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La Terre : planète vivante La tectonique des plaques

Impact N ° 145,1987 3

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Editorial

Présentation

La tectonique des plaques, clé de décodag José Achache

Flux de chaleur de la Terre et ressources Valiya M. Hamza

Accroissement et collision des continents en Asie du Sud-Est Charles S. Hutchison

¡e d'une planète vivante

géothermiques

: prospection

Bassins sédimentaires, tectonique des plaques et champs pétrolifères Bruce Sellwood

Des volcans et des h o m m e s Claude Jaupart

La sismicité du Japon : tremblements de Katsuyuki Abe

terre et tsunamis

Etude et réalisation des projets de construction parasismique Anand S. Arya

Les sondages à grande profondeur dans la de la croûte terrestre Oleg L. Kouznetsov

. presqu'île de Kola et la structure

110 Tribune des lecteurs

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Avis aux lecteurs

Impact : science et société est également publié en anglais, en arabe, en chinois, en

coréen, en espagnol et en russe. Pour obtenir des informations concernant ces édi­

tions, prière de s'adresser à :

Anglais : Taylor & Francis Ltd., Subscriptions Department, Rankine Road, Basing­

stoke, Hampshire R G 2 4 O P R (Royaume-Uni).

Arabe : Unesco Publications Centre in Cairo, 1 Talaat Harb Street, Le Caire (Répu­

blique arabe d'Egypte).

Chinois : Institute of Policy and Management, Chinese Academy of Sciences, P . O .

Box 821, Beijing (République populaire de Chine).

Coréen : Commission nationale de la République de Corée pour l'Unesco, P . O . Box

Central 84, Séoul (République de Corée).

Espagnol : Universidad de Salamanca, Secretariado de Publicaciones, Intercambio

Científico, Apartado 325, Salamanca (Espagne).

Russe : Commission de l 'URSS pour l'Unesco, 9 Prospekt Kalinina, Moskva G-19

(URSS).

Les auteurs sont responsables du choix et de la présentation des faits figurant dans leurs articles ainsi que des opinions qui y sont exprimées, lesquelles ne sont pas nécessairement celles de l'Unesco et n'engagent par l'Organisation.

Les textes publiés peuvent être librement reproduits et traduits (sauf lorsque le droit de reproduc­tion ou de traduction est réservé) à condition qu' il soit fait mention de l'auteur et de la source. Un numéro de la revue ne peut être repris intégralement qu'avec l'autorisation de l'Unesco.

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Editorial : Impact en coédition

Depuis sa création en 1950, ce périodique a été édité par l'Unesco qui en assumait seule la responsabilité intellectuelle, ainsi que la fabrication et la commercialisation. A partir du présent numéro, une innovation intervient à propos des deux dernières fonctions. Désormais, la version française d'Impact paraîtra en coédition avec la collaboration des Editions Eres, à Toulouse, France.

L'Unesco garde la propriété du titre et la direction d'Impact, tandis que notre coéditeur se charge de la fabrication et de la commercialisation.

Sur le plan du contenu nous continuerons l'approche qui confère à Impact son identité et son statut propres. L'adoption de la formule de la coédition constitue néanmoins une étape importante dans la vie de la revue.

Elle implique, d'abord, de pratiquer la vérité des prix. L a continuation d'Impact dépend d'une meilleure adéquation entre les coûts et les recettes. L'augmentation de nos prix est malheureusement forte, car les tarifs pratiqués jusqu'en 1986 étaient maintenus à un niveau très bas, sans aucun rapport avec les coûts. N o u s ne s o m m e s plus en mesure de continuer à pratiquer ces prix. Nous espérons que nos abonnés voudront bien faire preuve de compréhension et qu'ils demeureront fidèles à la revue.

Elle vise, ensuite, à raccourcir les délais de fabrication et à assurer la régularité des parutions.

Enfin, la coédition devrait permettre d'accroître la circulation de notre pério­dique, déjà vendu dans plus de cent pays.

Fabriquée plus efficacement, publiée avec régularité et diffusée plus largement, Impact sera assurée de continuer de servir la communauté mondiale scientifique grâce à ses éditions française et anglaise, et aussi à ses versions espagnole, russe, arabe, chinoise et coréenne.

Le thème de ce numéro est l'étude de la tectonique des plaques, et sa conception doit beaucoup à M . José Achache de l'Institut de physique du Globe de Paris. Qu'il en soit chaleureusement remercié.

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Présentation

José Achache

Voilà des siècles que l ' h o m m e observe l'activité sismique et volcanique et qu'il en subit les effets souvent destructeurs. Les rapports des Anciens sur les catastrophes naturelles peuvent m ê m e compter parmi les premières observations géophysiques scientifiques. Pourtant, ce n'est que depuis cinquante ans que l'on c o m m e n c e à comprendre les mécanismes qui sont à l'origine de cette activité. Jusqu'alors, il semblait que les catastrophes naturelles pouvaient survenir n'importe quand et n'importe où.

Mais l ' h o m m e exploite également la Terre pour assurer sa subsistance et sa production. A u xixe siècle, le développement de l'industrie a m ê m e fait ressortir la nécessité d'une mise en valeur plus systématique des richesses minérales. A cette époque, les méthodes de prospection étaient encore largement empiriques car l'on ne possédait guère d'indications sur la répartition des gîtes métallifères et des bassins houillers.

La formulation des principes fondamentaux de la tectonique des plaques au cours de la deuxième moitié de ce siècle a modifié la situation. Les sciences de la terre se sont orientées vers une conception globale de notre planète depuis la cinématique et la dynamique des phénomènes de surface jusqu'aux couplages thermiques, méca­niques et chimiques existant entre le noyau, le manteau, la croûte, les océans et l'atmosphère. Examinée sous ce nouvel angle, la répartition des zones actives et des ressources naturelles à la surface du globe s'explique par des mécanismes simples.

Il en a résulté que les nombreuses disciplines qui se rattachent à la géophysique et à la géologie ne pouvaient plus continuer à emprunter des voies parallèles et à s'ignorer mutuellement. Elles étaient devenues les instruments de tous les spécialistes des sciences de la terre qui souhaitaient étudier et comprendre les phénomènes naturels dont notre globe est le théâtre. Ainsi la compréhension de la structure et, partant, du comportement mécanique de la lithosphère, qui constitue la première étape de l'évaluation des risques sismiques, passe par l'analyse de multiples paramè­tres différents tels que la vitesse des ondes élastiques, la gravité, la topographie, la tectonique à différentes échelles, le flux de chaleur et le magnétisme.

L'article qui suit décrit les principes fondamentaux de la tectonique des plaques dans le contexte de leur découverte. Il montre qu'à l'échelle mondiale cette théorie offre le cadre voulu à l'étude des phénomènes naturels.

V . H . H a m z a représente la Terre c o m m e une énorme machine thermique — il serait plus exact de dire une centrale nucléaire — qui fournit l'énergie nécessaire aux mouvements des plaques et à tous les phénomènes de surface qui leur sont associés. Il dresse ensuite un tableau mondial des ressources géothermiques que l ' h o m m e peut

5 Impact : science et société, n° 145, 5-6

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José Achoche

domestiquer pour son usage. L'importance fondamentale de la chaleur sur la Terre est illustrée en outre par le rôle qu'elle joue dans la formation des richesses miné­rales.

Après leur constitution, les dépôts minéraux sont transportés par les plaques en mouvement. C . S . Hutchison montre c o m m e n t la tectonique des plaques concentre ces dépôts le long de ceintures telles que les arcs volcaniques résultant de la subduc­tion et les zones de collision intracontinentale qui sont particulièrement développées en Asie du Sud-Est.

B. Sellwood décrit les conditions qui doivent être successivement réunies pour permettre la formation d'hydrocarbures. Bien que ces contraintes soient assez rigou­reuses, on peut expliquer, grâce à la tectonique des plaques, que plusieurs environne­ments fournissent un cadre propice. Cette théorie donne donc des indications sur la répartition mondiale de nombreuses réserves.

Les éruptions volcaniques sont la manifestation la plus spectaculaire de l'acti­vité interne de la Terre. D a n s le cinquième article, C . Jaupart décrit les principales caractéristiques des volcans de notre planète et analyse leur impact sur les sociétés humaines. Chose surprenante, il montre que les volcans ne sont pas uniquement un facteur de destruction mais favorisent parfois le progrès.

K . A b e explique en détail la sismicité du Japon et la survenue des tsunamis, dont certains sont provoqués par des tremblements de terre souterrains. Il montre comment cette activité se répartit par rapport aux zones de subduction, notion fondamentale de la tectonique des plaques.

Ce que nous savons aujourd'hui de la tectonique des plaques nous permet de bien connaître la répartition mondiale et la fréquence des séismes. Cependant, la prévision précise de phénomènes particuliers, notamment dans les régions continen­tales, n'est pas encore à notre portée. A . S . Arya montre que si la prévision n'est guère en mesure de contribuer à l'atténuation des risques liés aux tremblements de terre, nous s o m m e s maintenant capables de concevoir et de construire des bâtiments parasismiques.

Dans le dernier article, O . L . Kouznetzov rend compte du projet de forage pro­fond entrepris par l'Union soviétique dans la péninsule de Kola. Ce travail illustre les limites fondamentales des études directes de l'intérieur de la Terre. Il montre cepen­dant que, m ê m e à une profondeur relativement faible, les observations in situ peu­vent être assez différentes des valeurs obtenues à partir des observations de surface, alors que la démarche de modélisation reste l'outil fondamental des spécialistes des sciences de la terre.

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La tectonique des plaques, clé de décodage d'une planète vivante

José Achache

Depuis 1950, de nouveaux concepts se sont rapidement développés dans le domaine des sciences de la terre. La façon dont nous nous représentons notre planète s'est trouvée modifiée à de multiples égards jusqu'à ce qu'on parvienne, enfin de compte, à la théorie de la tectonique des plaques. Les phénomènes sismiques, volcaniques et tectoniques observés à la surface du globe sont désormais considérés comme une conséquence d'une intense activité intérieure et leur étude ne peut plus être dissociée de celle de la structure interne de la Terre. Cette approche globale aide puissamment à comprendre la genèse des catastrophes et à mener de manière plus efficace les activités de prospection des ressources naturelles.

La Terre a été longtemps considérée c o m m e une planète vieillissante donnant des signes aléatoires d'activité localisés, dont la structure géologique était héritée du passé et fixée pour l'éternité. Cette conception statique tenait à l'impossibilité de prospecter toute la surface du globe et de l'observer à une échelle véritablement planétaire. A u contraire, l'idée qui c o m m e n c e à s'imposer aujourd'hui est celle d'une planète en évolution lente mais constante. Le premier témoignage de cette activité interne permanente nous est donné par la répartition des altitudes à la surface de la Terre. E n effet, la topographie résulte de l'action combinée de l'activité interne, qui crée le relief, et de l'érosion. Si la Terre n'était plus active, les montagnes auraient tendance à s'éroder, pendant que les vallées et les bassins océaniques s'empliraient de sédiments, de sorte qu'avec le temps, l'altitude moyenne tendrait vers zéro. La réalité est toute autre, puisqu'une analyse à l'échelle mondiale révèle une répartition bimo-dale des altitudes moyennes, avec deux max ima à -4500 m (profondeur moyenne des océans) et à + 100 m (élévation moyenne des continents) (voir figure 1). Une dynami­que, attestant que la Terre est une planète vivante, doit donc être à l'origine du maintien de cette topographie.

Mais les observateurs n'ont pas accès à l'intérieur de la Terre et toutes les études des processus et des structures internes doivent s'appuyer sur des observations indi­rectes. C'est là un autre facteur qui a beaucoup compliqué notre tâche. Il explique

José Achache est chargé de recherches à l'Institut de physique du globe de Paris. Ses travaux actuels ont trait à l'analyse des mesures par satellite du c h a m p magnétique terrestre, en privilégiant plus particu­lièrement le c h a m p d'origine crustale et ses implications pour la détermination de la structure profonde de la croûte continentale. Son adresse est la suivante : Département de géomagnétisme et de paléomagné­tisme, Institut de physique du globe de Paris, 4 place Jussieu, 75252 Paris (France).

7 Impact : science et société, n° 145, 7-23

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José Achoche

Figure 1

Graphique montrant le pourcentage de la surface terrestre à diverses altitudes. La crête A correspond à l'altitude moyenne des continents, la crête B à la profondeur moyenne des océans. D'après Allèque (1984).

Pourcentage de surface terrestre

20% -

10% -

Niveau delà mer

100m - 4 5 0 0 m Altitude

que les progrès des sciences de la terre ont souvent été liés à ceux de la technologie. La découverte de structures de grande dimension - les plaques tectoniques - est une conséquence directe des activités d'exploration de zones très étendues du fond des océans menées après la Deuxième Guerre mondiale par des navires océanographi­ques modernes et bien équipés. La répartition des epicentres des tremblements de terre dans le m o n d e n'a pu être établie que grâce à la mise au point d'une nouvelle génération de sismomètres extrêmement sensibles. Plus récemment, l'apparition des techniques spatiales a autorisé une observation vraiment globale de notre planète. Ces techniques nous renseignent de façon remarquable sur les profondeurs de la Terre, permettent la surveillance continue des mouvements de la croûte et offrent un nouveau m o y e n de prospection planétaire des ressources naturelles.

La masse stable et stratifiée que se représentaient les scientifiques du XIX e siècle est désormais remplacée par un système unifié dans lequel les mouvements de sur­face sont associés à des processus internes à de vastes échelles spatio-temporelles. O n ne peut comprendre les phénomènes superficiels sans étudier l'intérieur de la planète. Cette relation intime qui existe entre, d 'une part, la géologie de surface et, d'autre part, la géophysique et la géochimie internes est devenue le principe fondamental des sciences de la terre modernes.

D e la dérive des continents à la tectonique des plaques

La dérive des continents

A u début de ce siècle, Alfred Wegener, météoroligiste allemand, a lancé l'idée que tous les continents auraient autrefois constitué un bloc unique auquel a été donné le n o m de Pangée ' (voir figure 2). Il y a quelque 300 millions d'années, ce superconti­nent a c o m m e n c é à se disloquer. L 'Amérique , en s'éloignant de l'Afrique, a donné naissance à l'Atlantique. D e m ê m e , l'océan Indien a résulté de la séparation de l'Afrique, de l'Inde, de l'Australie et de l'Antarctique. Cette hypothèse de vastes déplacements horizontaux des continents à la surface de la terre (sur des milliers de kilomètres) allait très nettement à l'encontre de toutes les théories géologiques de

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Tectonique des plaques

20°E

20°E

Figure 2 Reconstitution par Wegener de la masse continentale de la « Pangée », il y a approximativement 200 millions d'années. La Panthalassa (mot qui signifie « toutes les mers ») est devenue l'océan Pacifique, tandis que la Méditerranée est un vestige de la Téthys. La partie ombrée représente le glacier polaire, qui aurait recouvert le sud du Gondwana au cours du Permien, ce qui explique les dépôts glaciaires trouvés en Amérique du Sud, en Afrique, en Inde et en Australie. Adapté de Press et Siever (1978).

l'époque. Les processus géologiques c o m m e la formation des montagnes étaient interprétés, en effet, c o m m e le résultat de déplacements verticaux locaux de la croûte de faible envergure (quelques kilomètres). Le débat entre les conceptions « fixiste » et « mobiliste » de l'histoire de la Terre était ouvert.

L'hypothèse de Wegener se fondait, pour commencer , sur les similitudes m o r ­phologiques frappantes entre le littoral africain et celui de l'Amérique du Sud. Mais Wegener poursuivit son idée, faisant appel, pour accumuler des preuves de l'exis­tence de la Pangée, à la paléontologie, à la sédimentologie, à la minéralogie et à bien d'autres disciplines. L a paléontologie montre que des espèces semblables ont vécu à la m ê m e époque de part et d'autre de l'Atlantique Sud. U n grand n o m b r e de ces espèces ( c o m m e les mésosauriens) étant strictement continentales, les terres où on en a trouvé des vestiges ont dû être reliées dans le passé. La flore à glossopteris du Carbonifère (datant d'environ 300 millions d'années), bien incapable elle aussi de traverser un océan, est néanmoins répandue sur tous les continents de l'hémisphère Sud. Les dépôts glaciaires de la m ê m e période délimitent une calotte polaire conti­nue quand tous les continents de l'hémisphère Sud sont placés dans la position correspondant à l'hypothèse de Wegener (figure 2).

La théorie de la dérive des continents élaborée par Wegener a permis de c o m ­prendre beaucoup d'autres observations qui restaient assez déroutantes, mais elle a surtout eu le mérite de fournir la première explication satisfaisante de la formation

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José A chache

des montagnes. Toutefois, Wegener n'a pas réussi à identifier les forces qui propul­saient les continents sur des distances aussi grandes et recelaient suffisamment d'énergie pour faire surgir des montagnes. A la suite de Sir Harold Jeffreys, eminent géophysicien britannique, la majorité des spécialistes des sciences de la terre réfutè­rent la théorie de Wegener qui t o m b a peu à peu dans l'oubli après vingt ans de controverse.

Les enregistrements du champ magnétique

C o m m e son déclin, le renouveau de la théorie de la dérive des continents est venu du R o y a u m e - U n i , vers la fin des années 50, avec l'étude de l'aimantation naturelle des roches.

U n c h a m p magnétique fort engendré dans le noyau existe à la surface de la Terre. D e 2900 à 5000 k m de profondeur, le noyau externe est surtout composé de fer et se comporte c o m m e un liquide. C'est donc un bon conducteur électrique. O n considère que le c h a m p magnétique est constamment entretenu par des processus qui mettent en jeu la convection d'un fluide conducteur dans le noyau externe qui joue le rôle d'une d y n a m o . Les roches crustales qui contiennent des minéraux magnétiques sont aimantées par le c h a m p créé dans le noyau. Cette aimantation peut parfois être « gelée » pendant des millions d'années, créant dans les roches une aimantation rémanente parallèle à la direction du c h a m p ambiant de l'époque à laquelle elles se sont formées. Cette propriété des roches crustales à conserver le souvenir du c h a m p magnétique terrestre du passé a été à l'origine du renouveau de la théorie de la dérive des continents.

Le c h a m p terrestre principal (le c h a m p engendré par le noyau) a deux propriétés remarquables. Premièrement, il est presque dipolaire ; en d'autres termes, il ressem­ble au c h a m p qui serait créé par un barreau aimanté situé au centre de la Terre (figure 3). C'est pourquoi l'aiguille d'une boussole indique toujours le pôle nord

Figure 3

Le champ magnétique de la Terre ressemble beaucoup à celui qui serait créé par un gigantesque barreau aimanté situé au centre de la Terre et légèrement incliné par rapport à l'axe de rotation.

Pôlev " N NordN géographique \

x \ N ^ ' Pôle

'Nord / magnétique^

y" /

/

\ \ i

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Tectonique des plaques

magnétique. Deuxièmement, il subit des inversions de polarité au cours desquelles le Nord magnétique bascule du côté du Sud géographique et réciproquement. L a première propriété permet de déterminer la position du pôle nord en mesurant la direction de l'aimantation dans les roches crustales à n'importe quel point de la surface de la Terre. E n effectuant ce genre de mesures sur des roches provenant de divers continents, S . K . Runcorn et E.Irving2, géophysiciens britanniques, ont observé des disparités systématiques dans la direction des pôles magnétiques déduite de roches du m ê m e âge mais d'origines différentes. E n outre, des roches d'âges diffé­rents recueillies dans un lieu donné ont révélé une migration régulière de la position des pôles avec le temps. Cette apparente migration des pôles impliquait que, soit ces derniers, soit les continents avaient véritablement dérivé. Toutes ces observations les ont amenés à conclure qu'il y avait eu effectivement dérive continuelle des conti­nents. E n outre, ils ont pu montrer que les mouvements des continents ainsi calculés aboutissaient à une position proche de celle proposée par Wegener dans sa reconsti­tution de la Pangée.

Expansion des fonds océaniques

Mais le principal obstacle demeurait. Quelle pouvait être la cause de ce mouvement

et quelle est la force qui est à l'origine de la dérive des continents? La réponse devait

venir de l'étude des fonds marins.

La carte topographique du fond des océans révèle plusieurs caractéristiques

dont la principale est un réseau de dorsales de 2000 à 4000 m de haut et d'environ

2000 k m de large qui sillonne les océans Atlantique, Indien et Pacifique. Elles c o m ­

portent une vallée axiale analogue à la « rift valley » de l'Afrique orientale. Autre

caractéristique qui ne le cède qu'à la première en importance : des fosses profondes

bordent le nord et l'ouest de l'océan Pacifique au long des îles Aléoutiennes, du

Japon, des Mariannes et des Philippines.

Des mesures géophysiques de toutes sortes effectuées par des navires de

recherche ont permis de déterminer de nombreuses propriétés fondamentales de la

croûte océanique. Des profils de sismique réflexion ont montré que cette croûte est

beaucoup plus mince que la croûte continentale et qu'elle est essentiellement c o m p o ­

sée de roches basaltiques et non de granites. L a couche de sédiments est aussi

étonnamment mince, eu égard à l'âge des océans et au taux de sédimentation

observé, et son épaisseur augmente à mesure qu'on s'éloigne des dorsales. Des

mesures de la gravité ont révélé de fortes anomalies au-dessus des fosses et, à un

moindre degré, des dorsales. Les dorsales médio-océaniques sont également appa­

rues c o m m e des régions où le flux thermique est anormalement élevé, ce qui est un

signe d'activité volcanique. Toutes ces observations ont conduit à la formulation de

l'hypothèse de l'expansion des fonds océaniques3 dans un article que son auteur

qualifiait lui-même d'essai en géopoésie. Selon cette hypothèse, les dorsales médio-

océaniques sont des zones d'accrétion où le fond de l'océan est constamment renou­

velé par la remontée de matériaux du manteau. C e nouveau fond s'éloigne ensuite

des dorsales volcaniques et traverse les bassins océaniques. Parvenu au niveau des

fosses, il plonge et est résorbé dans le manteau, entraînant les sédiments déposés au

cours de son voyage à travers l'océan. O n pense que le fond des océans se déplace

constamment à la surface de la Terre et se recycle par apport du manteau en moins

de 200 millions d'années. Ce modèle a été confirmé par la répartition planétaire des

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José Achoche

tremblements de terre établie au début des années 60 (figure 4). Elle montre que la grande majorité des séismes se produisent le long des dorsales et des fosses, et que près de ces dernières, ils sont beaucoup plus violents et situés plus loin à l'intérieur du manteau (jusqu'à 700 k m ) .

La lacune qui subsistait dans la théorie de Wegener pouvait alors être facile­ment comblée. Les continents, au lieu de dériver sur le manteau sous-jacent, sont entraînés par le mouvement d'une couche superficielle relativement épaisse compre­nant la croûte, tant des océans que des continents, et la partie supérieure du m a n ­teau4. Cette couche, appelée lithosphère, se forme à l'endroit des dorsales médio-océaniques où les matériaux du manteau remontent, puis se refroidissent et se solidifient, et dérive ensuite à la surface de la Terre pour finir par replonger dans le manteau le long des fosses. E n fait, dès 1931, H o l m e s 5 avait soutenu que la dérive des continents était associée à la convection du manteau et était donc due à des forces thermiques. D e fait, le manteau terrestre est chauffé par la désintégration d'isotopes radioactifs (de l'uranium, du thorium et du potassium). Etant donné que la température augmente avec la profondeur dans le manteau, les roches chaudes profondes présentent une instabilité gravitationnelle par rapport aux roches plus froides et plus denses proches de la surface. Il en résulte un mouvement de convec­tion où les roches froides descendent dans les profondeurs du manteau et où les roches chaudes montent vers la surface. C e comportement, qui, sur de longues périodes, est analogue à celui d'un fluide, est longtemps demeuré une énigme car il ne fait pas l'ombre d'un doute que le manteau est à l'état solide.

La preuve la plus convaincante de l'expansion des fonds océaniques est fournie par les anomalies magnétiques observées dans les océans6. Les roches basaltiques de

Figure 4 Epicentres d'environ 30000 tremblements de terre enregistrés au cours des années 1961-1967. Profondeur de foyer de 0 à 700 k m . Epicentres définis par le U.S. Coast and Geodetic Survey. Etabli sur ordinateur par M . Baranzangi et J. Dormán, Université Columbia. A comparer avec la figure 5.

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Tectonique des plaques

75" 90' 105" 120" 135" 150" 165" 180" 1C5" 150" 135" 120" 105" 90" 75" 60" 45" 30" 15" 0" 15" 30" 45" 60' 75" 90*

Figure 5 Répartition des principales plaques lithosphériques. D'après Turcotte et Schubert (1982).

la croûte océanique sont riches en minéraux ferromagnétiques et peuvent donc s'aimanter fortement. A u niveau des centres d'expansion, le basalte se refroidit dans le c h a m p magnétique ambiant et s'aimante dans la direction parallèle à ce c h a m p . Ainsi, la direction du c h a m p au cours d'une période donnée est « gelée » dans la portion de la croûte créée durant cette période. Etant donné que la croûte océanique se renouvelle constamment, son aimantation changera si cette direction change (en particulier si elle s'inverse), les fonds marins enregistrant, c o m m e une bande magné­tique, l'évolution du c h a m p magnétique terrestre, ou autrement dit ses inversions de polarité successives. E n révélant systématiquement la m ê m e succession d'inversions du c h a m p magnétique, les profils des anomalies magnétiques recueillis dans les océans confirment que de telles inversions ont bien eu lieu (ce qui n'était pas évident) et qu'une expansion symétrique des fonds marins se produit de part et d'autre des dorsales. E n outre, étant donné que les inversions du c h a m p peuvent être datées en analysant les colonnes de sédiments, on dispose ainsi d'un m o y e n de mesurer le rythme de l'expansion océanique.

La tectonique des plaques : un modèle unificateur

Selon la théorie de la tectonique des plaques789- la couche externe de la Terre, la lithosphère, est composée de treize plaques rigides contiguës, minces, mobiles les unes par rapport aux autres, avec des vitesses de l'ordre de quelques centimètres par an (figure 5). Le principe fondamental de cette nouvelle théorie est que la lithosphère est rigide et donc que le mouvement de chaque plaque obéit à des lois géométriques simples. U n e fois déterminés les paramètres de ce mouvement (ce qui n'implique qu'un très petit nombre de mesures), on peut prévoir les déplacements relatifs des plaques en n'importe quel point de leurs frontières. E n outre, cette propriété expli­que que toute l'activité tectonique observable sur notre planète - la majorité des tremblements de terre, des éruptions volcaniques et des mouvements orogéniques -

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se produise aux frontières de plaques. Des études sismiques ont révélé l'existence

d'une couche de fusion partielle dans le manteau, située immédiatement sous la

lithosphère. Cette couche, appelée asthénosphère, autorise le mouvement de la litho­

sphère sur le manteau inférieur solide.

Une nouvelle conception de la Terre

Formées au niveau des dorsales, les frontières d'accrétion, les plaques convergent au niveau des fosses où l'une d'elles plonge dans le manteau selon un processus appelé subduction. Dans certains cas, deux plaques peuvent glisser l'une contre l'autre sans qu'il y ait divergence ni convergence. La frontière est alors une faille transformante, c o m m e , par exemple, la faille de San Andreas en Californie, qui sépare la plaque Pacifique de la plaque nord-américaine. Plus au nord, la frontière entre ces deux plaques devient une zone de subduction, ce qui illustre le fait que la nature d'une frontière entre deux plaques données dépend de son orientation par rapport au mouvement relatif des plaques.

La majorité des phénomènes catastrophiques se produisant aux frontières de plaques, ils doivent être liés aux processus qui y interviennent. A cet égard, les frontières d'accrétion n'ont pas un grand intérêt car on n'y observe qu'une activité légère et continue. E n outre, les dorsales sont situées au milieu des bassins océani­ques, à l'exception de l'Islande et de la République de Djibouti. Toutefois, leur étude est utile pour la prospection des minéraux. Elles sont en effet le siège de minéralisa­tions importantes associées à l'activité volcanique et hydrothermale (voir l'article de H a m z a ) . Les failles transformantes sont également rares sur les continents. Elles sont associées à une intense activité sismique (le tremblement de terre de 1906 a détruit la ville de San Francisco). D e grandes failles à décrochement horizontal analogues à ces failles transformantes sont observées à l'intérieur de certaines pla­ques continentales, ce qui laisse prévoir un comportement plus complexe de ces plaques (la faille d'Altyn Tagh en Chine, la faille nord-anatolienne en Turquie, etc.) et, c o m m e les failles transformantes, elles peuvent être à l'origine de séismes destruc­teurs.

Les zones de subduction ont tendance à être situées plus près des régions habitées et elles représentent donc une cause majeure d'éruptions volcaniques ou de tremblements de terre dévastateurs. Les frontières de plaques convergentes sont également des lieux où interviennent des processus générateurs de grands gisements minéraux. L'Amérique centrale et l'Amérique du Sud fournissent un exemple typi­que de zone de subduction, à l'endroit où la plaque des Cocos et celle de Nazca plongent sous celles des Caraïbes et de l'Amérique du Sud (figure 5). La fosse du Mexique-Pérou-Chili et les Andes sont les principales caractéristiques topographi­ques associées à cette subduction. Cette zone est également le siège des plus grands séismes jamais enregistrés ainsi que d'éruptions volcaniques meurtrières. Rien qu'en 1986, deux violents tremblements de terre ont frappé Mexico et San Salvador et l'éruption du volcan Nevado del Ruiz a détruit la ville d 'Armero en Colombie. Des tremblements de terre se produisent sur la zone de failles qui sépare la plaque plongeante de la lithosphère qui la chevauche. Des séismes dont le foyer se situe à de plus grandes profondeurs (jusqu'à 700 k m ) sont enregistrés à l'intérieur de la plaque descendante (figure 6). Le long des zones de subduction, le volcanisme a une géomé­trie particulière. Les volcans s'échelonnent régulièrement le long d'une ligne paral-

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Tectonique des plaques

Figure 6 Schéma indiquant les caractéristiques et les activités associées à la subduction c o m m e celle de la chaîne de montagnes des Andes (proportions non respectées). Les tremblements de terre sont indiqués par des étoiles noires.

lèle à la subduction. La distance entre cette ligne et la fosse dépend de l'angle de plongée de la plaque dans le manteau car le processus de fusion qui crée le m a g m a ne peut se produire qu'à une profondeur donnée. L'inclinaison de la plaque en subduc­tion est également liée à la nature des structures tectoniques qui se forment sur le bord avant de la plaque chevauchante. Lorsque l'angle de plongée est faible (infé­rieur à 45°), la zone de subduction est bordée d'une chaîne de montagnes telle que les Andes en Amérique du Sud. Sinon, un bassin marginal se forme entre la fosse et le continent, c o m m e au Japon ou aux Mariannes où l'inclinaison de la plaque dépasse 75° (voir la figure 7 et l'article d 'Abe) .

Le volcanisme s'observe également à l'intérieur des plaques c o m m e par exemple

à H a w a i , qui est située au milieu de la plaque Pacifique (voir figure 5). Morgan 1 0 a

tenté d'expliquer ce volcanisme par l'existence de panaches formés dans le manteau

inférieur qui, en s'élevant, entraîne une fusion partielle près de la surface. Cette

observation bat en brèche le modèle précédemment admis, suivant lequel le manteau

comprendrait de grandes cellules de convection et conduit à envisager qu'elle y

intervient selon au moins deux échelles.

L a tectonique des plaques et l'évaluation des risques sismiques

L'étude de la répartition des tremblements de terre a joué un rôle fondamental dans

la découverte de la tectonique des plaques. O n observe qu'ils sont concentrés au

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José Achoche

Extension Création d ' u n . fossé

Océan

Sédiments plissés

Sédiments .volcaniques

¡^¿fi^^^i^m Fosse

Subduction de la croûte ocánique

Formation de m a g m a par fusion partielle

Fusion partielle du manteau supérieur

Sédiments continentaux

Manteau

Figure 7 Souvent, un bassin marginal se forme derrière des arcs insulaires volcaniques où la croûte océanique plonge sous une marge continentale.

niveau des dorsales médio-océaniques, des failles transformantes et des zones de subduction. D a n s le cas de la subduction, on considère que les hypocentres (ou foyers) des séismes sont situés dans le plan de la plaque plongeante, jusqu'à une profondeur de 700 k m (figure 6).

U n tremblement de terre résulte de la libération soudaine de l'énergie élastique emmagasinée dans la lithosphère par le mouvement continu des plaques. La rupture se produit généralement le long de failles préexistantes lorsque la quantité d'énergie accumulée dépasse le seuil de glissement des roches le long de ces failles. C'est pourquoi la prévision des séismes, en particulier dans les zones continentales, passe, dans un premier temps, par l'établissement d'une carte détaillée de toutes les failles existantes. Il est également important d'essayer de dater le dernier événement qui s'est produit au niveau de chaque faille. E n fait, l'évaluation des risques sismiques repose essentiellement sur l'identification d'une possible organisation spatiale ou temporelle dans la distribution et la fréquence des secousses. Par exemple, on a observé la migration progressive vers l'ouest des epicentres des grands tremblements de terre qui se sont produits le long de la faille nord-anatolienne en Turquie depuis le début de ce siècle. E n outre, ces tremblements de terre sont survenus avec une quasi-périodicité d'une dizaine d'années. L'étude de la répartition de l'activité sismi-que le long des zones de subduction révèle quelquefois que cette activité est considé­rablement réduite dans certaines parties de ces zones, appelées « gaps » sismiques. O n suppose que l'énergie élastique s'y accumule puisqu'elle ne semble pas être libérée par microsismicité. Il y a donc une plus grande probabilité que de violents tremblements de terre s'y produisent.

