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8/10/2019 Le Personnage Coranique de Pharaon
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LE PERSONNAGE CORANIQUE DE PHARAON DAPRS LINTERPRTATION
DIBN ARAB
Denis GRIL, Annales Islamologiques 14 (1978), p.35-37.
Ltude du commentaire et de lhermneutique coraniques est rendue dlicate
par la nature subtile de la relation qui sinstaure dans ceux-ci entre le texte
sacr et son interprte. Cette remarque gnrale simpose tout
particulirement dans le cas des commentateurs sfs, dont les buts et les
moyens dpassent ceux de lexgse exotrique. Chez les Sfs lintriorisation
de la lecture resserre plus intimement encore le lien entre le Livre et le lecteur,
entre le Verbe et son rceptacle, et de la qualit de ce lien dpend laprofondeur de linterprtation. Cest donc la nature de cette relation quil
importe avant tout de dfinir, car delle dpendent la mthode exgtique de
lauteur et la porte doctrinale de son commentaire. Chez un auteur comme
Ibn 'Arab (1), la question de cette relation se pose chaque instant. En plus de
ses traits strictement exgtiques ou hermneutiques, une part trs
importante de son uvre, tels les Futht al-Makkiyyaet les Fuss al-hikam,
sordonne partir de thmes et de rfrences coraniques nombreuses et
rptes. Parmi ces thmes, celui de la foi de Pharaon (man Fir'awn) nous
a paru digne dtude. Cette expression dsigne en fait linterprtation par Ibn
'Arab des donnes coraniques sur la destine spirituelle et posthume du
Pharaon de lExode. On ne doit donc pas sattendre y trouver tous les aspects
que revt le personnage de Fir'awn dans le Coran et dans lexgse
traditionnelle, bien quIbn 'Arab y fasse parfois allusion. Lun des intrts de ce
thme est doccuper une place de choix dans lhistoire de la polmique autour
de son uvre. Souvent mal connue ou dforme sa position mit danslembarras nombre de ses dfenseurs et lui attira de violentes critiques de la
part de ses adversaires (2). Lhistorique de cette controverse exigerait toute
une tude, aussi nous ne mentionnerons que les critiques touchant des points
prcis de son interprtation. Pour notre recherche le principal intrt de celle-
ci est de prsenter un cas typique dsotrisme et de poser ains i trs
clairement le problme de lhermneutique de son auteur. Avant daborder
cette question, nous avons essay de reconstituer de la faon la plus cohrente
possible son argumentation, daprs les passages des Futht et des Fuss.
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Nous avons pu ainsi relever quelques-unes des caractristiques de son exgse
et en faire ressortir toutes les implications doctrinales. A partir de ces lments
nous avons esquiss lbauche dune rponse notre question initiale. Enfin,
un autre intrt non ngligeable de ce thme est de montrer comment Ibn
Arab, tout en dfendant une position assez singulire, sinscrit en mme
temps dans une certaine tradition dont la nature reste dfinir.
Limportance du personnage de Pharaon dans le Coran est un fait remarquable.
Il y apparat la plupart du temps en relation dopposition avec Mose, le
prophte dont le Coran mentionne le plus souvent lhistoire (3). Quand son
nom est cit isolment ou suivi de ceux de Hmn(4), le mauvais conseiller et
de Qrn, le riche endurci (5), il incarne surtout le type de lorgueilindomptable (takabbur) et de la tyrannie rebelle lordre divin (tughyn). En
face de Mose, dautres aspects du personnage, plus nigmatiques, se font jour;
notamment celui d exaltation ('uluww) que le Coran lui attribue parfois (6)
et de divinit exprim sous deux formes sensiblement diffrentes (7). Les
exgtes du Tasawwuf proposent en gnral deux interprtations de
lantagonisme de Mose et de Pharaon. La premire, se fondant sur le sens
obvie des textes, y voit lillustration du mystre de la Prdestination ; malgr
les appels rpts que lui lance Dieu par lintermdiaire de Son messager,
Pharaon reste insensible la Misricorde divine, et, comme Ibls, se damne par
sa prtention et son orgueil. La seconde plus intrieure et dordre
microcosmique considre leur lutte comme celle de lesprit et de lme
infrieure ; seule la mort de cette dernire met le cur dfinitivement labri
des passions.
(1) Muhy-l-dn M. b. 'Al Ibn 'Arab, surnomm al-Shaykh al-Akbar est n Murcie en 560/1165 et est mort Damas en 638/1240.
(2) Ibn Taymiyya notamment; v. Majm'a al-rasil wa-l-masil, T. IV, pp. 98-
101. Il semble quil nait connu que le texte des Fuss. Voir galement la
rfutation par Moll Qr de lptre de Dawwn (v. infra) : Farr al-'awn min
mudda' mn Fir'awn, Le Caire 1964. Pour la polmique autour de luvre
dIbn 'Arab, voir la liste des ouvrages dans lintrod. dO. Yahya ld. du Nass
al-nuss de Haydar mol, Paris-Thran 1975.
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(3) Mose est mentionn 135 fois dans le Coran, Pharaon 74 fois, Abraham 69
fois etc...
(4) Cf.CoranXXVIII, 6 et 8; XXIX, 39 et XL, 24.
(5) Cf. CoranXXIX, 39 et XL, 24.
(6) Cf. CoranX, 83; XXIII, 46; XXVIII, 4.
(7) Cf. Coran XX, 71; XXVI, 44; XXVIII, 38; XLIII, 51; LXXIX, 24.
Linterprtation dIbn 'Arab, dans lensemble (8), est tout autre. Pharaon, tout
en restant ce personnage aux proportions humaines que met en scne le
Coran, prend une dimension initiatique, que seul le Shaykh al-Akbar exprima
avec autant de force. Pour celui-ci, en effet, Pharaon est un connaissant
('rif), malgr le caractre imparfait et inachev de sa ralisation spirituelle. Iltire argument de lordre intim Mose et Aaron dans les versets suivants :
Rendez-vous auprs de Pharaon, car il a excd la limite, et parlez-lui avec
douceur, peut-tre se souviendra-t-il ou prouvera-t-il de la crainte (9). Le
souvenir, pour lui, implique ncessairement une connaissance initiale, oublie
pour une raison ou une autre (10). On peut se demander de quelle nature tait,
selon lexpression de lauteur, cette authentique science reue de Dieuquil
dtenait en son cur (11). Le passage suivant donne penser quil pourrait
sagir de la connaissance de lIdentit suprme, confre au serviteur un
certain moment de son cheminement spirituel : Pharaon comprit que le
message apport par Mose et Aaron tait la vrit (al-haqq), car, par leur
intermdiaire, ctait Dieu (al-haqq) qui parlait, de mme que loue de
Pharaon, par laquelle il entendit la parole de Mose, tait Dieu... Pharaon savait
que Dieu est loue, la vue, la parole et toutes les facults de sa crature. Aussi
proclama-t-il, parlant pour Dieu : Je suis votre seigneur le plus-haut ! (12) Il
tait en effet conscient que ctait Allah qui prononait une telle parole parlabouche de Son serviteur (13). La crainte manifeste par les deux prophtes
lannonce de leur mission sexplique donc, pour Ibn 'Arab, par le haut degr de
connaissance quils saccordent reconnatre Pharaon. Le verset Nous
avons peur quil ne se montre excessif envers nous, ou quil ne dpasse les
bornes (14), est comment comme suit, par rfrence au sens tymologique
des verbes farata et tagh : Nous avons peur quil nous dpasse par ses
arguments fonds sur laffirmation de lunit divine absolue et que ses paroles
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ne prennent le dessus sur les ntres, car il vise la Ralit essentielle ( 'ayn al-
haqqa) et, pour cette raison, nous donnera du mal (15).
