F O C U S | 2 6
Lubumbashi, ville à réinventerL A V O I X D U C O N G O P R O F O N D | 2 6
L’énergie féminineC A R T E | 1 6
La réhabilitation des routes
&co
D O S S I E R | 6
Les enjeux de la mobilité
L E M A G A Z I N E D E L A C O O P É R AT I O N B E L G E E N R E P U B L I Q U E D É M O C R AT I Q U E D U C O N G O N°3
E D I T I O N S P É C I A L E 3 è m e R É P U B L I Q U E & R E C O N S T R U C T I O N D U P A Y S
La mobilité,voyage en classe défi !
D u 5 au 8 mars 2007, la Commission
Mixte de Coopération au développement
entre la République démocratique du Congo
et le Royaume de Belgique s’est réunie à
Kinshasa. A cette occasion, la Commission
Mixte a adopté un Programme Indicatif de
Cooperation (PIC) pour la période 2008-
2010. C’était donc de grandes retrouvailles
entre de vieux amis. Et les chefs des déléga-
tions étaient à la hauteur de l’événement,
notamment pour le gouvernement congolais,
son Excellence Monsieur Antipas Mbusa
Nyamwisi, Ministre d’Etat chargé des Affaires
Etrangères et de la Coopération Internationale
et pour le gouvernement belge, son Excellence
Monsieur Armand De Decker, Ministre de la
Coopération au développement.
Les élections réussies ont renforcé les attentes
de la population congolaise envers le Président
de la République, le Gouvernement, l’Assemblée
Nationale et le Sénat, les Assemblées et les
Gouvernements Provinciaux, et les entités loca-
les bientôt installées. En plus, la Constitution de
la Troisième République veut marquer la refon-
dation de l’Etat afin que la population bénéficie
des dividendes de la paix et de la stabilité.
Pour répondre à cette immense attente popu-
laire, la Belgique s’engage à appuyer la recons-
truction et le renforcement institutionnel de
l’Etat à tous les niveaux de pouvoir, qu’ils
soient central, provincial ou local et à marquer
son soutien par des actions concrètes de déve-
loppement, à impact visible et immédiat afin
d’améliorer les conditions de vie des congolais.
Ce Programme Indicatif de Coopération s’appuie
lui-même sur les stratégies de développement
définies dans le Document de Stratégie de la
Croissance et de Réduction de la Pauvreté adopté
par le gouvernement congolais en juillet 2006.
Le choix des secteurs prioritaires développe
quatre axes : 1° l’accès aux services sociaux de
base (santé et éducation) ; 2° les infrastructu-
res de base (eau et assainissement, énergie,
pistes rurales) ; 3° l’agriculture, le développe-
ment rural et les forêts ; 4° la bonne gouver-
nance et la dynamique communautaire (gou-
vernance locale, réforme de l’administration
publique et appui institutionnel).
A cela s’ajoutent les interventions multisecto-
rielles de la Belgique comme le Programme des
bourses et stages, le Programme de Micro Inter-
ventions et les Fonds d’études et d’expertise.
Le montant indicatif global du PIC belgo-congo-
lais s’élève à 195 millions d’euros répartis à
concurrence de 65 millions d’euros par an.
Les éléments constitutifs d’un nouveau parte-
nariat de la coopération ont été longuement
discutés. Ce nouveau partenariat est basé sur la
responsabilité mutuelle, sur l’appropriation de
l’initiative de la coopération, sur le renforce-
ment des capacités des cadres nationaux sur-
tout dans la gestion des projets et programmes
et sur l’utilisation des institutions nationales
existantes afin d’éviter la création de nouvelles
unités parallèles de mise en œuvre.
Tous s’accordent sur la nécessité de promouvoir
progressivement le transfert de responsabilités
de gestion aux institutions nationales. A cet
effet, la qualité de leur gouvernance est un
indicateur crucial.
En mars 2007, de bonnes bases pour une coo-
pération dynamique et un partenariat respec-
tueux ont été indubitablement jetées. Utilisons-
les donc pour assurer ensemble le bien-être et
la prospérité du Congo et des Congolais !
2 N O V E M B R E 0 7 | N°3
EDITORIAL
J o h a n S W I N N E NAmbassadeur de Belgique en RDC
La singularité du contexte actuel rend plus
impératives encore les synergies entre bail-
leurs de fonds, car le processus de décentra-
lisation bouleverse les positions établies, au
sein de l’Etat et de la société civile. Chacun
doit redéfinir sa place dans un environnement
culturel et social en pleine mutation. La
tâche est complexe.
Le dossier de ce numéro de «&C0» se
concentre sur la mobilité. Un facteur de base
essentiel au bon déploiement des initiatives
de reconstruction du pays. L’amélioration des
voies de communication doit permettre aux
marchandises et aux personnes de mieux
circuler, pour commercer, travailler, se nourrir,
se soigner, étudier et plus simplement se
rencontrer.
Le Programme d’Urgence, mis en œuvre par la
CTB, au lendemain des élections, se consacre
pour une grande part à cette question cru-
ciale. Que ce soit via des travaux de voiries à
Kinshasa, Lubumbashi et Mbuji-Mayi, le dés-
ensablement du port de Kalemie, la réhabili-
tation de la route Boma - Tshela ou encore la
réfection de bacs de traversées fluviales, véri-
tables piliers du désenclavement.
Le premier numéro de «&C0», se penchait sur
l’histoire du développement urbain de
Kinshasa. C’est maintenant au tour de
Lubumbashi, une ville à la croissance rapide
qui fait face à des problèmes d’insalubrité et
de manque d’eau potable. Une situation à
laquelle le Programme d’Urgence répond via
des actions concrètes. Mais ce 3ème numéro
aborde aussi bien d’autres aspects de notre
coopération belgo-congolaise.
Nous vous invitons, sans plus attendre, à
découvrir cette nouvelle édition.
Encore une fois, excellente lecture !
Les défis posés par le nouveau partenariat
belgo-congolais demeurent inédits et
d’une importance historique pour la
Coopération Technique Belge. L’ampleur des
nouvelles ambitions nécessite une montée en
puissance de nos capacités de gestion ainsi
qu’une révision du modèle de fonctionne-
ment. Ces ajustements s’avèrent indispensa-
bles pour absorber la croissance annoncée.
Les activités en RDC représentent à elles seu-
les plus du tiers des opérations de la CTB
dans le monde !
Avant la fin 2007, la CTB aura mis en place,
en RDC, un modèle de gestion basé sur les
processus et la gestion de portefeuilles
(Portfolio Management). Le principe consiste
à optimaliser les ressources en favorisant les
synergies entre projets et les économies
d’échelle, tout en mettant l’accent sur la sub-
sidiarité et la décentralisation. Cette démar-
che s’inscrit dans une logique sectorielle,
avec la gouvernance comme préoccupation
transversale.
Dans l’optique de la Déclaration de Paris, la
CTB met en œuvre des programmes financés
par divers bailleurs et encourage les cofinan-
cements. Ainsi, même dans le fragile
contexte d’une nouvelle démocratie en phase
de « post-transition » comme la RDC, la CTB
parvient à appliquer les recommandations
relatives à l’efficacité de l’aide internationale
et à l’alignement sur les priorités nationales.
Citons par exemple l’appui à la stratégie de
renforcement du système de santé (SRSS),
financés conjointement par la Belgique (ASS-
NIP) et la Banque mondiale (PARSS), le pro-
gramme de relance de la justice (à l’est) du
Congo (REJUSCO) cofinancé par l’Union euro-
péenne, la Grande-Bretagne (DFID), les Pays-
Bas (DGIS) et la Belgique, le programme d’ap-
provisionnement en eau potable déployé dans
plusieurs villes avec des financements de
l’Union européenne, la Grande-Bretagne, la
Belgique et la France (AFD).
Par ailleurs, la complexité de la décentralisa-
tion nécessite une approche innovante. La
CTB est engagée de plein pied dans ce pro-
cessus, via une collaboration avec le PNUD
(Programmes des Nations Unies pour le
Développement) pour les programmes d’appui
aux initiatives de développement communau-
taire qui soutiennent la décentralisation des
services de l’Etat (PAIDECO – PADDL).
3
AVANT-PROPOS
P a r M a n o l o D e m e u r eReprésentant Résident Coopération Technique Belge
Inauguration en mars 2007 du pont ferroviaire de Nyemba, réhabilité par la Belgique. | © Jan Van Gysel (CTB)
4 A c tu a l i t é >N O V E M B R E 0 7 | N°3
F r é d é r i c L O O R E
tretien des infrastructures existantes. A ce
sujet, l’exemple du réseau routier est le plus
parlant. Les Belges avaient autrefois construit
de remarquables routes-digues, aujourd’hui
dans des état lamentable en raison des préci-
pitations abondantes qui les détériorent. Une
détérioration accentuée par le fait que ces
routes, construites sur des terrains argilo-
sableux, peuvent difficilement être bitumées.
De plus, à l’époque coloniale, ces pistes en
latérite étaient essentiellement sillonnées par
de petits véhicules de type Volkswagen, alors
que de nos jours elles supportent nombre de
gros transporteurs qui causent de sérieux
dégâts. D’autant plus sérieux que les «barrières
de pluies*» ne sont plus respectées depuis
longtemps. Si vous ajoutez à cela les années
de guerre pendant lesquelles les grands bail-
leurs de fonds internationaux et le secteur
privé ont désinvesti, le conflit en tant que tel
et ses conséquences désastreuses, l’incurie
du pouvoir et la «mal gouvernance », vous
obtenez la situation de totale déshérence que
nous déplorons.
Quel est l’enjeu du défi de la réhabilitation des routes ? La remise en état du réseau routier ne doit pas
servir uniquement à faciliter l’exportation des
matières premières. A mon sens, elle doit être
également le pivot de l’articulation entre les
villes et les campagnes, condition sine qua
non d’un développement en profondeur. En
clair, il faut rétablir un marché intérieur en
réapprovisionnant les marchés dans les villes
où les besoins en produits agricoles sont
criants. Or, actuellement, les centres urbains
sont largement coupés des zones rurales. Ce
sont les femmes – au prix d’un travail quoti-
dien exténuant- qui maintiennent un lien ténu
« Ressouder le territoire nationalet rétablir un marché intérieur»
E N T R E T I E N A V E C Roland Pourtier*
Où en est-on à l’heure qu’il est ?Ces infrastructures comptent toujours parmi les
moins performantes au monde. Fort heureuse-
ment, leur remise en état figure en tête des prio-
rités nationales reprises dans le programme du
gouvernement 2007-2011. La reconstruction
du pays, son intégration et son développement,
sont à ce prix. D’où l’importance des infrastruc-
tures à réhabiliter et des modes de transport à
privilégier, étant donné que la mobilité de type
« multi-modal» (route, voie d’eau, voie ferrée)
est la mieux adaptée aux conditions du pays.
Quelles sont les causes principales du délabrement ?Des décennies de dégradation constante four-
nissent une partie de l’explication. Cela tient à
deux choses intimement liées: d’une part, les
contraintes physiques dues au climat et à la
nature des sols ; d’autre part, l’absence d’en-
EN 2003, DANS UNE ÉTUDE MENÉE POUR LE COMPTE DE L’INICA (INITIATIVE POUR L’AFRIQUE CENTRALE), SUR LETHÈME : « L’AFRIQUE CENTRALE ET LES RÉGIONS TRANSFRONTALIÈRES : PERSPECTIVES DE RECONSTRUCTION ETD’INTÉGRATION » VOUS CONSTATIEZ LE PITEUX ÉTAT DES INFRASTRUCTURES DE MOBILITÉ EN RD-CONGO.
Kikwit, réhabilitation des routes rurales par la CTB (Méthode HIMO) | © Jan Gysel (CTB)
entre les deux. Elles font inlassablement la
navette, transportant sur leur dos, le bois, le
manioc, les vivres divers destinés aux cita-
dins. Tant bien que mal, les «pédaleurs » leur
prêtent main forte. Ces cyclistes couvrent des
distances parfois énormes sur des pistes en
sable qu’ils sont bien souvent les seuls à pou-
voir emprunter. On en a vu se rendre à Mbuji
Mayi depuis le Kivu ! Ils sont très nombreux
autour de Lubumbashi ainsi que dans le Bas
Congo. Ces hommes et ces femmes, contri-
buent à ravitailler les marchés urbains ; mais,
tous leurs efforts tiennent de la survie. On ne
bâtit pas une économie solide à la force du
mollet ! D’où l’urgence de rétablir les liaisons
entre les lieux de production et de consomma-
tion.
En réhabilitant les infrastructures, ne contribue-t-on pas également à la consolidation de la société congolaise ? Certainement ! Toute société entretient une rela-
tion étroite avec son territoire. Partant, on ne peut
envisager de consolider la société congolaise ni
faciliter le « vivre ensemble », sans rendre le ter-
ritoire de la RDC physiquement accessible dans
sa totalité. La cohésion nationale est mise à mal
à partir du moment où il est difficile, voir impos-
sible à certains endroits, de circuler. Dès lors
qu’elle se retrouve privée d’une représentation
claire de son espace national, la population se
replie sur l’échelon régional, sinon local. Dans le
même temps, l’Etat n’ayant plus la capacité
d’exercer ses fonctions sur l’ensemble du terri-
toire, abandonne une partie importante de sa
souveraineté. La réhabilitation des infrastructures
de mobilité conditionne la reconstruction de
5
l’unité nationale et conforte la représentation que
les Congolais se font de leur territoire. A cet
égard, l’identité nationale s’est aussi construite
autour du fleuve Congo, lequel bénéficie d’une
image très forte, celle du cours d’eau le plus puis-
sant d’Afrique. Cette image, entretenue dès
l’école, participe beaucoup à la cohésion de la
société. On peut même dire que l’Etat, figuré
dans son réseau hydrographique, entraîne une
adhésion forte de la part des Congolais.
S’agissant du transport fluvial justement,quel peut être son impact sur la reconstruction et le développementéconomique ?Soulignons tout d’abord que la réhabilitation
du réseau fluvial est possible à peu de frais
comparativement à ce qu’exige le réseau rou-
tier. Les travaux de restauration consistent,
pour l’essentiel, dans le dragage et le balisage
des cours d’eau. J’insiste sur le fait que ce
réseau, aux potentialités remarquables, est le
seul beau réseau navigable d’Afrique. C’est une
chance pour la RDC ! Ensuite, au même titre
que la route, la voie d’eau permettrait de remé-
dier à l’« archipellisation » du territoire, c’est à
dire à l’éclatement du pays en îlots isolés et
enclavés. C’est particulièrement vrai dans l’Est
où les provinces sont passablement coupées du
reste du pays, et n’évitent l’asphyxie économi-
que qu’en commerçant avec l’Afrique de l’Est
et les ports de l’Océan Indien.
Kisangani doit être désenclavé d’urgence,
faute de voir toute cette région se désolidari-
ser. Je le répète: ressouder le territoire natio-
nal et rétablir un marché intérieur constituent
des objectifs prioritaires. Le Congo, considéré
comme le pays intrinsèquement le plus riche
d’Afrique, est aujourd’hui l’un des plus pauvres.
Probablement parce qu’il a été trop longtemps
sous la coupe de l’économie de rente (Ndlr. Le
commerce des matières premières) qui n’a pas
profité aux Congolais, sinon à certaines catégo-
ries de dirigeants ou de responsables.
Objectifs prioritaires, dites-vous. Pour autant, le désenclavement régionalne doit pas occulter l’essor économiquedu pays à l’échelle du continent africain,voire du monde… Bien sûr que non. Faire en sorte de recréer un
marché interne, rouvrir les campagnes, remettre
les villes en relation les unes avec les autres, tout
cela peut très bien aller de pair avec la volonté
de favoriser la croissance de la RDC au plan
continental et même mondial. On peut parfaite-
ment concevoir un développement à différentes
échelles, du local à l’international.
Quel rôle peut jouer la remise en état des infrastructures de mobilité dans le processus de pacification ?Déterminant! Sans infrastructures de transports
réhabilitées, il n’y aura pas de développement
économique significatif en RDC. Et sans déve-
loppement, pas de paix durable. Tout est donc
intimement lié. Sachant que la guerre était avant
tout une guerre de la misère, des transports qui
remplissent leur fonction à tous les niveaux
constituent indéniablement l’amorce du proces-
sus de pacification.
