Download - Le Délit

Transcript
Page 1: Le Délit

Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

delitfrancais.com

Le mardi 18 mars 2014 | Volume 103 Numéro 19 Traîte-moi comme une collabo enceinte depuis 1977

Entrevue p. 12-13

Guillaume Gallienne

Page 2: Le Délit

RÉDACTION3480

Montréal (Québec) H3A 1X9Téléphone : +1 514 398-6784

Télécopieur : +1 514 398-8318Rédactrice en chef [email protected] Camille Gris RoyActualité[email protected] Alexandra Nadeau Léo ArcayArts&[email protected]

Thomas SimonneauJoseph Boju

Société[email protected]

Côme de GrandmaisonCoordonnateur de la production [email protected]

Théo BourgeryCoordonnateurs [email protected]

Cécile AmiotRomain Hainaut

[email protected]

VacantCoordonnatrices de la [email protected]

Claire LaunayAnne Pouzargues

[email protected]

Mathieu MénardCoordonnatrice des réseaux [email protected] Margot FortinJournalistesLéa Bégis, Thomas Birzan, Émilie Blanchard, Thomas Cole Baron, Noor Daldoul, Julia Denis, Gwenn Duval, Luce Engérant, Céline Fabre, Katia Fabra, Vincent Larin, Keelan MacLeod, Anna Magidson, Sao-Mai Nguyen, Baptiste Rinner, Chloé Roset

CouvertureImage & Montage: Romain Hainaut

BUREAU PUBLICITAIRE3480

Montréal (Québec) H3A 1X9Téléphone : +1 514 398-6790

Télécopieur : +1 514 [email protected]

Publicité et direction générale Boris Shedov

Représentante en ventesLetty Matteo

Photocomposition Mathieu Ménard, Lauriane Giroux,Geneviève Robert

The McGill [email protected]

Anqi Zhang

Conseil d’administration de la Société des publica-tions du Daily (SPD)Queen Arsem-O’Malley, Amina Batyreva, Théo Bourgery, Jacqueline Brandon, Hera Chan, Benjamin Elgie, Camille Gris Roy, Boris Shedov, Samantha Shier, Juan Camilo Velzquez Buritica, Anqi Zhang

Le seul journal francophone de l’Université McGill

L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill.Le Délit Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la repro-duction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).

Volume 103 Numéro 19

2 Éditorial le délit · le mardi 18 mars 2014· delitfrancais.com

É[email protected]

Comme le veut la tradition, le mois de mars est ponctué de plusieurs élections au sein des facultés de l’université, ainsi que de celles des

membres de l’exécutif de l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM). Les six étudiants élus ont la charge de représenter un corps de 22 000 étudiants, de gérer un budget de plusieurs millions de dollars, et d’être la voix du campus au niveau provincial.

Le Délit, en tant que vecteur d’information et d’idées pour la population francophone de l’Univer-sité McGill, souhaite donc présenter son soutien à six candidats en particulier, qu’il considère les plus aptes pour des tâches d’une grande importance.

PrésidentLe conseil de rédaction du Délit, a décidé, après

une longue discussion, de soutenir Tariq Khan et Courtney Ayukawa pour le poste de président de l’AÉUM. Bien que seul l’un d’entre deux sera élu, nous considérons que leurs expériences sont, dans les deux cas, adéquates aux attentes du poste. Tandis que Courtney Ayukawa souhaite institutionnaliser le déve-loppement durable à tous les niveaux de l’université, Tariq Khan vise une plus grande frange du corps étu-diant en créant plusieurs petits emplois étudiants sur le long terme. Le choix pour l’un comme pour l’autre sera donc un choix réfléchi, rationnel, et qui pourrait améliorer l’état de l’AÉUM.

Affaires universitairesLe Délit soutient Claire Stewart-Kanigan à l’una-

nimité en tant que vice-présidente aux affaires univer-sitaires. D’abord représentante de la Faculté des Arts à l’AÉUM puis sénatrice, Stewart-Kanigan a prouvé son engagement en portant notamment le projet de la mineure en études autochtones, disponible à partir de la session d’automne 2014. Son excellente connais-sance du monde administratif de l’université, ainsi que sa connivence avec plusieurs membres clé de l’admi-nistration, font d’elle la candidate idéale.

Clubs et ServicesLe Délit décide de soutenir la candidature de

Sandhya Sabapathy pour la position de vice-présiden-te aux clubs et services. Stefan Fong, qui se présente à nouveau cette année pour le même portefeuille, n’a pas été à la hauteur des attentes. Peu de choses ont changé sous sa direction, tandis que le site web pour réser-ver des salles, vieux de plusieurs années, n’a toujours pas été modifié. Le Délit considère qu’un changement est nécessaire, et que Sabapathy pourra apporter une dose d’innovation au poste. Il est important de préci-ser cependant, en marge, que la traduction du texte de Sabapathy en français était peu professionnelle.

Affaires externesLe Délit, après une longue discussion, a décidé

de soutenir Amina Moustaqim-Barrette au poste de vice-présidente aux affaires externes. Grandement engagée dans Divest McGill, elle a aussi été coor-

donnatrice de campagne, sous la direction du Vice-président aux affaires externes. Québécoise de nais-sance, elle maîtrise le français, outil vital pour le poste qu’elle brigue, afin de faciliter la discussion entre les différentes universités et de représenter les intérêts de McGill au niveau provincial.

Enbal Singer, malgré sa grande connaissance de l’administration, ne semble pas être en mesure de sor-tir de la «bulle» de McGill – si elle souhaite travailler avec la ville de Montréal, elle semble ignorer qu’un tel niveau de politique est très peu concerné par l’éduca-tion post-secondaire. Enfin, elle n’a qu’une maîtrise li-mitée du français, qui ne peut jouer qu’en sa défaveur.

Affaires internesLe Délit soutient avec une certaine réticence la

candidature de Daniel Chaim à la Vice-présidence aux affaires internes de l’AÉUM. Si son réseau inter-facul-taire est très développé, ses idées sont peu claires, et présentées de mauvaise façon. En effet, il n’a même pas pris le temps de créer un site web. De plus, son texte de présentation est traduit de façon inacceptable.

Cependant, son engagement dans l’organisation de Frosh (en tant que coordonnateur deux années de suite), grand projet dans son portefeuille, fait de lui le candidat adéquat pour la position qu’il brigue.

Finances et opérationsEnfin, Le Délit soutient Kathleen Bradley en tant

que vice-présidente aux finances et opérations. Le maintien de plusieurs budgets, dont celui du café étudiant Le Nid, ainsi que son champ d’études (éco-nomie et gestion), fait d’elle la bonne personne pour une position jugée très complexe. Cependant, nous souhaitons préciser (une fois n’est pas coutume) que Bradley n’a pas daigné traduire en français son texte de présentation, ce que nous jugeons inacceptable.

compilé par Théo Bourgery

***************

Le Délit était présent en fin de semaine pour la création d’une nouvelle association de journaux étu-diants francophones, la Presse étudiante francophone (PrEF). Réunis pour la conférence printanière de la Presse Universitaire Canadienne (PUC), à l’Université Laval, treize journaux universitaires et collégiaux du Québec et d’Ottawa ont eu l’occasion d’échanger sur les enjeux de la presse étudiante et sur le métier de journaliste plus généralement. Un des enjeux en par-ticulier était de proposer une alternative à la PUC, que Le Délit et de nombreux autres journaux ont quittée, en grande partie parce que les francophones y étaient très mal représentés.

Cette rencontre à Québec a permis d’échanger sur ces différentes problématiques, et a porté de l’avant un projet, celui d’une nouvelle organisation pour les jour-naux francophones. Le Délit salue l’initiative de la PrEF, dont il est fier d’être un membre fondateur, et attend avec intérêt les prochains développements.

D’autres nouvelles suivront.

Élections AÉUM: les choix du Délit

Le Conseil de rédactionLe Délit

Page 3: Le Délit

Université d’Ottawa | University of Ottawa

Votre avenir?Les sciences en sont la clé.Vous pensez poursuivre des études supérieures?Vous avez déjà fait une demande?Venez explorer votre programme d’étudeset rencontrer un directeur de thèse potentiel.Subventions de voyage disponibles.

www.decouvrezuOttawa.ca sous « Venez nous rencontrer »

Avec la SyrieLes initiatives étudiantes en faveur des victimes du conflit syrien prolifèrent.

CAMPUS

Une vigile avait lieu le jeudi 13 mars sur le campus de McGill afin de commémorer le troisième anni-

versaire du début du conflit syrien, dans le cadre d’une mobilisation internationale en appui aux réfugiés syriens.

Une trentaine de personnes se sont rassemblées à l’intersection Y, pancartes dressées, pour sensibiliser la communauté universitaire à la problématique syrienne. Des représentants de la branche mon-tréalaise de l’organisme Un Cœur pour la Syrie étaient aussi sur les lieux afin de récolter des dons, par la vente de pâtisse-ries, entre autres. Après plus d’une heure passée au point de rassemblement initial, la troupe s’est déplacée vers le portail Roddick en vue d’interpeler les passants dans la rue. Le tout s’est déroulé dans une ambiance sereine, la température froide inculquant un certain calme aux partici-pants. Le concept de départ, une «veillée à la chandelle», a notamment dû être aban-donné en raison de fortes bourrasques.

Organisé conjointement par Amnistie Internationale McGill, Journalistes pour les droits humains, Oxfam Québec et l’As-sociation des étudiants syriens de McGill (Syrian Students Association, SSA), l’évé-nement s’inscrivait dans un mouvement mondial de soutien à la population sy-rienne. Tout au long de la fin de semaine, plusieurs veillées aux chandelles avaient lieu dans différents pays.

Malgré le fait qu’il considère la popu-lation syrienne divisée sur les enjeux du conflit, Houwsam Kotrach, vice-président de la SSA, croit que «la crise humanitaire en Syrie fait consensus, c’est indéniable; c’est ce qui unit la communauté en ce moment». Le jeune homme d’origine sy-rienne est aussi persuadé du bien-fondé des activités de ce genre et surtout de son impact grâce au bouche à oreille. «Tout commence quelque part; nous infor-mons les personnes de la communauté de McGill qui pourront ensuite le dire à leurs amis et ainsi de suite», explique-t-il. Face à l’arrivée de plus en plus fré-quente d’étudiants syriens sur le campus

en raison du conflit qui les force à quit-ter le pays, Houssam Kotrach (journaliste pour les droits humains à McGill, Oxfam-Québec à McGill), pense que le rôle de la SSA est plus important que jamais. «Nous essayons de donner de l’espoir et d’attirer l’attention sur un enjeu auquel la com-munauté internationale a tourné le dos». Une association étudiante qui joue donc un rôle grandissant dans la sensibilisation au conflit syrien sur le campus, comme en témoigne Ghalia Elkerdi, présidente de la SSA. «La SSA était inactive depuis 2006, et une des raisons qui nous a poussé à la ressusciter était de sensibiliser la com-munauté universitaire aux horreurs du conflit syrien».

Faire quelque chose pour aiderKinan Swaid, qui participait au ras-

semblement dans le but de fournir son aide, déplore le contexte actuel que vit son pays. «Je sens que je dois [...] mon-trer aux gens comment ça se passe», dit-il. Il ajoute: «je fais de mon mieux, mais ça reste le minimum comparé à ce que

vivent les réfugiés en Syrie». Pour Faisal Alazem, directeur du conseil syro-cana-dien de Montréal, l’apport monétaire de la communauté internationale est plus qu’important. Il donne en exemple une école entièrement subventionnée par des dons d’organismes montréalais comme Un Cœur pour la Syrie. «C’est incroyable de constater l’impact que ça peut avoir, surtout pour les enfants», s’exclame-t-il. Monsieur Alazem reconnaît aussi l’effet positif que peuvent avoir des initiatives du genre sur le moral de la communauté syrienne au Canada. «Psychologiquement, les Syriens ne vont pas bien du tout, ils vivent avec une grande anxiété au quoti-dien», explique-t-il. «Ce genre d’activités, c’est leur moyen de se sentir mieux, de faire quelque chose pour aider».

Le chapitre montréalais de cette campagne mondiale culminait le same-di 15 mars, la date d’anniversaire offi-cielle du début du conflit syrien, avec la tenue d’une manifestation sous le slogan «Liberté, Dignité, Démocratie pour tous les Syriens».

Vincent Larin

Thomas Cole Baron / Le Délit

Actualité[email protected]

Page 4: Le Délit

4 Actualités le délit · le mardi 18 mars 2014 · delitfrancais.com

POLITIQUE PROVINCIALE

Ces deux entretiens sont les premiers d’une série d’entrevues que Le Délit va réaliser avec différents candidats aux élections provinciales du prin-temps 2014.