(8) Les passages des Futhto Ibn 'Arab traite de la question sont les suivants
: T. I pp. 194, 235, 301, 436 ; II pp. 276-7, 410, 411; III pp. 90, 163-4, 178, 264,
355, 514, 533 ; IV, 20, 60, 291 (d. du Caire 1329). Pour les Fuss al-hikam, d.
'Aff, Le Caire 1946 ; pp. 197-213.
(9) CoranXX, 43-44.
(10) FuthtIII, 264 et 533.
(11) lbid.II, 276.
(12) CoranLXXIX, 24.
(13) Futht III, 533. Le texte fait videmment allusion au hadth quds : ...Mon serviteur ne peut se rapprocher de Moi par une uvre qui me soit plus
agrable que celle que Je lui ai impose, et il ne cesse de se rapprocher de Moi
jusqu ce que Je sois loue par laquelle il entend, la vue par laquelle il voit, la
main par laquelle il saisit, le pied par lequel il marche Cit par Bukhr, Riqq
38 (Le Caire 1315 h., T. VII, 190).
(14) CoranXX, 44.
(15) FuthtIII, 533.
Tels quels, ces passages semblent particulirement oss. Toutefois le but de
leur auteur nest pas de sanctifier ou de justifier tout prix Pharaon. Ce qui
importe pour lui, cest de percer le mystre de cette prtention la divinit,
trop singulire pour ntre quune simple forme dimpit. Il y voit au contraire
la manifestation dune prise de conscience de lunit essentielle de lEtre.
Si Ibn 'Arab justifie mtaphysiquement les propos de Pharaon, il nen fait paspour autant un modle de spiritualit. Malgr la valeur intrinsque de la voie
suivie par ce dernier, elle est exactement loppos de celle que trace le Coran
et lexemple prophtique, reprsent ici par Mose et Aaron. La voie
prophtique, et il nen est pas dautre pour ceux qui y sont appels, exige
loccultation totale de laspect seigneurial et divin de lhomme. En dautres
termes, la ralisation de la servitude totale ('ubda) peut seule affranchir
liniti de ses limites individuelles. En sattachant uniquement la divinit
absolue (ulha) qui est en lui, il court un risque grave de dsquilibre, surtout
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quand lme individuelle nest pas compltement matrise. Cest au nom de
cette rgle de la voie initiatique que le Shaykh al-Akbar condamne de
nombreuses reprises le shath, locution thopathique o le serviteur dvoile
involontairement sa divinit. La parole de Pharaon : Je suis votre seigneur le
plus-haut ! aurait pu sembler de cette nature, mais, pour Ibn 'Arab, elle est
en fait lusurpation dun tat exigeant une extinction totale de lindividualit.
Elle peut donc tre considre comme le signe aussi bien dune grave faute que
dun degr valable de connaissance et, par l annonce tout la fois son
chtiment et sa dlivrance.
A cause de l'infiltration mystrieuse de la Ulhiyyadans ltre humain, celui-
ci prtendit la divinit en employant le terme al-ilh dieu , tel lePharaon qui dit : Jignore quil puisse y avoir pour vous un dieu autre que moi
(Coran, XXVIII, 38), or cela ne convenait pas puisquil disait telle chose par un
acte de volont dlibre ('ani-l-masha). Il na parl ni sous lempire dun hl
initiatique et en se conformant un ordre (den haut) qui lui aurait enjoint de
dire :An-llh, Je suis Allah! , ni en disant simplement le terme ilh, dieu
, mais il a t exclusif, en prcisant autre que moi . Comprends bien ce
point. Aussi le Pharaon a prtendu clairement la Rubbiyya, la Seigneurie,
qui (dailleurs) ne saurait galer le pouvoir de la Ulhiyya, en disant : Je suis
votre Seigneur le plus lev ! (LXXIX, 24). L encore, il a parl sans avoir la
justification de celui qui dirait une telle parole cause dun hl, par voie
dordre (divin) et avec simple adhsion de la volont propre, dans un tat d
union (jam'an), comme Ab Yazd (al-Bistm) qui proclama (en sexprimant
en termes coraniques) : En vrit Moi, je suis Allah ! Pas de divinit si ce nest
Moi, adorez-Moi donc ! (cf. Coran, XXI, 25), et qui une autre fois affirma :
An-llh, Je suis Allah! , car dans ltre de celui-ci il ne restait nulle parcelleque la Ulhiyya, par une parfaite pntration, ne remplisse de sa prsence
totale ! (16)
Allah dit par la voix de Pharaon : Je suis votre seigneur le plus-haut ! Alors
que cest Lui gloire Lui qui est en ralit le Plus-haut ... Tel fut lattribut
de Dieu qui apparut sur la langue de Pharaon. Allah sut quil ne le pronona pas
par dlgation divine (niybatan 'ani-l-haqq), comme le fait lorant en disant :
Allah entend celui qui Le loue (17). Pharaon navait pas conscience de la
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dlgation divine ncessaire pour prononcer une telle parole. La qualit divine
laquelle il prtendait rechercha son qualifi et retourna ainsi Dieu que Sa
Majest soit proclame . Quant lui, elle lui fut enleve, bien quil ne lait
jamais vraiment revtue (18)
Dans un autre passage, Ibn Arab semble assimiler la parole de Pharaon un
shathvritable. Ce dernier apparat bien alors comme le type du connaissant
dont lme nest pas dfinitivement matrise, au contraire dun prophte ou
dun saint totalement soumis la Loi prophtique.
Si lme pouvait se dgager de la matire, elle laisserait apparatre la
puissance originelle qui lui est confre par le Souffle divin ; rien nesenorgueillirait plus quelle. Cest pourquoi Allah la maintient jamais dans la
forme naturelle (al-sra al-tab'iyya) (19), dans ce monde, dans ltat
intermdiaire du sommeil et aprs la mort, de sorte que jamais elle ne peut se
considrer comme dtache de la matire. Ne vois-tu pas que, lorsque lme
perd conscience delle-mme, elle se lance lassaut de la station divine et
prtend la seigneurie, tel Pharaon. Sous lempire de cet tat, elle scrie : Je
suis Allah ! ou Gloire Moi ! , paroles que profra un connaissant (20)
domin par son tat spirituel. Jamais de telles paroles nmaneront dun
envoy, dun prophte ou dun saint dont la science, la prsence du cur,
lobservance du degr initiatique, le respect des convenances spirituelles et
enfin la considration de sa condition matrielle sont parfaits (21).
