît comme la
transposition du vice du consentement en matière pénale, permettant alors de
sanctionner les « fraudeurs » et protéger les « professionnels honnêtes » (Section II).
141 F. TERRE, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil, les obligations, 9ème Ed, Dalloz, 2005, spéc. p. 193
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
76
SECTION I : LA MANIFESTATION D’UN VICE DU CONSENTEMENT
216.- La victime de l’obsolescence programmée s’est représenté de manière erronée
les éléments de l’achat, et notamment les qualités de la chose, objet du contrat, son
consentement ne paraît donc pas lucide puisqu’il a été déterminé sur des données
inexactes. L’erreur qui est à l’origine de ce manque de lucidité pourra être spontanée, le
consommateur serait donc victime d’erreur, vice du consentement (Paragraphe I),
cependant, l’erreur pourra également être provoquée notamment par la réticence
d’information, le consommateur serait dans ce cas là, victime d’un dol (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LE CONSOMMATEUR VICTIME D’UNE ERREUR
217.- Dans un souci de stabilité contractuelle et donc afin de limiter les hypothèses
d’annulation, l’erreur, en tant que vice du consentement doit porter sur les qualités
substantielles (I), et doit être inexcusable et commune (II). Ces conditions paraissant
satisfaites dans le cadre de l’erreur commise par la victime de l’obsolescence, celle-ci
alors considéré comme l’errans, se heurtera néanmoins aux difficultés liées au régime
de ce vice du consentement (III).
I- L’erreur sur les qualités substantielles découlant de l’obsolescence programmée
218.- L’erreur visée par l’article 1110 du Code civil est celle qui tombe sur la
substance même de la chose qui est l’objet du contrat. Si la victime de l’obsolescence
programmée a commis une erreur qui a été déterminante de son consentement (a), celle-
ci réside dans l’utilité du bien acquis et donc dans son aptitude à remplir l’usage auquel
il était destiné (b).
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
77
a- Le caractère déterminant de l’erreur commise par le consommateur victime de
l’obsolescence programmée
219.- Il convient alors de s’interroger sur ce qu’il faut entendre par la « substance »
et à ce titre, deux conceptions sont à évoquer.
220.- D’une part, la conception objective apparaît comme la conception la plus
restrictive car elle ne vise que les éléments intrinsèques et objectifs qui caractérisent la
nature de la chose, objet du contrat. A ce titre, il y a lieu ici de citer l’exemple de
Pothier qui considère que l’acheteur commet une erreur sur la substance s'il achète des
chandeliers de bronze argenté alors qu'il croyait qu'ils étaient en argent. La conception
objective s’attache donc à considérer l’erreur sur la substance comme étant l’erreur sur
la matière.
221.- Considérée comme étroite pour assurer une protection efficace des intérêts en
présence par Monsieur le Professeur Jacques Ghestin, cette conception n’est pas
parvenue à s’imposer et a été abandonnée au profit d’une conception d’avantage
extensive, la conception subjective. Cette dernière conception se fonde sur le caractère
déterminant des qualités de la chose pour établir leur caractère substantiel. Autrement
dit, l’erreur sur la substance selon la conception subjective est donc l’erreur
déterminante.
222.- C’est cette conception qui a été retenue par la jurisprudence142 et notamment
par un arrêt de la Chambre civile de la Cour de Cassation selon lequel « l'erreur doit
être considérée comme portant sur la substance même de la chose, lorsqu'elle est de
telle nature que, sans elle, l'une des parties n'aurait pas contracté »143
223.- Ainsi, il convient de se demander si le consommateur avait su que le produit
dont il a fait l’acquisition a été fabriqué intentionnellement par le fabricant de façon
142 Cass. civ., 28 janv. 1913, S. 1913.I.487 143 Cass. civ., 28 janv. 1913, S. 1913.I.487
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
78
médiocre, avec des composants de qualité moyenne dans le but de diminuer la durée
d’utilisation du produit, ce dernier aurait-il procéder au contrat de vente ?
224.- Dans l’affirmative, il ne pourra y avoir erreur car elle n’a pas été déterminante
du consentement du consommateur. Cependant, si ce dernier n’aurait pas conclu le
contrat de vente, il y a erreur car, en connaissance de cause, il n’aurait pas donné son
consentement. Cela relève de la logique que de considérer qu’en pratique, la deuxième
hypothèse s’applique.
225.- Si c’est la conception subjective qui a été retenue, peu d’auteurs en revanche
se sont attardés à définir le contenu et la portée réelle de l’erreur déterminante. La
première question que Monsieur le Professeur Jacques Ghestin se pose c’est de savoir si
sans avoir provoqué la conclusion du contrat, l’erreur qui peut avoir amené l’une des
parties à des conditions plus onéreuses peut-elle justifier l’annulation du contrat ? En
effet, assez tôt, la Cour de cassation a considéré qu’une représentation erronée qui a
conduit la victime de l’erreur à accepter des conditions désavantageuses auxquelles elle
n’aurait pas consenti en connaissance de cause, peut être considérée comme
déterminante.144
226.- Cette jurisprudence a par la suite été confirmée dans un arrêt très net de la
Chambre sociale du 4 mai 1956 dans lequel les juges de la Cour Suprême ont relevé que
« si le preneur avait connu la situation réelle, le contrat n’aurait jamais été accepté
dans sa forme actuelle et peut être jamais conclu ».145Monsieur le Professeur Jacques
Ghestin justifie la position adoptée par la jurisprudence car selon lui, le juge n’a pas à
fabriquer un autre contrat auquel le demandeur aurait donné son consentement, il doit
144 Cass. 9 nov. 1892, D. 1893.I.73 : La Cour de Cassation fait état des observations des juges d’appel selon lesquels les demandeurs « n’auraient pas donné un moindre prix desdites actions s’ils avaient connu dès cette époque l’existence des irrégularités dont la révélation a fait prononcer ultérieurement la nullité de la Société ». La Cour de Cassation en conclut donc que l’erreur des demandeurs est restée sans influence sur leur volonté d’acquérir les actions litigieuses. 145 Cass. 4 mai 1956, Bull. civ., 1956, IV, n°411
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
79
seulement rechercher si le demandeur aurait consenti au contrat qui lui est concrètement
soumis.146
227.- Le critère du caractère déterminant doit donc être apprécié de façon large et
cette appréciation paraît favorable à la victime de l’obsolescence programmée car même
si de façon logique, il est possible de considérer que le contrat n’aurait pas été conclu
par le consommateur en connaissance de cause, l’hypothèse selon laquelle ce dernier
aurait conclu à des conditions moins onéreuses peut être envisagée. Dans ce cas,
conformément à ce qui précède, l’erreur vice du consentement est caractérisée car le
consommateur n’aurait pas donné son consentement au contrat qui lui est concrètement
soumis par le vendeur.
228.- Il convient de se demander si la durée d’utilisation de la chose peut faire
l’objet de l’erreur commise par le consommateur.
b. L’utilité de la chose en tant que qualité substantielle
229.- De manière constante, il est des caractéristiques qui sont considérées comme
étant substantielles. Cela va être le cas de l’authenticité pour une oeuvre d’art147 ou de
la puissance148 et du kilométrage du moteur.149
230.- Dans des cas moins fréquents, l'erreur porte sur « l'aptitude de la chose à
remplir l'usage auquel on la destine.»150Il convient ici de citer François Laurent qui
s’interrogeait déjà sur le fait que « l'erreur qui a pour résultat que l'acheteur ne peut
pas se servir de la chose n'est-elle pas la plus substantielle des
146 J. GHESTIN, La notion d’erreur dans le droit positif actuel, thèse Paris, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, 2ème Ed., 1971, t. XL1, préface J.Boulanger, spéc. p.34 147 Cass. 1ère civ., 7 nov. 1995, Bull. civ., I 1995, n° 401, concernant la vente d'un tableau portant la signature "Auguste Herbin", qu'une expertise a ensuite reconnu être un faux. 148 CA Nancy, 18 juill. 1933 : Gaz. Pal. 1933, 2, p. 785 149 CA Douai, 17 mai 2004 : Juris-Data n° 2004-250136 150 J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, Les obligations, t. 2, L'acte juridique, 12ème Ed., Sirey 2006, spéc. n°139
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
80
erreurs ? »151Monsieur le Professeur Jacques Ghestin relève à ce titre dans sa thèse que
parfois le juge ne se borne pas à constater l’absence de telle ou telle qualité, il constate
seulement que l’objet n’était pas apte à réaliser la fin poursuivie par la victime de
l’erreur.152
231.- En matière mobilière également, les juges de la Cour d'Appel de Paris ont pu
considérer que « Il y a lieu de prononcer la nullité de la vente pour erreur portant sur
les qualités substantielles de la chose des lors que le mobilier, présente des malfaçons
le rendant impropre a l'usage auquel il a été destine et que l'acheteur n'aurait pas
contracte s'il n'avait pas été assuré d'acquérir des meubles de fabrication
impeccable. »153De même, en matière informatique, il a pu être décidé que « l'erreur sur
la substance est établie dès lors que le vendeur savait que la rapidité insuffisante de
fonctionnement du matériel le rendait impropre à l'usage auquel il était destiné, peu
important la réception sans réserve de la chose. »154
232.- L’obsolescence programmée ayant pour finalité la réduction de la durée de vie
des produits que les entreprises mettent sur le marché, l’aptitude de la chose à remplir
l’usage auquel elle était destinée est de façon logique, une qualité substantielle qui va se
trouver concernée par cette pratique. Ainsi, si la bonne qualité des composants des
produits ne peut être considérée comme avoir déterminé le consentement de la victime
de l’obsolescence programmée, il en est autrement de son utilisation qui va se trouver
écourtée. Ainsi, l’usage auquel le produit était destiné va être altéré.
233.- De plus, la situation dans laquelle les malfaçons que peut contenir un mobilier
et qui le rendent impropre à son usage, ne peut-elle pas être rapprochée de celle d’une
composition intentionnellement médiocre des composants d’un produit qui le prive
totalement de toute utilisation après une certaine durée qui sera d’ailleurs plus ou moins
courte ? 151 F. LAURENT, Principes de droit civil français, t. 24 de la vente, Bruxelles, Bruylant-Christophe & Cie spéc. n° 278 3e éd., 1875 152 J. GHESTIN, La notion d’erreur dans le droit positif actuel, thèse Paris, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, 2ème Ed., 1971, t. XL1, préface J.Boulanger, spéc. p.49 153 CA Paris, 6 mars 1987, SARL MEUBLES LEVEQUE / VIGOUREUX 154 CA Paris, 10 juill. 1992, S A SOFINOBAIL / SARL SEGIC PUBLICITE
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
81
234.- Il pourrait être possible de considérer que l’erreur sur l’aptitude, sur l’utilité
de l’objet est une erreur sur les motifs, erreur qui ne serait alors pas prise en compte
afin de justifier l’annulation du contrat, mais il n’en est rien. En effet, l’erreur sur
l’aptitude reste une erreur sur l’objet, car les qualités de celui-ci sont alors appréciées au
regard du but poursuivi par la victime de l’erreur qui est donc l’usage de la chose auquel
elle était destinée. Cependant, ce but n’est pas considéré indépendamment de l’objet lui
même 155 mais à travers les insuffisances inhérentes à celui-ci et c'est en quoi l'erreur
porte bien sur la substance et non sur les motifs.
235.- Comme l’observent Messieurs les Professeurs Mazeaud, « A partir du
moment où la chose présente en soi cette utilité ou cette possibilité d’utilisation qui
constituent sa qualité substantielle, il importe peu que le contractant n’ait pu, pour des
raisons qui lui sont personnelles et qui sont étrangères au contrat, l’utiliser comme il
l’espèrerait alors qu’une autre personne aurait pu le faire. L’appartement, demeure
apte à l’habitation, encore que le fonctionnaire qui l’a acheté ne puisse en profiter
parce qu’il a été muté »156
236.- Ainsi, le but poursuivi et les qualités de l’objet demeurent inséparables afin
d’apprécier le caractère déterminant de l’erreur justifiant l’annulation du contrat.
L’erreur sur l’aptitude de l’objet porte donc bien sur l’objet du contrat.
237.- L’obsolescence programmée répond à cette nuance nécessaire afin de
distinguer l’erreur sur les mobiles de l’erreur sur la substance. D’une part, la croyance
erronée du consommateur dans la longue durée de vie du produit ne saurait être
considérée comme une erreur sur les motifs dans le sens où ce n’est pas un élément
psychologique propre à l’errans extérieur aux éléments constitutifs du contrat157 car la
durée de vie est celle de la chose, objet du contrat de vente. D’autre part, l’inaptitude du
produit à remplir l’usage auquel il était destiné découle des qualités de celui-ci et en
155 J. GHESTIN, La notion d’erreur dans le droit positif actuel, thèse Paris, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, 2ème Ed., 1971, t. XL1, préface J.Boulanger, spéc. p.51 156 H. MAZEAUD, J. MAZEAUD et L. MAZEAUD, Leçons de droit civil . t. II, Obligations, théorie générale, biens, droit de propriété et ses démembrements, Montchrestien, 1966 157 B. PETIT et S. ROUXEL, Contrats et obligations – Erreur : J.-Cl. Civil, Art. 1110, spéc.n°55
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
82
l’occurrence de la mauvaise qualité des composants de l’objet dont la conséquence
directe est la réduction de la durée d’utilisation de l’objet.
238.- Au delà de porter sur les qualités substantielles de la chose, l’erreur doit être
commune et excusable.
II- L’erreur réalisée par la victime de l’obsolescence programmée : une erreur
commune et excusable
239.- Au delà de l’erreur commune stricto sensu, la véritable question qu’il
convient de se poser est de savoir si le cocontractant devait avoir connaissance de
l'importance essentielle que la victime de l'erreur attachait à la qualité défaillante ?158 La
doctrine ainsi que la jurisprudence ont répondu par l’affirmative. En effet, la plupart des
auteurs s’accordent sur le fait que les deux parties aient considéré comme substantielle
la qualité sur laquelle l’une d’entre elles a commis une erreur.159Ainsi, ce qui doit être
commun ce n’est pas l’erreur en elle même, mais l’intention des parties de considérer
telle qualité comme étant substantielle. La jurisprudence s’est quant à elle très tôt
attachée à la connaissance du défendeur de la qualité considérée comme déterminante
pour le cocontractant pour annuler le contrat.160
240.- Ainsi, afin de justifier l’annulation du contrat, l’erreur doit porter sur une
qualité substantielle qui est entrée dans le champ contractuel, donc connue des deux
parties161 de façon tacite ou expresse.162 Pour fixer la définition contractuelle de l'objet,
158 J. GHESTIN, Rep. civ. Dalloz, V° Erreur, spéc. point. 311 159 F. TERRE, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil, les obligations, 9ème Ed, Dalloz, 2005, spéc. p. 202 ; V° aussi en ce sens : J. GHESTIN, Rep. civ. Dalloz, V° Erreur, spéc. point. 311 : Il faut donc que le cocontractant ait connu ou qu'il ait dû connaître l'importance essentielle attachée par la victime de l'erreur à la qualité défaillante. ; 160 CA Paris, 13 déc. 1856, DP 1857. 2. 73 ; T. civ. Seine, 17 août 1865, DP 1865. 3. 78 ; Cass. civ. 24 juin 1867, DP 1867. 1. 248 ; 161 B. PETIT et S. ROUXEL, Contrats et obligations – Erreur : J.-Cl. Civil, Art. 1110, spéc.n°79 162 D. MAINGUY et J.-L. RESPAUD, Droit des obligations, Ellipses, 2008, spéc. p.96 ; Dans le même sens : . GHESTIN, Rep. civ. Dalloz, V° Erreur, spéc. point. 247 : « L'erreur ne justifie l'annulation du contrat que lorsqu'elle s'analyse en un désaccord entre l'objet réel et sa définition contractuelle. Il faut qu'elle porte sur une qualité expressément ou tacitement convenue. »
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
83
la jurisprudence se réfère d'abord aux qualités explicitement envisagées dans l'accord
des parties. À défaut, elle recherche si la qualité contestée n'y figure pas implicitement.
241.- La tendance des tribunaux consiste alors à rechercher le contenu de la
convention, à partir des éléments de fait de l'espèce. La détermination des qualités
implicitement convenues se fait donc sur la base de présomptions tirées d'un faisceau de
circonstances. Sont alors pris en compte, les éléments tels que la qualité des parties ou
encore l’apparence de l’objet.
242.- Dans le cadre de l’obsolescence programmée, la qualité substantielle tenant à
la durée de vie du produit ne fera pas l’objet de disposition expresse au sein du contrat
de vente. Cependant, il paraît logique que lorsqu’un consommateur fait l’acquisition
d’un bien de consommation, ce dernier s’attend légitimement à ce que sa durée
d’utilisation soit conséquente, et ne se sent pas dans l’obligation de préciser cette
exigence lors de la conclusion du contrat, car cela découle du bon sens commun. Il est
possible d’établir un rapport avec l’importance de l’information tenant à l’obsolescence
programmée que le vendeur doit légitimement avoir à l’esprit. De façon implicite, il est
donc possible de considérer que la durée d’utilisation du bien de consommation acquis
était entrée dans le champ contractuel et ce en considération d’une pluralité d’indices
tirés des circonstances de l’espèce.
243.- Si le caractère excusable de l’erreur n’a préoccupé la doctrine et la
jurisprudence qu’à partir de 1956163, aujourd’hui cette exigence fait l’objet de solutions
jurisprudentielles abondantes et constantes164. L’erreur est inexcusable et donc ne
donnera pas lieu à l’annulation du contrat lorsqu’elle résulte d’une faute de celui qui en
a été la victime. Ainsi, il convient alors de s’attarder sur la gravité de la faute.
244.- La condition du refus de l'annulation ne réside pas, contrairement à ce
qu'exposent la plupart des auteurs dans la constatation d'une faute lourde ou d'une erreur
163 Cass. com., 10 juill. 1956, Bull. civ., 1956, III, n°220 164 Cass. 2ème civ., 28 oct. 1999, n° 96-22.169 : « L'erreur n'est une cause de nullité que dans la mesure où elle est excusable »
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
84
grossière. Selon un auteur, le qualificatif « inexcusable » est d’ailleurs à l’origine de la
confusion avec la faute lourde, grave ou inexcusable.165 L’erreur inexcusable s’analyse
comme une erreur fautive166 et peut être constituée en une simple négligence de la part
du demandeur.167
245.- Le caractère fautif de l’erreur ne pouvant être déduit de considérations
purement hypothétiques, le juge devra s’appuyer sur les circonstances de l’espèce. Cette
analyse in concreto devra être également opérée par les tribunaux qui ne pourront
prendre comme référence, un homme normalement avisé, ce qui serait, selon Monsieur
le Professeur Jacques Ghestin, trop sévère pour ceux que la nature ou l’éducation reçue
ont mis dans une situation d’infériorité intellectuelle.168Ainsi, il appartiendra au juge de
tenir compte des qualités objectivées de la personne telles que son âge, sa profession et
son expérience.
246.- Le caractère excusable de l'erreur a donc été reconnu dans des situations où la
personnalité et les connaissances des contractants ne leur permettaient pas de déceler
l'erreur. Il a donc été décidé par les juges de la troisième Chambre civile de la Cour de
Cassation que le caractère excusable de l'erreur commise par les acheteurs d'une maison
en bois dès lors que l'aspect tant intérieur qu'extérieur du bâtiment ne permettait pas à
une personne n'ayant aucune compétence en matière de construction de se rendre
compte de la nature de sa structure.169 Encore, l’erreur du boulanger peu initié aux
affaires qui conclut un prêt à terme différé en croyant à tort qu'il s'agissait d'un prêt
immédiat n’est pas considéré comme étant inexcusable170.
165 J. GHESTIN, La notion d’erreur dans le droit positif actuel, thèse Paris, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, 2ème Ed., 1971, t. XL1, préface J.Boulanger, spéc. p.156 166 J. GHESTIN, Rep. civ. Dalloz, V° Erreur, spéc. point 300 167 Cass. 1ère civ., 27 févr. 1957, Bull. civ. 1957, I, n°104 : il était reproché aux preneurs d'un bail de chasse de ne pas avoir visité eux-mêmes la propriété ; Cass. 3ème civ., 9 juill. 1980, Gaz. Pal. 1980. 2, somm. 580 : négligence de l'acquéreur d'un terrain destiné à recevoir une plantation vinicole qui a tardé à obtenir les autorisations administratives requises 168 J. GHESTIN, La notion d’erreur dans le droit positif actuel, thèse Paris, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, 2ème Ed., 1971, t. XL1, préface J.Boulanger, spéc. p.157 169 Cass. 3ème civ., 26 oct. 2005, n° 04-15.354 170 Cass. com. 18 juill. 1956, Bull. civ., 1956, III, n°220
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
85
247.- Au vue de ces jurisprudences et doctrines, il peut être légitimement admis que
le consommateur ayant acquis un bien atteint d’obsolescence programmée ne peut se
voir allégué un comportement fautif lors de la conclusion de la vente. En effet, son
manque de compétences techniques tiré de sa qualité de consommateur fait obstacle à ce
que le simple examen réalisé par ce dernier précédemment à la vente suffise à se rendre
compte
248.- Si les conditions de l’erreur sembleraient être satisfaites par celle commise par
la victime de l’obsolescence programmée, le régime de ce vice du consentement semble
poser d’avantage de difficultés.
III- Le régime défavorable de l’erreur
249.- Le régime de l’erreur présente des difficultés pour la victime de
l’obsolescence tenant d’une part au fardeau probatoire auquel elle devra faire face (a),
et d’autre part, à la sanction de l’erreur, vice du consentement qui ne paraît pas
appropriée au préjudice découlant de cette stratégie commerciale (b).
a. Les difficultés relatives tenant à la preuve de l’erreur
250.- Concernant la charge de la preuve, celle-ci pèse naturellement sur le
demandeur en nullité171. La preuve de l’erreur est difficile et complexe à rapporter car
l'objet de celle-ci est double. En effet, le demandeur doit tout d'abord démontrer la
réalité de son erreur, donc que son consentement a été déterminé par une certaine
croyance que celle-ci était contraire à la réalité172. La victime de l'erreur doit ensuite
prouver que la méprise a porté sur une qualité substantielle de la chose et que cette
qualité a été déterminante de son consentement. La Cour de cassation pose en effet en 171 Cass. 1re civ., 8 févr. 1984 : Bull. civ., 1984, I, n° 56. « Dès lors qu'une personne a signé une reconnaissance de dette et qu'elle présente le titre original de créance qu'elle aurait trouvé postérieurement à la signature de ladite reconnaissance, il lui appartient de démontrer l'erreur dont elle avait été victime » 172 F. TERRE, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil, les obligations, 9ème Ed, Dalloz, 2005, spéc. p. 211
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
86
principe « qu'il appartient à l'acheteur, arguant de son erreur, d'établir le caractère
pour lui substantiel des qualités qu'il n'a pas trouvées dans l'objet acheté ».173
251.- Concernant les modes de preuve, ceux-ci sont libres, l'erreur étant un fait
juridique qui peut être établi par tous moyens.174 La démonstration que le consentement
a été faussé nécessite cependant de se reporter à l'état d'esprit de la victime lors de la
conclusion du contrat. S'agissant donc d'une donnée purement psychologique et donc
propre à l’intime du contractant, la preuve de l'erreur risque d'être souvent difficile
voire impossible en raison du fait que le juge ne peut scruter le for interne d’un
contractant. Cela impose donc de recourir à des procédés détournés, des présomptions,
des indices renvoyant aux circonstances de l’espèce et la réunion de plusieurs éléments.
A ce titre, Monsieur le Professeur Jacques Ghestin propose de prendre en compte le prix
payé, la qualité des parties au contrat, l’apparence du bien. Cette appréciation in
concreto est également préconisée par une doctrine majoritaire.175
252.- Cependant, il paraît opportun d’ajouter que Messieurs les Professeurs Jacques
Flour, Jean-Luc Aubert et Eric Savaux font également référence à une appréciation in
asbtracto du caractère déterminant de l’erreur pour le contractant en déduisant « de ce
qui est normal pour tous, ce qui doit avoir vraisemblablement été pour un, on peut, du
général, passer au particulier »176
253.- Aussi, en pratique, les juges sont conduits à reconnaître plus aisément l’erreur
invoquée si elle est de nature à être communément répandue, notamment si la qualité
qui fait défaut était déterminante au regard de l’opinion commune. Toutefois, il
convient d’être prudent car la référence à l’opinion commune n’est ici faite que dans le
but de rendre plus aisée la preuve du caractère déterminant de l’erreur pour la victime.
173 Cass. 1ère civ., 26 janv. 1972, Bull. civ., I n°32 174 F. TERRE, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil, les obligations, 9ème Ed, Dalloz, 2005, spéc. p. 211 ; B. PETIT et S. ROUXEL, Contrats et obligations – Erreur : J.-Cl. Civil, Art. 1110, spéc. n° 82 175 V° notamment F. TERRE, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil, les obligations, 9ème Ed, Dalloz, spéc. p. 211 ; B. PETIT et S. ROUXEL, Contrats et obligations – Erreur : J.-Cl. Civil, Art. 1110, spéc. n° 82 176 J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, Les obligations, t. 2, L'acte juridique, 12ème Ed.,Sirey, 2006, spéc. n°198
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
87
En conséquence, la transposition de l'opinion commune à l'état d'esprit individuel du
contractant n'a rien d'automatique. Elle n'est qu'un moyen de preuve parmi d'autres.
254.- La victime de l’obsolescence programmée devra donc prouver que la durée
d’utilisation du bien acquis était déterminant de son consentement et que si elle avait eu
connaissance que celle-ci faisait l’objet d’une stratégie commerciale, elle n’aurait pas
conclu le contrat de vente. Cette démonstration par le consommateur va être assez
complexe car se rapportant à son for interne, cependant, il est possible de faire référence
ici à l’apparence du bien, tel que le préconise Monsieur le Professeur Jacques Ghestin.
En effet, lorsque le produit est exposé en magasin ou fait l’objet d’une publicité, celui-ci
est mis en valeur et ne laisse présumer en aucun cas que sa durée de vie est
volontairement limitée par le fabricant.
255.- L’appréciation in abstracto qui pourra être réalisée facilitera la démonstration
du caractère déterminant de la qualité considérée comme substantielle pour la victime
de l’obsolescence programmée car, pour tous, la durée d’utilisation d’un bien dont il est
fait l’acquisition est normalement pris en considération lors de la conclusion du contrat.
En effet, rares sont les consommateurs qui auraient acheté une machine à laver par
exemple s’ils avaient su que sa durée d’utilisation était compromise par la mauvaise
qualité de ses composants.
256.- Il faut enfin rappeler ici que les juges du fond sont souverains pour apprécier
tant le caractère déterminant de l'erreur que le caractère substantiel de la qualité, et
ajouter qu'il en va naturellement de même en ce qui concerne l'interprétation du contrat
à laquelle il peut être nécessaire de procéder. Une abondante jurisprudence témoigne de
ce large pouvoir d’appréciation177
257.- La jurisprudence se réfère à l'intention des contractants. Ainsi, la notion de
qualité substantielle est déterminée in concreto, en fonction de la situation, propre à
177 Cass. 1ère civ., 28 oct. 1964, Bull. civ., 1964, I, n°477 ; Cass. com., 22 avr. 1997, n°95-11.153 : « Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve versés aux débats »
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
88
l’intelligence et à la culture des parties.178 De ce fait, les tribunaux cherchent à scruter la
psychologie individuelle du demandeur au moment de la conclusion du contrat. Le juge
apprécie donc concrètement si l'erreur alléguée par lui l'a déterminé à accepter des
conditions ou le contrat lui même auxquels il n'aurait pas consenti en connaissance de
cause. Monsieur le Professeur Jacques Ghestin justifie l’appréciation in concreto du
caractère déterminant de l’erreur en considérant que « puisqu'il s'agit de se prononcer
sur un vice du consentement, seul importe celui du contractant et non le consentement
d'un homme raisonnable qui se serait trouvé placé dans des circonstances
identiques. »179
258.- Si une appréciation in abstracto aurait été suffisante car, la référence à un
homme raisonnable aurait permis d’établir le caractère déterminant de la durée
d’utilisation, cette appréciation in concreto ne peut se révéler que bénéfique pour la
victime de l’obsolescence programmée dont une analyse sera établie par le juge. En
effet, le fait que les juges s’attachent à relever les circonstances entourant le contrat,
apparaît comme une sécurité. La qualité de consommateur et partant de là, l’absence de
connaissances techniques et les intentions de ce dernier seront des éléments que les
juges du fond prendront en considération dans le cadre de leur pouvoir souverain
d’appréciation.
259.- Au delà de la difficulté probatoire importante, la victime de l’obsolescence
programmée se verra confrontée à l’opportunité de la sanction de l’erreur.
b. La sanction inopportune de l'erreur
260.- La sanction de l'erreur se trouve en principe dans l'annulation de l'acte à
savoir que cette sanction ne peut normalement intervenir qu'autant qu'elle est demandée.
Il s'agit en principe d'une nullité relative,180 ainsi, la demande ne peut être formée que
178 D. MAINGUY et J.-L. RESPAUD, Droit des obligations, Ellipses, 2008, spéc. p. 95 179 J. GHESTIN, Rep. civ. Dalloz, V° Erreur, spéc. point. 131 180 V° notamment J. GHESTIN, Rep. civ. Dalloz, V° Erreur, spéc. point.6 ; F. TERRE, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil, les obligations, 9ème Ed, Dalloz, 2005, spéc. p.212
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
89
par la partie dont le consentement a été vicié181 ou par ses héritiers. L'action se prescrit
par cinq ans à compter du jour où l'erreur a cessé selon l'article 1304, alinéa 2, du Code
civil. Le point de départ du délai est en principe le jour où l'errans a effectivement pris
conscience de son erreur et non celui où il a pu la soupçonner.182
261.- L’annulation de l’acte, emportant l’anéantissement de toutes les obligations
auxquelles il a donné naissance entraine une restitution. Cependant, l’objet de la
convention ayant péri, une restitution par équivalent va donc être ordonnée et cela
conduit à imposer une restitution de la valeur de l'objet au jour de la vente, compte tenu
de l'état dans lequel il se trouvait à cette date, ce qui est fortement préjudiciable à la
victime de l’obsolescence programmée. en effet, celui-ci va se voir uniquement restituer
le prix qu’il a versé et devra de plus, s’acquitter d’une somme d’argent équivalent à la
valeur du bien le jour de la vente.
262.- La victime de l'erreur peut obtenir des dommages-intérêts en réparation du
préjudice que lui cause sa méprise soit de manière cumulative 183 , soit à titre
optionnel,184 cela rejoint la solution consacrée en matière de dol.185 Il faut pour cela
qu’une faute du cocontractant puisse être établie un préjudice non couvert par les
éventuelles restitutions si la demande de dommages et intérêts intervient en
complément.186L’octroi de dommages et intérêts ne sera pas probablement prononcé par
le juge en complément de l’annulation en raison de la faible importance du préjudice
subi par la victime de l’obsolescence programmée.
263.- Au delà de l’erreur spontanée, vice du consentement, un deuxième vice
pourrait également faire l’objet d’un fondement, il s’agit du dol.
181 Cass. 1ère civ., 1er mars 1988, Bull. civ., 1988, I, n° 56 182 Cass. 3ème civ., 13 mai 1998 : Juris-Data n° 1998-002247 183 Cass. 3ème civ., 29 nov. 1968 : Gaz. Pal. 1969, 1, p. 63 184 Cass. 1ère civ., 16 avr. 1991, Bull. civ., I, n°145, 185 Cass. 3ème civ., 29 nov. 1968 : Gaz. Pal. 1969, 1, p. 63 186 V° notamment, F. TERRE, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil, les obligations, 9ème Ed, Dalloz, 2005, spéc. p.213 ; J. GHESTIN, Rep. civ. Dalloz, V° Erreur, spéc. point.8 ; B. PETIT et S. ROUXEL, Contrats et obligations – Erreur : J.-Cl. Civil, Art. 1110, spéc. n° 88
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
90
PARAGRAPHE II : LE CONSOMMATEUR VICTIME DE RETICENCE DOLOSIVE
264.- Le dol est défini d’une manière générale comme un comportement
malhonnête, une tromperie qui va amener l’autre partie à conclure le contrat sur une
fausse conviction. Il y a donc une erreur commise par le contractant victime qui sera
provoquée par le comportement de l’auteur du dol. En l’espèce, la réticence dolosive du
vendeur spécialisé pourrait être retenue contre ce dernier en raison de l’erreur sur les
qualités substantielles qu’elle a provoqué (I). La détermination de l’élément intentionnel
du vendeur spécialisé apparaît de plus comme étant facilitée par la présomption de
mauvaise foi du professionnel instituée par la jurisprudence (II). Cependant, à l’instar
du régime de l’erreur, celui du dol apparaît comme défavorable au consommateur
victime de l’obsolescence programmée (III).
I- Le vendeur professionnel spécialisé, auteur d’une réticence dolosive sur les qualités
substantielles
265.- Pendant longtemps, la réticence dolosive a été considérée comme une habileté
permise, un comportement qui ne pouvait être réprimé en l’absence de manœuvres. Ce
n’est que dans son arrêt du 19 mai 1958 que la première Chambre civile de la Cour de
Cassation a admis que l'existence d'un dol peut être « déduite du silence volontairement
gardé » par un contractant.187Cette jurisprudence a par la suite été confirmée de façon
plus nette par un arrêt de la troisième Chambre civile de la Cour de Cassation du 15
janvier 1971 dans lequel, les juges de la Haute juridiction ont décidé que « le dol peut
être constitué par le silence d’une partie dissimulant un fait, qui, s’il avait été connu de
lui, l’aurait empêcher de contracter ».188La réticence dolosive conserve donc le schéma
traditionnel du dol car par le silence de l’une des parties, celle-ci a habilement contribué
à faire naître chez son partenaire une erreur, il y a donc bien erreur provoquée.
187 Cass. 1ère civ., 19 mai 1958, Bull. Civ. I, n°251 188 Cass. 3ème civ., 15 jan. 1971, Bull. civ., 1971,III, n°38
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
91
266.- Concernant le fondement de la sanction de la réticence, celui-ci reste
controversé. Celui-ci réside dans un premier temps dans le manquement à l’obligation
précontractuelle d’information. Ainsi, en premier lieu, l'existence d'une obligation de
parler constitue la condition nécessaire de la réticence dolosive. En effet, dans un arrêt
de la Chambre sociale de la Cour de Cassation du 25 avril 1990, les juges de la Haute
juridiction ont pu considérer que le silence d’un salarié à qui il est reproché d’avoir
dissimulé lors de son embauche, une condamnation pénale, n’a pas un caractère dolosif
en l’absence d’obligation de faire mention d’antécédents judiciaires à la charge de ce
dernier.189 De ce fait, les juges du fond ne peuvent écarter le dol allégué par une partie
sans rechercher si l'autre n'a pas manqué à son obligation d'information190.
