LaPetiteDanubedeJean-PierreCannetCarnetartistiqueetpédagogique
Œuvrederéférencepourles3e/2de(sélectionÉducationnationale2013).
CarnetpédagogiquerédigéparAnnieQuenet,professeurdefrançaisretraitéeRecherchesdocumentaires:MarieAnglade.
Annaracontesonenfance,quelquepartaupieddesCarpates,durantlaSecondeGuerremondiale.Desconvoisdetrainspassentdevantchezelle,deplusenplusdeconvoisquisevidentunpeuplus loin,aucampvoisin.Autourd’ellepavoise l’arméeducrimeetAnnaest confrontéeà la lâchetédesadultes.Elledécouvreunevestedepyjamaà rayuresdans le fonddu jardin.Rencontrequibouleversecettefind’enfance.Pleind’émotionetdepoésie,cethéâtre-récitestaussiunhymneàlaluciditéetàladémesuredel’enfancefaceauxombresdetouteslesguerres.
L’auteurNé en 1955 à Quimper, Jean-Pierre Cannet est poète, romancier, nouvelliste. Depuis quelques années, il a décidé de seconsacrer à l’écriture théâtrale. Ses pièces, dans une construction dramatique toujours novatrice, font souffler sur lemonde
moderneetsesblessures-guerre,terrorisme,pauvreté,déracinements-unepoésieuniverselle.
IntroductionAnnaadulteracontesonenfancetraverséeparl’Histoire«avecsagrandeH»(GeorgesPerec),celledel’holocauste.Sanaissancedanslamaisondegarde-barrièredesonpère,quelquepartaupieddesCarpates,«aucarrefourduDanubeetdelavoieferrée»où,enfant,ellevoitpasserlestrains…puisentend,puisqu’onluiinterditdevoir:«Lamère:Nevapasabîmertonenfanceàregarderpassertouslesgensdetouslestrainsdetouscesconvois/Lepère:Lamortdesautresnenousintéressepas.Tuferaismieuxderangertesyeuxaufonddetontablier.»MaisAnnanefermepaslesyeux;ellevoit!Avecl’acuitédel’enfance.Etelleperçoitdéjà,cequ’adulteellejugera:lacupiditéetlacompromission,l’absencedetoutsensmoraldesesparents,rustresetlâches,toujoursprêtsàservirleplusfort:jusqu’àparticiperàlachasseàl’hommed’undéportéévadé,àallerrevendreaumarchéleschaussuresdetouslesmorts,récupéréeslanuit,aprèslalibérationducamp.Enfantdéjà,Annaachoisil’autrevoie:lorsqu‘elledécouvreaufonddujardin,unevestedepyjamaàrayures,elleluidonnelenomd’Arthur,luiprêtevie…Etlorsqu’ellerencontre,danslaforêt,ledéportétraquéparsonpère,torsenu,famélique,sacompassionl’emportesurlapeur:elledonneàcelui-làquirépondaunomd’Arthur…lavestequ’elleétaitallée laverdesessouillures,dansleseauxduDanube.Quisaitsi,dans«ladémesuredel’enfance»,saprescienceenfantineet«fantasque»,àtraverssesjeux,ellen’apasdevinésonnometvoulul’aideràvivre?
OnretrouvedansLaPetiteDanube,texteécritpourdesadolescents,larichessedel’universetdel’écrituredeJean-PierreCannet.Leprofesseuroul’animateurd’atelierdécouvrirasespiècespouradultes,avecintérêtetprofitpouréclairercetexte,àtraversnotamment,DesmanteauxavecpersonnededansetRaptparudans25PetitesPiècesd’auteurs(ousaversionlongueChelseaHôtel).Ununivershabitéparlaguerre,commechampdelaresponsabilitémorale,mêlantréalismeetfantastique;unelangue très présente, créatrice d’images au double sens de visions et demétaphores. Un théâtre au réalisme poétique trèspersonnel(Jean-PierreCannetestaussipoète).Parlarichessedesquestionsposéesàlamiseenscèneetparsapalettedejeuvariée,cetextedonneralieuàuntravailtrèsrichedansunatelierthéâtred’adolescents,sansparlerdel’intérêtdusujet.
Parsonthèmesous-jacent:l’holocauste,sonquestionnementmoral:laresponsabilitéindividuellefaceàlabarbarie,saformede théâtre – récit, que l’on pourrait qualifier, dans la terminologie scolaire, d’argumentatif, par sa parenté avec le texteautobiographique,LaPetiteDanubeatoutesaplaceenclassedetroisièmeetdeseconde.Lefaitquelepersonnagecentralsoituneenfantnedevraitpasfaireobstacleàl’intérêtd’adolescentssiattachésàcequ’onnelesinfantilisepas,danslamesureoùc’estunejeuneadultequiraconteetquijugedesparentsaucomportementvil(cequedansleuridéalisme,lesadolescentsnemanquentpasdefaireeux-mêmessouvent).Letexteconviendraaussiàuneclassede1èregénérale,enassociationavecleprogrammed’histoireetpoursonécriturelittéraireforte,émailléedenombreusesfiguresderhétorique;etégalementàcertainesclassesdelycéeprofessionnelpourlaquestionmoraleetciviquequiestposéeetcertainstravauxcollectifsproposésici,quipourrontêtreadaptés.
La forme de théâtre-récit linéaire permettra de l’intégrer simplement dans un corpus de lectures cursives ; larichessethématiqueetdramaturgique,laqualitélittérairedel’écriturepourrontaussidonnerlieuàunelectureanalytiqueetunemiseenvoixouenjeu,commeàunerecherchesurlaquestion«texteetreprésentation».Onpourraalorspuiserparmilespistesproposéesdanscecarnet,étantentenduquetoutsansdoutenesauraitêtrefait,dansletempsdontondispose.Danstouslescas,ilseraitpréférabled’abordercetteœuvreaprèslecoursd’Histoiresurlenazismeetladéportation.
PlanducarnetA.Chemineràl’intérieurdutexte
A.Étudeanalytiqueduparatexted’ouvertureetdelaséquence1
a.Untempsetunespaceindéfinis,poétiques
Onchoisiralavoixportéedel’enseignant(ouanimateuroumetteurenscène),installantunesolennitésansaffectation,pourliredeboutlapagedecouverture,lacitationenexergueetlapage8puisledébutdelapage9avantlaprisedeparoled’Anna.Après avoir sollicité l’imaginaire et émis les premières hypothèses quant au sujet du texte, on consacrera un temps aucommentairedelacitationd’YvesBonnefoyetdestroisdidascaliesd’entrée.
Lapremièredidascalie,fictionnelle,dessineunlieuimprécisavanttoutpoétique.Pasdementiondepaysoudeville;seulementionprécise«lesCarpates»encorecettementiongéographiqueest-elle,pourlelecteuradulte,surtoutporteused’unemythologie historico-littéraire vague ; quant au jeune lecteur, cettemention lui apparaîtra inconnue etmystérieuse, voirebizarredanssasonorité.Mêmeimprécisionpourl’époque.Ilestquestiondeguerremaislaquelle?Seulelamentiondelachemisededéportédanslalistedespersonnagesorienteverslasecondeguerremondiale.Ici letempsaussiestindéfini«uneéternitéd’enfanceetdeguerre».
La deuxième didascalie, fonctionnelle, scénique, qui suit laliste des personnages confirme l’enfance comme élémentcapitaldutexteetlavolontédel’auteurquelamiseenscèneetlejeusedégagentduréalismeauprofitdel’imaginaireetdugrossissement,exprimésavecinsistancepartroismots:«démesure,fantasque,expressionnisme».Cederniermériteraunpremieréclairage.Onremarqueraquecettedidascaliepourlascènepeutaussiêtreunmodedelecture.LatroisièmequiouvreletexteconfirmequeJean-PierreCannetchercheessentiellementàcréeruneatmosphèreetàlefaireenpoète,aveclaforceévocatricedelamétaphore«Paruntempsderouille»etseshalosdesens:tempsatmosphériquepluvieux,malsain,époquededélabrementphysiqueetmoral;avecseséchos:larouillemétalliqueseprolongeantdanslavoie ferréeattachéeà l’imaginairedestrains.Etànouveau lecontrasteentreduretéetdouceur, rencontréprécédemmentdans le versd’YvesBonnefoy,entre lebruitmétalliquedupassagedes trainset la voixuniqueduviolon.Didascalie icifictionnelleetfonctionnelleàlafois.Onen conclura que l’enjeu pour l’auteur ne semble pas être la peinture réaliste de la guerre 1939-1945mais sonévocationàtraverslavisionforte,«expressionniste»qu’enagardéuneenfant.
Écriture–réécriturededidascaliesFournirauxélèvesquelquesdidascaliesdelieuet/oudetempsréalistes,tiréesdepiècesclassiques;leurdemanderdelesrécrire,àlamanièredeJean-PierreCannet,pourcréeruneatmosphère.Travailàmenerencours:1.Choisirunlieuquel’onconnaît,ledécrireauprésent,danslesmoindresdétails,sanslaisserlamoindrechose,pendant10mn.Accompagnerl’écritureendemandantquelamainnes’arrêtejamaisetqu’onnelèvepaslenezdelafeuille,pousseràallerjusqu’auboutdutempsimparti.2.Lecturesparchaqueauteurdecinqousixdescriptions.Aprèschacune,sélectionneraveclaclasse,laoulesdeuxphrasesquiàelleseuledonneraitdemanièreforteetthéâtralel’imagedulieu.Demanderauxélèvesquin’ontpasétéentendusdefairelamêmechosesurleurtexte.3.Lectureduflorilègededidascalies.(Exercicelibrementempruntéàl’écrivainSylvainLevey)
PremièreséquenceOns’engageraalorsdansladécouvertedutexte.Lechoixdelaméthodedelecturepouruntextethéâtral,n’estpasanodinetdépenddeladramaturgie,del’écritureetdelalanguedel’auteur,qu’ils’agitdefairepercevoir,avantmêmequ’ellesn’aientétéidentifiéesetnommées.DanslecasdecettepremièreséquencedeLaPetiteDanube,ilsembleraitjudicieuxdepasserparuneoralisation.
L’adulteliralesrépliquesd’AnnapourdonnerleLa,«fairechanterlalangue»(illiraégalement:1,lalistedespersonnagesetladidascalie)Lesjeuneslirontles24répliquesduPère,delaMèreetdesvoix.Parcequ’ilsyserontplusàl’aisemaissurtoutparceque,dansleurbouche,lelangagetrivialetlarusticitédupèreleursauterontdavantageauxyeux.
Pourcettepremièrelecture,onnesesoucierapasdurespectdespersonnageshomme-femme:onannonceralenomàchaque réplique. L’idéal serait que le groupe, y compris l’adulte, forme un cercle (à défaut mais à regret… des tablespousséessurlecôté,lecerclepourraêtreforméautour)etquehormispourAnna,laparolepassedel’unàl’autre,àchaquechangementderéplique.Si l’onnepouvaitprocéderainsi,alorssansdouteserait-ilpréférableque leprofesseurassumeseul toutecettepremièredécouverte(lalectureàlatabledeclasse,risqueraitd’êtresous-investieetd’«aplatir»letexte.)Pourlesconsignesdelecturevoiroralisation.
Onn’hésiterapasàreprendrecettelecturepour,unefoiseffacéelatimidité,obteniruneplusgrandeprésencedutexte.
b.«Uneéternitéd’enfanceetdeguerre»
Aprèsavoirsuscitélesréactionsspontanéessurlesujetoulespersonnagesoul’écriture,onpourraitdemanderquechacunénonceunephraseouuneexpressionquiluiplaît,l’afrappéouresteénigmatique.Enconstituerunesortedeflorilègeseraituneincitation,formuléeounon,àporterattentionàl’écritureparticulièredeJean-PierreCannet,danslalecturepersonnellequisuivra.
On pourra entrer plus avant dans cette première séquence deLa Petite Danube parsa parenté avec le texteautobiographique.
Ledébut,classiquedugenre,présentelanaissanceetlafamille,l’évocationd’uneenfanceentre«joies»et«tourments»:une naissance dans une famille pauvre et rustre, que vient éclairer la joie exubérante du baptême, bien vite cassée parl’intempestif et brutal «Maintenant, déguerpissez ! » du père, et le «C’est fini ce temps-là » assorti demenaces (1èreoccasiondeporterunjugementsurlepèrejusque-làsimplementrustre,trivialetquipourrait,sanslesjugementsd’Anna,passerpourun rigolard ;maintenant il apparaît danssa face laplusnoire, profiteuret raciste).Et c’est justementpar lachassedesRomsquesefaitlepassageimperceptibledel’enjeuapparent,lerécitdesonenfanceàl’enjeuvéritable,letémoignage d’Anna sur la déportation, la solution finale et surtout la question de la responsabilitémorale : actesymboliquelourd,LePèrejettelesRomssurlavoieferréequiamèneralesconvoisdedéportés:«Ilsmarchaiententrelesrails,ont-ilsentenduvenirlepremiertrain?».C’estaussicesortdesRomsquiopposedemanièrefondatrice,pourla1èrefois,lecomportementodieuxdupère«oujevousdénonceàmonfusil»aupointdevued’Anna«jeleurdoislapremièremusiquedemavie»(fusil/musiquefontéchoàrouille,trains/violondeladidascalied’entréedescène).Annaadulte–etl’auteuravecelle-sedémarquedesonpère,autantqu’elleestmarquée,dèssanaissanceparcebaptêmequ’onn’apupourtantqueluiraconter.Letextebasculealorsdanscequienestsonréelenjeu,parlaquestionrhétorique«Était-ceunjourpournaître?Quandlesviolonssetaisent…».