(16) Kitb al-Jalla, d. Hyderabad 1948, p. 5. Trad. M. Vlsan, in Etudes
Traditionnelles 1948, p. 152. Les transcriptions ont t modifies par nous.
(17) Formule que lon prononce dans la prire canonique en se relevant delinclination. Dans cette position debout lorant assume potentiellement la
fonction de khalfa; cest donc Dieu qui parle en ralit.
(18) FuthtI, 436.
(19) La nature (tab'a) dsigne chez Ibn 'Arab la manifestation formelle au
sens le plus large.
(20) Il sagit dAb Yazd al-Bistm. V. supra.
(21) Futht1, 275-6.
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Le refus dadmettre ouvertement la mission de Mose et dAaron, ainsi que le
dpart des Isralites est videmment une raction damour-propre de la part
de Pharaon. Sil persiste se proclamer dieu, cest pour ne pas dchoir de la
fonction que lui assigne la vnration de son peuple.
Sache que Pharaon avait reu de Dieu une certaine science, mais lamour de
lautorit (hubb al-riysa) lemporta chez lui en ce monde. Il dit en effet : Je
ne vous connais pas dautre dieu que moi (22). Il ne dsigna que son peuple
et non tous les tres de lunivers. Il savait que son peuple le croyait dieu ; il ne
fit donc qunoncer un tat de fait en toute vridicit, puisque selon leur
science, ils navaient dautre dieu que lui (23).
Le Coran retrace quelques controverses o Mose et Pharaon saffrontent au
moyen darguments dont lenchanement logique est parfoisdconcertant. On
a limpression que Mose entame avec son adversaire un dialogue mots
couverts, pour ne pas le heurter de front et parce que la rsistance quil lui
oppose nest pas dordre rationnel.
Mose dit : notre Seigneur est celui qui a donn toute chose sa cration
(24). Il montra ainsi que la science divine embrasse toute chose, ce qui ntait
point le cas de la science de Pharaon, malgr sa prtention la Seigneurie.
Celui-ci comprit les deux envoys et se tut, car il se rendit bien compte quils
avaient dit la vrit. Cependant lamour de lautorit lempcha de le
reconnatre (25).
De quelle autorit sagit-il au juste ? Mose ne dispute pas Pharaon son
royaume. Il se prsente lui pourtant comme dtenteur dun pouvoir (hukm),confr par Dieu et distinct de sa qualit de prophte et denvoy. Ce pouvoir
est celui du reprsentant de Dieu sur la terre, le khalfa. Or cest prcisment
cette fonction spirituelle et temporelle que Pharaon revendique pour lui. Ibn
'Arab ne la lui dnie pas entirement puisquil le qualifie de Matre de
linstant , un des qualificatifs du Ple (qutb) dans le Tasawwuf. Seulement sa
fonction semble tre uniquement terrestre, tandis que celle de lenvoy est
universelle, de par sa qualit d'insn al-kmil. En somme Pharaon reconnat le
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degr spirituel de Mose, mais refuse de se soumettre son autorit
hirarchique.
Pharaon dtenait lautorit rgissante (tahakkum) ; il tait le Matre de
linstant (shib al-waqt) et khalfatemporel (bi-l-sayf), quoiquil se ft cart de
la Norme (al-'urf al-nms). Ceci lentrana dclarer : Je suis votre seigneur
le plus-haut ! cest--dire : si tous les tres sont des seigneurs sous un
rapport ou un autre, je suis le plus haut dentre eux, car lautorit extrieure
sur eux ma t confre. Sachant quil disait vrai, les magiciens ne le
contredirent pas, ils le confirmrent mme en disant : Tu ne juges que la vie
de ce monde, excute donc ce que tu as dcrt (26).
La parole de Mose : Il ma fait don dun pouvoir (27) dsigne la
lieutenance (khilfa) , et Il ma compt au nombre de Ses envoys signifie
la mission prophtique (risla). Tout envoy (rasl) nest pas ncessairement
un khalfa. Ce dernier dtient le pouvoir temporel, la destitution et linstitution
(al-'azl wa-l-wilya). Lenvoy na pas de telles prrogatives, car sa fonction est
limite la transmission (balgh) du message qui lui a t confi. Sil reoit
lordre de le rpandre et de le dfendre par lpe, cest un lieutenant-
envoy . De mme que tout prophte nest pas un envoy, tout envoy nest
pas khalfa, et dans ce cas, le royaume (mulk) ne lui a pas t confi, ni le
pouvoir de le rgir. La question pose par Pharaon sur la quiddit divine (28)
ntait pas due son ignorance, mais son dsir dprouver Mose pour voir si
sa rponse confirmerait sa mission prophtique. Pharaon connaissait en effet le
degr de science des envoys (29)
(22) CoranXXVIII, 38.(23) Futht III, 178.
(24) CoranXX, 50.
(25) FuthtIV, 291.
(26) CoranXX, 72 : parole prononce par les Magiciens condamns par Pharaon
au supplice. Fuss p. 210.
(27) CoranXXVI, 21.
(28) Cf. CoranXXVI, 23.
(29) Fuss, p. 207.
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Le dialogue de la sourate Th (30) est mme la preuve pour Ibn 'Arab que
Pharaon voulait amener progressivement son peuple reconnatre la vridicit
des deux envoys, sans perdre pour autant de son prestige. Le rsultat
cependant est autre : les sujets restent dans laveuglement, tandis que leur
souverain, de plus en plus touch par les arguments de Mose, en vient
reconnatre sa propre faiblesse.
...Pour les entraner encore plus loin dans leur dmonstration, Pharaon leur
posa cette question : Quest-il advenu des premires gnrations ? ils
rpondirent : la science leur sujet se trouve auprs de mon Seigneur dans un
livre, mon Seigneur ne sgare pas ni noublie (31). comme tu avais toi-mme oubli, jusqu ce que, grce notre rappel, tu te souviennes. Car si tu
avais t un dieu, tu naurais point oubli.Allah na-t-il pas dit : peut-tre se
souviendra-t-il... . Mose et Aaron poursuivirent leur dmonstration, mais
leffet de ces paroles resta latent dans lme de Pharaon, car lamour de
lautorit lui interdit de se dmentir devant son peuple. Il fit peu de cas deux
et ceux-ci lui obirent ; ils furent un peuple prvaricateur (32).
Pour prouver que les propos des deux prophtes ont effectivement atteint leur
but, Ibn 'Arab use dun argument assez inattendu qui fournit un bon exemple
dune exgse conforme la lettre du texte, mais aboutissant un tout autre
rsultat que celui dune lecture ordinaire.
Allah a appos un sceau sur tous les curs, pour que la Seigneurie de Dieu
(rubbiyyat al-haqq) ne sy immisce point et ne devienne un attributde ceux-ci.