O n parle plus fréquemment d'évaluation du risque que de prévision car aucune technique ne s'est encore révélée efficace pour prédire les tremblements de terre. Les géophysiciens chinois ont réussi à en prévoir quelques-uns, en particulier le grand

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Tectonique des plaques

tremblement de terre de Hai Cheng (1975), pour lequel un avis d'alerte a été diffusé cinq heures seulement avant la principale secousse. U n e telle prédiction n'a été rendue possible que par la remarquable organisation de la société rurale chinoise où les phénomènes naturels ont pu être efficacement observés et signalés. Mais le trem­blement de terre de Tangshan, qui a eu lieu environ un an plus tard dans une zone urbaine et qui a tué plus de 700000 personnes, n 'a pu être prévu.

Plusieurs propriétés du sol semblent se modifier avant les tremblements de terre et peuvent servir de signes précurseurs. Les fissures et les crevasses des roches s'ouvrent et se dilatent, produisant une déformation locale du terrain sur de grandes distances. Les propriétés électriques du sol également semblent être altérées. Des scientifiques grecs ont constaté, avant des séismes, de fortes variations du signal électrique enregistré dans le sol. Toutefois, aucune relation causale n'a été d é m o n ­trée entre les séismes et ces signes précurseurs. L'eau semble jouer un rôle important dans ces phénomènes. O n a constaté qu'il y avait une corrélation entre le nombre de petits tremblements de terre et la quantité d'eau résiduelle injectée dans le sol au moyen d'un puits profond à Denver (Etats-Unis). L'eau peut faire office de lubri­fiant sur les failles et empêcher ainsi l'emmagasinage d'une grande quantité d'énergie dans le sol, celle-ci étant alors libérée par microsismicité et non sous forme de grands tremblements de terre.

La figure 4 montre qu 'un faible pourcentage des tremblements de terre se produit à l'intérieur des plaques continentales, en particulier dans les régions méditerranéo-alpine et tibéto-himalayenne. Ces tremblements de terre qui, dans certains cas, peuvent être très destructeurs résultent de la collision de deux conti­nents (figure 8). E n raison de sa densité relativement faible, un continent ne peut pas plonger quand il atteint une zone de subduction. E n conséquence, la convergence des deux plaques se traduit par la déformation d'une ou des deux masses continentales jusqu'à ce qu'une position plus favorable (du point de vue énergétique) à la subduc­tion soit atteinte. U n e collision entre deux continents c o m m e l'Inde et l'Eurasie produit une frontière de plaques plus diffuse qu'elle ne le serait dans les océans. Le début de cette collision remonte à une cinquantaine de millions d'années. Et aussi surprenant que cela soit, l'Inde, aujourd'hui, continue d'avancer vers le nord à une vitesse dépassant 2 c m par an. Ce mouvement continu a produit un raccourcissement crustal d'environ 2000 k m de la plaque asiatique. Tapponnier et ses collaborateurs " ont montré que cette convergence entraîne d'importantes déformations loin vers le nord (jusqu'à hauteur du lac Baïkal). D e grandes failles à rejet horizontal qui s'éten­dent sur plusieurs milliers de kilomètres se sont formées en Chine, et de vastes blocs crustaux s'échappent latéralement le long de ces failles, permettant à l'Inde de poursuivre sa dérive vers le nord. Ces failles se sont formées en se propageant à travers une croûte non faillée précédemment. Il est donc très difficile de prévoir les tremblements de terre qui sont liés à ce phénomène.

La tectonique des plaques et les ressources minérales

Avec l'accroissement de la population et l'industrialisation d'un nombre toujours plus élevé de pays, la demande mondiale en ressources minérales ne peut que grossir. E n fait, la consommation de ces ressources augmente plus vite que la population dans tous les pays industrialisés.

La transformation des ressources minérales et la fabrication de produits m a n u -

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José Achoche

Figure 8 Chaîne Zone de

Stades possibles de la collision des plaques : a) Convergence frontale entre u n e plaque de lithosphère continentale et une plaque de lithosphère océanique ; b) Collision de continents, entraînant la formation d'une chaîne de montagnes et d 'une ceinture m a g m a t i q u e et l'épaississement de la croûte continentale. Les m o u v e m e n t s des plaques peuvent s'arrêter à ce stade ; c) Il peut également arriver que la plaque se brise et qu'une nouvelle zone de subduction apparaisse ailleurs. U n e zone de subduction éteinte peut demeurer pour former une chaîne de montagnes à l'intérieur d'un continent (par exemple l'Oural).

facturés nécessitent des quantités d'énergie sans cesse plus considérables. Contraire­m e n t a u x ressources minérales qui ne sont q u e recyclées et dispersées à la surface de la terre par l'activité h u m a i n e , l'énergie est, d ' o ù qu'elle provienne (bois, c h a r b o n , pétrole, géothermie , nucléaire), irrémédiablement p e r d u e p o u r l'univers u n e fois utilisée.

L ' h o m m e extrait les ressources minérales d u sol depuis des siècles et cette activité a pris u n e a m p l e u r impress ionnante avec le t e m p s . D e ce fait, la plus grande partie d e la surface des continents a été explorée par les géologues et la plupart des gisements affleurant à la surface ont p r o b a b l e m e n t été découverts. L'exploration future devra d o n c s'orienter vers les zones plus éloignées et m o i n s accessibles c o m m e les fonds mar ins , les continents polaires, la croûte p r o f o n d e et, plus tard, les autres planètes. Cette t endance est confirmée par l'accent m i s aujourd'hui sur l'exploration océan ique et polaire et sur l'établissement de profils sismiques d a n s la croûte p r o ­fonde des continents par des consort iums placés sous le d o u b l e parrainage d 'orga­nismes scientifiques et industriels ( C O C O R P aux Etats-Unis et E C O R S en France). Dans ce contexte, les méthodes géologiques se périmeront progressivement et seront remplacées par des techniques d'exploration et des concepts appartenant à la géophysique et à la géochimie. Tout d'abord, il sera nécessaire de mieux comprendre

volcanique subduction

Chaîne de montagnes

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Tectonique des plaques

les processus internes qui sont à l'origine de la minéralisation. Afin de mieux locali­ser les gisements, il sera primordial de connaître avec précision la relation entre la tectonique des plaques et le dépôt des minéraux.

L'exploitation de ces gisements deviendra également plus coûteuse et l'activité minière future, en mer c o m m e sur les continents, nécessitera toujours plus d'énergie. Ce facteur, associé à l'industrialisation rapide des pays en développement, accroîtra la demande d'énergie. L'intérêt stratégique de nouvelles activités de recherche de pétrole risque donc d'être mis en évidence dans un proche avenir.

La formation du pétrole

La formation et l'accumulation du pétrole impliquent une succession déterminée d'événements et supposent que des conditions précises soient réunies. D e grandes quantités de matière organique doivent d'abord être produites et emmagasinées dans un milieu dépourvu d'oxygène, puis enfouies sous des sédiments où elles pourront rester piégées. Il convient donc que le milieu ne soit pas soumis à de fortes déforma­tions tectoniques qui provoqueraient la fuite ou l'altération des huiles en cours de formation stockées dans des sédiments poreux. Bien que ces conditions soient rigou­reuses, elles se trouvent toutes remplies dans l'ordre qui convient pour deux types classiques de formations qui résultent l'une et l'autre du mouvement des plaques12: les bassins marginaux et les marges passives des continents.

Lorsque la subduction se produit le long de la marge d'un continent et que l'angle de plongée est suffisamment ouvert, une mer marginale se forme derrière l'arc dessiné par la chaîne de volcans (voir ci-dessus et figure 7). Ces bassins sont particu­lièrement développés le long de la côte est de l'Asie : mer de Bering, mer d'Okhotsk, mer du Japon, mer Jaune, mer de Chine orientale et mer de Chine méridionale. Ce genre de milieu est favorable à l'accumulation et à la maturation du pétrole, puisque la matière organique est piégée derrière l'arc insulaire et que la fosse, en détournant la circulation océanique profonde, empêche l'oxydation. Le taux de sédimentation étant très élevé dans ces bassins, la matière organique déposée est facilement piégée. Enfin, les forces tectoniques d'extension ne produisent que des plissements mineurs qui, associés aux couches de sel, peuvent créer des conditions propices à l'emmagasi­nage du pétrole au cours des temps géologiques.

Des conditions analogues sont créées lors de la formation des marges passives, ou autrement dit des premiers stades de la fragmentation d'un continent. U n océan étroit et peu profond se constitue entre les deux masses continentales qui se séparent à la suite de la phase initiale de fracturation (voir figure 9). U n e intense sédimenta­tion terrigène se produit et les principales forces tectoniques sont des forces d'exten­sion. La subsidence progressive des marges favorise la constitution de dépôts de sel qui fournissent des pièges efficaces pour les formations de pétrole.

Minéraux

Les gisements minéraux hydrothermaux, et en particulier les sulfures, représentent une proportion importante des minerais métalliques connus. La répartition de ces gisements à la surface de la terre est étroitement liée aux frontières de plaques. E n fait, la plupart des sulfures sont situés le long de frontières de plaques convergentes actives ou qui l'ont été (voir figures 7 et 9). M ê m e des gisements aurifères sont

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José Achoche

-»Mer atlantiques-

Plaque américaine » - - ^ Plaque africaine

Océan Atlantique *»

c Dorsale médio-Atlantique

Figure 9 Accumulation de gisements minéraux et de pétrole au niveau des frontières de plaques : exemple de l'Atlantique Sud. a) La Pangée se divise en deux continents (l'Afrique et l'Amérique du Sud) au niveau d'une frontière de plaque divergente. b) Sous l'action de l'expansion des fonds océaniques, l'Amérique du Sud s'éloigne. Des couches épaisses de sel g e m m e , de matières organiques et de minéraux métalliques (qui conduisent à la formation de pétrole) s'accumulent dans la mer Atlantique, c) L'expansion à partir de la dorsale médio-atlantique se poursuit, transformant la mer en océan. Les minéraux métalliques continuent de s'accumuler aux alentours de la dorsale. Le sel provenant des couches épaisses de sel g e m m e enfouies sous les sédiments des marges continentales constitue de vastes dômes qui piègent le pétrole et le gaz naturel produits par la matière organique.

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Tectonique des plaques

souvent découverts avec des sulfures dans des zones de convergence éteintes. C o m m e

le montre l'exemple de la mer Rouge, où de riches gisements métalliques sous-marins

ont été découverts, les dorsales médio-océaniques et les bassins océaniques sont

également le siège d'une minéralisation importante (voir figures 7 et 9). Il semble que

la concentration au niveau des dorsales de métaux extraits de matériaux du manteau

est due à des processus hydrothermaux. Les sédiments déposés près des centres

d'expansion actifs sont ensuite enrichis de fer, de manganèse, de cuivre, de nickel, de

plomb, de cobalt, d'uranium, de chrome, de mercure, de vanadium, de cadmium et

de bismuth. Outre les célèbres nodules polymétalliques, on trouve aussi du cuivre et

du manganèse purs dans la croûte océanique. Lorsqu'un océan se ferme, au cours de la collision de deux masses continentales,

c o m m e sur la figure 8, de petits fragments de lithosphère océanique peuvent se trouver coincés entre les continents selon un processus appelé obduction. Ces écailles de lithosphère océanique déposées au-dessus de la croûte continentale le long des zones de suture sont appelées ophiolites. La découverte de ces ophiolites a eu une importance fondamentale pour l'étude de la structure de la lithosphère océanique et pour la compréhension des processus qui interviennent au niveau des dorsales. Naturellement, les ophiolites contiennent tous les gisements minéraux caractéris­tiques de la croûte océanique, mais les opérations d'extraction sont beaucoup plus faciles car elles sont toujours situées sur des continents.

U n grand nombre de ces zones de suture et des séquences ophiolitiques qui leur sont associées se trouvent en Asie du Sud-Est (voir l'article de Hutchison). C'est une conséquence de la structure en mosaïque de ce continent, qui semble être constitué de plusieurs blocs continentaux juxtaposés d'origine différente qui sont entrés en collision avec l'Asie et se sont ensuite soudés à elle au cours des 200 derniers millions d'années. L'étude de la dérive passée des continents, discipline connue sous le n o m de paléogéographie, nous permet de déterminer quelle a été la position des conti­nents et des zones de convergence éteintes, et donc de localiser les séquences ophioli­tiques, ce qui constitue un autre indice pour la prospection des minéraux dans les régions continentales. Les meilleurs exemples connus de ces ophiolites sont fournis par le massif du Troodos à Chypre et la série d ' O m a n , mais elles semblent être largement répandues sur l'ensemble des continents.

Conclusion : coup d'œil sur l'avenir

C o m m e le montre la première partie du présent article, la connaissance que nous avons de notre planète a progressé à mesure que la technologie se perfectionnait. Des instruments plus précis ont permis de découvrir de nouveaux phénomènes qui ont stimulé la recherche scientifique.

Mais la Terre étant le siège de conflits entre les nations, son observation est devenue une nécessité stratégique. D e nombreux éléments qui ont fait progresser l'élaboration de la théorie de la tectonique des plaques sont dus à des observations effectuées à des fins stratégiques. D e vastes opérations de bathymétrie ont été entre­prises au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, au cours de laquelle les forces et les navires alliés avaient été constamment attaqués par des sous-marins ennemis. Le rôle prépondérant de ces engins dans les conflits modernes avait ainsi été mis en évidence et les travaux visant à déterminer avec précision la profondeur des fonds marins s'étaient trouvés stimulés. Puis, au début des années 60, les Etats-Unis et

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José Achoche

l ' U R S S ont c o m m e n c é à constituer d'énormes arsenaux nucléaires et ont engagé des négociations sur la limitation des armements. Afin de déceler les expériences nucléaires et en particulier les essais souterrains, les deux pays ont dû mettre au point des sismomètres très sensibles. Ces instruments ont permis d'établir la carte de la répartition mondiale des tremblements de terre, qui a contribué à la découverte des différents types de frontières de plaques.

Le programme de forages océaniques profonds ( D S D P ) a également constitué une source majeure d'information sur la structure de la croûte océanique. L a construction d 'un navire remarquable, le Glotnar Challenger, a permis de le mettre en œuvre. Grâce à lui, on a pu forer la croûte sur plusieurs kilomètres de profondeur au milieu des bassins océaniques et obtenir des carottes qui ont été analysées en laboratoire, opération qui a nécessité un moyen remarquablement précis de mainte­nir la position du navire. C e navire avait été originellement financé et construit à l'initiative du millionnaire H o w a r d Hughes pour essayer de retrouver un sous-marin soviétique qui avait sombré dans l'océan Atlantique et gisait par 5000 mètres de fond.

Aujourd'hui, avec le développement des satellites de télédétection, l'observation de la terre revêt une importance encore plus stratégique, tant du point de vue militaire que du point de vue économique. Les techniques spatiales constituent également un outil unique d'observation des phénomènes naturels à l'échelle plané­taire. Elles ont déjà permis aux sciences de la terre d'accomplir des progrès décisifs. E n outre, avec la politique internationale de libre accès à toutes les données recueil­lies depuis l'espace, la télédétection devrait se traduire par d'importants avantages pour toutes les nations, m ê m e celles qui ne disposent pas de leur propre potentiel spatial, et devenir prochainement une technique puissante de recherche fondamen­tale, de prospection des ressources minérales et de surveillance des catastrophes naturelles d'origine météorogolique ou interne. •

Notes

1. Wegener, A . The Origins of Continents and Oceans. Londres, Methuen, 1924. 2. Runcorn, S .K. Continental Drift. N e w York, Academic Press, 1962. 3. Hess, H . H . History of Ocean Basins. Engel, A.E.J. ; James, H . L . ; Leonard, B .F . (dir.

publ.). Petrologic Studies: a Volume in honor of A.F. Buddington. Boulder, Geological Society of America, 1962.

4. Dietz, R .S . Continent and Ocean Basin Evolution by Spreading of the Sea-Floor. Nature. vol. 190, 1961, p. 854-857.

5. Holmes, A . Principles of Physical Geology. Londres, Nelson, 1945. 6. Vine, F.J. ; Matthews, D . M . Magnetic Anomalies over Oceanic Ridges. Nature, vol. 199,

1963, p. 947-949. 7. McKenzie, D . P . ; Parker, R . L . The North-Pacific: an Example of Tectonics on a Sphere.

Nature, vol. 216, 1967, p. 1276-1280. 8. Morgan, W . J . Rises, Trenches, Great Faults, and Crustal Blocks. Journal of Geophysical

Research, vol. 73, 1968, p. 1959-1982. 9. Le Pichón, X . Sea-Floor Spreading and Continental Drift. Journal of Geophysical

Research, vol. 73, 1968, p. 3661-3697. 10. Morgan, W . J . Deep Mantle Convection Plumes and Plate Motions. American Association

of Petroleum Geologists bulletin, vol.56, 1972, p. 203-213.

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Tectonique des plaques

11. Tapponnier, P. ; Peltzer, F . ; Le Dain, A . Y . ; Armijo, R . ; Cobbold, P. Propagating Extru­sion Tectonics in Asia, N e w Insights from Simple Experiments with Plasticine. Geology. vol. 10, 1982, p. 611-616.

12. Rona, P . A . Plate Tectonics and Mineral Resources. Scientific American. 1943, p. 86-95.

Pour approfondir le sujet

ALLEGRE, C.J. L'écume de la terre. Paris, Fayard, 1982. P R E S S , F . ; S IEVER, R. Earth. San Francisco, W . H . Freeman, 1978. T U R C O T T E , D . L . et S C H U B E R T , G . Geodynamics. N e w York, John Wiley, 1982. UYEDA, S. The New View of the Earth. San Francisco, W . H . Freeman, 1978.

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Page 24: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Flux de chaleur de la Terre et ressources géothermiques

Valiya M . Hamza

Les très puissantes sources d'énergie présentes dans ¡es profondeurs de notre planète donnent naissance dans les couches de surface à d'importants flux de chaleur. Dans certaines conditions, ces flux peuvent aboutir à la formation de réservoirs d'énergie thermique à l'intérieur de ¡a Terre et jouer un rôle non négligeable dans les transports de minéraux de d'hydrocarbures et la formation des gisements. La connaissance du régime thermique du globe sera sans doute déterminante pour l'avenir de l'exploration et de l'exploitation des ressources énergétiques et minérales.

Le spectacle d'une fleur fanée inspirait à K u m a r a n Ashan, poète du Kerala, cette lamentation :

Ton sort d'aujourd'hui Sera demain le nôtre Car si l'on y songe Rien n'est immuable Même les hautes montagnes Et les mers profondes Quelque jour périssent.

Ainsi le poète, plusieurs décennies avant que soient formulées les théories modernes de l'expansion des fonds marins et de la tectonique des plaques, se consolait-il du destin tragique d'une fleur en évoquant l'une des caractéristiques originales de notre planète : le perpétuel rajeunissement de son relief de surface. D e récentes études des planètes réalisées à l'aide de sondes d'exploration de l'espace lointain ont montré qu'à la différence d'autres planètes telluriques du système solaire, la Terre est actuel­lement une planète en activité. Les recherches géologiques mondiales confirment qu'au cours des 3,5 milliards d'années pour lesquels nous disposons de données géologiques, cette activité interne a modifié les formations rocheuses superficielles.

Valiya M . H a m z a dirige actuellement le Laboratoire géothermal de l'Institut de recherche technologique du gouvernement de l'Etat de Sâo Paulo, Brésil, dont il est également le coordonnateur de la recherche. D e 1974 à 1981 il a occupé le poste de professeur associé à l'Université de Sâo Paulo, et, auparavant, a fait des études en Inde et au Canada . L'auteur s'intéresse à la géothermie, à la maturation thermale des hydrocarbures, au contrôle de la chaleur dans les mines souterraines et à l'aspect thermique du stockage souterrain des déchets nucléaires. O n peut le contacter par l'intermédiaire de Institute of Geosciences, Université de Sâo Paulo, Caixa Postal 20889, 05508 Sâo Paulo, Brésil.

25 Impact : science et société. n° 145, 25-38

Page 25: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Valiya M. Hamza

Si certaines des caractéristiques de la surface de la Terre résultent à l'évidence d'interactions avec l'hydrosphère et l'atmosphère, il n'est pas douteux que sa m o r ­phologie à grande échelle est liée aux processus qui se déroulent dans ses profon­deurs.

Bien que l'on connaisse très mal la nature des forces à l'œuvre à l'intérieur du globe, il est évident que l'énergie qu'elles requièrent suppose l'existence de très puissantes sources énergétiques, capables d'agir pendant des milliards d'années. O n en a envisagé plusieurs mais, à l'heure actuelle, la plupart des spécialistes des sciences de la terre admettent que la chaleur d'origine radioactive produite à l'intérieur de la Terre depuis sa constitution en corps planétaire solide contribue dans une mesure importante à son bilan énergétique. Toutes les roches contiennent de faibles concen­trations d'éléments radioactifs naturels, qui sont principalement l'uranium, le tho­rium et le potassium. A u cours de la désintégration radioactive de ces éléments, une partie de leur masse est convertie en énergie, laquelle, pour l'essentiel, se transforme finalement en chaleur. Si la quantité d'énergie thermique produite par la désintégra­tion radioactive par unité de masse de roche c o m m u n e est faible, la quantité globale dégagée sur de longues périodes peut être très importante. Celle que peut libérer en l'espace d'une année un kilomètre cube de roche de type granitique, par exemple, représente en moyenne l'équivalent de près de 900 gigajoules (21 milliards de calo­ries). Il est raisonnable de supposer que le dégagement d'aussi importantes quantités de chaleur au fil de périodes géologiques de l'ordre de milliards d'années peut produire des températures élevées à l'intérieur de la Terre et entraîner la formation d'un important flux thermique en direction de la surface. Si le taux de déperdition thermique superficielle est moindre que le taux de production de chaleur, l'élévation continue de la température provoquera des phénomènes de fusion et déclenchera finalement une convection thermique. La question vient naturellement à l'esprit de savoir si la Terre a connu pareil processus d'échauffement interne. L a connaissance que nous avons de l'histoire thermique de la Terre est, certes, rudimentaire mais l'examen de sa structure interne actuelle, telle que nous pouvons la déduire des

lithosphériques

Figure 1

Représentation schématique de la structure interne de la Terre et températures inférées.

1000

\ Profondeur

(km) Température (°C)

6 370 >4 000

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Page 26: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Flux de chaleur de la Terre et ressources géothermiques

données géophysiques et géologiques dont nous disposons, livre, dans ce domaine,

bien des renseignements. L'étude sommaire de cette structure, représentée schémati-

quement dans la figure 1, suffit à se convaincre que la Terre est bien une planète

chaude, dont la température, en son centre, excède 4000° C . L'importance de l'acti­

vité volcanique et des écoulements de lave atteste directement l'existence de tempéra­

tures élevées à des profondeurs relativement faibles. Les études sismiques montrent

que certaines couches internes, constituant près de 15 % du volume du globe terres­

tre, sont faites de matière fondue à l'état liquide. Les recherches géomagnétiques

révèlent que le champ magnétique de la terre naît dans ce noyau liquide, résultant

probablement des mouvements circulatoires de fluides conducteurs qu'engendre une

convection thermique active.

Entre la couche relativement froide de la surface terrestre et le noyau liquide en

fusion se situe le manteau, où les températures varient entre 1000 et 3000°C. Quel

type de mouvements peut-on escompter y trouver? D'après les sismologues, le m a n ­

teau se comporte c o m m e un solide pour ce qui est de la propagation des ondes

sismiques. D ' u n autre côté, les études géophysiques concernant la réponse du m a n ­

teau aux variations de charge superficielles sur de longues périodes montrent qu'il

est incapable de soutenir des variations de contrainte sur des périodes supérieures à

1000 ans. D e récentes recherches en laboratoire ont apporté de précieux éléments

d'explication de ce comportement apparemment étrange. A hautes températures, la

résistance mécanique du manteau se trouve réduite au point qu'il réagit c o m m e un

solide aux variations de contrainte de courtes périodes, alors que son comportement

à long terme est plutôt, en réalité, celui d'un fluide très visqueux. La simple logique

amène à conclure que, dans ces conditions, ses mouvements internes ne peuvent être

que relativement lents mais qu 'un effet d'entraînement considérable dû à la viscosité

s'exerce sur les couches limites qui le confinent. O n peut supposer que cet effet

d'entraînement se fait plus fortement sentir sur la couche supérieure froide, laquelle

pourrait être poussée latéralement ou vers le haut, ou encore attirée vers le bas par

les mouvements de l'intérieur du manteau. C'est là la base de la théorie de la

tectonique des plaques, selon laquelle l'enveloppe la plus externe de la Terre, ou

lithosphère, peut être considérée c o m m e formée de plusieurs plaques rigides dont les

mouvements sont dans une grande mesure déterminés par les processus dynamiques

qui interviennent à l'intérieur du manteau sous-jacent. La chaleur et la température

influençant fortement les caractéristiques de ces mouvements, la mesure du flux

thermique qui traverse la lithosphère devrait apporter d'importants éléments d'in­

formation sur la nature des processus qui se déroulent dans les profondeurs de la

Terre.

Nature du flux géothermique

La quantité globale d'énergie thermique emmagasinée à l'intérieur du globe est

considérable; une estimation approximative la situerait à environ 12 «teraquads » '

(à peu près 3 X 1 0 3 0 calories). Toutefois, les roches crustales, faiblement conduc­

trices, font office de couverture thermique et ne permettent qu'à une fraction infime

de cette énergie, estimée à 1100 « quads » par an, de s'échapper vers la surface.

L'étude de la nature et des caractéristiques de ce flux thermique ainsi que de ses

variations dans l'espace et dans le temps peut néanmoins jeter quelque lumière sur

les processus thermiques qui se déroulent à l'intérieur de la planète ainsi que sur les

27

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Valiya M. Hamza

interactions de ce flux avec l'écorce extérieure passive sur laquelle nous vivons. Cette étude constitue la géothermie, branche encore jeune mais néanmoins passionnante des sciences de la terre, qui traite des problèmes du flux thermique terrestre et de l'état thermique de l'intérieur du globe. L'histoire de la géothermie est relativement brève : les premières recherches scientifiques dans ce domaine ne remontent qu'au XVIIe siècle, époque où la révolution industrielle qui s'amorçait dans le m o n d e occi­dental a accru la demande de ressources naturelles, incitant les sociétés de prospec­tion minière à mettre en exploitation les gisements souterrains. C'est l'environnement thermique hostile rencontré dans les puits de mine profonds qui a motivé les premières recherches sur la nature du flux géothermique. Ces recherches, conduites initialement dans les houillères, sont cependant restées infructueuses tant en raison de la difficulté de concevoir des techniques de mesure satisfaisantes que faute d'une bonne compréhension de la nature physique de la chaleur. Malgré ces difficultés, certains des premiers chercheurs sont parvenus à se faire une idée relati­vement juste des caractéristiques thermiques de la Terre. A cet égard, les lignes ci-après, écrites en 1671 par Robert Boyle dans son étude des origines de la chaleur terrestre, sont particulièrement remarquables :

« J'ajouterai, à titre de conjecture, que l'origine effective de la chaleur elle-même réside peut-être dans les parties profondes de la région souterraine, situées en des­sous des lieux jusqu'où l ' h o m m e a déjà eu l'occasion et la capacité de creuser. Car il m e semble probable que dans ces entrailles encore inviolées de la Terre se trouvent de grandes réserves soit de feu proprement dit, soit de chaleur extrême, ou (dans certaines régions) de l'un et de l'autre, et qu'à partir de ces gîtes (si je puis les appeler ainsi) ou magasins de chaleur souterraine cette qualité se c o m m u n i q u e aux régions moins profondes de la Terre, en particulier par les cheminées, fissures, fibres ou autres voies souterraines ou encore par propagation de la chaleur à travers la subs­tance des couches de sol interposées...

Et nous s o m m e s encore bien plus loin de connaître avec certitude la tempéra­ture des régions les plus intimes et (si je puis dire) les plus centrales de la Terre, dont nous ne savons si leur solidité est continue ou si elles renferment de vastes étendues de matière fluide... »

Les premières études scientifiques systématiques du flux thermique terrestre ont été entreprises au début du XIXe siècle, mais il a fallu attendre ces dernières décennies pour assister à un effort collectif de recherche au niveau mondial dans ce domaine. Les récentes compilations des données publiées montrent que des mesures du flux thermique ont été effectuées en plus de 5000 points de la surface du globe. M ê m e si de vastes zones échappent encore à l'étude, les données déjà disponibles, qui sont récapitulées dans le tableau 1, mettent en évidence certaines caractéristiques impor­tantes du flux géothermique.

Le point le plus remarquable que l'on observe est que la chaleur des profon­deurs de la Terre s'échappe à un rythme plus rapide par le plancher océanique que par la surface des continents, l'écart par rapport à la m o y e n n e calculée pour les régions continentales atteignant près de 40 %. N o u s pouvons donc affirmer qu'il se dissipe davantage de chaleur dans l'hémisphère Sud que dans l'hémisphère Nord. Autre caractéristique intéressante, le flux de chaleur n'est pas uniforme sur l'ensem­ble de la surface du globe. D a n s les régions continentales, les zones géologiques jeunes, qui présentent une activité tectonique, se caractérisent par un flux thermique plus élevé que celui qu'on observe dans les zones plus anciennes et sans activité

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Flux de chaleur de la Terre et ressources géothermiques

Tableau 1 Récapituation des mesures du flux thermique et estimations de la dissipation thermique dans les régions continentales et océaniques (d'après Sclater et al., 1980)

Flux thermique moyen Dissipation Régions Superficie thermique

m W / m 2 cal/mVjour (106km2) (10'cal/s)

a) Continentales

Afrique et Madagascar 49 1028 37,8 448 Amérique du Sud 53 1089 22,3 282 Amérique du Nord 54 1123 33,9 442 Australasie 64 1313 18,8 286 Antarctique 54 1123 17,6 229 Europe et Asie 60 1244 71,1 1024

Tous continents 57 1184 201,5 2711

b) Océaniques

Pacifique Nord 95 1970 62,5 1425 Pacifique Sud 77 1598 76,7 1419 Océan Indien 83 1719 69,5 1383 Atlantique Nord 67 1391 36,1 581 Atlantique Sud 59 1218 36,9 520 Bassins marginaux 71 1469 26,9 457

Tous océans 78 1616 308,6 5771

c) Monde 70 1443 510,1 8519

tectonique. D e m ê m e , dans les régions océaniques, le flux thermique observé est élevé dans les zones de dorsales médio-océaniques, et faible dans les bassins anciens et les zones de fosses océaniques. L'analyse détaillée des données m o n t r e qu'en fait le flux thermique décroît systématiquement avec l'âge géologique que ce soit dans les régions océaniques ou dans les régions continentales ; cette constatation est d'une grande importance pour la compréhension de la nature des p h é n o m è n e s thermiques profonds. V o y o n s c o m m e n t elle s'accorde avec le modèle d y n a m i q u e actuel de la Terre.

Selon la théorie de la tectonique des plaques, les dorsales océaniques sont des zones de circulation ascendante, les fosses océaniques des zones de circulation des­cendante et les régions intermédiaires des zones de circulation latérale à l'intérieur d u manteau . D a n s les zones dorsales, le m a g m a remontant des profondeurs se refroidit et se solidifie au contact de l'eau de m e r , formant une couche limite superfi­cielle rigide. A mesure q u e la circulation latérale l'éloigné de la dorsale, cette couche se refroidit et, en se solidifiant progressivement de haut en bas, s'épaissit. D a n s les zones de fosses, cette couche superficielle rigide subit u n entraînement vers le bas qui la r a m è n e à l'intérieur d u manteau . O n constate que la distribution observée des valeurs élevées, intermédiaires et faibles d u flux thermique concorde de manière étonnante avec le modèle thermique prédit par la théorie de la tectonique des pla­ques. E n fait, le modèle de la tectonique des plaques et la répartition observée de ces valeurs d u flux thermique nous permettent de reconstituer la distribution des tempé-

29

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120 r

Figure 2 Distribution idéalisée des flux thermiques de surface et des températures lithosphériques résultant d'une cellule de convection du manteau.

ratures dans la lithosphère et dans le manteau sous-jacent. O n trouvera à la figure 2 un exemple de distribution idéalisée des températures dans les parties ascendante et descendante d'une cellule de convection du manteau. C e modèle présente deux particularités intéressantes : les panaches que forment les isothermes de haute tempé­rature au-dessous des zones de dorsales et, au-dessous des zones de fosses, la plongée brutale des isothermes de basse température dans les profondeurs du manteau.

U n e autre observation intéressante qui se dégage des récentes études géothermi­ques est que les mécanismes de dissipation de la chaleur sont plus diversifiés dans les zones jeunes présentant une activité tectonique, que dans les zones plus anciennes et stables, m ê m e si la conduction reste le m o d e prépondérant et le plus fréquent de transfert thermique. O n constate que, dans les zones où l'afflux de chaleur des profondeurs est important, la conduction ne suffit pas à sa dissipation, et que d'autres mécanismes entrent enjeu. Les éruptions volcaniques et les coulées de lave sont des manifestations spectaculaires du transport de chaleur associé à un écoule­ment massique tandis que les fumeroles, sources de vapeur, geysers et sources ther­males sont des exemples de l'expression superficielle du flux géothermique associé à des écoulements fluides. D a n s de nombreuses régions, l'écoulement fluide induit par une convection thermique active transporte d'importantes quantités de chaleur mais

30

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Flux de chaleur de la Terre et ressources géothermiques

les manifestations superficielles de ce transport sont limitées par la présence d'une couverture rocheuse imperméable. D a n s certaines régions telles que les massifs cris­tallins fissurés et les bassins sédimentaires, les écoulements d'eau souterraine résul­tant de la topographie peuvent transporter et redistribuer la chaleur sur de vastes superficies.