Onrelèveralelexiqued’abordallusifpuisprogressivementclairquiconduitànommerlesfaitsàlafindelascène:alorslemot«crime»etlemot«guerre»sontprononcés,l’unetl’autreaccompagnésdedeuximagespoétiquestrèsfortes(encorecemélangededuretéfranche,directe,etdepoésie):«Etlesoiseauxdeprintemps,euxaussipicoraientdanslecrime»,«laguerrenouscrachaitsonâcrefuméequeleventnousramenaitenpleineface».CommentyéchapperpourAnnaenfant,commentrefuserdevoiretsavoirpourLePèreetLaMère?Émouvanteetterribleconfidenced’Anna:«Ventreàventre,nouspartagionslemêmeboutdeterreetuncielanimal»,lepèreetlamèreauraientsansdoutedit«ondevaitlessupportersurnosterres,avecleurodeur»
Aumomentoùs’écritcecarnetd’accompagnementdeLaPetiteDanube,lesRomsreviennentbienmalgréeuxsurledevantde la scène. Sans vouloir créer d’amalgame excessif avec ce qu’il est advenu d’eux dans les camps, on ne peut queconstaterlaterriblerésonancedecettepremièreséquence,aujourd’hui.Pourra-t-on,étudiantLaPetiteDanube,sedispenserd’une réflexion sur la responsabilité individuelle, ici etmaintenant (assortieounond’une recherchedocumentaire sur cepeuple)?Pournourrircetravail,voirparmibeaucoupd’autresarticlesparusenaoût2010,ledossierdeTéléraman°3163–28aoûtau3septembre–d’unelectureaisée.
Pointd’étape:
LaPetiteDanuben’estdoncpaslerécitpersonneld’uneenfance.C’estletémoignaged’uneenfantqui,confrontéeàladéportation,s’estplacéeinstinctivementducôtédesplusfaiblesetqui,devenueadulte,s’indigne,donneàvoirl’odieusecompromissiondesesparents.Telest l’enjeupourAnna.L’enjeupour l’auteurestde trouver la forme laplusappropriéepourque le témoignaged’Annaéveillelesregardsetlesconsciences.
c.Uneécritureetunedramaturgieaccusatrices
«Laluciditéestlablessurelaplusrapprochéedusoleil»RenéChar
Entrepoésieettrivialité,unevisionimagée,expressionnisteLecommentairedeladernièrerépliqueamèneraàmesurercombienl’écritureparticipeàl’expressiondel’enjeu:dénoncerbarbarieetcomplicitéavec…Ellecommencepar«sousmesyeuxd’enfant»quirenvoieàladidascaliep.8eteneffet,ontrouveraaisémentlesélémentsde«démesure»de«fantasque»d’«expressionnisme»quis’exprimentenmétaphores,personnifications,alliancedemots,toutcelacréantdessortesdevisions.Lamère,elle,nomme.Annaévoque,donneàvoirlaviolencedeschosestellequ’ellel’a ressentie,enfant :«desconvoisdenuagesbas»«uncielanimal»,« laguerrenouscrachaitsonâcre fumée».Onpourraalorsreveniràladescriptionp.9,pourdécelerlesprémissesdecesvisionsfantastiquesetvoirconfirmerlaforteprésencedesmétaphoresetcomparaisons.Cestyles’opposeauregistredupèrequiserévèleaulecteurd’abordparsalangue:«tutefaisunmourondegénisse»«maintenantquetuesgrosse».Ceregistrecontrasteàl’évidenceaveclalangued’Annaetparticipeàladénonciationdupère.Maisceseraitsimplifierquederéduirel’unaufamiliergrossier,l’autreaupoétiquejoli…Lepèreluiaussialesensdelaformuleimagée,quel’onconnaîtdanslavervepopulaire:«jevousdénonceàmonfusil»,«tuferaismieuxderangertesyeuxaufonddetontablier»EtAnnan’apaspeurdesformulationscrues«ventreàventre»,«laguerrenouscrachait»«desboutsderouillepourempalerleciel»«Ellenimeilleureniplusatteintequ’unepommeblette».Belleoccasionderedirequelapoésien’estpasquedanslebeau.Onamèneralesélèvesàconclurequeparl’expressionnismedesonécritureJean-PierreCannetexprimelavisiond’uneenfantmaisdanslemêmetemps,«accuse»letraitpourlelecteuretlespectateur.Endonnantdeuxtonalitésdifférentesàcetexpressionnisme,grotesquepourlePère,poétiqueetfantastiquepourAnna,ilmarqueleuropposition.DansLaPetiteDanube, l’enfancen’estpasdoncpas làessentiellementpour favoriser l’identificationdu jeunespectateur.Elleestl’intermédiairequinousouvreàl’horreurdecettebarbarieetdecescompromissions.SouslaplumedeJean-PierreCannet,Annaenfanttientdu«poètevoyant»:Annavoit,commelesfemmesdéportées,danslepoèmedeRené-GuyCadouRavensbruck:«…EllesvoientLebourreauquiveille/Apeursoudaindecesregards…».
Avecleslycéens,onpourraitàcepropos,conformémentàl’orientationdesprogrammes(relierlescourantslittérairesàleurépoque)aborderlaquestionposéeàlalittératuredesannées50:peut-oncontinueràécrireaprèsl’holocauste?Peut-onécrirel’holocauste?Comment?Quienaledroit?Etles«réponses»:Beckett,l’absurdeetc.Au-delàvoir:laformechoisieparAlainResnaispourlefilmNuitetbrouillard;lapeinture,notammentLesOtagesdeFautrier,bienqueceux-lànefassentpasréférenceauxdéportésexterminésmaisauxotagesexécutéssurlesolfrançais.
LerécitenpremièreligneLa dramaturgie du théâtre récit choisie par Jean-Pierre Cannet est en elle-même la forme d’un théâtre qui visel’enseignement (Théâtre grec) ou l’éveil de l’esprit critique (Théâtreépique deBrecht). En rompant le 4emur, on brisel’illusion,l’emprisedu«drame»eton«réveille»lespectateur;on«rétablit»l’acteurderrièrelepersonnageetoninstalleunrapportdirectscène/sallequipermet lecommentaire.C’estceteffetqu’ils’agitde fairepercevoirauxélèves,paruneétudelittéraireet/ouparunemiseenjeu.
ÉtudelittéraireComparerlalongueurdesrépliquesdespersonnagesdansl’ensembledutexte.
Ladominationd’Annanarratriceenvolumesedoubled’unedominationvis-à-visduspectateur:
visualiseràl’aidedeflèchessurunplandescènequiparleàqui.introduirelanotiond’adresse:l’adresseaupublicd’Anna,l’adresseàl’autrepersonnagepourlesdialoguesPère/Mèreaprèslerelevédesprésentsd’énonciationdanslabouched’Anna,reliercettedramaturgieaufonctionnementdutexteautobiographique:leretourauprésentdel’écriture,rapprochel’autobiographedesonlecteur,c’estunevoixquiluiparle,leprendàtémoin,plusqu’unehistoirequ’illit.Authéâtre,ceprésentd’énonciationestun«sur-présent»puisquel’échange,entrelacomédiennequiinterprèteAnnaetlespectateursefaitlàendirectdansleprésentdelareprésentation.Lerécitd’Annadansleprésentdelareprésentationestaupremierplanetlesdialoguespassésmisàdistance.Onl’imagined’ailleurs,souvent,àl’avant–scène,prochedupublic,intermédiaireentrelespectateuretlesscènesjouées,et«metteurenscène»decesmomentsdesouvenirs.Ànoterlaforcethéâtraledu«c’estici»quiouvrelareprésentation,pourétablirlecontactaveclespectateuretl’icietmaintenantdelareprésentation,parrapportauprobable«Jesuisnéedanslaouunemaison…»del’autobiographie.Pourallerplusloin,ons’interrogerasurlestatutdecesdialoguesparrapportauxdialoguesdescènesclassiques:danscetteséquence(ceseramoinsvraiparlasuite),ilsn’installentpasunesituation,ilsnedéroulentpasuneaction;ilsapparaissentplutôtcommedesparolesisolées,condensantunesituation,représentativesd’uncaractère,d’unévénement.CommesiAnna,àlamanièredugéologueavaittiréunecarotted’unterrainouuncinéaste,choisiunangledevueouungrosplan,quiàluiseulrendraitcomptedetoutlereste.Danscecasledialogueillustrelerécit;ailleurs,lerécitinterromptledialoguepourlecommenter.
Dans l’autobiographie, soit le souvenir est introduit ou convoqué (dansLes Confessions, Jean-Jacques Rousseaus’emploieànousconvaincredesoninnocence)soitilsurgitàlamémoire(commeNathalieSarrautedansEnfance).Qu’enest-il dansLaPetiteDanube?Lesdeuxexistentetsansdouteserait-ilplusrichequelacomédiennejouesurlesdeuxenmêmetemps,mêmesidomineplutôt,lesouvenirillustrant.Cecietlescommentairesironiquesvontdanslesensd’unrécitquipointe,donneàvoir,pouréveiller.
LadramaturgieainsimiseenplaceparJean-PierreCannetàtraverslepersonnaged’Annaadultenarratriceconcentreleregardduspectateuretéveillesonespritcritique;l’expressionnismedesonécriture«accuse»letrait.Expérimentationparlamiseenjeu,endeuxversionsdifférentes,dupassagep.12,àpartirde«Lamère:Nevapasabîmertonenfance»jusqu’àp.14«nenousdisaitpasgrand-chose»
EnthéâtredramatiqueaveclesseulesrépliquesdupèreetdelamèrePetittempsd’écriturepréalable:demanderauxélèvesd’intégrer,danslesrépliquesdupère,lesinformationsdonnéesdanscellesd’Annaetsupprimercellesp.13.Relireledialogueainsiréécritettrouverunesituationdanslaquellecedialoguepourraitavoirlieu(ex:Àl’extérieur,lepèreetlamèreramassentdespommesdeterre;àtableetc.)Chargertroisouquatrejeunesdepréparerunepropositiondemiseenjeu(aumoinstroisparcequ’ilss’apercevrontaucoursdelarecherchequelaprésenced’uneAnnaenfantmuetteestindispensable).Àcestadeilstravaillerontbiensûrlivreàlamain.
EnthéâtreépiquePendantlapréparationdu1ergroupe,relirelepassageàvoixhauteenintégrantles10lignesd’Annaquiprécèdent(«Denotremaisondegarde-barrière…»)S’interrogersurla2emanièredereprésentercettescène,cellechoisieparJean-PierreCannet:placementsdansl’espaced’Annaparrapportauxparents.Seposerlaquestiondel’adressedes2premièresrépliquesdesparentsàAnnaenfantalorsqu’immédiatementaprèsc’estAnnaadultenarratricequicommente.Faut-il,surscène,2Annaou1seule,lanarratrice?Faut-ilalorsquelepèreetlamères’adressentàunpointvidedans l’espaceoùseserait trouvéeAnna?Faut-ilqu’ilss’adressentàAnnanarratriceetdansquellemiseenplace?
Présentationdesrecherches
Ondemanderaauxélèvesd’êtreattentifs,nonpasàlaqualitédujeudeleurscamaradesmaisàlafaçondontilsvontrecevoirlascènedanslesdeuxcas.Unefois laprésentation faite,seuls lesacteursdupèreetde lamèreresterontdans l’espacede jeu(Annaenfantn’étantinscritedanscettescènenidansledialoguenidansunedidascaliequilaferaitexister,onlasupprimera)etunespectatriceinterpréteraAnnalanarratrice.Auxpremiersdechercheraucoursdujeuàadaptercequ’ilsavaientfait,àcettenouvelleformethéâtrale.Encasdedifficultélesspectateursproposerontleurssolutionsimmédiatementremisesenjeu.Après avoir repris les deux versions enchaînées, on comparera l’effet produit par ces deux formes théâtrales :la formedramatique,encréantl’illusionduréelparlaprésenceduquatrièmemur,portel’intérêtduspectateursurlaviedecettefamillequ’onpourraitpresqueplaindredesetrouverdanscettesituation,malgréeux;laformeépiqueenrompantle4emur,créeunedistanceaveccettescènedeviefamiliale,puisquec’estalorsAnnaquel’on«suit».Biensûrl’ironied’Anna s’y ajoute pour conduire le lecteur spectateur à critiquer, s’indigner, juger le père et la mère dans leurindifférence,leurlâcheté,leurcupiditémesquine.Seposerasansdoutelaquestiondutypedejeudesparentsvuscettefoisparl’œilcritiqued’Annaquinepeuventplusêtreplacésdansunesituationréaliste(voirDutexteàlareprésentation).
Unpeud’histoireduthéâtreLechoixdeladramaturgiedeLaPetiteDanubeseraéclairéparlerapprochementavecladramaturgieoriginelleduthéâtre,dans la Grèce antique : sa double forme (chœur / acteurs), son espace scénique, ses sujets historiques et politiques,attachés à sa volonté d’enseignement de la cité, au moment où naissait la démocratie. Ainsi on rattachera ce textecontemporainà l’histoiredu théâtreet l’on comprendra la justessedu choixdramaturgiquede Jean-PierreCannet : pourquestionnerlecomportementindividuelaucoursdelatragédieduXXèmequ’aétél’exterminationnazie(peut-onselaverlesmainsfaceàunebarbarieconnueà l’œuvre?), faired’Annalechœurportant lerécitetappelant l’assembléedes jeunesspectateursaujugementdesprotagonistes.
B.Lecturecursivedesautresséquences
a.Expressionnismeetsymbolisme
Onreviendraitsurl’expressionnismedansunpremiertempsparl’inventairedespassagesrestésenmémoire.
Onproposeraensuiteunelectureàvoixhautedepassagesexpressionnistes,extraitsdesrépliquesd’Anna,choisisparchacun:
Eneffet,lalanguepoétiquedeJean-PierreCannetdemandequ’onenéprouvelesensetlaforce,en«faisantchanterlalangue».Ainsi lesvisionsd’Annaenfantenseront-ellesrévélées.Ondemanderadepréparer la lectureavec lesoucideprojeterletextedele«pousserdevantsoi»,defaireentendrechaquemot,sanssesoucierd’uneinterprétation;ilnes’agitpasdejouermaisdedire.Pourcetexerciceàconduiredansl’espace,ons’inspireradeceuxproposésdanslesdeuxautrespartiesdececarnet.
Voiciquelquesextraitspourceuxquinetrouveraientpasdepassage:p.15(«Alamaison…»),p.20(«tellementsale…destrains,Arthur!»),p.29(«Effrayantlesmouettes…Aufondd’unpuits»),p.32(d’arbreenarbre…saisissante),p.33(«Sacage…sansvoirlejour»),(«ilavaitcettebouche…sesyeuxdelanuit»),(«Lejeunesoldat…illesauraitjetésdansleDanube»),p.41(«leciel…paupières»),p.42(«EtMonsieur…surleventre»),p.46(«C’étaitunboulevardbleu…Notremaison.»),p.48(1èrerépliqueàpartagerendeux),(«Maisils…plusqu’un»),p.47(«peuàpeu…poidsduciel?»).