Manon Massé est candidate pour Québec Solidaire (QS) dans la circonscription de Sainte-Marie-Saint-Jacques (la circons-cription dans laquelle se situe l’Université McGill, ndlr). C’est sa cinquième élection. Le Délit l’a rencontrée pour parler de politiques jeunesse, «candidats-vedettes», et de thèmes de campagne en général.

Éducation et politiques jeunessePour Manon Massé, le débat sur l’édu-

cation doit être relancé. «On n’a pas vraiment entendu le mot éducation depuis le début de la campagne; moi je vais continuer d’en parler, QS essaie de faire en sorte que le sujet revienne sur la table car depuis le sommet sur l’enseignement supérieur, les dirigeants du Québec ont comme pris pour acquis que la question était réglée – on parle donc maintenant d’indexation simplement, et il y a aussi tous les chantiers lancés au sommet, par exemple sur la gouvernance, dont on ne parle plus».

À propos du Livre blanc de la jeunesse, pré-senté par le Parti Québécois (PQ) quelques semaines avant le déclenchement des élec-tions, Manon Massé dit: «il y a quelques élé-ments que j’ai trouvé intéressants; par exem-ple qu’on reconnaisse que l’hypersexuali-sation est un défi de la jeunesse actuelle: le Parti Québécois a voulu annoncer son inté-rêt d’agir à ce niveau-là. Pour ce qui est des moyens on verra par la suite, ce n’est qu’un énoncé de principes mais comme féministe je trouvais ça intéressant de voir à l’intérieur d’une politique de la jeunesse la reconnais-sance de la pression que les jeunes vivent au quotidien et les stéréotypes».

En général, QS salue l’initiative du Livre blanc, mais attend les résultats concrets. «Il y a une volonté d’orienter notre réflexion, de définir comment on prend soin de notre jeu-nesse; mais des fois il peut s’écouler un an ou bien une éternité, le PQ jusqu’à présent ne nous a pas beaucoup habitués à voir la suite des choses arriver».

Une des priorités de QS est la question du décrochage scolaire. «Il faut réinvestir dans le système d’éducation; je rappelle que nous, on prône une éducation gratuite de la maternelle à l’université, il s’agit simplement d’aller chercher l’argent». «Pour lutter contre le décrochage, il faut plus de professeurs, plus de ressources non enseignantes, plus d’inves-tissement dans le parascolaire».

Vote des jeunes

QS salue l’initiative d’installer des bu-reaux de votes directement sur les campus des universités et dans les cégeps. «Il va falloir quand même faire de la sensibilisation, mais c’est le travail du directeur général des élec-tions du Québec (DGEQ)».

Le parti reconnaît toutefois que les jeu-nes puissent être désillusionnés face au sys-tème politique. «Le mode de scrutin qu’on a au Québec n’est pas démocratique, beaucoup ont l’impression que leur vote ne compte pas

toujours. Ce n’est pas acceptable que le sys-tème ne soit pas réformé. Ça fait partie de la motivation: quand tu sais que ton vote comp-te vraiment et va avoir un poids réel».

Candidats vedettes Depuis le début de la campagne, on

voit apparaître de «gros noms» sur les listes de candidats, des artistes ou personnalités du monde des affaires par exemple, des can-didats qu’on appelle «candidats vedettes». «Qui définit-on comme vedette?» demande Manon Massé. «Ce n’est pas compliqué, ce ne sont pas ceux qui sont ancrés dans leur communauté et qui font du travail de terrain tous les jours dans leur circonscription, mais ceux qu’on voit à la télévision».

«C’est du gros spectacle et c’est dom-mage. Ces annonces-là ont quelque-chose de dénigrant car ils relèguent au second plan les gens qui, depuis des années, font un tra-vail extraordinaire; du côté de QS, on s’est beaucoup diversifié mais on n’entend jamais de la part des médias qu’on a des candidats vedettes, même si on a des gens qui ont fait avancer des causes… mais qui ne passent pas à la télévision».

Thèmes de campagne et souverainetéLa campagne s’est recentrée récemment

sur la question nationale et la souveraineté, notamment depuis l’annonce de la candida-ture de Pierre-Karl Péladeau (PKP) pour le PQ. À ce sujet Manon Massé dit «en un an et demi au gouvernement, on n’a pas entendu le mot indépendance une seule fois; là, avec les élections, la Première ministre a sorti un Livre blanc qui dans les faits en dit peu, mais annonce simplement des consultations». «Pour dissimuler le reste, on parle de Charte des valeurs ou on parle d’indépendance».

Campagne de QSManon Massé voit une différence avec

les campagnes précédentes, notamment depuis l’arrivée de deux députés solidaires à l’Assemblée nationale (AN). «À l’AN, on a doublé notre temps de parole et effective-ment ça change la donne, pour les journalis-tes on devient de plus en plus crédibles. Dans les médias on est un des quatre principaux partis – c’est un langage qui a commencé a changer tout récemment, mais ça envoie un signal clair: QS a sa place». Cette année, QS a davantage de fonds de campagne et a donc investi dans un autobus par exemple: «on a pris l’autobus parce qu’on a compris qu’on était accusés systématiquement d’être un parti montréalais mais c’est faux, dans nos congrès il y a du monde de toutes les régions du Québec».

L’entrevue vidéo intégrale se trouve sur notre site web.

Camille Gris Roy &Alexandra NadeauLe Délit

Le député péquiste et adjoint parlementaire à la jeunesse sortant, Léo Bureau-Blouin, se présente à nouveau dans sa circonscrip-tion de Laval-des-Rapides. Il revient sur ses dix-huit mois à l’Assemblée nationale et sur sa campagne actuelle.

Bilan sur l’éducationLéo Bureau-Blouin se dit satisfait des

projets qu’il a pu mener à l’Assemblée natio-nale. Le Sommet sur l’enseignement supé-rieur, le vote dans les universités, et sa poli-tique jeunesse sont les trois éléments dont il se dit fier.

Sur les frais de scolarité, il affirme que le PQ a fait de réelles avancées. «Je suis très content de ce bilan: l’abolition de la loi 78 et de l’augmentation des droits de scolarité ont été les deux premières décisions du Conseil des ministres, tout de suite après l’élection de 2012. Puis, avec le Sommet sur l’ensei-gnement supérieur, les droits ont été ajustés aux revenus des familles et ça n’a pas plu à tous, mais si on compare ce que les étu-diants auraient payé, à terme, sous les libé-raux et ce qu’ils vont payer maintenant, ce sont 1400 dollars de différence. On n’a pas la gratuité bien sûr, mais il y a une différence dans le budget des étudiants, beaucoup de bourses et de prêts ont été bonifiés, et, pour la première fois, le gouvernement va donner plus de bourses que de prêts».

«J’ai aussi déposé un Livre blanc quel-ques semaines avant l’élection, qui compte plusieurs projets, dont cinq projets pilotes pour des garderies en milieu universitaire qui permettraient aux étudiants de concilier famille et études. Bien sûr, pour que ces pro-jets continuent il faut qu’il y ait réélection du PQ, mais je travaille fort dans Laval-des-Rapides et partout au Québec; je crois en ces projets et en ces avancées».

Vote des étudiants «Je suis convaincu que [le projet de vote

dans les universités] va faciliter les choses. Prenons l’exemple concret d’un étudiant qui vient de Rimouski et qui étudie à McGill. Il était possible pour cet étudiant de voter dans sa circonscription d’origine, mais ça impli-quait qu’il se déplace, et, pour voter dans la ville où il étudie, il fallait aussi faire des démarches. Souvent, les étudiants dans cette situation ne votent pas parce qu’ils veulent voter pour la circonscription dont ils vien-nent. Maintenant, cet étudiant va pouvoir voter dans son université pour sa circons-cription d’origine, et donc je suis convaincu qu’en rapprochant le lieu de votation pour les jeunes (les étudiants), qu’en facilitant le processus démocratique, il va y avoir un im-pact positif. En général aussi, ça va permettre aux associations étudiantes sur les campus de faire une campagne d’information plus ciblée, plus facile».

Pour ce qui est de la participation plus générale des jeunes dans les campagnes électorales, Léo Bureau-Blouin reconnaît qu’il y a là un défi. «C’est un défi de tous les instants d’intéresser notre génération aux enjeux de la politique; comme pour le reste de la population, il y a parfois un certain cynisme, une certaine perte de confiance.

Il faut donc miser sur l’espoir et mettre de l’avant des enjeux qui préoccupent les jeu-nes: comme la conciliation famille-travail, les universités, les prêts et bourses, les droits de scolarité, ce sont des thèmes qui parlent aux gens, qui les préoccupent. Dans tous les cas, plus on va être à voter, plus les partis politiques vont s’intéresser aux enjeux jeu-nesse et plus notre génération va tirer son épingle du jeu».

Candidats vedettesC’est une tendance «qui ne date pas

d’hier», mais un phénomène qui s’est ampli-fié aujourd’hui avec les chaines d’informa-tions continues et les réseaux sociaux, selon le candidat Bureau-Blouin.

«Il y a un lien de confiance à rétablir entre la politique et les citoyens. On peut penser aux artistes: beaucoup se sont lancés en politique et sont appréciés, ça aide à rebâ-tir ce lien. Quand l’électeur a face à lieu des gens qu’il apprécie, il perçoit la vie politique d’une façon différente».

Léo Bureau-Blouin accueille la can-didature de l’ancienne présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) Martine Desjardins com-me une bonne nouvelle. «C’est bien qu’il y ait davantage de jeunes, moi c’est pour ça que je travaille depuis un an et demi. Personnellement, j’ai fait le saut [en politi-que] parce que je ne voulais pas que le conflit étudiant de 2012 soit seulement un épisode dans l’histoire du Québec, mais plutôt un déclencheur d’une grande mobilisation des jeunes à l’égard de la politique à l’égard de la société. C’est comme ça que je considère mon chemin».

Thèmes de campagne«L’arrivée de PKP, notamment, a mis la

question nationale au cœur de la campagne cette semaine, mais c’est une bonne chose car c’est une question importante pour l’avenir du Québec; c’est un des objectifs du Parti Québécois, et, si on veut convaincre les gens, il faut en parler».

«Dans tous les cas, je pense que, dans les prochaines semaines, d’autres thèmes vont suivre: la santé, l’emploi, l’éducation. Dans une campagne, il faut aborder tous les enjeux».

Une deuxième campagne C’est une deuxième campagne pour le

jeune candidat Bureau-Blouin. «Cette cam-pagne est totalement différente, la première fois je n’avais pas d’expérience du tout en politique. Maintenant, je sais comment les choses fonctionnent et, ce qui est différent, c’est qu’au départ les gens se demandaient si, à vingt ans, je pouvais faire le travail. Mais j’ai été là pendant un an et demi et la percep-tion des gens a changé».

«QS, c’est le parti du XXIe siècle.»

Camille Gris Roy / Le Délit

«Dans tous les cas, plus on va être à voter, plus les partis politiques vont s’intéresser au enjeux jeunesse et plus notre génération va tirer son épingle du jeu.»

Romain Hainaut / Le Délit

Entrevues élections provinciales

Page 5: Le Délit

ASSEMBLÉE GÉNÉRALEL’assemblée générale annuelle de la Société des

publications du Daily (SPD), éditeur du McGill Daily et du Délit, se tiendra

mercredi le 26 marsau Leacock 26 à 17h30Les membres de la SPD sont cordialement invités.

La présence des candidats au conseil d’administration est obligatoire.

APPEL DE CANDIDATURES

La Société des publications du Daily, éditeur du Délit et du McGill Daily, est à la recherche de

candidat(e)s pour combler

plusieurs postes étudiants sur son Conseil

d’administration.Les candidat(e)s doivent être étudiant(e)s à McGill, inscrit(e)s à la prochaine session d’automne et disponibles pour siéger au Conseil d’administration jusqu’au 30 avril 2015. Les membres du Conseil se réunissent au moins une fois par mois pour discuter de la gestion des journaux et pour prendre des décisions administratives

importantes.

Les candidat(e)s doivent envoyer leur curriculum vitae ainsi qu’une lettre d’intention d’au plus 500 mots à

[email protected], au plus tard le mardi 25 mars à 17 h.

La période de nomination commence le mardi 11 mars.

Pour plus d’informations, contactez-nous:

[email protected]

!"#$%&!'()*+**,*-*.*/*0*1*2*.*3*2*

présente444

Enregistrez-vous ici 5554+67218+.963:;<<43-6

!"#$%&'()#(('$%***le 21-22 mars, 2014

Responsabilité sociale

L’heure de véritéDes commissions pour un devoir de mémoire.

INTERNATIONAL

Comment améliorer le fonc-tionnement du Commitee to Advise on Matters of Social

Responsability (Comité consultatif chargé des questions de respon-sabilité sociale, CAMSR)? C’est la question que posaient, mercredi 12 mars dernier, les membres du comité à la petite vingtaine d’étu-diants et membres du personnel de l’Université venus pour l’occasion. Cette séance informative n’était pas l’occasion de créer un débat;

c’était un événement unilatéral, pendant lequel le CAMSR a récolté des informations pour rendre plus efficaces ses actions. Une meilleure définition de «responsabilité so-ciale», le processus décisionnel du comité et ses liens avec les autres pouvoirs de décisions de McGill, notamment le comité responsa-ble des finances et le Conseil des Gouverneurs, étaient au centre de la discussion.