268.- Concernant les relations professionnels-consommateurs, la réticence dolosive
étant liée à l'obligation de renseignements, celle-ci est fréquemment relevée contre les
professionnels et donc peut l’être à l’égard du vendeur du produit obsolète. La
jurisprudence est abondante dans le domaine. A titre d’exemple, est considéré comme
auteur d’une réticence dolosive, le garagiste qui s’est abstenu de révéler l'ancienneté
réelle du moteur de l'automobile vendue.191
269.- Monsieur le Professeur Olivier Tournafond affirme que « Le recours à la
notion d'obligation précontractuelle de renseignement n'est peut-être qu'un détour
commode permettant d'établir l'intention dolosive du contractant, sa volonté de
tromper, toujours difficile à prouver s'agissant d'un état psychologique ; surtout lorsque
ce contractant ne s'est livré à aucun mensonge, mais s'est contenté de garder le
silence. »192
189 Cass. soc., 25 avr. 1991, n° 86-44.148 190 Cass. 3ème civ., 4 jan. 1991, n° 89-13.473 : les juges de la Haute juridiction ont cassé l'arrêt qui déboute les acquéreurs d'un immeuble de leur demande tendant à faire prononcer la nullité de la vente et à obtenir des dommages-intérêts pour réticence dolosive au motif que si le vendeur n'a pas attiré l'attention des acquéreurs sur les caractéristiques du terrain, cette réticence n'est pas constitutive d'un dol dans la mesure où les acquéreurs avaient par eux-mêmes connaissance de l'état du terrain et ce sans répondre aux conclusions faisant valoir que l'obligation de renseignement pesant sur le vendeur et concernant les incidents antérieurs consécutifs à cet état, n'avait pas été respectée. 191 Cass. 1ère civ., 19 juin 1985, n° 84-10.934 192 O. TOURNAFOND, Réticence dolosive du vendeur et violation de l'obligation de renseignement, D. 1992, p. 196
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
92
270.- Ce fondement de la réticence dolosive reposant sur l’inexécution de
l’obligation précontractuelle d’information semble majoritairement admis par la
doctrine, fondement que Monsieur le Professeur Bruno Petit et Madame Sylvie Rouxel
envisagent d’avantage comme une justification technique, la réticence dolosive étant
alors l’inexécution intentionnelle de cette obligation.193
271.- Comme il l’a été précédemment exposé lors de la démonstration du
fondement relatif à l’obligation d’information le vendeur professionnel peut être
considéré comme avoir manqué à cette dernière obligation, le problème restant celui de
distinguer selon que le vendeur est un vendeur spécialisé ou non. Ainsi, dans la
première hypothèse, selon la présomption de connaissance qui est établie par la
jurisprudence, celui-ci est censé savoir que le bien dont le consommateur projette de
faire l’acquisition fait l’objet de la stratégie commerciale de l’obsolescence programmée
et aurait du donc révéler à ce dernier cette information, qui l’aurait dissuadé de conclure
le contrat de vente. Ainsi, le vendeur spécialisé est donc auteur d’une réticence dolosive
ayant eu pour objet de tromper le consommateur sur les qualités substantielles du
produit.
272.- Parallèlement à cette justification technique, la sanction de la réticence
dolosive se fonde sur la bonne foi, dans un aspect plus théorique et de la notion194.
Ainsi, la réticence dolosive met en opposition deux concepts, la morale et le droit. En
effet, Monsieur le Professeur Patrick Chauvel considère que « ce que l'on devait faire,
en l'absence d'obligation juridique préexistante, ne regarde que la morale et le droit ne
s'attache qu'aux actes »195
193 B. PETIT et S.ROUXEL, Contrats et obligations –Dol : J.-CL. Civil, Art. 1116 194 Cass. 1ère civ., 31 mars 1998, n° 96-14.610 : la première Chambre civile de la Cour de Cassation a pu considéré que manque à son obligation de contracter de bonne foi et commet ainsi un dol par réticence, le banquier qui, sachant la situation de son débiteur irrémédiablement compromise ou, à tout le moins, lourdement obérée, omet de porter cette information à la connaissance de la caution, l'incitant ainsi à s'engager. 195 P. CHAUVEL, Rep. Civ. Dalloz, V° Dol
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
93
273.- A ce titre, Monsieur le Professeur Olivier Tournafond affirme que « Plutôt
que d'affirmer que le dol révèle l'existence d'une obligation précontractuelle de
renseignement dont le contenu n'est pas toujours commode à préciser, n'est-ce pas au
contraire le fait de ne pas fournir de renseignements, là où manifestement les
circonstances l'exigeaient, qui traduit la fraude, la volonté de tromper, la prétendue «
obligation de renseignement » n'étant en réalité que l'expression de la bonne foi
contractuelle. »
274.- Cette justification d’avantage théorique de la réticence dolosive ne paraît pas
favorable à la victime de l’obsolescence programmée car cela supposerait que le
vendeur soit effectivement en connaissance de l’information pour avoir eu un
comportement déloyal en ne la délivrant pas. Or, le régime jurisprudentiel de
l’obligation d’information précédemment exposé permet de présumer cette
connaissance, ce qui est donc d’avantage favorable au consommateur victime.
275.- Concernant l’objet du dol, à la différence de l'erreur spontanée, l'erreur
provoquée par le dol est de nature à entraîner l'annulation quel que soit l'objet sur lequel
elle porte. Cependant, si l’erreur peut porter sur n’importe quel élément du contrat,196
cet élément doit avoir été d’une telle importance pour le cocontractant que s’il en avait
eu connaissance, il n’aurait pas consenti. Ainsi, pour que la nullité soit prononcée, il
faut que l’erreur provoquée par le dol ait revêtu un caractère déterminant du
consentement du cocontractant.
276.- Le caractère déterminant de l’information qui a été recelée par le vendeur
professionnel spécialisé en l’occurrence, la mauvaise composition des produits ayant
pour conséquence la réduction de leurs durées d’utilisation, a été démontré lors de
l’étude du fondement de l’erreur, ainsi, la condition tenant à l’objet de la réticence
dolosive est satisfaite.
196 A. BENABENT, Droit civil, les obligations, 10ème Ed., Montchrestien, 2005, spéc. p.89
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
94
277.- L’élément matériel résultant de la réticence dolosive du vendeur spécialisé
semblerait donc être constitué en théorie, au même titre que l’élément intentionnel de ce
dernier qui va être présumé par la jurisprudence.
II- La présomption de l’élément intentionnel du vendeur spécialisé
278.- Le dol doit reposer sur une faute intentionnelle, ce qui impose donc le fait que
l’auteur du dol ait agi intentionnellement pour tromper son cocontractant. Monsieur le
Professeur Patrick Chauvel précise à ce titre que qu’« En l'absence d'intention, la
solution est certaine : la bonne foi d'une partie est exclusive du dol que l'on chercherait
à lui imputer. »197 Le particularisme de la réticence réside dans le fait qu'il s'agit d'un
délit d'omission.198L’intention de tromper son cocontractant va donc au delà de la
simple omission de communication de l’information.
279.- Ainsi, cette condition tenant au caractère intentionnel du dol implique deux
conséquences. D’une part, le cocontractant doit avoir eu connaissance de l’information
ou de la circonstance que la victime du dol lui reproche d’avoir tue et devait connaitre
également l’importance de ce fait ou de cette circonstance pour cette dernière. D’autre
part, le dol ne peut être retenu lorsque le cocontractant n’a pas eu l’intention de
tromper.199
280.- Cependant, l’exigence tenant à l’existence de cet élément moral se voie
atténuée dans l’hypothèse de la réticence dolosive200. En effet, l’omission peut avoir
pour origine l’ignorance, l’oubli ou encore la négligence.201 Ainsi, le juge déduit
197 P. CHAUVEL, Rép. civ. Dalloz, V° Le dol, spéc. point 76 198 P. CHAUVEL, Rép. civ. Dalloz, V° Le dol, spéc. point 78 199Cass. 1ère civ., 31 mars 1998, n° 96-14.610 : la première Chambre civile de la Cour de Cassation a considéré que les juges du fond ne peuvent annuler un cautionnement sans rechercher si le défaut d'information imputé à la banque créancière avait pour objet de tromper la caution et de la déterminer à s'engage 200 F. TERRE, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil, les obligations, 9ème Ed., Dalloz, 2005, spéc. p. 240 ; B. PETIT et S.ROUXEL, Contrats et obligations –Dol, J.-CL. Civil, art.1116, spéc. point. 29 201 F. TERRE, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil, les obligations, 9ème Ed., Dalloz, 2005, spéc. p. 240
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
95
l’intention de tromper à partir de la double constatation que le vendeur qui s’est tu,
connaissait l’information recelée et son importance pour son cocontractant202. De plus,
la jurisprudence a admis que le dol peut être constitué uniquement par la simple
inexécution volontaire d'une obligation de renseignement, indépendamment de la
connaissance effective de la situation par le professionnel sur lequel pèse l'obligation203.
281.- La jurisprudence va encore plus loin en considérant que le cocontractant ne
pouvait en raison de sa qualité de professionnel, ignorer l’information tue. Déjà, dans un
arrêt du 19 janvier 1977, la première Chambre civile de la Cour de Cassation avait
affirmé qu’un garagiste « ne pouvait ignorer que le compteur indiquait un kilométrage
bien inférieur à celui que la voiture avait parcouru en réalité »204
282.- Ainsi comme le soulignent certains auteurs, la Cour de Cassation pourrait
donc étendre au dol la présomption irréfragable de mauvaise foi. 205 Une telle
présomption de mauvaise foi se retrouve également dans des décisions postérieures et
notamment dans l’arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation du 28
septembre 2004. En l'espèce, la Haute juridiction a retenu que la Cour d'appel, en
relevant qu'en sa qualité de vendeur professionnel d'automobiles, la société venderesse
s'était rendue coupable d'une abstention constitutive de réticence dolosive, a ainsi fait
ressortir que « la société venderesse savait ou devait savoir qu'un gage avait été inscrit
sur le véhicule. »206
283.- Il semble encore une fois ressortir de ces jurisprudences que cette
présomption irréfragable de mauvaise foi qui revient donc à supprimer l’élément
intentionnel du dol ne vise uniquement les vendeurs spécialisés à l’instar de l’obligation
d’information. Ainsi, ces derniers pourraient être inquiétés dans le cadre d’une action
202 Ibid., 203 Cass., 3ème civ., 3 fév. 1981, n° 79-13.774, Bull. civ, 1981, III, n°22 : « la société venderesse et son gérant, professionnels des transactions immobilières, avaient envers les acquéreurs, qui manquaient d'expérience en matière d'urbanisme, le devoir de vérifier la situation de la parcelle vendue au point de vue des voies et réseaux et ont volontairement omis de préciser ce point » 204 Cass. 1ère civ., 19 janvier 1977, Bull. civ 1977 I n° 40 205 B. PETIT et S.ROUXEL, Contrats et obligations –Dol, J.-CL. Civil, art.1116, 206 Cass. Com., 28 sept. 2004, n°02-20.142
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
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intentée par les victimes de l’obsolescence programmée sur le fondement de la réticence
dolosive. En effet, l’élément intentionnel du vendeur spécialisé est présumé par les
juges en raison de leur qualité même de professionnel et donc de leur connaissance
présumée de l’information recelée et de l’importance qu’elle revêt pour le contractant.
284.- Si les éléments constitutifs du dol sembleraient être remplis par
l’obsolescence programmée avec toujours la difficulté tenant à la connaissance effective
de l’information du vendeur spécialités qui est présumée, il en est autrement du régime
qui reste une nouvelle défavorable à la victime de l’obsolescence.
III- Le régime défavorable du dol
285.- L’article 1116 du Code civil dispose que « le dol ne se présume pas et doit
être prouvé ». Ainsi, le cocontractant qui invoque une nullité pour dol doit établir
l’existence même de ce dol. Cependant, il convient de distinguer la réticence dolosive
des autres formes que peut revêtir le dol.
286.- En effet, dans l’hypothèse de la rétention volontaire d’information par un
cocontractant, c’est à celui qui est tenu d’une obligation d’information de rapporter la
preuve de l’exécution de cette obligation207. C’est en ce sens qu’a statué la première
Chambre civile de la Cour de Cassation dans son arrêt du 15 mai 2002 en considérant
que « le vendeur professionnel est tenu d'une obligation de renseignement à l'égard de
son client et qu'il lui incombe de prouver qu'il a exécuté cette obligation. »208
287.- A ce titre, Messieurs les Professeurs, Jacques Mestre et Bertrand Fages,
considèrent que si cette solution jurisprudentielle s’inscrit de façon anodine dans le
régime de l’obligation de renseignement, ce renversement de la charge de la preuve
207 F. TERRE, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil, les obligations, 9ème Ed., Dalloz, 2005, spéc. p. 244 208 Cass. 1ère civ., 15 mai 2002, Bull. civ., I n° 132, p. 101
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
97
apparaît néanmoins comme inédit sur le terrain des vices du consentement.209 La Cour
de cassation, en jouant le lien entre obligation de renseignement et réticence, a donc
supprimé la difficulté.210
288.- Cependant, dans un arrêt important de la Chambre commerciale de la Cour de
Cassation du 28 juin 2005, les juges de la Haute juridiction semblent revenir à une
solution plus orthodoxe en constatant que « le manquement à une obligation
précontractuelle d’information, à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser le dol
par réticence, si ne s’y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce
manquement »211. Cet arrêt semble restaurer donc clairement le dol par réticence dans
son aspect de délit civil et il le sépare plus nettement du simple manquement à
l’obligation d’information. Au vu de cet arrêt, les victimes de l’obsolescence
programmée se heurteront donc à une grande difficulté probatoire, devant alors
s’attacher à rapporter la preuve du caractère intentionnel dans le manquement à
l’obligation d’information.
289.- Concernant les actions qui sont offertes au cocontractant victime de dol, son
consentement étant vicié, celui-ci peut agir en nullité relative de la convention.
Cependant, comme il l’a été précédemment exposé, l’action en nullité ne paraît pas
favorable pour le consommateur victime. Parallèlement à cette action, le dol étant une
faute, il peut également être sanctionné par des dommages et intérêts. Il s’agit d’une
action en responsabilité délictuelle fondée sur le droit commun de l’article 1382 du
Code civil car la faute retenue est par hypothèse antérieure au contrat. La réparation
peut d'abord être demandée en plus de l'annulation, si celle-ci laisse subsister un
préjudice tel que manque à gagner ou les frais du contrat par exemple ou à la place de
l'annulation, notamment sous la forme d'une réduction de prix. Cependant, en raison de
la difficulté probatoire à laquelle se heurte la victime de l’obsolescence programmée, il
lui sera difficile de prouver une faute de la part de son contractant et donc difficile de
se voir octroyer des dommages et intérêts. 209 J. MESTRE et B. FAGES, Mais une nouvelle avancée probatoire pour l'acheteur déçu, à mi-chemin entre l'obligation de renseignement et la réticence dolosive, RTD. Civ 2003, p. 84 210 F. LABARTHE, Droit des obligations, JCP G n°48, 27 novembre 2002 211 Cass. com., 28 juin 2005, Bull. civ., 2005, IV, n° 140
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
98
290.- Il convient alors d’étudier si le fondement de la tromperie offre plus de
protection à la victime de l’obsolescence.
SECTION II : LE CONSOMMATEUR VICTIME DE TROMPERIE
291.- Le délit de tromperie apparaît comme la transposition de vices du
consentement en matière pénale, il va alors être question de sanctionner un
comportement malhonnête ayant des répercussions néfastes sur le consommateur.
Appliquée à la pratique de l’obsolescence programmée, les éléments constitutifs du délit
de tromperie semblent être satisfaits de façon relative (Paragraphe I). De plus, le délit
de tromperie met en exergue un arsenal répressif renforcé dont l’efficacité sera
relativisée par la pratique et notamment dans le cas de l’obsolescence programmée
(Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LA SATISFACTION RELATIVE DES ELEMENTS CONSTITUTIFS
DE LA TROMPERIE
292.- Dans le cadre de l’obsolescence programmée, la tromperie provient du silence
sur les conséquences que cette stratégie commerciale a sur les qualités substantielles du
produit (I), élément matériel, cependant, la tromperie étant un délit, l’élément
intentionnel est requis et c’est cet élément moral qui va faire naître quelques difficultés
auxquelles se heurtera l’action du consommateur (II).
I- Le silence trompeur concernant les qualités substantielles du bien
293.- L’appréciation in abstracto des qualités substantielles est favorable au
consommateur dans le sens où elle va permettre la recevabilité du fondement de la
tromperie (a), ce qui ne sera pas le cas de la tromperie sur la composition ou teneur en
principes utiles et aptitude à l’emploi (b).
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
99
a. L’appréciation in abstracto des qualités substantielles favorable au
consommateur
294.- L’article L. 213-1 du Code de la consommation fait mention d’un contrat et
concernant sa nature juridique, la jurisprudence estime qu’il ne peut y avoir tromperie à
l’occasion d’un contrat à titre gratuit ainsi d’une loterie publicitaire, le contrat doit être à
titre onéreux212. Ainsi, comme le résume Monsieur le Professeur Gabriel Roujou de
Boubée, « la qualification de tromperie est exclue lorsque l'objet ou la prestation ont
été fournis dans une intention libérale et sans la recherche d'une contrepartie».213Cette
solution paraît logique dans le sens où l’auteur de la tromperie entend retirer de ce délit,
un avantage, or dans l’hypothèse d’un acte gratuit, aucun avantage ne peut être tiré de la
conclusion de l’acte. Ainsi, pourra être le support d’un acte de tromperie, tout contrat de
consommation et notamment le contrat de vente. Sur ce premier élément tenant à
l’existence d’un contrat actuel ou futur, la pratique de l’obsolescence programmée
semble répondre à cette exigence. En effet, le consommateur se verra victime de
l’obsolescence programmée après avoir conclu un contrat de consommation.
295.- S’agissant de l’objet sur lequel porte le contrat et qui fera l’objet de la
tromperie, l’article L. 213-1 du Code la consommation faisant mention de « choses »,
« marchandises » ou « produits », il paraissait de façon initiale, nécessaire que
l’obligation de l’auteur de la tromperie porte sur la remise d’une chose. De plus, la
chose devait correspondre à un bien meuble corporel selon la Haute juridiction qui
considère que sont visées, « des choses qui se comptent, se pèsent ou se mesurent ».214
Ainsi, concernant l’objet sur lequel le contrat doit porter, ici encore l’obsolescence
programmée semble satisfaire aux exigences posées par le délit de tromperie. En effet,
sont visés par cette dernière stratégie commerciale, des biens de consommation de
212 Cass. crim., 8 mars 1990, Bull. crim., 1990 n° 111 : La Chambre criminelle de la Cour de Cassation a considéré que la Cour d'Appel avait justifié sa décision en relaxant du chef de tromperie le dirigeant d'une société de vente par correspondance qui adressait gratuitement à des consommateurs des lots ne correspondant pas à la valeur annoncée 213 G. ROUJOU DE BOUBEE., L'application de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications suppose l'existence d'un contrat ou d'un acte à titre onéreux, D. 1994, p. 158 214 Cass. crim., 5 déc. 1977, Bull. crim., n° 382
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
100
nature corporelle dont l’usage va se trouver prématurément compromis.
296.- Dans sa formulation initiale, l’article L. 213-1 du Code de la consommation
ne comportait aucune précision quant à la forme que doit revêtir la tromperie. La loi de
1978 en précisant que l’action de tromper devra être réalisée par « quelque moyen ou
procédé », n’apportait aucune indication supplémentaire. Ainsi, cela a permis à la
jurisprudence d’interpréter de façon large, l’acte de tromperie. La dissimulation et la
réticence sont également des moyens par lesquels, le consommateur peut être trompé.
Ainsi, le défaut d’information peut constituer le délit de tromperie. Le vendeur va ici
commettre une tromperie par réticence dolosive, en cachant des informations qu'il aurait
dû transmettre à l'acquéreur.
297.- Concernant l’objet de la tromperie, l’article L. 213-1 du Code de la
consommation énumère de façon limitative, les objets sur lesquels doit porter la
tromperie. Le champ d’application a été élargi par la loi de 1978 qui a appliqué la
tromperie à l'aptitude à l'emploi, aux risques, aux contrôles effectués, ainsi qu’aux
modes d'emploi ou précautions à prendre.
298.- Il peut y avoir tromperie sur les qualités substantielles du produit. Ce sont
d’ailleurs ces qualités substantielles qui sont principalement visées par la jurisprudence
par précaution. Cela s’explique par le fait que la notion de qualité substantielle recouvre
l'ensemble des autres éléments de la marchandise. En effet, la nature est une qualité, de
même que l'espèce, l'origine, ou la teneur en principes utiles.
299.- Le plus souvent et ce, selon Monsieur le Professeur Edouard Verny, la qualité
sera reconnue ou non comme substantielle en tenant compte des attentes de tout
acheteur, selon une appréciation in abstracto.215C’est le bon sens qui va résoudre la
question de savoir si une qualité est considérée comme substantielle selon Monsieur le
Professeur Jacques-Henri Robert qui nous donne quelques illustrations en affirmant que
un aliment ne doit pas être corrompu, la peinture d'un jouet ne doit pas être toxique, un
médicament doit avoir une composition conforme à son autorisation de mise sur le 215 E. VERNY, Fraudes : tromperies et falsifications, J.-CL. Concurrence-consommation, fasc 1010
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
101
marché etc.216
300.- Ainsi, l'appréciation du caractère substantiel d'une qualité se fait,
généralement, de manière abstraite, sans investigation concrète de la psychologie du
cocontractant. en effet, ce qui est puni selon Monsieur le Professeur Jean Calais-Auloy,
c’est le fait de tromper ou de tenter de tromper un ensemble de contractants potentiels.
Ainsi, lorsqu’il s’agit de produits proposés aux consommateurs, l’appréciation de la
tromperie se fait in asbtracto.
301.- Selon Monsieur Paul Pigassou et Madame le professeur Coralie Ambroise-
Castérot, les qualités substantielles ne sont pas seulement celles que l'acheteur a eues
en vue au moment de la vente et donc celles qui constituent la cause principale de la
vente, mais toutes les qualités qu'un acheteur aurait pu avoir en vue au moment de la
vente.217
302.- De ce fait, selon une appréciation in abstracto et donc en faisant référence au
bon sens, la durée de vie du produit dont un consommateur fait l’acquisition est une
qualité qu’il convient de prendre obligatoirement en compte et qui s’impose à lui
comme une évidence. En effet, lorsque le consommateur acquiert une marchandise, il
s’attend de façon logique à ce que celle-ci dure dans le temps et ne souhaite pas
renouveler son achat de façon fréquente. D’autant plus que les qualités substantielles
d’un produit ne se limitent pas aux caractères physiques de celui-ci. C’est en ce sens
qu’avaient décidé les juges du fond dans un arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 30
octobre 1974.218
303.- Il convient de rappeler également le pouvoir d’appréciation des juges du fond
et à ce titre, il apparaît opportun de citer l’arrêt du 26 mai 1983 dans lequel les juges de
la Chambre criminelle de la Cour de Cassation ont pu considéré que constitue
également une tromperie le fait de vendre comme neuf un véhicule qui en réalité ne l'est
216 J.-H. ROBERT, Fraudes : tromperie, J.-CL. Pénal des affaires, fasc n° 10 217 P. PIGASSOU et C. AMBROISE-CASTEROT, Rep. Dt. Com. Dalloz, V°Fraude 218 CA Paris., 30 oct. 1974, Gaz. Pal. 1975. 1. 62
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
102
pas, car il a déjà été immatriculé.219 Cette solution bien que sévère selon Monsieur le
Professeur Gabriel Roujou de Boubée220 qui considère que le seul fait d’avoir été
immatriculé alors que le véhicule n’avait jamais circulé, ne devrait pas le priver de la
qualification de véhicule neuf, témoigne cependant, de l’appréciation souveraine des
juges du fond qui tend à appliquer le délit de tromperie de façon large. En effet, le fait
que le véhicule n’ait pas été mis en circulation mais a fait l’objet d’une précédente
immatriculation ne compromet en rien l’usage pour lequel il était défini et l’attente du
consommateur d’acquérir un véhicule neuf. Cette appréciation large du délit de
tromperie ne peut apparaître que comme favorable au consommateur victime de
l’obsolescence programmée car sa tromperie n’en sera que plus facilement caractérisée.
304.- En revanche, cela ne sera pas le cas de la tromperie sur la composition ou
teneur en principes utiles et aptitude à l’emploi.
b. L’irrecevabilité de la tromperie sur la composition ou teneur en principes utiles
et aptitude à l’emploi
305.- La tromperie sur la composition est caractérisée dès lors que le produit ne
correspond pas à ce qui est prévu par la réglementation, qu’il s’agisse de la
réglementation des fraudes, de la normalisation, d’un règlement communautaire ou d’un
usage professionnel. De plus, le délit de tromperie pourra être caractérisé dans le cas où
le produit a subit des traitements conformes à la réglementation, et ce sans en informer
le consommateur par un étiquetage approprié.221
306.- Ainsi, il y a tromperie selon les juges du fond de la Cour d'Appel de Paris sur
la composition dans le fait d'utiliser des additifs au-delà de la dose normale et de ce qui
est porté sur l'étiquette.222Ou encore, dans un arrêt de la Chambre criminelle du 17
octobre 1991, les juges de la Haute juridiction ont pu caractériser le délit de tromperie 219 Cass. crim., 26 mai 1983, Bull. crim., n° 159 220 G. ROUJOU DE BOUBEE, Fraudes : définition de l'appellation truite saumonée, D. 1990, p. 361 221 Cass. crim., 5 sept. 2000, n° 99-85.118 222 CA Paris, 24 janv. 1974,
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
103
de la vente de textile dont l'étiquette n'indique pas la réelle composition.223En l’espèce,
l’importateur français n’avait fait que reporter les indications fournies par le fabricant,
indications qui s’étaient révélées fausses par la suite.
307.- Il serait possible de rapprocher ces jurisprudences avec la pratique de
l’obsolescence programmée. En effet, qu’il s’agisse de la batterie de l’iPod ou du bas en
nylon, la composition de ces derniers produits est établie de telle façon à ce que leurs
durées soient limitées dans le temps. Cependant, la tromperie sur la composition
concerne l’hypothèse de la non conformité de celle-ci avec des normes réglementaires
ou avec des usages professionnels ce qui n’est pas le cas en matière d’obsolescence
programmée. En pratique, la composition du bas en Nylon ou de la batterie de l’iPod
n’est pas considérée comme non conforme aux normes concernées. De plus la
composition des produits, lorsqu’elle est indiquée, ne se présente pas comme étant
falsifiée aux yeux des consommateurs. Ainsi, l’obsolescence programmée ne peut être
considérée comme une tromperie sur la composition du produit.
308.- La tromperie sur l’aptitude à l’emploi fut ajoutée par la loi de 1978 mais était
déjà sanctionnée à travers les qualités substantielles ou la teneur en principes utiles. Ce
mode de tromperie aura pour finalité d’induire en erreur le consommateur sur
l’utilisation qu’il peut faire de la chose achetée ou sur la prestation de service effectuée.
309.- Ainsi, a pu être considéré comme de la tromperie sur l’aptitude à l’emploi le
fait d'avoir vanté dans une publicité un produit dénommé « Kérum Péruvien » en
assurant qu'en douze jours, les seins les plus mous deviennent fermes et bien galbés, que
leur fermeté et leur volume augmentent à volonté, et d'avoir promis des résultats
spectaculaires, rapides et définitifs, aux effets durant toute la vie, alors qu'une expertise
a mis en lumière la duperie de telles affirmations.224
310.- Egalement, le délit de tromperie a été caractérisé par le fait de vendre des
téléviseurs avec des notices d’emploi jointes aux appareils indiquant que ceux-ci étaient
223 Cass. crim., 17 oct. 1991, n°90-83.933 224 Paris, 25 nov. 1971, D. 1972, somm. 125,
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
104
susceptibles de recevoir la chaîne Canal + sans mentionner que quelques émetteurs ne
pouvaient être captés.225
311.- Ainsi, la référence à l’aptitude à l’emploi aurait pu être rapproché de la
pratique de l’obsolescence programmée, cependant, au vue des décisions rendues, il
semble que l’objet de la tromperie ici soit l’utilisation même de la chose et donc l’usage
auquel elle était destiné est compromis. Or, dans le cas de l’obsolescence programmée,
l’usage de la chose n’est compromis uniquement dans la durée. Une imprimante satisfait
à la fonction d’impression qui lui est rattaché, à l’instar de l’iPod qui remplira toutes ses
fonctionnalités, les objets atteints d’obsolescence programmée ne verront donc leurs
fonctionnalités réduites voire anéanties par l’effet du temps. Le fait que ce laps de temps
soit volontairement écourté, ne permet pas de retenir le délit de tromperie sur l’aptitude
à l’emploi.
312.- Si l’élément matériel du délit de tromperie semble être satisfait par la pratique
de l’obsolescence programmée, l’élément intentionnel posera quelques difficultés à la
victime de cette pratique.
II- Les difficultés tenant à l’élément intentionnel de l’auteur de la tromperie
313.- Les principes généraux du droit pénal posent « qu'il est de règle que
l'intention coupable doit accompagner le fait incriminé comme délit pour le rendre
passible de la peine ».226 La jurisprudence a donc dès l’origine considérée l’élément
intentionnel comme un élément constitutif du délit de tromperie.227 Cependant, c’est cet
élément intentionnel, qui a fait l’objet de diverses réactions de la part de la doctrine ces
dernières décennies. En effet, la jurisprudence va plus ou moins relativiser l’importance
de l’intention frauduleuse en facilitant sa démonstration. S’il n’existe pas de
présomption légale de mauvaise foi, la jurisprudence va néanmoins s’attacher à prendre
225 CA. Paris, 15 sept. 1995, CCC. 1996, comm.51 226,Cass. Crim., 17 juill. 1857, S. 1857. 1. 709 227 Cass. crim., 9 mai 1908, DP 1909. 1. 133
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
105
en considération la qualité du vendeur et notamment lorsque celui-ci est le fabricant de
la chose vendue.
314.- En effet, le fabricant a l'obligation de vérifier la conformité de la marchandise
qu'il vend avant de s'en dessaisir. Ce principe a été affirmé très tôt et a continué d’être
confirmé notamment dans un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation du
12 févr. 1975, dans lequel, les juges de la Haute juridiction ont considéré que si aucune
présomption de tromperie à l'encontre du fabricant qui aurait négligé de procéder à
toutes vérifications utiles avant de livrer la marchandise a la vente, les juges du fond
peuvent cependant souverainement déduire la mauvaise foi du prévenu du fait que
celui-ci s'est abstenu de l'obligation qui lui incombe personnellement, en qualité de
président directeur général, d'exercer les contrôles nécessaires avant de se dessaisir
des produits pour la vente.228
315.- En sa qualité de professionnel, le fabricant ne peut ignorer certains défauts, et
les juges du fond vont donc établir une présomption de mauvaise foi vis-à-vis de ce
dernier. Cependant, la preuve de cette mauvaise foi va être établie en fonction des
circonstances et notamment des vérifications qui n’ont pas été respectées et réalisées par
le professionnel.
316.- Ainsi, dans un arrêt du 11 octobre 1989 de la Chambre criminelle229 dans
lequel en l’espèce, un professionnel du commerce et de la réparation automobile avait,
sans le vérifier, délivré à un acheteur le rapport de contrôle exigé pour les véhicules de
plus de cinq ans d'âge qui comprenait des erreurs graves et laissait penser que les
défauts ou anomalies constatés n'impliquaient pas des réparations immédiates. Les juges
de la Haute juridiction ont pu considérer que le professionnel avait accepté l'idée que
ses clients supporteraient le risque d'une information fausse sur l'état du véhicule, alors
qu'il avait le devoir et le pouvoir de prévenir ce risque, par ailleurs connu et banal en la
matière. Ainsi, les juges de la Chambre criminelle assimilent l’intention frauduleuse du
professionnel à sa négligence.
228 Cass. crim., 12 févr. 1975, n° 74-90.600 229 Cass. crim., 11 oct. 1989, Bull. crim. ,n° 255
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
106
317.- Dans un arrêt du Tribunal de Grande instance de Nanterre du 24 juin 2003230,
la société EMI Music France s'est rendue coupable de tromperie sur les qualités
substantielles et l'aptitude à l'emploi du produit en cause. La Cour d'appel de
Versailles231, confirmant le jugement rendu en première instance, a estimé que l'élément
matériel de la tromperie comme l'élément intentionnel étaient réunis dans la mesure où
la société EMI Music France « devait veiller à la compatibilité et l'aptitude à l'emploi du
CD litigieux qu'elle dotait d'un système de protection dont elle devait vérifier l'absence
de conséquence sur l'écoute pour tous supports et en tout cas informer les acheteurs, non
seulement de la présence du système de protection sur le produit vendu mais aussi des
risques de restriction à l'écoute sur tous les supports à raison de ce système de
protection, étant relevé que l'aptitude d'un CD est bien d'être lu sur tous supports sauf
mention explicite informant l'acheteur du risque pris en achetant ce produit».
Considérant que la société EMI Music France s'est seulement bornée à « aviser les
acquéreurs de la présence du système de protection sans attirer leur attention sur les
restrictions d'utilisation sur certains supports», la société EMI Music France a manqué à
« son devoir d'information» et s'est rendue coupable « par omission ou insuffisance
d'information de tromperie sur l'aptitude à l'emploi».
318.- L’intention des industriels mettant sur le marché des produits entachés
d’obsolescence programmée est manifeste. Les sociétés qui produisent le bien sont à
l’origine de cette pratique commerciale clandestine. Ainsi, le consommateur victime
d’obsolescence programmée pourra chercher à engager la responsabilité pénale
uniquement du fabricant du produit dont l’intention malhonnête sera donc présumée.
Car conformément à la doctrine et ladite jurisprudence, le fabricant est tenu de vérifier
la qualité des produits qu’il met sur le marché et donc la qualité de la fabrication de ces
produits ainsi que leurs conséquences sur la durée d’utilisation. De plus, en n’indiquant
pas la durée d’utilisation volontairement réduite, le fabricant a donc manqué à son
devoir d’information.
230 TGI Nanterre, 24 juin 2003, 6ème Chambre. 231 CA Versailles, 30 sept. 2004, EMI c/ CLCV
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
107
319.- La règle est appliquée avec rigueur aux fabricants et importateurs et depuis
fort longtemps, cependant, parce que le simple revendeur ne connaît pas sa marchandise
aussi intimement que le fabricant et qu'il n'est pas soumis à l'obligation écrite dans
l'article L. 212-1, il est tenu à des diligences moindres. Le simple revendeur détaillant,
qui ne procède à aucune manipulation de la marchandise et limite son activité à la mise
en vente de marchandises déjà préparées pour la vente au détail, ne peut être poursuivi
du chef de tromperie sans que soit établie la connaissance qu'il avait de cette tromperie.