Ceserait lemomentd’évoquerl’expressionnismeenart,notammentlapeintured’ÉdouardMunchLeCriquel’onpourrait,pensantauregardd’AnnalapetiteDanube,accompagnerdecetaphorismedeRenéChartirédeFeuilletsd’Hypnos,carnets
écritsdanslemaquis:«Lesyeuxseulssontencorecapablesdepousseruncri».On pourrait procéder demêmepour lamise en valeur des seules phrases contenant descomparaisons et pointer à cemoment-làlesautresnombreusesfiguresderhétorique(métaphore,personnification,alliancedemots,anaphore,…)
Travaild’écriture:Titrerchaqueséquencedetroismanièresdifférentes,paruntitreobjectif,deuxtitressubjectifsallantversl’expressionnisme(l’unreprenantuneexpressiondutexte,l’autreexprimantunjugementmoraldanslesmotsdel’élève).Puisonreviendraàuntravailàlatablepourpréciserquecetexpressionnismes’appuiesurdessymboliques:
l’imaginairecollectifsymboliquedecettepériodehistorique:lavoieferrée,lescheminéesdescamps,lepyjamarayédesdéportés,lesyeuxquimangeaientleurvisage,l’entassementdeschaussures,lesgantsetlacravache.«L’éternité»deladéportationplutôtqueledocumentaire.Imaginairesurlequell’illustrateurEdmondBaudoinajoué.lesymbolismedespaysages:lamaisondegarde-barrièreàlacroiséededeuxchemins,deuxvoies…Lavoieferrée:sanoirceur,safroideurmétallique,«chemin»duPèreparsaprofessionetdel’Interprètequand,ayantchangédecamp,ilytraînelejeunesoldataugalop.ÀleurproposcommentnepaspenseràcetautreaphorismedeRenéChar:«Ilexisteunesorted’hommetoujoursenavancesursesexcréments»(ibid.)Lavoiefluviale,LeDanube:doublesymboliquedufleuveetdel’eau(voirarticlesdansDictionnairedessymbolesdeJeanChevalieretAlainGheerbrant).lefleuvesacraliséetrassembleur:p.10«grandDanube»,grandcommeungrandpersonnage;«notrefleuveàtous»(tousdecetteEuropecentraledel’AllemagneauBosphore;tousdecevillage,doncRomsaussi…)«inlassabletémoindenosjoiesetdenostourments».LefleuvedelavieparlequelAnnaestnéeàlacommunautéhumainevillageoiseenceritueldesonnomcriépardessusleseaux«tumultueuses»célébréparlePope.l’eaupurificatricedubaptêmed’Annaquel’onretrouverap.21lorsqueAnnalaveraArthurdansseseaux.Àpartirdece«baptême»d’Arthur,celui-cinaîtàlavieparleDanube:«Ouiilyavaitquelqu’undanslavestedepyjamarayée…».AnnaetArthur,figuresdel’innocence,lespurs,appartiennentauDanube,commetouteslesvictimesdel’exterminationquivontréapparaître,àlafin,dansseseauxgelées.Les«bourreaux»,eux,sontdelavoieferrée.Lefilagedusymboleestclairdanslascènefinaleàl’expressionnismefantastiqued’unegrandeforceetd’unegrandebeauté:laséquence5s’ouvresurlabénédictiondufleuveparlePopequiabaptiséAnna:«Dèsquelefleuveestgeléc’estlemêmecérémonial.».Lefleuveestalorsassociéàlasymboliquedusang,eaudelavie,contrelespuissancesdemort.Lesmortsinnocentsdel’holocaustecontinuenteuxàvivresouslaglacedufleuve(letextereprendicilasymboliquedufleuvedesmorts,celledesmortsqui,fauted’avoirétéhonorés,sontcondamnésàerreréternellement,nepouvantpassersurl’autrerive:«lesmortsnousreviennent,ilsnesaventpasoùaller,alorsilsnousreviennent»;doublesensduverberevenir:ilsreviennentsouslesyeuxdelamère,ilsnousreviendrontàlamémoireindéfiniment).«L’eauhumaniselamort»(GastonBachelard,L’EauetlesRêves).AlorsleDanubeprotecteurdespurss’associeàeuxpourengloutirLePèreetlaMère:«Était-celaglacequicraquait,était-celepoidsduciel?».Doubleinterprétationpropreaugenrefantastiqueentrelenatureletlesurnaturel.Annaditd’ailleurs«j’aicruvoir»etnonj’aivu.(VoirplusloinMiseenjeudelaséquencefinale)l’eauquifaitnaîtreAnnaàlavoluptéfémininelorsqu’elleentredansleseaux,quinel’engloutissentpas,Arthuràlamain:«Malgrémonjeuneâge,lefleuveadûmereconnaître.Ilm’alaisséfairelorsquejemesuisglisséeenlui,desgenouxjusqu’auxcuisses.Quandj’airelevémajupeetqu’unefoliem’aprisecommel’illusiondedevenirunefemme,unemèrepeut-être?»Personnificationmagiquedufleuve.Aveclesplusvieux,onferaapprocherunelecturepsychanalytiquedecepassage.VoirL’Eauetlesrêves.Ceseralemomentd’interpréterlechoixdutitred’abordinsolite:LaPetiteDanube.lafiguresymboliqued’Arthurautourduquelvasefocaliserlecœurdelatramenarrativemaisaussi«lechoixd’Anna».(PointtraitéplusloindansMiseenvoix)
Onpourraitévoquerégalementlesymbolismedesactesquijouenteuxaussienopposition:AnnalaveArthur/LePèreastique son fusil ; Anna donne à Arthur la veste trouvée dans le jardin / Le Père récupère et vend les chaussures desdisparusdeschambresàgaz;LepèrefaitlesaluthitlérienArthursaluelesarbresetc.
b.Faceàlacompromissionmorale:exercerledurmétierd’Homme
Demanderdelistertouslesactesdecompromissiondupèreetdelamère,enmontrerlagradationetlesopposeràceuxd’Anna.Rechercher le lexique de la vilenie présent dans les jugements d’Anna, ajouter ceux quimanquent, liés à cettepériodehistoriqueetengénéral.Établir un parallèle avec ce qui aura été étudié en Histoire concernant l’attitude des Français vis-à-vis de l’occupantallemand:laRésistance,lacollaborationettouslesstadesintermédiaires,pournepasenresteraujugementtoujoursfacilehorscontexte(euxétaientdessalauds,nousaurionsétédeshéros).Pourmettrelesjeunesensituationderéagir,reprendrelascènep.23d’«Anna:Jemesouviensque»àlap.25,pourtrouveruncomportementdigneetmoraldanscemêmecontexterisqué.
soitparuntravailderéécrituredelascène,présentantuneattitudesanscollaborationnicompromission(enconservantlesrépliquesouphrasesquipourraientl’être);soit,sionalacapacitéoul’aided’unprofessionnel,organiseruntravaild’improvisationssuccessivesàlamanièreduThéâtreForumd’AugustoBoal,particulièrementadaptédanscecas.LalecturedecertainssketchesdeGrand-peuretMisèreduIIIèmeReichdeBertoltBrechtpourraitprolongercetravail,notammentlessketchesLaDélationetLeVieuxmilitant.
Autresapprochesenvisageables:donneràlireLesFeuilletsd’HypnosdeRenéCharparusenFolioPlusclassique(avecdeslycéensde1èrelittérairedansleurintégralité,avecdes3èmesdansunesélection.Expériencefaite,mêmedescollégiens,quinesaisissentpastouteslesfulgurances,sontsensiblesàcetteexigencemoraleetlaperçoivent).Cecipoursélectionnerlesaphorismesquipourraients’appliquerauxpersonnagesduPèredelaMèreetdel’Interprète(éventuellementàAnna).Serisqueràmesurertouslesstadesderéactionspossiblesouobservéesdansdessituationsd’actualiténationaleouinternationale,parcequeselonlarésistanteLucieAubrac:«Résisterseconjugueauprésent»?
C.Dutexteàlareprésentation
a.Laquestionposéeàlascénographie
Onsereporterautilementauxdeuxpremierschapitresde10rendez-vousencompagniedeYannisKokkos (scénographed’AntoineVitez)publiéparl’ANRATetActesSud–PapiersdanslacollectionLesAteliersdethéâtre.
Onprocéderacomme lescénographeet lemetteurenscènepar le relevéde tous lesmotsconcretsetexpressionsquiévoquentl’espace/lalumière/lacouleur/l’objet/l’actionconcrète(danscetexte-cionlimiteracetitemàAnna,auPère,àlaMèreetàl’Interprète).
Onconstatera,entreautres,lamultiplicitédeslieux,ladominanted’espacesextérieursetd’hiverdifférents,quitousvisentàcréeruneatmosphèreetunesymbolique,commedéjàobservé.Doncl’impossibilitédereprésentertousleslieuxquise«superposent»,lanécessitéinduiteaussiparlethéâtrerécitd’unespacevide.Dès lorsquelsespacesfigurer?Quellescénographieimaginerquisoituneimagesymboliquedetoutletexte(sesespaces,sonatmosphère,sonpropos,sonécritureetc.)?
Aprèsavoirfaitl’inventairedesmoyensàladispositionduscénographeetdumetteurenscène(onn’oublierapaslabande-sonmusiqueoulesbruitagesquipeuventsuggérerunpaysage,unesaison,desphénomènesatmosphériques), etavoir fourniun lexiquede l’espacescénique (jardin, cour, avant scène, lointain, cintres, etc.Voir TDCn°780 L’Espace
théâtral)onpourraitdemanderd’imaginer,pargroupesouindividuellement,unescénographieetdelarestituersousformed’esquisse(vulepeude«décor»,celarisqued’êtrepeuexplicite,àmoinsdetravailleravecleprofesseurd’artsplastiques)oudetexte(occasiondetravaillersuruntypededescriptiondocumentaireetd’intégrerlelexiqueduthéâtre).
Auretour,leséchangessurcespropositionsserontlemoyendemesureretd’exercerl’espritdesynthèse.
b.Laquestionposéeaujeuetàlamiseenscène
LechapitreLerécitenpremièreligneadéjàmisenévidencelefaitquelesdialoguesn’avaientpaslemêmestatutquedansla forme dramatique, classique, du théâtre. Aller plus avant dans leur observation permettra de comprendre que celademandeauxcomédiensuntypedejeuparticulierquel’expressionnismevientrenforcer.Onobserveralesapparitionsdupassédanslerécitetsasituationounondansunespaceprécis.Laplussimple:courtesoutrèscourtesscènesdétachées(exemplep.10etsuivantes;p.37-39:juxtapositioncomplexed’espacestempsdifférents).D’oùl’impossibilitédelesjouervraiment,dejouerleschangementsd’espaces.Leplussouventellesnesontpasintroduites,s’enchaînentaveclerécitdansunesortedefonduenchaîné,soitqu’ellesillustrent,soitqu’ellessurgissent avant d’être commentées. Cela exige des comédiens, interprètes des personnages convoqués par Anna, uneprésenceimmédiatefortequinepeuts’appuyersurundécor,desaccessoires,unesituation.Ilsdoiventsepenserunpeucommelesmarionnettesd’Annaetexprimercettevisiond’enfance«expressionniste»parunjeuuntonau-dessusmaispascaricatural (voirMise en jeu de la séquence finale). À partir de là, on demandera aux élèves sur quels éléments lescomédiens vont plutôt travailler dans leur palette de jeu : l’intériorité, le corps, la voix, l’incarnation, la distanciation, lesgestesoulagestuelleonentendicipargestuelle,legestequiapparaîtracommelesignedupersonnageparoppositionauxgestesréalistesquotidiens.(Voirlanotionpluscomplexede«gestus»chezBrecht).
Lamiseenscèneseraconfrontéeaussiàlaquestiondel’entréeetsortiedespersonnagespourchaquescèneflashoudelaprésencecontinuedescomédiens/personnages,quiiraitelleaussidanslesensduthéâtreépique.(VoirlaprésentationquienestfaiteparAndréDegainep.345-347danssonHistoireduthéâtredessinée)Parolesdanslerécitcommedescitationsintroduitesavecounonpardesverbesintroducteursp.11(Iladit:«Cen’estpasduvolquedevolerlesvoleurs»)quisansdouteinduiraituneimitationdelavoixdupersonnagecité.Parolesglisséessansguillemetsp.32(«Jenesuisencorequ’uneenfant,tuestropgrand»,«Voussouvenez-vousdeceprisonnierquis’estenfui?»),parolesintérieuresdusoliloque(ouduremémoré?)p.31(«Maintenant,répondsàlaquestiondeMonsieurl’Interprète»):àadresseràsoi-même.Onremarqueraquemêmerécit,lethéâtren’aimepaslediscoursindirectdont,sauferreur,onnetrouvepasd’exemple:authéâtre,lesparoles,mêmerapportéessont«présentes»etappellentunepartdejeu.
ÉcritureToutecettepartiepourraitévidemment,partirdeoudonnerlieuàdesexercicesderéinvestissementdel’étudedesdiscoursparlatranspositiond’unpassageenécritureromanesque.
Lecasd’Anna:1ou2comédiennes?Essaidesdeuxsolutionsparunemiseenespace,livreàlamain,dupassagep.21(de«Deretouràlamaison»àp.23«j’yvais»)etdelap.32.
Solution1avec2Anna:1èrerépliqueseraitjouéeparl’Annaenfantpendantlanarration?(maislethéâtren’aimeguèrelaredondance;etquidiraitlafinaudiscoursindirectlibreAnnaenfant?Annaadulte?).Ledialoguequisuitseraitjouédemanièreréalisteetdanscettelogiquelesélèvesmettrontunetable(mais,ladernièrerépliqued’Annap.22oùJean-PierreCannetmêlelesdeuxAnna,sansmêmeunpassageàlaligne,poseraquestion)Solution2avec1Anna,sansdouteplusdifficileàimaginerpourlesélèvesdoncàguider:lanarratricefigureraitAnna
enfantenpassantdelapositiondeboutàlapositionassise,nejouantpastoutcequiestécrit,enendonnantplutôtl’idée.Onprendraconscienceque,danscettesolution2,laprésencedelatableetdesparentsattabléss’accordemalàl’ensemble.Ilfaudraitalorsdéterminerlaplacedupèreetdelamèredansl’espacevidedéfiniplushaut.