Pour cette raison personne au fond de son cur ne peut se prendre pourseigneur et dieu. Chacun sait bien au contraire combien il est pauvre, indigent
et humble. Allah quil soit exalt a dit : Ainsi Allah imprime-t-Il son sceau
sur tout cur orgueilleux et tyrannique (33). La Grandeur divine (al-kibriy
al-lh) ne peut y pntrer daucune manire. Ltre intrieur de chaque
individu est scell de telle sorte quaucune prtention la divinit (taalluh) ne
puisse sy infiltrer. Toutefois Allah na pas immunis les langues contre la
formulation de la prtention la divinit, ni les mes contre la croyance la
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divinit dautrui. Lme donc est protge contre la croyance sa propre
divinit, mais non pas contre la croyance celle dautrui (34).
(30) CoranXX, 49-52.
(31) CoranXX, 51-52.
(32) CoranXLIII, 54. FuthtIII, 533.
(33) Coran XL, 35. Ce verset concerne Pharaon bien quil ny soit pas
nommment mentionn.
(34) FuthtIII, 514.
Ce dernier passage fait allusion la distinction quil faut tablir entre lamanifestation extrieure de lindividu et son tre intime. Cette distinction
trouve son expression dans la parole douce que les envoys doivent
adresser Pharaon. Si lextrieur chez lui est rude et plein de superbe,
lintrieur, incorruptible, est doux et humble. Par leur douceur, leurs paroles
traversent lenveloppe externe et grossire de leur antagoniste et oprent leur
effet dans le trfonds de son me. Par ailleurs cette douceur est le signe
rvlateur de la fonction de Mose et de son assesseur ainsi que de leur degr
spirituel par rapport aux prtentions de Pharaon. Pour accomplir sa mission le
khlfa doit tre un serviteur parfait et donc se qualifier des attributs
servitoriaux de pauvret et de faiblesse, afin que par lui les attributs
seigneuriaux se manifestent dans toute leur puissance. Ayant renonc toute
prtention individuelle, il devient le lieu de manifestation de la Majest et de la
Volont divines. Cest ainsi que lon doit expliquer la peur qui saisit Mose, pour
lui rappeler la ncessit du secours divin.
Aaron lui (35) dit : ici est le ciel de la lieutenance de lhomme. Le pouvoir de
son imam, est faible, bien que son fondement soit on ne peut plus solidement
bti. Cest pourquoi nous remes lordre de traiter avec douceur les tyrans
excessifs (al-jabbira al-tught). Il nous fut dit : Parlez-lui avec douceur . Or
on ne donne un tel ordre qu celui dont la puissance et la force sont plus
grandes que celles de celui qui il est envoy. Un sceau tant appos sur le
cur de qui manifeste toute-puissance et grandeur, et ce dernier tant en fait
le plus humili de tous les tres, Dieu ordonna aux envoys de le traiter avec
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misricorde et douceur. Leurs paroles correspondirent ainsi son tat intrieur
et amenrent son tre extrieur renoncer sa superbe et son orgueil (36).
La correspondance entre la nature des propos de Mose et dAaron et ltat de
faiblesse intrieure de Pharaon constitue un premier argument. Le second est
dordre philologico-thologique : un souhait mis par Dieu est inluctable ; le
verset : peut-tre se souviendra-t-il ou prouvera-t-il de la crainte
nchappe pas la rgle. Le souhait divin se ralisa mme doublement dans
limmdiat car, sinon, comment expliquer que Pharaon laisse partir en paix les
envoys aprs les avoir menacs de prison ou de mort, et plus tard rduits la
dernire extrmit lapproche de la noyade.
Allah mit le souhait (tarajj) que Pharaon se souvienne et prouve de la
crainte. Donc il devait ncessairement en arriver l. Il nen laissa toutefois rien
paratre bien quintrieurement le souvenir et la crainte se fussent imposs
lui. Il ne fit pas violence Mose et son frre dans cette assemble, alors quil
dtenait le pouvoir et la force. Ce fut le souvenir et la crainte de Dieu eux seuls
qui le retinrent... Allah secourut Mose par cette douceur quil lui avait enjointe.
Son discours fut tel une arme divine ; elle rencontra larme de lintrieur de
Pharaon et la vainquit par la permission dAllah. Voyant la dfaite de larme
qui faisait sa force, Pharaon se souvint de Dieu, prouva de la crainte et connut
lhumilit. Cette humiliation et cette reconnaissance loccuprent tant quil ne
put exercer sa puissance extrieure et ne fit point violence aux envoys lors de
cette assemble (37).
Cette humiliation inavoue prouve seulement que lexhortation a port. Ibn
'Arab compare celle-ci au levain qui fait monter la pte (38) ou la graine quiproduira un fruit (39), Le dsquilibre entre lintrieur et lextrieur est si grand
chez Pharaon que son rtablissement exige une longue fermentation. Croyant
et connaissant au fond de lui-mme, sa rbellion a pour origine une erreur
fondamentale. Celle-ci est de croire que, pour manifester les attributs divins et
seigneuriaux de sa fonction royale, il doive se les attribuer lui-mme et
surtout les extrioriser en sa propre personne. Il fallait donc, pour rtablir
lquilibre, unecirconstance exceptionnelle qui mette son tre corporel dans le
mme tat dindigence que son tre intime. Ce fut limminence de la noyade
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qui le laissa sans dautre recours que labandon la Misricorde divine. Son
repentir galement devait tre sans quivoque, aussi inclut-il dans sa
reconnaissance de lunit divine les Isralites rduits par lui en esclavage et
dont il navait pas voulu admettre la mission divine.
(35) Le pronom dsigne Ibn 'Arab lui-mme.
(36) FuthtII, 276. Ce passage et celui qui suit un peu plus loin sont extraits du
chapitre 167 intitul Kimiy' al-sa'da (lAlchimie du Bonheur). Celui-ci a t
traduit en entier par G. Anawati, in MIDEO, VI, 1959-1961.
(37) FuthtIII, 264. V. galement II, 410 et 411.
(38) FuthtIII, 90 et infra.
(39) Ibid.II, 277.