Il est clair que pour dresser un tableau réaliste de la dissipation thermique sur l'ensemble du globe, il convient de prendre en considération l'incidence relative de chacun de ces mécanismes de transport de chaleur et l'étendue de leurs zones d'in­fluence respectives. L a tâche n'est pas facile car, dans beaucoup de régions, l'infor­mation nécessaire fait défaut et l'on est contraint de recourir à des estimations subjectives. O n peut néanmoins se faire une idée approximative de la perte globale de chaleur de la Terre, en rapprochant les données relatives au flux thermique par conduction de celles qu 'on possède sur les caractéristiques géologiques et géophysi­ques pertinentes des régions continentales et océaniques. U n e démonstration de cet exercice est faite dans la figure 3 : la surface terrestre y est divisée en zones de flux géothermique élevé, m o y e n et faible. D a n s les zones de flux thermique élevé, qui sont surtout les zones de dorsales des régions océaniques et les zones jeunes des régions continentales manifestant une activité tectonique, l'énergie thermique se dissipe à la fois par convection et par conduction. Les zones de flux thermique m o y e n sont surtout les bassins sédimentaires, où l'amincissement de la croûte faiblement conductrice permet une dissipation de chaleur supérieure à la normale mais où la redistribution de la chaleur par advection influe sur la répartition du flux thermique dû à la conduction. Restent enfin les zones tectoniquement stables du Précambrien, où le flux thermique est faible et où la conduction est le m o d e dominant de transmis­sion de la chaleur.

Figure 3

Configuration approximative des principales zones de dissipation thermique dans le monde , sur la base de la répartition des flux thermiques par conduction et des caractéristiques géologiques.

Zones de dissipation thermique

Forte (>80 m w / m 2 )

F I Moyenne (60-80 m w / m 2 )

• Faible (<60 m w / m 2 )

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Examinons maintenant quelques-unes des conséquences du cheminement du flux thermique à travers les couches crustales. La chaleur et la température influent fortement sur le comportement mécanique de ces couches. Sous l'effet des contraintes tectoniques, les zones de basse température de la croûte ont un compor­tement fragile, tandis que celles de haute température peuvent se déformer de façon ductile. Il en résulte que, dans des environnements tectoniques comparables, le risque sismique est relativement plus faible dans les zones de haute température de la croûte que dans les zones de basse température.

Dans certaines régions où les conditions sont favorables, la circulation de la chaleur peut aboutir à la formation de réservoirs d'énergie thermique. Lorsque ces réservoirs sont situés dans les couches proches de la surface, la chaleur qu'ils contiennent est exploitable : autrement dit, ils constituent des ressources en énergie géothermique. Il est logique de supposer que l'on a de fortes chances de rencontrer de tels réservoirs dans les régions où le flux thermique est élevé. Il ne fait pas de doute que la connaissance à l'échelle mondiale des caractéristiques de ces gisements d'énergie géothermique est d'un intérêt primordial pour la planification de la mise en valeur des ressources énergétiques de nombreux pays. Etant donné l'importance de ces ressources pour les progrès de la société moderne, il n'est pas inutile d'examiner d 'un peu plus près cet aspect de la géothermie.

Ressources énergétiques géothermiques

L ' h o m m e s'efforce depuis le début des temps historiques de canaliser à son usage les sources naturelles d'énergie, et la géothermie ne fait pas exception à la règle. Le principe en est en réalité connu depuis longtemps, mais il a pris une nouvelle impor­tance dans le contexte de l'expansion rapide des besoins énergétiques de la société moderne. Présente partout de par son association à la chaleur naturelle de la Terre, l'énergie géothermique se trouve en général dispersée dans l'écorce externe du globe et son extraction à des fins économiques se heurte à de formidables obstacles techno­logiques. Pour que son exploitation soit possible ou envisageable il faut que cette énergie se trouve piégée ou concentrée à proximité de la surface ; c'est dans ce cas qu 'on parlera de ressources géothermiques.

L'existence de ressources géothermiques suppose la réunion de trois éléments fondamentaux : 1) une source de chaleur, 2) un réservoir confiné mais perméable et 3) un fluide transportant la chaleur vers la surface. Dans le cas de certaines res­sources, la perméabilité doit être assurée artificiellement et dans le cas de certaines autres il faut recycler le fluide pour que l'exploitation puisse s'opérer en continu. O n peut, selon les caractéristiques de ces facteurs, diviser les ressources géothermiques en plusieurs catégories. La classification présentée dans le tableau 2 distingue deux types principaux de ressources : les ressources pétrothermiques et les ressources hydrothermiques. D a n s les gisements pétrothermiques la majeure partie de la chaleur se trouve emmagasinée dans la masse rocheuse, tandis que dans les gisements hydro­thermiques les fluides interstitiels transportent une fraction substantielle de l'énergie totale in situ. Ces catégories peuvent faire l'objet d'autres subdivisions, selon les caractéristiques de l'environnement géothermique et géologique, les mécanismes de transfert de la chaleur et la température du réservoir.

O n estime que les ressources pétrothermiques offrent un important potentiel d'exploration future ; cependant, jusqu'à présent ces ressources n'ont été exploitées

32

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Flux de chaleur de la Terre et ressources géothermiques

Tableau 2 Les catégories de ressources géothermiques et leurs caractéristiques

Type Sous-type Environnement

Géothermique(*) Géologique

Mécanisme Température de transport du réservoir de la chaleur (°C)

Ressources pétro-thermiques

Ressources hydro­thermiques

M a g m a partiellement fondu)

Roche sèche chaude

D'origine radioactive

Convectives

Advectives

M / F

E/M

M / F

Volcanique

Corps intrusif

Massifs cristallins

Zones tectonisées

Bassins sédimentaires

Injection de fluides extérieurs

.. „

.. ..

Recyclage de fluides naturels

.. „

650

90-650

30-150

90-350

30-150

* E - flux thermique élevé ( 80 m W / m 2 ) M - flux thermique moyen (60-80 m W / m 2 ) F - flux thermique faible ( 60 m W / m 2 )

qu'avec un succès limité en raison des difficultés technologiques que pose la mise au point des dispositifs nécessaires à l'extraction de la chaleur du réservoir et à son transport jusqu'à la surface. Seules les ressources hydrothermiques font à ce jour l'objet d'une mise en valeur commerciale - et encore le succès de leur exploitation dépend-il davantage de la découverte de zones chaudes perméables que de celle de zones de hautes températures.

O n peut se faire une idée approximative de la distribution globale des ressources géothermiques en calculant la quantité d'énergie thermique emmagasinée dans les trois premiers kilomètres d'épaisseur de la croûte (distance considérée c o m m e la profondeur maximale de forage dans des conditions économiques). Le problème principal, en l'occurrence, est le m a n q u e de données géothermiques et géologiques suffisamment détaillées, qui rend difficile, voire impossible, la réalisation d'estima­tions valables pour de nombreuses régions, en particulier celles qui sont recouvertes par les océans. Si l'on possède davantage de données géologiques en ce qui concerne les régions continentales, les calculs doivent cependant se fonder dans la plupart des cas sur une estimation approximative subjective de la superficie des zones géothermi­ques. Les calculs préliminaires que l'on a effectués en subdivisant les zones considé­rées en zones géothermiques de basse énergie et de haute énergie mettent néanmoins en évidence certaines caractéristiques importantes de ces ressources. Les estimations de la base mondiale de ressources géothermiques (dans les limites d'une profondeur de 3 k m ) qui sont présentées dans le tableau 3 montrent que l'importance quantita­tive de l'énergie géothermique est loin d'être négligeable par rapport à la production énergétique mondiale obtenue à partir des combustibles classiques, de l'hydroélectri-

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Valiya M. Hamza

Tableau 3 Comparaison entre les estimations de base des ressources géothermiques des différentes régions continentales et les taux de production énergétique pour 1975. Données tirées de Rowley (¡982), McRae et Dudas (1977)

Ressources géothermiques Taux de production énergétique Région de base pour 1975

(106 «quads»)* («quads »Van)

Hydro-Basse Haute Total Combus- électricité Total

énergie énergie tibies et énergie ( <150°C) ( >150°C) classiques nucléaire

Amérique du Nord

Amérique centrale et Amérique du Sud

Europe occidentale

Europe orientale

Asie

Afrique

Océanie

Monde

* 1 quad (quadrillion Btu) =

8,30

5,67

1,57

6,95

8,29

5,53

3,56

39,90

1015 Btu. 1

0,34

0,27

0,02

0,06

0,22

0,08

0,18

1,20

Btu (British

8,64

5,94

1,59

7,01

8,51

5,61

3,74

41,00

thermal unit)

63,96

11,61

17,36

52,11

26,39

13,02

3,91

188,40

= 1054,2 joules.

2,45

0,48

1,80

0,58

0,40

0,13

0,51

6,40

66,41

12,09

19,16

61,31

26,80

13,15

4,42

246,40

cité et de l'énergie nucléaire. Autre point évident qu'il convient de noter, la chaleur basse énergie - correspondant à des températures inférieures à 150°C - constitue la majeure partie de ces ressources géothermiques totales : quoique inégalement répar­tie, c'est la ressource la plus répandue. E n revanche, les ressources haute énergie ne représentent qu'une faible fraction des ressources totales et leur distribution est extrêmement irrégulière.

C o m m e n t ces ressources peuvent-elles être mises en valeur au bénéfice de l'hu­manité? D u bilan des utilisations mondiales de l'énergie géothermique au cours des toutes dernières décennies il ressort que son prix de revient est en fait moindre que celui de l'énergie tirée des sources classiques. Toutefois, elle est difficilement trans­portable sur de longues distances si elle n'est pas transformée en d'autres formes appropriées d'énergie. L e rendement des centrales géothermiques diminuant forte­ment aux basses températures, la conversion en électricité n'est r e c o m m a n d é e que dans le cas des ressources géothermiques haute énergie, de températures supérieures à 150° C . E n revanche, les applications directes de la géothermie sont d 'un bien meilleur rendement dans le cas de températures inférieures à 150° C . L a plupart des ressources géothermiques étant de la catégorie « basses températures », o n peut considérer qu'elles trouvent des applications idéales dans l'agriculture, l'industrie et les services de caractère général. Les utilisations possibles des fluides géothermaux de basses températures sont résumées dans la figure 4.

34

Page 34: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Flux de chaleur de la Terre et ressources géothermiques

Figure 4

Spectre des applications possibles du contenu calorifique des ressources géothermiques basse énergie.

S w o

Production Traitement Industrie Production d'électricité

o ¿

lu1 Si

II

i n 11*

y

Rôle de la géothermie dans la formation des gisements de minéraux et d'hydrocarbures

Telle qu 'on les définit c o m m u n é m e n t aujourd'hui, les ressources géothermiques sont des concentrations d'énergie thermique emmagasinée dans le sous-sol. Cette concep­tion est toutefois relativement étroite et le rôle de la géothermie dans la formation des gisements de minéraux et d'hydrocarbures dont l'importance est cruciale pour les progrès de la société moderne a souvent été négligé. Avant l'avènement d u modèle dynamique de la Terre issu de la théorie de la tectonique des plaques, la recherche des ressources minérales se faisait sans que l'on ait une connaissance claire des caractéristiques de la distribution géographique et de la répartition par âge des dépôts de minéraux. Les résultats des programmes de forages en m e r profonde, en montrant que les bassins océaniques contiennent d'innombrables gîtes minéraux, ont modifié notablement la théorie classique de la métallogenèse. Les tentatives d'explication de l'origine de ces gîtes minéraux océaniques par la théorie de la tectonique des plaques ont considérablement éclairé les processus de formation des minerais et la présence de zones minérales autour du globe.

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Valiya M. Hamza

Examinons les processus qui conduisent à la formation de gîtes minéraux sur le plancher océanique. Lorsque le m a g m a remontant des profondeurs de la Terre approche du fond de la mer au voisinage des dorsales médio-océaniques, sa tempéra­ture descend au-dessous du point de liquéfaction et il se forme une couche limite superficielle chaude. A mesure que la température continue de décroître, cette couche devient fragile et ne peut plus résister aux fortes contraintes résultant de la contraction thermique. Il se forme alors un vaste réseau de fractures et l'eau de mer froide pénètre dans l'environnement chaud du m a g m a subsuperficiel. La chaleur et les réactions chimiques qui s'en suivent transforment l'eau de mer alcaline descen­dante en une solution acide chaude qui dissout par son action corrosive les métaux présents m ê m e à de faibles concentrations. L'eau de mer se décharge d'éléments et de composés c o m m e le magnésium et certains sulfates, tout en se chargeant d'autres éléments tels que le lithium, le potassium, le calcium, le baryum, le cuivre, le fer, le manganèse et le zinc. La convection thermique ramène par les cheminées perméables cette saumure chaude riche en métaux vers les fonds marins. A u contact de l'eau de mer froide, les métaux dissous précipitent, formant des gîtes métallifères. Les concentrations de dépôts économiquement exploitables ne se présentent toutefois que dans des conditions géothermiques et géologiques favorables qui sont : l'exis-tance de vastes réseaux de systèmes de fractures perméables, de forts gradients thermiques déterminant les mouvements circulatoires dans les cellules de convection et la formation de couches de surface mettant le dépôt à l'abri de modifications ultérieures. Le processus de minéralisation de la croûte océanique est schématisé dans la figure 5, tandis que la figure 6 présente la répartition géographique des gîtes minéraux formés par les sources chaudes des fonds marins.

Figure 5 Représentation schématique du processus de minéralisation par circulation hydrothermale dans la croûte océanique.

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Page 36: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Flux de chaleur de la Terre et ressources géothermiques

• Dépôts sur les fonds marins • Dépôts continentaux

Figure 6 Distribution mondiale des gîtes métallifères hydrothermaux sur les fonds océaniques et les continents. O n pense que les gîtes continentaux actuels se sont formés à l'origine sur un fond marin. (D'après R o n a , 1986.)

La géothermie joue également un rôle important dans la formation des gise­

ments de pétrole et de gaz. D e récentes avancées dans l'étude de la maturation

thermique des roches sédimentaires ont révélé que la transformation des matières

organiques en pétrole et en gaz est un processus dépendant du temps et de la

température. Pour qu'il y ait production d'une vaste quantité d'hydrocarbures, il

faut que la matière organique soit « cuite » à des températures dont la fourchette est

relativement bien déterminée. Dans les bassins sédimentaires, ces températures se

trouvent atteintes à la suite de phénomènes de subsidence et d'enfouissement ainsi

que d'une intensification du flux thermique résultant de la remontée de matières

asthénosphériques chaudes jusqu'à la base de la croûte. L'analyse à l'échelle m o n ­

diale des dépôts d'hydrocarbures montre que la majorité des gîtes géants sont situés

dans les bassins où le flux thermique est puissant. M ê m e à l'intérieur d'un bassin

pétrolifère donné, on constate que les gisements commercialement exploitables sont

souvent associés à des zones qui se trouvent être des « points chauds ».

Et maintenant?

Les travaux de recherche et développement consacrés à la géothermie au cours de ces

dernières décennies ont considérablement amélioré la connaissance des processus

dynamiques qui se déroulent à l'intérieur de la Terre. L'analyse des données géother­

miques à la lumière de la théorie de la tectonique des plaques a permis de construire

des modèles rendant compte des principales caractéristiques du régime thermique de

la lithosphère. Les cartes mondiales que l'on a établies de la dissipation géothermi­

que apportent des renseignements d 'un haut intérêt pour la mise sur pied de pro-

37

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Valiya M. Hamza

grammes d'exploration des ressources en énergie géothermique et des gîtes métallifères hydrothermaux.

Ayant élucidé les mécanismes de base de l'activité thermotectonique à l'échelle mondiale, la communauté internationale des géothermiciens est prête à déployer de vastes efforts pour comprendre la nature des processus thermiques régionaux locaux. U n e meilleure connaissance des processus qui se déroulent à l'intérieur du manteau ne devrait pas seulement nous permettre de mieux cerner les caractéristi­ques régionales de l'activité volcanique et sismique ; elle devrait aussi apporter des renseignements accessoires utiles à l'évaluation des risques qui sont associés à ces phénomènes naturels.

Le recueil d'informations détaillées sur le régime thermique souterrain est d'une importance considérable pour la fixation d'objectifs réalistes en matière d'explora­tion et d'exploitation de l'énergie géothermique et des ressources minérales hydro-thermales au niveau régional c o m m e au niveau local. U n tel effort présente un intérêt immédiat pour l'œuvre de développement en cours dans de nombreux pays et demande à être menée à bien avec le soutien et la coopération de la communauté internationale. Il ne faut pas oublier, à cet égard, que les conséquences environne­mentales de l'exploitation des ressources naturelles et les risques associés aux phéno­mènes naturels débordent souvent les frontières politiques de notre m o n d e actuel.

Note

1. 1 quad (Quadrillion Btu) = 1015 Btu. 1 Btu (British thermal unit) = 1054,2 joules.

Pour approfondir le sujet

E L D E R , J . W . Geothermal Systems. Londres, Academic Press, 1981. K L E M M E , H . D . Geothermal Gradients, Heat Flow and Hydrocarbon recovery. Petro­

leum and Global Tectonics (Alfred G . Fischer et Sheldon Judson Dir. Publ.). Princeton University Press, 1975, p. 251-304.

LEE, W . H . K . Terrestrial Heat Flow. Am. Geophys. Univ. Monograph. n° 8, 1965. M C R A E , A . et D U D A S , J.L. Energy Source Book. Aspen Systems Corp., 1977, p. 240-242. R O N A , P . A . Les dépôts de minéraux et les sources chaudes des océans. Pour la science.

mars 1986, p. 56-65. R O W L E Y , J .C. Worldwide Geothermal Resources. Handbook of Geothermal Energy. Houston,

Texas, Gulf Publishing Company, 1982, p. 44-176. S C L A T E R , J .G . ; J A U P A R T , C . et G A L S O N , D . The Heat Flow Through Oceanic and Continental

Crust and the Heat Loss of the Earth. Reviews of Geophysics and Space Physics, vol. 18, 1980, p. 289-311.

TURCOTTE, D . et SCHUBERT, G . Geodynamics-Applications of Continuum Physics to Geological Problems. New York, John Wiley & Sons, 1982.

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Accroissement et collision des continents : prospection en Asie du Sud-Est

Charles S. Hutchison

Les plaques continentales de l'Asie du Sud-Est se sont agrandies du fait de ¡'accretion de sédiments de faible densité le long des frontières de plaques convergentes actives et de la collision de microcontinents détachés des grandes masses continentales de jadis et poussés par l'expansion océanique. La prospection des dépôts minéraux est concentrée sur deux structures géologiques : 1) les arcs volcaniques qui résultent de la subduction au niveau des frontières de plaques convergentes actives et qui sont riches en cuivre, or et argent; 2) les masses granitiques qui résultent de la fonte de la croûte dans des zones de collision complexes et qui contiennent d'importants gisements d'étain et de tungs­tène. La fracturation de la croûte continentale a entraîné la formation de dépressions qui se sont remplies de sédiments apportés par les grands fleuves au cours des derniers cinquante millions d'années. Leur enfouissement a entraîné une élévation de la tempéra­ture et converti les matières végétales et planctoniques accumulées en charbon, pétrole et gaz naturel.

Introduction

La croûte continentale de l'Asie du Sud-Est s'est agrandie à certaines périodes de son histoire. Le processus le plus important à cet égard a été le déplacement de micro­continents qui, arrachés aux grandes masses continentales de jadis sous l'effet de l'expansion océanique, sont entrés en collision avec l'ancien continent de l'Asie du Sud-Est, auquel ils se sont soudés. L'Inde s'est détachée du G o n d w a n a au Jurassique (-120 M . A . ) et, poussée par l'expansion de l'océan Indien, est finalement entrée en collision avec le Tibet à l'Eocène (-45 M . A . ) , produisant le colossal plissement de la croûte terrestre que nous connaissons sous le n o m d'Himalaya. D'autres microconti­nents sont entrés en collision au Trias supérieur (-210 M . A . ) et l'Australie entame actuellement sa collision avec les arcs volcaniques de l'Indonésie : à la vitesse actuelle de 6 c m par an vers le nord, elle achèvera son mouvement dans trente

Charles S. Hutchison est professeur de géologie appliquée à l'Université de Malaya, Kuala L u m p u r (Malaisie). Il est le plus eminent des spécialistes de la géologie de l'Asie du Sud-Est. Outre le fait qu'il a mené des recherches sur le terrain en Malaisie, en Indonésie, en Thaïlande, aux Philippines, en Chine méridionale et à Taïwan, il a à son actif plus de quatre-vingts articles publiés dans des revues de géologie et plusieurs ouvrages portant sur la pétrographie et la géologie économique. Le plus récent, intitulé Geological evolution of Southeast Asia, doit paraître au début de 1987. O n peut joindre le Professeur Hutchison à l'adresse suivante : Department of Geology, University of Malaya, 59100 Kuala L u m p u r (Malaisie).

39 Impact : science et société, n° 145, 39-51

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Charles S. Hutchison

millions d'années lorsque les arcs de l'Indonésie, des Philippines et de la Mélanésie occidentale seront écrasés entre l'Australie et la Chine du Sud-Est pour former une nouvelle chaîne de montagnes spectaculaire. La Chine du Sud-Est et le Viet N a m oriental ont perdu une grande partie de leur plateau continental c o m m u n qui, à la suite de la création de fossés, s'est fractionné en de multiples microcontinents, processus dont le début date d'une soixantaine de millions d'années. Beaucoup de ces microcontinents ont dérivé vers le sud sous l'effet de l'expansion des fonds de la mer de Chine méridionale et sont entrés en collision avec Bornéo à laquelle ils se sont soudés (vers -20 M . A . ) .

Les continents s'agrandissent aussi par suite de l'extension du prisme d'accré-tion le long des frontières de plaques convergentes. C e prisme est formé de sédiments arrachés à la plaque en subduction qui ne s'enfoncent pas à l'endroit des fosses océaniques en raison de leur densité relativement faible. Le fond océanique basalti­que sous-jacent plonge, mais, au-dessus, les sédiments non consolidés s'accumulent et forment un prisme très déformé parallèle à la fosse. Les îles situées au large de la côte ouest de Sumatra le montrent bien. C e processus d'accroissement des continents est progressif et lent ; il n'est pas aussi spectaculaire et ne se situe pas sur la m ê m e échelle que la collision. Toutefois, l'accrétion et la collision peuvent se produire simultanément. Cela a eu lieu au Sarawak, dans la partie occidentale de Bornéo, où le microcontinent de la province carbonatée de Luconia s'est détaché du plateau continental de la zone Chine du Sud-Est - Viet N a m , et est entré en collision avec le continent plus ancien de l'ouest de Bornéo, de sorte que son large prisme d'accré-tion, lentement constitué entre -75 et -40 M . A . , s'est trouvé comprimé dans une zone tampon entre les deux.

Croissance du prisme d'accretion

Le processus de subduction entraîne l'accroissement vers l'extérieur et vers le haut d'une accumulation très déformée de roches sédimentaires mal consolidées. Outre des sédiments arrachés à la plaque en subduction, le prisme d'accrétion contient généralement des fragments de roches volcaniques de la croûte océanique sous-jacente et de roches du manteau fortement hydratées (serpentinisées), remontés sous l'action des failles qui se produisent dans la région instable des fosses.

A mesure que le prisme d'accrétion s'accroît en hauteur, il devient instable et le matériel non consolidé glisse vers l'extérieur pour établir sa pente d'équilibre en surface. Le prisme s'accroît donc en permanence vers le haut et vers l'extérieur, ce qui tend à repousser la fosse vers le large. Etant donné que le prisme d'accrétion représente un assemblage de roches très déformées, il est communémen t appelé en anglais « mélange wedge » (mélange coincé).

Exemple : l'île de Nias

L'île de Nias, à l'ouest de Sumatra, constitue un excellent exemple de croissance

continue du prisme d'accrétion.

Etant donné la formidable érosion des montagnes de l'Himalaya au nord de

l'Inde et au Tibet, le Gange et le Brahmapoutre charrient la plus énorme charge

solide de tous les bassins fluviaux du m o n d e . Parvenus au Bangladesh, ces sédiments

atteignent le golfe du Bengale par le delta c o m m u n aux deux fleuves, puis sont

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transportés à travers ce golfe par un canyon sous-marin profond appelé « Swatch of N o G r o u n d » (figure 1). Ils sont ensuite emportés au loin, dans les profondeurs de l'océan, par des courants de turbidité sous-marins. A environ 10° N , ces courants sont déviés par une dorsale volcanique sous-marine N - S très saillante, appelée la « dorsale 90 » est, qui les scinde en deux : le cône du Bengale vers l'ouest et le cône des Nicobar vers l'est. L'épaisseur des sédiments de ces cônes dépasse 10 k m au nord et diminue progressivement vers le sud jusqu'à être ramenée à zéro vers 5° de latitude sud1.

En raison de l'étroitesse de l'intervalle qui sépare l'extrémité septentrionale de la dorsale 90 est de Sumatra, les sédiments ne peuvent parvenir au cône des Nicobar qu'en longeant la fosse de Java. A l'ouest de l'île de Nias, d'abondants sédiments non consolidés recouvrent donc les fonds marins au-dessus de la croûte volcanique océanique.

A proximité de l'île de Nias, la croûte océanique de l'océan Indien adjacent est vieille de 48 M . A . Elle est actuellement poussée vers le nord-nord-est à une vitesse d'environ 6 c m par an à partir de l'axe en expansion de la dorsale du sud-est indien qui est actuellement active. Son mouvement n'est pas perpendiculaire à la fosse de Java (figure 1), mais très oblique et formé de deux composantes, l'une perpendicu­laire à la fosse (subduction) et l'autre parallèle (transformation). Cette deuxième composante, qui est importante, est à l'origine de la grande faille de Semangko , qui s'étend le long des monts Barisan à Sumatra. Toutes les régions situées au sud-ouest de la faille se dirigent vers le nord-ouest par rapport aux régions situées au nord-est de la faille.

La composante perpendiculaire à la fosse de Java entraîne une lente subduction de la croûte de l'océan Indien sous la marge continentale de Sumatra (figure 2). Quoique l'on sache aujourd'hui que certains sédiments qui recouvrent la croûte océanique sont capables de plonger, leur faible densité les empêche généralement de s'enfoncer sur le « tapis roulant » de la croûte océanique en subduction. Cela est particulièrement vrai le long de la fosse de Java, où les abondants sédiments du cône des Nicobar ne peuvent pas s'enfoncer. Ils sont donc arrachés à la plaque en subduc­tion pour constituer un prisme d'accrétion constamment déformé, qui, en s'élevant au-dessus du niveau de la mer, a formé les îles de Nias et de Mentawai (figure 2). Des études détaillées de l'île de Nias ont montré que le prisme d'accrétion qui a c o m ­mencé à se constituer vers -21 M . A . s'est accru en hauteur et en largeur jusqu'à nos jours. Plus ce prisme s'accroît, plus la fosse de Java est repoussée lentement vers l'océan.

U n e autre caractéristique d'une frontière de plaque convergente est le bassin avant-arc (figure 2). C'est une dépression en forme de cuvette qui s'étend entre le prisme d'accrétion en expansion et l'arc volcanique, lequel s'accroît également en raison de l'activité volcanique, ce qui entraîne aussi, avec le temps, l'accroissement du bassin quand il est en position très stable ; il se remplit alors de sédiments non déformés, arrachés à l'arc volcanique. Ces bassins ont vivement intéressé les entre­prises qui se livrent à la recherche pétrolière. Malheureusement, les investissements et les efforts consentis n'ont pas produit les résultats escomptés : les bassins se sont révélés trop froids pour entraîner la transformation en pétrole et en gaz naturel, à une échelle commerciale de la matière planctonique et végétale piégée dans les sédiments.

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Figure 1 Carte montrant le transport des sédiments de l'Himalaya jusqu'à la mer, par le Gange et le Brahmapoutre, puis jusque dans les profondeurs de l'océan par des courants de turbidité. L'expansion océanique vers le nord-nord-est provoque la subduction de la croûte de l'océan Indien à hauteur de la fosse de Java et continue de pousser le continent indien sous le Tibet. Repris avec modifications de Curray et ai, 1982'.

Prisme d'accrétion coincé par un microcontinent

Il arrive parfois que l'expansion océanique entraîne un continent ou u n microconti-

nent traité c o m m e partie intégrante de la croûte essentiellement océanique et d u

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manteau sous-jacent. Ainsi, la plaque de l'océan Indien s'éloigne actuellement vers le

nord-nord-est de l'axe en expansion de la dorsale du sud-est indien à une vitesse

d'environ 6 c m par an et charrie avec elle l'énorme continent australien qui s'est

détaché de l'Antarctique vers -95 M . A . 3 L e continent australien a maintenant atteint

la fosse de Java. E n raison de sa taille et du fait m ê m e qu'il est un continent, il résiste

à la subduction. Il entre donc en collision avec la fosse et pousse le prisme d'accré-

tion et l'arc volcanique situé devant lui. L'ensemble des éléments liés à la collision

sont visibles sur l'île de Timor . A u nord de celle-ci, l'arc volcanique s'est éteint et se

soulève.

Figure 2 Subduction de la croûte de l'océan Indien sous la masse continentale de Sumatra et croissance du prisme d'accrétion avec le temps. Pour l'emplacement de la coupe, voir figure 1. Repris sous forme simplifiée de Karig étal., 19802.

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Exemple : le nord-ouest de Bornéo

Le nord-ouest de Bornéo et la partie adjacente de la mer de Chine méridionale offrent un excellent exemple de prisme d'accrétion écrasé entre le continent contre lequel il s'est formé et un microcontinent qui a été poussé par l'expansion des fonds de la mer de Chine méridionale4 (figure 6).

A l'Oligocène (-34 M . A . ) , le continent de Bornéo ne s'étendait pas aussi loin au nord que maintenant. L a frontière de plaque entre l'ancienne croûte océanique de la m e r de Chine méridionale et le continent de l'ouest de Bornéo était active et la subduction a entraîné l'accroissement du prisme d'accrétion de Rajang (-75 à -30 M . A . (figure 3). La subduction active a également entraîné la formation d'un arc volcanique. L'activité ignée dans cet arc est à l'origine de gisements importants d'or, d'antimoine et de mercure, spécialement dans la région minière de B a u au sud-ouest de Kuching, la capitale du Sarawak.

Les roches du prisme d'accrétion de Rajang proviennent des grands fonds. Elles ont été déposées par des courants de turbidité et il m e semble que l'origine des sédiments est le M é k o n g , ce grand fleuve qui traverse l'Indochine pour se jeter dans la mer de Chine méridionale. Le cône de turbidité et le prisme d'accrétion se sont formés sur la croûte océanique. D e s fragments apparaissent aujourd'hui à la surface sous la forme d'un dépôt de mélange.

Figure 3 Coupes transversales à travers les provinces géologiques du littoral nord-ouest de Bornéo et de la zone située au large correspondant à l'Oligocène (-34 M . A.) et à la période actuelle et montrant comment le prisme d'accrétion de Rajang a été écrasé contre le socle de Bornéo Ouest par la plate-forme de Luconia, microcontinent qui s'est détaché du plateau continental de l'ensemble Chine du Sud-Est -Viet N a m . Repris avec modifications de James, 19845.

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Le plateau continental c o m m u n au Viet N a m et à la Chine du sud-est a com­mencé à se fendre et à se fractionner en multiples microcontinents vers -60 M . A . 4

L'expansion des fonds de la mer de Chine méridionale (-38 à -14 M . A . ) a poussé loin vers le sud un grand nombre de ces microcontinents. Par suite de ce fractionnement et de cette expansion, la mer de Chine méridionale est c o m m e jonchée de microconti­nents, dont la plupart sont juste au-dessous du niveau de la mer et constituent un danger pour la navigation. La plate-forme de Luconia est l'un d'entre eux (figure 3).

C o m m e l'indique la figure 3, une collision s'est produite, vers -20 M . A . , entre le microcontinent de la plate-forme de Luconia et le prisme qu'elle a écrasé contre le continent de Bornéo ouest en créant une ceinture plissée. Cette collision a mis un terme à l'activité de subduction le long de la marge de Bornéo ainsi qu'à l'activité ignée au Sarawak et a abouti à un accroissement considérable de la masse terrestre de Bornéo.

La plate-forme de Luconia se situe entièrement au-dessous du niveau de la mer. Elle contient une épaisse séquence de plate-forme calcaire et de récifs coraliens du Miocène (-20 à - 7 M . A . ) , typique d'un plateau continental6. Les calcaires ont fourni à la Malaisie un important champ de gaz naturel en mer. Le gaz est transporté par pipeline jusqu'au port de Bintulu, où il est liquéfié pour être exporté. L'important champ de pétrole du delta du Baram au Sarawak et à Brunei est d'une nature totalement différente. Il correspond à un grand delta que le Baram, venu du conti­nent de Bornéo, avait constitué au Miocène dans la mer de Chine méridionale. Ce delta est du m ê m e âge que les calcaires de la plate-forme de Luconia. Toutefois, la séquence du delta est constituée de boues et de sables, mais ne contient pas de calcaires. Les végétaux apportés dans les boues du delta par le fleuve il y a déjà 15 M . A . ont été transformés en pétrole en raison de la chaleur due à l'enfouissement et se sont accumulés dans les sables du delta. Le pétrole est exploité dans les champs de Miri et de Seria au Sarawak et à Brunei.

Collision entre continents

O n dispose actuellement de renseignements assez précis sur le fractionnement du supercontinent méridional du G o n d w a n a 7 (figure 4).

L'Inde a commencé à se détacher de l'Australie et de l'Antarctique vers -128 M . A . et l'Australie de l'Antarctique et de la Nouvelle-Zélande vers -95 M . A . 3

La séparation entre l'Australie et l'Antarctique a été lente. Pour l'Inde, le processus a commencé lentement, puis s'est accéléré entre -90 et -45 M . A . , atteignant dans la direction du nord la vitesse spectaculaire de 20 c m par an.