Bandundu. Un panneau de signalisation, vestige de l’époque coloniale | © Wim Van Cappelen (Reporters)
* Mr Roland Pourtier est professeur à Paris I Panthéon Sorbonne, il enseigne à l’Institut de géographie de Paris et à l’Institut français de géopolitique.
Kasaï, cabine publique. La téléphonie mobile a explosé ces dernières années en RDC. | © Jan Gysel (CTB)
La mobilitédans tous sesétats
EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO COMME AILLEURS, LES VOIES DE COMMUNICATION CONDITIONNENT LE DÉVELOPPEMENT DU PAYS. PLUS ENCORE, SA RECONSTRUCTION, SON INTÉGRATION RÉGIONALE ET SA PACIFICATION, DÉPENDENT EN GRANDE PARTIE DES INFRASTRUCTURES DE MOBILITÉ. LA RDC A BESOIN, DE FAÇONURGENTE, DE RÉSEAUX ROUTIERS, FLUVIAUX, FERROVIAIRES ET AÉRIENSCAPABLES DE DÉSENCLAVER LES RÉGIONS ISOLÉES. IL S’AGIT DE RECRÉER UN MARCHÉ INTÉRIEUR, RELANCER L’EXPLOITATION MINIÈRE ET PERMETTRE À L’ETAT DE RESTAURER SA SOUVERAINETÉ LÀ OÙ SES CAPACITÉS SONT FORTEMENT AFFAIBLIES. LE PAYS A BESOIN D’UN VÉRITABLE PLAN NATIONAL POUR LA MOBILITÉ, SI ON VEUT ESPÉRER ATTEINDRE LES OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE.
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F r é d é r i c L O O R E
L e sous-équipement de la RDC et la fai-
blesse de ses infrastructures de trans-
port constituent un obstacle majeur à
son essor économique à tous niveaux : local,
régional, continental et même mondial. La fai-
blesse des échanges intérieurs comme exté-
rieurs en atteste. Les premiers se sont
contractés sous l’effet de « l’archipellisation »
du territoire, qui a atomisé le marché natio-
nal. La pauvreté s’est propagée à mesure qu’a
été consommée la rupture entre les villes et
les campagnes ; ce qui n’est d’ailleurs pas
sans effet sur l’identité et la cohésion natio-
nale*. Quant aux échanges avec l’étranger
(flux transfrontaliers et exportations), à
l’image du maigre trafic du port de Matadi ou
de l’effondrement de l’activité de la
Gécamines du Katanga, ils ne sont guère de
nature à rendre vigueur au commerce exté-
rieur de la RD-Congo.
Partant du principe de réalité selon lequel le
développement est le meilleur antidote à la vio-
lence, on comprend le défi de la remise en état
des infrastructures. Toute pacification durable
en dépend. Mais la tâche s’annonce gigantes-
que. A la mesure en tout cas du vaste sous-
continent d’une superficie de 2 345 000 Km2,
qu’est la RDC.
Pour être efficace, la stratégie de la mobilité en
RDC doit s’envisager dans la complémentarité
des divers modes de transports. Les choix
exclusifs, qui privilégient un mode sur un autre
(par exemple la route), ne répondront que par-
tiellement aux attentes des populations.
8 D o s s i e r >N O V E M B R E 0 7 | N°3
Petit tour d’horizon des différentes voies de communication..
La route Le réseau routier de la RDC compte
152 400 Km – dont un peu moins de
3 000 Km sont asphaltés et gérés par trois
organismes d’Etat. L’Office des routes (OR) a
la responsabilité des 58 000 Km de routes
nationales et régionales qui relient les provin-
ces et desservent les grands centres urbains ;
l’Office des Voiries et Drainage (OVD) a en
charge les 7 400 Km de routes urbaines.
Enfin, les routes de desserte agricole et autres
pistes rurales, soit 87 000 Km, sont placées
sous le contrôle de la Direction des Voies de
Desserte Agricole (DVDA).
Des programmes de relance prioritaire font
l’objet de concertations entre les bailleurs de
* Lire l’interview du Professeur Pourtier
1. La fabrication des « cukudu », ces trotinettes artisanales répond à une technologie précise. | © Roger Job
2. Lubumbashi, centre ville, transporteur. | © Sammy Baloji
3. Lubumbashi, Matshipisha, arrêt de bus, les « pédaleurs » attendent le départ. | © Sammy Baloji
4. Taxi à Lubumbashi. | © Sammy Baloji
5. Route du Bas-Congo | © Jan Gysel (CTB)
1
4
5
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9
fonds internationaux (Banque mondiale,
Commission européenne, Banque africaine de
développement, coopérations belge, allemande,
anglaise, Chinoise et le Fonds Koweitien, etc.),
le Ministère des Infrastructures, Travaux Publics
et Reconstruction, responsables des infrastruc-
tures routières, et le Ministère des Transports et
Communication. Une première phase vise la
construction d’un réseau qui relierait toutes
les provinces entre elles en même temps qu’à
Kinshasa. Les grands axes mettant en relation
les capitales provinciales et les principaux
centres seraient les suivants :
Matadi-Kinshasa, Kinshasa-Bandundu-
Mbandaka, Kinshasa-Kikwit-Tshikapa-
Kananga-Mbuji-Mayi-Lubumbashi,
Mbuji Mayi-Bukavu, Bukavu-Goma-Beni,
Beni-Bunia-Kisngani, Bukavu-Kisangani,
Kisangani-Buta-Lisala-Gemena
Une seconde phase consisterait à étoffer ce pre-
mier maillage de routes prioritaires. Il s’agirait en
fait de dessertes agricoles permettant d’accéder
aux campagnes. En ce qui concerne le réseau
principal, les financements sont déjà partielle-
ment assurés (la Banque mondiale a réuni
147,5 millions de dollars sur les 460 promis) et
un échelonnement des travaux a été établi.
Le railLa RDC possède un réseau ferroviaire théorique
d’environ 5 000 km, scindé en trois sous-
réseaux en piteux état. A l’Ouest, l’Office
National des Transports (ONATRA) exploite la
ligne Kinshasa-Matadi (366 km), reliant la capi-
tale au port maritime le plus important du pays.
Depuis Lubumbashi, la Société Nationale des
Chemins de fer du Congo (SNCC) gère, quant à
elle, un réseau de 3 641 km connecté à ceux
des pays d’Afrique australe, principalement la
Zambie et l’Angola. L’essentiel de son trafic fer-
roviaire s’opère dans le Sud-Est, entre les villes
minières du Katanga et les grands centres des
deux Kasaï. Vient ensuite le vieux Chemin de fer
des Uélés (CFU), dans le Nord-Est, constitué
d’un millier de km de voies à l’agonie, dont
l’avenir est des plus incertains. (Lire aussi l’ar-
ticle sur les chemins de fer page 14)
Le fleuveAvec le fleuve Congo et ses affluents, l’Afrique
centrale dispose du plus important réseau navi-
gable du continent. La RDC a accès à
14 000 Km de voies fluviales et 1 300 Km de
voies lacustres navigables. L’essentiel de la
navigation se concentre sur les axes :
Kisangani-Kinshasa, Bangui-Brazzaville, Ilebo-
Kinshasa et sur les lacs Tanganyika et Kivu. Le
handicap majeur du transport fluvial tient à
l’impossibilité de déboucher sur l’océan à
cause des rapides qui ferment le Congo entre le
Pool Malebo et Matadi.
Après des années d’immobilisme dû à la guerre,
le transport fluvial repart peu à peu. La réhabili-
tation des infrastructures portuaires et le réamé-
nagement de certaines voies d’eau ont relancé le
trafic de fret. En outre, le transport de voyageurs
a repris sur le bief maritime du fleuve, de même
que la traversée entre Kinshasa et Brazzaville.
Une reprise dont devrait tirer profit Matadi, le
plus grand port de RDC, point focal du com-
merce international par lequel transite
80 % du trafic non pétrolier. Pourtant, malgré les
atouts incontestables du fleuve et les efforts
accomplis, les obstacles au développement de
son potentiel économique restent nombreux.
6. Toleka (vélos taxis) à Kisangani. | © Jan Van Gysel
7. La pirogue est l’un des modes de communication les plus répandus. | © Kokolo
8. Goma, les vendeurs remontent en camion vers leurs fournisseurs. Ils redescendront à toute allure sur leur trotinette chargée de produits pour le marché. | © Roger Job
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10 D o s s i e r >N O V E M B R E 0 7 | N°3
aéroports de catégorie internationale. La RVA
se charge aussi du contrôle de la navigation et
de la gestion de la circulation aérienne. La
Direction de l’Aviation Civile (DAC), constitue
l’autre entité ministérielle qui décide la régle-
mentation et contrôle la normalisation de
l’aviation civile. Cette direction gère une cen-
taine d’aérodromes secondaires dans le pays.
Mais actuellement, une certaine confusion
règne concernant la répartition des rôles res-
pectifs, une réorganisation institutionnelle est
en cours pour améliorer la situation.
La question de la sécurité, primordiale pour les
voyageurs, est notamment en tête des priorités.
rités congolaises le vendredi 31 Aôut 2007.
Le cielHéritières de la défunte compagnie nationale Air
Zaïre, les Lignes Aériennes Congolaises (LAC)
peinent à desservir correctement les aéroports de
RDC parmi lesquels Kinshasa, Lubumbashi,
Kisangani, Goma et Gbadolite. De ce fait, le ciel
congolais est grand ouvert aux initiatives privées.
Pas moins d’une vingtaine de compagnies pri-
vées y opèrent, la plupart du temps dans des
conditions de sécurité assez aléatoires. Les infra-
structures aéroportuaires, obsolètes, laissent
également à désirer. La Régie des Voies
Aériennes a entrepris de les moderniser.
Cette entreprise publique créée en 1972, a
pour missions la gestion, l’exploitation et l’en-
tretien d’un réseau de 52 aérodromes, dont 5
Bassin du fleuve Congo Rivière Lukuga, déversoir du lac Tanganyika.Tout au long de son cours, le fleuve reçoit d’importantes rivières dont certaines sont navigables mais d'autres,
comme la Lukuga, rencontrent des « barres rocheuses » qui les rendent impraticables. | © Jan Gysel (CTB)
Le Fonds National d’Entretien Routier (FONER)
ouvre la voie de l’avenir
Depuis 2001, les partenaires extérieurs de la RDC
(les bailleurs internationaux) ont beaucoup investi dans
le vaste chantier de réhabilitation des infrastructures
de transport du pays. Mais à l’avenir, ces efforts,
pour importants qu’ils soient, doivent être pérennisés
à l’aide d’un mécanisme de financement durable et
indépendant des contraintes budgétaires du
gouvernement congolais. C’est à cette fin qu’un projet
de loi a été adopté à l’Assemblée Nationale. Celui-ci
doit encore être présenté au Sénat avant sa promulgation
définitive par le Président de la République.
Comme son nom l’indique, cette structure indépendante
est dotée de fonds destinés à couvrir les dépenses
d’entretien des réseaux routiers (routes d’intérêt
général, dessertes agricoles, voiries urbaines), fluvial
et lacustre. Selon une étude* menée en 2005,
le réseau éligible au financement du FONER devrait être
constitué en 2007, de 5 886 km de routes d’intérêt
général et de 7 019 km de voies navigables.
A l’horizon 2008, la longueur de ce réseau, à charge du
FONER, serait augmenté de plus de 1000 km.
L’ambition des administrateurs du moment est d’assurer
la maintenance de 15 000 km de routes en 2015.
Quel est le mécanisme financier ?Les dépenses à honorer englobent divers postes :
entretien courant et périodique des voies de
communication, entretien des bacs et des ponts, frais de
gestion, protection du patrimoine routier, campagnes de
sensibilisation de la population, inspection du réseau,
contrôle des travaux réalisés. Pour y faire face, le FONER
pourra compter sur des recettes alimentées
essentiellement (90%) par la redevance sur les produits
pétroliers et les lubrifiants. D’autres redevances liées à
l’usage de la route (droits de péage, taxe de circulation,
etc.) serviraient d’appoint. Pour l’année 2007, les
rentrées attendues sont évaluées à quelque 2,5 millions
de dollars mensuellement. Elles devraient se monter à
47 millions de dollars pour l’ensemble de l’année 2008.
Cependant, au stade actuel, le choix final pour
l’allocation des ressources n’est pas encore confirmé.
Les organismes bénéficiaires des allocations ( OR, OVD,
DVDA ou RVF ) seront déterminés lors de l’approbation
définitive du projet de loi devant le parlement.
Il en sera de même pour la clé de répartition des
ressources du FONER, entre les pouvoirs, central
et provincial, qui n’a pas encore été décidée.
F.L.
SOURCES
– L’Afrique centrale et les régions transfrontalières : Perspectives de reconstruction et d’intégration.Etude 2003 du Pr. Roland Pourtier pour l’INICA (Initiative pour l’Afrique centrale).
– Les atouts et limites du fleuve Congo à la relance économique post-conflit en RD Congo.Pr. Francis Lelo Nzuzi et Pr. Celestin Tantu Nginamu, Université de Kinshasa, (à paraître)
– Note de synthèse projet de création du FER-RDC/Cellule Infrastructures-déc.2006.– Etat général de la navigation aérienne au Congo RDC. Rapport d’inspection de Mr. Lona Charles Ouattara, expert aéronautique.– Le secteur des transports face à un défi majeur : rénover et développer le Réseau !, Regards sur Kinshasa, mai 2007. – Analyse de mécanismes d’entretien de routes réhabilitées en RD Congo,
Yves Hanoteau, Géologue au Centre de Recherches Routières, Belgique, Congrès Mondial de la Route, AIPCR, septembre 2007.
* Etude pour la création du Fonds d’entretien routier, menée par le consultant BCEM sous la coordination de la Cellule Infrastructures.
11
La non publication de l’information aéronautique (AIP) depuis 1994, explique enpartie les dangers qui pèsent sur le trafic aérien, spécifiquement aux abordsimmédiats des aéroports. En effet, l’AIP précise les procédures aux instrumentsou à vue au décollage, en route, en approche et à l’atterrissage; elle permetégalement au Commandant de bord de connaître les fréquences radioélectriquesde l’aéroport, les altitudes et les types d’aides à la navigation à utiliser.
En clair, l’Information Aéronautique est essentielle à la bonne tenue des volsjusqu’à l’arrêt complet des moteurs, de même qu’elle prémunit les aéronefs
contre les risques de collisions aux conséquences désastreuses pour les passagers,les riverains et le matériel. Publiée annuellement, l’AIP est réactualisée tous les28 jours suivant un calendrier international (appelé AIRAC) établi par l’Organi-sation de l’Aviation Civile Internationale (OACI). Elle doit normalement figurer dansles bases de données de bord des aéronefs et être reprise dans les manuelsJeppesen des routes aériennes à la disposition des personnels navigantstechniques. Faute d’AIP, les pilotes sont contraints de voler sans données fiables.Le cas échéant, les plus expérimentés s’en remettent à leur connaissance du cielcongolais ; quant aux nouveaux venus, ils tâtonnent et se livrent à des jeux dedevinettes ! De cette façon, les atterrissages et les décollages au départ et àl’arrivée de l’aéroport de Kinshasa Ndjili notamment, sont particulièrementdélicats.L’absence de publication de l’information aéronautique incombe à la Régie desVoies Aériennes (RVA), qui peine à mener ses missions de contrôle, de sécurisationde l’espace au-dessus de la RDC. La défaillance du réseau de communication,entre les tours de contrôle et les aéronefs, est d’une telle ampleur que les expertsinternationaux qualifient l’espace aérien congolais de : « trou noir » ! C’est pourtenter de le combler, en partie, que la Coopération Technique Belge (CTB) a prisen charge le financement de la publication de l’AIP. Celle-ci a été remiseofficiellement aux autorités congolaises le vendredi 31 aôut 2007.
F.L.
«Trou noir» dans le ciel du Congo
Véritable épine dorsale de la RDC, le fleuve Congoconstitue l’axe nourricier du pays. Il est aussi le traitd’union des divers modes de transport, y compris la route !La voie fluviale joue un rôle clé dans les échanges inter-provinciaux, les contacts entre les populations, le commerce (inter)national et, plus généralement, la relance économique post-conflit.