Ilyafortàparierquelesélèves(etadultespeuhabituésdesthéâtres)préfèrentlasolution1:«C’estplusvivant»!Peut-être,saufque…Jean-PierreCannetn’indiquequ’uneAnnalanarratricedansla listedespersonnages.Ilnedonnepasdeprécisiond’Annaenfantoud’Annanarratrice.Et toute l’analysequiaété faitedu textevaplutôtdans lesensd’uneseuleAnna.Onrappelleraaussiauxélèvesquel’essentielestl’adressed’Annaaupublic.
Onchercherasurquoilacomédiennejouerasurtoutpourexprimerlesdeuxpartsd’Anna.
Onobserveraparailleursquecertainspersonnagessontdésignéscommevoix,voixduRom,voixd’Arthur,cequiinduituneprésence/absencesonore,unéloignementduréalisme,encoreconfirmélà.Surcettequestiondel’interprétationd’Anna,d’autreschoixsontsansdoutepossibles,pourpeuqu’ilsévitentlaredondanceetleréalisme,encontradictionaveclaformechoisieparJean-PierreCannet.OnrenverraautextedeJean-ClaudeGal,metteurenscènequiacréélapièce,àlafindulivre:ondemanderaauxélèvesdesélectionnerlesphrasesquicorrespondentauchoixdesamiseenscène.Oncommenteralesphotosquientémoignent(voirlesphotosdelamiseenscènedeLaPetiteDanubeparJean-ClaudeGalsurlesiteInternetduThéâtreduPélican).
EnguisedeconclusionOnpourraitentoutefindetravail,selivreràuneanalysedelacouverturedulivre.Pourmieuxenmesurerl’expressivité,ilseraitbondelacompareràd‘autresdelamêmecollectiondontlalignegraphiqueestunevariationsurleballon.
Écrituredesynthèse
EnlycéeTexteargumentatif:
Aprèslectureetétuded’uneoudeux«notesd’intention»demetteursenscène,figurantdanslesdossiersdeprésentationdesspectaclesoulesprogrammesdethéâtre,écritured’unenoted’intentionpourLaPetiteDanube.Textedefictionàlamanièrede:Un jeunehommeouune jeune filleestcontemporaind’un faitd’actualiténationaleou internationalequiporteatteinteauxdroitsdel’homme…
EncollègeÀlamanièrede…:
réécritured’unextraitd’autobiographieàlatonalitéassezneutreenscènedethéâtrerécitexpressionniste.écritured’unescènedethéâtrerécitautobiographiqueàlatonalitépoétiqueouexpressionnisteévoquantunmomentd’enfancequialaissédestraceslumineusesousombres.
B.Miseenvoixdelaséquence3A.ArthuretAnna:lavibrationdelavie,coûtequecoûteB.PremièresrecherchespargroupesC.MiseenconditionvocaleD.Miseenvoixpourunelecturepublique
C.MiseenjeudelaséquencefinaleA.FigurationduDanube«boulevardbleu,toutdeglacebleue»B.Figurationchoraledesmortsdontla«lenteprocessionsemblaitsansfin»C.AnnaetAnna?LePèreetLaMère!D.Exercicespréparatoires:marche,chœur,sensationsetgrossissement
E.Miseenjeu:unthéâtred’acteursouunthéâtred’ombresD.L’environnementartistiquedeJean-PierreCannetetLaPetiteDanube
A.QuestionnaireproustiendeJean-PierreCannetB.CréationdeLaPetiteDanube
E.AnnexesA.Plandeséquenceenclassede3èmeB.Bibliographie
A.Chemineràl’intérieurdutexte«Écrireuneviolence,maispourlapaixquiasaveurd’eaupure.»YvesBonnefoy
Cettecitationenexergueplaced’embléeletextesouslesignedelapoésie(cequiseretrouved’ailleursenouverturedetouslestextesdeJean-PierreCannetdestinésauthéâtre)unepoésieàlatonalitécontrastée:laréalitécruedela«violence»maispourlaquêtede«lapaix»s’exprimant,nefaisantqu’une,avecunepoésiedel’innocence:«quiasaveurd’eaupure».Quandon aura lu le texte, découvert l’importance du symbolisme attaché au Danube, on comprendra par ailleurs le caractèreprophétiquedecesmotssurl’eauetletitreétrangeLaPetiteDanube.
Pourladramaturgie,Jean-PierreCannetchoisitlaformeduthéâtre–récit,consubstantielleàl’enjeudutexte:nonpasrendrecomptede l’horreurde l’holocaustemaisdénoncer la responsabilitémorale individuelledanscettehorreur.C’estdoncAnna,jeuneadulteaccusatrice,quivaorienterleregardduspectateursurlecomportementdesesparentsàtraverssonrécit,hantéparlessouvenirsdelapetiteAnnaqu’ellefut,visionnairedanssoninnocenceclairvoyante.Annaquiracontefaitlelienets’interposeentre le spectateur et la réalité, créant un effet de distanciation critique (voirépicisation, concept mis en valeur par MarieBernanoce),d’autantplusefficacequelescourtesscènesqu’ellesconvoquentsontdessouvenirsporteursde«ladémesuredel’enfance,danssonévocationfantasqueetsonexpressionnisme».Unexpressionnismeprosaïquetiréverslegrotesquepourlesdiscoursrapportésdesparents,unexpressionnismepoétique,fantastiquepourlesvisionsd’Annaenfant.
A.Étudeanalytiqueduparatexted’ouvertureetdelaséquence1
a.Untempsetunespaceindéfinis,poétiques
Onchoisiralavoixportéedel’enseignant(ouanimateuroumetteurenscène),installantunesolennitésansaffectation,pourliredeboutlapagedecouverture,lacitationenexergueetlapage8puisledébutdelapage9avantlaprisedeparoled’Anna.Après avoir sollicité l’imaginaire et émis les premières hypothèses quant au sujet du texte, on consacrera un temps aucommentairedelacitationd’YvesBonnefoyetdestroisdidascaliesd’entrée.
Lapremièredidascalie,fictionnelle,dessineunlieuimprécisavanttoutpoétique.Pasdementiondepaysoudeville;seulemention précise « les Carpates » encore cettemention géographique est-elle, pour le lecteur adulte, surtout porteuse d’unemythologiehistorico-littérairevague;quantaujeunelecteur,cettementionluiapparaîtrainconnueetmystérieuse,voirebizarredanssasonorité.Mêmeimprécisionpourl’époque.Ilestquestiondeguerremaislaquelle?Seulelamentiondelachemisede
déportédans la listedespersonnagesorientevers lasecondeguerremondiale. Ici le tempsaussiest indéfini«uneéternitéd’enfanceetdeguerre».
Ladeuxièmedidascalie,fonctionnelle,scénique,quisuitlalistedespersonnagesconfirmel’enfancecommeélémentcapitaldu texte et la volonté de l’auteur que lamise en scène et le jeu se dégagent du réalisme au profit de l’imaginaire et dugrossissement,exprimésavec insistancepar troismots :«démesure, fantasque,expressionnisme».Cederniermériteraunpremieréclairage.Onremarqueraquecettedidascaliepourlascènepeutaussiêtreunmodedelecture.LatroisièmequiouvreletexteconfirmequeJean-PierreCannetchercheessentiellementàcréeruneatmosphèreetàlefaireenpoète,aveclaforceévocatricedelamétaphore«Paruntempsderouille»etseshalosdesens:tempsatmosphériquepluvieux,malsain,époquededélabrementphysiqueetmoral ;avecseséchos: larouillemétalliqueseprolongeantdanslavoieferréeattachée à l’imaginaire des trains. Et à nouveau le contraste entre dureté et douceur, rencontré précédemment dans le versd’Yves Bonnefoy, entre le bruit métallique du passage des trains et la voix unique du violon. Didascalie ici fictionnelle etfonctionnelleàlafois.Onenconcluraquel’enjeupourl’auteurnesemblepasêtrelapeintureréalistedelaguerre1939-1945maissonévocationàtraverslavisionforte,«expressionniste»qu’enagardéuneenfant.
Écriture–réécriturededidascaliesFournirauxélèvesquelquesdidascaliesdelieuet/oudetempsréalistes,tiréesdepiècesclassiques;leurdemanderdelesrécrire,àlamanièredeJean-PierreCannet,pourcréeruneatmosphère.Travailàmenerencours:1.Choisirunlieuquel’onconnaît,ledécrireauprésent,danslesmoindresdétails,sanslaisserlamoindrechose,pendant10mn.Accompagnerl’écritureendemandantquelamainnes’arrêtejamaisetqu’onnelèvepaslenezdelafeuille,pousseràallerjusqu’auboutdutempsimparti.2.Lecturesparchaqueauteurdecinqousixdescriptions.Aprèschacune,sélectionneraveclaclasse,laoulesdeuxphrasesquiàelleseuledonneraitdemanièreforteetthéâtralel’imagedulieu.Demanderauxélèvesquin’ontpasétéentendusdefairelamêmechosesurleurtexte.3.Lectureduflorilègededidascalies.(Exercicelibrementempruntéàl’écrivainSylvainLevey)
PremièreséquenceOns’engageraalorsdansladécouvertedutexte.Lechoixdelaméthodedelecturepouruntextethéâtral,n’estpasanodinetdépenddeladramaturgie,del’écritureetdelalanguedel’auteur,qu’ils’agitdefairepercevoir,avantmêmequ’ellesn’aientétéidentifiéesetnommées.DanslecasdecettepremièreséquencedeLaPetiteDanube,ilsembleraitjudicieuxdepasserparuneoralisation.
L’adulteliralesrépliquesd’AnnapourdonnerleLa,«fairechanterlalangue»(illiraégalement:1,lalistedespersonnagesetladidascalie)Lesjeuneslirontles24répliquesduPère,delaMèreetdesvoix.Parcequ’ilsyserontplusàl’aisemaissurtoutparceque,dansleurbouche,lelangagetrivialetlarusticitédupèreleursauterontdavantageauxyeux.
Pourcettepremièrelecture,onnesesoucierapasdurespectdespersonnageshomme-femme:onannonceralenomàchaqueréplique.L’idéalseraitquelegroupe,ycomprisl’adulte,formeuncercle(àdéfautmaisàregret…destablespousséessurlecôté, lecerclepourraêtre forméautour)etquehormispourAnna, laparolepassede l’unà l’autre,àchaquechangementderéplique.Si l’on ne pouvait procéder ainsi, alors sans doute serait-il préférable que le professeur assume seul toute cette premièredécouverte(lalectureàlatabledeclasse,risqueraitd’êtresous-investieetd’«aplatir»letexte.)Pourlesconsignesdelecturevoiroralisation.Onn’hésiterapasàreprendrecettelecturepour,unefoiseffacéelatimidité,obteniruneplusgrandeprésencedutexte.
b.«Uneéternitéd’enfanceetdeguerre»
Aprèsavoirsuscité les réactionsspontanéessur lesujetou lespersonnagesou l’écriture,onpourraitdemanderquechacunénonceunephraseouuneexpressionquiluiplaît,l’afrappéouresteénigmatique.Enconstituerunesortedeflorilègeseraituneincitation, formulée ou non, à porter attention à l’écriture particulière de Jean-Pierre Cannet, dans la lecture personnelle quisuivra.
OnpourraentrerplusavantdanscettepremièreséquencedeLaPetiteDanubeparsaparentéavecletexteautobiographique.
Ledébut,classiquedugenre,présentelanaissanceetlafamille,l’évocationd’uneenfanceentre«joies»et«tourments»:unenaissancedansunefamillepauvreetrustre,quevientéclairerlajoieexubérantedubaptême,bienvitecasséeparl’intempestifetbrutal«Maintenant,déguerpissez!»dupère,et le«C’estfinicetemps-là»assortidemenaces(1èreoccasiondeporterunjugementsur lepère jusque-làsimplementrustre, trivialetquipourrait,sans les jugementsd’Anna,passerpourunrigolard ;maintenantilapparaîtdanssafacelaplusnoire,profiteuretraciste).Etc’estjustementparlachassedesRomsquesefaitlepassage imperceptible del’enjeu apparent, le récit de son enfance à l’enjeu véritable, le témoignage d’Anna sur ladéportation,lasolutionfinaleetsurtoutlaquestiondelaresponsabilitémorale:actesymboliquelourd,LePèrejettelesRomssurlavoieferréequiamèneralesconvoisdedéportés:«Ilsmarchaiententrelesrails,ont-ilsentenduvenirlepremiertrain?».C’estaussicesortdesRomsquiopposedemanièrefondatrice,pourla1èrefois,lecomportementodieuxdupère«oujevousdénonceàmonfusil»aupointdevued’Anna«jeleurdoislapremièremusiquedemavie»(fusil/musiquefontéchoàrouille,trains/violondeladidascalied’entréedescène).Annaadulte–etl’auteuravecelle-sedémarquedesonpère,autantqu’elleestmarquée,dèssanaissanceparcebaptêmequ’onn’apupourtantqueluiraconter.Letextebasculealorsdanscequienestsonréelenjeu,parlaquestionrhétorique«Était-ceunjourpournaître?Quandlesviolonssetaisent…».
Onrelèveralelexiqued’abordallusifpuisprogressivementclairquiconduitànommerlesfaitsàlafindelascène:alorslemot«crime»et lemot«guerre»sontprononcés, l’unet l’autreaccompagnésdedeux imagespoétiques très fortes (encorecemélangededureté franche,directe,etdepoésie) :«Et lesoiseauxdeprintemps,euxaussipicoraientdans lecrime»,« laguerre nous crachait son âcre fumée que le vent nous ramenait en pleine face ». Comment y échapper pour Anna enfant,commentrefuserdevoiretsavoirpourLePèreetLaMère?Émouvanteetterribleconfidenced’Anna:«Ventreàventre,nouspartagionslemêmeboutdeterreetuncielanimal»,lepèreetlamèreauraientsansdoutedit«ondevaitlessupportersurnosterres,avecleurodeur»
Aumomentoùs’écritcecarnetd’accompagnementdeLaPetiteDanube,lesRomsreviennentbienmalgréeuxsurledevantdelascène.Sansvouloircréerd’amalgameexcessifaveccequ’ilestadvenud’euxdanslescamps,onnepeutqueconstaterlaterriblerésonancedecettepremièreséquence,aujourd’hui.Pourra-t-on,étudiantLaPetiteDanube,sedispenserd’uneréflexionsurlaresponsabilitéindividuelle,icietmaintenant(assortieounond’unerecherchedocumentairesurcepeuple)?Pournourrircetravail,voirparmibeaucoupd’autresarticlesparusenaoût2010,ledossierdeTéléraman°3163–28aoûtau3septembre–d’unelectureaisée.