320.- Si les éléments constitutifs du délit de tromperie semblent remplis de façon
relative par la pratique de l’obsolescence programmée, le régime renforcé ce dernier
paraît cependant relativisé par la pratique.
PARAGRAPHE II : L’EFFICACITE DE L’ARSENAL REPRESSIF RELATIVISE PAR
LA PRATIQUE
321.- Les agents de la Direction Générale de la Concurrence, la Consommation et
de la Répression des Fraudes, les agents et officiers de police judiciaire ainsi que des
agents de diverses administrations spécialisées sont compétents pour faire respecter les
textes sur les fraudes et falsifications. Cependant, les agents ne communiquent pas
systématiquement les infractions constatées et se contentent souvent d’avertir l’auteur
de la tromperie.
322.- Lorsque ces derniers agents constatent un délit de fraude ou de falsifications,
ils dressent un procès-verbal qu’ils envoient au procureur de la République, qui a, seul
le pouvoir d’exercer l’action publique devant le Tribunal répressif. Le procureur de la
République se présente donc comme le juge de l’opportunité des poursuites selon
Monsieur le Professeur Jean Calais-Auloy.
323.- Le consommateur victime de tromperie peut également se constituer partie
civile et obliger ainsi le Ministère public à exercer l’action publique. Les associations de
consommateurs sont également autorisées à exercer l'action civile pour les faits portant
préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
108
324.- L'article R. 215-1 du Code de la consommation indique que les diverses
fraudes délictuelles et contraventionnelles peuvent être constatées par les moyens de
droit commun. Le régime de la preuve est donc celui de la liberté, mais là encore le
consommateur victime se heurte à une difficulté probatoire. Cependant, cela ne pose pas
de problème lorsque les agents constatent par procès verbaux la tromperie. Ces agents
dispose d’un pouvoir de constatation et donc peuvent effectuer des saisies, contrôles et
expertises. Ces pouvoirs portent non seulement sur les marchandises, mais encore sur
les documents. Pour faire foi jusqu'à preuve contraire, les énonciations doivent être
précises et de nature à établir l'authenticité des faits. Lorsque les énonciations sont
susceptibles de faire foi, la preuve contraire ne peut être rapportée que par écrit ou par
témoin.
325.- Le Tribunal peut, dès le début de la procédure, suspendre la
commercialisation des marchandises litigieuses selon l’article L. 216-7 du Code de la
consommation, cependant, cette mesure est le plus souvent prise lorsque le produit
présente des risques pour la santé et la sécurité des consommateurs. Les peines prévues
pour les principaux délits de fraude sont portées à l'article L. 213-1 du code de la
consommation. Il s'agit d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 37 500 €
ou de l'une de ces deux peines seulement. Ces peines sont doublées en cas de
circonstances aggravantes. La peine d’emprisonnement est rarement prononcée dès lors
que le produit ne met pas en danger la santé ou la sécurité des personnes. Des peines
complémentaires peuvent être prononcés. En effet, le Tribunal peut, d’une part,
confisquer les marchandises, objets ou appareils litigieux et d’autre part, ordonner la
publication et l’affichage du jugement de condamnation. Cette peine aurait à ce titre,
une grande force dissuasive si elle était plus souvent prononcée.
326.- La loi de 1905, devenant une charte de protection des
consommateurs,232apparaît comme renforçant la théorie des vices cachés en apportant
un caractère répressif incontestable, cependant, ce dernier semble en pratique relativisé.
232 J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation, 8ème Ed., Dalloz, spéc. p.345
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
109
CONCLUSION TITRE II
327.- Le fondement tenant à l’inexécution de l’obligation d’information reste
éminemment théorique car les présomptions mises en œuvre par la jurisprudence au
sujet de la connaissance du vendeur spécialisé semblent difficilement concevables en
pratique. De plus, imposer à un fabricant d’indiquer de façon écrite que son produit est
composé de manière médiocre afin de réduire la durée d’utilisation de celui-ci semble
inconcevable. Cependant, indiquer la durée de vie approximative pourrait être
d’avantage une option envisageable. La sanction de l’obligation d’information paraît
suffisante car à défaut d’obtenir un bien neuf en bon étant de marche, l’octroie de
dommages et intérêts semble satisfaisante, cependant, la difficulté tient à la condition
quelque peu périlleuse de prouver la mauvaise qualité de l’obligation d’information, ce
qui sera aisée au regard du fabricant car il suffira de se rapporter aux éléments portés
sur l’emballage ou sur la notice, cependant, cette tache sera plus complexe envers le
vendeur car il s’agira d’un rapport oral.
328.- Les fondements dérivés du défaut d’information consistent donc dans l’erreur
et le dol en tant que vice du consentement et dans la tromperie. Si l’erreur paraît plus
recevable que le dol en raison de l’absence d’exigence tenant à la connaissance de
l’information par le vendeur, la sanction de ces deux vices paraît inadaptée à la situation
de l’obsolescence programmée d’une part, car la nullité paraît être une réparation a
minima et d’autre part en raison du fait que l’octroi de dommages et intérêts sera
difficilement accordé en raison de l’absence de faute dans l’erreur et la difficulté de
caractériser l’élément intentionnel dans le dol. Quant à la tromperie, si les éléments
constitutifs de ce délit pourraient être caractérisés dans le cas de l’obsolescence
programmée notamment en raison de la présomption mise à la charge du fabricant,
cependant, le régime répressif s’il paraît efficace dans les textes, la réalité pourrait être
tout autre.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
110
CONCLUSION PARTIE I
329.- Les fondements tenant à la garantie des vices cachés et dans la garantie légale
de conformité pourraient être d’avantage recevables au regard de la satisfaction des
conditions d’application. Cependant l’étude de l’obsolescence programmée permet de
démontrer les lacunes de ces institutions qui tiennent notamment dans la démonstration
de la preuve du vice causant alors des coûts supplémentaires en raison d’une expertise
réalisée. La garantie légale de conformité quant à elle témoigne de la volonté d’accroitre
la protection du consommateur en consacrant une nouvelle notion qui est celle de
l’attente légitime du consommateur qui ne peut être que favorable à ce dernier.
Cependant, le régime qu’elle met en place manque de rigueur quant à l’option qui est
laissée au consommateur concernant les droits qui lui sont octroyés en cas de défaut de
conformité. En effet, cela laisse la possibilité au professionnel de prévoir les coûts
engendrés par la mise en œuvre d’une telle garantie233. Enfin, il est un regret qu’il paraît
inévitable de ne pas évoquer et qui concerne l’absence d’action directe, alors que le
principe de la transmission à l’acheteur de tous les droits et actions attachés à la chose
qui appartenaient au vendeur est un principe bien établi en droit français.
330.- Les fondements tirés de l’atteinte réalisée au consentement du consommateur
démontrent quant à eux les difficultés probatoires lorsqu’il est question de la
psychologie des contractants. En effet, il s’agira de prouver le caractère déterminant de
l’erreur commise par la victime de l’obsolescence ou encore l’élément intentionnel du
vendeur spécialisé. Cependant, il est possible de relever des situations dans lesquelles
la jurisprudence comble les carences législatives en établissant notamment des
présomptions à l’égard des vendeurs professionnels. C’est ainsi le cas en matière
d’obligation d’information où le vendeur est présumé connaître l’information. Enfin, il
convient de se réjouir du régime répressif du délit de tromperie qui semble combler
quant à lui l’insuffisance de la théorie civile des vices du consentement, mais dont
l’efficacité peut être relativisée par la pratique, notamment dans le cadre de
l’obsolescence programmée.
233 D. MAINGUY, L'ordonnance du 17 février 2005 sur la garantie de conformité : aux regrets s'ajoutent les regrets, RDC 1er juill. 2005, n°3 p. 947
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
111
PARTIE II : LES OUTILS DU DROIT FRANÇAIS A LA SANCTION
DE L’OBSOLESCENCE PROGRAMMEE
331.- L’obsolescence programmée est une illustration concrète du préjudice de
masse qui est subit par les consommateurs en ce qu’il recouvre un nombre important de
victimes et qu’il est d’une importance moindre lorsqu’il est considéré de façon
individuelle. Ce préjudice de masse est le corolaire de l’évolution de la société de
consommation devant laquelle le droit français de la consommation reste quelque peu
inefficace. (Titre I). A cet égard, il semble que l’action de groupe dont l’introduction
dans le droit interne suscite tant de controverses apparaisse comme une réponse
appropriée au préjudice de masse découlant de l’obsolescence programmée (Titre II).
Titre I : L’insuffisance du droit français face à l’évolution de
la société
332.- Lors de son émergence dans les années soixante, même si cela n’est pas le
seul facteur à l’origine du droit de la consommation, il semble que celui-ci apparaisse
comme le reflet juridique d’un puissant mouvement d’idées dénonçant les déséquilibres
engendrés par une mutation manifeste de la société et par là, de la société de
consommation234 dont la principale cause reste le développement d’une économie de
marché (Chapitre I). Or, les recours mis en œuvre par le système juridique français
paraissent insuffisants et inadaptés aux excès du marché dont une des manifestations
résident dans les préjudices causés aux consommateurs (Chapitre II).
234 T. BOURGOIGNIE, Un droit de la consommation est-il encore nécessaire en 2007 ? article disponible sur le site : http://www.oas.org
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
112
Chapitre I : La mutation de la société de consommation
333.- Il paraît incontestable que la société de consommation s’est transformée et à
l’origine de ce phénomène plusieurs facteurs et notamment le développement de
l’économie ou le développement des technologies. Cependant, ces seuls
développements n’ont pas contribué de façon autonome à l’évolution de la société de
consommation car celle-ci place à son centre le consommateur qui de la position de
souverain, s’est substitué une situation de dépendance au sein de cette société (Section
I). En effet, le consommateur paraît dépendant d’une société d’économie de marché
laissée aux mains des entreprises, qui face à un contrôle étatique d’avantage
contraignant, trouvent des outils marketing à l’image de la compliance, afin d’assurer
leur survie, selon différentes stratégies, mêlant éthique ou au contraire, recherche
« égoïste » de maximisation des profits au détriment de l’éthique. C’est donc en cela
que la compliance apparaît tantôt comme le rejet et tantôt come le fondement de
l’obsolescence programmée. (Section II).
SECTION I : DU CONSOMMATEUR SOUVERAIN AU CONSOMMATEUR
DEPENDANT
334.- Initialement, le but de la consommation se résumait à la survie biologique de
l’Homme, une fois ce but atteint, il ne servait à rien de consommer d’avantage. Aller
outre ce critère de consommation et satisfaire « les plaisirs de chaire, de la table et de
l’intempérance était même désapprouvé ». 235 Ce mode de consommation est
manifestement révolu et il a laissé place à une société de consommation de masse au
sein de laquelle, le consommateur sera l’acteur principal (Paragraphe I). Le
développement de l’économie libérale va ensuite imposer ses règles et dicter un mode
de consommation toujours plus agressif à l’image de la pratique de l’obsolescence
programmée qui démontre la soumission du consommateur à cette nouvelle société.
(Paragraphe II)
235 Z. BAUMAN, La société assiégée, Hachette Littérature, 1997 spéc. p. 255
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
113
PARAGRAPHE I : LE CONSOMMATEUR, ACTEUR AU SEIN DE L’APPARITION
DE LA CONSOMMATION DE MASSE
335.- Au XXème, les sociétés sont parvenues à maturité, le revenu réel par habitant
a atteint un niveau tel qu’un grand nombre d’individus a pu acquérir une maitrise de la
consommation allant au delà des besoins fondamentaux en produits alimentaires, en
logement et en vêtements.
336.- La composition de la population active s’est modifiée et la proportion de la
population urbaine dans la population totale a augmenté mais également la proportion
de la population qui travaille, population pleinement consciente des produits de
consommation offerts par une société parvenue à maturité. C’est pendant cette phase
que si la souveraineté du consommateur prévaut, les ressources tendent d’avantage à
être orientées vers la production de bien de consommation durable.
337.- La production manufacturière évolue. Il est possible d’assister à un
retracement des augmentations de la production matérielle aux Etats-Unis entre 1899 et
1937 et à un classement par ordre d’importance. Les automobiles viennent en tête avec
un taux d’accroissement de 18100%, avant les cigarettes, le pétrole, le lait et les fruits et
légumes en conserve (un peu moins de 1000%).
338.- Avec l’automobile, les Etats-Unis se lancent dans une migration intérieure
vers les banlieues contenant les derniers appareils sophistiqués. En effet, aux Etats-
Unis, il est souvent considéré que le tournant a été l’adoption de la chaine d’assemblage
par Henry Ford en 1913-1914, cependant ce n’est que dans les années 1920 et à
nouveau dans les dix premières années de l’après-guerre, en 1946 et 1956 que la
consommation de masse arrive à son apogée. Après les privations de la guerre, les
consommateurs découvrent avec enthousiasme des produits nouveaux tels que les
réfrigérateurs, les automobiles les lave-linge et téléviseurs. Alors que les revenus des
familles augmentent, les prix des produits, standardisés et fabriqués en masse, baissent.
Ils deviennent relativement bon marché et ne sont plus réservés à une élite.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
114
339.- Les habitants commencent à consommer de plus en plus de produits de qualité
supérieure. L'accès à ces produits est également facilité par l'apparition d'un nouveau
type de magasin, la grande surface (supermarché, hypermarché), et par le
développement de la vente par correspondance.
340.- Les automobiles, les maisons individuelles, les routes, les équipements
durables, les marchés de produits alimentaires de bonne qualité ouverts à tous, donnent
une bonne description de la façon dont la société américaine s’est transformée dans les
années vingt.
341.- Cependant, avec la crise de 1929, les niveaux de consommation ne sont pas à
la hausse, la capacité des industries productrices de bien de consommation et celles de
l’approvisionnement en moyens de production resteront sous utilisées et l’incitation à
investir devient faible.
342.- C’est la Seconde Guerre Mondiale qui a ramené le plein emploi aux Etats-
Unis et dans ce contexte, avec les dispositions institutionnelles transformées par le New
Deal, politique interventionniste mise en place pour lutter contre les effets de la Grande
Dépression, et la nouvelle législation, les Etats-Unis en sont venus à une révolution des
biens de consommation par une décennie de plein emploi constant entre 1946 et 1956.
343.- La forte expansion de l’après-guerre a lieu entre 1946 et 1956. Si en 1948,
54% des familles américaines possédaient une voiture, dix ans plus tard, elles étaient
73%. Si en 1946, 69% des maisons avaient l’électricité et possédaient un réfrigérateur,
en 2361956, le chiffre atteignait 96%.237
344.- Cependant, au moment où les courbes de la croissance finirent par décélérer,
l’Europe occidentale, le Japon et la Russie entrent dans une phase de croissance rapide
des biens de consommation durables. En effet, dans les années 1950, il semble que
236 W.W ROSTON, Les étapes de la croissance économique, 3ème Ed., Economica, 1997, spéc. p. 123 237 Ibid.,
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
115
l’Europe occidentale et le Japon soit entrées dans cette phase, qui a d’ailleurs imprimé à
leur économie un rythme imprévu dans les premières années de l’après-guerre.
345.- Une part importante de l’avantage des Etats-Unis à l’exportation provenait de
leur statut de pionnier dans ces produits de la construction mécanique légère. Toutefois,
ceux-ci sont désormais fabriqués massivement et à bon compte dans de nombreux pays
dans lesquels prévalent les salaires moins élevés.
346.- L’Europe occidentale qui, dans les années qui ont suivi la guerre a été
confrontée à des problèmes de reconstruction plus grave que les Etats-Unis, n’est pas
entrée directement dans l’ère des biens de consommation durables.
347.- Dans les années trente, ce sont les logements et une accélération relative dans
les secteurs de l’automobile et des biens de consommation durables qui ont contribué à
engendrer une certaine prospérité en Europe occidentale. Si la Ford T aux Etats-Unis
dans les années 1920 symbolise la consommation de masse, en France c’est la 4 CV et
la 2 CV qui tiennent ce rôle à l’instar de la « coccinelle » Wolkswagen en Allemagne
dans les années 1960. La voiture conditionne la mobilité vers le lieu de travail, vers les
lieux de loisir et vers les lieux d’achat et donc l’acquisition des biens de consommation.
348.- Alors que la production européenne de véhicules à moteur représentait 13%
de celle de l’Amérique en 1929, elle atteignait 44% de celle-ci à la veille de la Seconde
Guerre Mondiale.238
349.- Les années de l’après-guerre en Europe furent d’abord marquées par
l’interlude de la reconstruction, cependant, les pays européens et le Japon ont
commencé à diffuser dans leur population, les types de biens et services qu’un système
industriel parvenu à maturité est capable de fournir.
238 Ibid., spéc. p. 127
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
116
350.- Entre 1950 et 1955, l’écart de proportion dans les dépenses en bien de
consommation entre l’Amérique et l’Europe diminue et tient principalement aux
différences de revenus et de prix.
351.- Outre l’apparition de la société de consommation de masse, différents facteurs
vont également avoir des incidences sur ladite société. En effet, l’évolution du droit de
la consommation a été déterminée par l'évolution des rapports marchands au XXème
siècle sous l'empire du développement économique, de l'augmentation de la taille des
entreprises, de la multiplication internationale des transactions et de la diversification
des biens et des services offerts sur le marché.
PARAGRAPHE II : L’OBSOLESCENCE PROGRAMMEE OU LA SOUMISSION DU
CONSOMMATEUR AUX REGLES DE L’ECONOMIE LIBERALE
352.- Le Général De Gaulle établissait déjà les dangers d’une économie de marché
en affirmant que le marché « oblige les gens à se dégourdir. Il donne une prime aux
meilleurs. Il encourage à dépasser les autres et à se dépasser soi- même. Mais en même
temps, il fabrique des injustices, il installe des monopoles. Il favorise les tricheurs.».239
353.- Le développement de l’économie de marché, au XIXème siècle et au XXème
siècle put faire c roire au consommateur qu’il était devenu le roi du système car la libre
concurrence des entreprises devait en principe multiplier les biens offerts, accroitre leur
qualité et réduire les prix. En effet, dans l’utopie qui mettrait en œuvre une théorie
purement libérale de la concurrence, chaque professionnel s’emploierait à satisfaire au
mieux le consommateur afin de maximiser ses profits et placerait donc au centre de ses
obligations, les attentes » de ce dernier.
354.- Cependant, cette théorie ne saurait s’appliquer et la réalité met en exergue les
effets négatifs d’une concurrence imparfaite sur les consommateurs. En effet, les 239 A. PEYREFITTE, C’était de Gaulle, Edition de Fallois, Fayard, 1994, page 523.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
117
professionnels ne bénéficiant pas d’une position de puissance mettent sur le marché des
produits de qualité moindre et un rapport qualité prix médiocre.
355.- Si dès le XIXème siècle, les pouvoirs publics ont pris des mesures visant à
assurer la conformité des produits et service aux attentes des consommateurs, une marge
de manœuvre est néanmoins laissée aux professionnels qui ne peuvent se voir contraints
de respecter des règles excessivement lourdes et incompatibles dans une économie de
marché.
356.- La consommation joue un rôle essentiel dans les économies, puisqu’elle
représente plus de 60 % du PIB des pays de l’OCDE. Les consommateurs peuvent
améliorer les performances économiques en suscitant la concurrence et l’innovation
parmi les entreprises. Mais il faut pour cela une organisation efficace de la
consommation qui les protège des pratiques déloyales du marché, leur permette de
prendre des décisions en connaissance de cause et leur fasse connaître, de même qu’aux
entreprises, leurs droits et leurs responsabilités240.
357.- De plus, les conditions dans lesquelles s’effectuent les échanges dans
l’économie de marché amènent au constat suivant : de souverain, le consommateur se
trouve être plutôt la victime d’un processus dont il n’a pas la maîtrise. Ce sont les
producteurs et les distributeurs qui déterminent les choix du consommateur selon
Monsieur le Professeur Thierry Bourgoignie241 ��� 358.- En effet, des techniques multiples permettent au système de production
d’entretenir la demande de consommation, le consommateur est donc devenu la cible de
mécanismes sophistiqués qui le stimulent à acquérir des biens comme les messages
publicitaires, les méthodes de vente et pratiques de commerce agressives, techniques
d’incitation au crédit, différenciation artificielle des biens offerts à la consommation,
obsolescence programmée des produits mis sur le marché.
240 Manuel de politique à l’égard des consommateurs, article disponible sur le site http://www.ocde.org 241 T. BOURGOIGNIE, Un droit de la consommation est-il encore nécessaire en 2007 ? article disponible sur le site : http://www.oas.org
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
118
359.- Des normes de comportement sont ainsi dictées, dont l’effet est d’intégrer les
modes de consommer dans les conditions de la production et de la distribution. Le
consommateur perd donc quelque peu la maîtrise de la consommation. La spontanéité
de ses choix, la liberté et la rationalité de ceux-ci paraissent théoriques. 242
360.- Dépassant la satisfaction des besoins réels des consommateurs, ces
mécanismes de persuasion créent de nouveaux besoins en exploitant les sentiments de
sécurité, d'appartenance, d'estime de soi ou d'épanouissement individuel243.
361.- Le besoin était expliqué par la psychologie orthodoxe comme un état de
tension qui finirait par se dissiper une fois le besoin satisfait, cependant, il apparaît
manifeste que le besoin qui anime notre société de consommation se caractérise par le
maintien de cette tension qui empêche toute satisfaction du consommateur actuel. C’est
pour cela que le sociologue polonais Zygmut Bauman propose de retenir le terme
« désir » pour caractériser l’âme du consommateur contemporain, le désir qu’il décrit
comme un phénomène éphémère, insatiable.
362.- Le désir de tout produit spécifique n’est pas censé durer, et à ce titre, Geoff
Williams rappelle aux producteurs et fournisseurs de biens de consommation de ne
jamais permettre aux consommateurs de sortir de leurs rêves.244
363.- Les besoins des consommateurs, autre que les besoins vitaux, ne sont pas
innés et sont donc induits par des techniques de marketing qui sont à l’origine de cette
propagande pour cette civilisation du gaspillage. Et en fait, ce n'est pas le
consommateur qui gaspille, mais le système qui pousse au gaspillage.
364.- Selon Zygmut Bauman, les consommateurs savent que les produits mis sur le
marché par les producteurs vont être supplantés par des produits nouveaux et améliorés
242 Ibid., 243 T. BOURGOIGNIE, Un droit de la consommation est-il encore nécessaire en 2007 ? article disponible sur le site : http://www.oas.org 244 G. WILLIAMS, Suckers !, Entrepreneur, numéro aout 1999, article disponible sur le site www.entrepreneur.com.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
119
et cela ne les dérange pas. En effet, ce dernier considère qu’il est réconfortant pour le
consommateur de savoir qu’aucune décision n’est définitive et que sa décision ne
l’engagera que jusqu’au nouvel ordre.245
365.- La publicité a pour but de créer de nouveaux désirs et de modifier et
réorienter les besoins existants. En effet, le but de celle-ci est d’informer les
consommateurs des nouveaux produits qui satisferont des besoins que ces derniers
n’auraient pas conscience d’éprouver. Ainsi, la publicité n’est plus seulement un
instrument de vente, mais elle produit aussi des attentes, développe une culture d'achat
et exerce une influence sur le style de vie des consommateurs. La publicité impose au
consommateur un produit et y associe l'image d'une marque, marque qu'il favorisera au
moment de l'achat. 366.- Apparaît alors la nécessité de protéger les consommateurs qui sont en
situation de faiblesse car tout en bénéficiant matériellement du développement
économique, ils tendent à devenir de simples objets manipulés par les spécialistes du
marketing. Ils sont à la fois les rois et les esclaves de cette société de consommation qui
caractérise les pays développés246.
367.- De plus, il n’est plus possible de nier désormais la réalité de
l’internationalisation des échanges économiques et par conséquent de la globalisation
des phénomènes de consommation. Au niveau international, comme au niveau régional
de l’Amérique du Nord, des traités internationaux ont été conclus et des institutions
mises en place, qui entendent œuvrer pour la création d’un marché global ou élargi à
travers la libéralisation des flux de produits et de services et de la disparition
progressive des obstacles au libre-échange.
368.- L’étude Les tendances de la consommation publiée en juin 2004 par le Bureau
de la consommation à Ottawa confirme l’importance prise par l’internationalisation du
marché notamment par l’augmentation de la demande de marché pour les produits
245 Z. BAUMAN, La société assiégée, Hachette Littérature, 1997, p. 274 246 J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation, 8ème Ed., Dalloz, 2008, spéc. p.2
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
120
étrangers, la plus grande part effective de marché occupée par ceux-ci, l’accroissement
des transactions de consommation transfrontières ou transatlantiques à l’aide des
moyens de communication à distance et plus particulièrement du commerce
électronique.
369.- Afin d’éviter les dérives de l’économie de marché un contrôle étatique est
nécessaire, cependant, la réglementation a connu récemment un accroissement
manifeste ces dernières années qui ont poussé les entreprises à adopter de nouveaux
outils marketing à l’image de la compliance.
SECTION II : LA COMPLIANCE, REJET ET FONDEMENT DE
L’OBSOLESCENCE PROGRAMMEE
370.- Cet instrument contemporain au service des entreprises venant de l’Outre
Atlantique est un instrument à deux facettes. En effet en fonction des entreprises, la
compliance, consistant dans le respect des entreprises de règles légales et engagements
volontaristes, aura pour finalité soit en priorité le développement des comportements
éthiques tout en assurant une certaine performance à l’entreprise, (Paragraphe I), soit
au contraire de justifier des comportements stratégiques ayant pour seul but la
maximisation des profits de l’entreprise au détriment de l’éthique (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LA COMPLIANCE AU SERVICE DE L’ETHIQUE
371.- Les programmes de compliance consistent pour les entreprises à respecter un
ensemble de normes mêlant obligation d’origine légale et engagements volontaristes, à
l’image des codes de conduite. Ainsi, la finalité de la compliance est supérieure au
simple respect de la loi car la dimension éthique de la démarche est souvent soulignée.
372.- La compliance consiste donc dans le respect des lois et règlements mais
également dans le respect des codes de conduite, des chartes éthiques, guides de bonnes
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
121
pratiques et autre engagement volontaristes qui composent le « soft-law ». La référence
aux valeurs que se donne l'entreprise et aux obligations morales et sociales qu'elle
s'attache à respecter est fréquente, également la nécessité de porter ces valeurs au plus
haut niveau de l'entreprise. En ce sens, la conformité correspond aussi à une attitude,
une posture institutionnelle.
373.- Le terme « compliance », qu’il est possible de traduire imparfaitement par
« conformité », fait aujourd’hui obligatoirement partie du discours de tout dirigeant
d'entreprise soucieux d'apparaître comme respectueux d'un ensemble de règles
mélangeant de façon parfois confuse obligations légales et engagements volontaires,
voire volontaristes. Aux États-Unis, les Federal Sentencing Guidelines for Organization
(lignes de conduites pour les entreprises) en 1991, puis le Sarbanes-Oxley Act (loi
fédérale imposant de nouvelles règles sur la comptabilité et la transparence financière)
en 2002, ont très fortement poussé les entreprises à mettre en place un code éthique,
celui-ci s'intégrant dans un dispositif général de compliance.
374.- Depuis la fin des années 1990, les entreprises semblent être nombreuses à
s'engager dans une politique de conformité réglementaire. Si ces politiques ont a priori
au départ essentiellement concerné le domaine financier, avec notamment la loi
Sarbanes-Oxley (SOX) aux États-Unis et son équivalent français, la loi sur la sécurité
financière du 1er août 2003247, les programmes de conformité ou de « compliance »
concernent aujourd'hui les entreprises de tous les secteurs.
375.- Et pourtant, comme le précise Monsieur le Professeur Christophe Collard,
l'une des raisons de la crise financière actuelle réside dans la non-observation d'un
certain nombre de dispositions en matière de gestion des risques de la part de grandes
institutions financières qui s'étaient pourtant consciencieusement dotées de tout un
arsenal de codes de bonne conduite et de règles de « compliance ».248
247 LOI n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière 248 C. COLLARD, Conformité réglementaire et performance de l'entreprise : la vision des acteurs . - (Regards croisés de directeurs juridiques et de compliance officers), CDE, n°6, novembre 2006
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
122
376.- Les gouvernements menacent les entreprises au sujet de nouvelles règles, plus
contraignantes que les précédentes, et entraînent les organisations professionnelles à
concevoir de nouveaux codes de bonne conduite. La rémunération des dirigeants
d'entreprises fait l'objet d'interventions répétées de personnalités politiques et constitue
désormais un sujet sur lequel le Gouvernement multiplie les mises en garde et les
menaces de nouvelles réglementations. Au niveau des instances internationales
également comme le G8 ou le G20, concentrées traditionnellement sur les
problématiques économiques à grande échelle, s’attaquent désormais sur des sujets
micro-économiques tel que l'encadrement des « bonus » versés aux salariés des
banques249.
377.- La prolifération des textes juridiques, ainsi que l'internationalisation
croissante des économies et des actions menées par les entreprises, augmentent de façon
considérable le risque pour ces dernières d’ignorer l'existence même de la norme
juridique à laquelle elles sont censées se soumettre et donc de ne pas être conforme à
celle-ci. A savoir que cette inflation réglementaire est due en partie à la globalisation et
des demandes de protection de la part du public.
378.- Outre l'incertitude qu'elle génère, cette inflation réglementaire se traduit par
des coûts croissants pour les entreprises qui souhaitent se tenir au courant de l’existence
de ces règles afin de les respecter. À titre d'exemple, et selon la chambre de commerce
Britannique, le coût cumulé pour les entreprises britanniques des nouvelles
réglementations depuis 1998 est estimé à 66 milliards de livres sterling250.
379.- Il convient de préciser que la conformité est variable d'une firme à l'autre en
termes de contenu mais aussi de résultat effectif. En effet, il n'existe pas de modèle type
universel de « compliance programme ». Du « sur mesure » sera donc réalisé pour
chaque entreprise eu égard à ses activités, à son passé, à ses types d'exposition aux
249 Ibid., 250 Rapportde The Economist Intelligence Unit, 2008, From burden to benefit : making the most of regulatory risk management, disponible sur le site: http://graphics.eiu.com/files/ad_pdfs/Risk%20management.pdf
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
123
risques, à ses choix et priorités251.
380.- Pour certaines sociétés, la compliance est employée afin de préserver des
actifs stratégiques comme la réputation de la firme en donnant l'image de
comportements socialement responsables, mais également afin de protéger l’entreprise
des conséquences préjudiciables liées notamment à de l'ignorance juridique ou à des
maladresses. Les entreprises qui mettent en œuvre des programmes de compliance
rigoureux le font dans l’objectif d’assurer la création d'un avantage concurrentiel, de
répondre à des pressions sociales ou encore de préserver de la réputation de l'entreprise.
381.- La compliance apparaît encore comme une réaction globale à diverses
pressions extérieures notamment de la part des parties prenantes comme le
consommateur ou encore les ONG qui manifestent de plus en plus une forme de
défiance vis-à-vis des entreprises et de leurs dirigeants. Il est, de ce fait, et pour certains
dirigeants, important d'apporter la démonstration d'initiatives prises pour que
l'entreprise soit perçue comme « socialement responsable ».
382.- En effet, l'évolution des marchés montre aujourd'hui que le consommateur
recherche dans son achat plus qu'un produit de bonne qualité au bon prix. Il recherche
des valeurs véhiculées au travers une marque, mais il doit s'agir de vraies valeurs de
marque, solides et pérennes dans le temps.. A ce titre, selon Monsieur Guy Gras, « La
conformité fait partie de l'assurance qualité. L'entreprise vend, en effet, un résultat. »252
383.- De plus, l'entreprise qui réussit à tirer vers le haut ses propres exigences en
terme de conformité à tout intérêt à tirer le standard du marché dans le même sens,
surtout si elle est leader, car cela peut lui procurer une source d'avantage concurrentiel
durable.253
251 R. SAINTE FARE GARNOT, La conformité réglementaire et les « programmes de compliance », Cah. dr. entr. n°2, mars 2010 252 G. GRAS, La conformité réglementaire et les « programmes de compliance », CDE n°2, mars 2010 253 R. SAINTE FARE GARNOT, La conformité réglementaire et les « programmes de compliance », CDE n°2, mars 2010
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
124
384.- La compliance apparaît comme un outil assurant la performance de
l’entreprise par la confiance qu’elle institue. En effet, lorsque la culture de conformité
d'une entreprise est connue par les salariés, les organismes d'évaluation ou les
consommateurs elle permet alors de mettre en confiance les différentes parties prenantes
tel que les fournisseurs ou les investisseurs sur le sérieux a priori d'être associé à cette
image. Ainsi, la compliance peut avoir pour finalité d’asseoir ou de renforcer la
réputation de l’entreprise ou d'obtenir des avantages liés à une bonne notation.
385.- Comme il l’a été précédemment exposé, la compliance est propre à chaque
entreprise et donc diffère d’une direction à une autre. Si des entreprises s’emploient à
maximiser tout en développant une politique éthique favorable au consommateur et
donc a fortiori, favorable aux victimes de l’obsolescence programmée, d’autres en
revanche, vont utiliser la compliance afin de promouvoir le développement économique
« égoïste » de l’entreprise.
PARAGRAPHE II : LA COMPLIANCE AU SERVICE DE LA STRATEGIE
COMMERCIALE DE L’ENTREPRISE
386.- Monsieur le Professeur Christophe Collard envisage la compliance comme un
outil de contrôle interne aux cotés de l’audit interne, du risk management, utilisé dans le
but de sécuriser autant que possible les résultats et les objectifs de développement de
l'entreprise.254
387.- La conformité n’est donc pas uniquement perçue comme la soumission à des
règles de droit en fonction de l’activité de l’entreprise, mais comme le précise Monsieur
le Professeur Christophe Collard le fait de « comprendre ce que la loi exige, de définir
ce que cela présente comme risque et quelle est l'attitude à prendre par rapport à ces
risques en fonction des objectifs »255. Ainsi, il est un point sur lequel tous les dirigeants
254 C. COLLARD, La conformité réglementaire et les « programmes de compliance », CED, mars 2010, n°2 255 Ibid.,
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
125
d’entreprises semblent s’accorder, l’objectif des entreprises n’est pas le respect absolu
de la loi. En effet, s'il faut accorder de l’importance à ce que les objectifs du législateur
et ceux de l'entreprise se rejoignent, il faut cependant garder à l'esprit que le leitmotiv
d'une entreprise est de faire prospérer ses affaires conformément à certaines valeurs.
388.- Dans un univers idéal, les objectifs de l'entreprise et ses actions seront alignés
avec ceux du législateur, du Gouvernement, ou encore des autorités de régulation,
cependant en réalité, il existe des conflits entre ces objectifs. Du point de vue de
Monsieur Xavier Guizot, la conformité la compliance doit amener l'entreprise à tendre
vers la réduction de ces conflits, sans nécessairement les faire totalement disparaître.256
389.- Engager une démarche de « compliance » suppose donc de la part des
dirigeants de faire des choix stratégiques sur ses « champs de conformité privilégiés » et
de définir les domaines qui représentent un véritable enjeu économique ou constituent
une réelle préoccupation pour l'entreprise. De ce fait, pour certains, la conformité reste
un choix managérial et stratégique car elle vise avant tout à améliorer la performance de
l’entreprise.