Plusieurs membres de Divest McGill sont venus proposer des changements et apporter leur point de vue sur la question de la

responsabilité sociale. Brownen Tucker, membre de l’association, a ainsi déclaré qu’il fallait «agir et non pas réagir», ce qui justifierait l’inclusion de la notion de dévelop-pement durable à l’intérieur de la définition de responsabilité sociale.

La principale de McGill Suzanne Fortier, présente à l’évé-nement, a déclaré au Délit être «heureuse de constater l’impli-cation des étudiants». Elle a pré-cisé que de bonnes idées avaient été soulevées, et que le CAMSR continuerait de travailler pour améliorer le rôle du comité.

L’Institut d’étude du déve-loppement international de l’Université McGill (IEDI)

a organisé, les 13 et 14 mars der-niers, un ensemble de conférences visant à discuter l’importance des commissions de vérité et de récon-ciliation (CVR) dans le processus d’acceptation des «atrocités du passé». Pendant ces deux jours, de nombreux intervenants internatio-naux étaient présents pour parta-ger leur histoire. Pas moins d’une dizaine de nationalités étaient re-présentées dans le but de compa-rer l’approche de chacun des pays dans la création des CVR.

Comment tourner la page après une dictature, un génocide ou un massacre? C’est en Argentine que la première commission est née en 1983. Cette année marque la fin d’une dictature sanglante pour le pays. La junte militaire au pou-voir depuis 1976 avait progressive-ment installé un climat de terreur. En effet, la violation constante des droits humains régnait en maître, et le nombre de «disparus» augmen-tait au fil de la durée de la répres-sion. La création de la commission CONADEP permet d’assouvir un désir de justice pour les nombreu-ses familles des victimes. Le slo-gan «Nunca Mas» [plus jamais, ndlr] témoigne de la volonté de tourner la page afin de créer de nouvelles bases saines pour la démocratie instaurée suite au régime autori-taire. La commission avait comme

but d’ouvrir une enquête sur les actions de l’État pendant la dicta-ture afin de rendre tout cela public. Depuis le début des années 1980, les CVR se sont multipliées dans de nombreux pays du monde. On esti-me que plus d’une trentaine ont été créées ces trente dernières années.

Les compte-rendus de ces commissions jouent un rôle clef dans le processus d’acceptation du passé. En entretien avec Le Délit, Maximiliano Gomez, étudiant argentin en sciences politiques à l’Université catholique de La Plata (UCALP), dans la province de Buenos Aires, explique que «le rapport CONADEP occupe une place très importante dans nos vies, nous l’étudions dès le lycée et c’est d’ailleurs le premier livre que m’a offert mon père». Selon lui, le pays serait aujourd’hui très différent si ce rapport n’avait pas existé, car il a permis d’officialiser la disparition de milliers de jeu-nes. Le fait d’être au courant de ce qui s’est passé a aidé à recons-truire le pays sans reproduire les erreurs du passé. «Aujourd’hui une nouvelle dictature semble inenvisageable. L’Argentine est un pays jeune, qui a fait des erreurs, mais notre politique actuelle cherche à donner une voix à tous les citoyens, pour que personne ne soit laissé de côté comme dans le passé», affirme Maximiliano.

Malheureusement, ces com-missions ne sont pas pour autant une solution miracle. Lors de l’une des conférences sur la société civile, Leah Armstrong, présidente de

l’organisation non gouvernemen-tale «Reconciliation Australia» a expli-qué que, dans le cas de l’Australie, l’existence d’une commission de ce type n’est pas suffisante. Une vraie réconciliation entre le peuple autochtone et l’État est loin d’être acquise. Elle n’est pas envisageable tant que les minorités ethniques n’ont pas accès à une égalité des chances totale dans un contexte où la culture et la spécificité de chaque peuple est reconnue et comprise par tous. La réconciliation est donc impossible tant qu’une relation de domination basée sur des dynami-ques colonialistes persiste.

État canadien et autochtonesLa Commission de vérité et

réconciliation du Canada, créée en octobre 2008, enquête sur la viola-tion des droits de l’homme dans les pensionnats autochtones (dont le dernier a été fermé en 1996). Le but est de lever le voile sur les atrocités commises pendant plusieurs siècles loin du regard de tous. Encore une fois, comme c’est le cas en Australie, la création de la commission ne per-met en aucun cas de tourner la page complètement. En entretien avec Le Délit, Sydney, étudiante de McGill en développement international, explique qu’«ici, au Québec, nous avons beaucoup d’histoire avec les Premières nations. La commission existe, certes, mais on n’en entend jamais parler dans les nouvelles ou en cours. Ce serait vraiment impor-tant qu’on en parle beaucoup plus, surtout dans un contexte universi-taire comme celui-ci».

Ce qu’ont montré ces deux jours de conférences, c’est qu’il est très difficile de tourner la page sur un passé difficile. Les commissions de vérité et de réconciliation, bien qu’imparfaites, ont permis à de nombreux pays de se reconstruire dans une démarche de justice et d’acceptation de la responsabilité de l’État. Cependant, dans des pays comme le Canada ou l’Australie où la colonisation a établi des rapports de domination encore très présents aujourd’hui, ces commissions ne sont qu’un maillon de la chaîne, et ne sont en aucun cas suffisantes pour changer à elles seules la réalité du présent.

Anne PouzarguesLe Délit

Chloé RosetLe Délit

Luce Engérant / Le Délit

Page 6: Le Délit

le délit · le mardi 18 mars 2014 · delitfrancais.com6

ÉLECTIONS AÉUM 2014Vous vous demandez qui sont ces gens venant se présenter à chacun de vos cours? Que sont ces noms qui ornent les tableaux de chaque amphithéâtre? L’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM) cherche ses nouveaux dirigeants pour l’année prochaine. À cette occasion, deux débats de presse, un pour les présidents, un pour les autres candidats de l’exécutif, ont eu lieu la semaine dernière, en vue des élections qui auront lieu le 21 mars. Le Délit était présent et vous propose un compte-rendu synthétique, pour mieux comprendre les enjeux de cet événement d’importance dans la politique étudiante. Léo ArcayLe Délit

Un débat de presse a vu la confrontation, le mardi 11 mars dernier, des candidats au poste de président de l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM), dans la salle de bal de la Nouvelle Résidence. Tariq Khan, Courtney Ayukawa et Austin Johnson ont ainsi pu présenter leurs objectifs et leurs arguments, tout en gardant un œil vigilant sur ceux de leurs concurrents, n’hésitant pas à les critiquer dès qu’une faille était perceptible. Le quatrième postulant, Aaron Friedland, était à ce moment hospitalisé et n’a donc

pas pu participer. Étaient présents nombre de médias mcgillois, mais aussi des membres de groupes étudiants tels que Divest McGill et quelques étudiants. Ben Fung était le modérateur pour ce débat.

Courtney Ayukawa: communication, communauté et durabilitéSon expérience: Étudiante en développement durable, sciences et société à la Faculté d’Arts et Sciences, coordonnatrice du projet écologique ECOLE, représentante des étudiants d’Arts et Sciences auprès de l’AÉUM, Responsable d’étage à la résidence Royal Victoria College

Ses propositions: Créer des discussions ouvertes sur les enjeux du campus.Augmenter la transparence de l’AÉUM, notamment en informant les étudiants des ren-dez-vous de l’association.Faire des recherches sur d’autres associations étudiantes pour améliorer l’AÉUM.Faire du Nid, le café géré par les étudiants, un endroit cher à la communauté mcgilloise.Approfondir la politique environnementale de l’AÉUM.Créer un comité de développement durable au sein de l’association.

Aaron Friedland: communauté, égalité et bien-êtreSon expérience:Étudiant en économie, responsable d’étage à la résidence Gardner, coordination d’événe-ments organisés par l’AÉUM, dont Frosh.

Ses propositions:Rénover et redonner un sens aux espaces des étudiants.Encourager la création d’événements communautaires.Créer un lien entre l’AÉUM et les étudiants via une application mobile.Réduire la fréquence des examens.Accorder une plus grande importance à l’écologie dans la politique de l’AÉUM, notam-ment par la création d’un comité de développement durable, d’un forum hebdomadaire et en encourageant les initiatives étudiantes.Favoriser les initiatives étudiantes en matière de santé et de bien-être, et notamment les

Tariq Khan: emploi étudiant, durabilité et sensibilisationSon expérience:Étudiant en génie chimique, administrateur des clubs à l’AÉUM, représentant des étu-diants de première année (U1) à l’Association Étudiante de la Faculté d’Ingénierie, repré-sentant des étudiants d’Ingénierie auprès de l’AÉUM, diverses positions de gestion lors de stages en entreprises.

Ses propositions:Améliorer le programme de travail-études et créer de nouveaux emplois étudiants.Offrir de nouvelles opportunités de stages en entreprises.Encourager l’esprit entrepreneurial et la création de sociétés étudiantesRepenser la structure financière de l’AÉUM.Œuvrer à la sécurité physique et morale des étudiants.Soutenir les initiatives environnementales telles que le compostage.Renforcer les liens entre l’AÉUM et les étudiants, notamment les francophones.Augmenter la disponibilité de l’AÉUM.

Austin Johnson: implication, réputation et ressources humainesSon expérience: Étudiant en ressources humaines, environnement et gestion. A occupé divers postes à l’AÉUM, dont agent interne puis coordonnateur des ressources humaines, membre du personnel de Frosh, du Conseil de la Nouvelle Résidence et guide au Centre d’accueil de l’Université McGill.

Ses propositions:Augmenter la disponibilité de l’AÉUM, notamment en accueillant les étudiants de façon hebdomadaire grâce à des heures de bureau, et en utilisant les médias sociaux.Impliquer davantage les conseillers de l’AÉUM dans les Assemblées générales.Améliorer la communication entre l’association et les étudiants.Faire pression sur l’administration de l’Université pour maintenir, augmenter et diversifier les services offerts aux étudiants.Soutenir les initiatives étudiantes, tout particulièrement en matière d’égalité et de dévelop-pement durable.Améliorer la gestion des ressources humaines, notamment en créant des plans à long terme.Augmenter la transparence de l’AÉUM.

Photographies: Cécile Amiot / Le Délit

Page 7: Le Délit

7Actualités

ÉLECTIONS AÉUM 2014

Alors que les candidats à la présidence s’affrontaient mardi, c’était le tour mercredi des candidats aux autres postes exécutifs de l’Association Étudiante de l’Université McGill de s’affronter lors d’un débat.

Théo Bourgery & Alexandra NadeauLe Délit

Vice-présidence aux affaires universitairesClaire Stewart-Kanigan se présente seule au poste, après une grande expérience dans le milieu de l’Association étudiante de la Faculté

des Arts (AÉFA), d’abord en tant que représentante de la Faculté des Arts, puis en tant que sénatrice. Sur son événement Facebook, elle explique qu’elle vise à maintenir la nouvelle politique sur la santé mentale, introduite par Joey Shea, vice-présidente aux affaires univer-sitaires 2013-2014. Qui plus est, Stewart-Kanigan souhaite pousser les étudiants à connaître leurs droits dans leur vie sur le campus.

Grâce à son initiative, McGill est maintenant doté d’une mineur en études autochtones – Stewart-Kanigan n’hésite donc pas à présenter cela en soulignant sa motivation et en indiquant que sa relation avec l’administration est excellente (sauf, d’après elle, avec le Provost Masi).

Vice-présidence aux affaires internesDaniel Chaim se présente sans adversaire au poste qu’un de ses amis, Brian Farnan, occupe actuellement. Chaim ne semble pas avoir

créé de site web comme les autres candidats. Selon lui, la position de VP aux affaires internes ne peut être que renforcée si un contact est maintenu avec toutes facultés confondues. Il se base sur son expérience en tant que coordonnateur de Frosh, où toutes les facultés travaillent en symbiose, pour indiquer qu’une telle communication est bénéfique. Il félicite le travail de Farnan quant aux e-mails envoyés au corps étudiant, indiquant qu’il comptait continuer sur un contenu plus interactif et «plus facile à lire». Il vise plus particulièrement à créer un système de désabonnement, afin que «les étudiants de première année ne reçoivent pas de messages à propos de la graduation», par exemple.

Enfin, Chaim estime que Frosh 2013 a été un succès – il souhaiterait cependant changer le format du dimanche (soit le dernier jour), préférant un fête dans une boite de nuit plutôt qu’un concert.