Mais en dépit de ses atouts - que les autorités tententde valoriser depuis la fin de la guerre -, le fleuvedemeure malgré tout handicapé par toutes sortes defaiblesses et de pesanteurs qui font barrage à la consolidation de l’unité nationale, au redéploiementde la production agricole, à la re-dynamisation et àl’industrialisation des villes riveraines, etc. Autantd’objectifs à la réussite desquels doit nécessairementcontribuer le trafic fluvial.
Sur le plan géographique tout d’abord, le fleuve Congone traverse pas les zones de peuplement dense, ni lesrégions économiquement florissantes telles le Nord et leSud Kivu, le Kasaï Occidental et Oriental. Il délaisse enfait toute la partie sud du pays qui concentre pourtant80 % de la population urbaine et 68 % du PIB. Du pointde vue de l’exploitation économique ensuite, le fleuve est
sous utilisé par ses principaux usagers : le transporteur(l’ONATRA), le client (la Gécamines) et le nettoyeur (la RVF, Régie des voies fluviales). La flottille et les ports du premier, géant du transport fluvial, sontvétustes et non opérationnels. De son côté, laGécamines a été contrainte de détourner l’exportationdes minerais qu’elle produit à l’Est, vers le terminaltanzanien de Dar-es-Salaam. Ceci aux dépens del’ONATRA et du port de Matadi. Enfin, à cause del’obsolescence de son outil de production, la RVF n’estplus en mesure d’accomplir correctement le dragage et le balisage des voies d’eau, rendant la navigationparticulièrement périlleuse.
Autre obstacle au développement de l’activitécommerciale fluviale : les tracasseries administrativeset policières dont sont victimes les opérateurséconomiques et les exploitants de navires. La perceptionindue de taxes et de frais divers a été érigée en systèmepar les services étatiques, qui rançonnent littéralementles utilisateurs du fleuve. A cela, s’ajoute le problèmesécuritaire, le transport par bateau des biens et despersonnes étant encore loin d’être sans risque malgré la pacification de la RDC.
F.L.
Un long fleuve pas si tranquille
Cabine de pilotage. | © Wim Van Cappelen (Reporters)
A m é d é e M WA R A B U K I B O K O
Les routes dans le Bas-Congo,
un enjeuvital
Dans le Bas-Congo, province à vocation
agricole, la réhabilitation des voies de
desserte est d’une importance capitale
pour la lutte contre la pauvreté. Ces voies agri-
coles, qui sont autant de pistes intérieures,
relient entre eux les villages, les marchés, les
postes de santé ou encore les écoles. Le gou-
vernement congolais est actuellement engagé
dans un partenariat avec la Coopération
Technique Belge (CTB) en vue de restaurer la
mobilité et la fonctionnalité du réseau routier,
précisément dans les districts du Bas-fleuve et
des Cataractes. Cette entente porte sur le dés-
enclavement de zones à forte production agri-
cole, la réhabilitation de 600 km de routes
rurales, la réalisation d’une centaine d’ouvra-
ges (ponts, passages sous-route) et l’entretien
de 1300 km de routes rurales.
Les travaux, commencés en 2004, ont été
principalement effectués via la méthode à
Haute Intensité de Main d’Oeuvre (HIMO.)
Environ 1,5 millions d’heures par jour en
emplois temporaires et 3000 emplois perma-
nents ont ainsi été créés. Pour l’heure, l’enjeu
principal demeure la pérennisation du projet.
Pour y arriver, le gouvernement congolais
devra tenir ses engagements stipulés dans la
convention signée avec la Belgique, à savoir,
l’installation d’un mécanisme de financement
de l’entretien routier ainsi que la mise à dis-
position de la Direction des Voies de Desserte
Agricole (DVDA), la structure de l’Etat en
charge de la gestion des pistes rurales), des
moyens matériels et financiers adéquats. (Voir
article sur le FONER page 10)
L’axe Manterne-Tshela sur la RN12Les pistes rurales forment un réseau dense
qui débouche sur les voies provinciales et les
nationales. Celles-ci rejoignent les grands
centres de consommation comme Matadi,
chef lieu du Bas-Congo ou Kinshasa, la capi-
tale du pays. Les routes en aval, comme la RN
12, sont pour la plupart en mauvais état, ce
qui entrave la fonctionnalité du réseau. Le
Programme d’Urgence de la CTB prend ici son
importance, car il complète le système via la
réhabilitation d’une voie nationale. Fin Août
2007, le programme avait déjà débroussaillé
environ 2 m de part et d’autre de la voie, et le
Les «barrières de pluies»
Les routes rurales de RDC sont des pistes de terre fragiles. Pendant la saison pluvieuse, ces pistes se fragilisentencore davantage. Le système des « barrières de pluies » a donc été imaginé, pour réguler la circulation des véhicules etprotéger les voies. Ce système est établi à l’entrée ou à la sortie des localités à traverser, sur une distance d’environ 25km. Chaque barrière est supervisée par un villageois membre d’un CLER ( Comités local d’entretien des routes). Désqu’il pleut, la barrière est fermée pour empêcher tout passage de véhicules ou de piétons. Et durant quatre heures,les CLER, armés de houes, de machettes ou de pics, évacuent les eaux, bouchent les trous et réparent la piste. Lavoie est libérée une fois la route stabilisée. Chaque barrière bénéficie d’un arrêté du gouverneur de province quiréglemente la circulation, le temps de fermeture et les pénalités pour non-respect des consignes.
13
la supervision d’un ingénieur de la DVDA, c’est
à dire la structure de l’Etat en charge de la ges-
tion des pistes rurales. Cet ingénieur supervise
les travaux sur environ 25 km de routes, facilite
les paiements des salaires, dirige les opérations
et gère les outils. L’expérience attire de nom-
breux travailleurs dans les coins les plus recu-
lés et à faibles activités commerciales, mais
elle rencontre de fortes résistances dans les
localités situées le long des routes nationales,
là où le commerce est florissant. Ces méthodes
participatives, via les CLER et la stratégie HIMO
montrent donc aussi leurs limites. Le projet
paie, au cantonnier, 1 dollar US à la tâche et
47 dollars au km entretenu. Et ce montant va
en diminuant jusqu’à la fin du projet. A long
terme, ce système n’est pas tenable. Yves
Hanoteau, coordinateur du Programme
d’Urgence de la CTB, est soucieux de cet
aspect : « Si l’on veut vraiment assister à la
mise en œuvre d’un entretien efficient et dura-
ble, il faut le mettre en place dans le cadre du
projet associé à la constitution d’un Fonds d’en-
tretien routier qui pourra assurer l’entretien des
routes rurales via des contrats de performances
passés avec des PME ou des ONG ».
curage des conduites d’eau avait été effectué
sur une distance de 100 Km.
La phase suivante prévoit l’asphaltage des
endroits où la couche de base est dégradée,
ainsi que le bouchage des nids de poules. Par
ailleurs, la CTB réhabilite plusieurs pistes rurales
sur les territoires de Songololo et Seke Banza,
qui débouchent sur la route nationale n°1 .
Les routes mobilesPour que la fonctionnalité soit vraiment effec-
tive, les « routes mobiles » ne sont pas à négli-
ger. Ces routes mobiles sont en fait les bacs qui
permettent de traverser les cours d’eau ( et
donc prolongent les pistes.) Dans le Bas-Congo,
le Programme d’Urgence réhabilitera les bacs
de Luozi et Mpioka. Pour le reste du pays, neuf
autres bacs répartis sur l’ensemble du terri-
toire, seront réhabilités par la CTB dans le
cadre du Programme d’Urgence.
Participation de la base et limite du systèmeLes Comités Locaux d’Entretien (CLER) sont
composés de villageois, environ 10 à 20 per-
sonnes issues de la région, qui travaillent sous
Route & déforestation : duo infernal
La réhabilitation des routes rurales n’est pas sans conséquences négatives sur les ressources naturelles.Dans le Bas-Congo précisément, la remise en état des pistes rurales a relancé l’exploitation forestière. Il a étéobservé au poste de Manterne (point de rencontre de la RN1 et RN12), entre janvier et mars 2006 et 2007, des aug-mentations du trafic de bois d’œuvre de l’ordre de 150 à 250 m3. « Je connais un exploitant forestier qui avait arrêtéses activités depuis longtemps suite au mauvais état des routes. Mais depuis que les pistes ont été réhabilitéesdans sa zone forestière, il tourne à plein régime !», confie un acteur du projet.Les décideurs devront opérer des choix cruciaux en la matière, sinon ils risquent de mener des actions contre pro-ductrices pour l’avenir du pays. La solution peut résider dans des études environnementales qui déterminent, aupréalable, les coûts-bénéfices de toute réhabilitation ou construction d’un nouvel axe. Cependant, la faille se trouveaussi du coté de l’administration forestière. Celle- ci est soit trop faiblement représentée, soit démunie des moyensde sa politique ou parfois soumise au joug des sociétés forestières.
T É M O I G N A G E
Jean B. Sendo Makiadi, Cantonnier
La vingtaine révolue, Jean Beckers SendoMakiadi est cantonnier. Il supervise un CLERcomposée de 16 jeunes gens, dont certainsviennent de l’Orphelinat Sté Charlotte situé
dans le secteur de Patu, sur l’axe Manterne -Tshela. Il est responsable de 10 km de route entre Mavuma et Lukula. C’est son troisième chantier avec la CTB « C’est l’entretien sur la RN12 Manterne - Tshela qui melie à la CTB Programme d’urgence . Nous enlevons lesherbes sauvages qui poussent à coté de la route, couponsles arbres qui gênent la circulation et débouchons lestranchées pour faciliter l’évacuation des eaux. Deux moisont été nécessaires pour entretenir les 10 km de routesqui nous ont été confiés». Jean Sendo reçoit un écho favorable des usagers notamment des transporteurs qui circulent maintenantfacilement sur cet axe. Pour l’efficacité des travaux d’entretien réalisés par son équipe, il en appelle de tous ses vœux au soutien des autorités territoriales. Il leur demande de veiller à faire respecter, par les propriétaires de parcelles, l’interdiction de dépôt desimmondices dans les tranchées, le long de la RN12.
Route rurale réhabilitée par la CTB avec la méthode à haute intensité de main d’œuvre. | © Jan Gysel (CTB)
Kasaï | © Jan Gysel (CTB)
Mweka au Kasaï occidental, entre
Ilebo et Lubumbashi, une bourgade
empreinte d’une longue tradition fer-
roviaire. La ville de Kinshasa est accessible via
le port de transbordement sur la rivière Kasaï à
Ilebo, précédemment Port Francqui, grâce aux
installations ferrées, installations qui appar-
tiennent à présent à la Société Nationale des
Chemins de Fer du Congo (SNCC).
Malgré des horaires imprévisibles et un maté-
riel roulant constamment défectueux, jour et
nuit, les trains signalent leur arrivée en don-
nant de brefs coups de sirène. À la tête d’une
SNCC désorganisée, les administrateurs se suc-
cèdent à un rythme effréné. Avec des salaires
en souffrance depuis des années et des grèves
qui paralysent les activités, la recherche de
revenus complémentaires est monnaie cou-
rante. À Mweka, deux cadres de la SNCC ont
chacun ouvert un cinéma, Ciné LDK et Ciné
Kuete Kayoka, dans lesquels la population
peut, contre espèces sonnantes et trébuchan-
tes, suivre les émissions diffusées par les télé-
visions nationales.
Et pourtant, la ligne de chemin de fer est vitale
pour le Kasaï Occidental. Les coopératives agri-
coles locales comptent sur le transport ferro-
viaire pour évacuer leurs récoltes. Tout arrêt du
14 D o s s i e r >N O V E M B R E 0 7 | N°3
Le chemin de fer,épine dorsale de la chaîne du transport
train pendant plusieurs jours entraîne une
hausse du prix des vivres et se traduit par une
période de disette pour les habitants de
Kananga, la capitale de la province. La SNCC
s’efforce de trouver des solutions pragmatiques
L’APPUI DE LA BELGIQUE
Au Katanga, la Belgique a financé la réparation du pont ferro-viaire de Nyemba. Les trains peuvent à nouveau circuler entreKalemie, sur les bords du lac Tanganyika, et le nœud ferroviairede Kabalo. Ce qui devrait faciliter les échanges avec l’étranger.Reste qu’il faudrait, au préalable, désensabler le port de Kalemiepour que les grands navires puissent accoster. Un dossier en cesens a été préparé par la Coopération Technique Belge.Quelques 7 millions sont attendus pour la réhabilitation du trainurbain de Kinshasa. La Belgique ne prévoit cependant aucuneintervention relative à l’infrastructure lourde en général, ni auxchemins de fer en particulier. Sur le plan de l’assistance interna-tionale au Congo, la Banque mondiale est le principal opérateurdu secteur.
R a f C U S T E R S
La gare de Mweka, Kasaï occidental | © Raf Custers
Le Pont ferroviaire de Nyemba est opérationnel. | © Jan Gysel (CTB)
LE CHEMIN DE FER REVÊT
UNE IMPORTANCE CAPITALE DANS
LE REDRESSEMENT DU CONGO.
IL FACILITE LA MOBILITÉ
GÉNÉRALE TOUT EN GÉNÉRANT
DES REVENUS POUR LE TRÉSOR
PUBLIC. MAIS LES DEUX GRANDS
OPÉRATEURS, L’ONATRA (OFFICE
NATIONALE DES TRANSPORTS) ET
LA SNCC (SOCIÉTÉ NATIONALE
DES CHEMINS DE FER CONGOLAIS)
TRAVERSENT UNE CRISE
SÉRIEUSE. L’ETAT CONGOLAIS
ET DIFFÉRENTS ACTEURS
INTERNATIONAUX, DONT
LA BELGIQUE, EN ONT
CONSCIENCE. ET AGISSENT.
15
Matadi-Kinshasa :
artère vitaleLe trajet reliant le port maritime de Matadi à la capitaleKinshasa constitue une artère vitale pour l’économienationale. Actuellement le transport de marchandisesentre les deux se fait 85% par route, les 15% restants à bord de trains de l’ONATRA. Mais les chiffres de 2006,afférents au transport ferré n’ont jamais été aussi bas.L’ONATRA a réparé cinq locomotives dans ses entrepôts à Mbanza - Ngungu, si bien qu’elle dispose à présent de six à sept machines en état de marche. Celles-ci sontnéanmoins aussi affectées au transport de passagers à Kinshasa. A l’heure de mettre sous presse, seules cinq locomotives sont opérationnelles pour desservir aussi bien le trafic marchandise que voyageur. Jusqu’en 2006, le port de Matadi faisait face à unecongestion structurelle, à cause de l’afflux de conteneurs.En raison du faible tirant d’eau à Matadi, les navires de charge sont contraints de décharger leur fret à Pointe-Noire (Congo-Brazzaville), où il est transbordé surde plus petits navires qui rallient Matadi. Aujourd’hui leport devrait revivre, notamment sous l’impulsion de laBelgique. Quelque 10.000 m2 de nouveaux quais ont étémis en service. La direction locale du port a été renforcéeet les opérateurs portuaires, investissent dans deschariots élévateurs ou des grues. Dans ses prévisions,l’ONATRA espérait le doublement de son transportferroviaire ; 2007 aurait dû être une année charnière,caractérisée par un revirement de la situation.Malheureusement, à ce jour cet espoir n’est pas encorematérialisé. La congestion est régulière à Matadi et lestrains se font toujours plus rares.
pour remédier à cette situation. Ainsi, à Mweka,
où elle est l’un des plus importants clients de la
compagnie d’électricité SNEL, la SNCC paie ses
factures d’électricité en nature, sous forme de
barils de diesel destinés à alimenter le généra-
teur de la centrale électrique locale.
Crise sur le railLe réseau ferroviaire constitue une véritable
épine dorsale du transport au Congo. A cer-
tains endroits, le rail a beaucoup plus de raison
d’être que la route qui n’est alors qu’un sup-
port à la voie ferrée.
La situation régnant à Mweka reflète cepen-
dant celle qui prévaut dans l’ensemble du sec-
teur ferroviaire. Tant la SNCC que l’ONATRA
sont en état de délabrement critique. La bran-
che ferroviaire de l’ONATRA connaît depuis
plus de 30 ans déjà un déclin progressif de ses
activités ; qui représente moins de 10% du
volume d’autrefois. Ses locomotives sont par
ailleurs affectées au transport de passagers à
Kinshasa.