Pointd’étape:
LaPetiteDanuben’estdoncpaslerécitpersonneld’uneenfance.C’estletémoignaged’uneenfantqui,confrontéeàladéportation,s’estplacéeinstinctivementducôtédesplusfaiblesetqui,devenueadulte,s’indigne,donneàvoirl’odieusecompromissiondesesparents.Telestl’enjeupourAnna.L’enjeupourl’auteurestdetrouverlaformelaplusappropriéepourqueletémoignaged’Annaéveillelesregardsetlesconsciences.
c.Uneécritureetunedramaturgieaccusatrices
«Laluciditéestlablessurelaplusrapprochéedusoleil»
RenéChar
Entrepoésieettrivialité,unevisionimagée,expressionnisteLecommentairede ladernière répliqueamèneraàmesurer combien l’écritureparticipeà l’expressionde l’enjeu : dénoncerbarbarieetcomplicitéavec…Ellecommencepar«sousmesyeuxd’enfant»quirenvoieàladidascaliep.8eteneffet,ontrouveraaisémentlesélémentsde«démesure»de«fantasque»d’«expressionnisme»quis’exprimentenmétaphores,personnifications,alliancedemots,toutcelacréantdessortesdevisions.Lamère,elle,nomme.Annaévoque,donneàvoir la violencedeschoses tellequ’elle l’aressentie,enfant:«desconvoisdenuagesbas»«uncielanimal»,«laguerrenouscrachaitsonâcrefumée».Onpourraalorsrevenirà ladescriptionp.9,pourdéceler lesprémissesdecesvisions fantastiquesetvoirconfirmer la forteprésencedesmétaphoresetcomparaisons.Ce style s’oppose au registre du père qui se révèle au lecteur d’abord par sa langue : « tu te fais unmouron de génisse »«maintenantquetuesgrosse».Ceregistrecontrasteàl’évidenceaveclalangued’Annaetparticipeàladénonciationdupère.Maisceseraitsimplifierquederéduirel’unaufamiliergrossier,l’autreaupoétiquejoli…Lepèreluiaussialesensdelaformuleimagée,quel’onconnaîtdanslavervepopulaire:«jevousdénonceàmonfusil»,«tuferaismieuxderangertesyeuxaufonddetontablier»EtAnnan’apaspeurdesformulationscrues«ventreàventre»,«laguerrenouscrachait»«desboutsderouillepourempalerleciel»«Ellenimeilleureniplusatteintequ’unepommeblette».Belleoccasionderedirequelapoésien’estpasquedanslebeau.Onamènera lesélèvesàconclurequepar l’expressionnismedesonécritureJean-PierreCannetexprimelavisiond’uneenfantmaisdanslemêmetemps,«accuse»letraitpourlelecteuretlespectateur.Endonnantdeuxtonalitésdifférentesàcetexpressionnisme,grotesquepourlePère,poétiqueetfantastiquepourAnna,ilmarqueleuropposition.DansLaPetiteDanube,l’enfancen’estpasdoncpaslàessentiellementpourfavoriserl’identificationdujeunespectateur.Elleestl’intermédiairequinousouvreà l’horreurdecettebarbarieetdecescompromissions.Sous laplumedeJean-PierreCannet,Anna enfant tient du « poète voyant » : Anna voit, comme les femmes déportées, dans le poème de René-Guy CadouRavensbruck:«…EllesvoientLebourreauquiveille/Apeursoudaindecesregards…».
Avecleslycéens,onpourraitàcepropos,conformémentà l’orientationdesprogrammes(relier lescourants littérairesà leurépoque)aborder laquestionposéeà la littératuredesannées50 :peut-oncontinueràécrireaprèsl’holocauste?Peut-onécrirel’holocauste?Comment?Quienaledroit?Etles«réponses»:Beckett, l’absurdeetc.Au-delàvoir : la formechoisieparAlainResnaispour lefilmNuitetbrouillard ; lapeinture,notammentLesOtagesdeFautrier,bienqueceux-lànefassentpasréférenceauxdéportésexterminésmaisauxotagesexécutéssurlesolfrançais.
LerécitenpremièreligneLadramaturgieduthéâtrerécitchoisieparJean-PierreCannetestenelle-mêmelaformed’unthéâtrequivisel’enseignement(Théâtregrec)oul’éveildel’espritcritique(ThéâtreépiquedeBrecht).Enrompantle4emur,onbrisel’illusion,l’emprisedu«drame»eton«réveille»lespectateur;on«rétablit»l’acteurderrièrelepersonnageetoninstalleunrapportdirectscène/sallequipermetlecommentaire.C’estceteffetqu’ils’agitdefairepercevoirauxélèves,paruneétudelittéraireet/ouparunemiseenjeu.
ÉtudelittéraireComparerlalongueurdesrépliquesdespersonnagesdansl’ensembledutexte.Ladominationd’Annanarratriceenvolumesedoubled’unedominationvis-à-visduspectateur:
visualiseràl’aidedeflèchessurunplandescènequiparleàqui.introduirelanotiond’adresse:l’adresseaupublicd’Anna,l’adresseàl’autrepersonnagepourlesdialoguesPère/Mèreaprèslerelevédesprésentsd’énonciationdanslabouched’Anna,reliercettedramaturgieaufonctionnementdutexteautobiographique:leretourauprésentdel’écriture,rapprochel’autobiographedesonlecteur,c’estunevoixquiluiparle,leprendàtémoin,plusqu’unehistoirequ’illit.Authéâtre,ceprésentd’énonciationestun«sur-présent»puisquel’échange,entrelacomédiennequiinterprèteAnnaetlespectateursefaitlàendirectdansleprésentdela
représentation.Lerécitd’Annadansleprésentdelareprésentationestaupremierplanetlesdialoguespassésmisàdistance.Onl’imagined’ailleurs,souvent,àl’avant–scène,prochedupublic,intermédiaireentrelespectateuretlesscènesjouées,et«metteurenscène»decesmomentsdesouvenirs.Ànoterlaforcethéâtraledu«c’estici»quiouvrelareprésentation,pourétablirlecontactaveclespectateuretl’icietmaintenantdelareprésentation,parrapportauprobable«Jesuisnéedanslaouunemaison…»del’autobiographie.Pourallerplusloin,ons’interrogerasurlestatutdecesdialoguesparrapportauxdialoguesdescènesclassiques:danscetteséquence(ceseramoinsvraiparlasuite),ilsn’installentpasunesituation,ilsnedéroulentpasuneaction;ilsapparaissentplutôtcommedesparolesisolées,condensantunesituation,représentativesd’uncaractère,d’unévénement.CommesiAnna,àlamanièredugéologueavaittiréunecarotted’unterrainouuncinéaste,choisiunangledevueouungrosplan,quiàluiseulrendraitcomptedetoutlereste.Danscecasledialogueillustrelerécit;ailleurs,lerécitinterromptledialoguepourlecommenter.
Dansl’autobiographie,soitlesouvenirestintroduitouconvoqué(dansLesConfessions,Jean-JacquesRousseaus’emploieànousconvaincredesoninnocence)soit ilsurgitàlamémoire(commeNathalieSarrautedansEnfance).Qu’enest-il dansLaPetiteDanube?Lesdeuxexistentetsansdouteserait-ilplusrichequelacomédiennejouesurlesdeuxenmêmetemps,mêmesidomineplutôt,lesouvenirillustrant.Cecietlescommentairesironiquesvontdanslesensd’unrécitquipointe,donneàvoir,pouréveiller.
LadramaturgieainsimiseenplaceparJean-PierreCannetàtraverslepersonnaged’Annaadultenarratriceconcentreleregardduspectateuretéveillesonespritcritique;l’expressionnismedesonécriture«accuse»letrait.Expérimentationparlamiseenjeu,endeuxversionsdifférentes,dupassagep.12,àpartirde«Lamère:Nevapasabîmertonenfance»jusqu’àp.14«nenousdisaitpasgrand-chose»
EnthéâtredramatiqueaveclesseulesrépliquesdupèreetdelamèrePetit tempsd’écriturepréalable :demanderauxélèvesd’intégrer,dans les répliquesdupère, les informationsdonnéesdanscellesd’Annaetsupprimercellesp.13.Relireledialogueainsiréécritettrouverunesituationdanslaquellecedialoguepourraitavoirlieu(ex:Àl’extérieur,lepèreetlamèreramassentdespommesdeterre;àtableetc.)Chargertroisouquatrejeunesdepréparerunepropositiondemiseenjeu(aumoinstroisparcequ’ilss’apercevrontaucoursdelarecherchequelaprésenced’uneAnnaenfantmuetteestindispensable).Àcestadeilstravaillerontbiensûrlivreàlamain.
EnthéâtreépiquePendantlapréparationdu1ergroupe,relirelepassageàvoixhauteenintégrantles10lignesd’Annaquiprécèdent(«Denotremaisondegarde-barrière…»)S’interroger sur la 2emanière de représenter cette scène, celle choisie par Jean-PierreCannet : placements dans l’espaced’Annaparrapportauxparents.Seposerlaquestiondel’adressedes2premièresrépliquesdesparentsàAnnaenfantalorsqu’immédiatementaprèsc’estAnnaadulte narratrice qui commente. Faut-il, sur scène, 2 Anna ou 1 seule, la narratrice ? Faut-il alors que le père et la mères’adressentàunpointvidedansl’espaceoùseseraittrouvéeAnna?Faut-ilqu’ilss’adressentàAnnanarratriceetdansquellemiseenplace?
PrésentationdesrecherchesOndemanderaauxélèvesd’êtreattentifs,nonpasàlaqualitédujeudeleurscamaradesmaisàlafaçondontilsvontrecevoirlascènedanslesdeuxcas.Unefoislaprésentationfaite,seulslesacteursdupèreetdelamèreresterontdansl’espacedejeu(Annaenfantn’étantinscritedanscettescènenidansledialoguenidansunedidascaliequilaferaitexister,onlasupprimera)etunespectatriceinterpréteraAnnalanarratrice.Auxpremiersdechercheraucoursdujeuàadaptercequ’ilsavaientfait,àcettenouvelleformethéâtrale.Encasdedifficultélesspectateursproposerontleurssolutionsimmédiatementremisesenjeu.Après avoir repris les deux versions enchaînées, on comparera l’effet produit par ces deux formes théâtrales :la forme
dramatique,encréantl’illusionduréelparlaprésenceduquatrièmemur,portel’intérêtduspectateursurlaviedecettefamillequ’onpourraitpresqueplaindredesetrouverdanscettesituation,malgréeux;laformeépiqueenrompantle4emur,créeunedistanceaveccettescènedeviefamiliale,puisquec’estalorsAnnaquel’on«suit».Biensûrl’ironied’Annas’yajoute pour conduire le lecteur spectateur à critiquer, s’indigner, juger le père et lamère dans leur indifférence, leurlâcheté,leurcupiditémesquine.Seposerasansdoute laquestiondu typede jeudesparentsvuscette foispar l’œilcritiqued’Annaquinepeuventplusêtreplacésdansunesituationréaliste(voirDutexteàlareprésentation).
Unpeud’histoireduthéâtreLechoixdeladramaturgiedeLaPetiteDanubeseraéclairéparlerapprochementavecladramaturgieoriginelleduthéâtre,danslaGrèceantique:sadoubleforme(chœur/acteurs),sonespacescénique,sessujetshistoriquesetpolitiques,attachésàsavolontéd’enseignementdelacité,aumomentoùnaissaitladémocratie.Ainsionrattacheracetextecontemporainàl’histoireduthéâtre et l’on comprendra la justesse du choix dramaturgique de Jean-Pierre Cannet : pour questionner le comportementindividuel au cours de la tragédie duXXèmequ’a été l’extermination nazie (peut-on se laver lesmains face à une barbarieconnueà l’œuvre?), faired’Anna lechœurportant le récit etappelant l’assembléedes jeunesspectateursau jugementdesprotagonistes.
B.LecturecursivedesautresséquencesOnconfiera la lecturede toute lasuiteauxélèves,encoursouà lamaison,en leurdemandantde le faireenuneseule fois,silencieusementouàvoixhauteicioulà.Suiteauxdécouvertesprécédentes,onfixeraaveceuxquelquesaxesdelecturepermettantdeconfirmer,infirmer,précisercequiaétépointé.
AprèslalectureSuruntextecommecelui-ci,quiposelaquestiondelaresponsabilitéindividuelleetopposel’intransigeanced’unejeuneadulteauxagissementsd’individusindifférents(prêtsàtousleslaisser-faireetàtouteslescompromissions)nepaslaisserlibrecoursd’abordàlaparolespontanéedesadolescentsseraitsansdoute«trahir»l’auteur.Serisqueràorganiserl’étudeglobaledespointsci-dessousàpartirdecetteexpressionspontanéeseraitplusjuste.
a.Expressionnismeetsymbolisme
Onreviendraitsurl’expressionnismedansunpremiertempsparl’inventairedespassagesrestésenmémoire.
On proposera ensuite unelecture à voix haute de passages expressionnistes, extraits des répliques d’Anna, choisis parchacun:
En effet, lalanguepoétiquedeJean-PierreCannet demande qu’on en éprouve le sens et la force, en « faisant chanter lalangue».Ainsilesvisionsd’Annaenfantenseront-ellesrévélées.Ondemanderadepréparerlalectureaveclesoucideprojeterletextedele«pousserdevantsoi»,defaireentendrechaquemot,sanssesoucierd’uneinterprétation;ilnes’agitpasdejouermaisdedire.Pourcetexerciceàconduiredansl’espace,ons’inspireradeceuxproposésdanslesdeuxautrespartiesdececarnet.
Voiciquelquesextraitspourceuxquinetrouveraientpasdepassage:p.15(«Alamaison…»),p.20(«tellementsale…destrains,Arthur !»),p.29 («Effrayant lesmouettes…Au fondd’unpuits»),p.32 (d’arbreenarbre…saisissante),p.33 («Sacage…sans voir le jour »), (« il avait cette bouche…ses yeuxde la nuit »), (« Le jeune soldat… il lesaurait jetésdans le
Danube»),p.41(« leciel…paupières»),p.42(«EtMonsieur…sur leventre»),p.46(«C’étaitunboulevardbleu…Notremaison.»),p.48(1èrerépliqueàpartagerendeux),(«Maisils…plusqu’un»),p.47(«peuàpeu…poidsduciel?»).