Vice-présidence aux clubs et servicesÀ l’encontre des habitudes de l’AÉUM, Stefan Fong, vice-président aux clubs et services cette année, a décidé de se représenter pour

un an de plus, et vise donc le même poste avec, comme adversaire, Sandhya Sabapathy. Tous deux s’accordent à dire qu’une plus grande transparence est nécessaire, tandis que la communication avec tous les clubs et services mise en place par l’AÉUM doit être améliorée. Selon Sabapathy, une plus grande représentation des groupes est vitale dans les comités, expliquant qu’aujourd’hui, «certains clubs sont sous-représentés [;] leurs problèmes restent donc incompris». L’inquiétude première de Fong est la place accordée aux services étudiants; d’après le gestionnaire du bâtiment de l’AÉUM, «octroyer un bureau pour un nouveau club, c’est enlever un bureau pour un club déjà existant». Il s’agirait donc de pousser les nouveaux venus à trouver des bureaux en dehors de Shatner, afin que la création de clubs ne soit pas gelée.

Quant au problème de réservation de salles, qui occupe une grande partie des responsabilités du vice-président aux clubs et services, Fong estime qu’il a réussi son pari: 12 000 demandes ont été officialisées entre septembre et décembre 2013, toutes accordées. Selon lui, il s’agit maintenant d’améliorer le site en place, créé il y a plusieurs années et «sources de bogues constants».

La bataille entre Fong est Sabapathy n’est pas, à premier œil, gagnée d’avance. Tandis que l’un a déjà occupé le poste, un peu de sang nouveau ne ferait pas de mal pour laisser place à une autre fort respectée dans le milieu, et capable d’amener une vision alternative.

Vice-présidence aux finances et aux opérationsPour ce poste, une seule candidate se présente: Kathleen Bradley, étudiante en quatrième année en économie et gestion. Elle a

notamment travaillé sur le nouveau café étudiant Le Nid et est coordinatrice des finances pour le Farmers’ market de McGill. Elle vise à continuer à pousser pour le désinvestissement des énergies fossiles et elle veut établir un plancher financier pour éviter que les clubs de McGill souffrent des coupes budgétaires. Elle a travaillé sur de nombreux budgets pour diverses associations, et elle croit que cela la prépare bien pour sa tâche à venir au sein de l’AÉUM. Sa plateforme n’est pas traduite en français sur le site Internet de l’AÉUM.

Vice-présidence aux affaires externesDeux candidates s’affrontent cette année pour le poste de vice-présidence (VP) aux affaires externes de l’AÉUM: Amina Moustaqim-

Barrette et Enbal Singer. En dernière année en sciences cognitives, Amina est active dans la politique étudiante grâce à sa collaboration de travail avec le VP aux affaires externes en poste comme coordinatrice de campagne politique et par son rôle au sein de Divest McGill. Elle tient à rallier McGill avec la communauté montréalaise par l’entremise de divers projets: pistes cyclables sur le campus, législation éthique à propos des stages non rémunérés, collaboration avec les universités montréalaises pour faire pression sur le gouvernement provincial afin de prioriser l’éducation, et, finalement, continuer de militer contre la Charte des valeurs et pour que McGill investissent dans des initiatives plus durables.

De son côté, Enbal est finissante en sciences politiques. Elle a pour sa part occupé les postes de coordonnatrice des affaires communau-taires de l’AÉUM et de VP aux affaires internes pour l’AÉFA. Elle tient à veiller sur la vie hors campus des étudiants et leur place au sein du Québec. Elle veut être plus proche du gouvernement municipal et réinstaurer la semaine du Québec. Elle désire également plus de transpa-rence et de dialogue au sujet du portfolio du VP externe. Lors du débat, Enbal a été critiquée à de nombreuses reprises par rapport au fait qu’elle parle peu français, un aspect fâcheux lorsqu’il s’agit d’entretenir des liens en dehors de la bulle McGill. Elle a répondu à cela que si elle était élue, elle apprendrait le français intensivement au cours de l’été.

Page 8: Le Délit

le délit · le mardi 18 mars 2014 · delitfrancais.com8

[email protected]

Société

Trois ans et une semaine après le séisme de magnitude 8,9 qui avait frappé le Nord-Est du Japon sous

la forme d’un tsunami, le pays ne s’est pas encore relevé.

État des lieux En effet la centrale nucléaire de

Fukushima Daiichi pose encore des pro-blèmes, notamment concernant la contami-nation de l’eau: selon Le Devoir («Trois ans après, la sortie du tunnel est encore loin», paru le 11 mars 2014) il y a actuellement «450 000 tonnes de liquide radioactif accu-mulé dans 1200 réservoirs disséminés sur le site». Cependant malgré les failles de sécu-rité mises en évidence par le tremblement de terre, le premier ministre Shinzo Abe a déclaré que «les réacteurs jugés sûrs devront être remis en exploitation», mettant de ce fait fin au projet du précédent gouvernement de zéro nucléaire d’ici 2040. Selon l’article du Devoir, le gouvernement avance trois rai-sons pour justifier sa position. La première est d’ordre économique (les centrales ther-miques seraient trop coûteuses), la seconde d’ordre diplomatique (l’indépendance éner-gétique est capitale) et enfin la dernière est écologique (les centrales thermiques génè-rent des gaz à effet de serre).

Cependant le nucléaire est loin d’être la seule problématique à laquelle les auto-rités japonaises doivent faire face. En effet, le bilan humain et matériel dans la région du Nord-Est (Tohoku) est toujours lourd. Ainsi on chiffre aujourd’hui à près de 20 000 le nombre de personnes tuées par le tsunami (selon La Presse: «Le Japon com-mémore le tsunami et l'accident nucléaire de Fukushima», 11 mars 2014), et parmi celles-ci beaucoup sont toujours introu-vables. Ces morts ont pu être provoquées directement par le séisme, mais aussi, selon Les Echos («Fukushima: autour de la cen-trale, la dépression fait plus de victimes que la radioactivité» ), par les conséquences de l’accident à la centrale nucléaire, la première étant le stress: «Dans des statistiques com-pilées le mois dernier par la police locale, la préfecture de Fukushima estimait que 1656 personnes étaient décédées en trois ans des suites de maladies liées notamment au stress. Un chiffre supérieur au nombre de décès provoqués par des blessures physi-ques liées aux catastrophes de mars 2011». Mais le drame humain ne s’arrête pas là: se-lon l’article de La Presse, ce seraient quelque 270 000 personnes qui auraient été dépla-cées, leurs maisons ayant été détruites direc-tement soit par le séisme soit par sa funeste conséquence, le tsunami, ou encore du fait

de la radioactivité s’étendant bien au-delà de la «zone d’exclusion nucléaire» de vingt kilomètres. Ces personnes vivent pour la plupart dans des abris de fortune car «seule-ment 3,5% des maisons pérennes promises ont été bâties dans les provinces d'Iwate et Miyagi». (La Presse). Pour l’instant, environ 100 000 personnes vivent encore dans des préfabriqués entassés sur la côte Nord-Est du Japon, selon l’AFP («Japon: 3 ans après le tsunami, ils vivent encore dans des pré-fabriqués», vidéo publiée le 10 mars 2014), et «le gouvernement n’est pas en mesure d’estimer quand tout le monde pourra sor-tir de ces préfabriqués», selon ce reportage. Si 30000 personnes pourront revenir chez elles dans les deux prochaines années, selon l’Agence France-Presse («Fukushima: une partie des réfugiés pourront retourner chez eux», le 24 février 2014), toutes ne souhai-tent cependant pas le faire, car il y a des risques pour la santé, et ils perdraient leurs indemnités de 100 000 yens mensuels (1086 dollars canadiens) versés par le gouverne-ment pour «préjudice moral».

Ainsi la situation est complexe, puis-que les conséquences physiques du séisme (la destruction d’habitations) couplées à la menace nucléaire ont engendré des destruc-tions, mais ont également laissé des séquel-les moins visibles.

General Electric: je te biaiseSans tomber dans l’antiaméricanisme

primaire, certains éléments sont troublants. En effet, il semblerait, comme nous l’expli-que Yuji S. Calvo, étudiant à la maîtrise en sociologie et activiste pour les causes envi-ronnementales, que des intérêts économi-ques titanesques puissent influencer la cou-verture médiatique de la catastrophe, ainsi que les réactions politiques internationales, notamment concernant les risques liés à la centrale nucléaire. Le site mondialisation.ca explique de façon ironique que la concep-tion des réacteurs Mark 1 (soit cinq des six réacteurs de Fukushima) de la centrale était lamentable: «[des japonais ont tenté d’empêcher] une fusion incontrôlable des coeurs des réacteurs nucléaires et la com-bustion des déchets radioactifs contenus dans les piscines d’entreposage situées im-médiatement au-dessus des réacteurs Mark 1, un design absolument génial de General Electric.» De plus le groupe américain ne pouvait pas plaider non-coupable, puisque, comme le révèle lepoint.fr («Fukushima, les fausses certitudes de l'EDF japonais», paru le 17 mars 2011) l’un des ingénieurs de la centrale, Dale G. Bridenbaug, avait signalé la fragilité de l’enveloppe de l’enceinte de confinement (qui a cédé lors du séisme). N’ayant pu convaincre ses supérieurs, il avait démissionné peu après.

General Electric, géant américain de

l’énergie, et spécifiquement du nucléaire, était donc à blâmer. Mais il est à signaler que le président de General Electric au moment des faits, Jeffrey R. Immelt, est l’un des prin-cipaux conseillers économiques d’Obama, et que vingt-trois sites nucléaires aux États-Unis utilisent le même réacteur que celui mis en cause à Fukushima (Mark 1). Ainsi, selon Yuji S. Calvo, cela expliquerait pour-quoi la couverture de la catastrophe par les médias américains a été parfois limitée concernant les détails techniques et l’éten-due de la catastrophe. Par exemple, une étu-de menée par le médecin Janette Sherman et l’épidémiologiste Joseph Magano a montré que dans huit villes américaines situées près du Pacifique le taux de mortalité infantile a grimpé de 35% après l’incident nucléaire de Fukushima. Cette «coïncidence» n’a été relayée dans aucun média américain, peut-être pour ne pas affoler l’opinion (les faits restant certes mineurs), mais aussi pourquoi pas pour protéger les intérêts économiques de la nation?

Une information idéalisée Mais les faits, évoqués par les mé-

dias étrangers, aussi contestables soient-ils, ne sont qu’une partie du problème dans le traitement de l’information liée à la catas-trophe du 11 mars 2011. Souvenez-vous des images que jetaient sur vos écrans les chaînes télévisées du monde entier. Le jour même, ce sont des images impressionnan-tes de vagues déferlant sur des villes entiè-res du Nord-Est de l’île de Honshu – l’île principale de l’archipel japonais –, de grat-te-ciels qui vacillent au cœur de Tokyo, qui frappent l’œil du téléspectateur. Le trem-blement de terre, et le tsunami qu’il a cau-sé, impressionne par sa force surnaturelle, mais aussi car il s’attaque au Japon. Ce pays bien souvent mis du côté des puissances «occidentales» de par son développement économique, jusqu’en 2010 contesté seu-lement par les États-Unis, apparaît soudai-nement comme faible, victime d’éléments plus fort que lui. On pardonne car on com-prend – sans nécessairement être d’accord – le sensationnalisme choisi par les médias pour couvrir la catastrophe, néanmoins notable: autant sur les chaînes japonaises qu’étrangères, les mêmes images sont répé-tées des dizaines de fois, histoire de bien s’ancrer dans les mémoires. Et cela fonc-tionne… jusqu’à un certain point.

Si le tsunami a marqué les esprits du monde entier, il est intéressant de remar-quer que lorsqu’on demande à des étu-

diants de McGill ce que la date du 11 mars évoque pour eux, peu répondent que c’est le jour où un tsunami a pris la vie de près de 20 000 personnes. Il est néanmoins indéniable que les images ont fait le tour du monde et ont choqué, déclenchant une vague de sympathie à l’égard d’un peuple avec lequel, voudraient nous faire croire les médias, nous partageons peu de choses.

Côme de Grandmaison &Claire LaunayLe Délit

«Le tremblement de terre [...] impressionne par sa force surnaturelle mais aussi car il s’attaque au Japon.»

Fukushima mon amourTrois ans plus tard, retour sur la couverture de la catastrophe.

Page 9: Le Délit

9Société

La distance de la différenceCar c’est vrai, dans les quelques jours

qui ont suivi le tsunami, deux autres types d’informations se sont répandues dans les médias étrangers: celles concernant le drame nucléaire dû à l’endommagement de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi, et l’attitude des Japonais face à la tragédie qui frappait leur pays. Mais si,

souvenez-vous de ces images touchantes de centaines de personnes entassées dans des gymnases, qui prennent leur mal en patience et qui prient calmement, dans un relatif calme et ordre considérant les cir-constances. Pendant quelques semaines, il semblerait que les médias n’aient eu de cesse que de faire l’éloge de ce peuple de près de 130 millions d’individus qui vivent

si loin de nous. On les voit faire des queues interminables à des stations-services, on les voit s’entraider au lieu de se renfermer sur leur misère. Et on les applaudit pour ça.