390.- C’est ainsi qu’il est possible d’émettre l’hypothèse selon laquelle la
compliance serait utilisée par les entreprises afin de permettre la mise en œuvre de
stratégies favorisant de façon « égoïste » ses intérêts économiques au détriment du
consommateur et d’autres parties prenantes. Ce comportement pourrait notamment
justifier la pratique de l’obsolescence programmée.
391.- A cet égard, Monsieur Rémy Sainte Fare Garnot met en garde contre
l'angélisme car même si les comportements de fraude aux règles ou aux intérêts de
l'entreprise et donc les situations de conflit d'intérêt sont proscrits, le résultat n'est pas
d'emblée acquis simplement parce que cela aura été proclamé257. Dans une politique de
libre concurrence, la compétition règne et le management par objectifs peut, parfois,
256 X. GUIZOT, La conformité réglementaire et les « programmes de compliance », CDE, mars 2010, n°2 257 R. SAINTE FARE GARNOT, La conformité réglementaire et les « programmes de compliance », CDE, mars 2010, n°2
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
126
avoir des effets pervers sur les réactions de certains dirigeants d’entreprises. Il est
possible à ce titre de citer l'exemple d'Intel qui a été citée il y a dix ans comme un
exemple en matière de programmes de compliance dans le domaine anti trust. En mai
2009, elle a finalement été très lourdement sanctionnée par la Commission
européenne258 qui lui a infligé une amende record de 1,06 milliard d'euros pour abus de
position dominante.
392.- Les dirigeants et les managers prennent des décisions rationnelles au regard
des avantages que pourrait tirer l'entreprise à ne pas se conformer à une norme. Les
entreprises développent parfois des stratégies juridiques de subversion afin d'éviter les
sanctions liées au non-respect d'une réglementation. Ces stratégies ne sont toutefois
possibles qu'à condition que l'entreprise dispose des ressources suffisantes, notamment
en terme de savoir-faire juridique.
393.- A ce titre, le mécanisme comply or explain aurait pour intérêt d'améliorer
l'implémentation pratique de la norme et de répondre à des situations où la règle de droit
est inadaptée au cas précis auquel elle s'applique, notamment lorsqu’elle est soit
excessivement exigeante ou pas assez claire. Les sociétés ne sont pas obligées de
respecter les dispositions du code éthique mis en place mais devront expliquer comment
elles ont appliqué celles-ci, ou pourquoi elles ne les ont pas appliquées. C’est alors le
moyen pour contourner la règle de droit lorsqu’elle est inappropriée ou inapplicable à
une situation ou à une entreprise en particulier. Monsieur le Professeur Christophe
Collard, « C'est un système utile quand on ne peut pas ou quand on ne veut pas
appliquer la règle dure »259. Un directeur juridique affirme à ce titre que « Comply or
explain, c'est du Rule-It-Yourself ! », affirme un directeur juridique. Ce système apparaît
donc comme une source d'incertitude : « Comment être sûr que la dérogation que l'on
s'applique à soi-même est valable ? ».260
258Décision Commission 12 européenne du novembre 2008 (Affaire COMP/C-3/37.990 — Intel) JOUE n°C 227 259 C. COLLARD, Conformité réglementaire et performance de l'entreprise : la vision des acteurs . - (Regards croisés de directeurs juridiques et de compliance officers), CDE, novembre 2006, n°6 260 Ibid.,
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
127
394.- De plus, il est possible de se demander quelle est la véritable valeur des codes
éthiques. A ce titre, une étude a été réalisée par Monsieur le Professeur Christophe
Roquilly concernant les codes éthiques des sociétés du CAC 40261 disponibles sur
Internet. Cette étude a montré que la proportion du contenu se traduisant par un rappel
du respect des dispositions légales est en moyenne de 50 % sachant que pour 14 % des
sociétés du CAC 40, aucun code éthique « général » n'a pu être trouvé sur le site
Internet de l'entreprise.
395.- Ces contenus varient selon trois catégories selon cette dernière étude. La
première catégorie réunit des bonnes intentions, le contenu du code est principalement
un déclaratif de bonnes intentions telles que « L'engagement de respect de nos valeurs
témoigne de notre souhait d'être reconnu comme un acteur responsable respectant les
attentes des générations présentes et futures ». La deuxième catégorie s’apparente à un
code « pédagogique » qui contient des illustrations et des explications sur l'attitude à
retenir, notamment à travers des formules du type « que faire si... ? ». Enfin, la
troisième catégorie met en exergue un code « substantiel », un code qui est explicite sur
un certain nombre de comportements interdits, qui cite des textes. Selon cette étude, 42
% des codes analysés relèvent de la catégorie « bonnes intentions », 36 % de la
catégorie « pédagogique » et 22 % de la catégorie « substantiel ».
396.- Il convient alors de se demander si l'entreprise qui se contente d'un code de
déclarations relevant de l’évidence peut être réellement considérée comme une éthique.
En effet, selon Monsieur le Professeur Christophe Roquilly, un code « éthique » ou de «
bonne conduite » est un document formel, écrit et spécifique, consistant en des
standards moraux utilisés en vue de guider le comportement de l'entreprise et/ou de
guider les employés. Cependant, comment guider avec de simples déclarations
d'intention ?
397.- Ce qu’il faut comprendre que le fait qu'il existe un code éthique ne signifie
pas nécessairement que l'entreprise l'applique de façon scrupuleuse. L'entreprise doit
261 C. ROQUILLY, Analyse des codes éthiques des sociétés du CAC 40 . - Un vecteur d'intégration de la norme juridique par les acteurs de l'entreprise, CDE, sept. 2011, n°5
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
128
aussi se doter de dispositifs complets assurant l’efficacité des comportements éthiques
tels que formation des employés, des comités éthiques etc. cependant, selon cette étude,
seulement 30 % des codes analysés ont adopté de tels dispositifs.
398.- La mutation de la société de consommation est donc due à différents facteurs,
notamment des facteurs historiques à l’origine de l’apparition d’une société de masse,
les seconds ou encore des facteurs économiques et le développement de l’économie de
marché dans laquelle, les entreprises apparaissent comme les acteurs principaux dont
semblent dépendre les consommateurs. En témoignent les programmes de compliance,
qui sont laissés quelque peu au bon vouloir des entreprises et peuvent avoir des effets à
la fois favorables mais également néfastes pour l’intérêt social. Les recours en justice
mis en place par le droit interne ne semblent pas être adaptés à ce nouveau mode de
consommation dont l’obsolescence programmée est une illustration pratique.
Chapitre II : L’insuffisance des recours en justice du droit français
399.- Si le droit de la consommation a fait l’objet ces dernières décennies d’une
inflation législative conséquentes, la jurisprudence en matière de droit de la
consommation reste pauvre. Ainsi, il est permis de s’interroger comme le fait Monsieur
Luc Bihl, sur la question de savoir pourquoi « le droit de la consommation n’accède t-il
pas ou si peu aux prétoires » ?262 Il ne s’agira pas dans cette partie de décrire tous les
recours possibles du consommateur, mais de se concentrer sur ceux qui présentent le
plus d’intérêt pour la victime de l’obsolescence programmée. Il s’avère en réalité que
face à la pratique de l’obsolescence programmée, illustration du préjudice de masse
subit par les consommateurs, l’action individuelle de celui-ci s’avère être inopérante
(Section I). Les consommateurs peuvent alors légitimement ressentir le besoin et ont la
possibilité de se regrouper dans le but de faire valoir efficacement leurs intérêts,
262 L. BIHL, Les moyens judiciaires et parajudiciaires de la protection des consommateurs, Colloque Faculté de droit et des sciences économiques de Montpellier, Office des publications officielles des communautés européennes, 1976
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
129
cependant, là encore, les actions ouvertes aux associations de consommateurs ont une
efficacité relative au regard de l’obsolescence programmée (Section II).
SECTION I : L’ACTION INDIVIDUELLE DU CONSOMMATEUR
INOPERANTE
400.- Les difficultés liées à la lenteur de la justice, ou au coût de la justice peuvent
conduire les consommateurs à utiliser en premier lieu les moyens non juridictionnels
dont l’efficacité reste toutefois nuancée en raison de leur caractère inachevé
(Paragraphe I). Les consommateurs victimes de l’obsolescence programmée pourront
également se tourner vers la voie contentieuse, cependant cette possibilité reste
théorique car rarement exploitée en réalité (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LE CARACTERE INACHEVE DES MOYENS NON
JURIDICTIONNELS
401.- Le mode de règlement amiable des conflits rend nécessaire la mise en œuvre
entre le consommateur et le professionnel d’une négociation qui peut être directe et dont
le succès sera par ailleurs en pratique fortement modéré (I), soit menée dans un cadre
institutionnel dont les organes sont malheureusement en perte de vitesse (II).
I- Le succès manifestement modéré de la négociation directe
402.- Lors d’un litige avec le professionnel, le consommateur peut s'adresser aux
services de celui-ci afin de trouver une solution. Il peut effectuer cette démarche de
façon autonome ou assistée.
403.- Le consommateur adresse directement sa réclamation au professionnel
concerné dans l'espoir d'une réaction favorable de sa part. Il convient de préciser,
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
130
comme le relève Monsieur Nicolas Leblond263 que cette démarche parait facilitée et
même encouragée par les entreprises au sein desquelles existent généralement des
services consommateurs ou réclamation. Ces services qui sont initialement apparus aux
États-Unis, permettent une relation directe avec les clients de l'entreprise et participent
ainsi à la valorisation de son image de marque.
404.- Dans le cas où la négociation directe et individuelle menée par le
consommateur se révèle être irréalisable ou échoue, celui-ci peut choisir de se faire
assister dans la négociation soit par une association de consommateurs, dont
l'intervention sera gratuite soit par un tiers rémunéré.
405.- Dans la poursuite du règlement amiable qui l’oppose au professionnel, le
consommateur peut solliciter l'assistance d'une association locale ou départementale qui
jouera à la fois un rôle de conseil envers ce dernier et fera preuve de pression sur le
professionnel en cause afin qu'il prenne en compte la réclamation de son client.
Cependant, si de nombreuses associations de consommateurs existent, toutes ne
présentent pas les mêmes qualités et ne disposent pas de pouvoirs identiques et seules
les associations agrées pourraient avoir pour effet d’augmenter les chances d'obtenir un
accord amiable au conflit qui oppose le consommateur au professionnel, ce qui réduit
considérablement le choix de la victime de l’obsolescence programmée.
406.- Le consommateur peut encore choisir de s'adresser à un intermédiaire qui,
moyennant rémunération se chargera de mettre en œuvre tous les moyens dont il
dispose pour trouver une solution à la difficulté rencontrée par le consommateur à
savoir que cette faculté est également accordée au professionnel. L’'article L. 322-2 du
Code de la consommation, réserve la possibilité de s'adjoindre les services de certaines
personnes limitativement énumérées et notamment les « membres des professions
juridiques et judiciaires réglementées ». Ces professionnels sont en toute hypothèse, les
mieux placés pour apprécier l'opportunité d'une action en justice.
263 N. LEBLOND, Moyens d'action des consommateurs et riposte des professionnels, J.-CL. Concurrence-Consommation, spéc. point. 7
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
131
407.- Si la mission des services consommateurs semble satisfaire aux attentes des
consommateurs concernés par l’obsolescence programmée, elle reste néanmoins
insuffisante. En premier lieu, ces services assurent l'information des consommateurs des
produits de l'entreprise et tentent de régler au mieux les litiges qui peuvent exister entre
eux. En second lieu, les services consommateurs permettent à l'entreprise d'être
parfaitement informée des désirs des consommateurs et d'élaborer des produits ou de
proposer des services de meilleure qualité afin de satisfaire au mieux les intérêts de ces
derniers.
408.- Cependant, d’une part, ces services n’existent pas systématiquement au sein
de chaque entreprise et d’autre part, la présence de ces services n’implique pas
forcément la satisfaction des consommateurs en matière de litiges264. Ainsi, la victime
de l’obsolescence programmée, pratique concernant des secteurs tellement variés,
pourra se voir opposé l’inexistence du service consommateur. Un autre inconvénient
peut être relevé et réside dans le fait que cette prise de contact n'interrompt pas le délai
de prescription de l'action en justice, et prend uniquement la forme d'une mise en
demeure en raison de l'énumération limitative de l'article 2245 du Code civil. Ainsi, si la
négociation directe échoue, la victime de l’obsolescence programmée qui n’a pas
intenté d’action en justice de façon parallèle, pourra se heurter le cas échéant à la
prescription de son action.
409.- La négociation directe paraît insuffisante et ce pour plusieurs raisons,
l’éventuelle inexistence des services de consommation ou encore le déséquilibre des
parties dont peut découler une solution contraire aux intérêts des consommateurs. Ainsi,
celui-ci peut donc préférer s’adresser à une instance qui s’entremette entre le
professionnel et lui.
264 Ibid., spéc. point. 8
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
132
II- La négociation institutionnalisée : des institutions en perte de vitesse défavorables à
la victime de l’obsolescence programmée
410.- La médiation et la conciliation consiste à aller volontairement devant un tiers
pour chercher avec un lui un règlement amiable dans un litige de droit privé. En raison
de la faible importance du litige et du peu de difficultés juridiques posées par les litiges
de la consommation, le recours aux modes de conciliation et de médiation est d’ailleurs
encouragé par les pouvoirs publics à l'instigation de la Commission européenne.265
411.- Il est possible d’établir deux catégories au sein de ces instances selon qu'elles
sont organisées par les pouvoirs publics ou qu'elles relèvent d'une organisation privée.
412.- Le système de la BP 5000 qui a été généralisé en 1977, par le secrétariat
d’état à la consommation, et subsiste dans environ cinquante départements, sous la
responsabilité des DDCCRF. Ce système vise le règlement amiable des difficultés
rencontrées par les consommateurs, spécialement en matière d'achats et de prestations
de services. Le consommateur insatisfait pourra par courrier adressé à la BP 5000 du
chef-lieu de son département et affranchi au tarif en vigueur, aussi bien solliciter un
renseignement ou un conseil qu'exposer l'objet de sa plainte ou de sa réclamation. Ce
courrier parvient à la Direction départementale de la concurrence, de la consommation
et de la répression des fraudes. Dans l’hypothèse d’une infraction ou lorsque le
consommateur demande un conseil, sa lettre est adressée directement aux services
administratifs compétents. Dans le cadre d’un litige contractuel, une solution amiable
est recherchée en relation éventuellement avec des associations de consommateurs ou
des représentants des milieux professionnels concernés. En cas d’échec, le litige est
porté devant une commission paritaire de conciliation.
. 265 Recommandation de la Commission du 4 avril 2001 relative aux principes applicables aux organes extrajudiciaires chargés de la résolution consensuelle des litiges de consommation, JOCE n°L 109 du 4 avril 2001, p.56 : « L'évolution permanente de nouvelles formes de pratiques commerciales associant les consomma- teurs, telles que le commerce électronique, ainsi que l'augmentation escomptée des transactions transfrontalières requièrent des efforts particuliers pour gagner la confiance des consommateurs, en particulier en assurant un accès aisé à des voies de recours pratiques, efficaces et peu coûteuses»
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
133
413.- A l’apparence efficace, il convient néanmoins de préciser que ce système
reste peu connu des consommateurs, peu apprécié des associations de consommateurs et
quelque peu délaissé par les pouvoirs publics. En effet, si la BP 5000 et la commission
de conciliation (suite naturelle de la BP 5000 présente dans chaque département)
subsistent encore, elles ne fonctionne plus que dans un nombre limité de
départements.266
414.- Quant à elles, les Commissions de Règlement des Litiges de Consommation
(CRLC) mises en place par un arrêté du 20 décembre 1994267 au sein des comités
départementaux de la consommation, sont organisées par l'arrêté du 25 mars 2005.268
Ces commissions présentent des avantages. En effet, l'intervention des CRLC est
gratuite et souple puisqu'il suffit au plaignant d'adresser un simple courrier à la CRLC
de son département de résidence. L’intervention des CRLC est également rapide car une
solution doit être recherchée dans les deux mois à compter de la date de saisine.
415.- Cependant, malgré ces attraits, l’efficacité de ces commissions reste relative
car leur existence, départementale et/ou régionale, est facultative d’ailleurs, il n’en
existe que trois. De plus, leur compétence est subsidiaire car si le litige en cause relève
de la compétence d'une instance de règlement spécialisée, il doit être traité par ladite
instance à laquelle la plainte doit être transférée par la commission de règlementent des
litiges de consommation qui doit en outre en avertir le plaignant.
416.- Quant aux conciliateurs de justice créés par le décret du 20 mars 1978269
modifié en dernier lieu par le décret du 13 décembre 1996270, leur mission est « de
faciliter, en dehors de toute procédure judiciaire, le règlement des différends portant
sur des droits dont les intéressés ont la libre disposition ». L'objectif était de proposer 266 N. LEBLOND, Moyens d'action des consommateurs et riposte des professionnels, J.-CL. Concurrence-Consommation, spéc. point. 23 267 Arrêté du 20 décembre 1994 portant modification de l'arrêté du 21 février 1987 relatif à la composition et au fonctionnement des comités départementaux de la consommation 268 Arrêté du 25 mars 2005 portant création et fonctionnement des commissions de règlement des litiges de consommation 269 Décret n°78-381 du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice 270 Décret no 96-1091 du 13 décembre 1996 modifiant le décret no 78-381 du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
134
aux particuliers, dans chaque canton si possible et au moins dans chaque ressort de
tribunal d'instance, une structure d'accueil pour régler leurs différends en dehors de
l'institution judiciaire.
417.- L’efficacité du conciliateur de justice en matière de règlement des litiges entre
un consommateur et un professionnel est relative car si le conciliateur n'a pas pour
fonction exclusive de connaître des litiges de consommation, il est admis que la moitié
de l'activité des conciliateurs ne concerne pas la conciliation proprement dite mais le
simple conseil ou renseignement. De plus, une large part des litiges soumis aux fins de
conciliation est relative aux rapports de famille ou de voisinage et non aux relations de
consommation. 271 Après avoir connu une première période de croissance (1 000
conciliateurs nommés entre 1978 et 1981), l'institution a connu une période de doute,
avec un projet d'intégration aux tribunaux. Aussi, à la suite de la suspension des
nominations, 400 conciliateurs seulement restaient en place fin 1986.272
418.- De l’analyse des moyens non juridictionnels à la disposition du
consommateur ressort en premier lieu leur caractère divers. En effet, depuis quelques
années, il est possible d’assister à un foisonnement des institutions et si en apparence,
cela paraît bénéfique pour le consommateur, celui-ci a du mal à trouver sa voie. Une
deuxième réserve est à émettre car certaines de ces institutions n'existent pas sur tout le
territoire français ou n'existent plus, à l'image des conciliateurs de la consommation
qu'un décret du 25 février 1993273 avait mis en place et qu'un autre, du 13 décembre
1996274, a supprimé. D’autres encore sont organisées de telle manière que leur saisine
est rendue possible uniquement en théorie.
419.- De ce fait, la solution ne serait-elle pas, comme le proposent Messieurs les
Professeurs Jean Calais-Auloy et Henri Temple de donner les moyens à la justice de 271 N. LEBLOND, Moyens d'action des consommateurs et riposte des professionnels, J.-CL. Concurrence-Consommation, spéc. point. 23 272 P. PEDROT et F. KERNALEGUEN, Consommation . – Procédures amiables de règlement des litiges, J.-CL. Concurrence-consommation, fasc 1230, spéc. point. 48 273 Décret n° 93 254 du 25 février 1993 modifiant le décret n° 78-381 du 20 mars 1978 modifié relatif aux conciliateurs 274 Décret n°96-1091 du 13 décembre 1996 modifiant le décret n° 78-381 du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
135
traiter ces petits litiges par la création de procédures spécialisées et ainsi freiner la
prolifération d’organismes non juridictionnels qui risquerait de créer « une justice au
rabais perçue par l’opinion publique comme l’aveu de l’inefficacité du système
judiciaire »275
420.- Au mode de règlement amiable des conflits, le consommateur victime de
l’obsolescence pourra choisir d’exercer son droit d’accès à la justice et recourir à la voie
contentieuse.
PARAGRAPHE II : L’EXISTENCE THEORIQUE DU RECOURS CONTENTIEUX A
LA DISPOSITION DU CONSOMMATEUR
421.- Différentes actions sont ouvertes au consommateur, lesquelles ont été, dans la
mesure du possible, rendues plus accessibles qu’elles ne le furent naguère. Ainsi, le
consommateur pourra agir, selon le cas, devant la juridiction pénale ou saisir les
juridictions civiles cependant, ces dernières actions ne seront pas exploitées par la
victime de l’obsolescence programmée (I) en raison d’un défaut d’intérêt économique à
agir de celles-ci (II).
I- Les différentes actions inexploitables par les victimes de l’obsolescence programmée
422.- Si les consommateurs peuvent être découragés de porter leur litige de
consommation devant la justice, il ne saurait être considéré que les consommateurs ne
méritent pas l'accès à cette justice. Différentes actions sont ouvertes au consommateur
qui pourra agir, selon le cas, devant la juridiction pénale ou saisir les juridictions civiles.
423.- Lorsqu’un consommateur se trouve victime d'une infraction pénale, il peut
d'abord porter l'infraction commise à la connaissance du service administratif spécialisé
275 J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation, 8ème Ed., Dalloz, 2008, spéc. p. 388
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
136
comme la Direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes qui pourra ensuite dresser un procès-verbal et saisir la justice à
cette occasion.
424.- Le consommateur peut aussi prendre l'initiative de saisir lui-même le
Procureur de la République en déposant une plainte pour l'avertir de l'infraction
commise, cependant ce dernier est en principe libre de traduire ou non la personne visée
devant la juridiction pénale en vertu de la règle de l'opportunité des poursuites. Le
procureur de la République se présente donc comme le juge de l’opportunité des
poursuites selon Monsieur le Professeur Jean Calais-Auloy276.Le consommateur victime
de l’infraction pourra également se constituer partie civile et obliger ainsi le Ministère
public à exercer l’action publique.
425.- Si la juridiction pénale est effectivement saisie, le consommateur, en tant que
partie civile, se trouve en principe, en mesure d'obtenir la réparation du préjudice que la
commission de l'infraction lui a fait supporter. L’action pénale présente l’intérêt non
négligeable tenant au fait que les inconvénients de la procédure sont supportés par le
Ministère public et notamment, l'administration de la preuve. En outre, les pouvoirs
d'investigation de celui-ci dépassent nettement ceux du consommateur.
426.- Le consommateur victime de l’obsolescence programmée, pratique pouvant
relever de la tromperie comme il l’a été exposé, pourrait donc se constituer partie civile
afin de voir son préjudice réparé.
427.- A coté de l’action intentée devant la juridiction pénale, le consommateur
pourra agir en réparation devant la juridiction civile afin d’obtenir réparation de son
préjudice et ce même si ce dernier est victime d’une infraction pénale.
428.- De plus, en raison de sa qualité de cocontractant, le consommateur dispose
naturellement du droit d'exercer, au civil, toutes les actions inhérentes au droit des
276 J. CALAIS-AULOY et F. STEINMETZ, Droit de la consommation, 7ème Ed., Dalloz, 2006, spéc. p. 344
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
137
contrats. De ce fait, si le consommateur se trouve victime d'un vice du consentement, il
pourra demander la nullité de son contrat et, le cas échéant, en dommages-intérêts au
titre de la responsabilité précontractuelle.
429.- Encore, en cas de mauvaise exécution de la prestation due par son
cocontractant, le consommateur est en droit d'obtenir une juste réparation du préjudice
que ce manquement lui occasionne sur le fondement de la responsabilité contractuelle,
ou encore, de demander la résolution du contrat qu'il avait conclu.
430.- Comme il l’a été démontré dans la première partie, le consommateur victime
de l’obsolescence programmée pourra agir sur le fondement de la tromperie devant la
juridiction pénale. Il pourra également agir devant la juridiction civile sur les
fondements des vices du consentement, de la garantie des vices cachés, de la garantie
légale de conformité ainsi que sur l’inexécution de l’obligation d’information.
431.- Ces différentes actions ouvertes à la victime de l’obsolescence programmée
semblent ne l’être malheureusement qu’en apparence en raison de l’absence d’intérêt
économique à agir de ce dernier.
II- Le défaut d’intérêt économique à agir de la victime de l’obsolescence programmée
432.- A l’image des dommages résultant de l’obsolescence programmée, les
dommages infligés par les entreprises aux consommateurs sont en général relativement
faibles et ne justifient pas d’un point de vue économique une action en réparation. Une
liste exhaustive de tous les préjudices subis par les consommateurs ne saurait être
dressée, cependant, il paraît intéressant de citer quelques exemples pratiques.
433.- Une entreprise peut mettre sur le marché des produits inférieurs en qualité ou
en quantité à ce qui était convenu ou imposé par la réglementation. A ce titre, l’exemple
des Vins Margnat est souvent cité277. Cette entreprise avait mis en bouteille 1,5
centilitres de moins que la contenance annoncée sur l’étiquette. L’entreprise ayant 277 CA Aix-en-Provence, 19 juin 1979
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
138
vendu en quatre ans 200 millions de bouteilles dans ces conditions, cette manœuvre lui
a permis d’obtenir un bénéfice illicite de 14 millions de francs, alors que le préjudice
subi par chaque consommateur était plus que minime.
434.- Les atteintes à la concurrence émanant d’une ou de plusieurs entreprises
constituent également des dommages causés aux consommateurs. En effet, une entente
sur les prix ou sur les parts de marché lèse les consommateurs qui se trouvent obligés de
payer un prix plus élevé que celui qui aurait résulté du jeu normal du marché.
435.- Ces dommages qui méritent d’être réparés, sur le fondement de la
responsabilité civile contractuelle ou extracontractuelle ne le sont pas en pratique, faute
d’un intérêt économique à agir insuffisant. Les victimes se contenteront ainsi des «
gestes commerciaux » dans la meilleure des hypothèses.
436.- Les victimes ont un intérêt concret à agir lorsque les raisons d’intenter une
action sont plus fortes que les raisons de ne pas agir. Selon Monsieur Hugues
Bouthinon-Dumas l’intérêt économique à agir correspond à la différence entre les gains
escomptés de l’action et les coûts que la victime s’attend à devoir supporter.278Les gains
attendus correspondent aux dommages et intérêts compensatoires reçus et aux
dommages et intérêts non compensatoires qui pourraient s’y ajouter. Les pertes
escomptées correspondent aux frais que le demandeur doit supporter en intentant une
action en justice, les dépens et les frais irrépétibles.
437.- Monsieur Hugues Bouthinon-Dumas rappelle également qu’il faut encore
tenir compte du fait qu’il existe un décalage dans le temps entre le paiement des frais
afférant au procès et la perception des sommes susceptibles d’être obtenues au terme du
procès.
438.- Si les gains espérés du procès sont supérieurs aux dépenses anticipées, alors la
victime a économiquement intérêt à agir. ce principe suppose néanmoins de tenir
278 H. BOUTHINON-DUMAS, Quel remède au désintérêt économique à agir : l’action de groupe ou les dommages-intérêts punitifs ?, RLC, 28 avr. 2011
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
139
compte de multiples variables. En effet, en plus du montant du dommage indemnisable,
du montant des frais de justice tarifés, des honoraires des avocats et autres auxiliaires de
justice, le particulier doit intégrer dans son calcul, selon Monsieur Hugues Bouthinon-
Dumas, le taux d’intérêt auquel il emprunterait les ressources lui permettant de financer
son action en justice. Cette évaluation a bien sûr un caractère subjectif dans la mesure
où la situation économique du plaignant est prise en compte.
439.- L’aléa judiciaire paraît également important à prendre en considération. En
effet, le résultat du procès est incertain et le déroulement de la procédure dont sa durée
et sa complexité sont également imprévisibles. Aussi, la décision de première instance
est susceptible de se prolonger par d’éventuels recours par exemple.
440.- Une étude évalue que le coût total d’un recours représente entre le tiers et la
moitié des dommages-intérêts obtenus279. Détaillant les éléments de l’équation qui est
censée déterminer la victime à agir en justice pour demander réparation, il est ainsi
compréhensif que dans de nombreux cas de figure, le consommateur considère qu’il n’a
pas un intérêt économique à agir et cela va être l’hypothèse de la victime de
l’obsolescence programmée. En effet, cette pratique concerne de nombreux produits de
faible valeur pour lesquels, le consommateur ne songera jamais à intenter une action en
justice. De plus, dans les hypothèses où des biens d’une valeur plus importante seront
concernés, que ce soit un iPod, un écran plasma ou encore un ordinateur portable, la
restitution du prix qu’entend au minimum obtenir le consommateur n’est pas supérieure
aux dépenses anticipées par la victime.
441.- La victime de l’obsolescence programmée agissant de façon individuelle fait
donc face à de réelles difficultés tenant d’une part à l’efficacité relative de la voie
amiable de règlement des conflits et d’autre part à l’impossibilité matérielle de procéder
à un recours en justice de façon individuelle. Celui-ci pourra alors s’en remettre à une
association de consommateur chargée de défendre l’intérêt collectif des consommateurs.
279 ibid,.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
140
SECTION II : L’EFFICACITE RELATIVE DES ACTIONS OUVERTES AUX
ASSOCIATIONS DE CONSOMMATEURS
442.- Outre l'hypothèse dans laquelle l'association de consommateurs agit, comme
tout sujet de droit, pour la préservation de ses intérêts personnels, patrimoniaux ou
même moraux280, sa mission de défense des intérêts des consommateurs l’a conduit à
exercer deux types d'actions. Les premières dont l’origine remonte à 1973, sont
exercées dans l’intérêt collectif des consommateurs, entendu au sens d’un intérêt qui se
superpose aux intérêts individuels, cependant, cette action paraît insuffisante au regard
de l’obsolescence programmée (Paragraphe I). L’action en représentation conjointe
instituée en 1992281 apparaît quant à elle comme une action de groupe « mort-née » au
caractère inopportun (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : L’INSUFFISANCE DES ACTIONS EXERCEES DANS L’INTERET
COLLECTIF DES CONSOMMATEURS
443.- L’association de consommateurs agrée pourra soit réclamer des dommages et
intérêts destinés à réparer le dommage causé à l’intérêt collectif des consommateurs
victimes de l’obsolescence programmée découlant de l’infraction pénale de la
tromperie (I), ou encore agir devant la juridiction civile afin de faire cesser ces
agissements illicites (II). Cependant, le constat de ces actions reste extrêmement nuancé
en raison de l’absence d’indemnisation individuelle des victimes (III).
280 CA Paris, 4e ch. 10 nov. 1987 : JurisData n° 1987-027255 : en matière d'allégations mensongères portant atteinte à l'honorabilité du groupement 281 Loi n° 92-60 du 18 janvier 1992 renforçant la protection du consommateur
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
141
I- La demande en réparation du préjudice collectif découlant de la tromperie du
professionnel
444.- L'article L. 421-1 du Code de la consommation autorise les associations de
consommateurs agréées à "exercer les droits reconnus à la partie civile relativement
aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des
consommateurs". Cet article autorise donc les associations de défense des intérêts des
consommateurs agréées à exercer les droits reconnus à la partie civile en cas de
préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif des consommateurs. Sont ici concernés
les faits constitutifs d’une infraction pénale portant atteinte à l’intérêt collectif des
consommateurs.
445.- Outre la condition d'un agrément antérieur à l'action de l'association, celle-ci
doit donc justifier d'une atteinte directe ou indirecte, du fait de l'infraction en cause, à
l'intérêt collectif des consommateurs qui est atteint dès lors qu'une disposition
législative ou réglementaire entrant dans le champ du droit de la consommation est
méconnue.282 Il convient de préciser que la nature de l'infraction importe, ainsi, il pourra
s'agir d'un homicide283, ou encore d'une publicité mensongère.284 S’agissant de l’atteinte
directe ou indirecte à l’intérêt collectif des consommateurs, cette condition est donc
remplie car dans le cadre de l’obsolescence programmée, le professionnel est auteur de
tromperie et donc contrevient à une disposition du Code de la consommation. Cette
action peut être portée devant la juridiction civile, statuant sur l'action civile, ou devant
la juridiction répressive, statuant sur l'action civile, par voie principale ou incidente à
celle formée par le Ministère public.
446.- Par le biais de cette action civile, l'association de consommateurs peut obtenir
différentes choses. En premier lieu, elle peut demander une indemnisation au titre du
préjudice porté, directement ou indirectement, à l'intérêt collectif des consommateurs
qu'elle défend.285 Ce principe a été confirmé par la suite et reste depuis constant.
282 TGI Nanterre, 24 juin 2003 : JurisData n° 2003-215496 283 Cass. crim., 24 juin 1997 : JurisData n° 1997-003036 284 Cass. 1ère civ., 9 mars 2004 : JurisDatan° 2004-022720 285 Cass. 1ère civ., 5 oct. 1999, n° 97-17.559 ;
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
142
447.- L’association de consommateurs exerçant les droits reconnus contre le
professionnel auteur de l’obsolescence programmée pourra donc prétendre à une
réparation pécuniaire au titre du préjudice à l’intérêt collectif des consommateurs
victimes de cette stratégie commerciale.
448.- L'association peut ensuite demander à être indemnisée du préjudice matériel
qu'elle subit à raison de l'infraction. Tous les frais exposés pour mener l'action en
question doivent alors être pris en compte, à l'exception de ceux compris dans les
dépens ainsi que les frais que l'association a engagés afin d'assurer sa mission
d'information et de protection des consommateurs.286
449.- À coté dommages et intérêts, l’association peut également demander la
cessation d’agissements illicites.
II- La demande en cessation d’agissements illicites
450.- Outre la demande d’indemnisation, selon l’article L. 421-2 du Code de la
consommation, l'association de consommateurs qui exerce l'action civile peut,
demander en second lieu à la juridiction saisie « d'ordonner au défenseur ou au
prévenu, le cas échéant sous astreinte, toute mesure destinée à faire cesser des
agissements illicites ou à supprimer dans le contrat ou le type de contrat proposé aux
consommateurs une clause illicite ».
451.- Si les dommages et intérêts ont pour but de réparer un préjudice causé à
l’intérêt collectif des consommateurs, la cessation tend à empêcher un préjudice futur
et c’est en ce cela qu’elle tient toute son importance pour la défense de l’intérêt collectif
des consommateurs. Il convient de préciser que l'action des associations de
consommateurs a surtout pour finalité d'éviter que les intérêts des consommateurs ne
soient atteints à l'avenir. Dans cette optique, l'association de consommateurs peut
d'ailleurs demander à ce que la décision rendue par la juridiction saisie soit portée à la
286 TGI Nanterre, 15 oct. 2001 : Contr.Conc.Cons. 2001, comm. 182, note G. Raymond
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
143
connaissance du public « par tous moyens appropriés » selon l’article L. 421-9 du Code
de la consommation. Cela est permis quelle que soit la demande formée par l'association
ou l'action intentée par elle.