Ce ferment ne cessa pas dagir sur son tre intrieur, tandis que, par ailleurs,
le souhait divin devait se raliser. Leffet de ce ferment continua de saccrotre,
jusquau moment o il renona rejoindre Mose et o la noyade mit fin ses
ambitions. Il recourut alors lhumilit et lindigence quil cachait au fond de
lui-mme, pour que les croyants puissent constater quun souhait divin doit
ncessairement se raliser. Pharaon dit : Jai cru en Celui en qui ont cru les
Fils dIsral, et je suis de ceux qui se soumettent Dieu (mina-l-muslimn)
(40). Il extriorisa son tat intrieur et lauthentique science de Dieu cele en
son cur. En prcisant : Celui en qui ont cru les Fils dIsral , il leva une
quivoque possible. Les Magiciens (al-sahara) firent de mme ; ayant cru en
Dieu, ils dirent : Nous croyons dans le Seigneur des mondes, le Seigneur de
Mose et dAaron (41) cest--dire : Celui vers qui appellent les envoys. Ils
dissiprent ainsi tout doute. Je suis de ceux qui sont soumis Dieu est une
parole adresse Lui, en tant quil entend et voit. Dieu lui rpondit sur le tondu reproche : Est-ce maintenant ? que tu extriorises ce que tu savais
dj, alors que tu as dsobi auparavant et que tu as t dentre les
corrupteurs (42) pour ceux qui tont suivi. Allah ne lui dit pas tu es dentre
les corrupteurs ; ce reproche est donc en ralit une bonne nouvelle que Dieu
annonce Pharaon pour nous inciter esprer en Sa Misricorde, en dpit de
nos excs et de nos crimes. Dieu lui dit ensuite : Aujourdhui nous te sauvons
Il lui annona cette bonne nouvelle avant de saisir son esprit en ton
corps, pour que tu sois un signe pour la postrit (43) pour que ton
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sauvetage soit, pour qui viendra aprs toi et prononcera les mmes paroles, le
signe quil trouvera le mme salut que toi. Rien dans ce verset nindique que le
chtiment de lau-del na pas t supprim ni que sa foi na pas t agre. Le
verset prouve seulement que le chtiment de ce monde nest pas cart de
celui qui fait profession de foi en voyant son chance arriver, l exception du
peuple de Jonas (44). Aujourdhui nous te sauvons en ton corps , car le
chtiment ne concerne que ton tre extrieur, et ainsi les hommes purent voir
comment il avait t sauv du chtiment. Celui-ci fut le dbut de la noyade,
quant sa mort elle fut un martyre pur et innocent (shahda khlisa bara),
entach daucune dsobissance. Son esprit fut saisi au moment o il
accomplissait la meilleure des uvres, la profession de foi (al-talaffuz bi-l-
mn), pour que personne ne dsespre de la Misricorde dAllah et que lonsache que les actes sont jugs sur leurs conclusions (al-aml bi-l-khawtim) ...
Lme de Pharaon lui fut enleve sans retard, dans son tat de croyance, afin
quil ne revienne pas son ancienne prtention. Dieu exalt soit-il conclut
cette histoire en disant : Et la plupart des hommes sont indiffrents Nos
signes (45). De fait la plupart ny prtrentpas attention et condamnrent
ainsi un croyant la damnation. La parole dAllah : Et il (Pharaon) les
conduisit au Feu (46) ne permet pas daffirmer quil y soit entr avec eux.
Allah dit encore : Faites entrer les Gens de Pharaon (l Fir'awn) et non :
Pharaon et ses gens. La misricorde de Dieu est trop large pour ne pas accepter
la foi de lhomme rduit une extrme ncessit (al-mudtarr). Et quelle
ncessit de la Misricorde divine est plus grande que celle de Pharaon au bord
de la noyade. Allah ne dit-il pas de lui-mme : Celui qui rpond lhomme
ncessiteux lorsquil Linvoque et dissipe le mal (47). PuisquAllah promet
cet homme rponse et dissipation du mal, que dire de Pharaon, qui a cru en lui
dune foi pure. Il ne demanda pas lasurvivance ici-bas, de peur des dfaillanceset de perdre la puret dintention (ikhls) confre par cet instant. En attestant
sa foi, il prfra la rencontre avec Allah la survie terrestre. La noyade
constitua pour lui le supplice de lAu-del et dIci-bas (48) ; son chtiment
ne fut que le dsagrment de leau sale et son esprit fut saisi dans les
meilleures conditions, comme lindique le sens obvie du texte. Certes en cela
il y a sujet mditation pour qui craint Dieu (49), sur le fait que lui fut inflig
le supplice de lau-del et dici-bas. Lau-del est mentionn avant lici-bas,
pour que lon sache que la noyade fut le seul supplice de lau-del, ce qui
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constitue une grce immense. Vois donc, mon ami, quel fut leffet des propos
adresss avec douceur et quel fruit ils produisirent (50).
(40) CoranX, 90.
(41) CoranVII, 121 et XX, 70.
(42) CoranX, 91.
(43) Ibid.92.
(44) Cf. ibid.98.
(45) Ibid.92.
(46) CoranXI, 98.
(47) CoranXXVII, 62.
(48) CoranLXXIX, 25.(49) Ibid.26.
(50) FuthtII, 276-7
Citons encore cet autre texte o les arguments sont prsents de faon
lgrement diffrente.
Jusqu ce quau bord de la noyade, il dise : jai cru quil ny a pas de dieu si ce
nest Celui en qui ont cru les Fils dIsral . Cette proclamation de lunit est
celle de lappel au secours (tawhd al-istighta). Pharaon employa une
proposition relative (sila) pour lever toute quivoque. Les magiciens avaient
fait de mme ; aprs avoir proclam leur foi dans le Seigneur des mondes, ils
avaient ajout : le Seigneur de Mose et Aaron pour qu'il n'y ait aucune
ambigut dans lesprit des auditeurs, et pour cette raison Pharaon les avait
menacs du supplice. Ce dernier paracheva ainsi son attestation : et je suis de
ceux qui se soumettent Dieu . Car Dieu est celui vers qui tous sont guids etqui nest guid par personne ... Par ces paroles Pharaon informa son peuple
quil revenait sur sa prtention dtre leur seigneur le plus-haut. Son sort est
entre les mains dAllah (fa-amruhu il-llh) puisquil crut en voyant limminence
de sa mort. Une foi de ce genre ne peut carter le chtiment de ce monde,
lexception du peuple de Jonas, mais il nest pas question ici du chtiment de
lau-del. Allah le confirma ensuite dans sa foi : est-ce maintenant, alors que
tu as dsobi auparavant? Ce verset prouve la sincrit de sa foi, sinon Allah
lui aurait rpondu comme aux Arabes du dsert qui disaient : nous avons cru!
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Dis : vous navez pas encore cru, dites plutt : nous nous sommes soumis, car la
foi n'a point encore pntr vos curs (51). Allah a tmoign de la foi de
Pharaon, or Il ne peut attester que quelquun ait proclam sincrement Son
Unit, sans l'en rtribuer. Il ne dsobit plus aprs avoir cru et Allah lagra
auprs de Lui sil en est ainsi dans toute la puret de sa foi. De mme que
l'incroyant en entrant en Islam doit procder une ablution totale (ghusl), de
mme la noyade constitua pour Pharaon une ablution et une purification. Allah
le prit dans cet tat et lui infligea le supplice de lau-del et dici-bas pour
faire de lui un sujet de mditation pour qui craint Dieu . On ne peut pas
assimiler sa foi a celle de l'agonisant (al-mugharghir). Ce dernier est
absolument certain de quitter la vie, tandis que la noyade de Pharaon se
prsente autrement. Il vit la mer assche pour les croyants et comprit quils ledevaient leur foi. Se fiant sa propre foi, il ne fut pas certain de mourir et
pensa mme vivre. Sa situation est diffrente par consquent de celui qui se
prsente la mort et qui dit alors : je me suis repenti maintenant , ou de
ceux qui meurent incroyants (52). Son sort est donc entre les mains dAllah
(53).