Le Japon est un pays à la mentalité col-lectiviste, héritée de la tradition confucia-niste qui a largement influencé les cultures de l’Asie, comme la Chine, le Vietnam, les Corées et bien d’autres. Sur le classement des valeurs de Hofstede – un outil utilisé par beaucoup de multinationales –, le Japon obtient un score de 46 sur 100 en «indivi-dualisme», ce qui reste relativement élevé comparé à ses voisins asiatiques (20 pour la

Chine, 18 pour la Corée). Mais comparé à la culture à laquelle nos médias sont habitués, la différence est toujours impressionnante, puisque le Canada obtient 80, et les États-Unis 91. Il n’est donc pas étonnant de voir les journalistes de chez nous surpris par l’at-titude des Japonais. Mais ce discours a quel-que chose d’orientaliste et de dangereux.

En effet, en insistant sur la force de ce peuple et en mettant une certaine emphase sur les traits culturels qui nous séparent, la couverture médiatique a eu pour effet de mettre une distance encore plus grande entre nous et eux. On en parlait la semai-ne dernière déjà au sujet de la situation au Vénezuela (voir «Dans l’angle mort», Le Délit, 11 mars 2014, Volume 103 no18): plus l’événement est lointain, tant géographique-ment qu’idéologiquement, moins on se sent concerné, et donc, forcément, moins on se sent enclin à prêter main forte. C’est natu-rel, mais pas moins navrant. Car il y a égale-ment quelque chose de déshumanisant dans l’orientalisme: on accorde plus d’importan-ce aux différences culturelles qui nous sépa-rent qu’à l’humanité qui nous unit. En tant que Canadien, Français, Algérien, ou autre, on s’identifie peu aux Japonais que les mé-dias nous montrent.

Mais la réalité est bien moins exotique. Le tremblement de terre du 11 mars 2011 touche encore des milliers de personnes qui, comme nous, peu importent leur culture et leur force collective, méritent de vivre dans des conditions de vie décentes et d’avoir un gouvernement et une communauté inter-nationale qui les écoute. Mais l’approche quelque peu orientaliste des médias inter-nationaux n’est pas la seule coupable de la lenteur des efforts de reconstruction et de l’implication, autant nationale qu’à l’étran-ger, des différents acteurs pour remédier à la situation.

Au-delà du nucléaireL’emphase mise sur le drame nucléaire

plus que sur les conséquences humaines du tsunami y est aussi pour quelque chose. On parle du 11 septembre, de l’ouragan Katrina, du tremblement de terre à Haïti, mais pour parler de la catastrophe japonai-se, on parle de Fukushima. Loin de vouloir dédramatiser les conséquences immenses du drame nucléaire – qu’on sera capable de mesurer réellement dans quelques décen-nies d’ailleurs – il est ici question de rap-peler que le 11 mars, ce n’est pas QUE un incident environnemental, mais bel et bien une tragédie humaine. Bien sûr, un bon nombre de ces personnes touchées le sont à cause de la catastrophe nucléaire – morts, malades, déplacés en grand nombre – et c’est pour cela qu’il faut parler du problème nucléaire. Mais plus loin que d’y accorder une couverture scientifique et environne-mentale, il faut se souvenir que, finalement, la raison pour laquelle on s’inquiète, c’est pour les vies qu’il y a derrière.

Toutefois, il semblerait que la couver-ture médiatique significative de l’incident nucléaire ait réveillé les consciences politi-ques au Japon. D’après certains experts, le mouvement antinucléaire qui s’est réveillé au lendemain de la catastrophe n’était «rien de moins qu’une perte de la foi à l’échelle nationale, tant dans l’énergie nucléaire, mais aussi dans le gouvernement, que beaucoup blâment d’avoir laissé cet acci-dent se produire» («Japan’s Nuclear Energy Industry Nears Shutdown at Least for Now», New York Times, 8 mars 2012). En juin dernier, 60 000 personnes manifestaient à Tokyo, appuyés par une pétition qui ne regroupait pas moins de huit millions de signataires, contre le redémarrage de plu-sieurs centrales nucléaires. Cette manifes-tation, comme les nombreuses qui ont eu lieu depuis le 11 mars 2011, rassemblait des tokyoïtes mais également beaucoup de japonais venus de la campagne pour l’occa-sion. D’après Yuji S. Calvo, «on observe un niveau de conscience politique comparable à celui de l’après-guerre, où les gens sont prêts à se serrer les coudes pour faire face à l’adversité», sur le terrain de la cause en-vironnementale, mais, de façon plus large, sur l’efficacité du gouvernement à répon-dre à leurs problèmes.

Trois ans plus tard, force est de consta-ter que beaucoup reste à faire, au Japon, afin de soigner les plaies encore vives du tremblement de terre et du tsunami qui ont frappé en particulier la région du Tohoku. La catastrophe nucléaire en est bien une, et elle se doit d’être traitée par le gouverne-ment japonais. À ces fins, les Japonais eux-mêmes s’impliquent plus que jamais, tandis que des milliers d’entre eux continuent à vivre dans des préfabriqués, déplacés. Keelan MacLeod/ Le Délit

«On accorde plus d’impor-tance aux différences cultu-relles qui nous séparent qu’à l’humanité qui nous unit.»

Fukushima mon amourTrois ans plus tard, retour sur la couverture de la catastrophe.

Claire Launay / Le Délit

Page 10: Le Délit

10 Société le délit · le mardi 18 mars 2014 · delitfrancais.com

En son temps, Icare occupait les esprits des citoyens de la Grèce antique, leur rappelant les dangers de l’hybris, c’est-

à-dire la volonté d’atteindre le hiéros, autre-ment dit, le sacré, l’interdit, le divin. J’insiste sur la classification de mythe, «récit qui se veut explicatif et surtout fondateur d’une pratique sociale», selon sa page Wikipédia, et, donc, sur sa valeur allégorique à l’origine des pragmatas d’Aristote (le philosophe qua-lifiait de pragmatas tout ce qui touchait aux «affaires humaines», ndlr). Pour simplifier et comme je suis positif, Icare se serait sym-boliquement sacrifié pour laisser place aux sentiments d’humilité et de respect.

Le mythe de l’homo economicus mo-derne incarne le même état d’esprit. L’homo economicus ne reflète pas une réalité tangi-ble, mais bien un mirage qui se doit de nous faire réfléchir sur nos habitudes, ou plutôt, selon une notion philosophique pertinente élaborée par le sociologue Pierre Bourdieu, notre habitus. Explications.

Un mythe et son systèmeAu-delà de l’affluence de débats sur

l’avenir du capitalisme et des conflits idéologiques brûlants qui en ravivent les flammes, cet article vise plutôt à structu-rer une discussion autour d’une question à la fois simple et brusque: sommes-nous des agents économiques à part entière, des homines economici?

Depuis longtemps, les théoriciens de l’économie néoclassique nous affirment que oui, l’homme est destiné à entrer en compétition, à échanger via un marché de préférence, vaste et libre, ainsi qu’à consom-mer sans entrave. Certains économistes expliquent que notre bonheur individuel, et donc par agrégation, collectif, en dépendrait même principalement.

L’homo economicus qui habiterait cha-cun d’entre nous serait un être individua-liste, immoral et orienté vers la recherche du profit, cherchant à satisfaire sa soif de biens matériels et à en jouir sans limite1.Il aurait

vu le jour durant la seconde moitié du XXe siècle, lorsqu’«à un capitalisme "industriel", fondé sur une coopération implicite entre le travail et le capital, s’est substitué un capita-lisme "financier", s’affranchissant des règles de l’"économie sociale de marché", préva-lant après guerre», selon l’analyse de Daniel Cohen2 . De cette sorte, la logique capitaliste aurait entraîné une nouvelle conception de l’être humain, tourné vers l’accumulation de capital, désormais considérée comme un mode de vie, une fin en soi. La dérégle-mentation de la finance internationale et la privatisation des services publics, doublées d’un consumérisme sans précédent dans la plupart des pays occidentaux, ne nous auraient, certes, pas aidé à y échapper.

Pour comprendre l’avènement du my-the de l’homo economicus, il me semble im-portant de parler brièvement du mécanisme qui le régit, communément appelé «le mon-de de l’entreprise». Autrefois vecteur d’inté-gration sociale, celui-ci aurait (légèrement) perdu de sa splendeur. Dans un article paru dans Le Monde diplomatique de ce mois-ci, Frédéric Lordon (directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en France et chercheur au Centre de sociologie européenne (CSE)) explique que le marché du travail est lui-même confronté à un mythe destructeur: celui affirmant que les entreprises créent l’emploi (ne signifiant pas pour autant que les entreprises ne créent pas d’emploi). Effectivement, celles-ci «ne font que convertir en emplois les demandes de biens et de services qui leur sont adres-sées, ou qu’elles anticipent3.»

Cette prise d’otages par les détenteurs de capitaux aurait ainsi favorisé la percep-tion d’un monde singulièrement préoccupé par les aspects économiques de la vie en so-ciété. Loin de se forger son identité propre en connaissance de causes, l’homo econo-micus serait à la fois l’otage et le bienfaiteur de ses malfaiteurs.

Changement de cap en OccidentEn alternative au modèle de l’homo

economicus, la littérature économique moderne suggère la prévalence d’un mode

de fonctionnement chez les humains pro-che de celui d’un être doté de réciprocité conditionnelle: l’«homo reciprocans». Ce dernier, contrairement à l’homo economi-cus, ne serait pas motivé par le seul profit mais par l’amélioration de son bien-être et de son environnement. Dans son analyse de l’homo economicus, l’économiste américain Herbert Gintis explique que nous ne som-me pas des agents économiques rationnels et que l’affaiblissement de notre coopéra-tion, et, plus largement, de notre compas-sion viserait à lutter contre les «profiteurs» du système, les free riders (soit un «passager clandestin» qui bénéficierait de ressources, services et autres biens sociaux sans par-ticiper à leur coût). Effectivement, la seule méthode pour les contributeurs motivés par le bien-être social de faire face au phénomè-ne de free riding serait de ne pas contribuer eux-mêmes…4 Un engrenage graissé par l’huile de coude de notre homo reciprocans se mettrait en place et favoriserait la création imaginaire d’un homo economicus, pour-tant marginal mais malheureusement tou-jours aussi amoral.

Dans la même lignée d’arguments, il est également possible de noter les conclusions des travaux de l’économiste française Maya Beauvallet qui souligne, dans Les Stratégies absurdes, la différenciation entre la «valeur du travail» (financière) et la «valeur travail» (affective) grâce à l’exemple d’une crèche en Israël. Le directeur de l’établissement, vou-lant lutter contre les retards constants des parents à la sortie de l’école, décide d’instau-rer une taxe (dix dollars par heure de retard). Néanmoins, à la grande surprise du direc-teur, les parents en retard étaient trois fois plus nombreux le lendemain. L’explication est simple: avant la taxe, les parents étaient à l’heure au nom d’un impératif moral. Or, suite à la taxe, l’échelle de valeurs est bou-leversée et à ces derniers de se dire que la somme de dix dollars équivaut au prix d’une baby-sitter… Il est donc tout à fait absurde de penser que tout «travail», dans le sens lar-ge du terme, fourni par chacun d’entre nous suit une logique économique stricto sensu. Proposer à une mère une rémunération pour

chaque heure consacrée à l’éducation de ses enfants n’a pas de sens, sans ajouter qu’elle vous enverra sûrement paître. La «valeur du travail» et la «valeur travail» sont donc deux notions incompatibles et, d’ailleurs, tout à fait subjectives, qu’il ne faut pas mélanger. Reste donc à savoir laquelle renforcer dans les psychologies contemporaines…

Force est de constater, notamment au travers des nombreuses études citées ci-dessus, un véritable fantasme de la nature humaine lorsque l’on parle d’homos eco-nomicus. Pour reprendre la notion socio-logique d’Emile Durkheim, le modèle éco-nomique actuel capitaliste et individualiste favoriserait plutôt un état d’ «anomie» géné-rale (absence de règle, de structure, d'orga-nisation, de norme donc, qui régissent les comportements individuels au sein d’une société en transition), propice à l’émergence du mythe de l’homo economicus. L’homme n’est donc probablement pas plus indivua-liste qu’avant, mais simplement poussé à l’être par les contraintes socio-économiques ambiantes. L’homo economicus n’existe-rait donc pas. Son mythe, cependant, serait bien réel, comme celui d’Icare que nous observons aujourd’hui avec bienveillance. J’espère simplement que nos descendants verront l’homo economicus comme un symbole qui, lui aussi, courrait à sa perte en voulant s’approcher de l’astre divin.

1 Lire André Comte-Sponville et son interprétation de l’homme capitaliste. Ce dernier ne serait ni moral ni immoral, mais motivé par une toute autre logique: le calcul économique. Il serait donc amoral.