452.- De plus, l’article L. 421-6 du Code de la consommation dispose que les
associations de consommateurs agréées « peuvent agir devant la juridiction civile pour
faire cesser ou interdire tout agissement illicite au regard des dispositions transposant
les directives mentionnées à l'article 1er de la directive » n° 98/27/CE 287 . Ces
directives sont les suivantes : Sont visés par cette transposition, la publicité trompeuse,
les contrats négociés en dehors des établissements commerciaux, le crédit à la
consommation, la radiotélévision, les voyages (et vacances ou circuits) à forfait, la
publicité sur les médicaments, les clauses abusives, les immeubles « à temps partagé »,
les contrats à distance, la vente et la garantie des biens de consommation, le commerce
électronique et enfin la commercialisation à distance de services financiers.
453.- L’association a dès lors à sa disposition non seulement l’action en cessation
de l’article L. 421-6, mais encore l’action civile de l’article L. 421-1 qui peut aussi avoir
pour objet de faire cesser un agissement illicite, en l’occurrence, la tromperie.
454.- Ces actions ouvertes aux associations de consommateurs agréées comportent
cependant un caractère insuffisant.
III- Le caractère insuffisant de l’action collective résultant de l’absence
d’indemnisation des victimes
455.- Ces diverses dispositions permettent donc de faire cesser des pratiques
illicites ou abusives et ainsi bénéficient à l’ensemble des consommateurs pour l’avenir.
Cependant, il paraît manifeste que ces actions n’ont pas pour objectif premier la
réparation du préjudice subi par les consommateurs, mais la cessation d’un
287 Directive 98/27/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
144
comportement illicite. Cela conduit, selon Monsieur le Professeur Stephane Piédelièvre,
à une confusion entre réparation et répression.288
456.- Ces actions ne permettent pas d’obtenir la réparation de la somme des
préjudices subis réellement et individuellement par les consommateurs car le préjudice
dont il est demandé réparation est celui causé à l’intérêt collectif des consommateurs
car, dès lors, les dommages et intérêts sont attribués par le juge à l’association ayant
introduit l’action. De ce fait, les condamnations éventuellement prononcées bénéficient
donc exclusivement à l'association de consommateurs plaignante, et non aux victimes
de l’obsolescence programmée elles-mêmes qui en plus d’être en possession d’un
appareil inutilisable, ne seront pas dédommagées.
457.- De plus, la difficulté réside en effet dans l’évaluation du préjudice car celui-ci
n’est pas l’addition de préjudices individuels. L’association demande réparation du
préjudice subi par un ensemble abstrait de consommateurs qui ne sont pas
individuellement désignés. Ainsi, selon Messieurs les Professeurs Jean Calais-Auloy et
Henri Temple, l’évaluation du préjudice comporte une grande part d’artifice et le juge
se tire de la difficulté en prononçant une condamnation symbolique.289
458.- Lorsque des frais sont attribués à l’association de consommateurs, sans être
exhaustifs, il s’agit des frais engagés pour regrouper les victimes et recueillir les
éléments au soutien de leur indemnisation, 290 révéler l’infraction 291 , procéder à
l’information indispensable des consommateurs, 292 répondre aux courriers des
consommateurs, tenir des permanences, discuter avec les professionnels et participer à
des commissions qui essaient de rééquilibrer les relations commerciales.293
288 S. PIEDELIEVRE, Droit de la consommation, Economica, Paris 2008, spéc. p.597 289 J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation, 8ème Ed., Dalloz, 2008, spéc. p. 688 290 CA Paris, 8 déc. 1989, INC Hebdo 1990, n°16.63 291 CA Aix en Provencen 23 fév. 1994 CCC 1995, Note°17, obs. Raymond 292 TGI Nanterre, 12 mars 1981, Gaz Pal. 1981, 2, somm.p. 209 293 CA Paris, 13ème Chambre., 25 mars 1999
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
145
459.- Comme le soulève Monsieur Jérôme Franck, ce qui est retenu au travers de
l’atteinte à la mission de l’association relève du préjudice patrimonial personnel de
l’association et non pas du préjudice causé à l’intérêt collectif en tant que tel.294 Ainsi,
une certaine confusion réside entre les sommes allouées et qui reposent d’une part sur le
préjudice personnel de l’association et d’autre part sur le préjudice collectif des
consommateurs.
460.- S’il apparaît juste que les associations soient récompensées de l’activité
fournie à la défense des consommateurs, Messieurs les Professeurs Jean Calais-Auloy et
Henri Temple avancent l’idée que les sommes allouées apparaissent d’avantage comme
des peines privées que comme des indemnités, d’où l’intérêt de l’introduction de
dommages et intérêts punitifs en droit français, afin d’aplanir le doute.295 Cette position
est également partagée par Monsieur le Professeur Yves Picod et Hélène Davo qui
considère que cela serait une façon de déjouer les calculs économiques de certains
commerçants qui estimeraient moins couteux de payer des indemnités modestes que de
changer de comportement.296
461.- A coté de ces actions intentées directement les associations de
consommateurs, l’intérêt collectif des consommateurs peut être protégé par la présence
d’une association agrée de consommateurs à une action qui concerne les particuliers par
le biais de l’action en représentation conjointe dont l’efficacité reste toutefois sujette à
de nombreuses réserves.
PARAGRAPHE II- L’OPPORTUNITE DISCRETE DE L’ACTION EN
REPRESENTATION CONJOINTE
462.- Le régime de l’action en représentation conjointe apparaît comme une
tentative d’introduction d’une class action à la française (I) car c’est la seule la forme
294 J. FRANCK, Pour une véritable réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs, Mélanges Calais Auloy, Dalloz, p. 409 295 Ibid. 296 Y. PICOD et H. DAVO, Droit de la consommation, 2ème Ed, Sirey, spéc. p. 386
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
146
d’action la plus proche de l’action de groupe en droit français. Cependant, si
l’inspiration était bien là, il n’en est pas de même pour le résultat car le constat de la
représentation conjointe est celui d’un échec incontestable d’où la qualification de
Monsieur Louis Boré de « class action mort née »297(II).
I- L’action en représentation conjointe : une tentative de class action à la française
463.- La loi du 18 janvier 1992298 a introduit par son article 8, introduit dans la loi
du 5 janvier 1988299 trois nouveaux articles 8-1, 8-2 et 8-3. L’article 8-1 dispose que
« lorsque plusieurs consommateurs, personnes physiques, identifiées ont subi des
préjudices individuels qui ont été causés par le fait d’un même professionnel, et qui ont
une origine commune, toute association agrée et reconnue représentative sur le plan
national en application des dispositions de l’article 2 de la présente loi peut, si elle a
été mandatée par au moins deux des consommateurs concernés, agir en réparation
devant toute juridiction au nom des consommateurs ». Cet article 8-1 a été intégré dans
le Code de la consommation sous l’article L. 422-1.
464.- Cette action permet donc à une association agréée de consommateurs
représentative au plan national d’agir en réparation pour le compte de consommateurs
nommément identifiés qui lui confient expressément mandat de les représenter. Il s’agit
donc d’obtenir la réparation collective de préjudices individuels. L’action en
représentation conjointe est la forme d’action la plus proche, en droit français, de
l’action de groupe.
465.- L’action en représentation conjointe ne concerne que les préjudices
individuels subis par plusieurs consommateurs. Cette notion de préjudice individuel est
nouvelle car avant la loi de 1992, l’action des associations étaient cantonnée à la
défense des intérêts collectifs des consommateurs. C’est d’ailleurs le caractère 297 L. BORE, L'action en représentation conjointe : class action française ou action mort-née ?, D.1996, p. 267 298 Loi n° 92-60 du 18 janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs 299 Loi n° 88-14 du 5 janvier 1988
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
147
individuel du préjudice que défend l’action en représentation conjointe qui entre dans la
perspective de l’action de groupe.
466.- Quant au support du groupe, l’action en représentation conjointe est initiée
par une association de consommateur constituée dans la loi de 1905 donc une
association disposant de la personnalité morale et pouvant agir en justice. L’association
de consommateur doit être bien sûr agréée.
467.- Concernant le préjudice subit par les consommateurs, il doit avoir été créé par
un même professionnel et doit avoir une origine commune. Il peut s'agir, par exemple,
du même vice d'une chose fabriquée en série ou encore de l'inexécution d'une prestation
de services offerte à un même groupe de personnes
468.- Contrairement à la class action, l’association agréée initiatrice de l’action en
représentation conjointe reçoit un mandat pour agir par au moins deux consommateurs
concernés qui d’ailleurs ne doivent pas impérativement être membres de l’association.
Cette exigence nécessite donc que les consommateurs soient donc identifiés avant que
l'action ne soit intentée. La réparation du préjudice ne concerne ainsi que les
consommateurs ayant donné mandat, ce qui exclu l’hypothèse dans laquelle d’autres
consommateurs pouvant faire état d’un préjudice identique, se joignent en cours de
procédure pour obtenir réparation.
469.- Chaque consommateur peut révoquer son mandat à tout moment et ce sans
motifs. Le consommateur peut donc reprendre l’instance à son compte personnel et en
avise alors le juge et le défendeur. Si après la révocation d’un mandant, les
consommateurs concernés par l’action en représentation conjointe sont toujours au
nombre de deux, celle-ci se poursuit. La situation est alors celle de deux actions, une
action en représentation conjointe et une action individuelle exercée par le mandant
rétracté qui reprend l’instance conjointe au point où celle-ci était lors de la rétractation.
Cependant, si à la suite de la rétractation du mandant, il ne reste qu’un seul
consommateur, l’association ne pourra continuer son action en représentation conjointe.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
148
470.- Selon le décret de 1992, le mandat de représentation n’emporte pas mission
d’assistance. Sauf convention contraire. Cette disposition préserve la liberté du
mandataire dans le sens où celui peut assurer lui même sa défense ou la confier à son
avocat. Cependant, le plus souvent, le mandat de représentation emporte mission
d’assistance car si le consommateur se décharge des soins de la procédure, ce n’est pas
pour conserver les soucis de sa défense.300
471.- Les exigences tenant au formalisme et aux modalités du mandat contrastent
avec les modes de communication de la class action. En effet, le mandat ne peut être
sollicité que par voie de presse et ne peut l’être par voie d’appel public télévisé ou
radiophonique, ni par voie d’affichage, de tract, de lettre personnalisée, ce qui limite
drastiquement la capacité de l’association à rassembler un nombre significatif de
consommateurs. A ce titre, Monsieur Lucien Lanier incitait justement à la prudence en
matière de publicité, estimant que devait « être prohibée la pratique qui consisterait
pour une association de consommateurs à mettre en cause de manière ciblée une
entreprise, notamment par la voie d’une campagne de presse appelant des
consommateurs à lui confier un mandat pour les représenter en justice »301.
472.- L’acte introductif d’instance est fait à la requête de l’association qui doit
prouver sa représentativité grâce à l’agrément administratif qu’elle a reçu. De plus,
l’acte introductif d’instance doit également mentionner les noms, prénoms et adresses
de chacun des mandants.
473.- Une obligation d’information pèse sur l’association de consommation agréée
dans le sens où celle-ci doit informer les mandants du déroulement de la procédure et
notamment la décision. L’inobservation de l’obligation d’information engage la
responsabilité de l’association et pourrait justifier un retrait du mandat.
300 R. MARTIN, L’action en représentation conjointe des consommateurs, JCP 1994, I, 3756 301 Rapport d ́information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale par le groupe de travail sur l'action de groupe, disponible sur le site : http://www.senat.fr
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
149
474.- Concernant la décision, les prétentions sont individualisées et la réparation
peut ne pas être identique. Le montant des condamnations est payé entre les mains de
l’association qui en donne quittance et par la suite, répartira les fonds entre les
consommateurs conformément à la décision rendue.
475.- Le régime de la représentation conjointe qui n’emprunte finalement que très
peu à la class action et n’apparaît donc pas comme l’ébauche d’une action de groupe en
droit français car son échec reste manifeste.
II- L’échec de l’action en représentation conjointe
476.- Monsieur le Professeur Yves Picod et Hélène Davo font état de l’échec total
de l’action en représentation conjointe en décriant son caractère lourd, couteux et
limité.302En effet, les associations ont reculé devant le formalisme imposé par le
mandat, l’ampleur des responsabilités encourues et le poids financier lié à la gestion de
trop nombreux dossiers. L’extrême lourdeur de la gestion des mandats individuels reçus
par les associations, conduit à une paralysie de l'action303. Ces dernières doivent en effet
assurer pour le compte de chacun de leur mandant de nombreuses formalités
d'information à toutes les étapes de la procédure ainsi que tous les actes de procédure
découlant du mandat.
477.- Les associations de consommateurs interrogées indiquent que l'obstacle
financier les font reculer devant l'utilisation de cette procédure304. La gestion de
centaines ou de milliers de dossiers pèserait de façon excessive sur leur budget. Les
associations, bien que subventionnées par l'État, disposent de moyens souvent limités et
l'introduction de ce type d'actions, par son coût et par sa longueur, représente une charge
importante. Si elles se comportaient comme une courroie de transmission entre un
302 Y. PICOD et H. DAVO, Droit de la consommation, 2ème Ed, Sirey, spéc. p. 391 303 G. JAHAN, Doit-on importer les class actions en France pour mieux défendre le consommateur ?, Gaz. Pal., 19 oct. 2006 304 L. BORE, L'action en représentation conjointe : class action française ou action mort-née ?, D.1996, p. 267
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
150
avocat et les consommateurs, et si elles demandaient une rémunération à ces derniers,
elles se transformeraient en mandataires à l'égard des consommateurs et devraient
supporter toutes les responsabilités afférentes à leur qualité et rencontreraient des
difficultés pour s'assurer contre ce type de risques.305
478.- L’action en représentation conjointe ne bénéficie qu’aux consommateurs qui
ont donné mandat à l’association en vue de son lancement. C'est là un frein considérable
à un regroupement des conflits individuels de consommation de grande ampleur car il
sera très difficile d'identifier et d'obtenir mandat de chacun des consommateurs
concernés en cette hypothèse.. En tout état de cause, cette obligation d'identification
rend l'action très difficile pour les groupes de plusieurs centaines ou plusieurs milliers
de consommateurs. Par conséquent, l'action en représentation conjointe n'est utilisable
que pour les petits groupes : tout au plus quelques dizaines de victimes. Elle est de ce
fait très rarement utilisée car inadaptée aux dommages à grande échelle, faisant des
centaines de milliers de victimes306 et donc partant, inadaptée au préjudice de masse
découlant de l’obsolescence programmée.
479.- Concernant l’obtention des mandats, le gouvernement n'avait au départ fixé
aucune règle en la matière. Un amendement sénatorial prohiba finalement toute
sollicitation « par voie d'appel public », bien que Mme Neiertz ait affirmé que « voter cet
amendement reviendrait à retirer d'une main ce que l'on donne de l'autre, c'est-à-dire à
paralyser complètement toute possibilité d'action conjointe »307En effet, prohiber toute
publicité constitue un frein évident à l’efficacité de l’action en représentation conjointe
car un des principes de l’action de groupe réside justement dans la publicité qui permet
aux consommateurs lésés concernés de se joindre à l’action.
480.- Si le droit interne a voulu éviter les campagnes ayant pour but de rassembler
le plus de consommateurs susceptibles d’octroyer leur mandat à l’association, cela
305 G. JAHAN, Doit-on importer les class actions en France pour mieux défendre le consommateur ?, Gaz. Pal., 19 oct. 2006 306 J. CALAIS-AULOY, La class action et ses alternatives en droit de la consommation, LPA, 10 juin 2005 307 L. BORE, D.1996, p. 267
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
151
limite la possibilité pour les consommateurs d’être alertés de leurs droits et réduit
l’efficacité de l’action en représentation conjointe alors qu’en tout état de cause et selon
Messieurs Laurent Béteille et Richard Yung, « un des principes de l’action de groupe
réside justement dans la publicité qui permet aux consommateurs lésés concernés de se
joindre à l’action. »308
481.- De ce fait, de nombreuses victimes de l’obsolescence programmée peuvent
rester dans l’ignorance d’une telle action alors même que cette pratique reçoit des
illustrations pratiques diverses.
482.- Monsieur Louis Boré s’interroge à juste titre sur la contradiction tirée du
mode de sollicitation du mandat : « Il est curieux que les associations ne puissent pas
adresser des lettres personnalisées à des consommateurs dont elles ont pu savoir qu'ils
avaient acheté tel produit ou tel service, alors qu'elles peuvent solliciter un mandat en
insérant un appel dans une pleine page d'un grand quotidien national »309
483.- S’agissant enfin de la réparation, le tribunal rendra un jugement statuant sur
chaque préjudice de façon individuelle. Cependant, il est possible de rejoindre la
position de Monsieur Louis Boré qui regrette le fait qu’aucune disposition ne permet au
juge d'avoir recours aux méthodes de « réparation fluide » de la class action américaine
qui consiste, lorsqu'il est impossible d'identifier avec certitude toutes les personnes
ayant souffert d'un dommage ayant une origine commune, à évaluer le montant global
des préjudices causés par le défendeur et à verser la somme correspondante au groupe
qui comportera le plus grand nombre possible de victimes de l’obsolescence
programmée, assurant alors une véritable réparation. Ainsi, dans l'affaire des taxis
jaunes de Los Angeles qui avaient pratiqué une hausse illicite des tarifs, le juge a
ordonné une baisse de prix équivalente à la hausse illégale pendant la même période de
temps310.
308 Rapport d ́information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale par le groupe de travail sur l'action de groupe, disponible sur le site : http://www.senat.fr 309 Ibid., 310 Daar v/ Yellow Cab, 433 P. 2d 732 (California Supreme Court, 1967).
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
152
CONCLUSION TITRE I
484.- Le constat tenant aux outils du droit français permettant la mise en œuvre des
actions contre l’obsolescence programmée est donc celui de l’inefficacité. Le droit de la
consommation est intervenu en réponse à l’évolution de la société de consommation et a
pour objectif premier la protection du consommateur en raison du déséquilibre existant
ente le professionnel et ce dernier. Cependant, les recours du droit interne ne permettent
pas de parachever une telle protection. En effet, la voie contentieuse se trouve
logiquement délaissée par le consommateur victime de l’obsolescence, qui se trouve
découragé par les frais de justice supérieurs aux dommages et intérêts espérés en
réparation de son préjudice personnel. De plus, si l’action collective des associations de
consommateurs pourrait permettre d’influencer sur le comportement de l’entreprise en
raison d’une susceptible condamnation pénale ou d’une action en cessation
d’agissement illicite, la réparation individuelle du consommateur fait malheureusement
défaut. Enfin, l’action en représentation conjointe qui aurait pu combler ces
insuffisances se révèle être un véritable échec en raison de la « timidité » des pouvoirs
publics quant à l’étendue de cette action. C’est pourquoi, l’action de groupe est
envisagée comme une solution opportune à la sanction de l’obsolescence programmée.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
153
Titre II : L’action de groupe, une réponse appropriée au
préjudice découlant de l’obsolescence programmée 485.- L’action de groupe est l’action par laquelle une ou plusieurs personnes se
prétendant représentatives d’une catégorie de justiciables engagent une action en justice
pour le compte de cet ensemble de personnes311. Issue du droit anglo-saxon, cette
procédure permet la réparation de multiples préjudices individuels issus du
comportement fautif d’un ou plusieurs mêmes auteurs, elle répond donc en cela à
l’obsolescence programmée. Le modèle américain de l’action de groupe, la « », tant
controversé en raison de ses dérives, offre néanmoins des avantages considérables aux
victimes de l’obsolescence programmée (Chapitre I). Concernant le droit interne, de
nombreux rapports et projets de loi ont vu le jour, cependant, cette action de groupe
reste absente du droit français (Chapitre II).
Chapitre I : Les avantages de la Class action, le modèle américain de
l’action de groupe
486.- Si l'idée d'une action de groupe est née dans l'Angleterre du XVIIe siècle, le
modèle de la class action est représenté par les techniques américaines. C'est en 1938
que la règle 23 de la procédure civile fédérale312 a introduit la procédure de class action
en droit américain. Cette procédure qui est utilisée aussi bien pour l'obtention de
dommages et intérêts que pour le prononcé d'injonction a été révisée en 1966 sous
l'impulsion d'un avocat volontariste, Maître Ralph Nader, date à partir de laquelle, la
class action a connu une importante expansion. C’est d’ailleurs par rapport à la class
action américaine que la plupart des actions de groupe se sont développées à travers le
monde, empruntant ou non les techniques américaines. L’étude n’aura pas pour objet
d’étudier de façon approfondie et linéaire le mécanisme de la class action mais d’en 311 S. BRUNENGO-BASSO, L’émergence de l’action de groupe, processus de fertilisation croisée, PU Aix-Marseille, 2011, spéc. p. 142 312 Rule 23 of the federal rules of civile procedure
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
154
faire ressortir les avantages au regard de l’obsolescence programmée. De ce fait, l’étude
du droit américain et de la class action révèle d’une part un environnement juridique
favorable à l’appréhension de l’obsolescence programmée (Section I), et d’autre part un
accès à la justice et à la réparation des victimes qui apparaît facilités (Section II).
SECTION I : DES PROCEDES JUDICIAIRES OPPORTUNS A
L’APPREHENSION DE L’OBSOLESCENCE PROGRAMMEE
487.- Il paraît incontestable que la notoriété internationale de la class action est due
en grande partie à la conjonction de quelques éléments caractéristiques du système
juridique des Etats-Unis. Il apparaît que ces instruments sont également appropriées à la
situation des victimes de l’obsolescence programmée et notamment la procédure de
discorvery qui va permettre de déjouer le caractère confidentiel de cette dernière
stratégie commerciale (Paragraphe I), tandis que les punivite damages et la présence
du jury populaire remplissent un rôle moralisateur (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LA PROCEDURE DE DISCOVERY, UN POUVOIR
D’INVESTIGATION REPONDANT AU CARACTERE OCCULTE DE
L’OBSOLESCENCE PROGRAMMEE
488.- Aux États-Unis, il semble acquis que l'efficacité des class actions dépend en
grande partie des importants moyens d'enquête dont bénéficient les demandeurs pour
établir le bien-fondé de leurs prétentions.313
489.- À la différence des pays de tradition civiliste, les règles de procédure civile
américaine se fondent su165r une mise en état de l’affaire par les parties au litige selon
le principe de l’accusatoire. La production de documents, la constitution du dossier,
l’audition des témoins sont réalisées par les parties elles-mêmes. Cette phase du litige
313 S. CABRILLAC, Pour l'introduction de La class action en droit français, LPA, 18 aout 2006, n° 165
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
155
s’appelle « pre-trial discovery ».
490.- La procédure de discovery confère aux parties des droits importants en
matière de recherche de la preuve en matière civile. Cette procédure est une phase
d’investigation de la cause préalable au procès.
491- Cette procédure oblige chaque partie à divulguer à l’autre partie tous les
éléments de preuve pertinents au litige dont elle dispose le cas échant en sollicitant une
injonction du juge, y compris ceux qui lui sont défavorables, et ce, par différents
moyens comme la déposition sous serment, la question écrite, la mise en demeure de
communiquer des documents, la demande de reconnaissance ou de démenti d’un fait ou
d’une allégation etc…. Il y a là ici, un dépassement manifeste de la simple
communication de pièces du droit français. Ce mode de preuve est inconnu dans le
système judiciaire français dans lequel l'administration de la preuve est l'affaire des
parties avec une possible collaboration du juge de la mise en état.
492.- Une demande de discovery très large formée par une partie dans le cadre
d’une procédure peut amener une entreprise à devoir ouvrir ses archives et produire des
documents, dont la communication pourrait être de nature à lui nuire. C'est dans ce
cadre que des dépositions dans les cabinets d'avocat sont organisées avec toujours ce
système d'interrogation et de contre-interrogation des témoins et d'obligation pour
l'avocat de mettre à disposition de la Cour l'ensemble des documents, y compris ses
notes manuscrites.
493.- Dans le cadre de l’obsolescence programmée, la procédure de discovery aurait
un intérêt manifeste car comme il l’a été exposé dans la partie relative aux fondements
des actions qui pourraient être contre cette stratégie commerciale, les victimes font face
à des problèmes de preuve. En effet, l’obsolescence programmée étant une pratique
occulte et non révélée de façon publique par les dirigeants d’entreprises, il est
presqu’impossible d’apporter des éléments de preuve. A ce titre, l’affaire de la batterie
de l’iPod d’Apple démontre cette difficulté car ce n’est qu’au cours du procès que des
documents ont put être fournis grâce à la procédure de discovery.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
156
494.- Les règles de discovery ont ainsi pour but de permettre aux parties de mener
une enquête, et notamment de collecter les informations pertinentes pour le dossier, de
les analyser et de les communiquer à la partie adverse. Une partie au litige peut ainsi
exiger la production puis l’examen de tous les documents indiqués dans sa
demande.314Ainsi, les sociétés américaines ont l’obligation de conserver tous les
documents pertinents en vue de les produire dans le cadre d’une éventuelle procédure
judiciaire à laquelle elles seraient partie, ou dans le cadre d’une enquête
administrative.315
495.- L’objectif est de garantir davantage d’égalité et de justice entre les parties, et
d’abréger un procès en permettant l’élimination de certains points qui ne sont pas
véritablement contestés. Dans certains cas, cette communication peut porter sur des
milliers de documents sur tous supports.
496.- Dans le système judiciaire français, c'est aux parties d'apporter la preuve de
leurs allégations. Le rôle prépondérant des parties dans la production des preuves est
renforcé par les limitations du pouvoir du juge en matière civile. En effet, le juge civil
contrairement au juge pénal, n'a pas le pouvoir de coercition et ne peut, par exemple,
procéder à des perquisitions, décerner des mandats de comparution ou ordonner des
mesures de comparution.
497.- Indépendamment du fait qu'elle soit terrorisante par l'ampleur de l'information
qu'elle oblige à donner, la procédure de discovery est aussi terrorisante par le coût de sa
préparation : en effet, préparer une discovery dans un cas complexe nécessite dix
avocats qui travaillent à temps plein pendant un mois.316
498.- Ainsi, cette phase peut être très coûteuse et longue pour l’entreprise, ce qui
l’invite le plus souvent à la transaction. En effet, la procédure de discovery, si elle est 314O. PROUST et C. BURTON, Le conflit de droits entre les règles américaines de e-discovery et le droit européen de la protection des données à caractère personnel... entre le marteau et l’enclume, RDLI 2009, n°46 315 Ibid., 316 J.-J. UETTWILLER, De nouveaux instruments juridiques au service des entreprises : acte d'avocat et procédure participative, CED n° 6, Novembre 2011, entretien 6
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
157
une procédure très efficace, elle reste très couteuse et très longue et à ce titre, Monsieur
Jean-Jacques Uettwiller considère que la procédure de discovery apparaît comme une
incitation à la transaction. 317
499.- En cas de non-respect des règles de discovery, les entreprises peuvent être
lourdement sanctionnées notamment par un jugement contraire à leur demande,
inférence négative, une condamnation à verser une indemnité financière suite à une
action en responsabilité, des sanctions pénales (amendes pénales, emprisonnement).318
500.- Au delà de l’avantage certain que procure la procédure de discovery aux
victimes de l’obsolescence programmée concernant les formalités probatoires, deux
autres institutions du droit américain semblent être favorables aux consommateurs.
PARAGRAPHE II : LE CARACTERE MORALISATEUR DES PUNITIVE DAMAGES
ET DU JURY POPULAIRE FAVORABLE AUX VICTIMES DE L’OBSOLESCENCE
PROGRAMMEE
501.- L’efficacité de la class action en matière de litiges de consommation est
notamment assurée par des institutions qui ont un caractère moralisateur non
contestable. En effet, si les punitive damages sont caractérisés par l’effet dissuasif et
répressif qu’ils auront sur les professionnels et donc sur les auteurs de l’obsolescence
programmée (I), la participation populaire découlant des jurys populaires apparaît
favorable aux victimes (II).
I- La finalité répressive des punitive damages
502.- Dans le domaine de la responsabilité civile délictuelle en particulier, le
principe de la réparation intégrale qui constitue le dogme et la matière, se présente
317 Ibid., 318 O. PROUST et C. BURTON, Le conflit de droits entre les règles américaines de e-discovery et le droit européen de la protection des données à caractère personnel... entre le marteau et l’enclume, RDLI 2009, n°46
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
158
comme un triptyque « tout le dommage, rien que le dommage et seule compte la
situation de la victime » Ceci exclut donc l'évaluation du préjudice en équité ou de
manière forfaitaire de même qu'est impossible une indemnisation supérieure au
préjudice.
503.- Ainsi, c’est de façon logique que l'institution des punitive damages est née et
se soit développée dans les systèmes de common la dans lesquels il n'y a ni principe
général de responsabilité civile ni définition unique des « dommages et intérêts ». Il n’y
a en effet uniquement des responsabilités spéciales. Pour tel type de comportement, il y
aura des « aggravated damages », cas dans lequel le dommage subi est aggravé par
exemple en raison de l'atteinte portée à l'honneur, et pour d'autres, des « exemplary » ou
« punitive damages » qui sont accordés à côté, éventuellement, des dommages et
intérêts compensatoires proprement dits, afin de punir l'auteur du dommage et le
dissuader de recommencer319.
504.- Il semble que les punitive damages ont été mis en place dans les domaines où
la « réparation civile » était la seule « punition » de l'auteur du dommage. Il s'agissait
clairement d'intégrer dans la réparation, un élément répressif aux fins d'atteindre le
double objectif, réparer et « punir », qui sans cela n'aurait pas pu être atteint, du moins
avec la même efficacité.320
505.- L’institution de punitive damages permet aux victimes de se voir attribuer un
montant supérieur à la somme nécessaire pour dédommager ces dernières. Ces punitive
damages s’analysent donc comme des peines d’amende privées ayant pour objet d’une
part, de sanctionner un certain comportement qui apparaît comme déloyal et d’autre
part, de dissuader l’auteur de perpétrer son acte. Les dommages-intérêts punitifs
constituent une catégorie de dommages-intérêts qui vient s’ajouter aux dommages-
intérêts compensatoires. Les dommages-intérêts punitifs peuvent être plafonnés,
notamment en fonction d’un multiple des dommages-intérêts compensatoires, comme
c’est le cas des treble damages aux États-Unis.
319 R.SAINT-ESTEBEN, Pour ou contre les dommages punitifs, LPA 20 janv. 2005, n°14 320 Ibid.,
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
159
506.- Les punitive damages sont adaptés au cas de l’obsolescence programmée car
en plus de l’indemnisation que se verraient recevoir les victimes en raison du préjudice
qu’elles ont subi, les dommages et intérêts punitifs permettrait d’apporter un caractère
moralisateur à la réparation financière qui ont pour but d’inciter le professionnel à
changer son comportement. De plus, l’espérance de gains pour les victimes de
l’obsolescence programmée s’en trouve augmentée et les pertes que doivent redouter les
entreprises responsables sont corrélativement accrues. Les États-Unis privilégient ainsi
la finalité répressive, sanctionnatrice de l'action de responsabilité au delà de
l’indemnisation des victimes.
507.- L'un des domaines d'application privilégié des « dommages et intérêts punitifs
» semble précisément être le droit de la concurrence, en particulier en droit américain.
En effet, la section 4 du Clayton Act prévoit que la victime des pratiques
anticoncurrentielles peut obtenir à titre de dommages et intérêts trois fois le montant du
préjudice subi, les« treble damages », auxquels s'ajoutent les coûts du procès, y compris
le remboursement des frais d'avocats.
508.- Ces « punitive damages » et « treble damages » effraient les juristes français
qui se demandent si l'introduction en droit français d'une action de groupe n'aurait pas
pour conséquence automatique l'apparition d'une responsabilité punitive, crainte qui ne
semble pas justifiée321.
509.- Cependant, Monsieur le Professeur Daniel Mainguy considère que ce système
particulièrement adapté à la problématique de la class action, se révèlerait propice au
cas du dommage diffus car le préjudice ressenti par chaque consommateur est si minime
que l'indemnisation devient inutile, cependant, il paraitrait choquant que le
professionnel génère du profit de cette manière. Ainsi, une responsabilité civile à
finalité répressive apparaît donc fort opportune322. Cependant, en France, cela s’avérait
inutile et inadapté en raison de la finalité réparatrice de la responsabilité civile. Ainsi,
une faute légère peut causer un préjudice lourd et la victime ne serait pas indemnisée à
321 D. MAINGUY, L’introduction en droit français des class actions, LPA, 22 déc. 2005, n°254 322 Ibid.,
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
160
hauteur du dommage, en application des punitive damages, en admettant que cette
technique puisse conduire à réduire l'indemnité normalement due.323 L’introduction des
punitive damages imposerait donc de repenser le système de la responsabilité française.
510.- Outre l’institution des punitive damages, le mécanisme de la class action n'est
pas indissociable du système procédural de jury populaire dont, l'influence sur le succès
de class action est incontestable.
II- Le jury populaire, l’expression populaire favorable aux victimes
511.- Ce mécanisme juridique est indissociable du système américain, de ses
traditions, de ses pratiques, et de sa culture. L’institution du jury populaire, pierre
angulaire du système judiciaire américain, est inscrite dans l’article III de la
Constitution de 1789 et dans les Sixième et Septième Amendements de la Déclaration
des Droits (Bill of Rights) ratifiée en 1791. Il s'agit de l'expression du principe
d'autodétermination.
512.- En effet, aux États-Unis, la participation populaire ne se limite pas au simple
droit de vote. Il existe une méfiance des Américains envers le concept de volonté
générale, dès lors, la participation populaire se manifeste dans le cadre de chacun des
trois pouvoirs, dont le pouvoir judiciaire au sein duquel les magistrats sont d’ailleurs
élus au suffrage universel et le système de jury populaire est généralisé. En outre les
États-Unis disposent d'un système juridique issu de la tradition de common law. Le jury
populaire est donc une expression de la démocratie en matière de création du droit. Il
s'agit du principe de consentement préalable du peuple aux règles qui lui sont
applicables.
513.- En matière de class action le jury populaire apparaît comme un facteur de
réussite de l'action du groupe au niveau des plaignants. En effet, le jury peut statuer en
équité, mais encore il n'est pas tenu de motiver sa décision. Dans le cadre d’un procès 323 Ibid.,
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
161
intenté par les victimes de l’obsolescence programmée, la présence d’un jury populaire
amènerait à prendre en compte des arguments sociaux et moraux, ce qui est donc
forcément plus favorable aux consommateurs qu'au professionnel poursuivi.
514.- Ainsi, même si le jury populaire n'est pas impérieusement nécessaire, il
participe grandement au succès des actions de groupe. Il convient donc de se demander
s'il ne faudrait pas introduire un jury populaire en matière civile en même temps que
une class action à la française.