Ces deux passages (54) montrent assez avec quelle vigueur leur auteur a
soutenu la foi de Pharaon. Il faut ajouter pourtant que dans le dernier texte Ibn
'Arab remet deux reprises son sort Dieu, qui seul appartient de connatre
la destine posthume des tres. Ailleurs il met une lgre rserve sur la force
de son argument fond sur le est-ce maintenant ? (55). Mais dans
lensemble sa position est cohrente et claire, ntait le passage suivant en
contradiction apparente avec les textes que nous avons cits. Certains auteurs,
soucieux de dfendre lorthodoxie du Shaykh al-Akbar, y trouvrent mme la
preuve quil navait jamais soutenu pareille opinion (56).
... Ces criminels (mujrimn) se rpartissent en quatre groupes, tous vous au
Feu, dont ils ne sortiront point. Ce sont eux qui se sont enorgueillis lgard de
Dieu (al-mutakabbirn 'all-l-llh), comme Pharaon et ses semblables, qui ont
prtendu la Seigneurie en niant celle dAllah. Cest ainsi quil dit :
assemble, je ne vous connais pas dautre dieu que moi! et galement : je
suis votre seigneur le plus-haut ! Il entendait par l que, dans le ciel, il ny
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avait pas dautre dieu que lui comme lavaient aussi prtendu Nemrod et
dautres. (57).
(51) CoranXLIX, 14.
(52) CoranIV, 18.
(53) FuthtII, 410.
(54) V. galement Futht III, 533 et Fuss, p. 212.
(55) FuthtII, 410.
(56) Tel Sha'rndans ses Yawqt wa-l-jawhir, Le Caire 1307 h., p. 13.
(57) FuthtI, 301.
Comment situer ce texte par rapport ceux qui le prcdent ? Il a beau se
trouver dans le premier tome des Futhtet ceux qui expriment clairement la
foi de Pharaon dans les tomes suivants, lide dune volution dans la pense
dIbn 'Arab semble bien invraisemblable. Elle saccorderait peu avec la nature
de son uvre et lexistence dune seconde rdaction des Futht. Une autre
explication plus plausible serait de considrer Pharaon ici comme un type, celui
de lorgueil humain et de l'endurcissement du cur, indpendant du contexte
de lhistoire prophtique. Enfin, et peut-tre est-ce la meilleure explication,
pourquoi ne pas admettre simultanment lexistence de deux interprtations :
lune exotrique et destine au commun des croyants, et lautre destine
llite spirituelle, seule capable de saisir la subtilit du verbe coranique et par
consquent la dimension initiatique du personnage (58).
Sans vouloir tre exhaustif, nous avons essay de reproduire le plus fidlement
possible linterprtation quen donne Ibn 'Arab. Demble on reste frapp parla dmarche suivie par lauteur dans ces textes. Leur aspect dmonstratif et
exgtique est lun de leurs traits les plus remarquables : ils apparaissent en
cela comme assez diffrents dautres exemples dinterprtation sotrique plus
volontiers fonds sur lallusion (ishra). Une question donc se pose : sommes-
nous en prsence dune interprtation guide par une certaine forme de
lecture, ou bien lauteur essaye-t-il de retrouver, par le biais de lexgse, la
confirmation dune intuition de dpart ? Lanalyse de sa mthode exgtique
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permettra dentrevoir un dbut de rponse et surtout de poser plus clairement
la question des rapports entre la doctrine et lexgse.
Lattachement des commentateurs sfs la lettre du Coran a t maintes fois
signal. Il ne signifie pas exgse littrale, mais exploitation de sa richesse
dvocation symbolique, dans le but de faire dcouvrir au lecteur la porte
spirituelle et mtaphysique du texte. Une forme de cet attachement est la
rfrence au sens originel et concret dune racine ou dun mot apparent
celle-ci, pour dcouvrir le sens profond dun autre mot rendu abstrait par
lusage. Ibn 'Arab procde ainsi pour le mot nakl, supplice, dans le verset Et
Allah lui infligea le supplice de lau-del et dici-bas . Il ramne son sens
lide de lien (qayd), et par consquent celle de conditionnement (taqyd), en le rapprochant du mot de mme racine : nikl, lien, garrot. Pour le
commentaire le rsultat est le suivant : aprs avoir prtendu ltat
inconditionn de divinit, Pharaon est ramen, providentiellement, au
conditionnement de la servitude, sans lequel il ny a ni dlivrance vritable ni
flicit. Le verset Certes, en cela il y a un objet de mditation (' ibra) invite
justement un dpassement du sens (tajwuz al-ma'n) du verset prcdent
par ce mot de 'ibra, du verbe 'abara, traverser, dpasser. Parfois la seule
puissance de suggestion dune racine suffit pour faire jaillir une ide nouvelle.
Quand il est dit de Pharaon : peut-tre se souviendra-t-il (yatadhakkar), les
sens multiples de la racine DhKR sinterposent entre le lecteur et le texte et
lide de rminiscence entrane celle dune connaissance antrieure et
essentielle. Le temps dun verbe peut lui aussi tre charg de signification. La
forme accomplie du verbe mantu, jai cru, par lequel Pharaon commence
son attestation de lunit divine, est la preuve quil tait en son for intrieur un
croyant de longue date.
Largumentation dIbn Arabdans ces trois derniers exemples se fonde sur la
valeur des mots en eux-mmes de par leur racine ou leur forme grammaticale.
Dans une autre forme dinterprtation, ce nest plus le contenu linguistique en
lui-mme qui constitue largument, mais le rapprochement logique suggr
dans lesprit du lecteur par tel mot, telle expression, ou mme lordonnance
particulire des mots dans une phrase. Le peut-tre (la'alla) par lequel Dieu
souhaite le repentir de Pharaon serait insignifiant sil tait prononc par un
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autre que Lui. Mais dans ce cas Sa Toute-Puissance exige que Son vu soit
ralis. La parole possde en elle-mme une certaine force opratrice, comme
le tmoignent ces mots prononcs par la femme de Pharaon : (il sera) une
fracheur de lil pour moi et pour toi! (59). Pour Ibn 'Arab ces propos
prsagent lheureuse fin de son poux, puisque, grce Mose, Pharaon ralise
sa vritable destine spirituelle. La connexion dun mot avec une notion
traditionnelle peut renforcer la porte de celui-ci; aprs son attestation de
lunit divine, Pharaon fait acte de soumission Dieu (islam), or, selon le
hadith, un tel acte efface toutes les fautes antrieures, donc Pharaon est
ncessairement pardonn. Enfin la place insolite dun mot nchappe pas
lattention dIbn 'Arab. Pourquoi lau-del est-il mentionn avant lici-bas dans
le verset Et Allah lui infligea le supplice de lau-del et dici-bas? Cettepermutation de lordre ordinaire ncessite une explication : la runion des deux
chtiments en un seul, celui de la noyade dans ce monde.