La suture de l'Inde et de l'Asie

Le commencement de la collision entre l'Inde et l'Asie se situe vers -45 M . A . La position de la partie méridionale de l'Asie par rapport au nord de la zone de suture (bloc de Lhassa) a été déterminée par des mesures paléomagnétiques effectuées sur des couches rouges continentales du Crétacé inférieur (-100 M . A . ) près de Lhassa8. Les données révèlent que les zones étudiées (latitude actuelle 30° N ) étaient situées il y a 100 M . A . à une paléo-latitude d'environ 12° N . La différence de latitude signifie que le bloc de Lhassa a été déplacé vers le nord d'environ 2000 k m . Il y a 100 M . A . , lorsque le Tibet sud était situé à 12°N, l'Inde se serait trouvée à environ 30°S3.

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Figure 4 Evolution du nord-est de l'océan Indien, repris avec modifications de Curray étal., 1982 ', montrant la séparation entre l'Inde et le Gondwana vers -126 M . A . et entre l'Australie et l'Antarctique vers -90 M . A . , et la dérive vers le nord qui a amené l'Inde à entrer en collision avec l'Asie vers -45 M . A .

Le bloc de Lhassa a été progressivement poussé vers le nord depuis la collision de l'Eocène (-45 M . A . ) . Les effets de la collision sont indiqués par la présence de nombreuses roches volcaniques et intrusives d'époques différentes, les flyshs et la configuration complexe des failles conjuguées. Le continent indien s'est enfoncé sous l'Asie et la région himalayenne est caractérisée par une série de plans de chevauche­ment qui sont tous inclinés vers le nord. Fortement inclinés près de la surface du sol, ils le sont moins en profondeur. Les sédiments, qui formaient le plateau continental septentrionnal de l'Inde avant la collision, ont été soulevés vers le sud par-dessus des roches plus anciennes. La plongée de l'Inde sous l'Asie a provoqué un épaississement de la croûte continentale, qui est passée de l'épaisseur normale de 35 k m à environ 70 k m dans l'Himalaya.

Le mouvement de la plaque de l'océan Indien qui s'éloigne à une vitesse de 6 c m par an de la dorsale du sud-est indien continue de pousser l'Inde vers le Nord et

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celle-ci continue de s'enfoncer sous l'Asie. Actuellement, cette convergence vers le nord entre l'Inde et l'Eurasie se produit surtout le long du M a i n Boundary Thrust, à raison de 2 c m par an9.

L'épaississement de la croûte a produit des structures extrêmement complexes dans l'Himalaya et sa fonte partielle le long des zones de chevauchement a entraîné la formation de m a g m a s granitiques qui sont montés très haut à l'intérieur de la région du M o n t Everest. La datation par des méthodes fondées sur la désintégration radioactive a attesté la jeunesse de ces granites, qui remontent seulement au Miocène (-21 à -13 M . A . ) .

En revanche, la ceinture ignée des monts Gangdise (ou Transhimalaya), au nord de la zone de suture de Yarlung-Zangbo, est beaucoup plus ancienne. Elle contient des roches volcaniques et plutoniques dont les plus vieilles remontent à -485 M . A . et les plus jeunes ne datent que de -45 M . A . 1 0 Cette ceinture a donc une longue histoire. Elle est constituée en majeure partie par un arc volcano-plutonique de type andin ou cordillère formé le long de la marge asiatique méridionale avant l'arrivée de l'Inde. Seule la phase la plus récente de l'Eocène (-45 M . A . ) est liée à la collision.

Le contexte géologique donne à penser que les granites de l'Himalaya devraient être riches en dépôts associés d'étain et de tungstène, mais la prospection dans la région a été décevante.

Granites plus anciens et dépôts d'étain et de tungstène

L'Asie du Sud-Est présente une suture beaucoup plus ancienne, témoin de la colli­sion de deux continents au Trias récent (-220 M . A . ) . La zone de suture traverse vers le nord la péninsule malaise, passe sous le golfe de Siam et se dirige ensuite vers le nord-est, près d'Uttaradit et de Nan dans le nord de la Thaïlande. La subduction de la croûte océanique avant la collision a produit des roches volcaniques et des gra­nites à l'est de la suture et la collision finale a entraîné la formation des granites vieux de 198 à 210 M . A . de la grande chaîne montagneuse de la péninsule malaise (Main Range)" (figure 5).

Ces granites sont à l'origine de plus de 7 0 % de tout l'étain produit dans le m o n d e au cours de ce siècle12. Les gisements d'étain sont situés dans la zone de contact entre les massifs granitiques et les roches sédimentaires dans lesquelles ils ont pénétré. Le minerai prend la forme de cassitérite (oxyde d'étain), que des fluides chauds ont déposée avec du quartz près des zones de contact. A la suite d'une altération et d'une érosion intenses des bordures au Quaternaire inférieur (-2 à -1 M . A . ) , le quartz et la cassitérite ont été entraînés par les grands réseaux fluviaux et se sont déposés dans de vastes cônes alluviaux où la cassitérite est exploitée à ciel ouvert ou par dragage. Les champs stannifères sont répartis très inégalement, plus de 70 % de la production étant concentrés dans six grands centres : Kinta Valley (Ipoh, Malaisie), Bangka, Kuala Lumpur , Phuket, Billiton et côte orientale de la péninsule malaise (Kuantan) (voir figure 5)12. Généralement les granites qui sont associés à l'étain le sont également au tungstène. La région de la pointe de Tavoy et la zone située à l'ouest de M a e L a m a , en Birmanie, en produisaient beaucoup.

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Ceinture orientale, série épizonale -.} - calc-alc gabbro-granodiorite-granite. - ^ Permien récent - Trias récent

Ceinture centrale. Roches granitiques et métamorphiques riches en N a . Permien - Trias récent

Grande chaîne montagneuse. Granites. i Surtout Trias récent. Roches profondes

et cisaillées à l'est, devenant épizo-' nales dans la direction de la flèche

- < — à l'ouest de Penang

Nord de la Thaïlande. Granites dus à la dérivation de la croûte continen­tale. Principalement Trias récent

I Ceinture occidentale. Granites I épizonaux du Crétacé

Autres granitoïdes

Age déterminé d'après la désinté­gration radioactive. M A Principales zones d'activité volcanique de la fin du Paléozoïque jusqu'au début du Mésozoïque

Ligne d'ophiolites (zone de suture)

Lignes structurelles dans le golfe * du Siam

i Bassin de cisaillement-effondrement 4? tertiaire

300 400 km

OCÉAN INDIEN

Figure 5 Granites riches en étain et en tungstène de la péninsule malaise. Indication de leur âge, déterminé par des mesures fondées sur la désintégration radioactive. D'après Hutchison, 1983".

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Prospection en Asie du Sud-Est

Figure 6 Principaux gisements minéraux de l'Asie du Sud-Est et frontières de plaques. La dimension des symboles est sans rapport avec l'importance relative des gisements. Le contour de la plate-forme de la Sonde représente la région de l'ancienne croûte continentale pré-mésozoïque remontant à plus de 150 M . A . Les gisements d'étain, de tungstène et d'antimoine sont limités à cette région. D'après Hutchison, 1978 ".

Gisements minéraux des arcs volcaniques

Les autres grands types de gisements minéraux de l'Asie du Sud-Est sont liés aux arcs volcaniques actifs ou récemment éteints12. Le système de fosses qui s'étend de Sumatra à la mer de B a n d a et qui traverse au nord les Philippines est longé par des arcs de volcans très actifs, caractéristiques des frontières de plaques convergentes. L'activité volcanique se produit sur la plaque chevauchante, là où la croûte océani­que de la plaque en subduction a atteint une profondeur de 100 à 150 k m . Les Philippines présentent deux systèmes de fosses opposés (figure 6).

Les volcans récemment éteints renferment des gîtes disséminés et de minces veines contenant des sulfures de cuivre et de fer associés à de l'or et à de l'argent. Il faut que les cônes volcaniques aient été profondément érodés pour que des minéraux affleurent, de sorte que les volcans qui sont éteints depuis plus de 10 M . A . sont les lieux où la prospection offre les meilleures perspectives. C'est aux Philippines qu 'on trouve la plus forte concentration de gisements de cuivre (minerai de cuivre porphy-

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rique), mais il y a un dépôt plus petit à M a m u t (Bornéo). Avec la récession économi­

que actuelle, la priorité est accordée à la recherche et à l'exploitation de gisements

d'or et d'argent. Ces métaux sont produits aux Philippines et en Indochine, après

l'avoir été à Bau (Bornéo) et à R a u b (péninsule malaise) (figure 6). D e nouveaux

gisements d'or viennent d'être découverts et sont actuellement mis en exploitation à

Sumatra et à Kalimantan.

L a figure 6 montre qu'il y a, suivant les minéraux, une nette opposition entre les zones productrices. U n e croûte continentale ancienne est nécessaire à la présence de dépôts d'étain, de tungstène et d'antimoine13, qui sont limités à la région de la plate-forme de la Sonde, en Asie du Sud-Est continentale. E n revanche, le cuivre, le fer, l'or, l'argent, le chrome et le nickel sont suffisamment concentrés pour être rentables là où la croûte continentale est absente. Le mercure ne semble pas sélectif.

E n s o m m e , la localisation des gisements minéraux, de gaz et de pétrole résulte en grande partie de la collision de microcontinents avec le bord d'importantes masses continentales à la limite de plaques convergentes. Ces processus induisent une défor­mation à grande échelle par enfoncement, plissement et formation de failles, ce qui fait ressortir la nécessité de mieux comprendre, dans le cadre de la tectonique des plaques, ces zones tectonisées du m o n d e . •

Notes

1. Curray, J.R. ; Emmel , F.J. ; Moore, D . G . et Raitt, R . W . Structure, tectonics, and geologi­cal history of the northeastern Indian Ocean. Nairn, A . E . M . et Stehli, F . G . (dir. publ.). The Ocean basins and margins, vol. 6, The Indian Ocean. Plenum Press, N e w York, 1982, p. 399-450.

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3. Veevers, J.J. (dir. publ.), Phanerozoic earth history of Australia. Oxford geological sciences series 2, Clarendon Press, Oxford, 1984.

4. Taylor, B . et Hayes, D . E . Origin and history of the South China Sea Basin. Hayes, D . E . (dir. publ.). The tectonic and geologic evolution of Southeast Asian seas and islands ; Part 2. Geophysical monograph 27, Amer . Geophysical Union, Washington, 1983.

5. James, D . M . D . (dir. publ.). The geology and hydrocarbon resources of Negara Brunei Darusslam. Brunei Museum and Brunei Shell Petroleum C o . , Bandar Seri Bagawan, Brunei, 1984.

6. Hutchison, C . S . Tertiary basins of S.E. Asia - their disparate tectonic origins and eustatic stratigraphical similarities. Geol. soc. Malaysia bull., vol. 19, 1986, p. 109-122.

7. N o m donné par L . L . Fermor d'après les Gonds, tribu montagnarde du centre de l'Inde, vivant au nord de Nagpur et Van (ou Wan), terme sanscrit signifiant forêt. Le Gondwana est le supercontinent dont l'Inde faisait partie il y a plus de 130 millions d'années.

8. Achache, J.; Courtillot, V . et Zhou, Y . X . Paleogeographic and Tectonic Evolution of Southern Tibet since Middle Cretaceous Time : N e w Paleomagnetic Data and Synthesis. Journal of Geophysical Research, vol.89, 1984, p. 10311-10339.

9. Mercier, J .L.; Li Guangcen (dir. publ.). Mission franco-chinoise au Tibet, 1980. Paris, Editions du Centre national de la recherche scientifique, 1984.

10. Debon, F . ; Le Fort, P. ; Sheppard, S . M . F . et Sonet, J. The four plutonic belts of the Transhimalaya-Himalaya : a chemical, mineralogical, isotopic, and chronological synthe­sis along a Tibet-Nepal section. J. Petrology, vol. 27, 1986, p. 219-250.

11. Hutchison, C . S . Multiple Mesozoic S n - W - S b granitoids of Southeast Asia. Circum-Pacific plutonism terranes. Geol. soc. America Memoir, vol. 159, 1983, p. 35-60.

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Prospection en Asie du Sud-Est

12. Hutchison, C . S . et Taylor, D . Metallogenesis in SE Asia. J. geol. soc. London, vol. 135, 1978, p. 407-428.

13. Hutchison, C . S . The distribution and origin of Southeast Asian ore deposits. Malaysian geographers, vol. 1, 1978, p. 13-36.

Pour approfondir le sujet

H U T C H I S O N . C . S . Geological evolution of Southeast Asia. Oxford, Clarendon Press, Oxford Geological Sciences Series, 1987 (sous presse).

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Bassins sédimentaires, tectonique des plaques et champs pétrolifères

Bruce Sellwood

Si la tectonique des plaques n'a pas conduit directement à la découverte de tel ou tel champ pétrolifère, cette théorie contribue à expliquer pourquoi certains types de bassins sédimentaires sont plus propices que d'autres à la formation et à l'emmagasinage du pétrole et du gaz naturel, et fournit un cadre d'exploration pour l'avenir.

Les hydrocarbures se répartissent dans les divers bassins sédimentaires du globe. Ces bassins sont des dépressions crustales de toutes dimensions dans lesquelles des couches successives de grès, de pélite, de calcaire et de sel se sont accumulées, quelquefois sur de larges épaisseurs (bien des kilomètres). Ces bassins doivent leur origine aux processus à grande échelle qui régissent la dynamique de la croûte terrestre et le mouvement des plaques. Ils se sont formés sur la croûte continentale ou sur la croûte océanique. Les plus grands bassins sont tout simplement les océans eux-mêmes mais, c o m m e nous le verrons, les océans se prêtent mal à la formation et à l'emmagasinage des hydrocarbures.

Le type de bassin sédimentaire formé et son évolution géologique ultérieure dépendent de l'interaction d'un ensemble de variables dont les plus importantes sont probablement: la nature continentale ou océanique de la croûte sous-jacente; la nature du régime tectonique - divergent (extension) ou convergent (compression) (certains bassins commencent par un régime de contraintes en extension et subissent ensuite de fortes compressions, par exemple la région du Golfe) ; la durée des régimes de contraintes ultérieurs. Le climat détermine le taux d'érosion des hautes terres adjacentes et ainsi, dans une certaine mesure, la nature et la maturation des sédiments déposés.

La tectonique des plaques fournit au géologue pétrolier un cadre global d'étude des gisements de pétrole et de gaz naturel1. Cette théorie nous permet également de comprendre en termes généraux certains changements qui se sont produits dans la répartition géographique des terres et des mers au cours des temps géologiques

Bruce Sellwood est chargé de cours en géologie à l'Université de Reading, au Royaume-Uni . Il s'intéresse tout spécialement à l'évolution des bassins sédimentaires, et il effectue ses travaux de recherche dans le sud de l'Angleterre, dans le bassin parisien, en mer du Nord et au M o y e n Orient. B . Sellwood a été professeur invité au Texas (Etats-Unis d'Amérique) et en Malaisie. Il est l'auteur de nombreux articles et il a apporté sa contribution dans son domaine de spécialisation à un grand nombre de manuels. Son adresse est la suivante : Department of Geology, University of Reading, Whiteknights, Reading R G 6 2 A B (Royaume-Uni).

53 Impact : science et société, n° 145, 53-62

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Bruce Sellwood

(évolution de la carte paléogéographique) et, ainsi, de déterminer quelles sont les zones du globe où des hydrocarbures ont pu se former, migrer ou être piégés. L a tectonique des plaques n'a pas conduit à la découverte de tel ou tel champ pétrolifère ; en revanche, elle contribue à expliquer pourquoi certains types de bassins sont plus propices que d'autres à la formation et à l'emmagasinage des hydrocarbures.

L'accumulation régionale d'hydrocarbures dans un bassin sédimentaire est conditionnée par les facteurs suivants :

Roches mères potentielles : généralement des sédiments à grain fin (schistes argileux, pélites) ayant une teneur élevée en carbone organique total. La présence de ces sédiments signifie que les eaux du bassin ont été périodiquement stagnantes. La formation d'hydrocarbures s'explique par un phénomène de douce cuisson des sédi­ments enfouis.

Roches réservoirs potentielles : généralement des grès ou des calcaires très poreux et très perméables. Ces sédiments s'accumulent d'ordinaire dans des zones peu profondes et agitées du plateau continental ou dans des chenaux à haute énergie.

Structures potentielles (« bosses enfouies ») dans lesquelles les hydrocarbures formés peuvent se trouver piégés. Ces structures peuvent être des récifs mais elles prennent fréquemment la forme de bombements plissés ou failles.

Couvertures potentielles : roches imperméables telles que des sels ou des schistes argileux qui recouvrent les structures et empêchent ou retardent la migration ascen­dante des hydrocarbures.

Une évolution géologique appropriée permettant la maturation des roches mères alors qu'existent déjà des structures étanches contenant des réservoirs mais avant que les roches réservoirs aient perdu leur porosité par cimentation.

Cette dernière condition est aussi essentielle que dans les affaires humaines, la présence d'une personne déterminée au bon endroit et au bon m o m e n t . C o m m e nous le verrons, le type de bassin et la situation géotectonique influent fortement sur les chances que des roches mères, des roches réservoirs et des structures soient pré­sentes.

L a tectonique des plaques et la formation de bassins

La plus grande partie du pétrole découvert à ce jour a été trouvée dans des bassins sédimentaires qui se sont formés sur la croûte continentale, de sorte que nous n'aborderons que succinctement les bassins formés sur la croûte océanique. E n bref, les bassins océaniques reçoivent rarement les sédiments appropriés en quantité suffi­sante, présentent pour la plupart des caractéristiques géothermiques qui ne permet­tent pas la maturation des roches mères potentielles et sont trop inactifs du point de vue tectonique pour produire des structures viables. Soixante-dix pour cent de la surface de la Terre se trouvent ainsi éliminés mais les activités futures d'exploration révéleront peut-être que cette conception des choses est exagérément (et m ê m e dan­gereusement) pessimiste. Toutefois, après plus de quinze ans de forages profonds dans les bassins océaniques, il n'y a guère lieu d'être optimiste quant à la probabilité de gigantesques accumulations de pétrole dans les océans.

La plupart des réserves mondiales prouvées d'hydrocarbures sont situées dans des bassins initialement formés par des forces d'extension agissant sur la croûte continentale (figure 1). Les trois types de bassin les plus importants (figure 2) sont les suivants : dépressions intérieures (affaissements), bassins de fracture intérieurs (fossés

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Tectonique des plaques et champs pétrolifères

Figure 1 Carte indiquant la répartition des principaux bassins qui comportent des hydrocarbures par rapport au système de plaques et de frontières entre celles-ci (d'après North, 1985).

d'effondrement ou rifts) et dépressions marginales. Des bassins initialement formés par affaissement ou fracture peuvent ensuite être soumis à une compression tandis que des mouvements latéraux donnent naissance à des bassins de décrochement. E n fait, le processus de décrochement peut venir modifier des dépressions qui se sont formées de façon plus simple. Kingston et al.2 ont récemment classé les divers types de bassins et évalué les perspectives qu'ils offrent pour la prospection d'hydrocar­bures. L a suite du présent article s'inspire pour une large part de leurs travaux.

Les bassins d'affaissement intérieurs sont plus ou moins circulaires ou ovales et, c o m m e leur n o m l'indique, semblent s'être constitués par affaissement de la croûte continentale, généralement sans formation de failles importantes. Les bassins de ce type se sont créés dans de nombreuses régions du m o n d e , en particulier au Paléozoï-que (par exemple, le bassin du Michigan) et sont très prometteurs (figure 3).

Les bassins de fracture intérieurs (fossés d'effondrement) ou rifts se caractérisent par la présence de failles normales (figure 4). La formation du bassin est souvent précédée par une phase de formation de dômes crustaux précédant l'effondrement de la zone de fracture linéaire. La subsidence le long du fossé peut être associée à l'extrusion de basalte alcalin et retirement de la croûte qui en résulte autorise la formation de nombreux blocs failles pivotes qui constituent les principales structures susceptibles de piéger les hydrocarbures (par exemple, le golfe de Suez ; la mer du Nord il y a 170 millions d'années).

Les dépressions marginales sont situées sur les bords externes de la croûte conti­nentale (figure 5) dans des zones de divergence (bassins océaniques récemment ouverts). Elles peuvent représenter une phase ultérieure de l'évolution de la croûte dans des zones où une rupture s'est déjà produite sous la forme de rifts continentaux

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Bruce Seilwood

Figure 2 Continent fictif présentant un grand nombre des types de bassins offrant des perspectives intéressantes qui sont mentionnés dans le texte ainsi que certains types de bassins moins prometteurs. 1. Dépression intracontinentale -submergée en l'occurrence sous une mer épicontinentale (mer peu profonde recouvrant une zone intracontinentale) au cours d'une période caractérisée par un niveau global des mers élevé. 2. Fracture intracontinentale (fossé d'effondrement). 2-3. Evolution d'une fracture intracontinentale associée à l'affaissement d'une marge continentale avec l'ouverture d'un nouvel océan. 3. Affaissement de la marge continentale avec, selon les régions, des récifs isolés du continent, une sédimentation du plateau continental en mer ouverte et un grand delta fluvial. 4. Bassins de décrochement continentaux. 5. Fosse océanique et bassins associés. 6. Bassin complexe : fracture intracontinentale devenue dépression intérieure, qui fait maintenant l'objet d'une structuration interne par compression.

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Tectonique des plaques et champs pétrolifères

Figure 3

Modèle d'un bassin d'affaissement intérieur (adapté par simplification de Kingston et al., 1983).

Grès Calcaire

0 A Sel I— I Schiste I —I argileux

Figure 4

Modèle de bassin de fracture intérieur (fossé d'effondrement ou rift) (adapté par simplification de Kingston et ai, 1983).

N Basalte l^r* •A océanique^

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Bruce Sellwood

Figure 5

Modèle de bassin d'affaissement marginal. Ce bassin a d'abord été un rift continental (fracture intracontinentale) c o m m e dans la figure 4. Certains rifts ne se transforment pas en nouveaux bassins océaniques mais m ê m e alors, ils deviennent ultérieurement des bassins d'affaissement effondrés (adapté par simplification de Kingston et ai, 1983).

(par exemple, le littoral Atlantique de l'Amérique du N o r d et du Sud, de l'Europe et de l'Afrique; le plateau continental de la mer R o u g e ) .

Les bassins de décrochement ou de cisaillement (figure 6) qui offrent des perspec­tives intéressantes pour la prospection des hydrocarbures sont pour la plupart des structures jeunes (tertiaires ou plus récentes : < 65 millions d'années). Leur forma­tion c o m m e n c e par u n système de fractures qui devient plus sinueux et trace une ligne moins continue à mesure qu'il se propage dans une région continentale. Avec la formation de failles, des portions de la zone se trouvent verrouillées et déverrouil­lées. Les zones verrouillées sont soulevées, les zones déverrouillées deviennent des bassins. Toutefois, ces systèmes sont très mobiles et en raison de leur activité m ê m e , la période pendant laquelle ils sont prometteurs pour la prospection est courte. Pour

Figure 6 Modèle illustrant à la fois la forme et, en simplifiant, le m o d e de constitution d'un système de bassin de décrochement ou de cisaillement. Les endroits où du pétrole s'est peut-être accumulé sont signalés par le dessin qui représente les appareils de forage (d'après Kingston étal., 1983).

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Tectonique des plaques et champs pétrolifères

simplifier, on peut dire que des structures porteuses peuvent se former et se rompre très rapidement. C e n'est que si le processus de décrochement cesse qu'il est possible de « geler » les processus et de préserver des pièges à hydrocarbures.

Les marges océaniques actives présentent des jeux (plays) d'hydrocarbures c o m ­

plexes associés à des systèmes de fosses convergentes ou à des systèmes fosse-arc

(figure 2).

E n réalité, la plupart des bassins qui sont actuellement riches en hydrocarbures

ont connu une évolution complexe ; après avoir été des fossés d'effondrement ou des

dépressions, ils ont subi ensuite un décrochement et/ou une compression (par exem­

ple la région du Golfe) (figure 7).

Type de bassin et perspectives pour la prospection des hydrocarbures

Les perspectives de la recherche d'hydrocarbures ne peuvent être déterminées, pour s'en tenir à la façon la plus simple de présenter les choses, que si on comprend c o m m e n t l'évolution d 'un type déterminé de bassin fait naître les conditions propices à l'accumulation d'hydrocarbures qui ont été évoquées plus haut.

La circulation était souvent limitée dans les dépressions intracontinentales de sorte que, c o m m e la mer Noire moderne, elles deviennent stagnantes en profondeur et que de grandes quantités de matière organique non oxydée s'accumulent dans les sédiments qui se déposent à ce niveau. Il se forme ainsi de vastes régions de roches mères. Les bassins marins qui reçoivent surtout des débris organiques marins se

(15 - 0 Ma) Du Miocene à nos jours

(250 - 200 Ma) Permien-Jurassique

Figure 7 Evolution de la région du Golfe, du Cambrien à nos jours. La structuration a également impliqué la migration ascendante du sel, de tels mouvements étant eux-mêmes souvent déclenchés par des décrochements ou des compressions (adapté par simplification de Kingston étal., 1983).

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Bruce Seilwood

prêtent à la formation de roches mères qui tendront à donner du pétrole alors que les bassins lacustres limités contenant d'abondants débris terrigènes sont souvent des sources de gaz naturel. D e s sables alluvionnaires et/ou des ceintures de récifs péri­phériques qui constituent des réservoirs idéals peuvent s'accumuler dans les bassins d'affaissement intérieurs. U n e evaporation périodique peut également produire des couvertures étanches. Toutefois, la formation de structures n'est pas intense, de sorte que les pièges les plus courants sont les pièges stratigraphiques, produits soit par le passage latéral de sables poreux et perméables dans d'autres moins perméables, soit par la construction biologique de structures (par exemple, récifs à pinacle à l'inté­rieur des bassins) (figure 8).

Les blocs failles des fractures intérieures (fossés d'effondrement o u rifts) reçoi­vent des sables non marins et ces sédiments constituent des réservoirs potentiels. Les blocs failles formés au cours des phases initiales de la création du fossé constituent e u x - m ê m e s d'excellentes structures potentielles (figure 9) qui peuvent être délimitées par la présence de failles de décrochement3 . L'évolution ultérieure du fossé peut se traduire par la poursuite de l'effondrement dû à une action thermique (affaissement et couverture sédimentaire des blocs failles) ou par la mise en place d'une nouvelle croûte océanique le long de l'axe du fossé. D a n s ce dernier cas, le bassin de fracture intérieur se transforme en une dépression marginale.

Les sédiments marins qui recouvrent les blocs failles peuvent, dans l'un et l'autre cas, constituer à la fois des roches mères et des roches couvertures poten­tielles. Alternativement, dans les régions de climat aride, l'évaporation peut entraî­ner d'abondantes précipitations de sels. Lorsqu'il se forme de nouvelles marges continentales, d'épaisses successions de sables, de boues ou m ê m e de récifs d u pla­teau continental peuvent migrer par-dessus le socle faille sous-jacent. Ces séquences sédimentaires peuvent englober des deltas fluviaux localisés ( c o m m e celui d u Niger) ou , lorsque le climat s'y prête, des récifs, des bancs de carbonates et des sables calcaires couvrant de vastes zones (par exemple, les Récifs de la G r a n d e Barrière ou

Figure 8

Modèle destiné à illustrer « les récifs à pinacle » qui constituent une forme typique de pièges stratigraphiques dans les bassins d'affaissement intérieurs. Ici, la croissance des récifs a produit la « bosse » et les sels qui l'ont enveloppée ultérieurement ont fourni la couverture. Les calcaires ou les schistes argileux sous-jacents, riches en matière organique, ont été la source des hydrocarbures.

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Tectonique des plaques et champs pétrolifères

W E

Figure 9 Bloc faille basculé constituant le type de piège caractéristique des bassins de fracture intérieurs ainsi que de nombreux bassins d'affaissement marginaux. L'exemple retenu ici est le « July Oilfield » du golfe de Suez. Le schiste argileux de Rudeis est la roche mère, le grès nubien est le principal réservoir et les évaporites du Miocène constituent la couverture (d'après Sellwood et Netherwood, 1984).

le Banc des B a h a m a s ) . Les dépressions marginales peuvent ainsi recevoir de vastes nappes sableuses carbonatées idéales pour constituer des réservoirs potentiels et les remontées régionales d'eau océanique riche en substances nutritives peuvent être à l'origine de dépôts constituant des roches mères potentielles. Toutefois, la formation de structures et la maturation des roches mères nécessitent souvent un coup de pouce extérieur. C'est ce qui s'est passé dans la région du Golfe au Tertiaire alors que cette région constituait depuis le Cambrien (il y a 600 millions d'années) un système associant une dépression intérieure et une dépression marginale. Sur cette ceinture de croûte continentale, des sables, des calcaires et des évaporites se sont accumulés sur de grandes épaisseurs, la collision de cette région avec le continent asiatique produisant des plissements et accroissant le flux thermique, ce qui a rendu possible la maturation des roches mères (figure 6).

Les systèmes compressifs de marges océaniques manquent souvent de roches mères prolifiques mais contiennent des sables riches en composants minéraux insta­bles provenant de terrains volcaniques adjacents. Ainsi, des réservoirs potentiels perdent souvent leur porosité avant la maturation des roches mères. L a tectonique de compression (liée à la subduction) produit des m o d e s structurels complexes qu'il est difficile de prévoir géométriquement. Quoique le pétrole et le gaz naturel soient associés aux marges océaniques activement compressives ( c o m m e dans le golfe

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Bruce Seilwood

d'Alaska), la complexité géologique de ces marges rend leur exploration difficile. Toutefois, il ne fait aucun doute que ces zones continueront d'être explorées à l'avenir.

Conclusions

Si la tectonique des plaques ne conduit pas directement à la découverte de champs pétrolifères, elle a le mérite d'offrir un cadre permettant d'orienter les activités d'ex­ploration. C'est principalement dans les bassins qui se sont constitués sur la croûte continentale que se sont formés ou ont été piégés des hydrocarbures. Les autres facteurs qui influent sur le potentiel en hydrocarbures de bassins déterminés sont le régime paléoclimatique et l'existence, à certaines périodes de l'histoire de la Terre, de groupes particuliers d'organismes capables de produire des réservoirs potentiels (récifs par exemple) ou des roches mères potentielles (accumulation de plancton par exemple). Les zones frontières qui seront probablement explorées à l'avenir sont des systèmes associant fossé d'effondrement et dépression tels que le plateau continental de la mer de Barents au nord de la Norvège ou les marges océaniques d'une grande complexité tectonique, moins prometteuses. Toutefois, à condition que les pro­blèmes politiques soient résolus, on devrait encore découvrir de grandes quantités de pétrole et de gaz naturel dans le système dépression-collision du Golfe. •

Notes

1. Stonely, R . Petroleum : the sedimentary basin, chap. 3. Dans Economic Geology and Geo-tectonics, Tarling, D . H . (dir. publ.). Blackwell Sei. Publications, 1981, p. 51-72.

2. Kingston, D . R . ; Dishroon, C .P . et Williams, P . A . Global basin classification system. Bull. Amer. Assoc. Petrol. Geoi, vol. 67, 1983, p. 2175-2193.

3. Seilwood, B . W . et Netherwood, R . E . Facies evolution in the Gulf of Suez area : sedimenta­tion history as an indicator of rift initiation and development. Mod. Geology, vol. 9, 1984, p. 43-69.

Pour approfondir le sujet

N O R T H , F . K . Petroleum Geology, Londres, Allen & Unwin, 1985.

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Des volcans et des hommes

Claude Jaupart

Les volcans produisent souvent des cataclysmes imprévisibles. Nous avons une très bonne connaissance des phénomènes volcaniques mais celle-ci ne nous permet pas encore d'établir des prédictions détaillées. Les prévisions volcanologiques en sont encore au stade des balbutiements. Les hommes ont tiré avantage des volcans et ont appris à vivre dans leur voisinage. Ils doivent maintenant leur rendre l'hommage qu'ils méritent sur le plan scientifique, en les observant pendant une durée appréciable de leur activité. Des données doivent être recueillies pendant des périodes où ont lieu de nom­breuses éruptions, afin d'être en mesure de mettre au point des modèles physiques et chimiques. Des observatoires volcanologiques sont créés dans ce but dans un grand nombre de régions du monde.

Magnifiques et meurtrières à la fois, les éruptions volcaniques ont toujours fasciné l ' h o m m e . Elles sont probablement le premier phénomène géologique qui ait été décrit en détail - en 79 avant J . C . par Pline le jeune - lors de l'éruption du Vésuve en Italie. O n les considère depuis l'Antiquité c o m m e la manifestation de la colère et de l'affliction des dieux, l'exemple le plus célèbre à cet égard étant celui du Fuji-Yama au Japon et le plus curieux, peut-être, celui de Pelé, la déesse hawaïenne qui verse des pleurs et s'arrache les cheveux, en réalité des fragments de lave projetés dans l'air qui tourbillonnent au cours de leur chute.

Variées dans leurs modalités, toutes les éruptions traduisent l'action de forces puissantes et redoutables sur lesquelles l ' h o m m e n'a pas de prise. D e longues années d'observation et d'étude ont cependant permis aux scientifiques d'en établir une classification1. Parmi les formes d'éruption les plus spectaculaires, on peut citer le type hawaïen avec ses « fontaines de feu », sortes de murs ou de rideaux de lave qui se dressent à des hauteurs souvent supérieures à 100 m . U n e autre catégorie est celle des éruptions stromboliennes, illustrées par le Stromboli et l'Etna, deux volcans ayant manifesté une incessante activité tout au long de l'histoire. Elle se caractérise par une série d'explosions puissantes qui projettent dans l'air des fragments de lave à des

Claude Jaupart est professeur de géophysique à l'Université de Paris VII et à l'Institut de Physique du Globe. Il concentre ses travaux de recherche sur les modèles physiques de processus magmatiques, y compris la structure et la dynamique des réservoirs de m a g m a , ainsi que sur la nature des différents régimes des éruptions volcaniques. O n peut contacter le professeur Jaupart à l'Université de Paris VII, 4, place Jussieu, 75252 Paris Cedex 05 (France).