515.- L’environnement juridique américain accueillant la class action favorise donc
les victimes de l’obsolescence programmée et participe au succès de cette action de
groupe américaine. Cependant, l’intérêt d’une telle procédure réside dans le caractère
facilité de l’accès à la justice des consommateurs et a fortiori de leur indemnisation en
cas de succès de l’action.
SECTION II : L’ACCES A LA JUSTICE ET A L’INDEMNISATION DES
VICTIMES FACILITE
516.- La class action a une finalité sociale incontestable et notamment avec son
système opt out car cela permet un accès effectif à la justice à un grand nombre de
plaignants se trouvant dans la même situation que les représentants et ce dans le respect
d’une procédure qui reste soumise à un contrôle du juge (Paragraphe I). L’issue de la
Class action paraît favorable à la victime de l’obsolescence programmée car que ce soit
la transition ou un jugement, en cas de succès, une réparation effective lui sera accordée
(Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : UNE PROCEDURE CONTROLEE
517.- La class action joue un rôle social incontestable, reposant sur un équilibre
entre le respect des intérêts individuels des plaignants et la mise à disposition des
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
162
citoyens d’un instrument d’activisme judiciaire (I). De plus, le contrôle du juge des
différentes étapes de la Class action témoigne de la présence de « garde-fous »,
favorable aux consommateurs (II).
I- L’activisme judiciaire découlant de la class action
518.- Le champ d'application de cette procédure ne cesse de s'étendre. D'abord
instrument de lutte contre les discriminations raciales et sexuelles, la pratique des class
actions a progressivement gagné le droit des sociétés et les rapports entre actionnaires
(les « securities class actions »), puis le droit de la concurrence (les « anti-trust class
actions »). C'est plus récemment en matière de recours des consommateurs et de
responsabilité du fait des produits défectueux qu'elle a connu un grand développement.
519.- L’objectif affirmé des class actions est de permettre au plus grand nombre
d'accéder à la justice. Selon Walter Dellinger, avocat américain et professeur à Duke
University « L'idée de la class action a commencé lorsque nous avons réalisé que
souvent il y avait de très nombreuses personnes qui souffraient d'un faible, du même
faible préjudice. Si je fraude 10 dollars à un million de personnes, je ne dois pas
pouvoir penser que je ne serai pas poursuivi, parce qu'il ne s'agit que de 10 dollars par
personne. Par conséquent, s'il s'agit vraiment de la même question de droit, et que vous
pouvez résoudre tous ces litiges en un seul procès, c'est vraiment très efficace »324
520.- Face à la production et à la consommation de masse des produits et services,
les actions individuelles en justice des consommateurs deviennent anachroniques325.
L’accès à la justice constitue donc la pierre angulaire du système de la class action. En
effet, l’action permet aux victimes de litiges dont l’intérêt financier est faible et
disproportionné par rapport au coût d’une procédure judiciaire, de ne pas renoncer à
faire valoir leurs droits en justice.
324 The White House Press Secretary. President Participates in Class-Action Lawsuit Reform Conversation, 9 févr. 2005 : http://www.whitehouse.gov/news/releases/2005/02. 325 S. BRUNENGO-BASSO, L’émergence de l’action de groupe, processus de fertilisation croisée, PU Aix-Marseille, 2011, spéc. p. 142
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
163
521.- Les victimes de l’obsolescence programmée ne pourraient faire l’objet d’une
liste exhaustive, cependant, au vue des illustrations pratiques non limitatives
précédemment exposés, les biens concernés par l’obsolescence programmée sont divers
et peuvent consister aussi bien en un ordinateur portable d’une valeur de 500 euros,
qu’en une paire de bas en nylon d’une faible valeur. Ainsi, dans de nombreuses
hypothèses, le faible intérêt financier des victimes dissuade ces dernières d’intenter une
action en justice, les privant artificiellement de l’accès à la justice. C’est en ce sens que
la Class action poursuivant une finalité sociale, apparaît comme un remède à la
situation des victimes de l’obsolescence programmée.
522.- La consécration de cet accès à la justice par la class action permet également
de remédier à l’inégalité qui existe entre les demandeurs et le défendeur. En effet, les
consommateurs disposant de faibles ressources peuvent être placés sur un pied d’égalité
en quelque sorte par rapport à des entités économiques disposant de considérables
moyens financiers et de capacités judiciaires importantes.
523.- Madame Stéphanie Brunengo-Basso évoque l’activisme judiciaire engendré
par la Class action326. En effet, le système de l’opt out permet de doter les plaignants
d’un véritable pouvoir judiciaire, conférant ainsi à la Class action, un rôle social et
économique.
524.- Au delà des objectifs sociaux que semble remplir la class action, le
déroulement de celle-ci se fait dans sous un contrôle permanent du juge.
II- Une notification et certification sous contrôle judiciaire : la présence de « garde-
fous »
525.- La notification permet aux membres du groupe d’être informés de leurs droits
et particulièrement de mettre en œuvre leur droit d’option. Il convient de préciser que
cette obligation est d’ordre public et se justifie par le fait que les effets de la décision ou 326 Ibid., spéc. p. 140
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
164
de la transaction qui résultera de la procédure mettant en jeu l’action de groupe est
opposable à toutes les personnes rattachables à la catégorie alors même que celles-ci
n’ont pas été parties à l’instance.
526.- Le premier moyen de notification consiste à notifier de façon individuelle par
lettre recommandée avec accusé de réception à chaque personne pouvant être identifiée
et rattachée à la catégorie. Ces notifications individuelles concernent les personnes dont
le nom et l’adresse peuvent être identifiés moyennant un effort raisonnable du
demandeur selon la Cour Suprême des Etats-Unis.327 Dans certaines affaires, des notices
collectives complètent les notices individuelles, ce qui assure une publicité large de
l’action. Ainsi, dans l’affaire de l’agent orange, des notices furent diffusées par la
télévision, la radio, la presse ou encore par des lettre adressées aux gouverneurs des
Etats.328
527.- La notice avec droit de sortie doit être soumise à l’autorisation préalable du
juge avant envoi aux membres absents de la classe. Généralement rédigées par les
avocats des parties, elles peuvent faire l’objet de modifications par le juge. Ainsi, dans
l’affaire Greenfield c.Villager Industries Inc, le juge a modifié le délai pour exercer le
droit d’option initialement fixé à 30 jours, considéré comme trop court329. Le contrôle
du juge est donc favorable pour les plaignants absents dont les droits se verront ainsi
préservés.
528.- Dans certains cas, les coûts de la notice pourront être mis à la charge du
défendeur lorsque pour celui-ci, le coût apparaît moindre que pour le leader plaintif ou
même insignifiant notamment lorsque la procédure de la notice collective par voie de
presse, ou télévision entre dans ses activités. Le système de notification semble
répondre à la situation des victimes de l’obsolescence programmée dans le sens où
celle-ci étant contrôlée par le juge, permet une véritable publicité de l’action intentée.
327 Eisen ; 417 US 156, 94 S.Ct. 2140, 40 I.Ed. 2d. 732 (1974) 328 Re Agent orange product liability litigation, 818, F2d 145, 167-169 (2nd Cir., 1987) 329 Greenfield c.Villger Industries Inc, 438 F 2d 824, 836 (3d Cir 1973)
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
165
529.- La class action est une procédure qui possède un caractère dangereux pour les
droits individuels, elle est soumise à une procédure précise pour sa recevabilité. Une
procédure de certification est donc à la base de toute class action afin de déterminer si
celle-ci est recevable. Les tribunaux doivent s’interroger selon l’article 23 des Règles
fédérales de procédure civile, d’une part, sur l’existence d’une catégorie et d’autre part,
sur l’efficacité du mécanisme de l’action de groupe par rapport au litige qui leur est
soumis. La règle 23 exige que : « le groupe soit si nombreux que la procédure de
jonction des instances soit impossible ». Cette condition permet la satisfaction de deux
conditions, éviter la multiplication des actions individuelles et permettre l’accès au
prétoire d’un groupe de personnes dont les demandes demeurent de faible importance.
530.- Il convient de préciser que le nombre de personnes d’une catégorie dépend du
cas d’espèce. En effet, dans un arrêt, une catégorie a pu exister alors qu’elle rassemblait
uniquement vingt-cinq personnes. 330 Réciproquement, la class action ne doit pas
contenir un trop grand nombre de personnes auquel cas elle deviendrait ingérable et
perdrait son intérêt. Les tribunaux américains sont allés jusqu'à accepter des class
actions de 5 à 16 millions de personnes, cependant, dans un arrêt de 1983, une class
action fondée sur 60 millions de personnes n’a pas été considérée comme étant
recevable.331
531.- L’obsolescence programmée, comme il l’a été analysé, est une pratique
touchant des biens de consommation dont l’utilisation devient obligatoire de nos jours,
qu’il s’agisse de machine à laver ou d’ampoules. Ainsi, si toutes les victimes de
l’obsolescence programmée d’un seul fabricant devaient intenter une action en
réparation, un groupe suffisamment conséquent serait constitué.
532.- La règle 23 impose également qu’il doit exister des points de droit ou de fait
communs au groupe. Cette règle à des objectifs d’ordre économique et de sécurité
juridique en raison de l’uniformité des solutions judiciaires apportées aux personnes
dans la même situation. Dans le cadre de l’obsolescence programmée, les victimes se
330 Philadelphia Elec. Co v/ Anaconda Americain Brass Co., 43 F.R.D 331 Boshes vs. General Motors Corp. (Northern District Court of Illinois 1983).
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
166
plaignant tous de l’obsolescence d’un seul et même produit du même fabricant, cette
condition tenant au caractère commun des points de droit ou de fait semble remplie.
533.- La troisième condition dont les juges vont vérifier la satisfaction est
l’adéquation entre les demandes du représentant et celles du groupe. Cette exigence ne
peut apparaître que favorable à la class et donc aux victimes de l’obsolescence
programmée car l’argumentation du représentant sert les prétentions de tous les
membres du groupe. Les représentants doivent de plus protéger équitablement et
convenablement les intérêts du groupe selon la règle fédérale. Cette condition est
protectrice des membres de la class afin d’assurer une parfaite représentation et une
efficacité à la class action. Plusieurs facteurs seront pris en compte et notamment
l’absence de conflits d’intérêts entre le représentant et d’autres membres du groupe
d’une part, et entre le représentant et les conseils du défendeur et de la class d’autre
part.
534.- Concernant la qualité du représentant, les juges accordent de l’importance à la
diligence avec laquelle ce dernier pourra prendre en charge la procédure. Ainsi, le
représentant doit justifier d’une connaissance certaine du dossier, disposer de temps et
de ressources pour mener à bien sa mission et enfin répondre à des exigences tenant à
l’éthique ou à l’absence de passé judiciaire.
535.- Enfin, il existe une dernière condition tenant à la solvabilité du représentant
qui doit en principe, prendre en charge tous les frais de procédure. Cependant, le plus
souvent, c’est l’avocat en charge du dossier qui assumera le risque financier afférant à la
conduite de la procédure.
536.- Il existe un véritable contrôle de l’introduction de la class action par le juge,
les garde-fous existent donc en la matière car la class action est considérée comme une
pratique souvent dangereuse en plus de sa complexité et de sa lourdeur332. Ce système
332 A. GUIRAUD, L’introduction en droit français des class actions, (sous dir. D. MAINGUY) LPA, 22 déc. 2005, n°254
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
167
de contrôle, s’il s’avère contraignant, permet un filtre efficace. En effet, ce contrôle
empêche que soient engagées des procédures lourdes voués à l’échec et ainsi, préserve
les entreprises pouvant faire l’objet d’une class action de la susceptible atteinte à
l’image de leur marque. Si la class action est autorisée et pratiquée, un comportement
laxiste ne saurait être admis.
PARAGRAPHE II : L’ISSUE DE LA CLASS ACTION FAVORABLE AUX VICTIMES
DE L’OBSOLESCENCE PROGRAMMEE
537 .- L’issue de la procédure consiste soit dans une transaction soumise à
homologation judiciaire ou dans le règlement par un jugement sur le fond du droit.
538.- Dans l’hypothèse d’une transaction, les propositions que pourra établir la
société défenderesse sont diverses, répondant alors à la situation dommageable des
victimes de l’obsolescence programmée. En effet, cette dernière pourra se soumettre à
une injonction, verser une somme forfaitaire qui sera ensuite répartie par le représentant
entre les membres de la class, verser directement des indemnités à chacun des membres
de façon individuelle, leur distribuer des coupons de réduction etc… La transaction
devra faire l’objet d’une homologation judiciaire. A ce titre, il convient de préciser que
le contrôle des transactions a été renforcé par la réforme du 1er décembre 2003 et porte
sur plusieurs points.
539.- En premier lieu, le contrôle porte sur l’équité, l’adéquation et le caractère
raisonnable de la transaction. A ce titre, le juge peut solliciter l’avis de parties neutres
telles que les agences gouvernementales. Le juge vérifie que les intérêts individuels des
membres du groupe soient préservés et que les avocats ne tirent pas un bénéfice excessif
de l’action dans le cadre de leur honoraire de résultat. Afin d’obtenir l’homologation,
toutes les conditions de certification de la class doivent être remplies de la même
manière que si l’action allait être plaidée au fond. Les juges ont également la possibilité
de donner des indications sur les modifications à apporter à la transaction de nature à
permettre son homologation.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
168
540.- Le montant financier de la transaction est également pris en compte au regard
des chances de succès de l’action collective, de même que la notoriété et l’expérience
des avocats de la class afin d’apprécier leur maitrise du contentieux et l’avantage d’un
accord amiable. Enfin, l’homologation dépend également du caractère satisfaisant des
modalités de réparation accordée aux plaignants. C’est ainsi que dans l’affaire, Re
General Motors Corporation Pick Up Truck Fuel and Tank Products liability
litigation,333les coupons de réduction proposés aux plaignants n’ont pas été jugés
comme satisfaisant en raison du fait qu’ils ne procuraient aucune liquidité, ne réparaient
pas les risques potentiels des véhicules défectueux concernés. Le juge doit imposer par
la suite une notice sur la transaction à l’attention des plaignants visés par celle-ci.
541.- La réforme de 2003 a introduit la possibilité pour les plaignants absents de
critiquer l’équité, ou l’adéquation de la class. Une importance particulière est donc
accordée au comportement des membres de la class, l’adhésion massive des membres à
la transaction est déterminante pour l’homologation.
542.- Si la transaction a l’avantage de laisser aux parties une certaine liberté
notamment quant à la détermination de l’indemnisation que la société défenderesse
entend accorder aux plaignants et en l’occurrence, aux victimes de l’obsolescence
programmée, l’homologation de la transaction reste soumise à de nombreuses
conditions dont la satisfaction sera appréciée par le juge. Ce contrôle ne peut s’avérer
que favorable aux victimes donc les intérêts se verront préserver.
543.- Concernant l’indemnisation accordée aux membres de la class, celle-ci reste
l’élément significatif du système procédural américain et atteste ou non de l’efficacité
de la class action. La réparation collective a pour objectif de priver le défendeur du
bénéfice illicite qu’il a réalisé.
544.- L’évaluation de la réparation financière est complexe tant les choix sont
multiples, pouvant alors répondre aux diverses situations des plaignants. En effet, le
333 Re General Motors Corporation Pick Up Truck Fuel and Tank Products liability litigation, 55 F 3d 768 (3rd Cir 1995)
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
169
juge peut procéder à une évaluation des dommages individuels pour chaque membre du
groupe, l’issue de l’action devient alors individuelle. Les demandes d’indemnisation
doivent être présentées de façon individuelle. Dans une seconde hypothèse, le juge
évaluera le montant global à mettre à la charge du défendeur. Enfin, le juge pourra
procéder à une évaluation individuelle des réparations sans avoir recours à des actions
individuelles.
545.- Les jugements collectifs sur la réparation sont adaptés aux hypothèses dans
lesquelles le montant de l’indemnisation ne dépend pas d’informations à transmettre
pour chaque plaignant et lorsque le dommage causé par le défendeur peut être évalué
indépendamment du nombre de plaignants, au regard notamment du volume de produits
commercialisés par le défendeur. C’est ce mode de jugement collectif qui paraît être le
plus approprié à la pratique de l’obsolescence programmée car sera pris en
considération le nombre de produits vendus. Il est opportun à ce titre de citer l’action de
groupe intentée contre la marque Samsung. Un document de Samsung a révélé que 7,5
millions d’américains sont en possession de téléviseurs défectueux. La marque a
proposé un arrangement qui consistait à rembourser la réparation des téléviseurs à
hauteur de 300 dollars par téléviseurs, la justice américaine a approuvé l’accord.
546.- La réparation financière recouvre plusieurs situations. En effet, cela peut
consister dans la restitution de l’argent payé par erreur, (money had and receveid), des
réductions de prix ou des dommages punitifs. La distribution de la réparation pourra
être mise à la charge du défendeur qui devra répartir les fonds entre chaque plaignant,
elle peut encore être affectée à un fonds géré par un tiers partie ou non à la procédure.
La réparation pourra profiter à des tiers comme des associations caritatives étrangères à
la procédure lorsque les membres de la class sont difficiles à identifier par exemple, la
distribution de la réparation se fera donc de façon indirecte (réparation de type « Cy-
près »)
547.- Il existe une difficulté particulière lorsque les membres de la class ne sont pas
identifiables, ou lorsque certains chèques ne sont pas parvenus ou n’ont pas été
encaissés. La solution est alors d’allouer les sommes au représentant du groupe pour le
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
170
récompenser des efforts fournis et du risque financier assumé334. Les fonds peuvent
encore être alloués à des associations dans le cadre d’une technique de réparation « Cy-
près », être restitués au défendeur ou encore être appréhendés par l’Etat. Cette dernière
solution paraît satisfaisante si le reliquat est reversé à une association de consommateurs
par exemple.
548.- Au regard de la situation des victimes de l’obsolescence programmée, la class
action semble être opportune et notamment par les enjeux sociaux qu’elle défend. Outre
des avantages intrinsèques à la class action, le succès de celle-ci découle notamment de
certaines institutions du droit américain. Tous ces éléments favorables permettent de
regretter l’absence d’un tel procédé en droit interne.
Chapitre II : L’action de groupe, un procédé ignoré du droit interne
549.- La problématique tenant à l’introduction d’une action de groupe en France est
un sujet très controversé qui a déjà fait couler beaucoup d’encre. Une étude
supplémentaire des obstacles à l’introduction d’une telle action serait alors redondante
et quelque peu inutile. Il semble cependant opportun de s’intéresser aux travaux déjà
réalisés et qui sont restés vains et en déduire que seule une intervention européenne
serait susceptible de faire avancer les choses en droit interne (Section I). Néanmoins, au
delà de la possibilité ou non d’introduire l’action de groupe dans notre droit interne au
regard de certaines incompatibilités avec nos institutions juridiques, il paraît opportun
de se livrer à une étude prospective d’une telle action au regard des différents intérêts en
balance. (Section II).
334 Women’s Committe for Equal Employement Opportunity v.National Broadcasting Co., 76, F.R.D 173 (Southerm District Court of New York, 1977)
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
171
SECTION I : L’APPEL DU DROIT EUROPEEN FACE AUX RETICENCES
INTERNES
550.- Après un peu plus d'une décennie d'accalmie, le mouvement en faveur de la
création d'une véritable action de groupe française a été relancé à l'initiative du
Président de la République Jacques Chirac en 2003 et a donné lieu à de nombreuses
tentatives qui se sont retrouvées toutes infructueuses (Paragraphe I), ce qui laisse à
penser que l’introduction dans notre droit interne d’une action de groupe ne pourra se
faire qu’à l’aide d’une impulsion européenne (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : DE NOMBREUSES TENTATIVES INACHEVEES
551.- L’interrogation sur l’opportunité d’introduire la notion d’action de groupe en
droit français apparaît dès le début des années 1980 dans les débats politiques comme
dans les réflexions des experts du droit de la consommation par exemple en 1990, le
rapport de la commission pour la codification du droit de la consommation, présidée par
Monsieur le professeur Jean Calais-Auloy, chargée par le Premier ministre d’étudier la
création d’un code de la consommation, préconisait l’introduction en droit français de
l’action de groupe, accompagnée de la création d’un fonds d’aide aux consommateurs
chargé d’en assurer le financement.
552.- En 2003, Monsieur Luc Chatel, alors député qui s’était vu confier par le
Premier ministre une mission parlementaire sur l’information, la représentation et la
protection des consommateurs a remis en juillet 2003, un rapport intitulé « De la conso
méfiance à la conso confiance ». Ce rapport recommandait la mise en place d’un «
recours collectif soigneusement encadré », se référant notamment au système en vigueur
au Québec. Le rapport estimait, qu’il était « illusoire de croire que la France pourra
demeurer longtemps à l’écart d’un mouvement général qui touche de proche en proche
l’ensemble de nos voisins. »
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
172
553.- Par la suite, en janvier 2005, à l’occasion de ses vœux aux forces vives de la
Nation, Monsieur Jacques Chirac, Président de la République, a relancé le débat de
façon significative en demandant au Gouvernement de « proposer une modification de
la législation pour permettre à des groupes de consommateurs et à leurs associations
d’intenter des actions collectives contre des pratiques abusives rencontrées sur certains
marchés ».
554.- Cette demande présidentielle a donné lieu à la mise en place d’un groupe de
travail, en avril 2005, présidé par Monsieur Guillaume Cerutti, alors directeur général
de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, et Monsieur
Marc Guillaume, alors directeur des affaires civiles et du sceau. Composé de
représentants des consommateurs, des entreprises et des praticiens du droit, ce groupe
de travail n’est pas parvenu à émettre une position partagée sur la question qui lui était
soumise, se bornant à présenter dans son rapport, remis en décembre 2005, les
différentes pistes possibles d’évolution des modes de règlement des litiges de
consommation, allant de l’amélioration de l’action en représentation conjointe à
l’introduction de l’action de groupe.
555.- Plusieurs propositions de loi ont par la suite été déposées, et parfois discutées,
tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. La dernière étant de Monsieur Jean-Marc
Ayrault335 a été inscrite à l’ordre du jour du 15 octobre 2009 et rejetée par l’Assemblée
nationale. Le projet reposait sur le constat du caractère ineffectif des procédures
précédemment présentées par la majorité parlementaire et le gouvernement. L’objectif
est donc de favoriser la justice et l’apport de la proposition réside dans le renforcement
du rôle du fonds d’aide à l’action de groupe dont la création avait été envisagée par la
proposition de loi Chatel. La discussion de cette proposition avait néanmoins été
l’occasion pour le Gouvernement, représenté par M. Hervé Novelli, d’affirmer son
approbation du principe de l’action de groupe, sous un certain nombre de réserves et de
préalables.
335 Proposition de loi relative à la suppression du crédit revolving, à l’encadrement des crédits à la consommation et à la protection des consommateurs par l’action de groupe n° 1897, 2 septembre 2009.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
173
556.- La question de l’action de groupe apparaît donc comme un sujet récurrent de
l’initiative parlementaire et donc une préoccupation majeure des parlementaires. Les
initiatives dans ce domaine n’ont cependant pas été que parlementaires.
557.- En effet, en novembre 2006, le Gouvernement a déposé sur le bureau de
l’Assemblée nationale un projet de loi en faveur des consommateurs336, dont l’article 12
instituait une action de groupe. Faisant suite aux travaux du groupe de travail présidé
par MM. Cerutti et Guillaume, ce projet de loi constituait l’aboutissement de l’appel du
Président de la République de janvier 2005 à la mise en place d’une action de groupe en
droit français. Initialement inscrit à l’ordre du jour en février 2007 avant finalement
d’en être retiré, ce projet de loi n’a pas pu être examiné par l’Assemblée nationale avant
la fin de la législature, entraînant sa caducité du fait du changement de législature en
2007.
558.- Selon son exposé des motifs, ce projet de loi correspondait à un triple objectif
de la part du Gouvernement: permettre à des groupes de consommateurs d’intenter des
actions collectives pour obtenir réparation en cas de préjudice matériel de faible
montant résultant du manquement d’un professionnel à ses obligations contractuelles,
écarter tout risque de procédures abusives affectant la vie des entreprises et respecter les
principes de notre droit et de notre organisation judiciaire. La procédure retenue par ce
projet de loi constituait une solution de compromis, reposant sur une action en
déclaration de responsabilité pour préjudice de masse.
559.- Seules les associations de consommateurs agréées étaient en mesure
d’introduire l’action, qui ne devait concerner que les préjudices matériels subis du fait
d’un manquement d’un professionnel à ses obligations contractuelles. Le montant des
préjudices en cause devait être inférieur à un montant fixé par décret, dont le
Gouvernement avait indiqué qu’il pourrait être de 2 000 euros. La procédure prévue
s’ordonnait en deux temps, un jugement déclaratoire de responsabilité, fixant également
des mesures de publicité de nature à permettre aux consommateurs concernés de se
joindre à l’action, c’est-à-dire un système d’opt in , avant une phase de détermination 336 Projet de loi en faveur des consommateurs, n° 3430, 8 novembre 2006.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
174
des indemnités, d’abord dans le cadre d’un sursis à statuer ouvrant un dialogue
individuel entre les consommateurs et le professionnel, puis s’il y a lieu par décision du
juge en cas de proposition d’indemnisation jugée insuffisante ou de refus
d’indemnisation. Le texte prévoyait la spécialisation dans l’action de groupe de certains
tribunaux de grande instance.
560.- Dernièrement, la Commission des lois du Sénat a décidé de constituer en
octobre 2009 un groupe de travail ayant pour mission d’étudier l’opportunité de l’action
de groupe. Ont alors émergé 27 propositions. Le domaine de l’action est limité au seuls
litiges contractuels de consommation mais entendus au sens large comme incluant les
manquements au droit de la concurrence et aux règles de transparence prévues par le
droit financier et boursier. La réparation est uniquement financière mais sans limitation
de montant. Les associations de consommateur se voient accorder le monopole de la
représentation des victimes, cependant, un agrément renforcé devra leur être délivré. Un
système d’opt in est préféré car le juge déterminerait au cas par cas les modalités de
publicité permettant d’informer les victimes sur l’existence du recours et partant leur
permettant d’adhérer positivement à l’action. Sans être obligatoire, la médiation pourra
être proposée par le juge ou mise en œuvre par les parties. L’accord pourra le cas échant
faire l’objet d’une homologation par le juge.
561.- Un amendement a été adopté par la Commission des lois le 6 décembre 2011
sur la création d’une action de groupe fondée sur l’adhésion volontaire. Cet
amendement reprend la proposition de loi de Messieurs Béteille et Yung. Cet
amendement a été voté au Sénat cependant, Pour l'heure, reste à savoir si l'Assemblée
nationale maintiendra l'action de groupe lors de la deuxième lecture du texte. Il est
possible d’en douter selon Madame Elisabeth Flaicher-Manéval qui estime qu’il y a fort
à parier que les initiatives européennes se concrétiseront avant que la France ne se dote
de son propre dispositif de traitement des litiges de masse337.
337 E. FLAICHER-MANEVAL, Action de groupe, le rebond ? article disponible sur le site http://www.cms-bfl.com
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
175
562.- Le débat est susceptible d’être relancé avec plus de rigueur avec les dernières
déclarations de la Ministre de la Justice, Christiane Taubira, qui s’est prononcée pour la
création dans le droit français des « actions de groupe. »Disant vouloir « aller vers plus
de simplicité », la garde des Sceaux a « l'intention de permettre les actions de groupe :
cette procédure autorise les actions en justice à plusieurs pour que la réparation de petits
litiges soit effective ». Ce projet à construire ne devrait pas être finalisé avant le
printemps 2013, a précisé le porte-parole de la Chancellerie, Monsieur Pierre Rancé. Il
vise à « créer une procédure simple et efficace pour les victimes de petits litiges, pour
lesquels le préjudice est évident et qui ne nécessitent pas d'expertise, et pour lesquels la
justice pourra prendre une décision rapide ».
563.- Monsieur le Professeur Yves Picod et Madame Hélène Davo considérant que
l’impulsion pourrait venir de l’Union européenne,338 il convient ainsi d’analyser quelles
ont été les dernières initiatives européennes.
PARAGRAPHE II : LA POSSIBLE IMPULSION EUROPEENNE
564.- Depuis une quinzaine d'années, de nombreuses législations d'autres États
européens ont accueilli l'action de groupe, par exemple au Portugal en 1995 sous le nom
d'action populaire, en Angleterre et au Pays de Galles en 2000, en Suède en 2002, en
Allemagne, à titre expérimental dans le domaine de l'information financière, et aux
Pays-Bas en 2005 et en Italie en 2009. Les systèmes d’ opt in sont majoritaires en
Europe, limitant la décision d'indemnisation aux seules personnes ayant adhéré au
groupe.
565.- Une réflexion est engagée depuis plusieurs années par la Commission
européenne sur l'introduction d'une législation relative à l'action de groupe, dans
plusieurs domaines, reposant sur l'existence de litiges transfrontières en matière de
consommation et de concurrence. La possibilité d’une action collective des
consommateurs a été envisagée pour la première fois en 1984 dans une Communication 338 Y. PICOD et H. DAVO, Droit de la consommation, , 2ème Ed., Sirey, 2010, spéc. p. 392
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
176
de la Commission européenne.339 La Commission constatait alors que dans l’ensemble
des Etats de l’Union, la défense des consommateurs était réservée à des autorités
publiques ou à des associations habilitées et remplissant certains critères. Ainsi, face à
la diversité des différents systèmes juridiques au sein de l’Europe, la Commission en est
venu au constat qu’il était impossible de mettre en œuvre un système harmonisé de
recours collectif, étant entendu que cette expression recouvre les différentes actions
collectives notamment l’action de groupe.
566.- Cependant, depuis le livre vert sur la responsabilité du fait des produits
défectueux, la Commission s’oriente vers le choix de l’action de groupe s’agissant des
actions en réparation, outil envisagé comme le nouveau véhicule juridique de défense
des droits des consommateurs340. La direction antitrust de la Commission a donné une
impulsion à ce mouvement dans le cadre des livres vert et blanc sur la réparation des
dommages anticoncurrentiels.
567.- Dans un livre blanc présenté le 3 avril 2008341, la Commission part du constat
que tout dommage résultant d'une violation des règles communautaires sur les ententes
et abus de position dominante doit pouvoir trouver réparation auprès de celui qui a
causé le dommage. Or ce type de dommage ne reçoit en pratique que rarement
réparation. Cette initiative retient, entre autres, le principe de la conformité aux
traditions juridiques nationales et européennes car elle prévoit la combinaison de deux
mécanismes complémentaires. D'une part, des actions représentatives, intentées par des
entités qualifiées, par exemple des associations de défense des consommateurs, au nom
de victimes identifiées ou identifiables et, d'autre part, des actions collectives ouvertes
qui vont reposer sur une mise en commun dans le cadre d’une seule et même procédure
des demandes d’indemnisation individuelles des victimes identifiées, c'est-à-dire un
mécanisme d'« opt in ».
339 Memorandum from the Commission : Consumer Redress COM(84) 692, 12, 1984 340 S. BRUNENGO-BASSO, L’émergence de l’action de groupe, processus de fertilisation croisée, PU Aix-Marseille, 2011, spéc. p. 221 341 Livre blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et abus de position dominante, Bruxelles, le 2.4. 2008, COM (2008) 165 final
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
177
568.- Le commissaire à la concurrence Nelly Kroes a, à ce titre exprimé la volonté
de la Commission de développer une culture de la concurrence fondée sur le
développement des moyens incitant la mise en œuvre d’action en indemnisation de la
part des victimes des pratiques anti-concurrentielles342. Pour la Commission, « la justice
est le droit du plus faible », et en l’occurrence, les plus faibles sur le marché sont les
consommateurs et les petites entreprises.343
569.- Une seconde initiative se présente à un stade moins avancé, dans le domaine
de la réparation des préjudices subis par les consommateurs. En effet, la stratégie de la
Commission en matière de protection des consommateurs pour les années 2007-2013
tend vers la reconnaissance de mécanismes transfrontaliers des litiges et au
développement des actions collectives344. Un sondage réalisé en 2006 a particulièrement
influencé la Commission selon lequel 74% des européens seraient prêts à agir en justice
s’ils pouvaient se joindre à d’autres consommateurs souffrant du même préjudice345.
570.- Un livre vert a été publié par la Commission le 27 novembre 2008346,
évoquant entre autres la possibilité de créer une action de groupe. À ce stade, aucun
livre blanc n'a encore été présenté par la Commission pour faire suite à la consultation à
laquelle a donné lieu le livre vert. Dans sa réflexion, la Commission se concentre d’une
part sur l’amélioration des droits substantiels des consommateurs et d’autre part sur la
définition d’un cadre juridique mettant en place des règles de procédure uniformes
permettant aux consommateurs de régler les litiges nationaux mais aussi les litiges
transfrontaliers devant leurs juridictions nationales. Le livre vert expose des
propositions en matière d’amélioration de l’accès à la justice des consommateurs
reposant à la fois sur le mécanisme du recours collectif mais également sur le traitement
amiable des litiges. La Commission n’affirme pas sa position en faveur d’un seul outil
mais assure la diffusion dans toute l’Union des différents recours collectifs existants.
342 Ibid., spéc. 230 343 N.KROES, Damages actions for Breaches of EU Competition Rules : Realities and Potentials, Paris, 17 October 2005, article disponible sur le site http://www.courdecassation.fr 344 Communication COM (2007) 99 final, 13 mars 2007 de la commission au conseil, au parlement européen et au comité économique et social européen, 345 Eurobarometer Special Report 252, sondage disponible sur le site http://www.ec.europa.eu 346 Livre vert sur les recours collectifs en indemnisation des consommateurs, COM (2008), 794 final
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
178
571.- Dans ce livre vert, il est question d’améliorer l’accès à la justice d’une part
proposant en une limitation des frais de justice en les plafonnant par exemple et d’autre
part en proposant des pistes concrètes pour le financement des actions en représentation.
(action en représentation conjointe, intérêt ). Ces pistes consistent dans l’octroi d’une
part des indemnités allouées à l’organisation concernée, soit dans l’octroi de prêts par
des organismes privés tels que des banques ou des assurances ou encore dans la
mobilisation de fonds publics.
572.- Le livre vert émet également la proposition d’une procédure judiciaire de
recours collectif, et à ce titre, la Commission exprime clairement sa réticence quant au
système de l’opt out considéré comme favorisant les excès de procédure constatés dans
les pays non européens. Le système de l’opt out aurait pour conséquence néfaste une
difficile répartition de l’indemnité, en raison de difficultés quant à l’identification de
victimes. Cet inconvénient pourrait être comblé en permettant aux consommateurs de se
joindre à une action de groupe après que la décision a été rendue, dans une affaire type,
et en étendant les effets de l’arrêt à toutes les victimes et ce au sein d’une procédure opt
in.
573.- De nouvelles consultations ont été lancées par les commissaires avant de
passer à l'étape de l'élaboration de projets de directive. Plusieurs projets avancent de
concert en raison de règles différentes de compétence européenne : la compétence de la
Commission est exclusive en matière de concurrence, tandis que le principe de
subsidiarité s'impose dans les autres domaines tels que la consommation.