2 Cohen, Daniel. Homo Economicus, Prophète (égaré) des Temps Nouveaux. Paris (France): Albin Michel, 2012 (p. 43).

3 Lordon, Frédéric. “Les entreprises ne créent pas l’emploi”, dans Le Monde diploma-tique (mars 2014): 3.

4 Gintis, H. “Beyond Homo economi-cus: evidence from experimental econo-mics”, dans Ecological Economics 35 (2000): 311-322.

Le mythe de l’«homo economicus»OPINION

Thomas Simonneau Le Délit

Romain Hainaut / Le Délit

Page 11: Le Délit

11Arts & Culturele délit · le mardi 18 mars 2014 · delitfrancais.com

Arts&[email protected]

THÉÂTRE

C’est au Théâtre du Nouveau Monde (TNM) que nous invite Albertine. Dehors, le froid! et la neige ont

décidé qu’il était encore trop tôt pour nous abandonner gentiment au printemps. Le Délit se presse alors à l’intérieur du TNM, envahi par une horde de jeunes et moins jeunes, amateurs de théâtre et journalistes venus à l’occasion de l’avant-première d’Albertine, en cinq temps, du grand drama-turge québécois Michel Tremblay.

Jamais la devise du TNM, «théâtre de tous les classiques, ceux d’hier et de de-main» n’aura eu autant de sens. En effet, Albertine, en cinq temps a d’abord été créée en 1984 à Ottawa par le Centre national des Arts. En 1997, elle est jouée en tournée au Québec, en 2000 elle est adaptée et diffusée à la télévision, et elle revient aujourd’hui à Montréal avec une nouvelle mise en scène de Lorraine Pintal. Trente ans après sa création, la pièce frappe pourtant par sa modernité. Le secret du succès d’une pièce est probablement l’intemporalité, ou la capacité d’émouvoir les spectateurs d’il y a dix, vingt, ou trente ans, tout autant que les spectateurs qui étaient dans la salle jeudi soir. Albertine, c’est une femme, mais c’est aussi les femmes d’hier et de demain, la grand-mère, la mère et la fille.

Le temps triomphe également en étant le nerf de la pièce. En effet, nous est offert une véritable rétrospection d’Albertine sur celle qu’elle était à différents âges de sa vie. À trente ans, Albertine est une jeune maman de deux enfants, abandonnée par son mari. D’abord fragile et en colère, elle développe à quarante ans une rage qui ne semble avoir d’égal qu’une énorme détresse, presque in-vivable. Dix ans plus tard, nous retrouvons une Albertine plus optimiste qui travaille au fast food du parc Lafontaine. Mais cette joie cache quelque chose de plus sombre, l’abandon de ses enfants, qui va la ronger au point de la rendre acerbe et dépressive,

jusqu’à la pousser à la tentative de suicide à soixante ans. Enfin, Albertine a soixante-dix ans. Vulnérable mais plus sereine que ses doubles d’autrefois, elle appelle les fantômes de sa vie pour une ultime intros-pection. C’est donc autour de cette der-nière que s’anime la pièce. Elle convoque les quatre autres Albertine et Madeleine, sa sœur, le fil conducteur et le témoin exté-rieur de la vie de la protagoniste. Les cinq Albertines dialoguent, se disputent, se cri-tiquent et se consolent. Elles apprennent les unes des autres, essayent de trouver une réponse qui pourrait soulager la rage qu’il y a en «elles». Albertine, en cinq temps est l’his-toire d’une femme qui n’a jamais été aimée et surtout qui ne s’est jamais aimée, qui a survécu à sa mère, à ses enfants et! à sa sœur, et qui se retrouve seule avec le sou-venir d’une vie. «Ils vont te guérir de tout, sauf de tes souvenirs» dit Albertine à 70 ans (Monique Miller).

Pour reprendre les mots de Marie Tifo (Albertine à 50 ans) après la représentation, Albertine, en cinq temps est «une parole de femme à six voix». Mais la question se pose: peut-on vraiment parvenir à tout dire? Est-ce que les mots peuvent triompher quand ils sont confrontés à la culpabilité, la honte, et le poids des souvenirs? Ce n’est pas faute d’avoir des personnages au langage acerbe et à la langue bien pendue. Les cinq Albertines ont toutes du mal à raconter, à dire les souffrances et les remords. Sans aucun doute, le talent des comédiennes est ici d’arriver à rendre les cris et les silences encore plus poignants et bouleversants que les paroles.

Je ne peux m’empêcher de conclure sur le commentaire de mes voisines de droite: «C’est fou comme l’on tombe en amour pour elle. Alors qu’au fond, elle est détes-table». C’est vrai qu’elle est bouleversante, parce qu’elle a la capacité d’attendrir toutes les femmes. Albertine est plusieurs mais ne forme qu’une. Ainsi, elle célèbre à la fois les différents chemins de la vie d’une femme et immortalise la Femme. Elle est la femme

de tous les âges, et la pièce se transforme alors en une ode aux envies, aux drames, et au courage de toutes les femmes. Pour finir, Albertine nous donne envie de nous battre et nous emplit d’une certaine fureur. À vous de découvrir ce que les cinq Albertines font ressortir en vous.

Noor DaldoulLe Délit

Photographies par Yves Renaud

Albertine, en cinq tempsOù: Théâtre du Nouveau MondeQuand: Jusqu’au 5 avrilCombien: 26$

Trente ans après sa première représentation, Albertine, en cinq temps renaît.

Le théâtre qui n’a pas d’âge

Page 12: Le Délit

12 le délit · le mardi 18 mars 2014 · delitfrancais.com

Représenter  les  monstresLe  Délit

CINÉMA

Laisse  tomber  les  garçonsGuillaume Gallienne présente son premier long-métrage, une comédie autobiographique sur la quête identitaire.

Les garçons et Guillaume, à table! est l’adaptation de la pièce de théâtre et «one-man show» du même nom

que Guillaume Gallienne, sociétaire à la Comédie-Française, a présenté en 2008.

L’histoire est entièrement autobiogra-phique. Guillaume vient d’une famille de la grande bourgeoisie et, ne ressemblant pas à ses deux frères purement machos et virils, il croit réellement être une fille et se met à imiter sa mère, à laquelle il est très attaché. Après tout, quel meilleur modèle féminin pour une fille que sa propre mère? Alors il se met à s’approprier ses manières et sa voix, de sorte que plusieurs personnes le confondent avec sa mère et que toute sa famille le prend pour un homosexuel.

Le scénario de Les garçons et Guillaume… est intelligent et particulière-ment hilarant. Il explore, entre autres, le thème de la quête identitaire, un sujet dans lequel toute personne peut se reconnaître et qui est abordé avec énormément d’hu-mour et d’autodérision. C’est une comédie parfois absurde et burlesque, mais particu-lièrement rythmée, où on rit à gorge dé-ployée pendant 86 minutes. On retiendra en particulier la scène de l’audience avec Sissi l’impératrice, née de l’imagination du jeune Guillaume, et brusquement in-terrompue quand son père entre dans sa chambre lui dire bonsoir.

Un autre sous-thème du film, très almodovarien, est l’admiration et la haute estime de Gallienne pour les femmes. Il les étudie, les adore et rêve de devenir comme elles. Avec son film, le réalisateur leur rend hommage.

Si Gallienne interprétait tous les per-sonnages dans sa pièce, il se limite seu-lement à deux rôles dans son long mé-trage: Guillaume et Maman. Rarement un homme n’aura jamais aussi bien interprété une femme. Il va sans dire que Gallienne a eu plusieurs années de pratique et d’étude pour ce même personnage, il a pu s’ap-proprier ses manières et sa voix, de sorte

qu’aujourd’hui son double-rôle est aussi précis qu’il est sans faille.

Lorsqu’une pièce de théâtre est adaptée au cinéma, il y a souvent un dan-ger, que la mise en scène soit très statique, en lieu clos, et que le long-métrage res-semble à du théâtre filmé. Or dans Les gar-çons et Guillaume…, on a droit à une mise en scène très riche, colorée et créative. Le théâtre est présent, avec un aller-retour fréquent entre la narration et le «one-man show», pour garder cette touche originelle et expliquer des éléments au spectateur

du point de vue de Guillaume, ce qui est une façon très créative de briser le qua-trième mur.

Lors de la 39e cérémonie des Césars en février dernier, Les garçons et Guillaume… était nominé dans dix catégories et a rem-porté cinq prix, tous amplement méri-tés: Meilleur film, Meilleur premier film, Meilleur acteur (Guillaume Gallienne), Meilleure adaptation (Guillaume Gallienne) et Meilleur montage.

C’est tout le talent de Guillaume Gallienne qui éclate au grand jour: son

monde, sa fantaisie, qui le propulse sur le devant de la scène cinématographique française. Aucun risque, cependant, qu’il devienne une star annexée par le sys-tème, car lui, le sociétaire de la Comédie-Française, reste un homme de théâtre avant tout. Son passage très concluant derrière la caméra laisse augurer de beaux projets pour les années à venir; le public en redemande, et Guillaume Gallienne n’a pas fini de nous faire rêver. En salles dans tous les bons cinémas de Montréal depuis le 14 mars 2014.

Émilie BlanchardLe Délit

Gracieuseté des Films Seville

Page 13: Le Délit

13Arts & Culture

Le Délit: Je suis un peu embêté, c’est que tout le monde en a tellement déjà parlé de votre film que je ne me sens pas la

pertinence de presser le citron encore plus (rires), quoique vous devez avoir l’habitude maintenant. Si je me permettais une seule question sur ce film jubilatoire qu’est Les garçons et Guillaume, à table!, ce serait: toutes choses pesées, qu’est-ce qui vous a le plus plu dans cette aventure de film?

Guillaume Gallienne: De découvrir que j’adorais réaliser. Que j’ai adoré ça, pour plein de raisons. En fait ce film m’a fait prendre conscience que je ressemblais beaucoup plus à mon père que je ne le pen-sais ou que je ne voulais le penser. Parce que tout d’un coup j’ai eu des réflexes de patron industriel, en tout cas de fils de pa-tron industriel, qui m’ont énormément sur-pris mais qui ne m’ont pas du tout déplu. Alors pas aussi paternaliste qu’il pouvait l’être, j’espère aussi moins tyrannique, mais cela m’a développé un sens des priorités et de la prise en compte de l’équipe, des équi-pes; de la fabrication de quelque chose et de la responsabilité par rapport aux inves-tisseurs, que je ne soupçonnais pas. Et en même temps, parce que j’ai fait un calcul en fait avant le début du tournage, je me suis rendu compte que le budget de mon film représentait la vie de huit personnes qui auraient travaillé toute leur vie de vingt ans à soixante-cinq ans payés au SMIC (salaire minimum interprofessionnel de croissance, en France). Je me suis dit: «On me donne l’équivalent de huit vies! pour faire mon film.» En fait, la considération de l’argent n’avait rien de vulgaire, elle était même porteuse, et ça, c’est quelque chose de très nouveau dans ma vie parce que je ne pen-sais pas pouvoir fonctionner comme ça.

LD: Alors j’ai une phrase de Frédéric Mitterand à votre sujet, au sortir du Théâtre de l’Ouest Parisien en 2009, où il est interrogé par Le Point: «Il va lui arriver ce qu’il redoute peut-être, c’est à dire de devenir très très célèbre et d’avoir beaucoup de gens qui vont vouloir abso-lument l’annexer.» Moi qui suis un peu ici pour vous annexer à ma manière, je vous pose la ques-tion: vous sentez-vous annexé ces temps-ci?

GG: Hmm non, je le suis plus par de-voir de promotion. Je suis annexé dans le sens où depuis le mois de mai dernier, je suis dans le commentaire, mais je suis libre de dire non et puis je fais aussi ce travail parce que Gaumont est le seul distribu-teur qui a compris les besoins financiers du film et qui y a répondu. Donc la moindre des choses c’est que j’assure. On sait que

le cinéma est une industrie dans laquelle l’acteur est à la fois le support, le produit et l’annonceur. C’est comme ça.

LD: Dans Ça peut pas faire de mal sur France Inter, une de vos émissions sur les écrivains journalistes m’avait tout particulièrement marqué. Dans celle-ci il y avait un passage de Zola que vous lisiez — un extrait de la préface à son essai Mes haines, dont je voudrais vous lire à mon tour un extrait pour vous faire réagir dessus, parce qu’il pose la question du contemporain:

«Je hais les sots qui font les dédaigneux, les impuissants qui crient que notre art et notre littérature meurent de leur belle mort. Ce sont les cerveaux les plus vides, les cœurs les plus secs, les gens enterrés dans le passé qui feuillètent avec mépris les œuvres vivan-tes et toutes enfiévrées de notre âge, et les déclarent nulles et étroites.