Le port de Matadi, un lieu de jonction entre la mer, le rail et la route | © Jan Gysel (CTB)
« SELON MOI, LES ENTREPRISES PUBLIQUES DOIVENT JOUER UN RÔLE DE PIONNIER EN TANT QU’ACTEURÉCONOMIQUE SOCIALEMENT RESPONSABLE. CE TYPE D’ENTREPRISE DOIT VEILLER À CRÉER DE L’EMPLOI,GARANTIR UN SERVICE OPTIMAL AUX CITOYENS, ET ASSURER UNE SAINE GESTION FINANCIÈRE. JE PENSE QUE SUR CE PLAN, LA SOCIÉTÉ NATIONALE DES CHEMINS DE FER BELGES (SNCB) POURRAITAPPORTER SON EXPÉRIENCE À L’AFRIQUE »
Bruno TUYBENS | Secrétaire d’État belge aux Entreprises publiques
Quant à la SNCC, le nombre de loco-
motives encore opérationnelles n’est
pas connu avec exactitude. En inca-
pacité de desservir régulièrement un
réseau, sur lequel la vitesse com-
merciale des quelques trains encore
en circulation ne dépasse guère les 15 km/h,
la société ne peut guère compter sur des ren-
trées d’argent suffisantes. Elle emploie
13.000 personnes, soit 4.000 de plus que le
nombre prévu dans le cadre organique et
beaucoup d’entre-elles sont des travailleurs
en âge de prendre leur retraite. Pour l’heure,
la SNCC s’acquitte des salaires dûs pour
2005. Dès lors, les investissements dans la
formation deviennent impossibles à supporter
et les connaissances techniques du personnel
s’appauvrissent. Qui plus est, avec une
moyenne d’âge du personnel de 54 ans, la
société devrait perdre, dans un proche avenir,
le savoir-faire de ses travailleurs aînés.
Consciente de l’ampleur du défi à relever, les
autorités congolaises sont entrain de prendre
leurs responsabilités via l’adoption d’initiati-
ves créatives qui devront générer des recettes.
Ces nouvelles liquidités devraient permettre
de payer les salaires et d’investir dans l’outil
de production.
source de revenus
DÉSORMAIS LE KINOIS PEUT
GAGNER DE L’ARGENT EN
RECYCLANT LES DÉCHETS
PLASTIQUES QUI JONCHENT LA
QUASI-TOTALITÉ DES RUES DE LA
CAPITALE GRÂCE À UNE INITIATIVE
DE L’ONG UMOJA DÉVELOPPEMENT
DURABLE, EN PARTENARIAT AVEC
INGÉNIEURS SANS FRONTIÈRES
BELGIQUE ET MENÉE AVEC L’APPUI
DE LA COOPÉRATION BELGE
ET DE L’UNION EUROPÉENNE.
D epuis janvier 2007, l’ONG Umoja
développement durable tente une
« révolution» dans l’assainissement de
la ville de Kinshasa avec un projet destiné au
recyclage des déchets plastiques ménagers.
Cette initiative est expérimentée actuellement
à Makala et à Ngaba, deux communes de
Kinshasa qui hébergent principalement des
populations démunies et où l’insalubrité bat
son plein.
Le projet consiste à assainir le milieu, à créer des
emplois et transformer les déchets plastiques en
matières premières à valeur économique. A tra-
vers ce projet, le problème crucial d’insalubrité
devient une opportunité de développement dans
un secteur susceptible d’enrôler des milliers de
personnes dans la lutte contre la pauvreté.
Le leitmotiv de l’ONG réside dans l’appropriation
des déchets plastiques par la population kinoise
démunie, notamment les enfants de la rue et les
veuves, afin que celle-ci contribue à l’assainisse-
ment de son propre milieu de vie tout en amas-
sant un peu de revenus. « La collecte des
sachets me permet de payer mon loyer, d’aider
ma famille. Avec ça, je couvre aussi d’autres
besoins personnels » raconte avec fierté Sylvie
Mayinga, la vingtaine révolue, principale fournis-
seuse des déchets plastiques à l’ONG.
Dans son champ d’opération à Ngaba, Sylvie
Mayinga, qui a d’ailleurs pu intéresser toute sa
famille à cette activité, centralise l’achat des
sachets dans les deux communes ciblées. Elle
a réussi à constituer un réseau d’une quaran-
taine de fournisseurs de sachets ramassés dans
les rues, marchés et arrêts de bus. Elle en col-
lectionne jusqu’à 300 kg par semaine qu’elle
livre à Umoja, à Limeté. Devant l’accroisse-
ment de son activité, Sylvie Mayinga, grâce à
un préfinancement d’Ingénieurs sans Frontière
Belgique, loue une parcelle voisine pour
stocker ses sachets.
Quand le sachet devient gagne pain !« La population trouve un grand intérêt à cette
activité parce que c’est une source des reve-
nus» indique Marocain Nzalalemba, chargé de
projet au sein « d’ Umoja, développement dura-
ble ». Et de renchérir : « les sachets ne peuvent
plus traîner dans la commune de Ngaba ou de
Makala parce que la population se les appro-
prie dans l’espoir de gagner de l’argent. »
Les détritus plastiques collectés par Sylvie
Mayinga sont acheminés aux installations d’
Umoja développement durable pour une légère
transformation. Le processus est simple et ne
nécessite pas un outillage sophistiqué. Les
sachets passent d’abord au pesage avant d’être
déchiquetés et découpés en confettis.
Opération qui rend possible leur manipulation
lors du lavage et du séchage. Une cuve de
lavage et deux cuves de rinçage, fabriquées sur
place sur base d’un modèle calqué au Caire
(Egypte), servent pour le nettoyage des pro-
duits. Avec une essoreuse conçue localement,
les sachets déchiquetés et lavés sont filtrés à
90% avant d’être séchés au soleil. Le système
permet de sécher 320 kg par jour, soit 6 ton-
nes par mois.
Après cette opération, le plastique passe au déchi-
queteur-agglomérateur qui, suite à la chaleur
engendrée par la friction des plastiques contre les
lames et contre les parois de la machine, trans-
forme la matière en pâte. Sur celle-ci, on jette
A m é d é e M WA R A B U K I B O K O
16 P a r t e n a i r e s >N O V E M B R E 0 7 | N°3
Les déchets :
17
L’assainissementau cœur des débats
LES 8 ET 9 FÉVRIER DERNIER, À L’INITIATIVE CONJOINTE DE LA CTB,
LA COOPÉRATION TECHNIQUE BELGE, ET DE LA SNV, L’ORGANISATION
NÉERLANDAISE DE DÉVELOPPEMENT, UN ATELIER CONSACRÉ À LA GESTION
DES DÉCHETS SOLIDES À KINSHASA A RASSEMBLÉ DE NOMBREUX
INTERVENANTS. RETOUR SUR UN ÉPISODE PROMETTEUR. (Voir « &C0» numéro1)
Cet atelier s’inscrit dans la volonté de
dynamiser la PAK, la plateforme des
acteurs de l’assainissement de
Kinshasa, initiée par la SNV et dont l’objectif
premier est de créer des synergies entre les
pouvoirs publics, la société civile, les ONG, les
industriels et les bailleurs de fonds autour
d’une question majeure.
Première étape de cette coopération CTB-SNV,
l’atelier a tenu ses promesses. Il aura permis,
outre la mise autour d’une même table des dif-
férents intervenants du secteur, de dresser un
état des lieux des nombreuses initiatives et des
acteurs impliqués dans la gestion des déchets
solides dans la capitale, aux niveaux des rues,
des quartiers et des communes. L’atelier aura
également permis de déterminer les meilleures
techniques actuellement menées sur le terrain
et de les intégrer dans un schéma directeur
pour le développement futur de la ville.
Sans être exhaustif quant aux enseignements
à tirer de l’atelier, les débats ont mis en évi-
dence le manque d’organisation et de coordi-
nation du secteur; le manque de stratégie
concertée quant aux déchets urbains (Faut-il
promouvoir le tri sélectif ? Faut-il promouvoir
le compostage ?, Que faire des déchets dan-
gereux ?); l’absence de décharges finales; l’état
des routes qui handicape tout transport de
déchets à Kinshasa.
La revalorisation des détritus (verres, papiers,
plastiques …) a également fait l’objet des dis-
cussions. Beaucoup d’initiatives privées et
associatives existent en la matière mais elles
se heurtent aux difficultés de commercialisa-
tion et de technicités, notamment en raison
des pannes fréquentes d’électricité. Sans
compter que certaines pratiques de valorisation
génèrent davantage de pollution (des rejets
toxiques par mauvais brûlage) que de solutions.
Si la situation demeure problématique, plu-
sieurs pistes ont été suggérées, comme la mise
en place de partenariats publics-privés, l’élabo-
ration de politiques de communication pour le
changement des comportements ou encore une
meilleure structuration du secteur.
Il semble, au vu de ce qui précède et de la
réaction des participants, que l’atelier a d’ores
et déjà répondu à de nombreuses attentes.
Reste à prendre des décisions institutionnelles,
techniques et stratégiques, éventuellement
avec l’aide de la Communauté internationale.
P a s c a l L AV I O L E T T E
alors de l’eau froide ce qui provo-
que un choc thermique et la
contraction de la pellicule en peti-
tes boulettes très dures, matière
première destinée à l’industrie de
plastique locale pour la fabrication
des flacons et des sachets.
Une filière créatrice d’emplois« L’industrie plastique est demandeuse de
grands volumes des matières premières plasti-
ques. Ça leur coûte très cher de les importer.
Pour l’industrie locale, le fait d’avoir la matière
première sur place va contribuer à augmenter
leurs performances par la baisse des coûts de
production » soutient Jean Christophe, coopé-
rant chez Ingénieurs sans Frontières Belgique
qui assure l’expertise technique auprès de
Umoja développement durable. Ce projet sera
étendu dans d’autres communes dès mi-2008
poursuit-il : « Nous pensons ouvrir le marché et
permettre ainsi qu’il soit viable durablement.
Nous allons constituer un premier noyau de dif-
fusion avec une quinzaine d’entrepreneurs du
coté de Ngaba pour les aider à manier leur pro-
pre atelier. »
Cependant, la création d’emplois reste une
préoccupation majeure. « L’aspect qui nous
intéresse le plus c’est la création d’emplois qui
soient plus accessibles à la population. C’est
pourquoi nous utilisons des techniques et des
machines dont les coûts sont les plus bas pos-
sibles de manière à ce que même les ajusteurs
du quartier puissent les dupliquer».
L’apport de l’Etat congolais devra se limiter à la
mise en marche de cette initiative, notamment
en accordant des régimes spéciaux.
Kinshasa.
Kinshasa. Le Programme d’Urgence dela CTB, initié en août 2006, a donné une impulsion décisive pour relancer des initiatives concrètes qui cherchent à résoudre la question des déchets à Kinshasa.
© Je
an-P
ierr
e M
alud
i
© Je
an-P
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alud
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18 Fo c u s >N O V E M B R E 0 7 | N°3
P a r N a j a t - J o ë l l e B A S T I N
Le défi de l’administrationcongolaiseAPRÈS TROIS ANNÉES D’ENQUÊTE ET
DE RENCONTRES, RÉALISÉES AVEC BALTHAZAR
NGOY, THEODORE TREFON(1), VIENT DE PUBLIER
UN LIVRE CONSACRÉ AUX DYNAMIQUES QUI LIENT
L’ETAT CONGOLAIS, LES FONCTIONNAIRES ET
LES USAGERS. A PARTIR DE RÉCITS POPULAIRES,
IL PRÉSENTE LES AVENTURES ET MÉSAVENTURES
ADMINISTRATIVES DES LUSHOIS.(2)
RENCONTRE AVEC L’AUTEUR.
“A première vue, l’état des lieux
n’incite guère à l’optimisme. Le
Congo est l’un des pays les plus
riches d’Afrique mais la plus grande partie de
la population vit dans une pauvreté extrême »,
commente Theodore Trefon. Ressources et
bénéfices sont la propriété de quelques privilé-
giés, au mépris de toute redistribution tandis
que les administrations et les services publics
disposent de budgets beaucoup trop faibles,
ce qui constitue une source du problème. Les
agents de l’Etat récoltent de nombreuses
taxes, souvent arbitraires, et seule une élite
s’enrichit. De plus, toujours selon l’auteur, la
décentralisation consentie depuis la ratifica-
tion de la nouvelle Constitution (2005) ne
fonctionne pas. Il s’agirait plutôt d’une décon-
centration, les régions décentralisées restant
tributaires de Kinshasa. Pourtant, si le Congo
représente bien le paradigme de l’Etat en fail-
lite, son administration demeure omniprésente
dans la vie quotidienne des citoyens.
Relations entre citoyens et Etat : cercle vicieuxPour la majorité des Lushois, confrontés à des
conditions de vie précaires, la débrouille reste
la seule stratégie de survie en l’absence d’Etat.
Les recherches montrent que le fonctionnaire,
percevant un salaire nettement insuffisant, n’y
fait nullement exception, d’où un réflexe : « se
servir avant tout ! ».
« Plusieurs facteurs expliquent le maintien de
l’administration : son instrumentalisation par
les pouvoirs politiques et la communauté inter-
nationale, la nécessité d’administrer les finan-
ces, la survie des employés et un volume
énorme de demandes de la part des usagers »,
précise Theodore Trefon. Le fonctionnaire,
insuffisamment ou non rétribué, se situe en
position médiane entre les usagers, desquels il
peut extraire des taxes par le processus omni-
présent de « négociation des services », et ses
supérieurs, qui comptent sur lui pour canaliser
vers eux une partie des gains ainsi acquis.
L’usager n’a d’autre choix que de négocier avec
des fonctionnaires qui appliquent ou non les
règles en vigueur, et monnaient tous les servi-
ces au cas par cas, de façon arbitraire. C’est
pour lui un passage obligé puisque sans l’admi-
nistration et les permis délivrés, il lui serait
impossible d’exercer un métier. Les niveaux
supérieurs de la hiérarchie administrative survi-
vent, eux, grâce aux versements réguliers des
fonctionnaires. Quant à l’élite du pays, elle est
aussi demandeuse d’administration dans la
mesure où celle-ci sert à canaliser les finances
vers le haut de la société congolaise.
1 Théodore Tréfon est chef de section en histoire contemporaineau musée royal de l’Afrique Centrale à Tervuren. BalthazarNgoy est chef de travaux en sciences politiques à l’universitéde Lubumbashi
2 Parcours administratifs dans un Etat en faillite,Récits populaires de Lubumbashi, Collection Cahiers africains,n° 74, L’Harmattan/MRAC, Paris/Tervuren, 2007.
© Sammy Baloji
«Lubumbashi wantanshi!»signifie le premier, le meilleur.C’est le slogan lancé par lemaire, en 2001, pour afficherune position volontariste et de premier plan, en matière de lutte contre l’insalubrité.