574.- La Commission européenne a lancé en février 2011 une consultation publique
ayant pour objet l’élaboration d’une approche cohérente des recours collectifs dans
l’Union européenne. Celle-ci a eu notamment pour objectif de recenser des principes
juridiques communs pour le cas où la Commission présenterait une initiative en matière
de recours collectifs, et de déterminer la manière dont ces principes pourraient s’insérer
dans l’ordre juridique de l’Union et les ordres juridiques de ses 27 États membres.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
179
575.- Suite à cette publication, plusieurs avis ont été rendus et notamment celui de
la Commission du marché intérieur et de la protection du consommateur le 12 octobre
2011 dans lequel, ladite Commission demande à la Commission de présenter des
mesures et éventuellement une proposition législative, établissant un mécanisme de
recours collectif cohérent au niveau de l'UE en matière de protection du consommateur,
applicable aux affaires transfrontalières, sur la base d'un ensemble de principes et de
garanties communs inspiré des traditions juridiques de l'UE et des ordres juridictionnels
des 27 États membres. Cependant, ce même avis souligne que, pour assurer l'efficacité
des recours collectifs et éviter les abus éventuels, l'approche de l'UE en matière de
recours collectifs doit se limiter aux actions représentatives engagées par les entités
dûment reconnues au niveau national. Cet avis demande à la Commission de définir, en
consultation avec les États membres, un ensemble commun de critères que les
associations de consommateurs doivent remplir afin de pouvoir ester en justice;
souligne qu'il doit incomber aux autorités nationales compétentes de s'assurer que les
associations de consommateurs remplissent ces critères.
576.- Ainsi, si la volonté communautaire d’améliorer l’accès à la justice des
consommateurs est manifeste, l’action de groupe semble néanmoins ne pas faire l’objet
d’une unité avérée à l’échelon européen et notamment au niveau des instances
communautaires ou un manque d’unité au niveau de la réflexion persiste, ce qui rend
difficile la réception de ce type de procédure en Europe.
577.- Cependant le droit antitrust paraît être un moteur de propositions assez
précises et notamment au niveau du cadre procédural de l’action de groupe alors qu’en
droit de la consommation, la réflexion demeure assez floue.
578.- Le système américain montre la voie d’une amélioration de l’accès à la justice
et d’une analyse judiciaire poussée de l’évaluation des dommages que l’Europe doit
reprendre à son compte selon Madame Stephanie Brunengo-Basso pour assurer une
réception efficace de ce type d’action judiciaire347.
347 S. BRUNENGO-BASSO, L’émergence de l’action de groupe, processus de fertilisation croisée, PU Aix-Marseille, 2011, spéc. p.240
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
180
579.- L’état des lieux du droit interne et du droit européen laissent sceptiques quant
à l’introduction prochaine d’une action de groupe, même si la volonté persiste telles
qu’en témoignent les différentes initiatives. Cependant, il serait judicieux de procéder à
une mise en balance des différents intérêts dans le cadre d’une étude prospective de
l’action de groupe afin de cerner réellement les finalités qu’une telle action recouvre.
SECTION II : ETUDE PROSPECTIVE DE L’ACTION DE GROUPE : LA MISE
EN BALANCE DES DIFFERENTS INTERETS
580.- Si l’introduction d’une action de groupe dans le droit français répond à des
objectifs socio-économiques non contestables, le principal étant l’accès effectif à la
justice (Paragraphe I), la protection des entreprises est également à prendre en compte
notamment dans le contexte de crise qui est le notre (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : L’ACTION DE GROUPE, LA POURSUITE D’OBJECTIFS SOCIO-
ECONOMIQUES
581.- L’absence d’action de groupe en droit français est souvent avancée comme
empêchant de facto la réparation des préjudices de faible montant subis par les
consommateurs, qui concernent des actes de la vie quotidienne, considérant qu’une
action individuelle serait trop coûteuse, en raison des frais occasionnés par une
procédure judiciaire, en particulier des frais d’avocat, au regard du montant attendu des
dommages et intérêts. En mutualisant le coût de l’action entre tous les consommateurs
lésés dans le cadre d’un préjudice de masse, l’action de groupe remédierait à cette «
désincitation » à agir.
582.- A ce titre, Madame le Professeur Marie-Anne Frison-Roche évoque la
nécessité d’accéder rapidement, économiquement et efficacement à un juge. 348 Il
348 M.-A. FRISON-ROCHE, Colloque CCIP et MEDEF, Faut-il ou non une class action à la française ?, 13 avril 2005
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
181
convient de rappeler que l’Etat a le devoir d’accorder une protection juridictionnelle à
tous, et ainsi, concrétiser le droit constitutionnel d’accès à la justice, qui ne doit pas être
un droit formel. Cette concrétisation du droit constitutionnel d’accès à la justice passe
notamment par l’octroi d’aides et de mises en œuvre de procédures rapides.
583.- Il paraît opportun alors de citer la décision n° 82-144 DC du 22 octobre 1982
sur la loi relative au développement des institutions représentatives du personnel dans
laquelle le Conseil constitutionnel a rappelé le principe selon lequel tout préjudice
mérite réparation, de sorte que la suppression de toute responsabilité est contraire à la
Constitution. La décision du Conseil constitutionnel s’applique certes à la loi, qui
organise la responsabilité, mais à l’évidence les circonstances matérielles ne sauraient
conduire à l’absence de facto de tout régime réel de responsabilité. Il serait possible de
considérer que les consommateurs ne disposent pas d’un droit au recours effectif pour
certains petits litiges dont le montant est trop faible pour que le coût de l’action civile
individuelle ne soit pas considéré comme exorbitant.
584.- Ainsi, un grand nombre de préjudices de faible montant sont ainsi
susceptibles de demeurer, en pratique, sans aucune réparation, tandis que la
responsabilité des professionnels concernés ne peut être réellement engagée.
585.- Madame le Professeur Marie-Anne Frison-Roche se concentre sur la finalité
que poursuivrait la class action dans le droit français qui serait d’éliminer du système un
comportement illégal ou illicite qui persiste. En effet, En raison de l’absence d’intérêt
financier à agir des consommateurs lésés, des comportements sources de préjudices sont
susceptibles de perdurer car ils ne sont pas contestés devant les tribunaux et par
conséquent ne sont pas sanctionnés. Alors que les préjudices individuels sont minimes,
les bénéfices qui en résultent pour les professionnels concernés peuvent être
conséquents.
586.- De plus, l’action de groupe la finalité d’écarter un comportement
préjudiciable en une seule fois, serait écarté dans toutes les situations concernées par ce
même comportement. L’action de groupe pourrait à ce titre être assimilée au recours
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
182
pour excès de pouvoir, élément essentiel du droit administratif français. En effet, dans le
cas où un plaignant remporte son action, la norme illégale va se trouver éliminée de
l’ensemble du système juridique. De son coté, le contentieux de la class action serait un
contentieux objectif, visant à obtenir des effets sur l’avenir car les entreprises seront
incitées à changer leur comportement, la class action aurait donc un effet disciplinaire. Ainsi, de par son caractère moralisateur, selon Madame le Professeur Marie-Anne
Frison-Roche, ce nouveau mécanisme pourrait avoir des effets positifs sur les clauses
contractuelles, sur l’obligation d’information, sur la mise en conformité des biens.
587.- En raison de l’absence d’intérêt financier à agir des consommateurs lésés, des
comportements préjudiciables de la part des professionnels persistent. Alors que les
préjudices individuels sont minimes, les bénéfices qu’en retirent les professionnels
concernés sont conséquents. Cette situation qui fausse les rapports d’équité dans les
relations économiques entre les professionnels et les consommateurs constitue une
anomalie pour le bon fonctionnement du marché et une asymétrie entre la demande et
l’offre. En effet, les professionnels, conscients de l’impossibilité d’agir des
consommateurs ne s’emploient pas à proposer des produits de meilleure qualité ou de
baisser leur prix.
588.- Cette situation altère donc la confiance des consommateurs dans l’économie
de marché qui est la notre. À cet égard, il convient de citer un avis rendu en 2006 sur la
possibilité de l’action de groupe349, le Conseil de la concurrence avait affirmé « Nul
doute que si l’on veut renforcer la confiance des consommateurs dans l’économie de
marché, encore fragile et parfois vacillante en France comme le montrent certaines
études récentes, il faut donner à ceux qui les représentent les moyens de pouvoir lutter
eux-mêmes, par les voies juridiques les plus appropriées, contre les dérives ou les abus
constatés sur les marchés et de permettre au consommateur individuel de toucher
concrètement les bénéfices d’une telle politique. »
349 Avis du 21 septembre 2006 du Conseil de la concurrence relatif à l’introduction de l’action de groupe en matière de pratiques anticoncurrentielles
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
183
589.- Dans les relations entre professionnels et consommateurs, l’existence de
l’action de groupe aurait un effet à la fois de réparation, pour mettre fin à des pratiques
abusives, et de prévention, en incitant les professionnels à veiller davantage à la qualité
des offres qu’ils présentent aux consommateurs, par la simple existence de la possible
menace du recours au juge en cas de pratiques massivement contestables. Cet effet
préventif serait plus dissuasif que celui qui résulte aujourd’hui des différentes actions
que les associations peuvent mener dans l’intérêt collectif des consommateurs, du fait
du risque de condamnation au versement d’importants dommages et intérêts. L’action
de groupe serait ainsi complémentaire de ces actions dans l’intérêt collectif.
590.- Faisant suite à la démonstration des arguments socio-économiques en faveur
de l’introduction de l’action de groupe au sein du droit interne, il paraît opportun de
s’attarder sur le contexte de crise dans lequel évoluent les entreprises afin d’évaluer les
conséquences que l’action aurait de groupe aurait sur celles-ci.
PARAGRAPHE II : LES CONSEQUENCES DE L’ACTION DE GROUPE SUR LES
ENTREPRISES DANS UN CONTEXTE DE CRISE
591.- Il convient de prendre en compte les sommes exorbitantes de certaines class
action afin d’émettre de façon logique quelques craintes quant aux conséquences que
ces actions pourraient avoir sur la survie des entreprises et donc a fortiori sur
l’économie en général. En effet, l’institut RAND a mené une étude qui a révélé que sur
dix affaires dans les années 1996-1998, la réparation allouée aux membres de la class
varie entre 1 et 800 millions de dollars350.
592.- Laurence Parisot, présidente du Medef, s’est par ailleurs vivement opposée au
projet d’autoriser les actions collectives de particuliers contre les entreprises auprès des
tribunaux. Pour le Medef comme pour la CGPME (Confédération Générale des Petites
et Moyennes Entreprises), les risques encourus par les entreprises seraient élevés. Ces
350 S. BRUNENGO-BASSO, L’émergence de l’action de groupe, processus de fertilisation croisée, PU Aix-Marseille, 2011, spéc. p.175
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
184
organisations mettent en avant le coût exorbitant des Class actions en s’appuyant sur
des études du Congrès américain selon lesquelles les class actions coûteraient 16,5
milliards d’euros aux entreprises françaises, soit un point de PIB par an351. Madame
Parisot estime que ces class actions constitueraient « un coup dur au moment où la
croissance a du mal à accrocher » et que « le droit français comporte un arsenal
spécifique suffisant pour faire face aux comportements illicites ».352 Pour la CGPME, il
est indéniable que « les PME pourraient, elles aussi, être soumises à des actions
collectives de consommateurs. Or, elles ne pourraient justifier des mêmes moyens de
défense, notamment financiers, que les grandes entreprises ».
593.- Cette affirmation est également confirmée par Monsieur Pierre Simon, ancien
Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris qui considère que si les
grandes entreprises sont situées en première ligne, les PME peuvent également être
fortement touchées. Or il convient de garder à l’esprit que celles-ci représentent 90 %
du tissu économique européen.353
594.- L’organisation patronale rappelle en outre que « la France dispose d’un droit
de la consommation particulièrement protecteur à l’égard du consommateur, avec une
multitude d’obligations à respecter. Aller plus loin ferait peser un risque mortel sur les
PME, en ouvrant la porte aux dérives déjà constatées aux Etats-Unis ».354
595.- De plus, les entreprises seraient confrontées à une hausse logique des primes
des compagnies d’assurance. En effet, la Fédération française des sociétés d’assurances
(FFSA) a estimé que l’introduction de l’action de groupe mènerait à l’augmentation
substantielle du montant des primes d’assurance de responsabilité civile des entreprises,
qui s’imputerait nécessairement in fine sur les coûts facturés aux consommateurs. Selon
les hypothèses retenues par la FFSA, l’action de groupe pourrait représenter 500 à 600
millions d’euros de charges supplémentaires de sinistre annuellement, pour un marché 351 Les class actions, une nouvelle menace pour l’entreprise, article disponible sur le site http://wwww.netp.me.fr 352 Ibid., 353 P.SIMON, Colloque CCIP et MEDEF, Faut-il ou non une class action à la française ?, 13 avril 2005 354 Les class actions, une nouvelle menace pour l’entreprise, article disponible sur le site http://wwww.netp.me.fr
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
185
de la responsabilité civile des entreprises qui représente 2,3 milliards d’euros à ce jour,
hors professions de santé et professions réglementées pour lesquelles il existe des
dispositifs spécifiques de responsabilité civile355.
596.- La compétitivité des entreprises françaises serait ainsi menacée par le risque
d’action de groupe et l’obligation de provision et d’indemnisation qui en résulterait pour
les entreprises les plus exposées à un pareil risque. Les entreprises peuvent donc
craindre davantage l’impact sur leur réputation, leurs finances et leur pérennité même
d’une action de groupe de grande ampleur à leur encontre. L’action de groupe au
service des consommateurs se transformerait en un handicap pour les entreprises
françaises
597.- La volonté d’introduire une action de groupe dans le droit français découle
Selon Madame le Professeur Marie-Anne Frison-Roche, de l’idée fausse de la soi-disant
domination du producteur sur le consommateur. Le client est pourtant maître du jeu
depuis bien longtemps. Les entreprises ne sont pas toutes puissantes. Elles sont très
sensibles à l’environnement juridique. Il faut donc savoir les protéger, en particulier
contre les attaques injustifiées. Sans cela, il est certain que l’emploi en pâtira.356.
598.- Cette crainte est actuellement renforcée par la vive aversion au risque propre
aux périodes de crise économique et d’incertitudes sur les perspectives d’avenir des
entreprises. En effet, les arguments contre l’introduction d’une action de groupe
évoquent la situation économique du pays. En effet, Monsieur le Professeur Jean-Paul
Betbeze fait référence à la faible croissance, au chômage, à la difficulté de valoriser nos
entreprises. 357 En effet, l’économie actuelle et les entreprises sont des sujets
hypersensibles face à une croissance de l’économie complexe voire impossible. Le taux
de chômage atteint plus de 10 % en France.
355 Rapport d ́information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale par le groupe de travail sur l'action de groupe, Par MM. Laurent BÉTEILLE et Richard YUNG disponible sur le site : http://www.senat.fr 356 M.-A. FRISON ROCHE, Colloque CCIP et MEDEF, Faut-il ou non une class action à la française ?, 13 avril 2005 357 J.-P. BETBEZE, Colloque CCIP et MEDEF, Faut-il ou non une class action à la française ?, 13 avril 2005
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
186
599.- Monsieur Xavier Fontanet se positionne quant à lui contre une juridisation de
l’économie et évoque pour cela le montant élevé des sommes en jeu358. En effet, les
juges disposent-ils de la bonne information économique, alors que la class action crée
ipso facto un contexte qui se révèle être plus favorable au demandeur, donc aux
consommateurs qu’au défenseur?
600.- Face à cette situation, Monsieur le Professeur Jean-Paul Betbeze préconise de
favoriser une « juste justice » et de prendre en compte les justes causes des
consommateurs et des actionnaires. Or selon ce dernier, la class action ne constitue pas
un outil servant une justice équitable et apparaît au contraire comme une violence
agissant contre l’économie et l’emploi. En effet, indépendamment de l’aboutissement de
l’action et de leur éventuelle condamnation, les entreprises craignent les effets sur leur
réputation et leur image auprès des consommateurs et des médias de la publicité
nécessaire à une action ayant pour objet de mettre en cause leur responsabilité et de
l’usage abusif qui pourrait être fait de cette publicité.
601.- C’est ainsi qu’il semble judicieux selon Monsieur le Professeur Jean-Paul
Betbeze de se concentrer sur une économie de partenariat, de confiance et de discussion
et notamment avec les associations de consommateurs, et rejeter l’idée d’une
« économie de chantage ».
602.- L’action de groupe peut également avoir un impact sur l’innovation et la
recherche. C’est l’exemple de l’industrie pharmaceutique qui est le plus souvent cité
dans les prises de positions des représentants du patronat. En effet, le risque de
contentieux en cas de dommage causé à un patient se chiffre sen million de dollars car
lorsqu’une entreprise veut lancer un nouveau médicament, des essais cliniques longs et
surtout très coûteux sont réalisés359. Ce coût potentiel augmente donc les frais engagés
dans la recherche et le développement qui résident principalement dans les essais
cliniques préalables à l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché des
358 X. FONTANET, Colloque CCIP et MEDEF, Faut-il ou non une class action à la française ?, 13 avril 2005 359 M. BON, La class action, et l’aile du papillon, article vendredi 14 avril 2006 disponible sur le site http://www.debateco.fr
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
187
médicaments. Le risque des actions et le cout éventuel des condamnations
paralyseraient indirectement les initiatives de recherche.
603.- Cependant, cet argument est difficile à prendre en compte concernant le
milieu médical car de façon logique, l’innovation ne saurait justifier l’inconscience et le
défaut de maitrise des risques que présentent les produits pharmaceutiques et
cosmétiques, car il est question ici de l’intégrité physique des consommateurs.
604.- En revanche, concernant les produits industriels le frein à l’innovation paraît
être un argument justifié. Il est possible de citer l’hypothèse de l’obsolescence
programmée par exemple. Si les effets néfastes de cette pratique sur les consommateurs
sont incontestables, en revanche, cela contribue au bon déroulement de l’économie de
marché dont le principe de la libre concurrence est un corollaire. Or, la libre
concurrence peut être appréhendée, comme l’exposent Monsieur le Professeur Daniel
Mainguy, Monsieur Malo Depincé et Monsieur Jean-Louis Respaud, comme « la fille
de la liberté du commerce, de la liberté contractuelle et de la reconnaissance du droit
de propriété »360. Ainsi, les entreprises sont libres de mettre sur le marché des biens
dont ils savent qu’ils vont devenir obsolètes par la sortie, quelques temps plus tard, d’un
bien comportant d’avantage de technologie. Encouragées par la société
d’hyperconsommation actuelle, et par leurs stratégies commerciales consistant à
encourager les consommateurs à remplacer leurs produits, les entreprises fournissent
donc des efforts qui vont contribuer à l’innovation. Afin de satisfaire les besoins des
consommateurs et surtout afin de maximiser leurs profits, les entreprises sont dans
l’obligation d’anticiper les envies des consommateurs et de créer des nouvelles
tendances.
360 D. MAINGUY, J.L RESPAUD et M. DEPINCE, Droit de la concurrence, Litec 2010
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
188
CONCLUSION TITRE II
605.- Au regard de la situation des victimes de l’obsolescence programmée, l’action
de groupe et notamment, le modèle de la Class action paraît être la solution appropriée.
En effet, l’accès à la justice et a fortiori à la réparation de leur préjudice est assuré d’une
part par l’environnement juridique américain et d’autre part le mécanisme lui même de
la Class action dans lequel le contrôle du juge semble omniprésent. Cependant, les
institutions propres au droit américain sont absentes de notre système juridique au
même titre que l’action de groupe à proprement parler et ce, malgré les tentatives qui
démontrent toutefois, une position favorable quant à celle-ci de certains acteurs
politiques et économiques. De plus, le droit européen et en particulier dans le domaine
du droit antitrust manifeste sa volonté quant à introduire une action de groupe
européenne nonobstant l’absence d’un projet unique. Cependant, il est possible de se
demander si la finalité sociale poursuivie par l’action de groupe justifie les
conséquences économiques non négligeables qu’elle aurait sur les entreprises dans un
contexte de crise économique.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
189
CONCLUSION PARTIE II
606.- Il est incontestable de noter l’évolution de la société en raison de facteurs
historiques et économiques divers tels que l’effet d’après guerre, le développement
d’une économie de marché et des échanges marchands incluant la libre circulation des
marchandises, le progrès technique et l’innovation. Ces facteurs ont eu une influence
sur le mode de consommation des citoyens qui semblent désormais dépendants de leurs
désirs, accentués par les stratégies maketing des entreprises. Il serait possible en effet de
constater que, certaines entreprises, paraissent favoriser la maximisation de leurs profits
adonnent au détriment parfois de l’éthique comme le démontrent le développement de
stratégies commerciales quelque peu déloyales à l’image de l’obsolescence programmée
et de certains programmes de compliance.
607.- Le droit interne quant à lui ne semble pas totalement répondre à cette
évolution, car les recours en justice qu’il institue paraissent quelque peu inadaptés à la
situation du consommateur victime de l’obsolescence programmée qui ne pourra agir de
façon individuelle et qui ne verra pas son préjudice réparé par les actions collectives des
associations de consommation. Découle ainsi la nécessité d’approfondir la
problématique tenant à l’introduction d’une action de groupe en droit interne
notamment sur le modèle américain qui semble offrir des avantages à la victime de
l’obsolescence. De plus, le droit européen et en particulier dans le domaine du droit
antitrust manifeste sa volonté quant à introduire une action de groupe européenne
nonobstant l’absence d’un projet unique.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
190
CONCLUSION GENERALE
608.- Cette étude éminemment théorique et prospective peut apparaître comme
un test, une évaluation générale du droit français, l’obsolescence programmée tenant
alors un rôle de témoin. En effet, sont analysés aussi bien les fondements à l’appui
d’une action juridique contre l’obsolescence programmée que la mise en œuvre de ses
actions.
609.- L’obsolescence programmée technique consiste en une fabrication
volontairement défectueuse, volontairement médiocre du produit qui va être mis sur le
marché. En effet, le fabricant va réaliser la conception de son produit avec des
composants dont il sait la qualité moyenne. Cette composition intentionnellement
déficiente a pour finalité de réduire la durée de vie du produit, ce qui va contraindre les
consommateurs à remplacer celui-ci. Cette pratique va donc avoir des conséquences sur
l’usage même du produit ainsi que sur le consentement du consommateur victime.
610.- Les fondements qui auraient le plus de chances d’aboutir sont donc : la
garantie des vices cachés découlant du Code civil, la garantie légale de conformité,
l’obligation d’information, les vices du consentement tenant à l’erreur et le dol, et enfin
le délit de tromperie.
611.- Cependant, cette analyse laisse entrevoir ce qui pourrait être considéré comme
les lacunes du droit interne. En premier lieu interviennent les difficultés probatoires
notamment au sein de la garantie des vices cachés auxquelles doit faire face le
consommateur moyen, qui en l’absence de compétences techniques, ne peut que s’en
remettre à une expertise. Le fardeau probatoire est également présent dans les
fondements mettant en œuvre l’analyse du for intérieur. En effet, la victime devra
procéder à la démonstration du comportement malhonnête du professionnel dans le
fondement de la tromperie et dans celui de la réticence dolosive, ou simplement que le
professionnel connaissait l’information qu’il n’a pas délivrée.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
191
612.- Si la psychologie du contractant est difficile à établir, la victime se heurtera
également à la difficulté de démontrer ses propres intentions et notamment les éléments
qu’elle a pris en considération lors de la conclusion du contrat, en l’absence bien sûr de
stipulations expresses. En effet, il paraitrait absurde de la part du consommateur
d’informer le professionnel, qu’il souhaite que le produit dont il fait l’acquisition soit
fabriquée de façon minutieuse. De plus, la durée d’utilisation ne peut non plus faire
l’objet de stipulation. D’une part, le consommateur n a pas assez de compétences
techniques pour déterminer, et ce même de façon approximative, la durée d’utilisation
des produits. D’autre part, cette durée est logiquement longue dans l’esprit du
consommateur, surtout dans le contexte économique actuel, afin de ne pas procéder à
des remplacements trop fréquents.
613.- Quant à la réparation mise en œuvre par les fondements, aucune sanction ne
semblerait pleinement satisfaire le consommateur. En effet, la victime de l’obsolescence
programmée se trouver lésée car le bien de consommation dont elle a fait l’acquisition
va être hors d’utilisation de façon anticipée par rapport à ce que celle-ci s’attendait.
Ainsi, l’obsolescence programmée concernant en particulier des biens dont l’utilisation
est quotidienne, l’octroie de simples dommages et intérêts ne sauraient combler
pleinement le consommateur qui cherche avant tout à posséder un appareil en bon état
de marche et ce pour une durée d’utilisation considérable. De plus, il est des fondements
qui ne proposent pas l’octroie de dommages et intérêts comme unique sanction, c’est le
cas de l’erreur et du dol. Dans cette hypothèse, les dommages et intérêts ne seront
accordés uniquement lorsque le consommateur pourra justifier d’un préjudice qui ne
peut être comblé par les éventuelles restitutions découlant soit de l’annulation du
contrat, soit de l’action rédhibitoire.
614.- Outre la problématique tenant au fondement juridique, l’étude du traitement
juridique de l’obsolescence programmée pose une question d’ordre processuel qui est
bien sûr l’accès à la justice. Le dommage subit par la victime de l’obsolescence
programmée dont elle entend obtenir réparation est bien sur inférieur aux frais
découlant de l’action en justice menée individuellement. Cependant, les actions
ouvertes aux associations de consommateur ne rapportent aucun dédommagement
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
192
matériel à la victime, mis à part la satisfaction tenant à une susceptible condamnation
pénale de l’entreprise et donc un possible changement de comportement même si cela
ne relève que de l’espoir.
615.- L’introduction d’une action de groupe est donc la solution à laquelle il est
toujours fait référence en matière de préjudice de masse. Bien sûr, le modèle de la Class
action, outre les nombreux avantages que cette procédure présente pour les victimes de
l’obsolescence programmée, révèle en pratique de nombreuses dérives dues notamment
au système de l’opt out, aux honoraires des avocats ou du montant exorbitant des
sommes allouées aux plaignants. De nombreux obstacles ont été plus d’une fois
analysés par la doctrine tenant entre autres à la prohibition des arrêts de règlement, au
respect de la fameuse maxime « nul ne plaide par procureur ». Cependant, et comme
l’ont démontré certains auteurs, ces obstacles ne sont pas insurmontables.361 Ainsi, le
véritable problème n’est pas celui de l’incompatibilité de l’action de groupe avec nos
mécanismes juridiques mais de savoir si les modifications apportées à nos institutions
juridiques nécessaires à l’introduction d’une action de groupe en valent la chandelle.
Cette question exige une véritable confrontation des finalités de l’action de groupe aux
conséquences néfastes de celle-ci. Ces dernières répercussions concernent
principalement l’économie des entreprises qui, face au montant exorbitant de certaines
condamnations et ce, dans un contexte de crise économique. Cependant, ce contexte ne
doit pas non plus apparaître comme permettant aux entreprises d’avoir des
comportements déloyaux envers les consommateurs qui ne seront pas sanctionnés. En
conséquence, l'introduction d'une Class action en droit français pose de nombreuses
problématiques dont la principale étant peut être celle formulée par Monsieur le
Professeur Daniel Mainguy : le souci de protection du consommateur justifie-t-il de
risquer la survie de certaines entreprises ?362
361 V° notamment CABALLERO Francis, Plaidons par procureur ! De l’archaïsme procédural à l’action de groupe, RTD civ. 1985, p. 252, no 5 ; D. MAINGUY, L’introduction en droit français des class actions, LPA 22 déc. 2005, n° 254 ; S. GINCHARD, Une class action à la française ?, D. 2005, p. 2180 362 D. MAINGUY, L’introduction en droit français des class actions, LPA 22 déc. 2005, n° 254
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P. CHAUVEL, Rép. Civ. Dalloz, V° Dol C. COLLARD, - Conformité réglementaire et performance de l'entreprise : la vision des acteurs . - (Regards croisés de directeurs juridiques et de compliance officers), CDE, n°6, nov. 2006 - La conformité réglementaire et les « programmes de compliance », CDE n°2, mars 2010 G. JAHAN, Doit-on importer les class actions en France pour mieux défendre le consommateur ?, Gaz. Pal., 19 oct. 2006 J. FRANCK Pour une véritable réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs, Mélanges Calais Auloy, Dalloz, p. 409 J.-L. GAFFARD, Innovation et concurrence, retour sur les fondements des politiques anti-trust, Conc. consom, Janv-Fév. 1995, p. 18 P.-Y. GAUTIER, Valse-hésitation de la Cour de cassation sur l'option de l'acheteur en cas de vice caché : l'inutile et le droit (suite), RTD.Civ 1999, p. 127 A.-M. GAVARD-GILLES, Celui qui accepte de donner des renseignements a lui-même l'obligation de s'informer pour informer en connaissance de cause, D. 1995, p. 499 J. GHESTIN, Rép. Civ, Dalloz, V° L’erreur H. GROUTEL, Le devoir de conseil in Le devoir de conseil en assurance vie, RD Bancaire et bourse jan-févr. 1999, suppl. Ingénierie patrimoniale, p.4 S. GUINCHARD, Une class action à la française ?, D. 2005, p. 2180 X. GUIZOT, La conformité réglementaire et les « programmes de compliance », CDE, mars 2010, n°2 F. LABARTHE, Droit des obligations, JCP G n°48, 27 novembre 2002 C. LARROUMET, D. 1981, IR, 445 Note sous Cass. com., 25 fév. 1981, Bull. civ., IV, n° 111 N. LEBLOND, Moyens d'action des consommateurs et riposte des professionnels,J.CL.-Concurrence-Consommation, fasc. 1210
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M. LIPSKIER, Les entreprises peuvent-elles profiter de l'introduction des class actions en droit français ?, JCP E, 5 mai 2005, n°18 D. MAINGUY,
- Propos dissidents sur certains aspects de la vente et des garanties dans la vente des biens de consommation : JCP G 2002, I, 183
- L'ordonnance du 17 février 2005 sur la garantie de conformité : aux regrets s'ajoutent les regrets, RDC 1er juil. 2005, n°3 p. 947
- L’introduction en droit français des class actions, LPA, 22 déc. 2005, n°254` M. MARTIN et J. MARTIN, L’action collective, JCP 1984, I, 3162 M. MARTIN, L’action en représentation conjointe des consommateurs, JCP 1994, I, 3756 L. MARTINET et A. du CHASTEL, Du retour de l’action de groupe et du mythe de Sisyphe, LPA, 10 mars 2009, n°49 P. MATTIL et V. DESOUTTER, Le recours collectif européen. État de situation . - Le recours collectif européen sous la perspective des droits communautaire et comparé, RDBF, n°4, juillet 2008 S. MAZEAUD-LEVENEUR, Vente commerciale - Garantie des vices cachés- J.-Cl. Contrats-Distribution, fasc 330, J. MESTRE et B. FAGES, Mais une nouvelle avancée probatoire pour l'acheteur déçu, à mi-chemin entre l'obligation de renseignement et la réticence dolosive, RTD. Civ 2003, p. 84 P. PEDROT et F. KERNALEGUEN, Consommation – Procédures amiables de règlement des litiges, J.-CL. Concurrence-consommation, fasc 1230, B. PETIT et S. ROUXEL, Contrats et obligations . - obligation d'information : J.-Cl. Civil, Art. 1136 à 1145 B. PETIT et S. ROUXEL, Contrats et obligations – Erreur : J.-Cl. Civil, Art. 1110 B. PETIT et S. ROUXEL, Contrats et obligations – Dol : J.-CL. Civil, Art. 1116
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- De la conformité réglementaire à la performance : pour une approche multidimensionnelle du risque juridique, CDE, nov. 2009, n°6
- Analyse des codes éthiques des sociétés du CAC 40 . - Un vecteur d'intégration de la norme juridique par les acteurs de l'entreprise, CDE, sept. 2011, n°5
G. ROUJOU DE BOUBEE
- L'application de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications suppose l'existence d'un contrat ou d'un acte à titre onéreux, D. 1994, p. 158
- Fraudes : définition de l'appellation truite saumonée, D. 1990, p. 361 R. SAINT-ESTEBEN, Pour ou contre les dommages punitifs, LPA 20 janv. 2005, n°14 R. SAINTE FARE GARNOT, La conformité réglementaire et les « programmes de compliance », CDE, n°2, mars 2010 O. TOURNAFOND
- Réticence dolosive du vendeur et violation de l'obligation de renseignement, D. 1992, p. 196
- La distinction entre vice caché et défaut de conformité de la chose vendue, D. 1993. p. 239
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J.-J. UETTWILLER, De nouveaux instruments juridiques au service des entreprises : acte d'avocat et procédure participative, CDE, nov. 2011, n°6 P. VEAUX-FOURNERIE et D. VEAUX, Choix des actions de l’acheteur J.-Cl. Contrats-Distribution, fasc. 395 E. VERNY, Fraudes : tromperies et falsifications, J.-CL. Concurrence-consommation, fasc 1010 VII- TABLE CHRONOLOGIQUE DES DECISIONS, ARRETS ET JUGEMENTS
A- JURIDICTIONS INTERNATIONALES
1. Juridictions américaines
a- Cour Suprême
- Supreme Tribe of Ben-Hur v. Cauble, 255 U.S 356, 41 S.Ct. 338 (1921) - Hansberry v.Lee 311 U.S. 32, 61 S.Ct 115 (1940) - Snyder vs. Harris (United States Supreme Court 1969) - Daar v/ Yellow Cab, 433 P. 2d 732 (California Supreme Court, 1967). - Eisen ; 417 US 156, 94 S.Ct. 2140, 40 I.Ed. 2d. 732 (1974) - Zhan vs. International Paper Co.(United States Supreme Court , 1973). - Alieska Pipe line Services vs. Wilderness Society (United States Supreme Court,
1975). - 457, US, 147, 159, 102, S. Ct 2364 (1982)
b- Cours d’appel
- Greenfield c.Villger Industries Inc, 438 F 2d 824, 836 (3d Cir 1973) - Re Agent orange product liability litigation, 818, F2d 145, 167-169 (2nd Cir.,
1987) - Re General Motors Corporation Pick Up Truck Fuel and Tank Products liability
litigation, 55 F 3d 768 (3rd Cir 1995)
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c- Tribunaux d’instance
- Women’s Committe for Equal Employement Opportunity v.National Broadcasting Co., 76 F.R.D 173 (Southerm District Court of New York, 1977)
- Boshes vs. General Motors Corp. (Northern District Court of Illinois 1983).