Moi, je vois autrement. Je n’ai guère souci de beauté ni de perfection. Je me mo-que des grands siècles. Je n’ai souci que de vie, de lutte, de fièvre. Je suis à l’aise parmi notre génération. Il me semble que l’artiste ne peut souhaiter un autre milieu, une autre époque. Il n’y a plus de maîtres, plus d’écoles, nous sommes en pleine anarchie et chacun de nous est un rebelle qui crée pour lui et se bat pour lui. L’heure est haletante, pleine d’anxiété, on attend ceux qui seront assez, frapperont le plus fort et le plus juste, dont les poings seront assez puissants pour fer-mer la bouche des autres. Et il y a au fond de chaque nouveau lutteur une vague espéran-ce d’être ce dictateur, ce tyran de demain.»

GG: En fait quelque part je suis d’ac-cord avec lui, et en même temps il y a quel-que chose qui me retient. C’est à dire que j’adore les gens contemporains, ils me fas-cinent. C’est une des raisons pour laquelle j’admire autant Catherine Deneuve, je trouve que c’est une actrice profondément contemporaine. On le voit, ça se voit, dans sa manière de jouer, qu’elle va voir les films d’aujourd’hui, qu’elle va voir les expos d’aujourd’hui, qu’elle est au courant de son temps. Je repère tout de suite les acteurs qui ne vont pas assez voir d’autres choses, qui ne vont pas voir ailleurs que dans leur art, ça se voit. Donc j’entends, je suis d’accord avec Zola. Et en même temps, je n’aime pas non plus qu’on m’explique qu’il faut être contemporain par devoir. J’aime les ponts, j’aime la transmission et j’aime la

reconnaissance. Je suis reconnaissant que Shakespeare ait existé, je suis reconnaissant que Victor Hugo ait existé, je suis reconnais-sant que Zola ait existé et j’aimerais trans-mettre cette reconnaissance-là. Je me recon-nais en eux, je me sens reconnu par eux. Et il y a des contemporains qui me font la même chose. Parfois tout n’est pas reconnaissance, parfois c’est bousculade. Et je suis bousculé par Eschyle, je suis bousculé par des an-ciens comme par des gens contemporains, où j’ai l’impression de ne rien comprendre. Mais vous savez c’est un peu comme – (un klaxon sonne avec insistance au dehors dans la rue, Guillaume se lève et parle à la vitre) Eh oh! On a une interview coco! (il reprend) – j’ai la même chose avec la simplicité: le terrorisme de la simplicité me fait profondément chier. Autant quand elle est là, elle m’enchante. Autant le «Sois plus simple»… et fuck, je ne suis pas simple! Vous voyez ce que je veux dire? En fait, je ne suis tellement pas dogma-tique, je n’aime pas les dogmes quels qu’ils soient, mais j’adore le cadre.

LD: Cela tombe mal, j’avais justement une question hyper-dogmatique. Quel est le rôle, si rôle il doit y avoir, du comédien et de l’acteur dans la société civile? Que doit-il faire? (S’il doit quelque chose) Et j’appuie sur le faire et le doit, je les mets en italiques, comme dans les articles de recherche universitaire.

GG: Oui oui oui oui! Et la réponse, vous commencez par: «Sourire, en italiques» (rires). Il doit représenter les monstres. Il doit être conscient que tout n’est pas perdu puis-que l’on continue, puisque le contribuable continue, à mettre des sous dans des lieux — des espèces de chapelles, d’églises ou de cathédrales — qui ne sont là que pour profé-rer le verbe. Et que tant que cela durera, c’est plutôt bon signe. Et qu’il doit tout faire pour être à l’honneur de ça, de ce besoin là. Et pour cela je pense qu’il doit un peu plus faire acte. Être acteur, c’est être responsable d’un acte à venir. Ce serait peut-être le moyen de ne pas le limiter. Je trouve que parfois, sous prétexte de divertissement, l’acteur se limite au vulgaire. Et que parfois, sous prétexte de grand texte, il se limite au sectaire.

LD: C’est intéressant venant de votre part, puisque vous venez justement de la Comédie-Française, une troupe qui a parfois été jugée comme sectaire.

GG: Mais on ne fait pas de la muséo-logie hein?! On joue du contemporain et

surtout on monte des anciens avec ce qu’on est aujourd’hui! Donc je trouve qu’on est une belle troupe de relais.

LD: Vous y avez d’ailleurs joué Musset, Shakespeare, Molière, Tchékhov, Feydeau, Racine et même Euripide! Question téléphonée mais question quand même, quel est votre auteur de prédilection? S’il y en a un.

GG: (soupir concentré) Non mais quand même Shakespeare et Tchékhov… Shakespeare quand même! C’est-à-dire que même mal monté, un bon acteur avec Shakespeare, c’est dément. Shakespeare me transporte. Tchékhov je le connais, il y a un truc. C’est le seul dont j’ai des photos dans ma loge, j’en ai plusieurs de lui. C’est le seul où il y a une humanité, ce sont des résonnan-ces par rapport à ma «russitude». C’était ma grand-mère qui disait toujours: «Le problè-me des Français quand ils jouent Tchékhov c’est qu’ils le jouent toujours avec un regard triste sur de l’argenterie oxydée.» Elle disait aussi:!«Le problème des Français, c’est qu’ils sourient beaucoup trop. Les Russes ne sou-rient pas, pour eux c’est une grimace de sou-rire. Ou on rit! Ou on ne rit pas! Mais on ne sourit pas.» Voilà, j’aime vraiment beaucoup Tchékhov, mais Shakespeare quand même, pour moi c’est le top du top.

LD: Bon, le temps presse, je vous pro-pose donc cette phrase de Michel Foucault sur laquelle je suis tombé récemment: «L’optimisme de la pensée, si on veut em-ployer de tels mots, c’est de savoir qu’il n’y a pas d’âge d’or». Qu’en pensez-vous? GG: Ah c’est joli ça! Ah oui! Alors que moi je trouve qu’il y en a plein! (rires) Parce que l’âge d’or — un âge d’or — n’est pas forcément le même partout. Ah c’est drôle! Parce que moi j’aime bien les phénix, j’aime bien ce qui naît des cendres aussi donc … (un temps) c’est assez bourgeois comme façon de penser!d’ailleurs. Ou bien alors il n’y a que ça, il n’y a que des âges d’or! Je sais pas, vous en pensez quoi vous?

LD: Eh bien moi je suis mêlé! GG: Est-ce qu’on ne l’est pas tous!

Représenter  les  monstres

«J’aime les ponts, j’aime la transmission et j’aime la re-connaissance.»

«Être acteur, c’est être res-ponsable d’un acte à venir.»

«même mal monté, un bon acteur avec Shakespeare, c’est dément.»

Joseph BojuLe Délit

Guillaume Gallienne fait la lecture de poè-mes d’Émile Nelligan et de Pouchkine, une jouissance auditive à ne pas manquer sur notre site Internet!

Romain Hainaut / Le Délit

Entrevue

Page 14: Le Délit

14 Arts & Culture le délit · le mardi 18 mars 2014 · delitfrancais.com

Un personnage sort de son livreAlain Farah inaugure les soirées Portes Closes à la librairie Raffin.

LITTÉRATURE

Mardi soir dernier, un auteur, un narrateur, un lecteur, un acteur et un professeur de littérature

se sont assis en même temps sur le même tabouret, portant tous le même nom mais venant d’époques différentes. Ceci dit, ils

n’étaient pas seuls. C’était à l’occasion de l’inauguration des soirées Portes Closes à la librairie Raffin de la Plaza Saint-Hubert, une série d’événements qui consacreront une soirée, une fois par mois, à l’univers d’un livre.

Pour cette première édition, le respon-sable des communications de la librairie, Steph Rivard, a décidé d’inviter la journa-

liste Marie-Louise Arsenault qui anime l’émission «Plus on est de fous, plus on lit!» sur Radio Canada, et dans laquelle Alain Farah, professeur au département de lan-gue et littérature française à McGill, tient la chronique «Je pense donc je cite». La jour-naliste devait désigner un auteur, le choix s’est arrêté sur son collaborateur qui a été invité à parler de son roman paru en août 2013: Pourquoi Bologne. Afin de donner vie à l‘œuvre et d’en expliciter le rapproche-ment avec la culture populaire, François Létourneau, Marc Beaupré et Anne-Élisabeth Bossé, trois comédiens de Série noire étaient aussi invités.

Devant un auditoire attentif, les quatre interprètes ont lu deux extraits du livre et deux scènes de l’émission dont l’une était inédite et ne sera sur les ondes que dans deux semaines. Les deux œuvres jouent des mises en abîmes, brouillant les distances en-tre l’auteur et le personnage. Pourquoi Bologne raconte l’histoire d’un écrivain qui compose un roman et Série noire celle de deux scéna-ristes qui doivent écrire le scénario d’une émission. Les dialogues étaient vifs et ont suscité le rire du public à plusieurs reprises.

Après les lectures, Marie-Louise Arsenault a entamé une période de ques-tions à François Létourneau et à Alain Farah. Incisive, elle les a fait parler de l’image de la

femme dangereuse ainsi que de la place de la famille dans leurs créations. Les spectateurs, assis par terre ou debout, un Cosmopolitan à la main (le cocktail du roman), ont eu droit à quelques révélations sur les pensées des auteurs. Cependant, on ne sait plus trop qui répond aux questions lorsque l’auteur et le personnage se confondent ainsi. La vie croi-se la fiction et on peut se demander à juste titre lequel, entre le professeur de littérature, l’acteur, le lecteur, le narrateur ou l’auteur a déclaré: «Lady Gaga est plus importante que Jean-Sébastien Bach».

François Létourneau, quant à lui, a soutenu qu’on ne peut pas sortir les per-sonnages d’une œuvre. Il reconnaît tout de même que le rôle qu’il s’est composé dans la série est inspiré de sa personnalité et rendu plus «méchant». La fiction dans la fiction avec laquelle jouent les deux auteurs leur permet de se demander «pourquoi on fait l’Art avec un personnage qui cher-che lui-même un sens à sa vie par l’Art». La distance avec la vie est trouble: à la fois établie par le procédé et confuse par une soirée comme celle-ci. La question du réel qui se mêle à la fiction a été mise en action à la libraire Raffin. On peut simplement se demander si l’instauration d’une tradition – celle qui aura lieu une fois par mois – arri-vera à rejoindre cette dimension.

Gwenn DuvalLe Délit

Gwenn Duval / Le Délit

De corps et d’espritLa célèbre histoire d’amour de Rodin et Claudel dansée par les Grands Ballets.

DANSE

Si on n'avait pas peur de faire un jeu de mots un peu facile, on pourrait dire que le dernier ballet de la Place des

Arts a été parfaitement sculpté à l'image de l'histoire d'amour tumultueuse entre les deux artistes. Du 13 au 22 mars, les Grands Ballets Canadiens présentent Rodin/Claudel, une création du chorégraphe canadien Peter Quanz, au théâtre Maisonneuve de la Place des Arts.

Tous deux sculpteurs, Auguste Rodin et Camille Claudel se rencontrent pour la première fois à Paris en 1883. Malgré leur grande différence d'âge, les deux artistes débutent vite une relation intime aussi pas-sionnée que destructrice. Au cours de la relation, Rodin ne renoncera jamais à Rose Beuret, sa maîtresse de longue date. Détruite par cet amour incomplet, rejetée par sa fa-mille et ne parvenant pas à s'imposer artisti-quement, Camille finit par sombrer dans un délire psychotique. Elle finira sa vie internée.

Dès l'ouverture, la dimension corpo-relle est immédiatement mise en évidence. La naissance symbolique des deux amants, issus de la terre glaise, est représentée par un amas de danseurs au mouvement perpétuel. Dans une succession de mouvements lents et fluides au sol, les corps donnent vie aux deux artistes. Ce groupe de danseurs, qui représenteront au cours du ballet à la fois les

sculptures de Rodin et de Claudel et les deux protagonistes eux-mêmes, amènent une présence tour à tour figée et mouvante, dans des chorégraphies de groupe d'une synchro-nisation remarquable.

Un décor épuré permet de laisser toute la place à la trame narrative, déjà assez char-gée en émotions, mais surtout à la danse. Un praticable blanc rectangulaire sert à la fois de socle aux sculptures et de mobilier, et un panneau à carreaux peints figure successi-vement les fenêtres de l'atelier et le décor extérieur, dont l'atmosphère change au gré de la couleur des éclairages. Sur cette scène libre de tout élément scénographique super-flu, les danseurs ont l'espace qu'il leur faut pour laisser libre cours à leurs déplacements.

Les sentiments qui lient Rodin et Claudel l'un à l'autre sont rendus visibles tout au long du ballet par les duos sensi-bles des solistes Valentine Legat et Marcin Kaczorowski, dont les mouvements sont toujours à la frontière de la sculpture et de la caresse. Leur deuxième duo est particu-lièrement remarquable: ce qui commence par une séance de pose se transforme en étreinte passionnée, Rodin se dévêtant pour rejoindre Claudel dans sa nudité de modèle, leur deux corps ne faisant plus qu'un dans le matériau de la création.