Ce serait le moment d’évoquer l’expressionnisme en art, notamment la peinture d’Édouard MunchLe Cri que l’on pourrait,pensantau regardd’Anna lapetiteDanube,accompagnerdecetaphorismedeRenéChar tirédeFeuilletsd’Hypnos,carnetsécritsdanslemaquis:«Lesyeuxseulssontencorecapablesdepousseruncri».Onpourraitprocéderdemêmepourlamiseenvaleurdesseulesphrasescontenantdescomparaisonsetpointeràcemoment-làlesautresnombreusesfiguresderhétorique(métaphore,personnification,alliancedemots,anaphore,…)
Travaild’écriture:Titrerchaqueséquencedetroismanièresdifférentes,paruntitreobjectif,deuxtitressubjectifsallantvers l’expressionnisme(l’unreprenantuneexpressiondutexte,l’autreexprimantunjugementmoraldanslesmotsdel’élève).Puisonreviendraàuntravailàlatablepourpréciserquecetexpressionnismes’appuiesurdessymboliques:
l’imaginairecollectifsymboliquedecettepériodehistorique:lavoieferrée,lescheminéesdescamps,lepyjamarayédesdéportés,lesyeuxquimangeaientleurvisage,l’entassementdeschaussures,lesgantsetlacravache.«L’éternité»deladéportationplutôtqueledocumentaire.Imaginairesurlequell’illustrateurEdmondBaudoinajoué.
lesymbolismedespaysages:lamaisondegarde-barrièreàlacroiséededeuxchemins,deuxvoies…Lavoieferrée:sanoirceur,safroideurmétallique,«chemin»duPèreparsaprofessionetdel’Interprètequand,ayantchangédecamp,ilytraînelejeunesoldataugalop.ÀleurproposcommentnepaspenseràcetautreaphorismedeRenéChar:«Ilexisteunesorted’hommetoujoursenavancesursesexcréments»(ibid.)Lavoiefluviale,LeDanube:doublesymboliquedufleuveetdel’eau(voirarticlesdansDictionnairedessymbolesdeJeanChevalieretAlainGheerbrant).
lefleuvesacraliséetrassembleur:p.10«grandDanube»,grandcommeungrandpersonnage;«notrefleuveàtous»(tousdecetteEuropecentraledel’AllemagneauBosphore;tousdecevillage,doncRomsaussi…)«inlassabletémoindenosjoiesetdenostourments».LefleuvedelavieparlequelAnnaestnéeàlacommunautéhumainevillageoiseenceritueldesonnomcriépardessusleseaux«tumultueuses»célébréparlePope.
l’eaupurificatricedubaptêmed’Annaquel’onretrouverap.21lorsqueAnnalaveraArthurdansseseaux.Àpartirdece«baptême»d’Arthur,celui-cinaîtàlavieparleDanube:«Ouiilyavaitquelqu’undanslavestedepyjamarayée…».AnnaetArthur,figuresdel’innocence,lespurs,appartiennentauDanube,commetouteslesvictimesdel’exterminationquivontréapparaître,àlafin,dansseseauxgelées.Les«bourreaux»,eux,sontdelavoieferrée.Lefilagedusymboleestclairdanslascènefinaleàl’expressionnismefantastiqued’unegrandeforceetd’unegrandebeauté:laséquence5s’ouvresurlabénédictiondufleuveparlePopequiabaptiséAnna:«Dèsquelefleuveestgeléc’estlemêmecérémonial.».Lefleuveestalorsassociéàlasymboliquedusang,eaudelavie,contrelespuissancesdemort.Lesmortsinnocentsdel’holocaustecontinuenteuxàvivresouslaglacedufleuve(letextereprendicilasymboliquedufleuvedesmorts,celledesmortsqui,fauted’avoirétéhonorés,sontcondamnésàerreréternellement,nepouvantpassersurl’autrerive:«lesmortsnousreviennent,ilsnesaventpasoùaller,alorsilsnousreviennent»;doublesensduverberevenir:ilsreviennentsouslesyeuxdelamère,ilsnousreviendrontàlamémoireindéfiniment).«L’eauhumaniselamort»(GastonBachelard,L’EauetlesRêves).AlorsleDanubeprotecteurdespurss’associeàeuxpourengloutirLePèreetlaMère:«Était-celaglacequicraquait,était-celepoidsduciel?».Doubleinterprétationpropreaugenrefantastiqueentrelenatureletlesurnaturel.Annaditd’ailleurs«j’aicruvoir»etnonj’aivu.(VoirplusloinMiseenjeudelaséquencefinale)
l’eauquifaitnaîtreAnnaàlavoluptéfémininelorsqu’elleentredansleseaux,quinel’engloutissentpas,Arthuràlamain:«Malgrémonjeuneâge,lefleuveadûmereconnaître.Ilm’alaisséfairelorsquejemesuisglisséeenlui,desgenouxjusqu’auxcuisses.Quandj’airelevémajupeetqu’unefoliem’aprisecommel’illusiondedevenirunefemme,unemèrepeut-être?»Personnificationmagiquedufleuve.Aveclesplusvieux,onferaapprocherunelecturepsychanalytiquedecepassage.VoirL’Eauetlesrêves.Ceseralemomentd’interpréterlechoixdutitred’abordinsolite:LaPetiteDanube.
lafiguresymboliqued’Arthurautourduquelvasefocaliserlecœurdelatramenarrativemaisaussi«lechoixd’Anna».(PointtraitéplusloindansMiseenvoix)
On pourrait évoquer également lesymbolismedesactes qui jouent eux aussien opposition : Anna lave Arthur / Le Pèreastiquesonfusil;AnnadonneàArthurlavestetrouvéedanslejardin/LePèrerécupèreetvendleschaussuresdesdisparusdeschambresàgaz;LepèrefaitlesaluthitlérienArthursaluelesarbresetc.
b.Faceàlacompromissionmorale:exercerledurmétierd’Homme
Demanderdelistertouslesactesdecompromissiondupèreetdelamère,enmontrerlagradationetlesopposeràceuxd’Anna.Rechercherlelexiquedelavilenieprésentdanslesjugementsd’Anna,ajouterceuxquimanquent,liésàcettepériodehistoriqueetengénéral.ÉtablirunparallèleaveccequiauraétéétudiéenHistoireconcernantl’attitudedesFrançaisvis-à-visdel’occupantallemand:laRésistance, lacollaborationet tous lesstadesintermédiaires,pournepasenresterau jugementtoujoursfacilehorscontexte(euxétaientdessalauds,nousaurionsétédeshéros).Pourmettrelesjeunesensituationderéagir,reprendrelascènep.23d’«Anna:Jemesouviensque»àlap.25,pourtrouveruncomportementdigneetmoraldanscemêmecontexterisqué.
soitparuntravailderéécrituredelascène,présentantuneattitudesanscollaborationnicompromission(enconservantlesrépliquesouphrasesquipourraientl’être);
soit,sionalacapacitéoul’aided’unprofessionnel,organiseruntravaild’improvisationssuccessivesàlamanièreduThéâtreForumd’AugustoBoal,particulièrementadaptédanscecas.LalecturedecertainssketchesdeGrand-peuretMisèreduIIIèmeReichdeBertoltBrechtpourraitprolongercetravail,notammentlessketchesLaDélationetLeVieuxmilitant.
Autresapprochesenvisageables:donneràlireLesFeuilletsd’HypnosdeRenéCharparusenFolioPlusclassique(avecdeslycéensde1èrelittérairedansleurintégralité,avecdes3èmesdansunesélection.Expériencefaite,mêmedescollégiens,quinesaisissentpastouteslesfulgurances,sontsensiblesàcetteexigencemoraleetlaperçoivent).Cecipoursélectionnerlesaphorismesquipourraients’appliquerauxpersonnagesduPèredelaMèreetdel’Interprète(éventuellementàAnna).
Serisqueràmesurertouslesstadesderéactionspossiblesouobservéesdansdessituationsd’actualiténationaleouinternationale,parcequeselonlarésistanteLucieAubrac:«Résisterseconjugueauprésent»?
C.DutexteàlareprésentationPourfinircetteétudeetsynthétiserlesanalysesprécédentes,onaborderalaquestiondupassagedutexteàlareprésentation.Il s’agit là de se placer dans les conditions idéales d’une mise en scène professionnelle et de se centrer sur deux pointsindissociables pour la représentation deLaPetiteDanube : l’espace-tempset le fonctionnement internedu théâtre-récit, quidéterminerontlascénographieetlejeu.
D’abordmontreroufairerechercherdesphotosdemisesenscène,quimettentenévidencelesscénographies,envariantles
choixaumaximummaisenprivilégiant,sansledire,lareprésentationdesespacesextérieurs,leseffetsdelumière,etsil’ontrouve,lareprésentationdel’eau.VoirLeThéâtresousladirectiondeDanielCoutyetAlainReyparuchezBordas,présentdanstouteslesbonnesbibliothèques,certainsnumérosdeTDC(notammentlesn°780L’Espacethéâtraletn°837Lascénographie)etdelacollectionThéâtrepublic.
Ainsi,sansêtredirigée,larechercheseranourried’autresimagesquecellesduthéâtredeboulevardoudecequelesélèvesimaginentêtreledécor.(Lestermesdécor,scénographieserontdifférenciésetsituésdansl’histoireduthéâtre.VoirLeThéâtreop.cit)
a.Laquestionposéeàlascénographie
On se reportera utilement aux deux premiers chapitres de 10rendez-vous en compagnie de Yannis Kokkos (scénographed’AntoineVitez)publiéparl’ANRATetActesSud–PapiersdanslacollectionLesAteliersdethéâtre.
Onprocéderacommelescénographeetlemetteurenscèneparlerelevédetouslesmotsconcretsetexpressionsquiévoquentl’espace/lalumière/lacouleur/l’objet/l’actionconcrète(danscetexte-cionlimiteracetitemàAnna,auPère,àlaMèreetàl’Interprète).
Onconstatera,entreautres,lamultiplicitédeslieux, ladominanted’espacesextérieursetd’hiverdifférents,quitousvisentàcréer une atmosphère et une symbolique, comme déjà observé. Donc l’impossibilité de représenter tous les lieux qui se«superposent»,lanécessitéinduiteaussiparlethéâtrerécitd’unespacevide.Dès lorsquels espaces figurer ? Quelle scénographie imaginer qui soit une image symbolique de tout le texte (sesespaces,sonatmosphère,sonpropos,sonécritureetc.)?
Aprèsavoirfaitl’inventairedesmoyensàladispositionduscénographeetdumetteurenscène(onn’oublierapaslabande-sonmusiqueoulesbruitagesquipeuventsuggérerunpaysage,unesaison,desphénomènesatmosphériques),etavoirfourniunlexiquedel’espacescénique(jardin,cour,avantscène,lointain,cintres,etc.VoirTDCn°780L’Espacethéâtral)onpourraitdemanderd’imaginer,pargroupesouindividuellement,unescénographieetdelarestituersousformed’esquisse(vulepeude«décor»,celarisqued’êtrepeuexplicite,àmoinsdetravailleravecleprofesseurd’artsplastiques)oudetexte(occasiondetravaillersuruntypededescriptiondocumentaireetd’intégrerlelexiqueduthéâtre).
Auretour,leséchangessurcespropositionsserontlemoyendemesureretd’exercerl’espritdesynthèse.
b.Laquestionposéeaujeuetàlamiseenscène
LechapitreLerécitenpremièreligneadéjàmisenévidencelefaitquelesdialoguesn’avaientpaslemêmestatutquedanslaformedramatique,classique,duthéâtre.Allerplusavantdansleurobservationpermettradecomprendrequecelademandeauxcomédiensuntypedejeuparticulierquel’expressionnismevientrenforcer.Onobserveralesapparitionsdupassédanslerécitetsasituationounondansunespaceprécis.La plus simple : courtes ou très courtes scènes détachées (exemple p. 10 et suivantes ; p. 37-39 : juxtaposition complexed’espaces tempsdifférents).D’où l’impossibilitéde les jouervraiment,de jouer leschangementsd’espaces.Leplussouventellesnesontpas introduites,s’enchaînentavec lerécitdansunesortedefonduenchaîné,soitqu’elles illustrent,soitqu’ellessurgissent avant d’être commentées. Cela exige des comédiens, interprètes des personnages convoqués par Anna, uneprésence immédiate forte qui ne peut s’appuyer sur un décor, des accessoires, une situation. Ils doivent se penser un peucommelesmarionnettesd’Annaetexprimercettevisiond’enfance«expressionniste»parunjeuuntonau-dessusmaispascaricatural(voirMiseenjeudelaséquencefinale).Àpartirdelà,ondemanderaauxélèvessurquelsélémentslescomédiensvontplutôttravaillerdansleurpalettedejeu:l’intériorité,lecorps,lavoix,l’incarnation,ladistanciation,lesgestesoulagestuelle
onentendicipargestuelle,legestequiapparaîtracommelesignedupersonnageparoppositionauxgestesréalistesquotidiens.(Voirlanotionpluscomplexede«gestus»chezBrecht).
Lamiseenscèneseraconfrontéeaussiàlaquestiondel’entréeetsortiedespersonnagespourchaquescèneflashoudelaprésencecontinuedescomédiens/personnages,quiiraitelleaussidanslesensduthéâtreépique.(VoirlaprésentationquienestfaiteparAndréDegainep.345-347danssonHistoireduthéâtredessinée)Parolesdanslerécitcommedescitationsintroduitesavecounonpardesverbesintroducteursp.11(Iladit:«Cen’estpasduvolquedevolerlesvoleurs»)quisansdouteinduiraituneimitationdelavoixdupersonnagecité.Parolesglisséessansguillemetsp.32 («Jenesuisencorequ’uneenfant, tues tropgrand»,«Voussouvenez-vousdeceprisonnierquis’estenfui?»),parolesintérieuresdusoliloque(ouduremémoré?)p.31(«Maintenant,répondsàlaquestiondeMonsieurl’Interprète»):àadresseràsoi-même.Onremarqueraquemêmerécit, le théâtren’aimepas lediscours indirectdont,sauferreur,onne trouvepasd’exemple :authéâtre,lesparoles,mêmerapportéessont«présentes»etappellentunepartdejeu.
ÉcritureToutecettepartiepourraitévidemment,partirdeoudonnerlieuàdesexercicesderéinvestissementdel’étudedesdiscoursparlatranspositiond’unpassageenécritureromanesque.