63 Impact : science et société, n° 145, 63-70

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Claude Jaupart

vitesses de plusieurs centaines de mètres par seconde. La variété plinienne est égale­ment célèbre : elle se traduit par un énorme jet de lave et de gaz qui monte en flèche à plusieurs kilomètres de hauteur, perturbant toute l'atmosphère. Les éruptions les plus effrayantes sont peut-être les « peléennes », qui doivent leur n o m à la montagne Pelée, à la Martinique. Elles sont à l'origine de « nuées ardentes » que l'on peut définir c o m m e des déferlements meurtriers de gaz et de ponce brûlants qui dévalent les flancs des volcans à des vitesses de plusieurs centaines de kilomètres à l'heure et à des températures supérieures à 600° C .

U n e liste complète de tous les types d'éruption en comprendrait beaucoup d'autres et serait ici quelque peu hors de propos. Mais les exemples donnés expli­quent peut-être la fascination exercée par les volcans. Lucarnes de l'enfer, selon d'anciennes croyances, ils donnent à l ' homme la pleine mesure de sa faiblesse et de sa vulnérabilité. Pour le physicien, ils sont une véritable merveille et, toutes proportions gardées, ils offrent des exemples naturels de ce qui se produit lorsque le m a g m a et le gaz, en s'élevant vers la surface, se trouvent soumis à une décompression. La volca­nologie comporte, certes, de nombreux aspects intéressants et il serait impossible de les traiter tous dans un article aussi bref. C'est pourquoi, après avoir fait brièvement le point de ses progrès récents et des connaissances actuelles, nous nous bornerons à tenter de répondre aux deux questions suivantes : pourquoi l ' h o m m e a-t-il continué de vivre au voisinage de volcans susceptibles de l'anéantir? Et pourquoi notre connaissance des conditions des éruptions est-elle si limitée et notre capacité de prévision si peu assurée?

Ces questions paraissent opportunes à un m o m e n t où les systèmes volcaniques profonds de la Californie et de l'Italie, autrefois réputés éteints, donnent des signes de perturbations majeures. Pour illustrer le sort qui attend les habitants de ces régions en cas d'éruption, il suffit de regarder la carte géologique de la zone entou­rant la ville de Bishop, au pied de la Sierra Nevada, non loin de la côte ouest de l'Amérique du Nord. O n y remarque une couche de ce que les géologues n o m m e n t « ignimbrites », appellation scientifique des dépôts de cendres chaudes. Cette couche couvre une superficie d'un millier de kilomètres carrés environ sur une épaisseur de plus de cent mètres. Elle s'est déposée à la suite d'une éruption unique, survenue il y a 700000 ans - autant dire hier à l'échelle des temps géologiques - dont il est concevable qu'elle se répète. Cette zone donne actuellement des signes manifestes d'activité sous la forme de sismicité et d'une déformation superficielle. La dernière apparition de m a g m a par l'extrusion du d ô m e du lac M o n o n'y date d'ailleurs que de 700 ans. Il semble inutile de justifier davantage la priorité qu'il convient d'accorder à l'élucidation de mécanismes de ce type d'activité volcanique.

Les volcans peuvent frapper partout et toujours

D a n s le contexte de la tectonique des plaques, les volcans peuvent se diviser en deux catégories (voir l'article de José Achache dans le présent numéro) . Ceux de la première catégorie se manifestent le long de ceintures parallèles aux frontières de plaques (figure 1). Les plus spectaculaires sont ceux de la ceinture dite «cercle de feu » qui entoure l'océan Pacifique, englobant le Japon. Ces volcans sont liés aux effets de la subduction, autrement dit à l'interaction entre une plaque litosphérique froide en train de s'enfoncer et celle qui la chevauche. D'autres ceintures volcaniques se confondent avec les dorsales océaniques, l'expansion des fonds océaniques s'effec-

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Des volcans et des hommes

Figure 1 Volcans en activité dans le monde. O n notera que les volcans forment en général des ceintures qui épousent les frontières tectoniques. Ils sont dus aux interactions qui se produisent à la limite des plaques se déplaçant à la surface de la Terre. Certains volcans ne se situent pas à la frontière de plaques tectoniques. Appelés « intracontinentaux » (ou « intraplaque »), ils sont la conséquence de remontées localisées, à l'intérieur du manteau.

tuant par le biais d'injections répétées de m a g m a . Des traces d'activité volcanique sont d'ailleurs décelables sur le plancher des océans ; elles vont de la forme caracté­ristique des coulées de lave mises en place sous l'eau (« laves en coussin ») à l'exis­tence de véritables édifices volcaniques. O n trouve un troisième type de volcan sur la ligne de collision entre deux continents ; le plateau tibétain qui résulte de la collision entre l'Inde et l'Asie est, par exemple, couvert de dépôts volcaniques. E n l'occur­rence, la genèse du m a g m a (fusion) s'explique par l'évolution thermique des conti­nents après leur épaississement. Ces trois types de volcans forment de longues ceintures parce qu'ils résultent des interactions des plaques à leurs frontières. Ils ont chacun des caractéristiques physiques et chimiques propres ; à chacun correspondent une composition et un m o d e d'éruption particuliers. Etant liés à la tectonique des plaques, ils sont déterminés par de vastes mouvements que l'on connaît avec une certaine précision. Leur origine et leur comportement à long terme sont de ce fait relativement bien connus.

O n pourrait croire, sur la foi de ces brèves indications, qu'il suffit de vivre hors des régions d'activité tectonique (ceintures montagneuses, zones de subduction)

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Claude Jaupart

pour échapper aux risques volcaniques. C e n'est malheureusement pas le cas. Il existe en effet une deuxième catégorie de volcans, dits intracontinentaux (ou intra-plaque), qui sont indépendants des interactions des plaques et peuvent « frapper » n'importe où. Ainsi, la France métropolitaine est en apparence aujourd'hui l'un des pays les plus calmes sur le plan géologique puisque la paix n'y est troublée que par de rares séismes mineurs. Pourtant, le Massif central, qui se dresse au cœur m ê m e du pays, est une région d'activité volcanique récente, où des éruptions explosives et de vastes coulées de lave ont été enregistrées il y a tout juste quelques milliers d'années -soit quelques heures à l'échelle des temps géologiques. En Allemagne, les régions d'Eifel et du Kaiserstuhle ont également été ravagées voilà seulement dix mille ans par des éruptions volcaniques. Ces manifestations sont récentes et dues, par consé­quent, à des processus profonds encore actifs qui pourraient causer de nouvelles catastrophes. Des études géophysiques détaillées ont d'ailleurs révélé la présence de m a g m a dans les profondeurs de ces régions. A u milieu de l'océan Pacifique, loin de toute frontière entre deux plaques, Hawai offre un autre exemple de cette catégorie.

La première catégorie de volcans est liée aux interactions et aux mouvements des plaques. Si l'on regarde plus loin à l'intérieur de la planète, elle apparaît c o m m e le résultat final de la convection thermique qui se produit dans le manteau. Ces mouvements convectifs mantéliques prennent la forme de vastes « cellules » bien connues des physiciens, qui sont mues par l'énergie interne de la Terre. Ils font savoir que le m a g m a n'est pas présent partout sous la surface du globe, contraire­ment à ce que l'on croit c o m m u n é m e n t . Il ne se trouve que là où il y a mouvement , et ce par deux mécanismes : l'allégement des pressions dans les parties montantes du manteau et la chaleur frictionnelle dans la partie plongeante de la lithosphère, au niveau des zones de subduction.

La deuxième catégorie de volcans ne présente aucun lien avec la première et est attribuée à une deuxième forme de convection qui s'accompagne de remontées abruptes et localisées appelées « panaches » ou « points chauds ». Son origine est encore controversée : beaucoup de scientifiques la rattachent à des mouvements qui se produiraient dans un réservoir mantélique isolé et profond.

Ce que nous savons aujourd'hui de la physique des mouvements et de la convec­tion dans le manteau suffit à expliquer l'existence de deux types de volcans différents mais ne permet pas de comprendre leurs caractéristiques détaillées. E n dépit des vastes efforts déployés depuis quelques siècles, les scientifiques demeurent incapa­bles de prédire et de prévoir les éruptions. Heureusement, les volcans nous avertis­sent. Lorsque la lave entame son voyage vers la surface, elle ouvre dans l'écorce terrestre des fractures que les sismologues peuvent enregistrer. A u M o n t Saint-Helens, aux Etats-Unis d'Amérique, des fractures avaient été décelées deux mois avant l'éruption du 18 mai 1980 (figure 2a). A l'île de la Réunion, dans l'océan Indien, le Piton de la Fournaise avait lancé des avertissements analogues pendant environ deux semaines (figure 2b). Cependant, ces avertissements ne sont que le signal de l'imminence d'un cataclysme et ne permettent pas de déterminer avec précision le m o m e n t et le lieu où interviendra la coulée de lave. Or , l'intervalle entre le premier mouvement de lave dans les profondeurs et l'éruption à la surface peut être très bref.

Pourquoi notre ignorance est-elle si grande? Une première réponse est qu'il est dangereux d'étudier les éruptions et impossible de le faire de près. L'éruption du M o n t Saint-Helens a tué presque instantanément le vulcanologue Dave Johnston

66

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Des volcans et des hommes

S 40

1 30

Première explosion de vapeur

Cataclysme

Figure 2a Activité sismique au Mont Saint-Helens (Etats-Unis d'Amérique) avant l'éruption catastrophique du 18 mai 1980.

qui l'observait, pourtant, d'une distance de 10 k m . U n e deuxième raison est qu'une seule éruption n'apprend pas grand chose sur l'ensemble d'un système volcanique dont l'activité dure peut-être depuis plusieurs dizaines de milliers d'années. C h a q u e éruption a des particularités propres et ne se répète jamais, ne serait-ce que parce qu'elle modifie la structure et la géométrie du volcan. U n e dernière raison est que la

I îoo

Début de l'éruption

Début de l'activité sismique

Figure 2b Activité sismique au Piton de la Fournaise, à l'île de la Réunion, avant l'éruption du 3 février 1981. Dans ces deux cas, l'activité sismique est mesurée d'après le nombre de tremblements de terre d'une intensité donnée (leur magnitude selon la terminologie géologique). O n notera que cette activité débute longtemps avant l'éruption, soit environ deux mois auparavant au Mont Saint-Helens et deux semaines au Piton de la Fournaise.

67

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Claude Jaupart

physique et la chimie de ces systèmes sont extrêmement complexes du fait qu'elles font intervenir du gaz et du m a g m a , des interactions avec les eaux souterraines et une cristallisation. Il résulte de tout cela qu'il n'existe pas actuellement de modèle per­mettant de reproduire les phénomènes volcaniques.

La situation est pourtant loin d'être désespérée et de nombreux progrès ont été accomplis depuis quelques années. Il est clair que les éruptions volcaniques de tous types sont dues à des différences de viscosité de la lave qui ont fait l'objet d'analyses théoriques3-4 E n outre, les données recueillies sur de longues périodes montrent que les volcans sont remarquablement disciplinés et ont un comportement relativement constant. Le Kilauea (Hawaï) et le Piton de la Fournaise (la Réunion), par exemple, produisent de la lave au rythme de 1 k m 3 par siècle depuis plus de 2000 ans, soit toute la période couverte par des archives. Ces deux volcans entrent en éruption à des intervalles de quelques années, de sorte qu'il y en a eu un grand nombre pendant cette période. Leur taux de production est si constant et régulier que la connaissance de l'intervalle entre deux éruptions permet de calculer la quantité de lave à prévoir à chaque fois5. C e comportement montre que les systèmes volcaniques obéissent à des lois simples et se prêtent à la modélisation physique.

Pour aller plus loin et comprendre dans le détail l'évolution des volcans, il n'existe qu'une méthode : accumuler des données sur des périodes prolongées. V u la longue durée de vie des volcans, il importe de se faire une idée de leur comportement moyen. C'est pourquoi des observatoires volcanologiques ont été créés. L'année 1987 marque le 75e anniversaire de l'observatoire volcanologique de Hawaï , où des scientifiques collectent en continu des données sur la déformation du sol, la distribu­tion profonde des fractures en profondeur et l'histoire des éruptions. L a France assure depuis une dizaine d'années le fonctionnement d'observatoires sur les îles de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion. Quant à l'Italie, elle surveille depuis longtemps, avec un équipement moderne, l'activité de l'Etna et du Stromboli. Les scientifiques espèrent pouvoir élucider le fonctionnement des volcans à long terme c o m m e ils commencent à comprendre, au bout de quatre siècles de mesures continues, celui du c h a m p magnétique terrestre. La mise en œuvre de toute la puissance de la technologie moderne leur permettra peut-être d'atteindre leur objec­tif plus rapidement...

Les volcans et la civilisation

Si les volcans sont aussi dangereux et imprévisibles, pourquoi choisit-on encore de vivre dans leur voisinage? Q u e les villages de l'Etna soient constamment détruits par les coulées de lave n'empêche pas leurs habitants d'y retourner fidèlement. La raison n'en est pas la force de l'habitude, mais un choix économique simple. Les volcans fournissent des sols très fertiles et de l'énergie en quantité. Il suffit de contempler les riches vergers qui couvrent les pentes des volcans d 'Hawaï pour mesurer pleinement la prospérité agricole des régions volcaniques. Cette fertilité s'explique par la forte porosité des sols volcaniques, qui sont constitués de cendres consolidées ou de coulées de lave vacuolaire et retiennent en conséquence d'importantes quantités d'eau. E n Islande, le chauffage et la production d'électricité sont assurés par des centrales géothermiques et on peut donc dire que l'énergie volcanique contribue à la vie de tous les jours.

Plus généralement, l'impact des volcans sur la naissance des civilisations est

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Des volcans et des hommes

assez bien attesté. E n Italie, par exemple, au VIe siècle avant J .C. , les Etrusques formaient la société la plus riche et la plus avancée; les œuvres d'art qu'ils ont produites atteignent à une beauté éternelle. Cette richesse, ils la devaient à leur agriculture et au tuf volcanique fertile sur lequel ils la pratiquaient. Plus frappant encore est l'essor architectural et urbanistique qui se produisit chez les Amérindiens de l'Arizona vers le XIe siècle de notre ère. Les merveilleuses demeures troglodytiques et les forteresses de six étages qui ont subsisté jusqu'à nos jours ont toutes été édifiées au cours d'une brève période durant laquelle les tribus indiennes Anasazi jouissaient apparemment d'une prospérité qui leur a permis de passer moins de temps à arracher leur nourriture au désert. Cette brève période se situe immédiatement après l'érup­tion du Sunset Crater qui, en recouvrant leur territoire de cendre, a fertilisé le sol et l'a rendu propre à toutes sortes de cultures. Hélas, cette activité volcanique n'a pas duré et le tuf a subi un tassement qui en a réduit la porosité et lui a fait perdre sa capacité à retenir l'eau. La terre est redevenue aride et les Indiens ont repris leur vie n o m a d e .

Si les volcans peuvent donner naissance à la civilisation, ils peuvent aussi, malheureusement, la détruire. O n connaît l'exemple, célèbre entre tous, des Minoens de Crète qui, vers 1400 avant J .C. , furent rayés de la surface de la terre du fait de l'explosion de l'île de Santorin. A une échelle plus réduite, le Vésuve fut à l'origine de la disparition d'Herculanum et de Pompéï

Vulcanologie et préoccupations humaines

U n e dernière question s'impose : pourquoi ne surveille-t-on pas les volcans de plus près et pourquoi ont-ils causé la mort de tant de personnes qui étaient pourtant averties du danger? U n e première réponse est que l'activité eruptive des volcans prend la forme soit d'un lent épanchement continu de lave c o m m e à l'île de la Réunion, soit de puissantes mais peu fréquentes explosions destructrices. L ' h o m m e tend donc à s'en accommoder ou à l'oublier. U n certain Harry T r u m a n , qui vivait à proximité du M o n t Saint-Helens, refusa de quitter sa maison lorsqu'on l'avertit de l'imminence de la catastrophe de 1980. Il déclara aux journalistes que la montagne qu'il connaissait depuis sa naissance « n'allait pas lui faire ça». Il périt enseveli sous des tonnes de cendre.

U n e deuxième réponse est que les administrations, qui semblent impuissantes à prendre toute la mesure du risque, se conduisent de manière irresponsable. Plus de 30000 habitants de la ville de Saint-Pierre, à la Martinique, ont été tués le 8 mai 1902. La montagne Pelée manifestait une activité volcanique depuis la fin d'avril, mais les élections se préparaient et l'on craignait qu 'un déplacement de la population ne nuise au processus démocratique. C e fut, hélas, l'éruption qui lui nuisit. Plus récemment, l'installation d'un observatoire volcanologique sur l'île de la Réunion se heurta aux réticences des autorités locales... jusqu'à ce qu'une coulée de lave détruise le commissariat de police. Dans la région du M o n t Saint-Helens, il fallut que se produise l'explosion destructrice de mai 1980 pour qu 'on se décide à construire un observatoire afin de surveiller les nombreux volcans des Etats de l'Oregon et de Washington.

Il semble que les craintes de l ' h o m m e soient éphémères et sa mémoire des catastrophes bien courte. Des chiffres précis peuvent m ê m e être donnés à cet égard. La figure 3 représente l'indice mondial de « notification » autrement dit le nombre de

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Claude Jaupart

1980 Années

Notification du volcanisme au cours des cent vingts dernières années (d'après Simkin et ai, 1981)2. La courbe correspond au nombre de volcans actifs par an. O n notera sa pente généralement croissante qui traduit le développement des études scientifiques. Elle se caractérise par des pics marquant la recrudescence de l'intérêt porté aux volcans, à la suite d'éruptions catastrophiques.

rapports établis chaque année sur des éruptions volcaniques, n o m b r e qui traduit l'intérêt que l'humanité porte à ces phénomènes (Simkin et al., 1981). Le graphique présente deux caractéristiques : premièrement, une courbe dans l'ensemble ascen­dante qui rend compte de l'accroissement général du n o m b r e des études scientifiques et, deuxièmement, une série de pics qui, presque toujours, font suite à des éruptions catastrophiques, c o m m e celle de 1883, à Krakatoa (Indonésie) qui tua plus de 36000 personnes et celle de la montagne Pelée en 1902. U n e caractéristique frappante de ces pics est qu'ils ont tous la m ê m e durée : 5 à 6 ans. A u bout de cette période relative­ment brève, il semble que l'intérêt de l ' h o m m e décroisse et qu'il faille une nouvelle éruption pour rappeler au m o n d e les dangers inhérents aux volcans. •

Notes

WILLIAMS, H . et Me BIRNEY, A.R. Volcanology. San Francisco, Freeman, Cooper & Co., 1979. SIMKIN,T.; SIEBERT, L. ; M C C L E L L A N D , L.; BRIDGE, D . ; N E W H A L L , C. et LATTER, J.H. Volcanoes of the world. Pennsylvania, Hutchison Ross Pub. Co., 1981. WILSON, L. et H E A D , J .W. Ill, Ascent and eruption of basaltic magma on the earth and moon. Journal of Geophysical Research. n°86, 1981, p. 2971-3001. V E R G N I O L L E , S. et J A U P A R T , C . Separated two-phases and basaltic eruptions. Journal of Geophysical Research. n°91, 1986, pp. 12842-12860. W A D G E , G . Steady-state volcanism : evidence from eruption histories of polygenetic volca­noes. Journal of Geophysical Research. n° 87, 1982, pp. 4035-4049.

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La sismicité du Japon : tremblements de terre et tsunamis

Katsuyuki Abe

Le Japon et sa région présentent la configuration typique des arcs insulaires, que l'on

observe là où les plaques océaniques s'enfoncent par subduction à l'intérieur du man­

teau. Ils sont le siège de séismes à foyer normal et profond qui, assez souvent, provo­

quent des tsunamis. Le Japon est l'un des pays du monde dont les archives permettent de

remonter le plus loin dans la connaissance de l'activité sismique. Un examen plus

attentif des caractéristiques de cette sismicité permet de dégager certains traits inté­

ressants.

Le Japon a, depuis des siècles, vécu dans la crainte des tremblements de terre. Les

Japonais eux-mêmes disent en plaisantant que leurs quatre sources d'appréhension

quotidiennes sont, dans l'ordre, «jishin (les tremblements de terre), kaminari (le

tonnerre), kaji (le feu), oyaji (mon père) ». A Tokyo, une personne sensible peut

percevoir une trentaine de secousses en un an. A u cours des quinze derniers siècles, il

y a eu, au Japon, plus de 600 tremblements de terre, qui ont causé, pour certains

d'entre eux, des dégâts très importants. Le grand séisme du 1er septembre 1923, par

exemple, a fait 142807 victimes et détruit plus de 500000 maisons dans la région du

Kanto1 . Les ondes océaniques engendrées par les séismes, auxquelles on donne à

juste titre le n o m de tsunamis, menacent de temps à autre les habitants des côtes. Le

15 juin 1896, un grand tsunami a atteint une hauteur de plus de 20 mètres sur le

littoral de Sanriku, tuant 21959 personnes.

Le Japon est situé dans la partie nord-ouest du cercle circum-pacifique, où

l'activité sismique et volcanique est très intense. Les grands tremblements de terre y

sont fréquents et il s'y produit des séismes profonds, dont le foyer peut être enfoui

jusqu'à 600 kilomètres sous terre. O n discerne dans la région les formes d'arcs

insulaires, et les plaques océaniques y pénètrent par subduction dans les profondeurs

du globe. Les interactions entre ces plaques provoquent, aux endroits où elles ont

lieu, d'importants processus géologiques.

La tectonique des plaques a récemment permis à la sismologie de faire de grands

progrès et nous disposons à présent d 'un volume exceptionnel de données, à la fois

Katsuyuki A b e est professeur associé de sismologie à l'Institut de recherches sismiques de l'Université de T o k y o (Japon). Il travaille sur les problèmes de sismicité, les mécanismes au foyer et la prévision des tremblements de terre. Son adresse est la suivante : Earthquake Research Institute, University of Tokyo, Yayoi 1-1-1, Bunkyo-ku, Tokyo 113 (Japon).

71 Impact : science et société, n° 145, 71-83

Page 70: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Katsuyuki Abe

macrosismiques et microsismiques, pour nous aider à élucider le mécanisme des tremblements de terre au Japon et dans le reste du monde .

L'examen de l'activité sismique au Japon fait incontestablement apparaître certaines caractéristiques intéressantes.

Grands tremblements de terre

L'importance d'un tremblement de terre est généralement exprimée par sa magni­tude M 1 . Elle peut être liée empiriquement à la quantité d'énergie libérée sous forme d'ondes sismiques. U n accroissement d'une unité de magnitude correspond à une multiplication par environ 30 de la quantité d'énergie sismique. L'énergie d'un temblement de terre de magnitude 8 est de l'ordre de 1024 ergs, soit en gros l'équiva­lent de 1250 bombes atomiques du type de celle qui a frappé Hiroshima. Cela correspondrait, pour les sismologues, à la formation d'une faille de 10000 k m 2 de superficie, avec un décalage de 4 mètres entre ses compartiments.

O n trouvera au tableau 1 la liste des 17 séismes normaux enregistrés, de 1886 à 1985, dans la zone où se trouve le Japon et dont la magnitude 7,9 ou plus a pu être déterminée à l'aide d'instruments. Toutes ces secousses ont provoqué des destruc­tions. Depuis cent ans, il s'est produit en moyenne, sur l'ensemble du territoire japonais, un ou deux grands tremblements de terre tous les dix ans. L'énergie totale libérée par ces séismes n'est guère supérieure à 3 X 1025 ergs, ce qui équivaut à peu près à l'énergie libérée par un seul tremblement de terre de magnitude 9,1, c'est-à-dire, pour citer un exemple, par un séisme du type de celui qui s'est produit en Alaska en 1964 (Af=9,2)4 . Le chiffre annuel moyen pour les cent dernières années est de 3 X 1023 ergs, ce qui représente 7 % de la moyenne annuelle pour les séismes

Tableau 1 Séismes normaux de magnitude égale ou supérieure à 7,9 enregistrés entre 1886 et 1985'13-9

Année

1891 1894 1896 1923 1933 1944 1946 1952 1953 1958 1963 1964 1968 1969 1973 1975 1983

Mois

10 3 6 9 3

12 12 3

11 11 10 6 5 8 6 6 5

Jour

28 22 15 1 3 7

21 4

26 7

13 16 16 12 17 10 26

Latitude (°N)

35,6 42,5 39,5 35,1 39,2 33,8 33,0 41,8 34,0 44,4 44,9 38,4 40,7 43,4 43,0 43,2 40,4

Longitude CE)

136,6 146,0 144,0 139,5 144,5 136,6 135,6 144,1 141,7 148,6 149,6 139,2 143,6 147,8 146,0 147,4 139,1

Ms

8,0 7,9 6,8 8,2 8,5 8,0 8,2 8,3 7,9 8,1 8,1 7,5 8,1 7,8 7,7 6,8 7,7

Mw

— —

7,9 8,4 8,1 8,1 8,1 7,9 8,3 8,5 7,6 8,2 8,2 7,8 —

7,9

M,

8,2 8,2 8,0 8,3 8,1 8,1 8,2 7,8 8,2 8,4 7,9 8,2 8,2 8,1 7,9 8,1

72

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Sismicité du Japon

Figure 1

Tremblements de terre les plus importants enregistrés de 1886 à 1985. Cercles noirs: séismes à foyer normal ; triangles blancs: séismes à foyer intermédiaire ; triangles noirs : séismes à foyer profond5. Les chiffres sont présentés dans les tableaux 1 et 2.

n o r m a u x affectant la planète et correspond à l'énergie libérée au cours d'un seul tremblement de terre de magnitude 7,8.

L a figure 1 indique la répartition géographique des grands séismes à foyer normal enregistrés entre 1886 et 1985. Il est intéressant de noter que la plupart de ces secousses avaient leur epicentre au large des côtes du Pacifique, le long de la fosse et de la dépression océaniques. Il s'est produit deux grands séismes dans la mer du Japon : l'un à Niigata en 1964 et l'autre dans le centre de cette mer en 1983. Le séisme de Nobi (1891) est, à notre connaissance, le plus important qui ait jamais eu lieu dans le centre de H o n s h u . Les grands tremblements de terre sont souvent suivis de nombreuses secousses, appelées répliques, qui se produisent juste après la secousse principale. Lors du tremblement de terre survenu en 1983 dans le centre de la m e r du Japon, par exemple, plus de 8000 répliques ont été enregistrées en deux mois.

Tableau 2 Séismes profonds de magnitude 7,5 et plus enregistrés entre 1904 et 1980116

Année

1906 1909 1909 1911 1950

Mois

1 3

11 6 2

Jour

21 13 10 15 28

Latitude (°N)

34,0 31,5 32,0 29,0 46,0

Longitude CE)

138,0 142,5 131,0 129,0 144,0

Profondeur (km)

340 80

190 160 340

m¿,

7,5 7,6 7,5 8,1 7,5

73

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Katsuyuki Abe

La région est parfois le siège de séismes profonds, dont le foyer est à plus de 60 kilomètres sous terre5; mais ils sont beaucoup moins fréquents que les séismes normaux. O n trouvera la liste des grands séismes profonds de la période 1904-1980 au tableau 2. D e plus, ils sont représentés sur la figure 1 par des triangles. Le séisme du 15 juin 1911, qui s'est produit à 160 kilomètres au-dessous des îles Ryukyu, est la plus forte secousse profonde jamais enregistrée dans le m o n d e . Quatre des cinq secousses répertoriées au tableau 2 (l'exception étant celle de 1950) ont été suffisam­ment violentes pour provoquer de légers dégâts en dépit de leur grande profondeur.

Petits tremblements de terre

Les petits tremblements de terre sont beaucoup plus nombreux qu'on ne le croit généralement parce que les séismes sont d'autant plus fréquents que leur magnitude est plus faible (le nombre des secousses se multiplie approximativement par dix quand la magnitude diminue d'une unité). La figure 2 indique la répartition géogra­phique des séismes normaux de magnitude 5 ou plus qui se sont produits entre 1926 et 1985. O n compte en moyenne dans la région 55 secousses de cette catégorie par an. E n extrapolant, le nombre total des tremblements de terre de magnitude 3 ou plus est estimé à 4000 par an, ce qui correspond à peu près à une secousse toutes les deux heures.

Figure 2

Répartition des séismes normaux de magnitude 5 et plus, enregistrés de 1926 à 1985 (d'après l'Office météorologique du Japon).

Certaines zones de l'archipel japonais sont le siège d'essaims ou, autrement dit,

de longues séries de secousses relativement faibles sans secousse principale. Le plus

célèbre s'est produit à Matsushiro, dans le centre du Japon. C o m m e n c é août 1965, il

est allé en s'amplifiant et s'est prolongé jusqu'après 1967. A la fin de cette année-là,

74

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Sismicité du Japon

les secousses ressenties s'élevaient à 61000, mais le nombre de celles enregistrées à l'aide de sismographes sensibles atteignait 670000. La secousse la plus forte de la série était de magnitude 5,4.

Les essaims ont tendance à se produire dans les zones volcaniques, souvent avant et après les éruptions. La grande éruption du Sakurajima en 1914, par exem­ple, avait été précédée d'un grand nombre de secousses dont la magnitude ne dépas­sait pas 5,2 ; la secousse la plus forte, qui était de magnitude 7, s'est produite le 12 janvier, une dizaine d'heures après le début de l'éruption. E n 1977, après l'érup­tion de l'Usu, 16000 secousses ont été ressenties à proximité en l'espace d'un an.

La ville de W a k a y a m a , à 30 kilomètres au sud-ouest d'Osaka, est le siège d'une activité sismique en essaim qui n'a pas d'équivalent ailleurs. Depuis cent ans et sans doute davantage, de nombreuses secousses de faible magnitude s'y produisent conti­nuellement. Le nombre total des secousses ressenties entre 1880 et 1984 s'élève à 7 194. Depuis quelques années, un réseau de sismographes sensibles permet d'enre­gistrer chaque mois 400 microséismes de magnitude inférieure à 3. La plus forte secousse enregistrée au cours des quarante dernières années était de magnitude 5,0. L'épicentre ne se situait pas dans une zone volcanique7.

Tsunamis

Le terme « tsunami », qui est désormais d'usage international, désigne littéralement une « grande vague déferlant dans un port ». Il vient des deux mots japonais tsu et nami, qui signifient respectivement « port » et « vague ». Les tsunamis sont le plus souvent provoqués par le déplacement vertical des fonds marins le long d'une faille au cours d 'un tremblement de terre. Les vagues ainsi formées sont très basses et presque imperceptibles pour les navires qui se trouvent en pleine mer. Mais, lors­qu'elles parviennent en eau peu profonde, leur hauteur peut être accrue dans des proportions considérables du fait de caractéristiques topographiques. Cela se pro­duit en particulier dans les baies ou les criques en forme de V ouvert en direction du large. Les tsunamis ont des périodes extrêmement longues (de 5 à 70 minutes). Tous ne sont pas suffisamment importants pour causer des dégâts, mais il arrive de temps à autre que l'un d'eux fasse de nombreuses victimes et ravage des centaines de kilomètres le long des côtes les plus peuplées.

Les premiers documents japonais où il est question de tsunamis remontent à l'an 684, mais les archives de la période la plus ancienne sont forcément incomplètes, notamment en ce qui concerne les petits tsunamis. A u Japon, les effets globaux des tsunamis sont classés selon l'échelle d'Imamura-Iida (m), qui fait l'objet du tableau 3. La figure 3 indique la répartition de 171 séismes tsunamigènes enregistrés entre 684 et 1985 dans la zone où se trouve le Japon. U n coup d'œil suffit pour se rendre compte que la côte de Sanriku (le littoral pacifique du nord-est du Japon) et la côte de Tokai-Nankaido (le littoral pacifique du sud-ouest du Japon) ont subi plus de grands tsunamis que toute autre région. Cela tient essentiellement à deux facteurs dont les effets se conjuguent : la plus grande fréquence des séismes importants qui ont leur foyer au large et le caractère très découpé du littoral.

A u cours des treize derniers siècles, le Japon a été frappé par seize grands tsunamis de m = 3 et par cinq très grands tsunamis de m = 4. Ces derniers ont dévasté la côte de Sanriku par deux fois, le 13 juillet 869 et le 15 juin 1896, et la région de Tokai-Nankaido, par deux fois également, le 28 octobre 1707 et le 24 décembre 1854.

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Katsuyuki Abe

Tableau 3 Echelle d'Imamura-Iida

Hauteur du tsunami Dégâts (en mètres)

1 0 1 2 3 4

Moins de 0,5

Environ 1

Environ 2

4-6 10 Plus de 30

Aucun

Très peu

Maisons et bateaux endommagés

Maisons détruites et pertes en vies humaines

Littoral dévasté sur une longueur de plus de 400 k m

Littoral dévasté sur une longueur de plus de 500 k m

Le cinquième grand tsunami {m = 4), qui remonte au 24 avril 1771, a ravagé la petite île d'Ishigakijima (située au sud-ouest de la zone représentée dans la figure 3), faisant 9313 victimes. Depuis cent ans, 120 tsunamis de m = — 1 ou plus, soit en moyenne un par an, ont été enregistrés sur l'ensemble du territoire japonais.

O n observe parfois, parmi les fréquents séismes tsunamigènes, certains cas inhabituels dans lesquels les tsunamis ont une dimension anormale par rapport à la magnitude de la secousse. L'exemple le plus célèbre de ce phénomène est le séisme de Sanriku, qui s'est produit le 15 juin 1896 et a provoqué un tsunami très destructeur. Bien que le mouvement du sol ait été très faible sur le littoral de Sanriku, celui-ci a été submergé par un grand tsunami, qui a atteint et m ê m e dépassé 30 mètres de haut à Ryori et 24 mètres à Yosh ihama; il a fait 21953 victimes. Calculée d'après les ondes de tsunami, la magnitude s'élèverait à 8 ,2 ; calculée d'après les ondes sismi-

Figure 3

Séismes tsunamigènes enregistrés de 684 à 19858. La dimension des cercles correspond au degré de l'échelle de magnitude des tsunamis figurant au tableau 3.