Carte détachable du Congo PROGRAMME DE RÉHABILITATIONDES INFRASTRUCTURES ROUTIÈRES
RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE SOUDAN
BMBM
BMBM
BMBM
BMBM
BMBM
BMBM
BMBM
BMBMBMBM
BMBM
BMBM
BMBM
UEUE
UE
UEUE
UEUE
UEUE
UEUE
UEUE
KFWKFW
BADBAD
DFIDDFID
BADBAD
PRO-ROUTESPRO-ROUTES
PRO-ROUTESPRO-ROUTES
PRO-ROUTESPRO-ROUTES
BeBe
BADBAD (études)
PRO-ROUTESPRO-ROUTES
UE
UE
UE
UEUE
UE
19
RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
BM
BM
BM
BM
BM
UE
UE
UE
UE BADBADBADBAD
BeBe
BADBAD (études)
UE
UE
UE
UE
C A R T E D É TA C H A B L E D U C O N G O
Programme de réhabilitation des infrastructuresvolet routes
Financements internationaux Projets signés et projets en cours d’instruction
MINISTERE DES INFRASTRUCTURES
TRAVAUX PUBLICS ET RECONSTRUCTION
LégendesRÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
Route bitumée bénéficiant d’un financement
Route en terre bénéficiant d’un financement
Katanga Province
KWILU District
Chef-lieu de province
Chef-lieu de district, ville
Frontières nationales
Limites de région
Limites de sous-région
Voie ferrées
Liaisons prioritaires à rétablir
Routes revêtues
Routes en terre
Autres routes du réseau prioritaire
DFID Coopération Britannique
BM Banque Mondiale
BAD Banque Africaine
de Développement
UE Union Européenne
Be Belgique
KFW Coopération Allemande
Pro-Routes Fonds commun multi-bailleurs(en voie de constitution)
Cellule Infrastructures | Office des Routes | Aôut 2007
SOUDAN
BM
BM
BM
BM
BM
BMBM
UE
UE
UE
KFW
DFID
PRO-ROUTESPRO-ROUTES
PRO-ROUTESPRO-ROUTES
PRO-ROUTESPRO-ROUTES
PRO-ROUTESPRO-ROUTES
UE
PROGRAMME D’URGENCE DE LA CTBRéhabilitation de la route Boma-Tshela et des deux « routes mobiles»,qui sont les bacs de Luozi et Mpioka, pour renforcer la fonctionnalité du réseau. Budget : 2 millions d’euros
BeBe
COOPÉRATION TECHNIQUE BELGE (CTB)
Avenue Colonel Ebeya, 15-17Gombe, Kinshasa – République Démocratique du CongoT. + 243 81 89 46 611E. [email protected]ésentant Résident : Manolo Demeure
DIRECTION GÉNÉRALE DE
LA COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT (DGCD)
Ambassade de BelgiqueBuilding du Cinquantenaire, Place du 27 Octobre - B.P. 899Kinshasa – République Démocratique du Congo T. + 243 89 89 24 233 / +243 89 89 34 412E. [email protected]
Ministre-Conseiller à la Coopération au Développement : Paul Cartier
CONTACTS
www.btcctb.org
23
T É M O I G N A G E
Les déboires administratifs d’un taximan
Les taxis sont essentiels à Lubumbashi, où peu de gens peuvent s’offrir des véhicules privés. Erik Kalenga Mande,chauffeur, raconte. Un taximan doit toujours avoir de l’argent sur lui pour régler les amendes, vraies ou fausses. Il gagne 10% des recettes et travaille 12 à 13 heures par jour. Mande se fait des relations parmi ses clients, ce quil’aide parfois à obtenir des papiers administratifs. Par contre, certains refusent de payer la course, surtout les mili-taires et policiers. La PSR (police spéciale de roulage) lui cause des soucis journaliers : chaque contrôle se terminepar un paiement, qu’il soit ou non en possession de papiers en règle. Mande est contrôlé en moyenne trois fois parjour. Normal : les policiers dépendent de ces dîmes pour compléter un salaire insuffisant. Leur logique ? « Si tu nepaies pas, je mangerai des papiers ? »
d’un conceptuel complexe » résume l’expert. Il
ne suffit pas de concevoir de loin des systèmes
plus rationnels que ceux en usage aujourd’hui.
Quels que soient les domaines considérés
(mobilité, infrastructure énergétique, trans-
ports, santé, éducation ou autre), il faut savoir
que le système de débrouille et de négociation
est la seule base de survie du Congolais ordi-
naire, c’est-à-dire de tout citoyen ne faisant pas
partie de l’élite. Forcément, la résistance au
changement sera grande. « C’est pourquoi la
situation sur le terrain doit servir de base de
réflexion » insiste Theodore Trefon. « Toute
réforme réelle demande que l’on se positionne
par rapport à ces questions fondamentales.
Nous devons comprendre les dysfonctionne-
ments de l’administration autant que ses fonc-
tionnements pour relever le défi congolais de
façon adéquate. »
« Peut-on même parler de développement ou
de réforme, alors que nos projets, tributaires
des limites de la situation actuelle, semblent
parfois n’accomplir guère plus que d’empêcher
les populations de mourir ? Comment faire face
au problème de la corruption ? » s’interroge cet
expert du Musée de Tervuren. Certaines conclu-
sions apparaissent pourtant : recruter les
employés de l’Etat selon leurs capacités et non
par voie de copinage, les rémunérer décem-
ment pour qu’ils ne soient plus obligés de taxer
les usagers et, bien sûr, mieux répartir les res-
sources entre la capitale et les entités décen-
tralisées du pays. Un chantier énorme où tout
reste à faire…
Une variable s’ajoute encore à cette équation
déjà complexe. Pour Theodore Trefon, « il y a
un gros problème d’accompagnement. Il est
heureux que certains, dont la CTB, aient enfin
initié une réflexion sur l’administration.»
Idéalement, établir un dialogue avec les parte-
naires congolais, sur base d’une meilleure com-
préhension de la réalité quotidienne du terrain,
pourrait réduire l’écart entre des solutions théo-
riques difficiles à appliquer et de réels change-
ments créés de concert par les experts du déve-
loppement et les partenaires locaux. « Mais pas
d’illusion » conclut Theodore Trefon, « c’est là
un travail de longue haleine. Peut-être dans 30
ou 40 ans connaîtrons-nous la grande réformedont nous parlons aujourd’hui. »
T É M O I G N A G E
Transporteur de charbon de bois : un métier condamné
Plus d’un million de personnes vivent à Lubumbashi, mais la société nationale d’électricité est loin d’approvisionner tous les ménages. Pour cuisiner, le makala (charbon de bois) est indispensable à une grande
partie des Lushois. Celui-ci est amené des abords de la ville, à raison de deux sacs de 100 kg par voyage, par des hordes detransporteurs charbonniers trimant en équilibre précaire sur devieux vélos rafistolés. Monsieur Mutunda est l’un d’eux. Il doitd’abord s’acquitter d’une « taxe de carbonisation » hors la ville.A Lubumbashi, il lui faut payer la taxe de colportage et la taxe de
vélo. Puis commence l’aventure des prélèvements quotidiens desagents de l’Etat, les policiers, pour qui cet essaim de transporteursreprésente un gagne pain régulier. Mille tracasseries servent alorsde prétexte à extraire un petit quelque chose : freins âgés, absencede lampe, etc. Monsieur Mutunda fut même sollicité par de fauxpoliciers. Mais son métier est peut-être condamné. En effet, le manque de distribution d’énergie par les services compétentsforce les charbonniers à une déforestation endémique de la région...
Selon Theodore Trefon, « l’impunité des fonc-
tionnaires étant plus ou moins garantie par ce
rôle essentiel à la survie de l’état, il serait déri-
soire d’envisager des réformes centrées unique-
ment au niveau des administrations. Il faut au
contraire considérer l’ensemble de ce système
et son omniprésence au sein des fonctionne-
ments quotidiens du Congo pour avoir une base
réaliste à tout travail de reconstruction du pays.
» Ceci met au grand jour la question tapie dans
tous les esprits : comment aborder la réforme
d’un système de débrouille sociale reposant sur
la corruption dans un Etat qui appauvrit les
citoyens ?
Réinventer l’ordre au Congo : sur quelles bases ?« Le paradoxe, c’est qu’il faut mettre en place
des mesures opérationnelles simples au sein
Lubumbashi, préparation du charbon de bois,avant son transport. | © Sammy Baloji
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Lubumbashi, ville à réinventer
ELISABETHVILLE, JADIS MÉTROPOLE ÉCONOMIQUE MODÈLE, A OFFERT DES ÉQUIPEMENTS ET DES SERVICES URBAINS À L’ENSEMBLE DE SES POPULATIONS ET CE DURANT PLUS D’UN DEMI-SIÈCLE. SON CHANGEMENT DE NOM RÉSONNERA COMME UN CHANGEMENT DE TON. LUBUMBASHI INDÉPENDANTE SEMBLE DÉBORDÉE PAR LA DYNAMIQUE URBAINE.
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26 Fo c u s >
où, dans certains quartiers, les habitants
jouissent des avantages de l’urbanité tandis
que dans d’autres ils font face aux difficultés
de la ruralité.
Les sept communes de Lubumbashi comptent
trois catégories de quartiers homogènes – rési-
dentiels, planifiés et d’autoconstruction – et
présentent une différenciation d’activités
socioéconomiques et d’accessibilité aux équi-
pements collectifs.
La première catégorie regroupe les quartiers qui
composaient l’ancienne « ville blanche » et se
situent dans la majeure partie de l’actuelle com-
mune de Lubumbashi et dans une partie du
quartier Bel-Air. Dans ces quartiers résidentiels,
les habitants jouissent des infrastructures de
base laissées par la colonisation. Dans cette
« ville moderne », toutes les activités socioéco-
nomiques sont concentrées : écoles, hôpitaux,
bureaux, banques, commerces, etc. L’urbanisme
y est davantage développé qu’ailleurs même si
l’équipement en voirie souffre d’un manque
d’entretien et se dégrade en raison d’un trafic
toujours plus dense. Le service d’assainissement
pluvial et les canalisations anciennes sont le
plus souvent hors d’usage. Alors que l’espace
N O V E M B R E 0 7 | N°3
D euxième ville du pays et capitale de la
province du Katanga, Lubumbashi est,
comme nombre de villes subsaharien-
nes, une création coloniale construite ex-nihilo,
qui ne résulte pas de la transformation de villa-
ges préexistants. Baptisée Elisabethville en
1910 par les Belges, la ville doit son origine et
son développement à la découverte d’impor-
tants gisements de cuivre et à leur mise en
exploitation par l’Union minière du Haut-
Katanga (devenue Gécamines, Générale des
carrières et des mines) qui y installera sa pre-
mière usine de traitement, près de la rivière
Lubumbashi.
Alors que Léopoldville, l’actuelle Kinshasa,
s’imposait en tant que capitale politique,
Elisabethville acquérait de plus en plus le statut
de métropole économique. Outre sa position
industrielle dominante grâce aux mines de cui-
vre, la capitale du Katanga disposait d’un autre
atout important, celui de première ville sur le
chemin de fer en provenance d’Afrique du sud :
elle jouera longtemps le rôle de centre de redis-
tribution des divers produits importés pour la
province et pour son hinterland. Au fil du
temps, elle devient même un grand centre de
production, de commercialisation et de consom-
mation des produits locaux.
Construite selon des normes urbanistiques
modernes et sur un principe de ségrégation
raciale, Elisabethville connaît en réalité deux
aménagements parallèles : d’une part la « ville
blanche » et d’autre part, pour assurer le loge-
ment de l’importante main d’œuvre africaine,
les cités indigènes (Kamalondo, Kenya,
Katuba, Ruashi...) et les camps de travailleurs
(GCM, SNCC...) qui bénéficiaient des avanta-
ges d’un urbanisme intégré et où la qualité de
vie était attrayante. Pour stabiliser les popula-
tions ouvrières, arrivées en masse suite à la
naissance de nombreuses entreprises, les colo-
nisateurs instaurent une politique sociale
paternaliste qui met l’accent sur, outre le loge-
ment, la scolarité, les soins de santé, l’alimen-
tation, créant un environnement urbain et un
cadre de vie agréable.
Pour de nombreux Lushois plus âgés, et non
sans une pointe de nostalgie, Elisabethville
symbolise la splendeur d’une époque qui a
connu d’importants développements en infra-
structures urbaines.
La ruptureRebaptisée Lubumbashi en 1965, la ville a
connu une expansion spatiale (aujourd’hui
747 km2 dont près de 20% «urbanisés») et
démographique (565 000 habitants en
1984, 1 180 000 en 2001) au cours des
dernières décennies. De nouvelles habitudes
sont apparues : des habitations ont remplacé
des espaces verts et une multitude de trans-
formations ont modifié la morphologie de la
ville qu’aucune politique cohérente d’aména-
gement n’a jamais pu contrôler. Aujourd’hui,
Lubumbashi est une ville à multiples vitesses
P a s c a l L A V I O L E T T E
sur base des articles d’ALICE MUTETE SAPATOet OLIVIER KAHOLA TABU1
urbain s’est accru et que la population a aug-
menté, les infrastructures n’ont été ni étendues
ni entretenues. Dès lors, même si la situation y
est meilleure que dans les autres quartiers, ici
aussi on assiste à une dégradation du cadre de
vie : lorsqu’une forte pluie s’abat, presque toutes
les artères sont inondées. Pour tenter de
convaincre les visiteurs que Lubumbashi est une
grande ville, pour maintenir l’apparence, toutes
les actions d’assainissement de l’environne-
ment se concentrent dans la commune de
Lubumbashi 2 et dans certains axes régulière-
ment fréquentés et dès lors ne profitent qu’à
une partie restreinte de la population. Même si
de manière générale, dans les quartiers résiden-
tiels, les problèmes de commodités urbaines ne
se posent pas avec acuité, au sein même de la
« ville blanche » on note des disparités dans
l’accès aux équipements collectifs : c’est
notamment le cas du quartier Kiwele depuis
2004 ; les habitants des environs du collège
Imara sont condamnés à aller chercher de l’eau
aux quartiers Baudouin, Golf ou Makutano…
Les quartiers planifiés, ou encore quartiers popu-
laires, deuxième catégorie de morphologie
urbaine à Lubumbashi, ont été créés pour loger et
occuper l’importante main d’œuvre industrielle.
Ces anciennes cités indigènes (camp GCM, camp
SNCC, Kamalondo, Kenya, les quartiers anciens
de la Katuba et de la Ruashi) ont été organisées
selon des plans urbanistiques bien précis. Ces
quartiers sont aujourd’hui saturés pour avoir attiré
bon nombre de ménages à cause des infrastruc-
tures qu’ils offrent, créant une promiscuité indes-
criptible et des problèmes sociosanitaires : non-
gestion des ordures ménagères, systèmes de
canalisation bouchés, fosses sceptiques de la
commune de Kamalondo débordantes, etc. Bien
que ces quartiers soient desservis en eau et en
électricité, les matériels sont vétustes et, au quo-
tidien, l’eau ne coule plus, condamnant les
ménagères à parcourir de longues distances pour
puiser de l’eau potable, tandis que l’électricité
subit d’innombrables coupures intempestives…
Enfin, la dernière catégorie de quartiers com-
prend les zones d’autoconstruction ou de
construction anarchique apparues pour absor-
ber les effets conjugués de l’expansion démo-
graphique interne et de l’exode rural. Certaines
furent construites en continuité spatiale avec
les quartiers planifiés, d’autres à partir de
petits noyaux quasi ruraux proches de la péri-
phérie urbaine. A cheval entre l’urbain et le
rural, ces quartiers manquent de tout : dans la
mesure où il n’y a eu de plan d’aménagement
que sommaire, les commodités urbaines n’ont
été aménagées que très partiellement. Dès lors,
il n’y a ni eau potable, ni électricité (les ména-
ges s’éclairent à la lampe tempête ou à la bou-
gie, ceux qui n’en ont pas les moyens utilisent
les katoritori, des petites lampes à huile artisa-
nales), ni infrastructures éducatives, ni sanitai-
res ou équipements collectifs dans ces quar-
tiers qui défient toutes les normes urbanisti-
ques. Lors des fortes pluies, la situation y est
dramatique : ne disposant d’aucun système
d’évacuation des eaux, les routes deviennent
impraticables ; les rivières débordent faute de
curage et gagnent les chaussées. Enclavés, ces
quartiers ne disposent d’aucun réseau de trans-
port. Bref, ils sont abandonnés à leur triste sort
par le pouvoir public. Seules les ONG interna-
tionales y sont actives, contribuant au dévelop-
pement de la communauté de base par la
construction d’écoles, forant des puits permet-
tant aux populations d’accéder à de l’eau pota-
ble et encourageant les activités agricoles par
la distribution d’engrais.
Un potentiel à exploiterPlus rien ne va à Lubumbashi. Les anciennes
infrastructures laissées par la colonisation sont
vétustes si pas détruites, les mouvements de la
population sont incontrôlés, la ville s’étend
sans observations des normes d’aménagement
urbain. Lubumbashi nécessite une reconstruc-
tion afin de retrouver sa belle image de l’épo-
que d’Elisabethville. En raison de la dernière
guerre (1998-2003), mais aussi des précéden-
tes crises (sécession de 1960, guerres du
Shaba de 1977-78, conflit avec le Kasaï entre
1991 et 1994) de la déroute économique (la
zaïrianisation, 1974) et politique, Lubumbashi
s’est étendue comme une toile d’araignée dés-
ordonnée, incontrôlée, anarchique sans jamais
renforcer ses acquis en matière d’aménage-
ment : le réseau d’adduction d’eau et d’électri-
cité ne suit pas le rythme de l’extension de la
ville ; l’accès aux équipements collectifs et aux
commodités urbaines (administrations, écoles,
hôpitaux, voiries, etc.) pâtit d’une inégalité
criante. Certes, entre les quartiers, existent des
différences morphologiques, mais tous sont
affectés à des degrés divers par des problèmes
communs. La métropole katangaise, capitale
du cuivre et important nœud de communica-
tion entre le Congo et l’Afrique australe,
demeure néanmoins un pôle crucial de déve-
loppement socioéconomique. Les autorités pro-
vinciales devraient mettre en œuvre ces poten-
tialités pour assurer à l’ensemble des popula-
tions de Lubumbashi qui vivent des situations
précaires une offre de qualité en services et
équipements urbains.