Lecasd’Anna:1ou2comédiennes?Essaidesdeuxsolutionsparunemiseenespace,livreàlamain,dupassagep.21(de«Deretouràlamaison»àp.23«j’yvais»)etdelap.32.
Solution1avec2Anna:1èrerépliqueseraitjouéeparl’Annaenfantpendantlanarration?(maislethéâtren’aimeguèrelaredondance;etquidiraitlafinaudiscoursindirectlibreAnnaenfant?Annaadulte?).Ledialoguequisuitseraitjouédemanièreréalisteetdanscettelogiquelesélèvesmettrontunetable(mais,ladernièrerépliqued’Annap.22oùJean-PierreCannetmêlelesdeuxAnna,sansmêmeunpassageàlaligne,poseraquestion)Solution2avec1Anna,sansdouteplusdifficileàimaginerpourlesélèvesdoncàguider:lanarratricefigureraitAnnaenfantenpassantdelapositiondeboutàlapositionassise,nejouantpastoutcequiestécrit,enendonnantplutôtl’idée.Onprendraconscienceque,danscettesolution2,laprésencedelatableetdesparentsattabléss’accordemalàl’ensemble.Ilfaudraitalorsdéterminerlaplacedupèreetdelamèredansl’espacevidedéfiniplushaut.
Ilyafortàparierquelesélèves(etadultespeuhabituésdesthéâtres)préfèrentlasolution1:«C’estplusvivant»!Peut-être,saufque…Jean-PierreCannetn’indiquequ’uneAnnalanarratricedanslalistedespersonnages.Ilnedonnepasdeprécisiond’Anna enfant ou d’Anna narratrice. Et toute l’analyse qui a été faite du texte va plutôt dans le sens d’une seule Anna. Onrappelleraaussiauxélèvesquel’essentielestl’adressed’Annaaupublic.
Onchercherasurquoilacomédiennejouerasurtoutpourexprimerlesdeuxpartsd’Anna.
Onobserveraparailleursquecertainspersonnagessontdésignéscommevoix,voixduRom,voixd’Arthur,cequi induituneprésence/absencesonore,unéloignementduréalisme,encoreconfirmélà.Surcettequestiondel’interprétationd’Anna,d’autreschoixsontsansdoutepossibles,pourpeuqu’ilsévitentlaredondanceetleréalisme,encontradictionaveclaformechoisieparJean-PierreCannet.OnrenverraautextedeJean-ClaudeGal,metteurenscènequiacréélapièce,àlafindulivre:ondemanderaauxélèvesdesélectionnerlesphrasesquicorrespondentauchoixdesamiseenscène.Oncommenteralesphotosquientémoignent(voirlesphotosdelamiseenscènedeLaPetiteDanubeparJean-ClaudeGalsurlesiteInternetduThéâtreduPélican).
EnguisedeconclusionOnpourraitentoutefindetravail,selivreràuneanalysedelacouverturedulivre.Pourmieuxenmesurerl’expressivité,ilseraitbondelacompareràd‘autresdelamêmecollectiondontlalignegraphiqueestunevariationsurleballon.
Écrituredesynthèse
EnlycéeTexteargumentatif:
Aprèslectureetétuded’uneoudeux«notesd’intention»demetteursenscène,figurantdanslesdossiersdeprésentationdesspectaclesoulesprogrammesdethéâtre,écritured’unenoted’intentionpourLaPetiteDanube.Textedefictionàlamanièrede:Unjeunehommeouunejeunefilleestcontemporaind’unfaitd’actualiténationaleouinternationalequiporteatteinteauxdroitsdel’homme…
EncollègeÀlamanièrede…:
réécritured’unextraitd’autobiographieàlatonalitéassezneutreenscènedethéâtrerécitexpressionniste.écritured’unescènedethéâtrerécitautobiographiqueàlatonalitépoétiqueouexpressionnisteévoquantunmomentd’enfancequialaissédestraceslumineusesousombres.
B.Miseenvoixdelaséquence3Nous proposerons à titre d’exemple un travail sur cette séquence pour plusieurs raisons : elle approfondira la lecture de larelationAnna/Arthur;lalangueparticulièrementpoétiqueetlamontéedramatiquefavoriserontl’expressivitéetseprêterontàunelecturechorale;lavariétédesvoixrendraletravailriche.
A.ArthuretAnna:lavibrationdelavie,coûtequecoûte
Arthuravantdes’incarnerArthurestlepointd’ancragedutexteetoccupeplusieursfonctions:
Seul«objet»présentsurscènedanssondénuement(imaginons,saprésencethéâtraleforte),ilaunedoublefonctionsymbolique:représenteràluiseul,lesmillionsdevictimesdeladéportationetdel’extermination(«Lamère:Ondiraitqu’ilyaeuquelqu’unlà-dedans,uneespèced’homme!»);cristalliserladivisionmoraleetpolitiqueendeuxcamps:l’humainecompassionetlatentatived’Annaenfantpourlesauver;lahaine,latraqueetlescoupsavantlachambreàgaz,desautres,adultes.Unefonctiondramatique:c’estautourdeluiquesenouelaseuletensiondutexte,ilestlefildesséquences2,3,4,etrevientdansla5.Unefonctionpoétique:ilincarnel’innocenceetlecaractèrefantasquedel’enfanced’Anna«peut-êtreétait-ceuneespècedeclownoudehéros»puissonéveilàlasensualité(voirarticleDanubedans«Chemineraucœurdutexte»)
ArthurincarnéDanscetteséquence3,Arthurchemiseestd’abordcachéde l’Interprètesur leventred’Annaqui fait semblantde jouerà la
femmeenceinte(l’enfantn’estplusuneenfant,ellenecroitplusàsesjeux).Celui-ciparti,danslapénombreprotectriceduboisquisurplombeleDanubefleuvedespurs,lepaysagesefaitdoux(allitérationens),donnedesfrissonsetl’ondiraitpresqueledébutd’unamour:«moiquifrissonnais»«prends-moisituasfroid»(pas:mets-moisi…)«jenesuisencorequ’uneenfant…».EtquandArthurs’incarne«Etiln’yapluseuquenousdeuxsousuncielvide».Biensûrilyalapeurmais…«Jen’aieulaforcederien…»,«IlnevoulaitpasmevolerArthur,pasdeforce»,«j’aicomprisque l’hommeneme feraitpasdumal,queceseraitautrechosequede fairedumal.Alors, jemesuisdéshabilléed’Arthur»(pas:j’aiôtéouenlevé).Cegestedudon,delaprotection,d’ArthurchemiseàAnnapuisd’AnnaàArthur«devenuquelqu’un », exprime d’abord le choix d’Anna et porte la part « fantasque » du texte,mais il est aussi l’échange amoureux.Aussitôtaprès,séquence4,Annadiraparlantcommeunejeuneveuvede14-18«IlafallucontinuersansArthur.Grandirsanslui, fairesemblantd’êtreencoreuneenfant».Labarbariesoussesyeux luia faitquitter l’enfance, la rencontreaussi.«Moncorpsprenait laplacedemesrêves.Jenerêvaispas, jenesavaisplus.Arthurs’élançaithorsdemesdraps…MonDieu lereverrais-je?»
B.Premièresrecherchespargroupes
Ondemanderaauxgroupesde:
découperlesrépliquesdurécitd’Annaenvued’unelectureenchœur(pourlemomentde3Anna).Chœurmixte:lesgarçonseuxaussilirontletexted’Anna,pourdesraisonspratiquesévidentesmaisaussipourqu’ilsseconfrontentàcettelangueetqu’ilspuissentêtreengagésdanscequeporteletexte;parcequ’enfin,ils’agitdelireuntexte,pasdejouerdespersonnages.Cetravaildedécoupagepermetderendrelesélèvesattentifsaucheminementdusens,àladistinctionentrerécitetcommentaire,auxeffetsliésauxfiguresdestyle.Ilestdoncuneautremanièred’expliquerletextedifférencierlavoixd’Annasuivantqu’ils’agitderécit,commentaire,parolesjouéesetc.rechercherl’expressionnismepourLePère,LaMère,l’Interprète,parunedictionparticulièreet/ouunaccent.SedemandercommentdifférencierLePèredelaVoixduPèreéloignéetdelaVoixduPèrequandp.32-33,c’estlavoixqu’Annacroitentendre.proposerunesolutionpourexprimer,parlavoixseule,Arthur-chemise,sachantquejusteaprèsvaentrer«Arthur-homme»quiluiresteramuet:présencesilencieuseplusfortequetoutdiscours(questionposéeàlamiseenscènemaisaussiàlamiseenvoix).
Cetravailterminé,onreliralaséquenceengrandcercle,sansinterruptiontellequechaquegroupel’aprévu.(Leprofesseuraurasoindenoterleschangementsdelecteurdansletexted’Anna,pourrectifierultérieurementcequineluisemblepasjudicieux.)Onéchangeragroupeaprèsgroupesurlesdifficultés,hésitationsdansleschoix;ondécideradesprincipesdelectureàreteniretc.
C.Miseenconditionvocale
Dansunespacevide,ondemanderaauxélèvesdemarcherdemanièreàoccupertoutl’espace,épaulesdégagées,respirationlarge.Quandlamarcheserabieninstallée,
Fairechanterlalanguedistribueràchacun,unmotdelaséquence,choisipoursa«plasticitéexpressive»etsonpouvoird’évocation:ombre,
assassiner,carne,chlorophylle,mousse…demanderdeledirepoursoi,encontinuantàmarcher,suivantdifférentesconsignes:volume(demurmuré…àhurlé,enventriloque?),diction(relâchée,enaccentuantexagérémentlessonsconsonnesouvoyellescaractéristiquesdumot,tenuec’estàdireendonnantaumottoutesamatérialitésonore),rythmes,accents,etc.
Approchedel’adresselesélèvesrépartisdansl’espace,immobilesfaceàl’adulte,distribueràchacun,unpetitpapierportantuneexpressionouphrasedecetteséquence,pastroplongue,caractéristiquedelalanguepuissantedeJean-PierreCannet(allitérations,répétitions,imagesoupuissancedupropos,qu’ellesoitdureoudouce):«ilsauraientassassinélalunes’ilsl’avaient…»,«Qu’ilseraitboncegoûtdecarneetdesang»,«Etsurlamoussefraîchedusous-bois»,«lesrefletsdufleuve»etc.demander,parconsignessuccessives,des’amuseravecl’articulation,lamodulation(àpartird’ungesteduprofesseur:serpent,suitesdetraitsverticauxbrefs,traithorizontal,courbemontante,descendante…).reprendrelamarche,direlaphrase,commeonl’entend,avecl’idéedefaireentendrechaquemot,depousserletextedevantsoi:d’abordtousensemble,chacunpoursoi,puisàunsignal,s’arrêterpourl’adresseràsonvoisinetinversement;reprendrelamarche,s’arrêteretl’adresser,delavoixetduregard,àceluiàquionl’aditlapremièrefois,làoùilest.reprendrelamarche,àtourderôle,uns’arrête,alorstouslesautressegroupentenchœurfaceàlui,illeuradresselaphrase.Onaurapréciséqu’adresseruntextec’estlequitterdesyeuxetregarderceluiàquionleditmaisaussile«porteràlui».
D.Miseenvoixpourunelecturepublique
Onredonneraàtouslesdécoupagesdutexted’Anna;onrappelleraleschoixfaitsàlasuitedesrecherches.Onessaieraderassemblerlesgroupesderecherchesendeuxoutroisgrandsgroupes,demanièreàpouvoirenchaînerpartiersoumoitiédetexte.Lechœurd’Annaseverragrossi(7ou8fillesetgarçons).
Ondéterminerad’aborddansunespacedélimitéausol,lesplacementsduchœurd’Anna,duPèreetdelaMère,deL’Interprète,quinechangerontpasaucoursdelaséquence.Lechoixseradéterminéparcequiaétéditdelaprédominancedurécit,dustatutdesautrespersonnagesetparlanécessitéounonquelespersonnagess’adressentl’unàl’autre,étantentenduquedanscettemiseenvoixetnonenespace,tousleslecteursserontfacepublicetprésentsdèsledébutdeleurpartie.Onaurasoindefairequelesautrespersonnagessedétachentduchœurd’Anna.
Onprévoiraqu’aumomentd’uneprésentationpubliqueéventuelle,lesélèvesenattentedelectureserontassisdechaquecôtédel’espacescénique(ouenfonddescène?)
Vu le nombre important d’élèves, il faut que les lecteurs se détachent pour que le spectateur se concentre sur eux. Cetteinstallationseramatérialiséedèsmaintenantpardeschaisesvides.Lorsquel’ensembleauraétémisenvoix,onaccorderaautantd’attentionàlarépétitiondeséchangesdelecteursàassistantsqu’àlaqualitédelalecture.Ceux-cidevrontsefairedansunesortedefonduenchaînéquimaintiennelatension.Unemiseenvoixpubliqueréclamel’installationd’uncertaincérémonial.
Lesdeuxconsignesessentiellesd’abordetavanttout,fairechanterlalangueparlerespectdelaponctuation,lalecturedesmotsdansleurmatérialité,delaphrasedanssonrythme.Avantd’interpréter,ilfautjouerlesnotes.Pourfairecomprendrecela,onpourrait,àtitred’exemple,travaillerlalecturedespremièresrépliquesd’Annap.29etp.30,dontl’écritureesttrèsdifférente.On
s’apercevraqu’iln’estpasnécessairedepasseraprioriparlepsychologiqueoude«mettreleton»,commedisentlesélèves.indispensable:adresserletexteauxspectateurs(techniqueàacquérirôcombienimportanteàtravaillerpourl’oraldubac,pourlesexposésdanslecadrescolaireouprofessionnelettoutsimplementdansl’échangeaveclesautres).Onpourraexercerlesélèvesàcettetechniquepardesexercicesspécifiques,toutensachantquel’adressen’estpasseulementunetechnique,elleestlavolontédecommuniquerunpropos.Chercherl’engagementdecesjeunesdansl’expressiond’unemémoiredouloureuseetd’uneindignationseraaussiimportant.
Quelquesquestionsàrésoudres’interrogersurlafigurationounond’Arthur-chemise;surlaprésencesymboliqueetmuette,dèsledébut,d’Arthur-hommeousonentréequandilapparaîtàAnna.déterminersilavoixpeutsuffireàdistinguerAnnaenfantetAnnajeuneadulteousiaumomentdelascèneavecl’interprète,uneAnna(cettefoisfille)devrasedétacherduchœur;étantentenduqueceseraituncontresensparrapportautextequededistinguertotalementlanarratricedesonpersonnage.