(58) Il nous faut signaler un autre passage dcouvert aprs la rdaction de cet
article. Ibn 'Arabi y oppose ltat de misre (shaq) de Pharaon ltat de
flicit (sa'da) de sa femme. Bien que ces deux termes se rapportent
gnralement lau-del, lauteur ne prcisant pas, il est difficile de trancher.
Dautre part, comme dans les textes cits plus haut, la dchance de Pharaon
est explique par la hauteur du maqmquil a atteint. (Cf. FuthtIII, 11).
(59) CoranXXVIII, 9 ; Fuss, p. 201.
Enfin on trouve frquemment sous la plume dIbn 'Arab une srie darguments
exgtiques que la science du tafsr dsigne sous le terme gnrique de
commentaire du Coran par lui-mme (tafsr al-qur'n bi-l-qurn). Le
rapprochement entre deux versets possdant chacun un terme en communpeut clairer lun par rapport lautre. Ainsi le verset Ne craignent Allah,
parmi Ses serviteurs, que les savants rapproch du verset peut-tre se
souviendra-t-il ou prouvera-t-il de la crainte signifie que, quand Pharaon
aura prouv une telle crainte, il se souviendra de la science quil a oublie. La
forme comparable que prend lattestation de lunit divine chez Pharaon et les
Magiciens est due pour Ibn 'Arab leur souci commun de lever toute
ambigut possible dans leur formulation. Par consquent celle du premier est
tout aussi valable que celle des seconds. Inversement un autre argument pour
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lacceptation de sa foi par Dieu est fourni par la comparaison de deux versets
allant chacun dans un sens oppos. Si Dieu reproche Pharaon davoir tant
tard attester sa foi, Il ne lui en dnie pas non plus la valeur comme ce fut le
cas pour ces Arabes du dsert qui sentendirent reprocher : vous navez pas
cru ! Cest donc la preuve que la foi de Pharaon tait sincre et quelle a t
agre. Dautre part Ibn 'Arab relve que nulle part dans le Coran Pharaon
nest explicitement mentionn comme damn, si ce nest dans lexpression
les gens de Pharaon . Mais pour lui lexpression ne concerne pas Pharaon lui-
mme.
Tous ces procds restent plus ou moins dans le cadre de lexgse classique.
Evoquons encore une autre forme dinterprtation, plus suggestive querigoureusement logique, sattachant mettre en valeur des relations
insouponnes entre les mots. Par exemple, le tmoignage (shahda) de
lUnit divine proclam par Pharaon, voque aussi lide de martyre (shahda),
car, selon le hadth, le noy meurt martyr (shahd). Dautre part, la noyade
nest pas ici sans voquer lablution totale (ghusl), elle-mme symbole, pour
qui fait acte d'Islam, de purification des pchs antrieurs, ce qui est galement
une promesse faite aux martyrs.
Les arguments dIbn 'Arab sont-ils convaincants ? La question a son intrt,
puisquautour de leur valeur tourne toute la polmique souleve par sa
position. Cependant elle noffre gure dutilit pour le but que nous nous
sommes fix. Il nous importe avant tout de comprendre la dmarche dIbn
'Arab et pour cela, nous devons nous interroger, non pas sur la valeur de son
argumentation, mais sur ses motivations profondes. Comme cela a dj t
soulign, lenjeu de celle-ci est essentiellement doctrinal et prend unecoloration la fois religieuse, mtaphysique et initiatique. Incontestablement
le point quil dfend avec le plus de force et de conviction est
lincommensurabilit de la Misricorde divine. Luvre du Shaykh al-Akbarest
maille de constants rappels de celle-ci, tays par la mention du verset :
Ma misricorde embrasse toute chose (60) et du hadth quds : Ma
misricorde a prcd mon courroux . Sur le plan religieux seul le dsespoir
ou refus de la grce est, avec lassociationisme, un pch sans pardon possible.
Or Pharaon renonce aux deux en mme temps ; a-t-on le droit, dans ces
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conditions, de lui refuser dtre reu dans la misricorde divine ? Sur le plan
mtaphysique, condamner Pharaon cest donc limiter cet aspect de lInfini
quest la Misricorde. Sous ce rapport la position dIbn Arab est replacer
dans le cadre gnral de sa critique des thologiens, auxquels il reproche de
vouloir, par leur rflexion limite, conditionner lAbsolu.
(60) CoranVII, 156.
Sur le plan initiatique la porte des textes cits est multiple. Nous rappellerons
ici brivement les quelques points de doctrine qui constituent l'essentiel de
l'interprtation du personnage par Ibn 'Arab. Celle-ci repose tout dabord sur
une certaine conception de la connaissance et du connaissant. Connatre unechose, ou un tre, cest sidentifier elle, ou lui. Plus lidentification est
totale, plus la connaissance est parfaite. Or pour quelle puisse se raliser, le
sujet connaissant doit renoncer toutes les formes de prtention individuelle,
qui sont autant dobstacles interposs entre lui et son but. Pourarriver celui-
ci, il nest dautre voie que celle de la servitude et de la pauvret. Elles seules
peuvent protger le connaissant contre la terrible preuve quest pour lui la
dcouverte de sa propre divinit et seigneurie , lesquelles ne lui
appartiennent pas en propre, mais ne sont que des manifestations divines en
lui. Le danger couru est donc lappropriation illgitime de qualits qui
nappartiennent qu Dieu. Pourtant, et cest un autre aspect important du
personnage de Pharaon, la connaissance est acquise une fois pour toutes; si
elle peut saccrotre, elle ne peut diminuer et reste donc source de dlivrance.
Cette dernire nest autre que laffranchissement de toutes les limitations par
la ralisation de lUnit essentielle de lEtre, ou plutt de sa non-dualit. On a
reconnu l ce quon est convenu dappeler la wahdat-al-wujd, bien quil nesemble pas quIbn 'Arab lui-mme ait fait usage de ce terme.
Nous possdons maintenant assez dlments pour esquisser une dfinition de
son hermneutique. Celle-ci nous semble la fois une, quant son inspiration
et double sens, quant sa dmarche. Un tre dont laspiration tout entire
est tourne vers lUn ne peut pas ne pas trouver dans la manifestation multiple
de Son Verbe les indices de Son Unit. Na-t-on pas le sentiment que
linterprtation dIbn 'Arab est constamment guide par cette dimension
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mtaphysique ? Nous parlons du double sens de sa dmarche parce que
linterprte a vis--vis du Verbe un double rle, passif et actif. Rceptacle, il
reoit en fonction de sa prdisposition spirituelle et intellectuelle. Il nous
semble, sans pouvoir rien affirmer, que la saisie du sens symbolique des racines
et des mots soit de cet ordre, ce qui expliquerait son caractre parfois insolite.
Par ailleurs le commentateur coule dans le moule de lexgse sa mditation
sur le Livre divin. Ces deux aspects, schmatiquement distingus, se conjuguent
en fait dans la lecture. Pour le sf, celle-ci est aussi bien dhikrquefikr, cest--
dire : rminiscence intuitive et directe et rflexion sur le contenu symbolique et
doctrinal du Coran. Il serait donc inexact de dire quIbn 'Arab, ou tel autre
auteur du Tasawwufse servent du Coran pour justifier leurs thses. Cest au
contraire en vertu dune ncessit intrieure que tel ou tel point de doctrineest replac par eux dans son contexte coranique.