27
1. Tous deux chercheurs à l’Observatoire du Changement Urbain (O.C.U) de l’université de Lubumbashi. De nombreux travaux derecherches sur la ville sont consultables en ligne : « http://www.unilu.ac.cd/Apropos/recherches/ocu.htm»
2. Diverses opérations mayorales ont tenté depuis la fin des années 1990 de faire de Lubumbashi la première ville du pays dans la lutte contre l’insalubrité en réfectionnant diverses artères, en construisant le marché Kabila, en restaurant l’éclairagepublic, en luttant contre les marchés pirates…
Lubumbashi, devant le siège de la Société Nationale des Chemins de fer Congolais (SNCC) | © Sammy Baloji
28 Fo c u s >N O V E M B R E 0 7 | N°3
L’eau potable, source d’angoisses
Chaque jour, les citadins lushois sont
confrontés à un problème majeur, celui
de l’approvisionnement en eau potable.
La REGIDESO, société nationale de distribu-
tion, n’a pu faire face à la croissance rapide des
quartiers : réseau d’adduction inadapté à la
taille de la cité, absence de raccordement, trop
faible pression, coupures fréquentes et inopi-
nées dues à la vétusté du matériel caractérisent
la situation actuelle. Aussi, partout dans la
ville, à des degrés divers, l’eau potable devient
un véritable casse-tête pour des ménagères
conscientes que l’eau peut aussi se révéler un
dangereux vecteur de maladies.
Le problème de l’approvisionnement hydri-
que existe dans toute la ville mais son inten-
sité varie en fonction des quartiers. Dans les
zones résidentielles, celles de la ville
moderne où l’on trouve les différentes autori-
tés politico-administratives, la majorité des
ménages dispose au domicile d’un robinet
d’eau courante et le débit y est régulier.
Toutefois, quelques quartiers bien que rési-
dentiels connaissent de graves problèmes de
coupures ou d’alimentation. C’est le cas de
Kiwele où depuis trois ans les ménagères
sont condamnées à ramener de l’eau des
quartiers avoisinants.
Stratégies d’approvisionnementLa question se pose avec plus d’acuité dans les
quartiers populaires (les quartiers planifiés) et
davantage encore dans les quartiers d’auto-
construction. Dans les premiers, le réseau de
distribution existe mais demeure peu perfor-
mant. Lorsque le robinet coule, il profite à l’en-
semble des ménages vivant sur la parcelle.
Pour beaucoup, le puits s’impose comme la
solution de rechange ou de complément. Là où
les habitants ne savent pas creuser de puits,
les populations ont imaginé le kishimpo (abré-
viation de kishima mu pompi signifiant « un
puits dans un tuyau »). Ce moyen d’approvi-
sionnement, qui a débuté dans la commune
Kenya, résulte de l’introduction d’un petit
tuyau dans une partie du réseau d’adduction où
les populations ont constaté une fuite ; un robi-
net est ensuite descendu à même le sol pour
adapter l’écoulement à basse pression.
Dans les quartiers d’autoconstruction
(Luwowoshi, Kasungami, Kalebuka, Munua),
l’eau potable émane essentiellement des bor-
nes fontaines, sorte de puits modernes montés
par les ONG mais dont la mauvaise gestion les
rend souvent inopérants. Enfin, la rivière
demeure une source d’approvisionnement non
négligeable pour la plupart des ménages de ces
quartiers même si l’eau de celle-ci n’est pas à
usage alimentaire mais est utile pour les bains,
les lessives, le nettoyage.
A LUBUMBASHI, FAUTE D’UNE POLITIQUE D’URBANISATION ADÉQUATE, LA FOURNITURE EN EAU POTABLE – COMMODITÉ URBAINE POURTANTESSENTIELLE – NE VA PAS DE PAIRE AVEC L’EXTENSION DE LA VILLE.
P a s c a l L A V I O L E T T E
d’après les articles et les recherches d’Alice Mutete et Olivier Kahola Tabu
© S
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loji
29
Le PU à LubumbashiLe Programme d’urgence à Lubumbashi dispose d’un budget de 1,8 millions pour des actions principalement orientées vers l’assainissement dumilieu et l’accès à l’eau potable.
ASSAINISSEMENTDepuis le mois de juin 2007, des travaux de débouchage et de curage des caniveaux ouverts de la commune Kenya sont exécutés par l’Office des Voirieset Drainage (OVD). Par ailleurs, plusieurs kilomètres decaniveaux seront construits dans cette même communeafin d’endiguer les inondations et les débordementsd’égouts périodiques pendant la saison des pluies.Enfin, ces travaux seront complétés par des actions de lutte antiérosive sur le tronçon Katuba-Circulaire.
ACCÈS À L’EAU POTABLEDans la Commune Annexe, dans les quartiersMunua, Luwowoshi et Kisanga, des travaux de réhabilitation et d’extension du réseau de la Régidesosont prévus : 29 bornes fontaines avec compteur serontinstallées d’ici octobre 2008 en étroite collaborationavec la Régidéso.Le Programme d’urgence procèdera à l’achat de deuxgroupes motopompes pour la station de pompage deKimilolo 2 et d’une pompe immergée à Luwowoshi afinde renforcer les capacités techniques de la Régideso.Dans la zone urbano-rurale de la Commune Annexe, 20 forages de 1.000 mètres de profondeur équipés de pompes à main seront également aménagés d’icioctobre 2008.
AU SERVICE DES LUSHOISTous les travaux du Programme d’urgence sontexécutés selon la méthode HIMO (haute intensité demain d’œuvre) qui permet non seulement d’améliorer les conditions de vie mais aussi de pourvoir des emploisà moyen terme aux habitants de ces deux communes.
Face aux pénuries d’eau, les femmes – car il
s’agit essentiellement d’un problème fémi-
nin...1 – développent différentes stratégies. A
tel endroit, un seul robinet sert à plusieurs par-
celles voire à une avenue, et la faible pression
transforme le lieu de rencontre en terrain de
conflits. Ailleurs, au quartier Bel-Air II (au
camp policier) par exemple, l’eau coule chaque
jour de 6 à 8 heures et de 20 à 22 heures obli-
geant les ménagères à puiser le plus grand
nombre possible de récipients lors de chaque
passage. Dans le quartier Congo, le robinet ne
fonctionne que vers minuit : les femmes orga-
nisent une file selon le principe du « premier
arrivé, premier servi » et passent souvent de
longues heures à attendre leur tour.
Les ménagères qui disposent d’eau se muent
souvent en sous-distributeurs de la REGIDESO
dans leur quartier, revendant le précieux bien à
d’autres femmes moins chanceuses contre
payement quotidien (50 francs le bidon de 20
litres) ou mensuel. Grâce à cette forme de
sous-abonnement, certaines ménagères nanties
d’un robinet ont trouvé là un ingénieux moyen
de survie…
Inquiétudes sanitairesLa scène que présente Lubumbashi chaque
matin est désolante : des files de femmes avec
des bidons, des bassins, des seaux parcourent
les quartiers à la recherche de l’or bleu… La
ville devient le théâtre de scènes rurales où la
débrouille répond à l’insuffisance des services
urbains. Faute de mieux, les usagères qui ne
peuvent accéder à un robinet s’approvisionnent
en eau de puits, en eau de rivière ou en eau de
pluie durant la saison pluvieuse, parfois au
péril de leur santé. Même l’eau de la REGI-
DESO est quelque fois mise en doute par la
population : surtout après de fortes pluies, lors-
que le liquide qui coule des robinets présente
une certaine turbidité en raison de la vétusté de
la tuyauterie et de certaines perforations qui
peuvent s’y observer…
La question de l’eau est donc centrale à
Lubumbashi et préoccupe les citadins. Au
mois de juillet, la mairie a organisé un atelier
participatif sur l’accès à l’eau. Les partici-
pants ont évoqué entre autres le problème de
la pollution et la question de l’implantation
anarchique des usines minières. Face à ces
inquiétudes, des solutions ont été proposées,
notamment de délimiter un périmètre de pro-
tection des zones de captage, de délocaliser
les usines d’exploitation minière implantées
en amont et en aval des zones de captage,
d’interdire à la population de jeter les immon-
dices dans les cours d’eau et les caniveaux et
de laver le minerai dans les parcelles résiden-
tielles et les cours d’eau. Pour permettre un
suivi des résultats de cet atelier, une plate-
forme constituée de ressortissants de chaque
commune, de représentants de la REGIDESO
et de deux professeurs de l’Université a été
mise en place. Une structure qui permettra
peut-être à la population de faire pression afin
que les différents quartiers de Lubumbashi
soient desservis en eau de bonne qualité.
1 Une femme rapporte : « Chaque jour je passe le gros de mon temps à parcourir de longues distances pour trouver l’eau potable, etles hommes ne se soucient même pas de cet aspect, leur souci est de trouver de l’eau dans le ménage. »
Lubumbashi : commune Kenya, travaux d'assainissement du Programme d'Urgence (PU) de la CTB. | © Sammy Baloji
30 P a r o l e au x a c t e u r s >N O V E M B R E 0 7 | N°3
Qui bouge?Comment?
P r o p o s r e c u e i l l i s p a r T i t o N D O M B I ,
P e p e M W E K A e t C h a r l i n e B U R T O N
Àprès deux semaines de mission à l’extension de Kamina de
l’Université de Lubumbashi, le professeur Nkiko et un collègue
s’apprêtaient à prendre l’avion pour rentrer sur Lubumbashi. Ils ne pou-
vaient pas imaginer la tragédie qu’ils allaient vivre. Le professeur Nkiko
explique : « 22 personnes sont montées à bord de l’avion qui devait en
prendre normalement 16. Le pilote a essayé de lancer les moteurs mais
sans succès. Il y avait un problème de batterie. Des chauffeurs de
benne présents à l’aéroport lui ont prêté les batteries de leurs véhicules
pour lancer ses moteurs mais la tentative a échoué. Le pilote nous a
donc demandé de descendre et a demandé l’envoi d’un autre appareil ».
En attendant, il a poursuivi ses tentatives de lancement des moteurs. Et
le montage a finalement réussi. « Le pilote nous a donc demandé de
vite remonter à bord et l’avion a décollé ». Mais l’aventure a vite tourné
court : « tout à coup l’avion a basculé, piqué du nez et s’est écrasé dans
un étang. J’ai entendu des gémisse-
ments. J’ai essayé d’aider une femme à
côté de moi mais elle était trop lourde.
J’ai aperçu une ouverture et je me suis
retrouvé dans l’eau jusqu’à la taille. Je
n’ai pas vu que j’étais blessé à la tête.
Les gens sont arrivés de partout pour
nous porter secours. Mon collègue n’a
pas survécu. On m’a raconté qu’il est
mort de manière atroce : le cou sec-
tionné, les jambes et les bras coupés,
le ventre ouvert, les intestins dehors. ».
Pourquoi le professeur Nkiko a-t-il
repris place à bord de l’avion alors
qu’il présentait des problèmes ? Car
« ce qui est arrivé était prévisible. » dit-il. Le professeur Nkiko, tou-
jours sous le coup de l’émotion, s’interroge sur l’état d’un pays qui
contraint les gens à circuler dans des conditions aussi dangereuses. Il
se demande pourquoi il a pris autant de risques : « Vous savez ce que
gagne un professeur d’université en RDC ? Dérisoire. Pourquoi suis-je
donc monté dans cet avion ? Manifestement dangereux. Pourquoi ai-je
donc risqué ma vie ?... » Quelques semaines plus tard, une fois la ten-
sion diminuée, le professeur explique : « Dans un mois, j’aurai 60 ans.
J’ai déjà vécu de nombreuses épreuves... S’il faut reprendre l’avion
pour aller enseigner, je le ferai encore ». TN
“Je travaille à la SNCC
(Société Nationale des
Chemins de Fer du Congo)
depuis 1975. Après avoir fait
mes preuves comme aide-
conducteur, je suis devenu conducteur–manœuvre, c’est-à-dire que
je déplaçais les locomotives en gare suivant leur ordre d’arrivée ou
de départ. Enfin, en 1988 je suis devenu conducteur full sur les
lignes Lubumbashi-Sakania, Lubumbashi-Kipushi et Lubumbashi-
Likasi. A mes débuts, les conditions de travail étaient bonnes, les
formations régulières, nous portions même un uniforme : salopette,
bottes et casquette…maintenant tout cela a disparu. Imaginez-
vous que chaque fois qu’une machine tombe en panne sur la voie,
nous sommes obligés de la réparer avec les moyens du bord... Les
outils ne sont plus renouvelés depuis longtemps »
« Non seulement les machines sont vieilles », poursuit-il, « mais
la voie ferrée est très dégradée par endroits, et avec le poids des
passagers et des marchandises, nous sommes obligés de rouler
très lentement pour ne pas dérailler. Naturellement cela provoque
des grands retards mais personne n’a le choix. En plus de cela
nous subissons fréquemment les tracasseries des militaires sur la
voie, la police de la SNCC n’a plus vraiment les moyens de nous
sécuriser. »
Malgré tout, M Tshilenge reste fier de son métier. « Peut-être
avec toutes ces nouvelles sociétés minières qui s’installent au
Katanga, les activités économiques seront relancées et la SNCC
pourra améliorer nos conditions de travail rapidement. » PM
Nkiko Mumya Rugero, 60 ans
Survivant d’un crash aérien
Tshilenge Bin Kazadi, 52 ans
Conducteur de locomotive à Lubumbashi
© Sammy Baloji
© Sammy Baloji
31
“Je suis arrivé à Kisangani de Kindu en 2001 pour poursuivre mes
études secondaires sur invitation de ma tante maternelle.
Malheureusement, ma tutrice est décédée peu de temps après et les
autres membres de ma famille n’avaient pas les moyens de me soutenir.
Je suis donc devenu « toleka », métier que j’exerce depuis 4 ans, pour
subvenir à mes besoins et à ceux de ma famille.
Comme il n’y a plus de bus ni de taxis à Kisangani, ce sont les
« toleka » ou vélo taxis comme moi, qui transportons les gens d’un
bout à l’autre de la ville. En général, pour une bonne journée, je peux
avoir jusque 30 passagers et transporter plus ou moins 200 kg de
marchandises et de colis.
Je dois presque me battre chaque jour pour avoir des clients car le vélo
ne m’appartient pas : je le loue à la journée et chaque soir, sur les
2 800 Fc que je gagne en moyenne, je verse 1 800 Fc au patron pour
les pannes et pour ma nourriture. Le peu qui me reste, ma femme le
met de côté pour le loyer, la nourriture, les médicaments…Comme vous
pouvez le voir, ce travail me permet tout juste de survivre : c’est sim-
ple, si je ne travaille pas, je ne mange pas.
En plus de ça, les conditions de travail sont dures : je passe toutes
mes journées à vélo, de 7 heures à 18 heures sous un soleil brûlant
et sur des routes pleines de trous. J’ai souvent des lombalgies à cause
des charges que je transporte. Je dois aussi endurer les tracasseries
des policiers et des militaires... » Samuel voudrait bien trouver un tra-
vail plus stable ou entrer dans une école professionnelle : « Peut-être
un jour, je rencontrerai quelqu’un qui pourra m’aider » PM
Samuel Mweni Lende, 30 ans
Toleka à Kisangani
“L e problème de déplacement se pose pour moi
tous les jours. J’habite Bumbu, une commune
enclavée de Kinshasa : plus de routes et les véhicules n’y
accèdent plus. Je suis obligé pour aller aux cours de faire
au moins 45 minutes de marche tous les matins pour arri-
ver à l’arrêt de bus. Et là, ce sont de longues minutes
d’attente. Une véritable bagarre s’engage dès qu’un bus
se pointe. Pour prendre place à bord, c’est la loi du plus
fort ou du plus rapide. Plus d’une fois, je suis allé aux
cours accroché à la portière d’un bus. »
Mêmes conditions au retour après les cours.