76

Page 75: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Sismicilé du Japon

Figure 4

a) Parties de brise-lame en béton disséminées parmi les dunes de sable par un tsunami en 1983. Chaque morceau pesait 4 tonnes et la dune mesurait 11 mètres au-dessus du niveau de la mer. (Photo aimablement prêtée par International Tsunami Information Centre, Honolulu). b) Grande digue protégeant la ville de Taro, Préfecture de Iwate. C e m u r mesure 2433 mètres de longueur et 10 mètres de hauteur au-dessus du niveau de la mer. Les grands tsunamis de 1896 et de 1933 ont causé la mort respectivement de 1 859 et 911 habitants rien que dans cette zone. (Photo aimablement prêtée par la ville de Taro).

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77

Page 76: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Katsuyuki Abe

ques, elle ne dépasserait pas 6,89 . Le séisme qui s'est produit au large de l'île de

Shikotan le lOjuin 1975 (voir tableau 1) en offre une illustration plus récente. L a

question de la cause de ce type particulier de séisme est très controversée.

Les tsunamis ignorent les frontières. Certains de ceux qui ont frappé le Japon

viennent de très loin. Le 5 novembre 1952, le tsunami provoqué par le tremblement

de terre du Kamtchatka, dont la magnitude avait atteint 9,0, a inondé 1200 maisons

le long de la côte Pacifique. Plus remarquable est le tsunami causé par le grand

tremblement de terre de magnitude 9,5 qui a frappé le Chili le 23 mai 1960. C e

tsunami a traversé le Pacifique en vingt-deux heures environ. Les vagues ont atteint

6 mètres de hauteur, ont fait 122 morts et 873 blessés, et ont détruit 5 107 maisons et

1137 embarcations sur le littoral. D'autres grands tsunamis venus d'Amérique du

Sud avaient frappé le Japon en 1837 ( M = 9 , 2 5 ) , en 1868 ( M = 9 , 0 ) , en 1877

( M = 9 , 0 ) , en 1906 ( M = 8 , 7 ) et en 1922 ( M = 8 , 7 ) . Ils ont également touché les îles

Hawaii. Afin d'atténuer les risques, des systèmes régionaux et internationaux

d'alerte aux tsunamis ont été mis en place tandis que de grands ouvrages (murs et

brise-lame) ont été construits dans les zones particulièrement exposées (voir

figure 4 a, b).

Séismes destructeurs

Les premiers documents japonais relatifs à des séismes destructeurs remontent à 416

après J . -C. ; mais les archives du début de cette période sont forcément incomplètes.

U n recensement poussé a permis de dénombrer 600 tremblements de terre de ce type

au cours des mille cinq cents dernières années10. L a figure 5 indique la localisation

des secousses destructrices enregistrées de 416 à 1985.

Figure 5

Répartition, des tremblements de terre destructeurs enregistrés de 416 à 1985 ,0.

78

Page 77: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Sismicité du Japon

Tableau 4 Liste des séismes qui ont fait 500 morts ou plus, 1800-1985 i.w

Année

1828 1847 1854 1854 1854 1855 1872 1891 1894 1896 1923 1927 1933 1943 1944 1945 1946 1948

Mois

12 5 7

12 12 11 3

10 10 6 9 3 3 9

12 1

12 6

Jour

18 8 9

23 24 11 14 28 22 15 1 7 3

10 7

13 21 28

Latitude (°N)

37,6 36,7 34,8 34,0 33,0 35,7 34,9 35,6 38,9 39,5 35,1 35,5 39,2 35,5 33,8 34,7 33,0 36,2

Longitude (°E)

138,9 138,2 136,0 137,8 135,0 139,8 132,0 136,6 139,9 144,0 139,5 135,2 144,5 134,1 136,6 137,1 135,6 136,2

M

6,9 7,4 7,6 8,4 8,4 6,9 7,1 8,0 7,0 6,8 8,2 7,6 8,5 7,4 8,0 6,8 8,2 7,3

m

— — 3 4

— 0

— —

4 2

-1 3

— 3 0 3

Région

Niigata Nagano Kii Tonankai Nankai Tokyo Shimane Gifu Yamagata Sanriku Kanto Kyoto Sanriku Tottori Tonankai Aichi Nankai Fukui

Nombre de morts

1443 >6000

1800 > 1000

3000 10000 > 800 7273

726 21959

142807 2925 3064 1083

> 871 1961 1330 3769

Nombre de maisons détruites

9 808 > 14000 > 4300 > 10000 > 30000 > 17000 > 5700

142177 > 6000 > 11000

576262 21690 6067 7 736

> 13586 5 539

15710 40035

Le tableau 4 donne, pour la période 1800-1985, la liste des tremblements de terre au cours desquels plus de 500 personnes ont trouvé la mort. Il y a lieu de noter que la magnitude des séismes ne doit pas nécessairement être élevée pour qu'ils provoquent de graves dégâts, car l'ampleur de ces dégâts n'est pas uniquement conditionnée par celle du séisme mais aussi par d'autres facteurs, tels que l'endroit et le m o m e n t où il se produit, la densité de la population de la zone touchée et certains effets secondaires c o m m e les incendies. Le tremblement de terre du Kanto, qui a eu lieu le 1er septembre 1923, à midi, est l'un des plus catastrophiques que le Japon ait jamais connu. Bien que les immeubles et les autres structures aient été gravement endommagés par la secousse, c'est au grand incendie qui a éclaté aussitôt après que sont imputables la majeure partie des ravages subis par T o k y o , Y o k o h a m a et les environs. A Niigata, le tremblement de terre du 16 juin 1964 s'est accompagné d'une liquéfaction des alluvions gorgées d'eau sur lesquelles la ville est construite. A u cours du séisme de magnitude 6,8 qui s'est produit à Nagano le 14 septembre 1984, d'im­portants dégâts ont été provoqués par une avalanche de débris. La ville de Tokyo a beaucoup souffert du séisme qui l'a frappée de plein fouet le 11 novembre 1855. Les tremblements de terre de Tottori (10 septembre 1943) et de Fukui (28 juin 1946) et d'autres secousses qui ont frappé l'intérieur du pays témoignent des ravages que les séismes peuvent causer lorsqu'ils se produisent à proximité de zones urbaines congestionnées. Ces catastrophes sont riches d'enseignements directement utiles pour réduire les aléas sismiques.

Par bonheur, aucune ville fortement peuplée n'a été le théâtre d'un grand séisme depuis plusieurs dizaines d'années ; le tribut en vies humaines prélevé par les trem­blements de terre est resté faible depuis celui de Fukui, en 1948. Les plus fortes pertes

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Katsuyuki Abe

en vies humaines subies ces dernières années ont été provoquées par le tsunami venu du Chili en 1960 (139 morts), le séisme qui s'est produit en 1983 dans la mer du Japon (103 morts) et celui qui a eu lieu le 16 mai 1968 à Tokachi-Oki (52 morts).

Sismicité et plaques tectoniques

Dans le système de plaques constituant la surface de la Terre, on a constaté que la région où se trouve le Japon comprend une zone de subduction où une plaque océanique s'enfonce sous une plaque continentale. Cette zone est m ê m e le siège d'une jonction triple puisque trois plaques (voir figure 6), dont les mouvements sont assez complexes, s'y affrontent. L'archipel japonais est situé à la bordure maritime de la plaque Eurasie. La plaque Pacifique s'enfonce sous les îles du nord-est, le long de la fosse des Kouriles et de la fosse du Japon, et sous la mer des Philippines, le long de la fosse d'Izu-Bonin. L a plaque Philippines, quant à elle, s'enfonce sous les îles du sud-ouest de l'archipel, le long du fossé de Nankai et de la fosse des Ryukyu.

Figure 6

Arcs insulaires et plaques tectoniques dans la région où se trouve le Japon.

La figure 7 indique la répartition des séismes à foyer normal et profond enregis­trés entre 1964 et 1975. Les séismes profonds sont regroupés à l'intérieur d'une bande étroite, qui correspond approximativement aux limites de la plaque en sub­duction.

A u XIXe siècle, on disait que les tremblements de terre étaient provoqués par le Namazu, poisson-chat gigantesque et noir vivant dans la vase au-dessous de la terre. Aujourd'hui, il est largement admis que la plupart des séismes sont causés par une brusque libération d'énergie tectonique associée à la formation de failles. Les che­vauchements de plaques provoquent une accumulation progressive des contraintes, donc d'énergie, à l'interface de la plaque océanique et de la plaque continentale sous laquelle elle plonge. Lorsque l'énergie vient à bout de la résistance, il se produit un brusque glissement le long de l'interface. C'est ce mécanisme qui est le plus souvent à l'origine des grands séismes à foyer normal le long du littoral pacifique. Le tremble-

80

Page 79: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Sismicité du Japon

Figure 7

Tremblements de terre enregistrés pendant la période 1964-1975 dans la région où se trouve le Japon. Les lignes en pointillé relient les foyers d'égale profondeur, en kilomètres. (D'après le Centre séismologique international.)

0< H < 100

° 100 < H < 200

* 200 <. H < 300 û 300:£H<400

° 400£H<500

o 500£H

ment de terre de Sanriku (3 mars 1933), qui a été provoqué par la formation de grandes failles dans la plaque Pacifique est une exception notable.

L a zone où est situé le Japon peut être subdivisée en cinq arcs insulaires : l'arc des Kouriles, le long de la fosse du m ê m e n o m (région K de la figure 6), l'arc du nord-est de H o n s h u le long de la fosse du Japon (région J), l'arc d'Izu-Bonin le long de la fosse d'Izu-Bonin (région I), l'arc du sud-ouest de H o n s h u le long du fossé de Nankai (région N ) , et l'arc des R y u k y u , le long de la fosse des R y u k y u (région R ) . C h a c u n de ces arcs présente des caractéristiques sismiques qui lui sont propres.

Les arcs des Kouriles et de la partie nord-est de Honshu (régions K et J)

Les zones proches des fosses du Pacifique sont le siège d'une intense activité sismique à foyer normal, ainsi que le montre la figure 1. Le 16 mai 1968, c'est-à-dire à une époque relativement récente, a eu lieu le tremblement de terre de magnitude 8,2 de Tokachi-Oki, au nord de la fosse du Japon. O r , on a pu établir, d'après les docu­ments historiques dont on dispose sur les tsunamis, que cette m ê m e zone avait été le siège de séismes de magnitude comparable en 1677, en 1763 et en 1856, ce qui donne un intervalle m o y e n de récurrence d'environ 97 ans. L'intervalle de récurrence des grands séismes le long de la fosse des Kouriles est estimé à une centaine d'années. Il paraît en revanche irrégulier dans la région située au large de la côte de Sanriku, où de grands séismes se sont produits en 869, 1611, 1896 et 1933.

Il n'y a pas eu de grands tremblements de terre à proximité de la partie méridio­nale de la fosse du Japon, mais on y a enregistré une fois, en novembre 1938, un

81

Page 80: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

- Katsuyuki Abe

essaim de grands séismes, avec 27 secousses de magnitude 6, ou plus, et de petits tsunamis ont été fréquemment déclenchés. Si l'activité sismique à foyer normal est faible dans la zone de la mer du Japon, les grandes secousses dévastatrices, c o m m e le tremblement de terre survenu en 1983 dans le centre de cette mer, sont fréquentes au large des côtes occidentales de l'archipel japonais et les îles elles-mêmes sont de temps à autre le siège de séismes destructeurs (voir figure 5).

Les séismes à foyer profond enregistrés dans cette région se situent sur une ligne plus ou moins continue à l'intérieur d'une bande étroite qui va en s'enfonçant de la zone océanique vers le continent à un angle de 30°. Le séisme le plus profond — 600 kilomètres — s'est produit dans le voisinage de la République populaire démocrati­que de Corée. Cette bande inclinée, qui est le siège de séismes à foyer profond, est connue sous le n o m de zone de Wadati. O n a découvert récemment qu'elle se composait de deux couches qui se situent entre 60 et 180 kilomètres de profondeur et sont distantes d'environ 35 kilomètres". Cette région est probablement la seule au m o n d e où l'activité sismique atteigne une profondeur de 600 kilomètres avec un plan d'inclinaison caractérisé par un angle relativement réduit.

Arc d'Izu-Bonin (région I)

Dans cette région, la plaque Pacifique se déplace vers l'ouest pour venir s'enfoncer

sous la plaque Philippines. O n y observe une forte activité profonde jusqu'à 600

kilomètres. L'angle de plongée de la zone de Wadati y est voisin de 45° dans la partie

septentrionale et va en augmentant vers le sud. Bien qu'on ait affaire à un arc

insulaire typique, les grands séismes à foyer normal sont très rares ; au sud de 3e N , la

plus forte secousse de ce type qui ait été enregistrée pendant la période 1898-1980

n'avait qu'une magnitude de 7,0.

Arc du sud-ouest de Honshu et arc des Ryukyu

(régions N et R)

Dans l'arc du sud-ouest de Honshu, l'activité sismique est faible en profondeur et très intense en surface. Dans l'arc des Ryukyu, elle cesse tout à fait au-dessous de 280 kilomètres environ. Les secousses normales de magnitude supérieure à 7 sont fré­quentes dans la partie septentrionale de cet arc, ainsi que le montre la figure 2.

Le long du fossé de Nankai, les grands séismes à foyer normal se reproduisent avec une remarquable régularité. Depuis treize siècles, on a enregistré dans cette zone de fortes secousses en 684, 887, 1099, 1361, 1605, 1707, 1854 et 1946, soit un intervalle moyen de quelque 110 ans pour les quatre derniers siècles.

La région de Tokai, y compris la baie de Suruga, près de l'extrémité nord du fossé de Nankai, n'a pas connu de séisme important depuis 1854. Plusieurs indices donnent à penser qu 'un grand tremblement de terre y serait imminent. U n e loi sur les mesures de défense contre les grands séismes a été adoptée en 1978 pour parer à cette éventualité ; un dispositif destiné à assurer une surveillance scientifique rigoureuse a été mis en place dans cette zone afin de déceler les phénomènes précurseurs du séisme, qui résulterait, pense-t-on, d 'un glissement le long de l'interface de la plaque Eurasie et de la plaque Philippines en train de s'enfoncer en-dessous. •

82

Page 81: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Sismicité du Japon

Notes

1. Les dates indiquées dans le texte sont données en fonction de l'heure locale. Pour les aligner sur le temps universel, on soustraira neuf heures de l'heure japonaise officielle.

2. Il existe plusieurs échelles de magnitude, qui ont été définies en fonction de différents types d'ondes sismiques ou de divers aspects du processus complexe inhérent aux trem­blements de terre : Ms est la magnitude basée sur l'amplitude des ondes de surface enregis­trées par les sismographes. L'échelle couramment utilisée au Japon s'y rattache. Mw est la magnitude fondée sur le moment sismique, qui est fonction de la grandeur de la faille formée. M¡ est la magnitude des tsunamis, mesurée d'après l'amplitude des vagues. m ¿ est la magnitude calculée en fonction de l'amplitude des ondes de volume. Pour de plus amples détails, voir Kanamori, H . Magnitude scale and quantification of earthquakes. Tectonophysics, vol.93, 1983, p. 185-199.

3. Abe, K . Physical size of tsunamigenic earthquakes of the northwestern Pacific. Phys. Earth Planet. Inter., vol. 27, 1981, p. 194-205. Quantification of major earthquake tsuna­mis of the Japan Sea. Phys. Earth Planet. Inter., vol.38, 1985, p. 214-223.

4. Kanamori, H . The energy release in great earthquakes. J. Geophys. Res., vol. 82, 1977, p. 2981-2987.

5. Plus précisément, l'expression générale séisme à foyer profond (ou séisme profond) dési­gne à la fois les séismes à foyer intermédiaire (60-300 km de profondeur) et profond (300 km ou plus).

6. Abe, K . Magnitudes of large shallow earthquakes from 1904 to 1980. Phys. Earth Planet. Inter., vol.27, 1981, p. 72-92.

7. Une corrélation entre la sismicité locale et les grands tremblements de terre a été propo­sée. Voir Kanamori, H . Relation between tectonic stress, great earthquakes and earth­quake swarms. Tectonophysics, vol. 14, 1972, p. 1-12.

8. Watanabe, H . Table révisée des tsunamis enregistrés au Japon et à proximité. J. Seismol. Soc. Japan, vol. 36, 1983, p. 83-107 (en japonais).

9. Utsu, T. Catalog of large earthquakes in the region of Japan from 1885 through 1980. Bull. Earthquake Res. Inst. Univ. Tokyo, vol.57, 1982, p. 401-463.

10. Usami, T. Study of historical earthquakes in Japan. Bull. Earthquake Res. Inst. Univ. Tokyo, vol. 54, 1979, p. 399-439.

11. Hasegawa, A . Umino, N . et Takagi, A . Double-planned structure of the deep seismic zone in the northeastern Japan arc. Tectonophysics, vol. 47, 1978, p. 43-58.

Pour approfondir le sujet

K A N A M O R I , H . Mode of strain release associated with major earthquakes in Japan. Annual Rev. Earth Planet. Sei., vol. 1, 1973, p. 213-239.

M O G I , K . Earthquake prediction. Tokyo, Academic Press, 1985. R I C H T E R , C . F. Elementary seismology, chap. 30, San Francisco, W . H . Freeman and Co.,

1958. RlKITAKE, T. Earthquake forecasting and warning. Tokyo, Center for Academic Publ. Japan,

1982. S U G I M U R A , A . ; U Y E D A , S. Island arcs — Japan and its environs. Amsterdam, Elsevier, 1973. U T S U , T. Séismologie [en japonais], 2e éd. Tokyo, Kyoritsu Shuppan Publ. Co. , 1984. U Y E D A , S. The new view of the Earth. San Francisco, W . H . Freeman and Co. , 1978.

Remerciements

L'auteur tient à exprimer sa gratitude à M . T . Yoshii, qui a eu l'amabilité d'établir

les figures 2, 3, 5 et 7.

83

Page 82: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Etude et réalisation des projets de construction parasismique

Anand S. Arya

Les tremblements de terre ont fait au cours des siècles des millions de victimes, dont la plupart ont, sans aucun doute, péri sous les décombres de leur maison, de leur école ou du bâtiment où ils travaillaient. Si la prévision à court terme des séismes ne peut apporter qu'une contribution limitée à l'atténuation de leurs effets, la protection des habitants des zones sismiques du globe peut être considérablement renforcée par l'adop­tion de règles de construction parasismique — pour les demeures campagnardes comme pour les immeubles des villes.

Les séismes constituent l'un des risques naturels les plus menaçants pour notre vie et notre patrimoine. L'histoire de presque tous les continents est jalonnée de cata­clysmes au cours desquels des villages et des villes, grandes et petites, furent entière­ment détruits. Leur soudaineté explique qu'ils soient particulièrement mal compris et très redoutés. Le caractère instantané et total des ravages causés par un grand séisme c o m m e celui qui a dévasté Tangshan (Chine) en 1976 — et aurait fait 655000 victimes — marque profondément l ' h o m m e et l'incite à mobiliser tous les moyens scientifiques et technologiques dont il dispose pour tenter de résoudre le problème de sa propre protection.

Les ravages provoqués par les tremblements de terre sont principalement liés à

la destruction d'ouvrages — immeubles, ponts, barrages, centrales électriques, etc.

Le plus significatif de leurs effets directs est l'effondrement d'habitations, d'écoles,

d'hôpitaux et de magasins. C'est ce qui cause le plus de morts. Mais il peut arriver

que les séismes aient des effets en chaîne, qui multiplient victimes et dégâts. Ainsi, les

importants phénomènes de tassement de terrain et de liquéfaction qui se sont pro­

duits lors du séisme de Niigata (Japon) en 1964, les incendies qui se sont déclarés lors

des séismes de San Francisco (Etats-Unis) en 1906, et du Kanto (Japon) en 1923, le

raz de marée et la liquéfaction du sol qui ont accompagné le séisme du Bengale

(Inde) de 1737 ont fait un très grand nombre de victimes.

A n a n d Arya est professeur et directeur du Département de génie parasismique de l'Université de Roorkee. Auteur ou directeur de publication de cinq ouvrages et de quelque deux cents articles, il poursuit actuellement des travaux de recherche-développement sur la résistance des édifices traditionnels aux séismes. Fellow de l'Académie nationale indienne des sciences, M . Arya a travaillé à maintes reprises à l'étranger en qualité d'expert de l'Unesco et a donné de nombreuses conférences sur sa spécialité. Son adresse : Department of Earthquake Engineering, University of Roorkee, Roorkee, 247667 (Inde).

85 Impact : science et société, n° 145, 85-99

Page 83: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Anand S. Arya

Les pertes en vies humaines causées depuis le début des temps historiques par

les effets tant secondaires que directs des séismes sont immenses. O n trouvera au

tableau 1 le nombre des victimes de quelques-uns des plus grands tremblements de

terre survenus dans le monde .

La prévision des séismes et la construction parasismique

O n a parfois tendance à privilégier la prévision, dans laquelle on voit un des moyens les plus efficaces d'atténuer les conséquences désastreuses des tremblements de terre. Il est certain que lors du séisme de Haicheng (Chine, février 1975), des milliers de vies ont pu être sauvées parce que l'alerte a été donnée quelques heures avant la catastrophe, mais il n'en reste pas moins que des édifices ont été détruits. E n revanche, le séisme de Tangshan (Chine, 1976) n 'a pas été prévu et l'effrondrement quasi instantané des habitations a provoqué une véritable hécatombe. Il semblerait donc qu'on arrive à sauver des vies lorsqu'on peut donner l'alerte à temps parce que cela permet d'évacuer les bâtiments, mais que cela n'aide en rien à protéger les maisons et les autres ouvrages. Le génie parasismique offre le seul moyen de lutter contre cet aspect des tremblements de terre. Alors donc qu'aucun programme de prévision, si efficace soit-il, ne saurait supprimer ni m ê m e atténuer la nécessité d'adopter des méthodes de construction plus sûres, l'application judicieuse des tech­niques parasismiques permet de concevoir et de bâtir des structures qui ne s'effon­drent pas, de sauver des vies et des biens, et de continuer d'assurer le fonctionnement d'infrastructures essentielles — distribution d'eau et d'électricité, assainissement, routes, voies ferrées, télécommunications, etc. D a n s cette perspective, les pro­grammes de prévision à court terme deviennent beaucoup moins indispensables et l'on comptera surtout sur les programmes de construction parasismique pour atté­nuer les effets des séismes. Les travaux relatifs à la prévision des tremblements de terre resteront bien entendu très utiles pour déterminer les causes immédiates des séismes qui surviennent dans une région et les phénomènes précurseurs, assurer les prévisions à long et à moyen terme permettant de prendre les mesures voulues pour se préparer à l'éventualité de telles catastrophes, et définir les priorités de l'action à entreprendre pour diminuer les dégâts qu'elles causent.

Les aléas sismiques posent à l'ingénieur un problème tout à fait particulier, que les autres forces naturelles et les surcharges de service normales ne soulèvent pas. Les séismes peuvent soumettre les ouvrages à des sollicitations d'une intensité sans égale, mais il y a statistiquement très peu de chances pour que cela se produise effective­ment. Si l'on n'était pas obligé de faire intervenir des considérations de coûts, on serait évidemment tenté de ne bâtir que des structures capables de résister aux secousses telluriques les plus violentes qui aient une chance de se produire. Mais le fait est que, dans la plupart des pays du m o n d e , il faut prendre en compte d'autres besoins plus essentiels de la population, de sorte que la sécurité absolue se trouvant exclue, il convient d'étudier la possibilité de mettre en place un dispositif à sûreté intégrée.

La solution technique la plus appropriée en l'occurrence consiste à construire de manière à éviter l'effondrement total ou partiel des structures, m ê m e si le séisme maximal vraisemblable venait à se produire, tout en se résignant à certaines déforma­tions ou détériorations qui peuvent ultérieurement faire l'objet de réparations. L 'hy­pothèse sur laquelle on se fonde ici est qu'il coûte beaucoup plus cher de faire en

86

Page 84: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Construction parasismique

Tableau 1 Nombre de morts imputables à divers séismes survenus au cours de l'histoire

Année Lieu Nombre Année Lieu Nombre de morts de morts

342 565 856

1201 1268 1290

1456 1556 1622

1641 1653 1667

1688 1715 1737

1755 1755 1759

1783

Antakya, Turquie Antakya, Turquie Corinthe, Grèce

M e r Egée, Grèce Seyhan, Turquie Jehol, Chine

Naples, Italie Shanxi, Chine Gansu, Chine

Tabriz, Iran Izmir, Turquie Shemakha, Iran

Izmir, Turquie Alger, Algérie Bengale, Inde

Lisbonne, Portugal Kashan, Iran Sfat, Jordanie

Calabre, Italie

40000 30000 45000

100000 60000

100000

30000 830000

12000

30000 15000 80000

15000 20000

300000

60000 40000 20000

50000

1847 1853

1853 1861 1869

1905 1908 1915

1920 1923 1934

1935 1939 1960

1968 1970 1972

1972 1976

Zenjosi, Japon Chiraz, Iran

Ispahan, Iran Mendoza , Argentine Riku-Ugo, Japon

Kangra, Inde Messine, Italie Avezzano, Italie

Gansu, Chine Kwanto , Japon Bihar, Inde

Quetta, Pakistan Chillan, Chili Agadir, Maroc

Khorasan, Inde Ancash, Pérou Ghir, Afrique

Managua , Nicaragua Tangshan, Chine

12000 12000

10000 18000 27000

19000 83000 30000

180000 140000

11000

30000 30000 15000

13000 40000 17000

23000 655000

Source : Tatsch J.H., Earthquakes, Tatsch Associates, Sudbury, Massachusetts, Etats-Unis d'Amérique, 1977, p. 1-3.

sorte que toutes les structures soient absolument invulnérables que de réparer ou de remplacer celles, peu nombreuses, qui seront effectivement soumises aux sollicita­tions les plus fortes. Il suffit donc d'étudier des structures qui ne résisteront qu'aux séismes les plus fréquents, dont l'intensité est faible.

C o m m e les sollicitations sismiques engendrées dans un ouvrage dépendent des propriétés m ê m e s de l'ouvrage considéré — et pas seulement de l'intensité du trem­blement de terre — le projeteur a le choix entre deux solutions : a) accroître la résistance de l'ouvrage ou b) réduire les sollicitations qu'il aura à subir en jouant sur la rigidité de sa structure. E n d'autres termes, en choisissant des types différents d'organisation des structures, on peut modifier considérablement l'intensité des forces sismiques qui s'exercent sur elles. Ainsi, il est possible de réduire autant qu'on le désire les sollicitations sismiques en utilisant des techniques d'isolation sismique. Les coûts respectifs de ces deux démarches et l'état des techniques dans le pays considéré détermineront la solution qui sera en définitive adoptée.

O n voit que les édifices jouent un rôle absolument primordial dans un pro­g r a m m e général de protection sismique et la suite du présent article sera donc consacrée à leur conception et à leur construction.

87

Page 85: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Anand S. Arya

Edifices modernes et traditionnels

Les édifices peuvent être classés de différentes manières, en fonction de critères tels

que le m o d e d'occupation, la hauteur, les matériaux de construction utilisés, la

situation en zone urbaine ou rurale, etc. Nous distinguerons quant à nous, pour les

besoins du présent exposé, les édifices a) modernes et b) traditionnels.

Les édifices modernes sont projetés et construits par des architectes et des ingé­

nieurs professionnellement qualifiés. Les matériaux utilisés sont notamment le

béton, l'acier ou d'autres matériaux de haute technologie, et ces bâtiments sont

généralement situés dans des agglomérations et régis par la réglementation et les

autres textes officiels en vigueur dans le pays considéré. Il s'agit souvent de grands

immeubles.

Les édifices traditionnels sont construits spontanément et hors du cadre officiel,

au moyen de techniques traditionnelles, sans intervention de professionnels qualifiés

pour leur conception ou leur construction. Ils peuvent néanmoins se conformer à des

recommandations qui découlent de l'observation du comportement des édifices du

m ê m e type lors de séismes ayant antérieurement frappé la région. O n peut regrouper

dans cette catégorie les édifices à murs porteurs en maçonnerie, les constructions en

bois, en pisé (briques ou blocs d'argile crue) et en terre — autrement dit les bâtiments

construits en utilisant des matériaux et des savoir-faire locaux et traditionnels. O n

trouve des édifices de ce type dans toutes les zones rurales et semi-urbaines du

m o n d e , voire dans les zones urbaines des pays en développement. Ce sont ceux qui

souffrent le plus et s'écroulent le plus souvent (voir figure 1) en cas de séisme, m ê m e

de magnitude moyenne (6 à 7,5), et un grand nombre des morts comptabilisés au

Figure 1 Maison traditionnelle en pisé après une secousse de faible intensité.

88

Page 86: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Construction parasismique

tableau 1 leur sont imputables. Malheureusement, ils abritent une proportion impor­

tante d'êtres humains, m ê m e dans les régions du m o n d e à moyenne ou forte sismi-

cité. L a situation se trouve aggravée par le fait que la littérature spécialisée n'a

accordé jusqu'ici qu'une place très réduite aux édifices traditionnels, la plupart des

travaux publiés portant sur les immeubles modernes destinés à des populations

urbaines relativement peu nombreuses.

N o u s nous bornerons ici à l'exposé des grands principes gouvernant la concep­

tion et la construction parasismiques des deux types d'édifices que nous venons de

définir, mais nous y ajouterons, afin d'illustrer notre propos, quelques détails sur les

bâtiments traditionnels.

Conception architecturale des grands immeubles

L'analyse des dégâts causés par des tremblements de terre survenus au Chili, aux Etats-Unis d'Amérique, au Mexique, en Nouvelle-Zélande, au Venezuela et en Yougoslavie montre que la configuration d ' un édifice, c'est-à-dire ses dimensions et la disposition de ses éléments en plan et en élévation, est l'un des facteurs qui influe le plus sur son comportement en cas de séisme. Cette constatation vaut pour tous les bâtiments, modernes et traditionnels, de sorte que la configuration doit faire d ' e m ­blée l'objet de la plus grande attention. Les sections ci-après énoncent les grands principes à observer au stade de l'étude des projets de grands immeubles.

Simplicité et symétrie

Pour éviter les concentrations inattendues de contraintes, il convient de dessiner des

structures aussi simples que possible. Il est souhaitable d'observer la symétrie sur les

deux axes de l'édifice, en plan c o m m e en élévation, afin d'éviter les effets de torsion.

Il importe également de placer les éléments intérieurs tels qu'escaliers, ascenseurs,

couloirs, etc., en suivant aussi rigoureusement que possible les régies de la symétrie.

Pour l'illustration de ces points, on se reportera au schéma de la figure 2.

Figure 2 Edifices à configuration irrégulière.

89

Page 87: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Anand S. Arya

§Ï

i© Figure 3 C o m m e n t améliorer la configuration d'un immeuble au

moyen de joints de rupture ou de dilatation.

S'agissant d'immeubles de grande surface ou à plan complexe, on peut obtenir simplicité et symétrie en les découpant en blocs plus petits séparés, ainsi que le montre la figure 3, par des joints de rupture ou de dilatation ne présentant qu'une faible résistance à l'écrasement.

Espacement des immeubles ou des blocs

Pour prévenir les d o m m a g e s que risquent de s'infliger mutuellement deux immeubles ou blocs voisins en se heurtant de manière répétée sous l'effet des vibrations qui leur sont communiquées par la secousse tellurique, il convient de prévoir entre eux un vide suffisant, de la base jusqu'au sommet . L a largeur de cet espace dépendra essentiellement de l'intensité des séismes ainsi que de la hauteur et de la flexibilité des immeubles e u x - m ê m e s 1 .

Eléments résistant aux sollicitations longitudinales et transversales

Il y a une grande différence entre les effets du vent et ceux d'une secousse tellurique sur un immeuble : l'action du premier s'exerce extérieurement sur les parties expo­sées de l'édifice, tandis que la seconde agit intérieurement sur sa masse. Il s'ensuit que si, c'est d'ordinaire la conception de l'axe transversal qui est déterminante pour les sollicitations dues au vent, les deux axes comptent autant l'un que l'autre pour les sollicitations sismiques. La disposition des poteaux représentée à la figure 4 permet d'obtenir une bonne résistance aux séismes. Par ailleurs, il faut prévoir des murs de contreventement le long des deux axes de l'édifice.

90

Page 88: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Construction parasismique

Figure 4

Disposition des poteaux permettant d'obtenir une résistance sismique égale sur les deux axes X X ' et Y Y ' .

I—I" I—I—I—I—I

X-—

M - H - H

H-»-I - M - H - M — M - H

Edifices à noyau

U n e trop grande concentration de murs de contreventement constituant des noyaux rigides associés à des poteaux très souples donne des structures qui résistent m a l aux secousses et peuvent aller jusqu'à s'écrouler, dans la mesure où la transmission horizontale des efforts tranchants des sols vers les noyaux s'y opère dans de m a u ­vaises conditions. Il est bon de disperser les m u r s de contreventement sur l'ensemble et le long des deux axes principaux de l'édifice, de manière à obtenir une répartition symétrique des rigidités (voir figure 5). Si la destination de l'immeuble oblige à adopter un plan asymétrique, il est nécessaire de moduler la rigidité des m u r s de contreventement de telle sorte qu'à chaque étage, le centre de gravité de l'édifice coïncide avec son centre de rigidité.