B- JURIDICTIONS ET AUTORITES COMMUNAUTAIRE
1- Juridictions communautaires Cour de justice de l’Union européenne
CJCE 24 jan 1991, SA Alsthom Atlantique c/ SA Compagnie de construction mécanique Sulzer et autre Rec CJCE 1991 I-00107
2- Autorités communautaires
a. Décision de la Commission
- Décision Commission européenne du 12 novembre 2008 (Affaire COMP/C-3/37.990 — Intel) JOUE n°C 227
- Décision 97/640/CE du 22 septembre 1997, JOCE n° L 272 du 4 octobre 1997
b. Communications, communiqués et documents de travail de la Commission
- Recommandation de la Commission du 4 avril 2001 relative aux principes applicables aux organes extrajudiciaires chargés de la résolution consensuelle des litiges de consommation, JOCE n°L 109 du 4 avril 2001, p.56
- Communication COM (2007) 99 final, 13 mars 2007 de la commission au conseil, au parlement européen et au comité économique et social européen,
- Livre vert sur les recours collectifs en indemnisation des consommateurs, COM (2008), 794 final
- Livre blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et abus de position dominante, Bruxelles, le 2.4. 2008, COM (2008) 165 final
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- Livre vert sur les garanties des biens de consommation et les services après vente présenté par la Commission, disponible sur le site htttp://europa.eu
- Eurobarometer Special Report 252, sondage disponible sur le site http://www.ec.europa.eu
C- JURIDICTIONS, AUTORITES INTERNES
1- Juridictions internes
a. Conseil constitutionnel Cons. Const. déc. n° 81-132 DC du 16 janv. 1982, Loi de nationalisation
b. Juridictions judiciaires
COUR DE CASSATION Assemblée plénière
- Ass. plén. 24 oct. 2006, Bull. ass. plén., n°13 - Ass. plén. Sté MPI c/UAP, 7 fév. 1986, D. 1986, p. 23
Chambre des requêtes
- Cass. req., 14 juill. 1862 : DP 1862, 1, p. 429 ; S. 1862, 1, p. 849. - Cass. req., 1er mars, 1899 D.P. 1899.I.247
Chambre commerciale
- Cass. com., 10 juill. 1956, Bull. civ., 1956, III, n°220 - Cass. com. 18 juill. 1956, Bull. civ., 1956, III, n°220 - Cass. com., 1er déc. 1964, Bull. civ., 1964 III, n° 532 - Cass. com., 11 fév. 1966, Bull. civ., 1966, III, n°109 - Cass. com., 20 avr. 1970, Bull. civ., 1970, IV, n°125 - Cass. com., 27 avr. 1971, Bull. civ., 1971, IV, n° 117 - Cass. com., 12 nov. 1973, Bull. civ., 1973, IV, n°345 - Cass. com., 30 mars 1978, Gaz. Pal. 1978, 2. Somm. p. 293
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- Cass. com., 4 juin 1980, Bull. civ., 1980, IV, n° 239 - Cass. com., 25 fév. 1981, Bull. civ., 1981, IV, n° 111 - Cass. com., 3 déc. 1985, Bull. civ. 1985, IV, n° 284 - Cass. com., 14 mars 1989, Bull. civ., 1989, IV, n° 89 - Cass. com., 5 déc. 1989, Bull. civ., 1989, IV, n° 306. - Cass. com., 1er déc. 1992, Bull. civ., 1992 IV n° 389 - Cass. com., 25 mai 1993, Bull. civ., 1993, IV, n° 211 - Cass. com., 26 avr. 1994, Bull. civ., 1994 IV, n°159 - Cass. com, 11 mars 1997, n°95-87.853 - Cass. com., 22 avr. 1997, n°95-11.153 - Cass. com., 11 mai 1999 : JCP E 1999, p. 1731, note D. Legeais - Cass. com., 15 juin 1999, n° 97-13.388 : JurisDatn° 1999-002558 - Cass. com., 8 juill. 2003, Bull. civ., 2003, IV, n°134 - Cass. com., 28 septembre 2004, n°02-20.142 - Cass. com., 4 janv. 2005, n° 03-16.790 : JurisData n° 2005-026397 - Cass. com., 28 juin 2005, Bull. civ., 2005, IV, n° 140
Chambres civiles
- Cass. civ. 24 juin 1867, S. 1867. 1. 393 - Cass. civ., 18 janvier 1905, D.P. 1908.1.27 - Cass. civ., 21 nov. 1911, D. 1913.1.249 - Cass. civ., 28 janv. 1913, S. 1913.I.487 - Cass. civ., 4 mars 1913, D.P. 1913.1.321 - Ch. Réun., 5 avr. 1913, D.P. 1914.1.65 - Ch. réun., 15 juin 1923, D.P. 1924.1.153 - Cass. civ., 30 mai 1927s - Cass. 1ère civ. 27 avr. 1953, D. 1953. 440 - Cass. 1ère civ., 27 févr. 1957, Bull. civ. 1957, I, n°104 - Cass. 1ère civ., 19 mai 1958 : Bull. civ., 1958, I, n° 198 - Cass. 1ère civ., 19 mai 1958, Bull. Civ., I, n°251 - Cass. 1ère civ., 28 oct. 1964, Bull. civ., 1964, I, n°477 - Cass. 3ème civ., 29 nov. 1968 : Gaz. Pal. 1969, 1, p. 63 - Cass. 3ème civ., 6 nov. 1970, n° 69-11.665 - Cass. 3ème civ., 15 jan. 1971, Bull. civ., 1971,III, n°38 - Cass. 1ère civ., 26 janv. 1972, Bull. civ., I n°32 - Cass. 3ème civ., 24 oct. 1972 : Bull. civ.,1972, III, n° 543 - Cass. 1ère civ., 31 janv. 1973, Bull. civ., 1973, I, n°40 - Cass. 1ère civ., 15 janv. 1976, Bull. civ., 1976, I, n°22 - Cass. 1èr civ., 19 janv. 1977, Bull. civ., 1977 I n° 40 - Cass. 1ère civ., 18 janv. 1978, Bull. civ., 1978, I, n°22 - Cass. 1ère civ., 11 juin 1980, Bull. civ., 1980, I, n° 185
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- Cass. 1èreciv., 11 juin 1980 : Bull. civ. 1980, I, n° 186, - Cass. 3ème civ., 9 juill. 1980, Gaz. Pal. 1980. 2, somm. 580 - Cass. 3ème civ., 3 fév. 1981, n° 79-13.774, Bull. civ., III n°22 - Cass. 3ème civ., 7 janv. 1982, Bull. civ., 1982, III, n°5 - Cass. 1re civ., 8 févr. 1984 : Bull. civ., 1984, I, n° 56 - Cass. 1ère civ., 16 janv. 1985, Bull. civ., 1985 I n°. 25 p. 26 - Cass. 1ère civ., 27 fév.1985, Bull. civ., 1985, I, n°82 - Cass. 1ère civ., 23 avr. 1985 : D. 1985, jurispr. p. 558, - Cass. 1ère civ., 19 juin 1985, n° 84-10.934 - Cass. 1ère civ., 3 juill. 1985 : Bull. civ., 1985, I, n° 211 - Cass. 3ème civ., 23 avr. 1986, n° 84-14.310 : JurisData n° 1986-000771 - Cass. 3ème civ., 25 fév. 1987, n° 85-13.654 - Cass. 1ère civ., 23 juin 1987, n° 86-10.033 - Cass. 1ère civ., 1er déc. 1987, Bull. civ., 1987, I n°325 - Cass. 1ère civ., 24 fév. 1988, Gazette du Palais., 1988, Pan ,143 : - Cass. 1ère civ., 1er mars 1988, Bull. civ., 1988, I, n° 56 - Cass. 3ème civ., 13 mai 1998 : Juris-Data n° 1998-002247 - Cass. 3èmeciv. 18 mai 1988, Bull. civ., 1989III, no 96 - Cass. 3ème civ., 25 janv. 1989, Bull. civ., 1989, III, n° 23 - Cass. 1ère civ., 20 mars 1989, Bull. civ., 1989, I n° 140 - Cass. 1ère civ., 18 mai 1989, Bull. civ., 1989, I, n°206 - Cass. 1ère civ., 28 juin 1989, Bull. civ., I, n°268 - Cass. 3ème civ., 7 mars 1990, Bull. civ., 1990, III, n°72 - Cass. 1ère civ., 4 avr. 1991, Bull. civ., 1991, I, n°131 - Cass. 1ère civ., 16 avr. 1991, Bull. civ., 19991, I, n°145, - Cass. 1ère civ, 19 mars 1991, Bull. civ., 1991, I, n°101 - Cass. 3ème civ., 27mars 1991, n° 88-11.410 - Cass. 1ère civ., 14 mai 1991, Bull. civ., 1991, I, n°153 - Cass. 1ère civ., 11 juin 1991, Bull. civ., 1991 I n° 201 - Cass. 1ère civ., 2 juill. 1991, Bull. civ., 1991, I, n°228 - Cass. 3ème., 23 oct. 1991, Bull. civ., 1991 III, n° 249 - Cass. 3ème civ., 4 jan. 1991, n° 89-13.473 - Cass. 1ère civ., 1er déc. 1992, Bull. civ., 1992 I, n°391 - Cass. 1ère civ., 5 mai 1993, n° 90-18.331 - Cass. 3ème civ., 21 juill. 1993, Bull. civ., 1993, III, n° 117 - Cass. 2ème civ., 19 oct. 1994, D. 1995, jurispr. p. 499, note A.-M. GAVARD-
GILLES - Cass. 1ère civ., 7 juin 1995, Bull. civ., 1995 I, n°250 - Cass. 1ère civ., 7 nov. 1995, Bull. civ., I 1995, n° 401, - Cass. 1ère civ., 5 déc. 1995, Bull. civ., 1995, I, n° 453 - Cass. 3ème civ., 20 mars 1996, n° 94-14.761 - Cass. 1ère civ., 14 mai 1996, Bull. civ., 1996 I, n°213
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- Cass. 2ème civ., 19 juin 1996, Bull. civ., 1996, II, n°16 - Cass. 1ère civ., 3 mars 1998, Bull. civ., 1998, I, n°95 - Cass. 1ère civ., 3 juin 1998, Bull. civ., 1998, I, n°198 - Cass. 1ère civ., 9 juin 1998, Bull. civ., 1998, I, n°205 - Cass. 1ère civ., 6 oct. 1998, n° 96-14.660 - Cass. 1ère civ., 25 févr. 1997 : Bull. civ., 1997, I, n° 75 - Cass.1ère civ., 22 avr. 1997, Bull. civ., 1997, I, n°129 - Cass. 1ère civ., 2 déc. 1997, Bull. civ., 1997, I, n°351 - Cass. 1ère civ., 31 mars 1998, n° 96-14.610 - Cass. 1ère civ., 15 déc. 1998 : Bull. civ., 1998, I, n° 366 - Cass. 1ère civ., 12 janv. 1999 : JCP G 1999, IV, 1410 - Cass. 1ère civ., 9 mars 1999 : Juris-Data n° 1999-001128 - Cass. 1ère civ., 4 mai 1999, Bull. civ., 1999, I, n°147 - Cass. 1ère civ., 5 oct. 1999, n° 97-17.559 - Cass. 2ème civ., 28 oct. 1999, n° 96-22.169 - Cass. 3ème civ., 8 juin 2000, n° 98-18.966 - Cass. 1ère civ., 7 nov. 2000, n° 98-13.432 - Cass. 1ère civ., 15 mai 2002, Bull. civ., 2002, I n° 132, p. 101 - Cass. civ 1ère, 23 sept. 2003, Bull, civ., 2003, I n° 188 - Cass. 3ème civ., 4 févr.2004, JCP éd. N 2004, 1296, note N. Vignon-Barrault - Cass. 1ère civ., 9 mars 2004 : JurisDatan° 2004-022720 - Cass. 1ère civ., 1er févr. 2005 : JurisData n° 2005-026740 - Cass. 1ère civ., 1er févr. 2005, Bull. civ., 2005, I, n° 59 - Cass. 3ème civ., 26 oct. 2005, n° 04-15.354 - Cass. 1ère civ., 30 mai 2006, Bull. civ., 2006, I, n° 280 - Cass. 1ère civ., 12 juill. 2007, n° 05-10.435 - Cass. 1ère civ., 28 mai 2009, n° 08-14.421 - Cass. 1ère civ., 4 juin 2009, Bull. civ. 2009, I, n°119
Chambre criminelle
- Cass. Crim., 17 juill. 1857, S. 1857. 1. 709 - Cass. crim., 20 décembre 1907, Bull. crim., n° 512 - Cass. crim., 9 mai 1908, DP 1909. 1. 133 - Cass. crim., 3 mai 1974, Bull. crim., n° 157 - Cass. crim., 12 févr. 1975, n° 74-90.600 - Cass. crim., 5 déc. 1977, Bull. crim., n° 382 - Cass. crim., 8 mars 1990, Bull. crim., 1990, n° 111 - Cass. crim., 17 oct. 1991, n° 90-83.933 - Cass. crim., 3 nov. 1993,n° 90-84.448 - Cass. crim., 8 févr. 1995, , n° 93-80-811 - Cass. crim., 30 juin 1995, Cont.Conc.Cons 1995, n°119, note G. RAYMOND
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- Cass. crim., 24 juin 1997 : JurisData n° 1997-003036 - Cass. crim., 5 sept. 2000, n° 99-85.118 - Cass. crim., 6 avr. 2004, n° 03-83.902 - Cass. crim., 2 nov. 2005, Bull. crim, n° 273
Cours d'Appel et tribunaux
- CA Paris, 13 déc. 1856, DP 1857. 2. 73 - CA Douai, 2 fév. 1865, D. 76.I.248 - T. civ. Seine, 17 août 1865, DP 1865. 3. 7 - CA Rennes, 17 juin 1929, Gaz. Pal. 1929. 2. 397 - CA Nancy, 18 juill. 1933 : Gaz. Pal. 1933, 2, p. 785 - T. Civ. Seine, 16 nov. 1951, D. 1952. 153 - CA Paris, 25 nov. 1971, D. 1972, somm. 125, - CA Paris, 24 janv. 1974, - CA Paris., 30 oct. 1974, Gaz. Pal. 1975. 1. 62 - TGI Nanterre, 12 mars 1981, Gaz. Pal. 1981, 2, somm.p. 209 - CA Paris, 6 mars 1987, SARL MEUBLES LEVEQUE / VIGOUREUX - CA Paris, 4e ch. 10 nov. 1987 : JurisData n° 1987-027255 - CA Paris 4 fév. 1988, D. 1988 inf. rap. p. 63 - CA Paris, 4 déc. 1989 : D. 1990, inf. rap. p. 8 - CA Paris, 8 déc. 1989, INC Hebdo 1990, n°16.63 - CA Versailles., 28 sept. 1990, D. 1991, somm. 168 - CA Paris, 14 nov. 1990, D. 1991, IR 8 - CA Paris, 10 juill. 1992, S A SOFINOBAIL / SARL SEGIC PUBLICITE - CA Aix en Provencen 23 fév. 1994 CCC 1995, Note°17, obs. Raymond - CA Colmar, 16 juin 1995, Ch. consom. d'Alsace et Collela c/ ACM. - CA Paris, 15 sept. 1995, CCC. 1996, comm.51 - CA Paris, 7 juin 1996, Gaz. Pal. 1996. 2. 487 - TGI Nanterre, 5 juin 1998 : D. 1999, somm. p. 246 - CA Paris, 13ème Chambre., 25 mars 1999 - CA Versailles, 2 mai 2001 D. 2001.1592 - TGI Nanterre, 15 oct. 2001 : Cont.Conc.Cons. 2001, comm. 182, note G.
Raymond - TGI Lyon, 28 avr. 2003 : JCP G 2003, II, 10166 - TGI Nanterre, 24 juin 2003, 6ème Chambre. - CA Douai, 17 mai 2004 : Juris-Data n° 2004-250136 - CA Versailles, 30 sept. 2004, EMI c/ CLCV - CA. Paris, 12 oct. 2006, Jurisprudence-Data n°2006-327372
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
207
2- Autorités internes
Avis du Conseil de la concurrence
Avis du 21 septembre 2006 du Conseil de la concurrence relatif à l’introduction de l’action de groupe en matière de pratiques anticoncurrentielles VIII- TABLE DES TEXTES CITES
A. TEXTES DE DROIT COMMUNAUTAIRE
DIRECTIVES
- Directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux
- Directive 98/27/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs
- Directive 1999/44/CE du parlement européen et du conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation, JOCE L. 171/12 du 7 juil. 1999
- Directive 2 002/96/CE du 27 janvier 2003, JOUE n° L.37 du 13 février 2003 p.24
B. TEXTES DE DROIT INTERNE
1. Textes législatifs
- Loi n° 88-14 du 5 janvier 1988 - Loi n° 92-60 du 18 janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs - Loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière - Loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit - Loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la
protection du consommateur
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
208
2. Textes réglementaires
ORDONNANCE Ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005 relative à la garantie de la conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur
DECRETS
- Décret n°78-381 du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice - Décret no 96-1091 du 13 décembre 1996 modifiant le décret no 78-381 du 20
mars 1978 relatif aux conciliateurs - Décret n° 93 254 du 25 février 1993 modifiant le décret n° 78-381 du
20 mars 1978 modifié relatif aux conciliateurs - Décret no 96-1091 du 13 décembre 1996 modifiant le décret no 78-381 du 20
mars 1978 relatif aux conciliateurs
3- Projet et propositions de loi
a. Projet de loi Projet de loi en faveur des consommateurs, n° 3430, 8 novembre 2006.
b. Propositions de loi Proposition de loi adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 11 déc. 2003 tendant à redonner confiance au consommateur disponible sur le site de l’Assemblée nationale Proposition de loi relative à la suppression du crédit revolving, à l’encadrement des crédits à la consommation et à la protection des consommateurs par l’action de groupe n° 1897, 2 septembre 2009. De la conso méfiance à la conso confiance : rapport au Premier ministre de la mission parlementaire auprès du secrétaire d’Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l’artisanat, aux professions libérales et à la consommation sur « l’information, la représentation et la protection du consommateur », La documentation française, juillet 2003.
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
209
Rapport d ́information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale par le groupe de travail sur l'action de groupe, Par MM. Laurent BÉTEILLE et Richard YUNG, disponible sur le site du sénat IX- DIVERS Articles et propositions - Proposition pour un code de la consommation, rapport de la commission pour la codification du droit de la consommation au Premier ministre, présidée par J. CALAIS-AULOY, La documentation française, 1990, p. 111 - G. WILLIAMS, Suckers !, Entrepreneur, numéro aout 1999, article disponible sur le site www.entrepreneur.com - T. BOURGOIGNIE, Un droit de la consommation est-il encore nécessaire en 2007 ? Article disponible sur le site : http://www.oas.org - N. Kroes, Damages actions for Breaches of EU Competition Rules : Realities and Potentials, Paris, 17 October 2005, article disponible sur le site http://www.courdecassation.fr - Les class actions, une nouvelle menace pour l’entreprise, article disponible sur le site http://wwww.netp.me.fr - E. FLAICHER-MANEVAL, Action de groupe, le rebond ? Article disponible sur le site http://www.cms-bfl.com Rapport et études - Rapport de The Economist Intelligence Unit, 2008, From burden to benefit : making the most of regulatory risk management, disponible sur le site: http://graphics.eiu.com/files/ad_pdfs/Risk%20management.pdf - Manuel de politique à l’égard des consommateurs, article disponible sur le site http://www.ocde.org - Etude de l’INSEE : « Cinquante ans de consommation en France », 2009, disponible sur le site http://www.insee.fr
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
210
- « L'obsolescence programmée, symbole de la société du gaspillage Le cas des produits électriques et électroniques », Rapport Septembre 2010, disponible sur le site http://www.amisdelaterre.org Enquête UFC Que Choisir : « Fiabilité des marques d’électroménager - état stationnaire », mars 2010 Communiqué de presse GIFAM du 21 juin 2011 « Une étude TNS Sofres sur la durabilité des gros appareils ménagers contredit les idées reçues », article disponible sur le site http://www.gifam.fr Les écrans plats vieillissent vite, article de 60 millions de consommateurs, disponible sur le site http://wwww.60millions-mag.com Panorama de l’offre de réparation en France, Rapport de l’ADEME, disponible sur le site http://www.ademe.fr
INDEX
A
Action de groupe : 152 et s, - Accès à la justice : 516 et s, 570
571, 582, - Action de groupe en droit
interne : 551 et s, - Action de groupe en droit
européen : 564 et s, - Finalités socio-économiques de
l’action de groupe : 581 et s, - Conséquences de l’action de
groupe sur les entreprises : 591 et s,
- Voir aussi Class action Association
- Défense de l’intérêt collectif : 442 et s,
- Action en représentation conjointe : 462 et s,
Appréciation in abstracto
- Attente légitime du consommateur : 81 et s,
- Connaissance de l’importance de l’information : 164 et s,
- Preuve de l’erreur : 255 - Tromperie sur les qualités
substantielles : 293 et s, Appréciation in concreto
- Caractère déterminant de l’erreur : 257, 258
- Preuve de l’erreur : 251 Attente légitime : 72 et s, 94, 126, 130, 180
C
Compliance : 370 et s, Conformité de la chose au contrat : 128 et s, Voir aussi garantie légale de conformité Class action : 486 et s,
- Environnement judiciaire de la Class action : 487 et s,
- Comparaison avec l’action en représentation conjointe : 463 et s,
- Issue de la procédure : 537 et s, - Procédure : 517 et s,
Consommateurs
- Action individuelle : 12, 400 et s,
- Actions ouvertes aux associations dans l’intérêt collectif des consommateurs : 442 et s,
- Créancier de l’obligation d’information : 168 et s, 183 et s,
- Préjudice du consommateur découlant de l’obsolescence programmée : 25, 26, 27, et 28
D Dol : 264 et s, 328
- Régime du dol : 287, 288, 289 - Réticence dolosive du vendeur :
265 et s, - Vice du consentement : 216
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
212
E Erreur : 217 et s, 265, 275, 276, 308, 328
- Erreur commune et excusable : 239 et s,
- Erreur sur les qualités substantielles : 218 et s,
- Régime de l’erreur : 249 et s,
G Garantie des vices cachés : 89 et s, 329
- Conditions de mise en œuvre de la garantie : 90 et s,
- Régime de la garantie : 108 et s, Garantie légale de conformité : 124 et s, 329
- Champ d’application : 125 et s, - Régime : 138 et s,
I
Information : - Connaissance de
l’information par le créancier : 170 et 171
- Connaissance de l’infomation par le débiteur : 154 et s,
- Connaissance de l’importance de l’information : 164 et s,
- Degrés de l’information : 183 et s,
- Fondements dérivés du défaut d’information : 215
- Pertinence de l’information : 196 et s,
- Voir réticence dolosive du vendeur
- Voir obligation d’information
J Jury populaire : 501, 511 et s,
O Obligation d’information : 149 et s, 327, Voir aussi réticence dolosive du vendeur
P
Punitive damages : 502 et s, Présomption :
- Présomption de connaissance de l’information par le vendeur : 154 et s,
- Présomption de connaissance de l’acheteur : 170, 171
- Présomption de l’élément intentionnel du vendeur spécialisé dans la réticence dolosive : 278 et s,
- Présomption de l’élément intentionnel du fabricant dans le délit de tromperie : 313 et s,
- Présomption de mauvaise foi dans la garantie des vices cachés : 118, 119 et 120
Q
Qualités substantielles : - Erreur sur les qualités
substantielles : 218 et s, - Information sur les qualités
substantielles : 197, 184 - Réticence dolosive sur les
qualités substantielles : 265 et s, - Tromperie sur les qualités
substantielles : 298 et s,
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
213
T
Tromperie : 264, 291, 445, - Eléments constitutifs : 292 et s, - Régime : 321 et s,
U
Usage - Fondements découlant de
l’altération de l’usage normal de la chose : 71 et s,
V
Vice - Caractère caché du vice : 102 et
s, - Caractère inhérent du vice à la
chose et antérieur à la vente : 91 et s,
- Voir aussi garantie des vices cachés
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
214
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS ........................................................................................................ 3
SOMMAIRE ..................................................................................................................... 4
LISTE DES ABBREVIATIONS ...................................................................................... 5
INTRODUCTION ............................................................................................................ 6
PARTIE I : LES FONDEMENTS THEORIQUES DES ACTIONS JURIDIQUES
CONTRE L’OBSOLESCENCE PROGRAMMEE .................................................. 16
TITRE 1 : L’OBSOLESCENCE PROGRAMMEE : L’ATTEINTE A L’USAGE
DES PRODUITS ....................................................................................................... 16
Chapitre I : L’obsolescence programmee : l’identification des differentes formes
de reduction de la duree d’utilisation des produits ............................................. 16
Section I : L’obsolescence psychologique : la mode comme facteur de la
desuetude du bien ........................................................................................... 17
Paragraphe I : L’obsolescence psychologique : la soumission du
consommateur aux tendances actuelles ...................................................... 17
Paragraphe II : Une strategie commerciale aux illustrations variees .......... 19
Section II : L’obsolescence technique : la strategie commerciale a l’origine de
la mort du produit ........................................................................................... 21
Paragraphe I : La planification de la « mort » technique des produits ....... 21
I- La reduction de la duree d’utilisation decoulant de la confection
intentionnellement mediocre du bien ..................................................... 21
II- L’impossible reparation du produit ................................................... 23
Paragraphe II : Une pratique aux illustrations explicites ............................ 24
Chapitre II : Les fondements découlant de l’altération de l’usage normal de la
chose ................................................................................................................... 28
Section préliminaire : L’attente légitime, un nouveau mode de consommation
........................................................................................................................ 28
Paragraphe I : Une notion presente dans les textes internationaux ............ 29
Paragraphe II : L’appreciation in abstracto du caractere legitime de l’attente
.................................................................................................................... 31
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
215
Section I : La recevabilité du fondement de la garantie des vices cachés ...... 34
Paragraphe I : La satisfaction des conditions de la garantie des vices caches
.................................................................................................................... 34
I- La composition médiocre des produits : un vice inhérent à la chose et
antérieur à la vente .................................................................................. 35
II- Le caractère incontestablement caché du vice atteignant le produit
obsolète ................................................................................................... 38
Paragraphe II : Les difficultes tenant au regime de la garantie des vices
caches .......................................................................................................... 40
I- Le fardeau probatoire de la victime de l’obsolescence programmée .. 40
II- Le caractère incomplet de la réparation proposée par la garantie des
vices cachés au regard de la situation du consommateur victime de
l’obsolescence programmée ................................................................... 42
Section II – L’opportunité relative de la garantie légale de conformité ......... 45
Paragraphe I : L’obsolescence programmmee repondant au champ
d’application de la garantie legale de conformite ....................................... 46
I- La consécration de l’attente légitime par la garantie légale de
conformité favorable à la victime de l’obsolescence programmée ........ 46
II- La satisfaction de la condition tenant au caractère caché du défaut .. 49
Paragraphe II : Le régime imparfait de la garantie légale de conformité . 50
I- Une réparation en apparence favorable soumise à un délai restreint .. 50
II- Une réparation limitée par l’absence d’action directe contre le
fabricant .................................................................................................. 52
Conclusion Titre I .......................................................................... 53
TITRE II : L’OBSOLESCENCE PROGRAMMEE : L' ATTEINTE AU
CONSENTEMENT DU CONSOMMATEUR ....................................................... 54
Chapitre I : L’influence du comportement du vendeur sur le consentement :
l’inexécution de l’obligation d’information ....................................................... 54
Section I : La satisfaction des conditions tenant à la qualité des sujets de
l’obligation de l’information .......................................................................... 56
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
216
Paragraphe I : Le vendeur spécialisé et le fabricant du produit obsolète en
tant que débiteurs de l’obligation d’information ....................................... 56
I- La connaissance théorique de l’obsolescence programmée par le
vendeur spécialisé opposée à la connaissance concrète du fabricant ..... 57
II- La connaissance inévitable de l'importance de l’obsolescence
programmée l'information par le vendeur et le fabricant ....................... 60
Paragraphe II : Le consommateur victime de l’obsolescence programmée :
creancier effectif et legitime de l’information ............................................ 62
I- L’ignorance effective de l’obsolescence programmée par le
consommateur ......................................................................................... 62
II- Les justifications subjectives et objectives de l’ignorance légitime du
consommateur ......................................................................................... 63
Section II : L’obsolescence programmée en tant qu’objet de l’obligation
d’information .................................................................................................. 66
Paragraphe I : Le consommateur, créancier des différents degrés
d’information .............................................................................................. 66
Paragraphe II : L’obsolescence programmée, une information pertinente . 70
Paragraphe III : L’éfficacité relative du regime de l’obligation
d’information .............................................................................................. 72
I- La relative difficulté tenant à la preuve de l’obligation d’information72
II- Une réparation insuffisante ................................................................ 74
Chapitre II : Les fondements dérivés du défaut d’information .......................... 75
Section I : La manifestation d’un vice du consentement ................................ 76
Paragraphe I : Le consommateur victime d’une erreur .............................. 76
I- L’erreur sur les qualités substantielles découlant de l’obsolescence
programmée ............................................................................................ 76
a- Le caractère déterminant de l’erreur commise par le consommateur
victime de l’obsolescence programmée .............................................. 77
b. L’utilité de la chose en tant que qualité substantielle ..................... 79
II- L’erreur réalisée par la victime de l’obsolescence programmée : une
erreur commune et excusable ................................................................. 82
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
217
III- Le régime défavorable de l’erreur .................................................... 85
a. Les difficultés relatives tenant à la preuve de l’erreur .................... 85
b. La sanction inopportune de l'erreur ................................................ 88
Paragraphe II : Le consommateur victime de réticence dolosive ............... 90
I- Le vendeur professionnel spécialisé, auteur d’une réticence dolosive
sur les qualités substantielles .................................................................. 90
II- La présomption de l’élément intentionnel du vendeur spécialisé ...... 94
III- Le régime défavorable du dol ........................................................... 96
Section II : Le consommateur victime de tromperie ...................................... 98
Paragraphe I : La satisfaction relative des éléments constitutifs de la
tromperie ..................................................................................................... 98
I- Le silence trompeur concernant les qualités substantielles du bien .... 98
a. L’appréciation in abstracto des qualités substantielles favorable au
consommateur ..................................................................................... 99
b. L’irrecevabilité de la tromperie sur la composition ou teneur en
principes utiles et aptitude à l’emploi ............................................... 102
II- Les difficultés tenant à l’élément intentionnel de l’auteur de la
tromperie ............................................................................................... 104
Paragraphe II : L’efficacité de l’arsenal répressif relativisé par la pratique
.................................................................................................................. 107
Conclusion Titre II ........................................................................ 109
Conclusion Partie I ....................................................................... 110
PARTIE II : LES OUTILS DU DROIT FRANÇAIS A LA SANCTION DE
L’OBSOLESCENCE PROGRAMMEE .................................................................. 111
TITRE I : L’INSUFFISANCE DU DROIT FRANÇAIS FACE A
L’EVOLUTION DE LA SOCIETE ...................................................................... 111
Chapitre I : La mutation de la société de consommation ................................. 112
Section I : Du consommateur souverain au consommateur dépendant ........ 112
Paragraphe I : Le consommateur, acteur au sein de l’apparition de la
consommation de masse ........................................................................... 113
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
218
Paragraphe II : L’obsolescence programmée ou soumission du
consommateur aux règles de l’économie libérale ..................................... 116
Section II : La compliance, rejet et fondement de l’obsolescence programmée
...................................................................................................................... 120
Paragraphe I : La compliance au service de l’éthique .............................. 120
Paragraphe II : La compliance au service de la stratégie commerciale de
l’entreprise ................................................................................................ 124
Chapitre II : L’insuffisance des recours en justice du droit français ................ 128
Section I : L’action individuelle du consommateur inopérante .................... 129
Paragraphe I : Le caractère inachevé des moyens non juridictionnels ..... 129
I- Le succès manifestement modéré de la négociation directe ............. 129
II- La négociation institutionnalisée : des institutions en perte de vitesse
défavorables à la victime de l’obsolescence programmée .................... 132
Paragraphe II : L’existence théorique du recours contentieux a la
disposition du consommateur ................................................................... 135
I- Les différentes actions inexploitables par les victimes de
l’obsolescence programmée ................................................................. 135
II- Le défaut d’intérêt économique à agir de la victime de l’obsolescence
programmée .......................................................................................... 137
Section II : L’efficacité relative des actions ouvertes aux associations de
consommateurs ............................................................................................. 140
Paragraphe I : L’insuffisance des actions exercées dans l’intérêt collectif
des consommateurs ................................................................................... 140
I- La demande en réparation du préjudice collectif découlant de la
tromperie du professionnel ................................................................... 141
II- La demande en cessation d’agissements illicites ............................. 142
III- Le caractère insuffisant de l’action collective résultant de l’absence
d’indemnisation des victimes ............................................................... 143
Paragraphe II : L’opportunite discrète de l’action en représentation
conjointe ................................................................................................... 145
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
219
I- L’action en représentation conjointe : une tentative de class action à la
française ................................................................................................ 146
II- L’échec de l’action en représentation conjointe .............................. 149
Conclusion Titre I ......................................................................... 152
TITRE II : L’ACTION DE GROUPE, UNE REPONSE APPROPRIEE AU
PREJUDICE DECOULANT DE L’OBSOLESCENCE PROGRAMMEE ..... 153
Chapitre I : Les avantages de la class action, le modèle américain de l’action de
groupe ............................................................................................................... 153
Section I : Des procédés judiciaires opportuns à l’appréhension de
l’obsolescence programmée ......................................................................... 154
Paragraphe I : La procédure de discovery, un pouvoir d’investigation
répondant au caractère occulte de l’obsolescence programmée ............... 154
Paragraphe II : Le caractère moralisateur des punitive damages et du jury
populaire favorable aux victimes de l’obsolescence programmée ........... 157
I- La finalité répressive des punitive damages ..................................... 157
II- Le jury populaire, l’expression populaire favorable aux victimes .. 160
Section II : L’accès à la justice et à l’indemnisation des victimes facilité ... 161
Paragraphe I : Une procédure contrôlée ................................................... 161
I- L’activisme judiciaire découlant de la class action ........................... 162
II- Une notification et certification sous contrôle judiciaire : la présence
de « garde-fous » .................................................................................. 163
Paragraphe II : L’issue de la class action favorable aux victimes de
l’obsolescence programmée ..................................................................... 167
Chapitre II : L’action de groupe, un procédé ignoré du droit interne ............... 170
Section I : L’appel du droit européen face aux réticences internes .............. 171
Paragraphe I : De nombreuses tentatives inachevées ............................... 171
Paragraphe II : La possible impulsion européenne ................................... 175
Section II : Etude prospective de l’action de groupe : La mise en balance des
différents intérêts .......................................................................................... 180
Cécilia Eber – Le traitement juridique de l’obsolescence programmée
220
Paragraphe I : L’action de groupe, la poursuite d’objectifs socio-
économiques ............................................................................................. 180
Paragraphe II : Les conséquences de l’action de groupe sur les entreprises
dans un contexte de crise .......................................................................... 183
Conclusion Titre II ........................................................................ 188
Conclusion Partie II ...................................................................... 189
CONCLUSION GENERALE .................................................................................... 190
BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................... 193
INDEX ......................................................................................................................... 211
TABLE DES MATIERES .......................................................................................... 214