Dans le pire des cas, affirme-t-il, il va à l’institut à pied.
Dans ce cas, raconte Serge, il se lève à 5h et se met en
route au plus tard à 6h . « Après au moins 2 heures de
marche, j’arrive à l’IFASIC (Institut Facultaire des
Sciences de l’Information et de la Communication) tout
suant et fatigué. Dans la salle, je n’ai aucune envie de
suivre le cours. Je pense plutôt à me reposer. Je suis ner-
veux et je n’ai aucune envie de parler. Physiquement, je
suis dans la salle mais en réalité, je n’entends rien de ce
que dit le professeur et naturellement, je ne comprends
rien. Il m’arrive comme ça de passer toute une journée
dans l’auditoire sans rien retenir. » Et de poursuivre : « Le
plus dur, c’est quand une interrogation est programmée
dans la matinée. Impossible de se concentrer et on ne
trouve pas de réponse aux questions. Naturellement, pour
se tirer d’affaire, la tendance est de jeter un coup d’œil
chez le voisin. » TN
Serge Onyumbe, 24 ans
Etudiant à l’université de Kinshasa
32 L a Vo i x d u C o n g o P r o f o n d >N O V E M B R E 0 7 | N°3
E tre passeur de bac, c’est un métier qui se transmet de
père en fils. Moi cela fait 9 ans que j’ai repris le flam-
beau. La rivière Kwengue et le bac, je connais cela depuis
toujours, puisque j’habite à 50 mètres du point d’embarca-
tion. Etre baquier, en soi, ce n’est pas trop difficile, quand
les installations sont en bon état. Pour faire passer les gens
d’une rive à l’autre, ça demande juste un effort physique de
quelques minutes : tourner les manivelles pour incliner le bac
de façon à ce qu’il soit poussé par le courant et qu’il glisse le
long de la poulie vers l’autre côté de la rivière. Après, il n’y a
plus qu’à attendre d’être arrivé sur la rive opposée, pour
débarquer les passagers, puis faire le chemin inverse.
En moyenne, on fait sept aller-retour par jour, avec une tren-
taine de piétons. Pour eux, le passage est gratuit. On ne fait
payer que les vélos, motos et voitures. Après les piétons, ce
sont les cyclistes qui sont les plus fréquents : ils viennent des
villages avec leur vélo surchargé de maïs, d’arachides ou
d’autres produits qu’ils vont vendre à Kikwit.
Pour eux comme pour nous baquiers, la vie n’est pas facile…
Il y a bien sûr le salaire qui est insuffisant : avec mes deux
collègues, nous nous partageons 10% des recettes du bac, ce
qui revient à un salaire de trois dollars par mois. Comment
voulez-vous que l’on vive avec cela ? Heureusement pour moi,
je peux nourrir ma famille grâce aux cultures et à l’argent que
j’en retire.
L’autre problème, c’est l’entretien du bac : si l’on veut qu’il
dure, il y a toujours des petites réparations à faire. Mais pour
cela, il faut de l’argent. Pour l’instant cela fait deux mois que
nous attendons que l’Office des Routes nous envoie un nou-
veau câble pour relier le bac à la poulie. Comme il ne vient
pas, on a fait du bricolage en tressant des câbles plus fins.
En espérant que ça tienne assez longtemps… CB
Willy BusambuPasseur de bac à Bumba (Bandundu)
EN RDC, L’ÉNERGIE MUSCULAIRE EST LE PREMIERMODE DE TRANSPORT DES MARCHANDISES.
LES MUSCLES, FÉMININS EN PARTICULIER, CONSTITUENT L’UNE DES PRINCIPALES FORCES
ÉNERGÉTIQUES DU PAYS. LE « PORTAGE SUR LA TÊTEDES FEMMES », ACTIVITÉ QUI NE SE CANTONNE
PLUS AU SEUL MONDE RURAL, DOIT PALLIER L’INSUFFISANCE DES INFRASTRUCTURES.
A MPASSA, UN QUARTIER DE NSELE SITUÉ À 15 KM DU CENTRE DE KINSHASA, LA QUESTION
DU TRANSPORT EST QUOTIDIENNE. RENCONTRE AVEC DES « MAMANS »
“FFaute de routes asphaltées, il n'y a
ni bus ni taxi à Mpassa, les dépla-
cements se font à pieds. Pour pui-
ser l'eau de la rivière, les femmes quittent la
maison à quatre heures du matin. Cinq fois par
jour, elles parcourent les trois kilomètres qui
mènent à la rivière en portant sur la tête des
bidons de 25 litres, témoigne Antoinette, une
habitante du quartier. Le bois, le manioc et le
maïs se transportent également sur la tête.
Pour rejoindre le marché de la ville, elles par-
© C
harli
ne B
urto
n
33
à Mpassa , ajoute Antoinette. Parfois, les fem-
mes de Mpassa louent des charettes appelées
pousse-pousse. Une autre maman témoigne :
On est allé chercher des mangues en forêtparce qu’on a besoin d'argent pour payer la ren-trée scolaire des enfants. On a partagé le coûtdu pousse-pousse, ensuite nous sommes par-ties avec les enfants. On se regroupe pourdéplacer le pousse-pousse. Ce n'est pas facilede le faire avancer dans le sable quand il est
bien chargé. Les enfants nousaident parce qu'ils ne peuventpas aller à l'école avant qu'on aiepayé. Nous vendons les man-gues à 10 kilomètres d'ici. Lesproduits alimentaires qui arri-vent des provinces partent direc-tement au centre ville. Comme iln'y a pas de marché ici, nousdevons aller en ville pour acheterles produits de base et vendrenotre récolte.
tent à 5 heures du matin et ne rentrent que
vers 22 heures. Les transports étant rares à ces
heures-là, les temps d’attente au bord de la
route sont longs. Il y a souvent des vols et des
viols, une fois la nuit tombée. La sécurité
constitue donc un sérieux sujet d’inquiétude, et
ce n’est pas le seul. Les femmes qui transpor-tent beaucoup de poids souffrent souvent, ensilence, parce qu'elles n'ont pas les moyens dese soigner. Il n'y a pas de centre médical public
Le Maipope
Maipope est un néologisme courant à Kalemie, en zone rurale, le terme vient du Swahili maisha (vie).
Le Maipope désigne le petit commerce exercé parles femmes et qui consiste à transporter sur la têteles produits à vendre. En général, le bénéfice réalisé est dérisoire. Le Maipope permet à la femmede contribuer à la survie familiale. Car, dans unefamille où la maman exerce cette activité, l'onespère manger ne fût-ce qu'une fois par jour. Enrevanche, les conséquences fâcheuses sont multiples. Le Maipope l'oblige à dépenser plus d'énergiequ'elle n'en gagne par sa ration alimentaire. Il est en grande partie la cause des maux du cou,de dos et de la poitrine. La croissance de certainesfilles en pâtit. L'éducation des enfants en souffreaussi cruellement. Les longues absences de lafemme-mère ne lui permettent pas de s'occupervalablement de l'éducation de ses enfants. Ces derniers errent dans les rues ou sont gardéspar leurs aînés qui nécessitent eux-mêmes l’encadrement d'un adulte. Dans un grand nombredes cas, le « Maipope » est à la base de la non fréquentation et de la non scolarisation desfilles et par conséquence de leur analphabétisme.
KITENGE NGOY ROGATIEN
G é r a l d i n e M A K I L A a v e c A l i c e VA N D E R E L S T R A E T E N
Interrogée sur les priorités qui pourraient
améliorer la vie quotidienne des femmes,
Antoinette explique: Premièrement, la proxi-mité de l'eau potable, nous soulagerait déjàbeaucoup. Ensuite, l'électricité, qui nous per-mettrait de circuler le soir, avec plus de sécu-rité. Un tronçon de macadam sur la route faci-literait les échanges. Pour vendre nos mar-chandises, mais aussi pour le ravitaillementen carburant, indispensable pour le groupeélectrogène qui fait fonctionner les pompes àeau. Le manque de transport mets aussi lesfutures mères en danger, en cas de complica-tions à l’accouchement, elles n'arrivent jamaisà temps à l'hôpital.
© A
lain
Hua
rt
L’énergieféminine
Développement de proximitépour communautés isolées
LE PROJET MODAC *A POUR ORIGINALITÉ LA CESSION DIRECTE DE MICRO DONS
(VARIANT DE 2000 À 5000 USD) AUX POPULATIONS
DE VILLAGES OU DE QUARTIERS REGROUPÉS
EN COMMUNAUTÉS. LA MAJORITÉ DES BÉNÉFICIAIRES
HABITENT DANS LES ZONES LES PLUS ISOLÉES DU PAYS.
34 P a r t e n a i r e s >N O V E M B R E 0 7 | N°3
L a démarche du MODAC consiste à
financer des activités communautaires
choisies par l’ensemble des membres,
via un processus pleinement participatif. Ce
qui entraîne une grande variété de projets,
dans une large palette de secteurs : l’agricul-
ture, l’élevage (achat d’outils, semences,
matériel de pêche, géniteurs d’animaux d’éle-
vage, dispositifs de pressage d’huile de palme)
infrastructures de base (petites réhabilitations
et équipements d’établissements scolaires, de
centre de santé, aménagement de petits ouvra-
ges d’art, implantation de puits, aménage-
ments de sources d’eau, acquisition de pres-
ses à brique, établissement de fonds renouve-
lables ou encore financement de services de
formation ou de services techniques.
Les activités sont mises en œuvre par les
agences locales d’exécution des districts (les
ALED). Qui sont pour la plupart des ONG
nationales ou internationales.
Une approche pilote !Projet pilote à hauts risques ! Voilà comment
fût qualifié le MODAC à ses débuts. A l’épo-
que il était facile de douter de la bonne gestion
de dons par des communautés non expéri-
mentées, vivant dans des zones particulière-
ment reculées du pays. Car l’approche contraste
avec une attitude, malheureusement trop fré-
quente, qui consiste à décider à la place des
gens, sans vraiment tenir compte de leurs avis,
ni leurs faire confiance. Le MODAC, avec la
pleine participation des communautés a pour-
tant relevé le défi. Conscientes de leurs res-
ponsabilités, les communautés n’ont pas
ménagé leurs efforts pour assurer la réussite et
la pérennité des activités. L’impact rapide
dans le quotidien des populations, cumulé à la
participation active des personnes dans l’iden-
tification et l’exécution des activités expli-
quent pour une grande part la force du projet.
A l’école de la bonne gouvernanceLe Modac constitue par ailleurs une véritable
école de la bonne gouvernance. Pour chaque
micro projet, choisi à l’issue d’une élection, le
groupe installe un comité villageois, en charge
de la gestion journalière. Ce comité s’appro-
prie les règles de gestion transparente, pen-
dant que la communauté expérimente au quo-
BUTA (communauté Alogo) La consultation participative est la clé du démarrage
de chaque projet MODAC. La communauté se réuni dansla place du village pour discuter des besoins prioritaires
pour les villageois. Une fois le projet sélectionné, uncomité de pilotage est élu. Celui-ci devra rendre compte
de sa gestion et de son exécution au reste du village.
* MODAC: Maître d’ouvrage délégué pour l’Aide aux Communautés
KIBOMBO, Cité ImbuLa chèvre est un symbole de richesse pour ce village. Cette communauté a choisi un projet d’élevage, qui permet de générer des revenus par la vente de la viande et du fromage.
P a r R i o M a l e m b a e t L o l a M u k e n d i
35
tidien, les principes démocratiques de base.
En cas de défaillance, les comités peuvent être
sanctionnés et remplacés par voie élective.
Après 26 mois d’existence, le bilan est plus
que positif. Sur le plan des réalisations concrè-
tes mais aussi celui du renforcement de la
cohésion sociale, et de la prise de conscience
des responsabilités concernant son propre
développement. Cette approche originale
constitue sans doute un modèle en matière de
micro-dons dans les milieux particulièrement
isolés du pays. C’est en tout cas ce que sou-
haitent les initiateurs du projet.
TERRITOIRE DE BWAMANDA | Province de l’Equateur
AVANT
Ce bâtiment délabré, sans fenêtres, surplombépar un toit en paille abritait une quarantaine
d’élèves dans deux salles de classes. Les pluies torrentielles qui caractérisent cette
région, provoquaient régulièrement des dégâtsimportants, ce qui contraignait les élèves
aux vacances forcées.
APRÈS
Cette communauté dispose désormais d’un véritable bâtiment scolaire où les enfants
ne souffrent plus des intempéries et peuvent étudier dans un cadre agréable.
© AVANTAvant l’arrivée du MODAC, les femmes accouchaient sur des
nattes posées à même le sol en ciment. Les conditions hygiéni-ques y étaient plus que précaires.
APRÈS †
La maternité est maintenant équipée de lits et de matelas. Le nombre d’accouchements à la maternité a doublé,
les femmes étant mieux disposées au suivi pré ou post-natal dans ce cadre amélioré.
å åå
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MATERNITÉ DE LIKERI | Kibombo, Province du Maniema
RÉCAPITULATIF PROJET
La Banque Mondiale a financé un projet pilote, Projet d’Urgence de Soutien au Processus de
Réunification Economique et Sociale (PUSPRES). Ce projet comprend 5 composantesdont la cinquième est axée principalement sur l’aide aux communautés. Sa mise en œuvre a été
confiée à l’Unité de Coordination de Projet du Ministère du Plan, UCOP, qui à son tour a délégué
la maîtrise d’ouvrage de la mise en place, l’animation et la gestion de la composante
Aide aux communautés à la Coopération Technique Belge.
Budget (micro dons) : 7.650.000 USDDurée : 30 mois (de juin 2005 à décembre 2007)
Zones d’intervention : district de Buta et Isiro (Province Orientale), Gemena (Equateur),
Kibombo (Maniema), Lodja (Kasaï Oriental), Masisi (Nord Kivu)
36 P a r t e n a i r e s >N O V E M B R E 0 7 | N°3
EN TOURNANT « PAPY, MON HISTOIRE » À KINSHASA, DJO TUNDA WA MUNGA FAIT
COUP DOUBLE : PARLER DU SIDA SANS TABOU ET DYNAMISER LE CINÉMA CONGOLAIS.
P i e r r e M A RT I N O T
Une brigade de police fait son footing
matinal dans les rues de Kinshasa. A
bout de souffle, un homme en uni-
forme s’écarte du groupe... C’est Papy. Mon
corps m’abandonnait... Et je sentais la mort
se rapprocher! Premières images, premiers
sons du film Papy, mon histoire. Premiers
plans tout simplement d’un film congolais
depuis « La Vie est belle », tourné il y a 20 ans
par Mwézé Ngangura.
Un clap audacieux signé Djo Munga, jeune
réalisateur congolais de 35 ans. Tout est là
pour réussir le retour du cinéma en
République Démocratique du Congo : caméra
haute définition, son digital, équipe technique
internationale... Un projet ambitieux, tourné
en lingala, pour aborder un thème majeur au
Congo : le SIDA.
« Le point de départ du projet, explique Djo
Munga, c’est « Opération Bottine », une émis-
sion de télévision avec un plateau de personnes
vivant avec le VIH témoignant à visages décou-
verts. Au Congo, jusqu’il y a peu, c’était assez
révolutionnaire. J’ai senti le potentiel qu’il y avait
derrière ces histoires. J’ai voulu aller plus loin,
écrire des films à partir de ces histoires vraies ».
Le réalisateur fréquente alors les réseaux des
PVVIH (Personnes Vivants avec le Virus du
sida) pour écouter leurs histoires.