Panneaux de remplissage en maçonnerie

Les panneaux de remplissage en maçonnerie pris dans une ossature de béton armé ou d'acier rigide ont un double effet sur les structures. Ils leur confèrent une rigidité

M . C .

lu Noyau I Noyau I I 1 • • • • • • i 1 • • •

' ' • • • • • • ' ' • • •

M . C .

Figure 5 Répartition des murs de contreventement : a) noyau seulement — faible résistance sismique ; b) noyau et murs de contreventement répartis sur l'ensemble de l'édifice — bonne résistance sismique.

91

Page 89: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Anand S. Arya

latérale plusieurs fois supérieure à celle de la seule ossature et ils en multiplient la

résistance. Cependant, dès que les charges commencent à augmenter, la structure

perd sa ductilité pour devenir cassante. Sa rigidité augmentant, il s'y concentre

davantage de forces sismiques, qui risquent d ' endommager le remplissage friable.

Par ailleurs, si le panneau est indépendant de l'ossature, il risque de verser en raison

des forces d'inertie induites dans sa propre masse. Il faut donc trouver le m o y e n de

relier l'ossature au panneau, de manière à ce que la première puisse fléchir fortement

tout en retenant le second à l'aide de sa poutre supérieure. L'espace entre le remplis­

sage et l'ossature sera comblé à l'aide d'un matériau insonorisant souple.

Rigidité continue

Les variantes brusques de la rigidité et de la résistance sont une source de sollicita­

tions parasites et peuvent entraîner des d o m m a g e s . Ces variations peuvent tenir à

différents facteurs, tels que la disposition arbitraire des panneaux de remplissage,

l'omission d'éléments d'entretoisement dans des ossatures par ailleurs rigides ou

m ê m e l'adoption d'une élévation avec décrochement (voir figure 6).

Construire un rez-de-chaussée « ouvert » afin d'y aménager une aire de parking,

tout en dotant les étages supérieurs de murs pleins, conduit à une forte variation de

la rigidité. Des études ont montré que, les étages supérieurs étant plus rigides et plus

résistants, le rez-de-chaussée se trouve exposé à de très fortes demandes de ductilité

et risque par conséquent de s'effondrer. E n pareil cas, il faut doter le rez-de-chaussée

d'éléments secondaires faisant office d'amortisseurs, afin de réduire le mouvement

sismique total de l'édifice.

Eléments annexes

Il arrive que les réservoirs d'eau ou les locaux techniques des ascenseurs soient

construits sur le toit des immeubles. Or , la masse et la rigidité de ces éléments sont

généralement très différentes de celles de l'édifice m ê m e . Il s'ensuit qu'avec l'amplifi­

cation du mouvemen t sismique qui se produit au sommet du bâtiment, les éléments

en question subissent une accélération plusieurs fois supérieure à celle du corps de

Brusque changement Manque de Décrochement en Rez-de-chaussée d'épaisseur des poutres élévation; « ouvert »; répartition poteaux interruption des murs aléatoire des

de contreventement remplissages

Figure 6 Bâtiments à rigidité discontinue.

92

Page 90: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Construction parasismique

l'immeuble. Ils risquent donc d'être fortement e n d o m m a g é s et devraient être conçus en fonction de coefficients sismiques plus élevés. Il en va de m ê m e pour les grosses pièces d'équipement ou les machines fixées au sol.

Principes de calcul des structures des grands immeubles

Pour construire un immeuble qui ne risque pas de s'effondrer, il faut avant tout :

a) assurer la stabilité générale de l'ossature ; b) assurer la stabilité des poteaux, et

c) veiller à ce que la membrure de l'édifice et ses n œ u d s aient la ductibilité nécessaire

pour supporter les déformations sans rupture ni perte de stabilité, m ê m e si les

séismes les plus forts auxquels on puisse s'attendre venaient à se produire. N o u s ne

pouvons aborder ici les nombreux points de détail auxquels il convient de veiller

pour parvenir à ce degré de sécurité et nous renvoyons donc le lecteur aux ouvrages

cités en référence2 M . N o u s nous contenterons d'attirer l'attention sur l'exemple

illustré par la figure 7, où est présenté un type de disposition des armatures permet­

tant de conférer la ductilité voulue aux ossatures de béton armé, en insistant sur la

Poteau V extérieur—J

i

Poutre de plancher

Figure 7

Détail d'une armature ductile. A u voisinage des nœuds poutre-poteau, l'intervalle entre les étriers et les épingles est réduit.

Poutre

Semelle isolée

93

Page 91: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Anand S. Arya

nécessité d 'un assemblage rigide ou monolithique des poutres et des poteaux, qu'ils soient en acier ou en béton préfabriqué ou coulé en place.

Conception architecturale des petits bâtiments

Simplicité et symétrie

Les impératifs de simplicité et de symétrie s'appliquent autant aux petits bâtiments qu'aux grands immeubles. Il est d'ailleurs préférable de loger les services qui ont des fonctions différentes dans des édifices distincts, de manière à doser la résistance à leur conférer en fonction de l'importance de ces différents services pour la c o m m u ­nauté après un séisme.

Aménagement des espaces intérieurs

A l'intérieur des bâtiments, les petites pièces dont les quatre murs forment un tout fortement solidaire résistent mieux aux séismes que les pièces entourées de longs murs et ininterrompus. Cette considération est très importante pour les immeubles à murs porteurs en maçonnerie. L'espacement des murs transversaux dépendra du type de mortier utilisé. Avec les mortiers de ciment résistants, le rapport hau­teur/épaisseur du m u r peut aller jusqu'à 40 ; pour les murs en pisé, il ne devrait pas dépasser 10.

Ouvertures

Les ouvertures — fenêtres, portes et orifices de ventilation — réduisent la résistance des murs au cisaillement et à la flexion, de sorte que leurs dimensions et leur emplacement ne sont pas indifférents. Elles doivent être aussi petites et aussi voisines du centre que la destination de l'édifice le permet.

Hauteur

Il est nécessaire, pour améliorer la résistance sismique, de limiter la hauteur des

bâtiments à murs porteurs. Des indications à ce sujet sont données au tableau 2,

étant entendu que l'on utilisera dans la construction les méthodes de renforcement

qui conviennent pour les intensités sismiques probables dans la région.

Toitures

La toiture joue un rôle important dans le comportement d'une maison en cas de

séisme. Les toits légers sont préférables aux toits lourds, les couvertures en tôle aux

couvertures en tuiles. Toutes les parties d'une toiture doivent être solidaires de

manière à former un tout rigide capable de maintenir les murs. A cet égard, les toits à

quatre pentes valent mieux que les toits à deux pentes, les toits à ferme que les toits à

une pente et les fermes complètes sont préférables aux fermes partielles.

94

Page 92: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Construction parasismique

Tableau 2 Suggestions concernant les limites de hauteur à observer dans les zones à moyenne et forte sismicité

Type d'édifice Hauteur suggérée

Maison en pisé

Tout-venant (moellon) et mortier d'argile/boue

Pierre taillée et mortier de ciment

Briques et boue avec sections critiques en mortier de ciment

Briques ou blocs de ciment et mortier de ciment de bonne qualité

Maçonnerie renforcée

Ossature de bois

Rez-de-chaussée ou rez-de-chaussée + combles

Id.

U n étage ou un étage + combles

Id.

Deux étages ou deux étages + combles

Suivant projet établi par un ingénieur qualifié

U n étage ou un étage + combles

Planchers

C o m m e pour les toitures, on préférera les planchers rigides horizontalement, c o m m e les dalles de béton, qui sont très supérieurs aux planchers sur solives de bois ou sur hourdis. Pour maintenir les murs , les planchers doivent prendre appui sur toute leur épaisseur, ce qui aura d'ailleurs pour effet d 'empêcher leur propre chute au cas où les murs seraient violemment secoués.

Pignons

Les pignons, extérieurs ou intérieurs, constituent la partie la plus instable des murs ,

de sorte que l'on doit les supprimer complètement o u utiliser des matériaux légers —

tôle, planches, etc. O n peut éviter les pignons extérieurs en dotant l'édifice d 'un toit à

quatre pentes ; quant aux pignons intérieurs, il est possible de les laisser ouverts, si le

bâtiment comporte u n faux plafond.

Renforcement des petits bâtiments

L'application des principes décrits ci-dessus permettra à elle seule d'améliorer le

comportement sismique des édifices et, en particulier, de prévenir les effondrements

dans les zones sismiques où la magnitude des tremblements de terre n'est pas censée

dépasser 6. Mais elle ne suffit pas pour empêcher de graves d o m m a g e s dans les zones

de plus forte sismicité, où il faudra envisager des mesures spéciales de renforcement.

Pour des raisons d'ordre économique, les éléments de renforcement peuvent, ainsi

q u ' o n le verra plus loin, n'être mis en place que dans les parties les plus vulnérables

d u bâtiment, la consolidation de la totalité des m u r s risquant d'être assez coûteuse.

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Page 93: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Anand S. Arya

450 mm

CD Crochet

I I [L«~ Barre de

II I b°IS c

C 3

ULLI aR QQ

QQ Oca

Parpaing

Figure 8

Mur en moellons assises *• Niveau du plancher

1600 m m

t 600 mm

1 Plan du mur Coupe transversale

Utilisation de parpaings. A défaut de pierres, on peut utiliser des barres en bois ou des barres d'acier à extrémité recourbée en crochet.

Mortier

Il convient, lorsque cela est financièrement possible, d'utiliser un mortier plus résis­

tant, composé par exemple d'une part de ciment et de six parts de sable ou plus riche

encore, afin d'accroître la solidité et la qualité de la construction. Pour les murs de

pierre, il est indispensable d'utiliser des « parpaings », c'est-à-dire des blocs de pierre

qui les traversent sur toute leur épaisseur, pour les empêcher de se désagréger et

prévenir la déformation des assises de pierres (voir figure 8).

Bandes de chaînage parasismique

Le m o y e n le plus efficace de renforcer les édifices en maçonnerie consiste à les doter

de bandes de chaînage parasismique : a) à la base, b) au niveau du linteau des ouver­

tures, c) au niveau des planchers, d) au niveau du toit ou des avant-toits pour les toits

à deux pentes, et e) autour des extrémités en pignon. U n e bande de chaînage parasis­

mique est une ceinture de béton armé ou de bois qui parcourt tous les murs exté­

rieurs et intérieurs et s'articule fortement aux angles et aux intersections en T (voir

figure 9). Il est possible, ainsi qu 'on le verra plus loin, de se dispenser de mettre en

place de telles bandes à certains niveaux.

Figure 9

Détail d'une bande de chaînage parasismique (angle et intersection en T) .

Étrier

Barres longitudinales

96

Page 94: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Construction parasismique

Il convient de prévoir un chaînage à la base d'un édifice, lorsque le sol est meuble ou hétérogène, c o m m e c'est le cas généralement à flanc de coteau. Cette bande assurera aussi l'étanchéité de la construction en jouant le rôle d'une couche isolante. Elle n'est pas absolument indispensable.

Le chaînage des linteaux — qui est le plus nécessaire et qu'il importe de prati­quer à chaque étage — doit s'appliquer à toutes les portes et à toutes les fenêtres et se surajouter à l'acier des linteaux.

Il faudra prévoir un chaînage de toiture au niveau de l'avant-toit pour les édifices dont le toit est à deux pentes ou consiste en un dispositif souple sur solives de bois ou en éléments préfabriqués.

U n chaînage est nécessaire au-dessous des planchers sur solives ou à leur niveau. O n peut se dispenser de ces chaînages lorsqu'une dalle de béton prenant pleinement appui sur les quatre murs est utilisée pour la toiture ou le plancher.

Le chaînage des pignons sert à encadrer la partie triangulaire des murs de maçonnerie, celui de la partie horizontale prolongeant directement le chaînage de l'avant-toit sur les murs longitudinaux.

Il est parfois recommandé , pour liaisonner les murs perpendiculaires de manière à ce qu'ils fassent bloc, de consolider les angles et les intersections en T à l'aide d'un treillis à mailles d'acier ou de chevilles de bois. Il ne s'agit là, à vrai dire, que d'un piètre succédané des bandes de chaînage parasismique, mais cela n'en renforce pas moins la résistance de la construction.

Renforcement vertical

Il est important, par ailleurs, de doter les édifices d'éléments de renforcement verti­cal, barres d'acier, b a m b o u s , tiges de canne à sucre, etc. L'incorporation de ces éléments aux murs est une opération complexe, mais des procédures détaillées qui facilitent la tâche ont été mises au point15. Les endroits où ce renforcement est crucial sont les angles des murs et les montants des portes et des fenêtres.

Les figures 10 et 11 présentent l'ensemble du dispositif de renforcement qu'il y a lieu de prévoir dans les zones dont la sismicité est la plus forte, afin d'éviter l'effon­drement des édifices et de réduire l'étendue des d o m m a g e s .

Figure 10

M o d e de renforcement des édifices à toit en pente.

Chaînage du pignon

Chaînage des linteaux

Chaînage du toit

97

Page 95: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Anand S. Arya

Figure 11

M o d e de renforcement des édifices à toit plat et souple.

Chaînage de toiture (nécessaire pour les toits en pente et sous Chaînage les toits et sols souples) du toit

Chaînage des linteaux

Montants d'acier

Maisons en bois

Pour les édifices en bois, le premier impératif est d'en assurer la longévité en renfor­çant leur résistance aux intempéries et aux insectes à l'aide de traitements appropriés — séchage et application de produits de protection. Il convient par ailleurs d'en accroître la cohésion au m o y e n d'éléments de charpente, de clous, de boulons ou de chevilles et de maintenir l'ensemble bien fixé au m o y e n d'étriers d'acier.

D a n s les édifices en pans de bois ou en pans de bois hourdés de briques, le plus important est de consolider à l'aide de traverses disposées en diagonale, ou echarpes, les plans verticaux et horizontaux, afin de les protéger des déformations de torsion en plan et des déformations de cisaillement en élévation.

Il convient aussi de ne pas perdre de vue la question de la résistance au feu des édifices en bois, afin d'éviter les dangers inhérents aux ruptures de canalisations de gaz et de gaines de câbles électriques provoquées par les séismes et aux chutes d'objets dans les flammes.

Conclusion

Les principales conclusions que l'on peut tirer de ce bref tour d'horizon sont les suivantes :

— Pour se protéger des tremblements de terre, il faudrait privilégier davantage les programmes de construction parasismique.

— S'il n'est peut-être pas impossible, techniquement, de construire des bâti­ments qui sont totalement à l'abri des séismes, cela ne serait ni rentable, ni réalisable avec les moyens financiers disponibles. C'est pourquoi il est plus logique et plus indiqué de s'orienter vers un dispositif à sûreté intégrée. L'architecte devrait ainsi réussir à améliorer beaucoup le comportement sismique des bâtiments qu'il construit sans en augmenter sensiblement le coût. •

98

Page 96: La Terre, planète vivante: la tectonique des plaques; Impact of

Construction parasismique

Notes

1. IS : 4326-1976, Code of Practice for Earthquake-Resistant Design and Construction of Buildings. N e w Delhi, Indian Standards Institution, mars 1977.

2. Arya, A . S . Lessons from Behaviour of Multistoreyed Buildings during Past Earthquakes. Proc. S y m p . on Modern Trends in Civil Engineering, Roorkee, novembre 1972.

3. Earthquake Resistant Regulations, a World List. Association internationale de génie séismi-que, Japon, 1980.

4. Dowrick, D.J . Earthquake Resistant Design - A Manual for Engineers and Architects. N e w York, John Wiley and Sons, 1977.

5. Basic Concepts of Seismic Codes Vol. I, Part (ii) Non-Engineered Construction, Association internationale en génie séismique, Japon (également disponible sous le titre Manual of Earthquake-Resistant Non-Engineered Construction. Indian Society of Earthquake Techno­logy, Roorkee, 1981).

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Les sondages à grande profondeur dans la presqu'île de Kola et la structure de la croûte terrestre

Oleg L. Kouznetsov

En Union soviétique, l'étude des processus complexes qui ont lieu dans la croûte terres­tre et les couches supérieures du manteau est réalisée dans le cadre d'un vaste pro­gramme intégré comprenant des méthodes géographiques, géophysiques et géochimiques ainsi que le développement de nouvelles techniques dans le domaine du sondage en profondeur. Le premier sondage effectué dans la presqu'île de Kola à la lisière du bouclier baltique a éclairé d'un jour nouveau l'évolution et la structure de la croûte terrestre continentale primaire dans son ensemble.

La terre nous en apprend plus long sur nous que les livres. Parce qu'elle nous résiste, l'homme se découvre quand il se mesure avec l'obstacle. Mais, pour l'atteindre, il lui faut un outil.

Antoine de Saint-Exupéry Terre des hommes

Aujourd'hui encore, les spécialistes des sciences de la terre se heurtent aux m ê m e s problèmes que ceux que l'écrivain français Saint-Exupéry a évoqués avec une simpli­cité si poétique. Le principal instrument, « l'outil » nécessaire pour connaître le sous-sol, est désormais le sondage ultra-profond utilisant les méthodes de la géophy­sique et de la géochimie des grandes profondeurs. Les découvertes qu'a permis de faire une expérience technologique de grande ampleur réalisée en Union soviétique (un forage à très grande profondeur dans la presqu'île de Kola) montrent que, m ê m e dans ses socles les plus anciens (les boucliers cristallins), la planète Terre est « vivante ». Elle possède, en effet, de nombreuses caractéristiques inhérentes à la matière vivante.

E n premier lieu, les corps géologiques (y compris les roches cristallines) conser-

Oleg Leonidovitch Kouznetsov est professeur et directeur de l'Institut central de recherches sur la géophy­sique et la géochimie nucléaires du Ministère de la géologie de l ' U R S S . Ses recherches portent sur les différentes branches de la géophysique de prospection, de l'exploitation des gisements pétrolifères, de l'exploration et du développement. Il s'oriente actuellement vers le développement d'une nouvelle branche - la géophysique non linéaire. Le professeur Kouznetsov est l'auteur de nombreux articles scientifiques et le coauteur de plusieurs monographies spécialisées dans les sciences de la terre. Son adresse est la suivante : c/o Commission de l ' U R S S pour l'Unesco, Ministère des affaires étrangères de l 'URSS, 9, Prospekt Kalinina, Moscou G - 1 9 ( U R S S ) .

101 Impact : science et société, n° 145, 101-109

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Oleg L, Kouznetsov

vent la « mémoire » des influences physiques et chimiques passées. Cette mémoire se manifeste dans la répartition spatiale des caractéristiques magnétiques, gravitation­nelles, électriques et plastiques de la croûte terrestre sous la forme de traces laissées dans les minéraux par le passage des rayonnements ionisants.

Deuxièmement, les boucliers cristallins sont le lieu de processus thermodynami­ques et hydrodynamiques actifs qui se manifestent par une irradiation thermique intensive et une nouvelle répartition spatio-temporelle des composantes du tenseur des contraintes. D e m ê m e , des composantes volatiles se déplacent à travers les massifs rocheux par des processus de microfiltration, de macrofiltration et de diffu­sion.

Troisièmement, il existe des interactions entre les processus qui se déroulent dans les massifs cristallins et dans les couches inférieures et supérieures de la planète. L a vie thermodynamique des roches cristallines est en grande partie déterminée par les processus physiques et chimiques des couches situées sous la croûte terrestre, et par ceux de l'atmosphère.

Enfin, le rôle important de la biosphère dans la formation des boucliers cristal­lins confirme que nous avons affaire à une substance vivante et dynamique.

D e plus en plus, dans le m o n d e entier, l'étude de l'évolution de la matière géologique et des lois qui régissent l'organisation de l'espace géologique, géophysi­que et géochimique devient un objet de mesures plutôt que de descriptions visuelles. Par ailleurs, la plupart des informations sur la configuration de l'environnement des processus des grandes profondeurs et sur l'état thermodynamique des massifs rocheux sont obtenues à l'aide de méthodes géophysiques et géochimiques prati­quées à distance (télédétection). Ces méthodes permettent de dresser un tableau extrêmement utile - qui ne pourrait pas être obtenu par d'autres moyens - de la structure et des caractéristiques du milieu géologique mais ce tableau comporte en général de multiples variantes et pose bien des problèmes d'interprétation géologi­que. C'est précisément pour cette raison que les spécialistes continuent de porter un grand intérêt aux méthodes de prospection directe des couches très profondes (en particulier, à l'aide de forages). A u cours des dernières décennies, cette aspiration a donné naissance aux idées les plus inattendues (parfois fantastiques) pour pénétrer l'écorce terrestre, notamment à l'aide de réacteurs nucléaires spéciaux qui s'enfonce­raient d'eux-mêmes dans les roches en les faisant fondre. En m ê m e temps, des nécessités pratiques ont conduit à l'élaboration de projets techniques qui ont été réalisés dès les années 70 et 80. A cet égard, les méthodes combinant la destruction mécanique des roches et une action hydrodynamique sur la zone entourant le forage se sont avérées incomparablement utiles.

Dès les années 60 la recherche de gisements d'hydrocarbures a a m e n é les pros­pecteurs à forer dans de nombreuses régions du m o n d e des puits de 3 k m de profon­deur, et, dans certains cas, de plus de 5 k m . La nécessité de pénétrer aussi profondément que possible dans l'enveloppe sédimentaire de la croûte terrestre a a m e n é les prospecteurs pétroliers d ' U R S S et des Etats-Unis à forer quelques puits d'une profondeur de 7 à 9 k m . Mais l'étude de l'ensemble relativement limité de roches sédimentaires ainsi mises à nu n'a pas donné de résultats scientifiques impor­tants. Cependant, ces forages ont montré que des hydrocarbures gazeux pouvaient se trouver à ces profondeurs.

C'est à cette époque qu'un groupe de géophysiciens, géochimistes, géologues et techniciens soviétiques a formulé les principes scientifiques des forages à très grande

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Sondages à grande profondeur dans la presqu'île de Kola

profondeur (jusqu'à 15 k m ) accompagnés d'études géophysiques des couches très profondes. L'organisation et la conduite d'une expérience d'une si grande ampleur a nécessité la création d'un conseil scientifique intersectoriel chargé d'étudier les couches souterraines profondes de la Terre et les sondages à grande profondeur. Sous la direction de ce conseil, qui comprenait d'éminents savants soviétiques, un programme d'une ampleur sans précédent a été établi dans les années 80, afin d'étudier la structure profonde de la Terre sur la base d'un ensemble d'informations géologiques, géophysiques et géochimiques obtenues grâce à des sondages ultra­profonds et des géotraverses étendues, permettant de déceler la propagation des ondes sismiques à grande profondeur. A u cours des années suivantes, l'étude des couches souterraines profondes a été complétée par des informations obtenues au moyen d'avions et de satellites.

La première réalisation de ce programme a été le forage effectué dans la pres­qu'île de Kola en 1970, qui a permis d'atteindre la profondeur record de 12500 m .

C'est ainsi que les géologues soviétiques se sont pour la première fois énergique-ment lancés à l'assaut des profondeurs de la Terre. A la m ê m e époque, l'humanité remportait ses premiers succès dans la conquête de l'espace extra-atmosphérique. Dès ce m o m e n t , il était clair que ces deux problèmes étaient comparables, tant par leur complexité scientifique et technique que par leur utilité pratique finale.

Certes, la pénétration de l'espace extra-atmosphérique a été beaucoup plus loin que celle des entrailles de la Terre. Cela est dû en partie à la nécessité de mettre au point une technique de sondage entièrement nouvelle permettant de creuser des roches dans des conditions extrêmes.

La réalisation d'un seul sondage à grande profondeur constitue déjà, en soi, une expérience extrêmement complexe, qui suppose l'invention et la mise au point d'ap­pareils de forage spéciaux et d'un système d'automatisation, ainsi que l'élaboration de techniques d'établissement et de renforcement du corps du puits. Les techniques de forage diffèrent sensiblement selon qu'il s'agit de roches cristallines ou de roches sédimentaires. Aussi l'expérience acquise en matière de sondages à grande profon­deur dans des bassins sédimentaires n'a-t-elle pas pu être directement appliquée aux nouvelles conditions.

Dès les premiers kilomètres de forage, les principales difficultés posées par l'installation d'un puits dans des roches cristallines se sont manifestées avec évi­dence. La trajectoire non conventionnelle du puits, la forte abrasivité de ses parois et leur structure caverneuse, ainsi que la section ellipsoïdale du puits formé sous l'ac­tion de contraintes mécaniques à axes différents ont entraîné de nombreux pro­blèmes techniques. E n outre, dans les roches cristallines, à la différence des roches sédimentaires très poreuses, les parois du puits ne sont pas recouvertes d'une couche d'argile, ce qui, en fin de compte, provoque une augmentation de la résistance à la rotation de la foreuse.

Ces difficultés, ainsi que beaucoup d'autres, ont été surmontées avec succès par l'équipe extrêmement qualifiée chargée de la prospection géologique de la presqu'île de Kola, en collaboration avec des savants de l'Institut central de recherches sur les techniques de forage.

E n plus du prélèvement d'échantillons destinés à être analysés en laboratoire, il était tout aussi important, du point de vue scientifique et pratique, d'effectuer des recherches géophysiques, géochimiques et hydrologiques in situ. La nécessité d'une analyse in situ découle de plusieurs causes principales :

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Oleg L. Kouznetsov

1. L'impossibilité de prélever un échantillon représentatif à cent pour cent et de le conserver dans son intégralité, surtout dans les intervalles de roches présentant un degré de fracturation élevé et des contraintes anormales.

2. Les caractéristiques des roches sont difficiles à définir dans un milieu c o m ­plexe.

3. Lorsqu'on ramène un échantillon à la surface, les contraintes thermodyna­miques qui s'exercent sur sa surface se modifient sensiblement et certaines données pétrophysiques extrêmement importantes ( c o m m e par exemple, la vitesse des ondes élastiques, la résistance électrique, etc.) déduites à partir de l'échantillon, peuvent différer sensiblement des m ê m e s caractéristiques mesurées in situ.

4. Les recherches géophysiques effectuées dans des puits profonds ou ultra­profonds constituent un maillon méthodologique extrêmement important de la chaîne des mesures (échantillon, puits, surface de la terre) et posent les fondements pétrophysiques de l'interprétation des résultats obtenus par les méthodes de la géophysique et de la géochimie terrestres, aériennes et cosmiques.

5. Enfin, les recherches géophysiques effectuées dans des puits sont le seul moyen d'évaluer directement l'état thermodynamique de la masse rocheuse entou­rant le puits à ces profondeurs.

Il est évident que certains types de carottage ont servi à affiner le processus m ê m e du sondage (détermination de la position actuelle du puits, diamétrage, et prévisions concernant la résistance du puits).

Les géophysiciens soviétiques ont donc eu à élaborer des moyens techniques nouveaux permettant de mesurer de façon très précise les champs sismo-acoustiques, électriques, nucléaires, magnétiques, thermiques et autres dans des conditions extrêmes de profondeur (plus de 10 k m ) , de température (plus de 250°) et de pression (plus de 1 500 k g / c m 2 ) . Ces appareils de mesure ont été mis au point par les scientifi­ques et les techniciens du Ministère de la géologie de l 'URSS et ont à bon droit reçu le n o m de « satellites souterrains ».

Plus de quarante types de recherches géophysiques permettant de recueillir des informations extrêmement précieuses ont été effectuées dans le puits à très grande profondeur de la presqu'île de Kola. Pour établir la base pétrophysique de l'interpré­tation des données de la prospection géophysique, on a procédé à tout un ensemble de recherches pétrophysiques, pétrographiques et minéralogiques. L a direction des travaux et l'interprétation générale des données géophysiques et géochimiques ont été confiées à l'Institut central de recherches sur la géophysique et la géochimie nucléaires, et l'interprétation géologique à l'Institut géologique central et à une série d'autres instituts du Ministère de la géologie de l ' U R S S et de l'Académie des sciences de l 'URSS.

Quels étaient les problèmes que devait résoudre cette prospection géophysique et géochimique des profondeurs?

Le premier concernait l'analyse lithologique et pétrographique détaillée de la coupe, la détermination des couches géologiques suivant leurs caractéristiques géophysiques et géochimiques, y compris pour les intervalles non représentés par des échantillons.

Le deuxième problème concernait la représentation géométrique des éléments géologiques hétérogènes, y compris l'évaluation de la répartition spatiale de leur puissance et de leur pente.

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Sondages à grande profondeur dans la presqu'île de Kola

Le troisième problème était celui du classement des corps géologiques en fonc­tion de leur porosité, de leur fissilité et de l'épaisseur des couches.

Le quatrième concernait le repérage direct in situ des caractéristiques fonda­mentales des roches : vitesse de propagation des ondes sismiques longitudinales et transversales (dans une large g a m m e de fréquences), amortissement de l'énergie sismo-acoustique, résistance électrique, réceptivité magnétique, etc.

Enfin, les données recueillies grâce à la prospection géochimique et géophysique devaient contribuer à répondre à une série de questions géologiques fondamentales. Quelle est la nature physique des discontinuités sismiques à faible pente décelées par la sismique terrestre dans le bouclier cristallin? Rencontre-t-on la discontinuité de Conrad à une profondeur supérieure à 7 k m ? Quelles sont les valeurs des gradients, des températures et des vitesses de propagation des ondes et c o m m e n t varient-elles avec la profondeur? Peut-il exister, à une profondeur supérieure à 9 k m , des fissures ouvertes, et par conséquent des canaux de filtration des éléments liquides et gazeux?

Aujourd'hui, la plupart de ces questions ont reçu des réponses correctes. Mais peut-être qu'avant d'aborder l'analyse des lois du « comportement »

géophysique du sous-sol, il convient de dire au moins quelques mots de la structure géologique et géochimique de la croûte terrestre aux environs du sondage pratiqué dans la presqu'île de Kola.

Dans l'ensemble, le bouclier baltique comporte deux types principaux de roche, à savoir les ensembles de roches métasédimentaires et méta-effusives. Dans l'histoire géologique du bouclier (ensemble archéen), on distingue deux grandes étapes : a) la sédimentation et le volcanisme ; b) le métamorphisme et l'ultramétamorphisme.

L'histoire géologique du développement du bouclier cristallin percé par le forage de la presqu'île de Kola s'étend sur une durée comprise entre 3,5 milliards d'années (évaluation minimale) et 4 milliards d'années (évaluation maximale). Il s'agit, dans l'ensemble, de roches cristallines précambriennes, très répandues sur les territoires de la Norvège, de la Finlande et de la Suède.

L'histoire du bouclier comprend deux régimes tectoniques foncièrement diffé­rents et deux grandes étapes évolutives. A u cours de la première étape (prégéosyncli-nale et protogéosynclinale), les couches supérieures plastiques de la lithosphère, déformées sous l'action de forces géodynamiques, ont formé des plis fantastiques qui se sont incrustés dans l'écorce terrestre durcie. Cette étape a été suivie par la forma­tion de la plate-forme.

La question de la minéralisation des séries de couches volcanosédimentaires présentait un intérêt particulier. Grâce aux données de recherches géologiques et géochimiques intégrées, il a été possible de distinguer un certain nombre de types fondamentaux de minéralisation. Il s'agit de minerais très divers. Ce sont, tout d'abord, des gîtes de sulfures (nickel et cuivre) formés par des intrusions basiques et ultrabasiques. Deuxièmement, des gîtes de fer et de titane, dans les méta-basaltes de la série de Kola. Troisièmement, des quartzites ferrugineux se trouvant dans les gneiss granitoïdes de la série de Kola. Quatrièmement, il y a eu aussi minéralisation hydrothermique avec accumulation de sulfures dans les zones de métamorphisme dynamique.

Grâce à un ensemble de données pétrophysiques, géophysiques et pétrologi-ques, les géologues soviétiques ont pu, pour la première fois au m o n d e , étudier la répartition des fissures minéralisées dans la coupe pratiquée par le sondage. Il s'est avéré que les zones minéralisées de concassage, de fissuration et de cataclase, ainsi

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Oleg L. Kouznetsov

que de transformation hydrothermique à basse température ayant entraîné la concentration de sulfures, atteignent une profondeur sensiblement (trois à quatre fois) plus importante qu'on ne le supposait auparavant.

E n m ê m e temps que le comportement des minerais, on a soigneusement étudié la répartition spatiale des gaz produits par une substance organique dispersée. Par substance organique, on entendait les carbures dispersés dans les roches ainsi que les substances carbonées et le graphite. Par gaz, on entendait tant les gaz libres des zones fissurées et non cimentées que les gaz associés aux surfaces des grains des roches cristallines, et en particulier les infiltrations de fluides dans les minéraux.

Le comportement des composantes volatiles a donc été étudié en quelque sorte parallèlement, au niveau de la macromécanique et de la micromécanique des gaz. Le comportement de l'hélium est extrêmement intéressant. Ses concentrations maxi­males coïncident avec les intervalles de zones non cimentées et infiltrées par les gaz qui sont très bien repérées par les méthodes géophysiques appliquées aux sondages.

D a n s l'ensemble de la coupe, les dépôts de gaz importants résultent de l'action de facteurs divers, y compris les particularités lithologiques des roches, la micro­structure et la macrostructure de leurs interstices, leur stratification et leur perméabi­lité. Le fait bien établi que la teneur relative en hydrocarbures lourds augmente, surtout en-dessous de 8 800 m , mérite de retenir l'attention. Les recherches sur les isotopes du carbone dans les couches atteintes par les forages ont montré le rôle considérable de la biosphère dans l'évolution de la croûte terrestre. L'apparition de la vie a eu une importance révolutionnaire dans la formation et l'évolution de l'atmosphère, de l'hydrosphère et de la lithosphère. Pour comprendre le rôle vivi­fiant de la biosphère il est absolument capital d'étudier des sondages à très grande profondeur, permettant d'obtenir un relevé complet des dépôts les plus anciens et de suivre l'influence de la biosphère sur la formation. Le carbone des carbonates en filons et des carbonates dispersés est un indicateur original du rythme de développe­ment de la biosphère.