Il reste maintenant, pour conclure, situer linterprtation du Shaykh al-Akbar
dans lhistoire de la littrature sotrique de lIslam. Une premire remarque
simpose : si elle nest pas isole, elle est du moins unique par son ampleur. On
en trouve une premire trace, notre connaissance, chez Sahl al-Tustar (61).
Sarrj rapporte de lui cette parole : Lme a un secret que Dieu na divulgu
que par la bouche de Pharaon, lorsquil proclama : Je suis votre seigneur le
plus-haut ! (62) Al-Hallj, immdiatement aprs Sahl, prend dans une certaine
mesure la dfense de Pharaon de faon beaucoup plus allusive quIbn 'Arab.
On lit dans les Akhbr al-Hallj : ... et lun deux lui demanda ( Hallj) :
Shaykh ! Que dis-tu de la parole de Fir'awn ? Cest une parole vritable
(kalimat haqq). Et que dis-tu de la parole de Mose ? Cest une parole
vritable : toutes deux sont des paroles dont le cours prternel est conforme
leur cours postternel (63). Ce texte en lui- mme reste ambigu ; reste celuides Tawsn, dont une seule phrase peut tre mise en relation avec un
commentaire dIbn 'Arab : Pharaon dit : Je ne vous connais pas dautre dieu
que moi ! , sachant que dans son peuple personne ntait capable de
distinguer entre le vrai et le faux (64). Mais ce qui frappe plutt chez al-Hallj,
cest cette sorte daffinit quil affirme lui-mme exister entre lui et Pharaon
(65). On pense naturellement aux passages o Ibn 'Arab assimile la parole de
Pharaon un shath. Il est intressant de remarquer quun certain nombre
dauteurs ont soutenu simultanment deux opinions sur Pharaon. Jall al-dn
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Rm, par exemple, dans le Mathnav condamne Pharaon ou linterprte
microcosmiquement comme le symbole de limagination luttant contre
lintellect (66). Mais dans le Fhi m fhi il signale la possibilit de
linterprtation sotrique, tout en considrant le point de vue exotrique
comme ncessaire : Les spirituels ne nient pas totalement la faveur de Dieu
envers Pharaon, mais ceux qui ne voient que lapparence le considrent
comme totalement abandonn par Dieu; et pour le maintien des apparences,
cette croyance est convenable (67). Un autre exemple dune double
interprtation se retrouve galement chez les commentateurs respectifs de
Hallj et Ibn 'Arab, Rzbehn Baql et Qshn ; le premier justifie dans son
commentaire des Tawsn (68) les propos dal-Hallj ou de son disciple sur
Pharaon mais nen souffle mot dans son commentaire du Coran, les 'Aris al-bayn. De mme Qshn ne fait aucune allusion la position dIbn 'Arabdans
son propre commentaire, les Tawlt al-qurn, tandis quil commente les
Fuss al-hikam et admet parfaitement linterprtation de lauteur. Beaucoup
plus proche de nous, lEmir 'Abd al-Qdir, disciple fervent dIbn 'Arab,
condense dans un premier passage des Mawqif (69) largumentation de ce
dernier, comme le fit galement Dawwni, cet autre dfenseur de la position
dIbn 'Arab (70). Mais dans un autre mawqif, la question de la flicit
posthume de Pharaon apparat pour lEmir sous un jour beaucoup plus
personnel, puisque sa propre flicit lui est annonce sous forme dun verset
concernant Pharaon. Comme il sen tonne, Dieu lui rvle que Pharaon a
consacr sa vie ladoration divine et quil est mort pur, purifi et martyr
(71).
(61) Mort en 283 h.
(62) Al-Luma', d. Nicholson, Leyde 1914, p. 354 ; v. aussi p. 227. Cf.Massignon, Passion dal-Hallj, rd. Gallimard, T. I, 111.
(63) Cit dans PassionIII, 122.
(64) Tawsn, p. 50. Mme si le passage est, selon Massignon, rajout par
Wsit, il reflte nanmoins le point de vue de son matre al-Hallj.
(65) V. Tawsn, p. 50 et PassionI, 58. La vision de Ibn Ftik pourrait tout aussi
bien sappliquer al-Hallj. Mais nombre dauteurs, pour dfendre la lgitimit
du shath de ce dernier, lopposent la prtention (da'w) de Pharaon. Cf.
PassionII, 281.
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(66) Sur cette dernire interprtation, v. Mathnav, trad. Nicholson; T. IV, vers
399 403.
(67) Fhi m fhi, trad. E. de Vitray-Meyerovitch; Thran 1975, p. 224-5.
(68) Tawsn, p. 93.
(69) Mawqif, pp. 53-55.
(70) Risla f mn Fir'awn, d. Ibn al-Hatb, Le Caire 1964, suivie de la
rfutation de Moll Qr.
(71) Mawqif, pp. 236-7.
Lintrt de cette dernire attestation de la saintet de Pharaon est de
rpondre partiellement la question que nous nous sommes pose sur la
nature de la tradition sotrique concernant Pharaon et dont Ibn 'Arab fut leplus clatant reprsentant. Faut-il y voir une communaut dattitude
hermneutique ou bien une transmission littraire ou orale ? Lexemple de
lEmir Abd al-Qdir montre quil est parfaitement possible dadmettre les deux
simultanment.
On aimerait pouvoir replacer cette interprtation dans une tradition
gnostique des Gens du Livre . Peut-on esprer plus belle illustration de la
Gnose salvatrice que lhistoire de Pharaon telle quelle nous est prsente par
Ibn 'Arab ? Les quelques textes que nous avons consults ne nous ont apport
que des rponses moiti satisfaisantes. Le Midrash fait pourtant allusion au
repentir de Pharaon (72). La tradition exgtique chrtienne sest elle aussi
intresse Pharaon, mais, dans lensemble, elle en fait plutt lillustration du
mystre de la prdestination ou le symbole des forces tnbreuses qui
entranent lhomme vers la matire (73). Mais nos possibilits dans ce domaine
tant trs limites, cest plutt pour susciter une rponse que nousmentionnons ces deux exemples. Quant lEgypte pharaonique, ce Fir'awn
coranique la concerne assez peu; toutefois il nest pas inintressant de
retrouver sous la plume dun auteur sf une quasi justification de la divinit
de Pharaon.
(72) Cf. Sidersky, Les origines des lgendes musulmanes, Paris 1933, p. 85 :
Prends exemple de Pharaon, roi dEgypte; par le mme langage quil avait
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pch, il sest ensuite repenti, en disant (Exode XIV, 11) Qui est comme toi
parmi les Dieux, Eternel! .
(73) V. Origne, Homlies sur lExode, et Grgoire de Nysse, La Vie de Moise,
Sources Chrtiennes, Tomes XVI et I.