Cette dimension charnelle est particu-lièrement mise en lumière par le contraste entre les sous-vêtements moulants beiges clairs portés par le corps de ballet et les

costumes aux couleurs vives des solistes. L'exubérance et la spontanéité de l'exis-tence artistique se retrouve dans les com-plets aubergine et violet de Rodin et de Paul Claudel, ainsi que dans les robes aux cou-leurs vives des modèles et de Camille, les-quelles s'opposent à l'austérité des habits sombres des parents Claudel.

La danse de Camille Claudel (Valentine Legat) est, fidèle à son style dans La Belle au Bois Dormant, gracieuse et aérienne, avec

des lignes parfaites. Son interprétation de la folie de Claudel est très juste, et cette image de la sculptrice dans sa robe à frous-frous écarlate grimpant sur la montagne de corps des danseurs, pour mieux défier la société qui la raille, est empreinte d'une symboli-que frappante.

Une fois de plus, l'histoire tant connue des deux amants sculpteurs est offerte en images au public, avec une grande finesse artistique.

Léa BégisLe Délit

Richard Campagne / Le Pixel Fou

Page 15: Le Délit

«Il y a aussi de la grandeur chez les petits tout comme il y a de la peti-tesse chez certains grands!» affirmait

Goldoni. Ce grand auteur de théâtre italien, né au début du XVIIIe siècle, a été l’instiga-teur d’une importante réforme théâtrale dans son pays, dont la scène était monopolisée par la Commedia dell’arte, un théâtre masqué, improvisé et caricatural où des personnages récurrents tels Arlequin et Pantalon faisaient rire les foules par un langage corporel exa-géré et clownesque. Goldoni, lui, privilégiait l’importance du texte théâtral tout en dépei-gnant le réel de la vie vénitienne de l’époque, peu importe les classes sociales.

Le prolifique auteur, qui ne rêvait que de présenter ses pièces dans les plus grands théâtres vénitiens, s’est attiré les foudres de certains contemporains, plus traditionnels et souvent issus de la noblesse vénitienne, les-quels étaient menacés par son succès et les propos peu flatteurs qu’il partageait sur leurs mœurs. Le créateur de Commedia, Pierre-Yves Lemieux, n’a pas voulu faire un récit biographique de Goldoni, mais plutôt le por-trait d’un homme fatigué des querelles artis-tiques avec ses contemporains et au bord de l’exil vers la France, où il meurt miséreux

en 1793. La pièce est donc une succession d’événements à divers moments de la vie de Goldoni, à 12 ans, 30 ans ou 55 ans, où sont également présenté ses grands contempo-rains tels Tiepolo, Longhi ou Vivaldi.

D’une part, Commedia plaît par la ré-flexion plus large qu’elle suscite sur l’écriture théâtrale et la marchandisation de l’art. Les six acteurs versatiles, dont Luc Bourgeois et Martin Héroux, jouent tour à tour une di-

zaine de personnages, et ce sans confondre le spectateur. D’autre part, les décors et les costumes sont justes, rappelant l’univers de peintres comme Canaletto et autres artistes vénitiens italiens dont l’œuvre a récemment été exposée au Musée des Beaux-Arts avec «Splendore a Venezia» (voir Le Délit du 29 octobre, volume 103 no 07).

Cependant, Commedia étourdit par sa succession de scènes non linéaires celui ou

celle qui ne connaît pas nécessairement en détails la biographie ou l’œuvre complète de Carlo Goldoni. Commedia fait constam-ment référence à des pièces du répertoire de Goldoni, citant tantôt un extrait, tantôt un personnage phare, et le spectateur ne recon-naissant pas l’œuvre s’en voit plus confus, se perdant parfois dans le fil narratif.

Malgré cela, la pièce vaut le détour pour tous les amateurs d’histoire théâtrale et vénitienne, et surtout pour ceux qui connaissent et admirent l’œuvre colossale de Carlo Goldoni. Soulignons également l’apport considérable du Théâtre Denise-Pelletier dans l’éducation théâtrale et lit-téraire de milliers d’écoliers chaque année, alors que son directeur artistique des vingt dernières années, Pierre Rousseau, quitte son poste. L’institution accueille depuis cinquante ans des écoles primaires et se-condaires en initiant plusieurs jeunes pour la première fois au théâtre, que ce soit par des textes classiques, contemporains ou issus du répertoire québécois.

15Arts & Culturele délit · le mardi 18 mars 2014 · delitfrancais.com

Ces cossins jetablesLe Théâtre d’Aujourd’hui se transforme en sous-sol glauque d’organisme de charité.

THÉÂTRE

Jusqu’au 5 avril, au Théâtre d’Aujourd’hui, vous mettrez les pieds à l’Armée du Rachat, organisme de bienfaisance qui

récupère des objets as is pour leur donner de nouveaux maîtres. On y récupère aussi des âmes, as is, et on les réhabilite pour qu’elles redeviennent maîtresses d’elles-mêmes. Dès l’entrée au théâtre, le spectateur est curieux de s’installer dans la salle pour regarder As Is (tel quel) de Simon Boudreault, montée par l’équipe de Simoniaques Théâtre.

On pénètre donc dans la salle, et le voilà, cet univers de la bienfaisance, as is: un immense tas d’objets touche le plafond et des vêtements sont éparpillés au ha-sard sur les chaises des spectateurs. C’est l’univers glauque des trieurs, un sous-sol sans lumière, où l’on trébuche, où l’on ramasse, où l’on trie pour jeter bien plus que pour sauver.

Saturnin (Jean-François Pronovost) incarne la jeunesse intellectuelle idéaliste. Ce bon étudiant de philosophie politique s’enrôle dans l’Armée de Dieu, heureux de contribuer à une Bonne Cause. Seulement, l’intégration dans le milieu de travail ouvrier ne se fera pas sans heurts.

Simon Boudreault s’est inspiré de son propre expérience comme «trieur de cos-sins» à l’Armée du Salut. L’auteur se sou-vient de l’étudiant intellectuel de 18 ans qu’il était, confronté à des codes d’un milieu qu’il connaissait peu. «Devant un geste gentil,

si c’est hors de tes codes, tu te demandes pourquoi les gens font ça», dit-il dans une entrevue accordée à La Presse. En effet, Saturnin aborde son nouvel emploi avec plein de bonnes intentions, mais il se bute à la méfiance de ses collègues. Le gentil fait-il toujours le bien? La gentillesse serait-elle un luxe que seuls ceux d’une certaine classe sociale peuvent se permettre d’exhiber?

Saturnin rencontre Suzanne (Marie Michaud), trieuse à l’Armée du Rachat de-puis 37 ans. Son fils Pénis (Patrice Bélanger) y travaille aussi, et bien qu’elle ne l’aime plus, elle craint tout de même qu’il entame

une vie sans issue comme la sienne. Diane (Geneviève Alarie) a horreur de sa propre propension à tout casser, elle qui a déjà brisé sa vie par la drogue et la prostitution. Johanne (Catherine Ruel), quant à elle, est mère de trois enfants, enceinte d’un quatrième, et se demande comment continuer à faire vivre sa famille grandissante et convoite ainsi un chaudron dans le tas d’objets à trier. Les trois actrices nous livrent sans fard le destin des femmes qui entament chaque jour de travail sans fierté, sans espoir de s’en sortir, et qui sont pourtant incapables d’observer avec indifférence leur lente mort sociale.

Tout microcosme se dote d’une hié-rarchie. Ici le boss du sous-sol, c’est Tony (Denis Bernard), et tous ses employés rêvent d’une place au-delà du sous-sol. Pour se rassurer de ne pas être au plus bas des sous-sols, ils se cherchent quelqu’un à rabaisser. L’homme tout désigné est Richard, en désintox (Félix Beaulieu-Duchesneau), qui «donne du temps» pen-dant sa réhabilitation sociale. Quelle réha-bilitation, peut-on se demander, quand sa réinsertion sociale commence par être l’exclu dans l’Armée de Dieu?

Les personnages nous dévoilent une partie d’eux-mêmes à travers une quin-zaine de chansons aux paroles délicieuses. Trois musiciens accompagnent les per-sonnages sur scène pour donner la note juste à tous les accords de la frustration et du dépit.

As Is (Tel Quel) nous livre la vie des trieurs d’objets épars, telle quelle. En même temps, cette pièce pose des ques-tions dérangeantes par rapport au triage quotidien qui a lieu dans notre société, le triage des êtres humains épars que nous sommes. Qui d’entre nous ira au rebut, indigne d’être racheté? Et pour ces in-dignes-là, la gentillesse des autres suffit-elle à les sauver?

Sao-Mai NguyenLe Délit

Valérie Remise

As is (Tel Quel)Où: Théâtre d’Aujourd’huiQuand: Jusqu’au 5 avril 2014Combien: 25$

Bas les masques! Le Théâtre de l’Opsis revisite le parcours de l’écrivain vénitien Carlo Goldoni.

Marie-Claude Hamel

Katia HabraLe Délit

CommediaOù: Théâtre Denise-Pelletier Quand: Jusqu’au 9 avril 2014Combien: 27$

Page 16: Le Délit

Semaine du journalisme étudiantL! sociét" de# publication# d$ Dail% présent& l!

18 a

u 21

mar

s

La traditionnelle Semaine du Journalisme de la SPD revient cette année! Du 18 au 21 mars, Le Délit et le McGill Daily organisent une série d’ateliers, conférences et discussions sur les médias et le journalisme.Visitez le site internet www.delitfrancais.com pour des ajouts et informations de dernière minute.

MardiRadio 101 (bilingue) 15h. B-24 (Bureau éditorial, Bâtiment Shatner)Vous avez fait le tour du papier? Vous souhaitez explorer d’autres supports médiatiques? Carla Green et Hera Chan du McGill Daily vous proposent un atelier sur le journalisme radio.

Techniques d’entrevue (bilingue) 16h. 433-A (Green Room, Bâtiment Shatner)Comment mener une entrevue? Que doit-on savoir pour écrire un article de nouvelles? Anqi Zhang et Joelle Dahm du McGill Daily, et Léo Arcay, Camille Gris Roy et Alexandra Nadeau du Délit vous dévoilent leurs méthodes.

MercrediCulture 101 (bilingue)16h. 433-A (Green Room, Bâtiment Shatner)Comment écrit-on la critique d’un livre, d’une pièce de théâtre, d’un ! lm, d’un concert…? Anqi Zhang du McGill Daily et Joseph Boju et Thomas Simonneau du Délit vous proposent un atelier sur les techniques du journalisme culturel.

Invité spécial : Andy Nulman (bilingue) 18h. ARTS W-215Andy Nulman est le président et co-fondateur de l’un des plus grands rendez-vous de l’humour au monde, le festival montréalais Juste Pour Rire. Andy Nulman a fait tous les métiers; il a écrit pour des magazines comme le US magazine, Variety, Circus, et a produit plus de 150 spectacles. Il est également le fondateur d’Airborne Technology Ventures, une entreprise de contenu internet et mobile. Entre autres, il donne désormais le cours “Marketing and Society” à McGill. Venez écouter Andy Nulman parler de sa vision des médias et des opportunités que que cette sphère professionnelle peut vous offrir!

JeudiJournalisme scienti! que 101 (anglais) 15h. 433-A (Green Room, Bâtiment Shatner)Diana Kwon du McGill Daily vous apprendra les bases du journalisme scienti! que: comment rendre accessible au plus grand nombre le jargon scienti! que; comment vulgariser son actualité et ses problématiques...

Mise en page/Design (bilingue) 16h. B-24 (Bureau éditorial, Bâtiment Shatner)Comment un texte se retrouve-t-il, mis en forme, sur papier? Théo Bourgery du Délit ainsi qu’E.k. Chan et Rachel Nam du Daily vous dévoileront tous les secrets à connaître sur la mise en page et le logiciel InDesign!

VendrediJournalisme Scientifique : Panel (anglais) 15h. Lev Bukhman (Édi! ce Shatner)Discussion sur le journalisme et les sciences, avec les journalistes Elizabeth Howell (Universe Today, Space.com, LiveScience, Astro-biology Magazine), David Secko (professeur au département de journalisme de l’université Concordia, membre du Concordia Sci-ence Journalism Project, ancient journaliste à The Scientist, CMAJ, et PLOS), et Daniel O’Leary (auteur de “Escaping the Progress Trap”).

Invitée Spéciale: Agnès Gruda (français) 16h.Agnès Gruda, chroniqueuse et éditorialiste à La Presse pendant dix ans, couvre aussi l’actualité mondiale depuis de nombreus-es années. Elle viendra parler de journalisme international, et répondra à toutes vos questions sur le métier de journaliste! (Regardez notre page facebook pour les derniers détails!)


Top Related