Dans les roches archéennes, situées de 7 à 10 k m de profondeur, la composition isotopique du carbone des carbonates est constante et proche de celle du carbone profond endogène, ce qui permet d'affirmer que la biosphère n'a eu qu'une influence négligeable sur la formation de la litosphère de cette période, c'est-à-dire que le développement de la biosphère à l'époque archéenne a été très faible.

Dans les roches de l'époque protérozoïque, à des profondeurs de moins de 7 k m , apparaissent des carbonates à isotope léger et la g a m m e des variations de la composition isotopique du carbone augmente, ce qui est apparemment lié à la « capture » de carbone de la biosphère. E n outre, les produits de l'activité de la biosphère sont largement répandus dans les roches du protérozoïque. Le carbone des phyllites carburées des roches protérozoïques (entre 0 et 5000 m ) correspond, par ses caractéristiques isotopiques, à une substance organique de dépôts sédimentaires plus récents, ce qui permet de supposer que ces phyllites carburées se sont formées lors du métamorphisme de roches sédimentaires primitives, sous l'action des produits de la biosphère.

Par leur composition en hydrocarbures et par leurs caractéristiques isotopiques, les gisements de gaz de la zone des bouleversements tectoniques située à des profon­deurs de 900 à 1400 m sont proches des gaz des dépôts sédimentaires des bassins pétrolifères et gazifères, ce qui semble indiquer qu'ils sont issus de la transformation de la substance organique de la biosphère.

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Sondages à grande profondeur dans la presqu'île de Kola

Les résultats des recherches sur les isotopes qui confirment la faible intensité de développement de la biosphère à l'époque archéenne et l'absence, pour cette raison m ê m e , d'une influence sensible sur la formation de la lithosphère, ont aussi confirmé que la biosphère développée de l'époque protérozoïque avait pu exercer une influence fondamentale sur la formation et l'évolution de la croûte terrestre. Les données réunies permettent de supposer que l'évolution ultérieure de toutes les « sphères » de la terre a été sensiblement influencée par la biosphère.

L'étude géophysique du sondage de la presqu'île de Kola a permis de recueillir des informations radicalement nouvelles sur la constitution du bouclier cristallin. Ces résultats importants ouvrent une page nouvelle dans l'étude des couches pro­fondes de l'écorce terrestre. Les éléments les plus importants semblent être les sui­vants :

L'étude des champs sismo-acoustiques et des caractéristiques en matière d'élas­ticité et de déformation des roches.

L'absence d'un gradient vertical positif des vitesses des ondes longitudinales (Vp) et transversales (Vs) dans tout l'intervalle compris entre 0 et 12500 m a été établie. C e comportement de Vp et de Vs en fonction de la profondeur démontre que, dans le bouclier cristallin, la répartition de la composante verticale du tenseur des contraintes diffère sensiblement du rapport (hydrostatique) 6z = pgh (dans lequel 6z représente la valeur de la composante verticale des contraintes, p la densité m o y e n n e des roches situées au-dessus, g, l'accélération de la gravité et h, la profondeur qui est traditionnel pour les bassins sédimentaires.

Par ailleurs, on a découvert une zone de moindre vitesse des ondes longitudi­nales et transversales (ainsi que de moindre valeur des modules de déformation et d'élasticité) à une profondeur de 4500 m dans l'ensemble protérozoïque de Pet-chenga.

Le calcul des valeurs des composantes d u tenseur des contraintes dans le massif entourant le puits a permis de faire apparaître des zones qui échappent en partie aux contraintes verticales. C e fait laisse supposer l'existence, à de grandes profondeurs, de roches présentant des fissures ouvertes.

E n interprétant de façon coordonnée les résultats des études géophysiques des sondages, le profil sismique vertical et la sismicité de surface, il a été possible :

a) d'établir la nature thermodynamique et non lithologique d'une série de dis­continuités sismiques à faible pente dans l'écorce terrestre ;

b) de démontrer qu'à une profondeur dépassant 6800 m on ne rencontre pas l'hypothétique discontinuité de Conrad, mais une discontinuité lithologique coïnci­dant avec la transformation des roches de l'ensemble de Petchenga en roches de l'ensemble de Kola représentée par des granito-gneiss ;

c) d'établir des caractéristiques importantes des champs d'ondes dans le puits et dans le massif rocheux qui l'entourent, telles que l'intensité élevée des ondes trans­versales, la faible g a m m e fréquentielle des ondes transversales et longitudinales et les valeurs extrêmement faibles du coefficient d'amortissement des ondes sismiques.

Lors de l'étude de la radioactivité des roches, il a été établi que le contenu des éléments radioactifs dépendait dans une mesure importante de leur degré de graniti-sation. E n évaluant l'apport de la désintégration radioactive dans le bilan thermique général des massifs rocheux, on a constaté que les plus thermogènes étaient des roches sédimentaires tuffitiques (1-2,5 ¿ u W . / m 3 ) et les gabbrodiabases (0,7-1,7 / j W . / m 3 ) qui se trouvent à une profondeur allant jusqu'à 25 k m . Les autres

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roches sont relativement peu thermogènes, mais on rencontre des zones étroites où se sont concentrés des flux anormalement élevés, dus apparemment à un transfert masse-chaleur très intense et à un apport probable d'éléments radioactifs. L'apport estimé des radioéléments représentait près de 45 % du flux thermique général à la surface de la Terre.

Dans l'ensemble, la coupe observée dans la presqu'île de Kola se caractérise par de brusques variations du gradient géothermique vertical. L a température varie, en effet, de 1 à 2° centigrades sur 100 m , sous l'influence de divers facteurs dont les plus importants semblent être les particularités lithologiques, microstructurelles et fil­trantes des roches, ainsi que la présence d'éléments radioactifs. Ces facteurs agissent de manière déterminante sur la conductibilité thermique des roches et sur la quantité de chaleur qu'elles émettent.

Il semble que l'apport des différentes composantes du transfert masse-chaleur se modifie lui aussi selon les particularités lithophysiques des roches.

Les résultats des mesures magnétométriques de précision effectuées dans le corps du puits et sur les spécimens rocheux présentent un intérêt considérable.

Ces mesures ont porté sur la réceptivité magnétique H , l'aimantation rémanente naturelle et le facteur dit de Königsberg Q (le rapport entre l'aimantation rémanente naturelle et l'aimantation induite). Les caractéristiques magnétiques ainsi recensées des roches permettent d'obtenir une information sur les variations spatiales et tem­porelles du c h a m p magnétique.

Les valeurs maximales de la réceptivité magnétique (0,2 à 0,3 SI) sont dues à la présence de magnetite, d'hématite et de pyrrhotite. La très forte hétérogénéité des valeurs H et In, m ê m e pour de petits fragments de roche, est liée au caractère de la minéralisation. D'après les caractéristiques magnétiques, on a pu distinguer nette­ment trois grandes zones dans la coupe. La zone supérieure (minéralisation sulfu­rée) est représentée par des roches d'une susceptibilité magnétique peu élevée : H 4 4 .10 - 3 SI. L a zone moyenne (minéralisation oxydée) présente une susceptibilité magnétique plus élevée: H #0,2-0 ,3 SI. La zone inférieure est peu magnétique: moins de H # 2 . 1 0 " 3 S I .

Le massif cristallin a conservé nettement des traces de modifications fréquentes de l'orientation du champ magnétique. Par exemple, dans la coupe étudiée, on a recensé une vingtaine de zones de polarités géomagnétiques différentes.

Enfin, il faut mentionner les éléments nouveaux qu'a fournis l'analyse des champs des contraintes mécaniques qui a été effectuée à l'aide d'un ensemble de modèles mathématiques et de recherches tectonophysiques spéciales. La méthode de l'analyse tectonophysique a permis de reconstituer, dans le temps et l'espace géologi­ques, le c h a m p des contraintes tectoniques dans la région du sondage de la presqu'île de Kola et d'en prévoir la profondeur.

L'analyse du modèle tectonophysique ainsi établi du terrain géologique révèle, en particulier, la présence d'une stratification horizontale très accusée de l'écorce terrestre, due non pas à de vastes déplacements horizontaux, mais à la modification des conditions locales de déformation de diverses parties du terrain géologique, ce qui soulève une série de questions nouvelles pour la théorie de la tectonique des plaques.

Pour conclure ce bref exposé des résultats des recherches géologiques et géophy­siques d'un type nouveau menées dans la presqu'île de Kola, il faut souligner que la

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Sondages à grande profondeur dans la presqu'île de Kola

géologie et la géophysique ont ainsi pu atteindre des profondeurs jusqu'alors inac­cessibles.

Grâce à ces recherches, la géologie, qui est l'une des sciences les plus anciennes, a pu entrer directement en contact avec les secrets de la première phase de l'évolution géologique de la Terre.

Il faut se féliciter aussi de la participation active des géologues de nombreux pays (notamment des Etats-Unis d'Amérique, de la République fédérale d'Alle­magne , de la France et du Canada) à la réalisation du programme international sur la lithosphère et de sa partie relative au forage dans la croûte continentale. L'étude intégrée de la Terre en tant que planète, Terre des h o m m e s , nécessite de façon de plus en plus pressante les efforts conjugués de la communauté internationale des savants qui se consacrent à l'exploration de la nature. •

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Tribune des lecteurs Appel aux lecteurs Nous serons heureux de publier des lettres contenant

des avis motivés — favorables ou non — sur tout article publié dans Impact ou présentant les vues des signataires sur les sujets traités dans notre revue. Prière d'adresser toute correspondance à : Rédacteur, Impact : science et société, Unesco, 7, place de Fontenoy, 75700 Paris (France).

Cette lettre, qui nous a été envoyée par M. Jean-Bernard Condat, étudiant en musicolo­gie (option scientifique) à l'Université Lumière de Lyon, France, concerne le double numéro de 1985 sur le thème "Le son et le bruit : phénomènes acoustiques et dangers pour l'ouïe". On peut lui écrire à l'adresse suivante : B.P. 8005, 69351 Lyon Cedex 08.

Grand merci pour votre numéro 138/139 queje viens de découvrir. Il m ' a vraiment enthousiasmé autant par le thème abordé (le son et le bruit en tant que phénomènes acoustiques) que par les domaines traités (musicologie, architecture, enseignement, physique).

Musicien d'esprit tout à fait scientifique, m o n rêve de bachelier C était de faire des études afin de devenir « acousticien » ou du moins chercheur en acoustique musicale c o m m e H . V . M o d a k (auteur de l'article « Curiosités musicales des temples de l'Inde du Sud »). Mais l'acoustique musicale ne s'enseignait qu'en option du D E U G musique de l'Université Lyon-2. Je n'ai donc pas hésité, à tort d'ailleurs. Si M . G . L . Fuchs n'a pas cité cette formation dans son article (« L'enseignement de l'acoustique») bien qu'elle existe toujours, c'est peut-être parce qu'elle est donnée dans le Département de physique nucléaire de l'Université Lyon-1 et est dirigée par un non-musicien !

Mais pourquoi M . Fuchs ne parle-t-il pas du Laboratoire d'acoustique musicale de la Faculté des sciences de Paris? Son fondateur-directeur, M . Emile Leipp, est décédé le 5 janvier 1986. Ce génial chercheur — dont on vient de rééditer L'acousti­que et la musique (Paris, Masson, avril 1984) — s'intéressait notamment à l'ensemble orgue/salle. Il aurait sûrement été heureux de lire c o m m e moi l'article de M . T a m a s Tarnóczy sur l'acoustique des salles polyvalentes. Je profite de cette lettre pour rendre h o m m a g e à cette grande figure de l'acoustique musicale française.

Encore bravo pour ce double numéro, qui a une place de choix dans m a biblio­thèque.

Jean-Bernard Condat Lager Heuberg, Stetten a.k. Markt

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Première cérémonie de remise de prix de VAcadémie des sciences du Tiers Monde

Le dimanche 26 octobre 1986, l'Académie des sciences du Tiers Monde a, pour la première fois, récompensé quatre scientifiques de pays en développement qui se sont distingués par leur eminente contribution aux sciences fondamentales.

Les prix de l'Académie ont été décernés au professeur L. De Meis (Brésil) pour ses études fondamentales sur la fonction de la Ca"-ATPase du reticulum sarcoplasmique, s'agissant en particulier des mécanismes de transfert de l'énergie dans les membranes biologiques ; au professeur S. Siddiqui (Pakistan) pour son rapport fondamental à la chimie des alcaloïdes du rauwolfia; au professeur Lia Shan Tao (Chine) pour sa contribution fondamentale aux mathématiques dans deux domaines distincts : les solutions périodiques d'équations différentielles sur la sphère et la dynamique qualitative; et au professeur E.C.G. Sudarshan (Inde) pour sa contribution fondamentale à la compréhension de la force nucléaire faible et en particulier pour sa participation à la formulation de la théorie universelle V-A de Sudarshan et Marshak. Les deux premières récompenses sont des prix de chimie, la troisième un prix de mathématiques et la quatrième un prix de physique.

La cérémonie de remise des prix a eu lieu dans le grand amphithéâtre du Centre international de physique théorique de Trieste, en présence du président, le professeur Abdus Salam, des vice-présidents, les professeurs T.R. Odhiambo (Kenya) et M.G.K. Menon (Inde) et des membres du Conseil, les professeurs Lu Jiaxi (Chine), A.R. Ratsimamanga (Madagascar) et E. Rosenblueth (Mexique).

Le professeur M.H.A. Hassan (Soudan), secrétaire exécutif, a donné lecture du palmarès, et les prix, consistant en une médaille et un chèque de 10000 dollars, ont été remis par M.F. Salleo, directeur du Département pour la coopération au développement du Ministère italien des affaires étrangères, principal soutien financier de l'Académie des sciences du Tiers Monde.

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Remise des médailles Dirac de physique

Le 15 novembre 1986, deux médailles Dirac du Centre international de physique théorique (CIPT, dont le siège est à Trieste), décernées l'une au titre de 1985 et l'autre au titre de 1986, ont été remises officiellement au professeur Yakov Zeldovich de l'Institut de recherche spatiale de Moscou (URSS) et au professeur Alexander Polyakov de l'Institut Landau de physique théorique, Moscou (URSS), par, respectivement, le professeur Abdus Salam, directeur du CIPT, et le professeur Stig Lindqvist, président du Conseil scientifique du CIPT. La seconde médaille pour 1985 avait été remise le 7février 1986 au professeur Edward Witten de l'Université de Princeton (Etats-Unis), le professeur Yoichiro Nambu de l'Institut Enrico Fermi d'études nucléaires de l'Université de Chicago (Etats-Unis) devant recevoir l'autre récompense pour 1986 au printemps de 1987. Plus de 300 scientifiques et personnalités officielles ont assisté à la cérémonie de remise qui s'est déroulée dans la grande salle de conférence du CIPT.

Après la remise des médailles, le professeur Zeldovich et le professeur Polyakov ont fait des conférences portant respectivement, sur l'évolution récente de la cosmologie et sur les orientations de la théorie des cordes.

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Prix Eklund Le 19 novembre 1986, lors d'une conférence organisée spécialement au Centre international de physique théorique, M. Chike Obi, professeur émérite de l'Université de Lagos (Nigeria) a reçu le prix Eklund du CIPT pour 1985 récompensant en l'occurrence d'eminentes contributions dans le domaine des mathématiques. Ce prix porte le nom de M. Sigvard Eklund, ami dévoué du CIPT et directeur général de 1961 à 1981, de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Vienne.

M. Eklund a personnellement remis le prix (un chèque de 1000 dollars des Etats-Unis et un certificat) au lauréat tandis que le professeur Abdus Salam, lauréat du prix Nobel de physique de 1979 et directeur du CIPT, donnait lecture de la citation correspondante à un auditoire de quelque 300 scientifiques du monde entier.

Le professeur Obi a fait notablement progresser l'étude des équations différentielles ordinaires non linéaires à plusieurs paramètres, par l'obtention de nombreux résultats concernant l'existence, le nombre et certaines expressions analytiques des solutions harmoniques, sous-harmoniques ou uniformément presque périodiques, de ces équations. Il a également œuvré au développement des mathématiques en Afrique.

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Saviez-vous que les éducateurs, les chercheurs et les étudiants peuvent utiliser les bons Unesco pour acheter

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Les bons Unesco peuvent également être utilises pour payer des souscriptions à des publications de caractère éducatif, scientifique ou culturel et pour acquitter des droits d'inscription universitaire ou des droits d'auteur

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Dans chaque pays utilisateur, un organisme — le plus souvent la commission nationale pour l'Unesco — est responsable de la vente des bons.

Écrire au Service des bons de l'Unesco, 7, place de Fontenoy, 75700 Paris (France) pour obtenir une liste des principaux fournisseurs ayant adhéré au programme ainsi que le n o m et l'adresse du Service de vente des bons Unesco dans votre pays.

Vous payez les bons en monnaie nationale et vous les joignez à la c o m m a n d e que vous envoyez au fournisseur des marchandises que vous désirez acquérir.

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Avenir... Le prochain numéro d'Impact : science et société (n° 146) aura pour thème :

La troisième révolution N ° 146 industrielle

Parmi les auteurs : R . N . K h a n (Economiste, Paris) décrit quelques grandes tendances de la nouvelle révolution industrielle; David Blackburn (Open University, Royaume-Uni) nous parle de l'emmagasinage, du recueil et de l'utilisation des données industrielles et du génie ; Sergio Sartori (Istituto di Metrología Colonnetti, Turin, Italie) entretient les lecteurs de l'intégration de la mécanique, de l'électronique et des ordinateurs dans l'entreprise; l'académicien B . Sendov (Sofia, Bulgarie) nous dit comment l'enseignement peut préparer nos enfants à affronter le nouveau m o n d e ; Roger B . Smith (Président, General Motors, Detroit, Etats-Unis d'Amérique) nous parle de l'entreprise au xxie siècle.

N ° 147 Conséquences des inventions pour la société

N°148 Energie : un problème non encore résolu

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Razvoj/Development-International Publié par : Institute for Developing Countries Zagreb (Yougoslavie) Rédacteur en chef : Zoran Roca

Razvoj/Development-International est une nouvelle revue semestrielle consacrée à l'étude scientifique multidisciplinaire du développement socio-économique, s'agissant notamment (mais pas exclusivement) des aspects sociaux, économiques, politiques, culturels, techniques, environnementaux et autres de l'expérience du développement, ainsi que des objectifs des pays en développement aux niveaux national et international.

Razvoj/Development-International a pour objet de rassembler et de diffuser les contributions d'érudits, d'experts et de personnalités eminentes de pays en développement, ainsi que de membres

de la communauté universitaire et politique internationale travaillant dans des spécialités différentes, mais liés par un respect commun pour l'émancipation développementale totale des peuples et des pays, ainsi que pour des relations internationales équitables et la coopération en vue du développement.

Prière d'envoyer les manuscrits et la correspondance à l'adresse suivante:

Institute for Developing Countries 8 maja 82, 41000 Zagreb, P . O . Box 303 Yougoslavie

Prix de l'abonnement annuel : 16 dollars des Etats-Unis (par avion : 20 dollars) Prix du numéro : 8 dollars des Etats-Unis (par avion : 10 dollars)

T*

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Distributeurs nationaux des publications de Y Unesco

Albanie : Algérie :

Allemagne (Rép. féd.) :

Angola :

Argentine :

Autriche : Belgique :

Bénin :

Bolivie :

Brésil :

Bulgarie : Burkina Faso :

Cameroun :

Canada :

Cap-Vert : Chili :

Colombie :

Comores (Rép. féd. islam.) : C o n g o :

Costa Rica :

« Ndermarrja e perhapjes se librit », T I R A N A . Publications seulement : E N A L , 3, bd Zirout-Youcef, A L G E R . Périodiques seulement : E N A M E P , 20, rue de la Liberté, A L G E R . UNO-Ver l ag , Simrockstrasse 23, D - 5 3 0 0 B O N N 1 ; S. Karger G m b H , Verlag Angerhofstr, 9, Postfach 2, D - 8 0 3 4 G E R M E R I N G / M O N C H E N .

Distribuidora Livros e Publicaçôes, C P 2848, L U A N D A ; Casa Progresso/Secçao Angola Media, Calcada de Gregorio Ferreira 30, C P 10510, L U A N D A B6.

Librería El Correo de la Unesco, Edilyr, S.R.L., Tucumán 1685, 1050 B U E N O S A I R E S .

Gerold and Co, Graben 31, A-1011 W I E N . Jean De Lannoy, 202, avenue du Roi, 1060 B R U X E L L E S . Librairie nationale, B.P. 294, P O R T O N O V O ; Ets Koudjo G . Joseph, B.P. 1530, C O T O N O U ; Librairie Notre-Dame, B.P. 307, C O T O N O U .

Los Amigos del Libro, casilla postal 4415, L A P A Z ; avenida de las Heroinas, 3712, casilla 450, C O C H A B A M B A . Fundaçào Getúlio Vargas, Serviço de Publicaçôes, C P 9.052-ZC-05, Praia de Botafogo 188, R I O D E J A N E I R O (RJ); Imagem Latinoamericana, Av. Paulista 750, 1 andar, Caixa postal 30455, S A O P A U L O C E P 01051. Hemus, Kantora Literatura, bd Rousky 6, S O F U A . Librairie Attie, B.P . 64, O U A G A D O U G O U ; Librairie catholique «Jeunesse d'Afrique», O U A G A D O U G O U . Librairie des éditions Clé, B.P. 1501, Y A O U N D E ; Librairie Saint-Paul, B.P. 763, Y A O U N D E ; Commission nationale de la République du Cameroun pour l'Unesco, B.P. 1600, Y A O U N D E ; Librairie «Aux messageries», avenue de la Liberté, B.P. 5921, D O U A L A ; Centre de diffusion du livre camerounais, B .P . 338, D O U A L A ; Librairie « Aux frères réunis», B.P. 5346, D O U A L A ; B u m a Kor and Co. , Bilingual Bookshop, Mvog-Ada, B.P . 727, Y A O U N D E .

Renouf Publishing Company Ltd/Editions Renouf Ltée, 1294 Algoma Road, O T T A W A , Ont. K1B 3 W 8 . Magasins : 61, rue Sparks, O T T A W A et 211, rue Yonge, T O R O N T O . Bureau des ventes : 7575 Trans Canada H w y . Ste. 305, St. Laurent, Q U E B E C H 4 T 1V6.

Instituto Caboverdiano do Livro, caixa postal 158, P R A I A . Editorial Universitaria S.A., Departamento de Importaciones, M . Luisa Santander 0447, casilla 10220, S A N T I A G O ; Editorial Andrés Bello, Av. R . Lyon 946, casilla 4256, S A N T I A G O ; DIPUBLIC, Antonio Varas 671, 2.°M piso, casilla 14364, Correo 21, S A N T I A G O . Instituto Colombiano de Cultura (Colcultura), carrera 3A, n° 18/24, B O G O T A ; Libreria Buchholz Galería, Calle 59, N.° 13-13, B O G O T A . Librairie Masiwa, 4, rue Ahmed-Djoumoi, B.P. 124, M O R O N I . Commission nationale congolaise pour l'Unesco, B.P. 493, B R A Z Z A V I L L E ; Librairie Maison de la Presse, B .P . 2150, B R A Z Z A V I L L E ; Librairie Populaire, B.P. 577, B R A Z Z A V I L L E .

Cooperativa del libro, Universidad de Costa Rica, Ciudad Universitaria Rodrigo Fació, San Pedro Montes de Oca, S A N JOSÉ.

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Côte d'Ivoire :

C u b a : Egypte :

Equateur :

Espagne :

Etats-Unis d'Amérique : France :

Gabon :

Guadeloupe : Grèce :

Guatemala :

Guinée : Guinée-Bissau :

Haïti : Honduras :

Hongrie : Iran :

Israël :

Italie :

Liban : Luxembourg : Madagascar :

M a l i : Malte :

Maroc :

Martinique : Maurice :

Mauritanie : Mexique :

Mozambique :

Nicaragua :

Niger : Panama :

Les Presses de l'Unesco, Commission nationale ivoirienne pour l'Unesco, 01 B P V 297, A B I D J A N 01 ; Le Centre d'édition et de diffusion africaines ( C E D A ) , 04 B . P . 541, A B I D J A N 04 Plateau. Ediciones cubanas, O'Reilly N.° 407, L A H A B A N A . Unesco Publications Centre, 1 Talaat Harb Street, C A I R O . Dinacur Cia. Ltda., Santa Prisca N.° 296 y Pasaje San Luis, Ofic. 101-102, casilla 112-B, Q U I T O , Nueva Imagen, 12 de Octubre 959 y Roca, Edificio Mariano de Jesús, Q U I T O . Mundi-Prensa Libros S .A. , apartado 1223, Castelló 37, M A D R I D - I ; Ediciones Líber, apartado 17, Magdalena 8, O N D A R R O A (Vizcaya); Donaire, Ronda de Outerio 20, apartado de correos 341, L A C O R U N A ; Librería Al-Andalus, Roldana 1 y 3, S E V I L L A 4; Librería Castells, Ronda Universidad 13 y 15, B A R C E L O N A 7. Bernan-Unipub, 4611-F Assembly Drive, L A N H A M , M D 20706-4391. Grandes librairies universitaires et Librairie de l'Unesco, 7, place de Fontenoy, 75700 P A R I S . Librairie Sogalivre, à L I B R E V I L L E , P O R T - G E N T I L et F R A N C E V I L L E ; Librairie Hachette, B .P . 3923, L I B R E V I L L E . Librairie Carnot, 59, rue Barbes, 97100 P O I N T E - A - P I T R E . Librairie H . Kauffmann, 28, rue du Stade, A T H È N E S ; Librairie Eleftheroudakis, Nikkis 4, A T H È N E S ; Commission nationale hellénique pour l'Unesco, 3, rue Akadimias, A T H È N E S ; John Mihalopoulos and Son. 75, H e r m o u Street, P . O . Box 73, T H E S S A L O N I Q U E . Comisión Guatemalteca de Cooperación con la Unesco, 3.a avenida 13-30, zona 1, apartado postal 244, G U A T E M A L A . Commission nationale guinéenne pour l'Unesco, B.P . 964, C O N A K R Y . Instituto Nacional do Livro e do Disco, Conselho Nacional da Cultura, Avenida Domingos Ramos N° 10-A, B .P . 104, B I S S A U . Librairie « A la Caravelle», 26, rue Roux, B .P . Ill, P O R T - A U - P R I N C E . Librería Navarro, 2.a avenida N.° 201, Comayagúela, T E G U C I G A L P A . Kultura-Buchimport-Abt., P . O . B . 149-H-1389, B U D A P E S T 62. Commission nationale iranienne pour l'Unesco, 1188 Enghelab Avenue, Rostam Give Building, P . O . Box 11365-4498, 13158 T É H É R A N . A . B . C . Bookstore Ltd., P . O . Box 1283, 71 Allenby Road, T E L A V I V 61000. Licosa (Librería Commissionaria Sansoni S.p.A.) , via Lamarmora 45, casella postale 552, 50121 F I R E N Z E , et via Bartolini 29, 20155 M I L A N O ; F A O Bookshop, Via délie Terme di Caracalla, 00100 R O M A ; I L O Bookshop, Corso Unità d'Italia, 125, T O R I N O . Librairies Antoine A . Naufal et Frères, B . P . 656, B E Y R O U T H . Librairie Paul Brück, 22, Grand-Rue, L U X E M B O U R G . Commission nationale de la République démocratique de Madagascar pour l'Unesco, B . P . 331, A N T A N A N A R I V O . Librairie populaire du Mali, B . P . 28, B A M A K O . Sapienzas, 26 Republic Street, V A L L E T T A . Librairie « Aux belles images », 282, av. M o h a m m e d - V , R A B A T ; Librairie des Ecoles, 12, av. Hassan-II, C A S A B L A N C A ; Société chérifienne de distribution et de presse, S O C H E P R E S S , angle rues de Dînant et Saint-Saëns, B . P . 683, C A S A B L A N C A 05. Hatier Martinique, 32, rue Schoelcher, B . P . 188, 97202 F O R T - D E - F R A N C E . Nalanda C o Ltd., 30, Bourbon Street, P O R T L O U I S . Gralicoma, 1, rue du Souk-X, av. Kennedy, N O U A K C H O T T . Librería « El Correo de la Unesco », Actipán 66 (Insurgentes/Manacar), Colonia del Valle, M E X I C O 12 D . F . ; Apartado postal 61-164, 06600 M E X I C O D . F . ; Dilitsa (Distribuidora Literaria S .A . ) , P o m o n a 30, apartado postal 24-448, M E X I C O D . F . 06700. Instituto Nacional do Disco e do Livro (INDL) , avenuida 24 de Julho 1921, r/andar, M A P U T O . Librería Cultural Nicaragüense, calle 15 de Septiembre y avenida Bolivar, apartado 807, M A N A G U A ; Librería de la Universidad Centroamericana, apartado 69, M A N A G U A . Librairie Mauclert, B . P . 868, N I A M E Y . Distribuidora Cultura Internacional, apartado 7571, zona 5, P A N A M A .

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Pays-Bas: Keesing B.V. , Hogehilweg 13, P . O . B . 1118, 1000 B C A M S T E R D A M . Périodiques : Faxon-Europe Postbus 197, 1000 A D A M S T E R D A M .

Pérou: Librería Studium, Plaza Francia 1164, apartado 2139, L I M A ; Librería La Familia, Pasaje Peñaloza 112, apartado 4199, L I M A .

Philippines: National Book Store Inc., 701 Rizal av., M A N I L A . Pologne: Ars Polona-Ruch, Krakowskie Przedmiestcie 7, 00-068 W A R S Z A W A ;

ORPAN-Import , Palac Kultury, 00901 W A R S Z A W A . Portugal : Dias & Andrade Ltda., Livraria Portugal, rua do Carmo 70-74,

1117 LISBOA. Librairie Sayegh, immeuble Diab, rue du Parlement, B.P. 704, D A M A S .

Buchexport, Leninstrasse 16, 700 LEIPZIG. Librería Blasco, avenida Bolivar N.° 402, esq. Hermanos Deligne, S A N T O D O M I N G O . Artexim-Export/Import, Piata Scienteii no. 1, P . O . Box 33-16, 7005 B U C U R E S T I . Unesco, Bureau regional pour l'Afrique ( B R E D A ) , 12, avenue du Roume, B .P . 3311, D A K A R ; Librairie Clairafrique, B.P. 2005, D A K A R ; Librairie des Quatre-Vents, 91, rue Blanchot, B.P. 1820, D A K A R ; Les Nouvelles Editions africaines, 10, rue Amadou-Hassan-Ndoye, B.P. 260, D A K A R . M o d e m Book Shop and General, P . O . Box 951, M O G A D I S C I O . Al-Bashir Bookshop, P . O . Box 1118, K H A R T O U M . Toutes les publications : A / B C . E. Fritzes Kungl. Hovbokhandel, Regiringsgatan 12, Box 16356, S-103 27 S T O C K H O L M 16. Pour les périodiques seulement : Wennergren-Williams A B , Box 30004, Esselte Tidskriftcentralen, Gamla Brogatan 26, Box 62, 10120 S T O C K H O L M S-104 25 S T O C K H O L M .

Librairies Payot à Genève, Lausanne, Bâle, Berne, Vevey, Montreux, Neuchâtel, Zurich ; Europe Verlag, Ramistrasse 5, C H 8024 Z Ü R I C H . Librairie Abssounout, 24, avenue Charles-de-Gaulle, B.P. 388, N'DJAMENA. S N T L , Spalena 51, 113-02 P R A H A 1, Artia. V e Smeckach 30, K O . Box 790, 111-27 P R A H A . Pour la Slovaquie seulement : Alfa Verlag, Hurbanovo, n a m 6, 893-31 B R A T I S L A V A .

Togo : Librairie évangélique, B . P . 378, L O M É ; Librairie du Bon-Pasteur, B . P . 1164, L O M É ; Librairie universitaire, B .P . 3481, L O M É ; Les Nouvelles Editions africaines, 239 boulevard Circulaire, B . P . 4862, LOMÉ.

Tunisie : Société tunisienne de diffusion, 5, avenue de Carthage, T U N I S . Turquie : Haset Kitapebi A . S . Istiklâl Caddesi n° 469, posta kutusu 219,

Beyoglu, I S T A N B U L . U R S S : Mezdunarodnaya Kniga, ul. Dimitrova 39, M O S K V A 113095.

Uruguay : Edilyr Uruguaya S.A. Maldonado 1092, M O N T E V I D E O . Venezuela : Librería del Este, avenida Francisco de Miranda 52, Edificio

Galipán, apartado 60337, C A R A C A S 1060-A; D I L A E C A . , Alfadil ediciones S.A., Avenidas Los Mangos, Las Delicias, Edf. Dilae, apartado 50304, Sabana Grande, C A R A C A S ; Elite C A . , La Gran Avenida - Plaza Venezuela, Residencias Caroni, Locales 3 y 4, C A R A C A S .

Yougoslavie: Nolit, Terazije 13/VIII, 11000 B E O G R A D ; Cancarjeva Zuolozba, Zopitarjeva n° 2, 61001 L J U B L J A N A ; Mladost, Ilica 30/11, Z A G R E B .

Zaïre: Librairie du C I D E P , B.P. 2307, K I N S H A S A ; Commission nationale zaïroise pour l'Unesco, Commissariat d'Etat chargé de l'Education, B.P. 32, K I N S H A S A .

Zambie: National Educational Distribution C o . of Zambia Ltd., P . O . Box 2664, L U S A K A .

Zimbabwe : Textbook Sales (PVT) Ltd., 67 Union Avenue, H A R A R E .

République arabe syrienne : République démocratique

allemande : République dominicaine :

Roumanie :

Sénégal :

Somalie : Soudan :

Suède :

Suisse :

Tchad :

Tchécoslovaquie :

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Achevé d'imprimer en mai 1987 Atelier Graphique Saint-Jean, 10 rue Flottes, 81000 A L B 1

Numéro d'imprimeur : 118

Dépôt légal : T trimestre 1987


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