Humainement touché par leur optimisme et la
force de ces témoignages, il s’engage alors dans
un projet très personnel. Il veut parler du Congo
d’aujourd’hui et proposer un regard artistique et
citoyen sur une question de santé cruciale pour
le développement du pays. Il imagine une série
basée sur dix histoires vraies évoquant le virus
Papy, séropositif espoir du cinéma congolais
« IL FAUDRAIT PLUS DE FILMS COMME «PAPY», AU CONGO ET DANS L’AFRIQUE. LES HISTOIRES, EN LANGUES LOCALES, QUI ABORDENT CONCRÈTEMENT ET SANS DÉTOUR LES QUESTIONS QUE SE POSENT LES GENS SUR LE SIDA, ONT UN FORT POTENTIEL D’IMPACT SUR LE COMPORTEMENT DES INDIVIDUS ET SONT DE PUISSANTS VÉHICULESPOUR LES MESSAGES QUE NOUS SOUHAITONS FAIRE PASSER. »
Peter PIOT | Directeur exécutif d’ONUSIDA et Secrétaire général adjoint des Nations Unies
37
FICHE TECHNIQUE
SOCIÉTÉ DE PRODUCTION | SUKA !SCÉNARIO ORIGINAL ET RÉALISATION | Djo Tunda Wa MungaCOPRODUCTIONS | FORMOSA Productions (Paris-France) et MG Productions (Bruxelles-Belgique) PRODUCTEUR DÉLÉGUÉ | Boris Van Gils PRODUCTEURS ASSOCIÉS | Djo Tunda Wa Munga, Michaël Goldberg CASTING | Romain Ndomba, Chaida Chady Suku Suku SUPPORT | HD-16DURÉE APPROXIMATIVE EN MINUTES | 53 minutesLANGUE | Lingala
Que fait la coopération belge
pour lutter contre le sida ?La Coopération belge au développement soutient dans les pays en développement
les politiques nationales de santé publique et l’intégration de la lutte contre le SIDA dansles soins de santé de base, l’enseignement et les formations. Depuis mars 2006,
une nouvelle note politique belge définit cinq objectifs. Notamment : la lutte contre le SIDA en s’appuyant sur les droits de l’homme, avec une attention particulière
aux personnes les plus vulnérables, aux femmes, aux jeunes et aux orphelins, ainsi qu’aux victimes des situations de guerre et de conflits. En République Démocratique
du Congo, la CTB apporte un soutien institutionnel au ministère de la santé publique,dans 22 zones de santé. En Équateur, dans le Bas-Congo et à Lubumbashi où l’aide est
affectée à la coordination de la lutte contre le SIDA, au renforcement des services sanitaires,à la prévention, au contrôle du sang et à la formation.
Le développement du pays par le développement de la culture. Peut-être qu’inconsciemment Djo Munga est-il
en train d’écrire une page de l’histoire du cinéma
congolais. Il en rêve évidemment. « Aujourd’hui,
le public consomme des films américains et des
séries nigérianes. Mais je sens qu’il veut des fic-
tions congolaises qui le fassent vibrer. Il veut du
rêve pour oublier le quotidien. »
Actuellement, suite aux années de crise, le
cinéma congolais est au point mort. Mais le
potentiel est là et s’il est exploité, il pourrait
participer à sa manière au développement éco-
nomique du pays. « Le talent est à portée de
main au Congo, mais c’est un matériau brut. Il
faut pouvoir le transformer pour l’enrichir !
Pour Papy, nous avons travaillé avec des comé-
diens congolais et une équipe technique mixte,
pour que les techniciens locaux apprennent au
contact des chefs opérateurs ou des ingénieurs
du son européens. L’apprentissage est impres-
sionnant, car à 22 ou 23 ans, la soif d’appren-
dre fait des miracles. »
Faire un tournage à Kinshasa ou en province,
c’est faire tourner l’argent. « Le développe-
ment du pays, insiste le cinéaste, passe par le
développement de la culture ! » Avec ses équi-
pes de techniciens et d’accessoiristes, l’in-
dustrie du cinéma est porteuse d’emplois
directs et indirects. Mais pour qu’elle fasse
partie du renouveau économique espéré, elle
doit être soutenue politiquement. Pour Djo
Munga, le scénario est ficelé ! Il faut ouvrir
une école de cinéma, financer des projets
audiovisuels sur lesquels travailleront des sta-
giaires et développer une culture cinéma aussi
forte qu’en Afrique du Sud ou en Afrique de
l’Ouest. Révélé pour ses qualités artistiques,
Papy est aussi une œuvre thérapeutique !
au quotidien : annoncer sa séropositivité à sa
famille, vivre l’isolement social, reconstruire sa
vie… « En tant que réalisateur, mon objectif est
de faire de la fiction basée sur des faits réels.
Aborder cette maladie au cinéma exige une
approche scientifique, artistique et pédagogi-
que. Mais je ne suis prisonnier ni de l’un ni de
l’autre. C’est compliqué ! Aux côtés de quelques
comédiens, j’ai donc privilégié des acteurs
jouant leur propre rôle pour garantir la vérité de
leur sentiment. »
Formé à l’INSAS (Institut National Supérieur
des Arts du Spectacle) à Bruxelles, Djo Munga
utilise la force du cinéma pour conscientiser le
spectateur. Les images, d’une grande sensibi-
lité, nous transportent dans l’intimité du cou-
ple. Et les silences, intenses secondes de
vérité, questionnent nos esprits parfois vaga-
bonds. « Pour évoquer ces moments si sensi-
bles de l’annonce de la nouvelle, seule la fic-
tion nous permet d’aborder ces phases de
doute et de vulnérabilité ».
Papy doit à présent vivre sa vie. Des passages en
télé sont prévus pour parler du SIDA au plus
grand nombre. Pour ses qualités pédagogiques,
le film sera aussi utilisé par le Ministère de la
Santé, la CTB et la GTZ, comme outil de sensi-
bilisation dans leur programme de lutte contre le
Sida.
L’enthousiasme suscité par cette initiative
congolaise semble convaincre les partenaires
actuels et mobiliser de nouveaux acteurs. Le
Ministère de la Santé Congolais se dit prêt à
s’engager. Après Papy, Maman Bibi, JP et Marie
Louise, d’autres citoyens qui ont décidé de révé-
ler leur séropositivité, seront les héros des
épisodes à venir. Et si la série trouve les finan-
cements nécessaires, leur témoignage frappera,
c’est sûr, la conscience de chaque Congolais.
ACCORDER SA CONFIANCE AU BON MOMENT...
En accordant leur confiance à un moment crucial de la vie du « projet », c’est à dire « sur papier », laCoopération Technique Belge et la Fondation RoiBaudouin ont permis au numéro pilote de voir le jour. Ce soutien à jouer un rôle déclencheur primordial pourconcrétiser le projet. Papy, mon histoire devrait atti-rer d’autres bailleurs à s’engager sur les prochainsépisodes. Il sera diffusé sur l’ensemble du territoirecongolais.
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La BD est un moyen de communication situé entre les traditions orale et écrite, qui exprime de manière accessible les réalités de la vie quotidienne. L’exposition TALATALAmet en lumière l’historique, les conditions de production et les principaux thèmes de la BD congolaise d’hier et d’aujourd’hui. Après une première présentation à Bruxellesdans le cadre de Yambi 2007, l’exposition se produira à Kinshasa début 2008. www.talatala.cd
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EvènementsAtelier sur le cadre institutionnelde l’assainissement à Kinshasa Cet atelier s’est tenu à Kinshasa, les 30 et 31 octobre 07. Il aété organisé conjointement par la Coopération Technique Belge(CTB) et l’Organisation Néérlandaise de Développement (SNV),sous le haut patronage de l’Hôtel de Ville de Kinshasa. Cette seconde étape, destinée aux dirigeants et aux éluslocaux, a porté sur le cadre institutionnel de l’assainissementà Kinshasa et dans l’ensemble du pays. (lire p. 16-17)
Les journées européennes du développement 2007 : Climat et Développement : quels changements ?Il s’agit du premier forum international sur ce thème crucial. Ils’adresse en particulier aux pays les moins responsables du réchauffement de la planète mais les plus affectés parceux-ci. Pendant 3 jours, hommes et femmes politiques, ONG,membres de la société civile ou du secteur privé confronterontleurs idées. La Coopération belge au développement a prisl’initiative d’un panel de discussion autour de la gestion durable des forêts congolaises. Des représentants des ministères congolais concernés participeront aux débats, aux côtés d’autres parties prenantes. Pour en savoir plus :www.eudevdays.eu ( 7-9 novembre 2007 à Lisbonne )
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PublicationsLa Voix du Congo ProfondLe 2ème numéro de ce journal édité par le SecrétariatGénéral du Ministère de l’Agriculture a pour titre:
'Leçons de l'Est signaux à l'Ouest'. Il est suivi par une édition spéciale qui servira d’outil pédagogi-que aux écoliers qui visitent l’exposition Congo. Nature & Culture qui se tient à Lubumbashi jusqu’enavril 2009. Infos : [email protected] . Ce projet est financé par le fonds d’expertise de la CTB.
Troupeaux et cultures des tropiquesUn numéro entier consacré à la relance du secteur agricole en RDC, financépar la Région Wallonne (Belgique). Disponible au Secrétariat Général duMinistère de l'Agriculture, avenue Ma Campagne à Kinshasa ou via les rédac-tions de La Voix du Congo Profond.
Parcours administratifs dans un Etat en faillite, récits populaires de Lubumbashi (RDC)de Théodore Tréfon en collaboration avec Balthazar Ngoy. Collection Cahiers africains, n° 74, L’Harmattan/MRAC, Paris/Tervuren, 2007.Lire pages 18 et 23
L’observatoire du Changement Urbain de LubumbashiL’observatoire du Changement Urbain (OCU) est un centre de recherche de l’Université de Lubumbashicréé en mars 2000 et qui bénéficie de l’appui de la Coopération Universitaire au Développement. Lecentre mène des travaux de recherche portant sur différents domaines de la vie sociale. Ses recher-ches débordent parfois la ville de Lubumbashi, son cadre initial d'investigations. Publications dispo-nibles en ligne : http://www.unilu.ac.cd/Apropos/recherches/ocu.htm
Nzela Ya Lobi Le journal de la coopération belge à L’Est de KinshasaBilingue (français et lingala) & Bimestriel gratuit (16 p.)Ce journal de proximité est destiné aux habitants des communes de l’Est de Kinshasa.On y évoque la vie de la commune, les droits & les devoirs des élus et des citoyens ou encore les acti-vités du programme d’appui aux initiatives de développement communautaire (PAIDECO). Pourcontacter la rédaction : déposez une enveloppe fermée au bureau de quartier ou à la maison communale (dans la boîte prévue à cet effet) avec la mention A madame la rédactrice en chef deNzela Ya Lobi ou envoyez un mail à [email protected]
Papy Mon histoire, un film : de Djo Tunda WA MUNGAEn septembre 2007, Papy a été présenté en avant-première, au Siège de la CTB à Bruxelles et au Festival International du filmfrancophone de Namur. Il sera ensuite être diffusé sur les principales chaînes de télévisions congolaises, via des DVD, dans lesécoles et les salles de spectacle du pays. Papy est le premier épisode d’une série intitulée Mon histoire, pionnière en RépubliqueDémocratique du Congo et en Afrique Centrale. Il donne à la RDC un outil d’excellence pour lutter contre le sida. (lire p. 36-37)
L E M A G A Z I N E D E L A C O O P É R AT I O N B E L G E E N R E P U B L I Q U E D É M O C R AT I Q U E D U C O N G O
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Dit informatieblad wordt verspreid in de Democratische Republiek Congo en is daarom alleen in het Frans verkrijgbaar. | Ce numéro diffusé en République Démocratique du Congo existe seulement en version française.
est le nom étonnant de ce nouveau magazine sur le développement. « CO » comme COngo, COopération, COmplicité ou encore COnvivialité. Né sous le signe
du lien (&), pour souligner les relations particulières qui unissent la RDC et la Belgique, ce magazine s’adresse en particulier aux forces vives de la société congolaise ; les acteurs étatiques et non étatiques, les médias, les associations,les ONG, les étudiants, les simples citoyens ou encore tous ceux qui s’intéressent au développement de la RDC.
«&CO » est une réalisation du service Communication Externe de la Coopération Technique Belge (CTB). La diffusion est gratuite.
DIRECTRICE DE PUBLICATION : Marie–Christine Boeve | CONCEPTION ET COORDINATION ÉDITORIALE : Carol Sacré et Lola Mukendi
APPUI À LA CONCEPTION ET RELECTURE : Julie Leduc | SECRÉTARIAT DE RÉDACTION : Pascal Laviolette, Lola Mukendi et Carol Sacré
RÉDACTION : Frédéric Loore, Olivier Kahola Tabu, Amédée Mwarabu Kiboko, Najat-Joëlle Bastin, Alice Mutete Sapato, Tito Ndombi, Charline Burton, Lola Mukendi, Géraldine Makila,
Pepe Mweka, Alice Van Der Elstraeten
CONCEPTION GRAPHIQUE : Aplanos | IMPRESSION : Imprimerie Philippe Lozet PHOTO DE COUVERTURE : Didier Lebrun (Photonews) – Train urbain de Kinshasa
CRÉDITS PHOTOS : Sammy Baloji, Jan Van Gysel, Wim Van Cappelen/Reporters, Pauline Beugnies/Out Of Focus, Roger Job, Alain Huart, Raf Custers, Kokolo, Jean-Pierre Maludi
CORRECTIONS PHOTOS : Constant Dupuis (Reporters)
Merci à ceux qui ont participé à la réalisation de ce numéro : Alain Huart, Jan Van Gysel, Theodore Tréfon, Grégory Darcis, Charles Musombwa, Yves Galvès, Yves Hanoteau, Jean-Pierre Muongo,
Charles Ouattara,Fabian Prod’homme, Prof. Donatien Dibwe dia Mwembu, Balthazar N’Goy, Prof. Nkiko Mumya Rugero, Rio Malemba, Frédérik Van Herzeele, Olivier Chanoine, Dominiek Dolphen,
Théophile Ntela Lungumba, Victor Rutalira Cizungu, Dominique De mol, Roger Shongo, Dr. Thomas Fedjo Tefoyet, Genviève Thulliez, Yves Kalikat, Hendrik Hoste , Antoine Mesu et Joseph Luvumvu.
COOPÉRATION TECHNIQUE BELGE (CTB)
Avenue Colonel Ebeya, 15-17Gombe, KinshasaRépublique Démocratique du CongoT. + 243 81 89 46 611E. [email protected]ésentant Résident : Manolo Demeure
DIRECTION GÉNÉRALE DE
LA COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT
(DGCD)
Ambassade de BelgiqueBuilding du Cinquantenaire, Place du 27 OctobreB.P. 899 – KinshasaKinshasa – République Démocratique du Congo T. + 243 89 89 24 233 | +243 89 89 34 412E. [email protected] à la Coopération
au Développement : Paul Cartier
www.btcctb.org
CONTACTS
« Bravo ! J’ai découvert avec plaisir votre magazine. J’aiété frappé non seulement par la qualité des photos maisaussi par celle des articles, qui à ma grande surpriseétaient non seulement plein d’informations mais aussifaciles à lire. »
7 KABEYA | étudiant à l’Unikin
« Malheureusement la conservation de notre patrimoinen’est pas une priorité nationale. Je vous félicite pour ceteffort de sensibilisation et espère que l’information seradiffusée au plus grand nombre, surtout parmi la jeu-nesse. »
7 ANNIE | ménagère
« La RDC, qui abrite la plus grande forêt d’Afriquedevrait être aux premières loges de la lutte pour sa sau-vegarde. Je trouve dommage qu’encore une fois, uneconférence de cette importance sur la forêt congolaisene se soit pas tenue ici chez nous. Comment voulez vousque les choses changent si les décisions sont toujoursprises à l’étranger ? »
7 Un membre d’une ONG au Sud Kivu
« Votre article sur le sort des Pygmées m’a beaucoupintéressée. On parle beaucoup des conséquences néfas-tes de l’exploitation abusive des forêts sur la faune et laflore mais on parle rarement des personnes qui viventde la forêt et dont le mode de vie est menacé. Prenonsexemple sur eux pour sauvegarder notre patrimoinenational »
7 DANIELLE | enseignante à Kinshasa
« Y a-t-il des mesures concrètes pour aider directementtoutes les personnes qui exploitent artisanalement laforêt ? Si rien n’est fait de ce côté-là, alors toutes lesdécisions prises resteront que des belles paroles »
7 MONSIEUR MASUDI | menuisier à Kinshasa
COURRIEL DE LA RÉDACTION
EXTRAITS DES COMMENTAIRES SUR LE SECOND NUMÉRO THÉMATIQUEDE « &CO » QUI TRAITAIT DE LA FORÊT DE RDC
Courrier des lecteurs