LeslignesdirectricesdutravailCeuxquisontenregard(professeuretélèves)aurontentêtecespointsàmettreenévidence,àdonneràvoiràl’imaginationdesauditeurs:
l’expressionnismefantastiquedupaysageetdel’apparitiondudéporté(yeux,main,imagedetouslesdéportés)l’atmosphèremenaçante,lapeurmaisaussicetteembellie,cetempssuspendudelarencontred’AnnaetArthur.
Ilfaudraitveillerànepasexprimerledébutavantlafin,ànepasnoyerlalecturesousuneseuletonalitédramatique.Ilyadel’innocence,del’ironie,delaruse,dupaisible,aussi:«Écrireuneviolence,maispourlapaixquiasaveurd’eaupure.»
C.MiseenjeudelaséquencefinaleVoirlaréflexiongénéralesurlascénographieetletypedejeudansChemineraucœurdutexte:dutexteàlareprésentation.Deuxcontraintes,«contraintes»étantàentendreiciausensdesOulipiens,commetremplinsàl’imaginaire:lejeudetouslesélèvesetlesconditionsmatériellesscolaires.Aprèsavoirdéterminélesélémentsfortssurlesquelslamiseenjeudevrareposer:leDanube,l’apparitiondesmorts«quinousreviennent»etl’engloutissementdesparents,lesunsrelèverontlesmotsetexpressionsconcernantlefleuve:espace,lumière,couleur,tandisquelesautresserontchargésdeceuxconcernantlaprocessiondesmorts.Onselanceraalorsledéfid’unemiseenscène,sanslumières,sansscénographie,niprojectionsetc.avecpourseulsmoyensles25ou30«acteurs»etl’espacevidedelaclasseousallepolyvalente.Celatombeplutôtbien!LaPetiteDanubes’yprêteetparticulièrementcepassage.
Interrogations,échangespréalablesCe travail pourrait se faire dans le cercle du « collectif au travail », assis par terre, ce qui installerait progressivement uneambiancedetravaildifférenteducours,etéviteraitla«priseàfroid»aumomentdesexercicespréparatoiresdansl’espace;souslaformed’uninventairedepistesnotéessansjugementpuisrediscutées,plutôtquesouscelledel’explicationdetexte.Lesanalysesquisuiventétantseulementunsupportpour«lemaître».
A.FigurationduDanube«boulevardbleu,toutdeglacebleue»
RappelercequiaétéditantérieurementsurlasymboliqueduDanube(voirChemineraucœurdutexte).
Commentsuggérercetespaceetl’idéedugel?Faireconfianceàlapuissancedesuggestiondutexte.Ceseradoncd’abordlaresponsabilitédela(oudes)comédienneinterprèted’Anna.Legelexisteradansl’imaginaireduspectateurs’ilexistepourellelorsqu’elledonneàentendreletexte.Unevolontairepourraits’yessayer,lesautresyeuxfermés.
Faireconfianceàlamarche:ledéplacementdespersonnagessuretsousleDanubeetleregardapeurédelamèresurcettesurfacegelée,miroirdesamauvaiseconscience,«vontdessiner»lefleuvedansl’œilduspectateur.
Occasionsupplémentairededémontrerquel’espacethéâtralestunetranspositionetnonunereprésentationdesespaces:dans le texte, la famille traversed’uneriveà l’autrealorsqu’on imagine laprocessiondesmortsdescendant le fleuve;dansl’espacescénique, pour ledessindu fleuveet la forcede l’imagedes coupables faceà leurs victimes, il vaudraitmieuxenmarchant«dessiner»lalongueurquelalargeur.Dansuneligneparallèleauborddescène?Uneoblique?Obliquedecouràjardin?Dejardinàcour?Onpourraitrésoudrecettequestionàpartird’unplandescèneautableau,ensuperposantleslignesdeforce,lignesdefuite(voiràcesujet10rendez-vousavecYannisKokkos (ibid.) chap. 4).Mais la recherchedans l’espace (voir ci-dessousexercices préparatoires) serait sansdouteplusefficaceetpermettraitenmêmetempsde«formerlegroupe»,d’effacerlasituationdeclasse.On conclura : plutôt diagonale de jardin à cour, sens de la lecture, donc présence plus grande et force de la procession«descendant»surlePèreetlaMère.
Chercherquelsmotsassocieraugel.Certainsretenusparleprofesseurdeviendrontlesupportdesexercicesd’imaginationsensorielleetrecherchedejeu.Ondécouvriraalorsque«bise»ou«blizzard»peuventêtreparfaitementsuggérésparlesoufflebouchefermée.D’autrespistesserontsansdouteimaginées.
B.Figurationchoraledesmortsdontla«lenteprocessionsemblaitsansfin»
Après avoir relu le relevé de mots sur la procession, on regardera les représentations des déportés par Beaudoin et sedemandera lequel de ces trois dessins exprime le mieux l’impression produite par ce relevé. Celui-ci sera une sourced’inspirationsupplémentairepourlejeu.
Le relevé des expressions suggère à l’évidence l’idée d’une marche qui n’en finit pas. Un spectacle professionnel pourraitéventuellementjouersurlaprojectionausold’imagesdocumentairesdesdéportésoudeformesindistinctesoudesdessinsdeBeaudoin;surlebruitagedetrainsquin’enfiniraientpasdepasserousuruneffetdelumière,laissantlaforcedesuggestionautexte.Lapossibilitédefigurercetteprocessionparunchœurde20ou25élèvestransformeralacontrainteenexpressivité,pourpeuquel’ontrouvelemouvementchoraljusteetquel’onévitel’imagedefantômes:«multitudedecorpsfluidesquisemblaientnefaireplusqu’un.»Veilleraussiàcequelesadolescentssoientengagésdanscettefigurationchorale,qu’ilssoientporteursdemémoire,pouréviterl’expressioncorporelle.
Commentyparvenir?visionnerMayBchorégraphiedeMaguyMarin(Internet:MaguyMarinvidéode8mn),inspiréedeBeckett,quiseraituneaide(etunenrichissementculturelpourdeslycéens),mêmesilerythmeetlemélanged’ironieetdepitoyable,propreàBeckett,necorrespondentpasàladignitéetàlamarchelentequ’onimaginepourcetteséquence.LachorégraphiedeMaguyMarinaquelquechosedethéâtral,dansl’idéalilfaudraitquecetteprocessionthéâtraleaitquelquechosedechorégraphique.Dansleprogramme,àlacréationdeMayB,Jean-PaulManganaroparled’ailleurs«d’uneparadeparfaitementexpressionniste»
nourrirl’imaginaireparLesHommesquimarchentdeGiacomettioulavidéoproposéeparYoutubedeNuitetBrouillardchantéparJeanFerratsurdesphotosdescamps.
En contrepoint il serait sans doute bon d’évoquer la vitalité des déportés et le théâtre comme résistance :Germaine Tillionécrivantetfaisantjouersacomédiemusicale,récemmentrepriseavecdesjeunes;CharlotteDelboapprenantetserécitanttoutLeMisanthropependantlesinterminablesappels; l’hommedethéâtreArmandGattiévoquantdejoyeusesdansesderabbinsdansLaParoleerrante.
menerletravailcorporelproposéplusloin
Plusieursquestionsseposerontsurcetteprocession:Lemomentdel’apparitionsurscène.Onferaremarquerlaforcedupronomanticipateur:«onlesvoyait…ilsallaient»(procédédéjàemployép.19et32àl’apparitiond’Arthurchemisepuishomme)quiretardentencorelesuspensesurcequevoientlesparents.Pourautantondevratenircomptedufaitqu’authéâtrel’actionprécèdeletexte,pourqu’elleaittoutesaforce.Lenombred’acteurs,lerythmeetladuréedelamarchedesparents,puisdelaprocession,parrapportauxdimensionsdel’espace,puisquel’engloutissementdoitsefaireàvue.Annexe:commentmettreenscènelapartiequiprécède?Faut-ilmontrer,lesparentsallantaumarchésurlechemindehalage?Leresserrementdutempsetl’imparfaitd’habitudedansl’évocationdelaventedeschaussuresnevontpasdanscesens.Etcelaneva-t-ilpascasserl’imagedelaremontéedufleuveetlaprocession?Leschaussures,objetsignifiantalorsquelesobjetssonttrèsraresdansLaPetiteDanube,doivent-ellesêtrelà?Demême,faut-ilmettreenscèneousuggérerl’arrivéeduPopequiengagelecérémonialbaignanttoutelascène?Imaginerquecertainsquijouerontlaprocessiondesmortspuissentfigurerdedoslepeupleàl’écouteduPope?Commentlesituerparrapportauplacementdesparentsetde«laprocession»desmorts?
C.AnnaetAnna?LePèreetLaMère!
VoirdansDutexteàlareprésentation–laquestionposéeaujeulesconclusionsdelaréflexionsurlepersonnaged’Annaàjouerounonpardeuxcomédiennes
Sil’onchoisitunecomédiennequi«sedédouble»,onchercheracommentdonneràimaginer,nonàjouer,l’enfantàtraverslanarratriceadulte(voix,gesteouattitudesigne).Onseposeralaquestiondelaplaced’Annaparrapportauxparents.Nouvelleoccasion de montrer aux élèves, que ce n’est pas le réalisme qui compte, que la mise en scène vise une transpositionsignifiante.
Sil’onchoisitd’ajouteruneAnnaenfant,onchercheracommentétablirla«complicité»entrelesdeuxsurladernièrepage.Àcepropos,onseposeralaquestiondu«sous–texte»,penséesetsentimentsd’Annadevantl’engloutissementdesesparents,cequiseradéterminantpourinterpréter«Onabeauchercher…alorsquec’esttroptard».
Danslesdeuxcas,ons’interrogerasurl’étreinteévoquéep.47,jouéeparunecomédiennedumêmeâgequecelledeLaMère.Làencoreleréalismenefonctionnepas.
Danstouslescas,oninterpréteralerécitd’Annasouslaformed’unchœurde3comédiennes,5aumaximumsilegroupeestimportant,pouréviterdecasser la forceduchœurdesmorts(voir rapprochementavec le théâtreantiquepour la justificationthéâtrale).Surleplanpédagogique,cetravailderépartitionetd’interprétationdutexteseratrèsintéressant.
Unerecherchesurlecostumed’Annaseraitaussiunemanièrederéfléchirausensdecetactedugroupeclasse:«montersurunplateau»pourporteràd’autrescetexte-làetplusparticulièrementcetteséquence.Annaporterait-elleunerobedesannées50?Unerobeneutreintemporelle?Unetenued’adolescented’aujourd’huirevisitéepourlethéâtre?
Pourl’interprétationdupèreetdelamèreonchercheral’expressionnisme,unjeuvraimaisuntonau-dessus.Ladécouvertede lapeintureexpressionnisteallemandede l’entre-deux-guerres,OttoDixnotamment,dontquelquesexemples figurentdansbeaucoupdemanuelsd’histoireaidera,ainsiquecertains tableauxdeBruegel(bienqued’uneautreépoque,unautrecourantartistique,ilsferontsaisirlegrossissement).Onamèneralescomédiensàsentir lerythmecrééparlamécaniquedudialoguep.48-49:brièvetédesrépliques,reprisedemotsde l’uneà l’autre,allitérationsen«p.» (la traductiondes5 répliquesp.48endialoguequotidien, feraitmesurerque ledialoguethéâtralestuneréécriture).
D.Exercicespréparatoires:marche,chœur,sensationsetgrossissement
Cesexercicesserontindispensablespourmettreàl’aiselesélèvesetenrichirlejeu:lerésultatd’unesimpledirectiondemiseenscène,danslecasparticulier,nesauraitêtresatisfaisant.Ilsporterontsurlamarche,principaleactiondecetteséquence,lechœurenmouvement,lessensations,legrossissement.Pourchaquethématique,onneselimiterapasàcequiserautilisédans lamiseen jeu :on jouerasur lesdétours, lescontrairesetonchercheraàcréerunclimatdeconfiance.Pourcela,oncommencerapardesexercicescollectifssansregarddel’autre,puiscollectifsavecunepartiedugroupeenregardpourn’arriverautravailindividuelregardéqu’àlafindelaprogression.Onpeutpenseraussilaprogressionduplusloindes«nécessités»deLaPetiteDanubeauplusprès.Lesenseignantsquin’auraientaucuneexpériencedecetypedetravailtrouverontexercices,conseilsetmanièresdes’yprendredans11 rendez-vous en compagnie de Robin Renucci coécrit avec Katell Tison-Deimat publié par Actes Sud – Papiers /ANRAT.Bienquedestinésàdesenfantsdeprimaire,ilsserontaisémentreprisouadaptés.
PrincipedebaseOnmarchedemanièreàoccupertoutl’espace,l’adulteguideletravaildel’intérieurdugroupe,d’unevoixquiaccompagneplutôtqu’ellen’ordonne;luiaussimarcheetilenchaînelesconsignessansqu’iln’yaitd’arrêt.Marchenormaleguidéedanslesensd’unetenuedécontractéemaispasabandonnée.Variationsderythme,devitessejusqu’àl’exagération,regroupement/dispersionpar2(onseperd,onseretrouveausignal)puisà5jusqu’àtous;arrêts/départs;surlapointeouentraînantlespieds,àgrandspas,àpetitspas,enboitant…Variationsdessurfaces(leplancherdelasalle,duparquet,dusable,delaboue,lespiedsdansl’eau,lecorpsdansl’eau,surunesurfacegelée,contrelevent…)desespaces(rue,àl’intérieur,dansunpaysageouvert)dessituations(ensepromenant,enmanifestant…).Variationssurlesétats,lessentiments,lessensations:bonheur,fatigue,fierté,peur,froid…Détourparlesanimaux,quipourraitaideraujeuexpressionniste(jeudesSic’étaitpourLePère,LaMère).Travaildesynthèseindividuelenfindeséancedetravailcorporel:chacunsechoisitunedémarche(unrythmeetc.), latientpendantuncertaintempspuispourlarendreexpressionniste,lagrossiténormément,beaucoup,seulementunpeu.Enfinondistribueàchacun,unephraseduPèreoude laMère, tiréede l’ensembledu texteetquiseprêteraitàunaccentouune
dictionparticulière.Onreprendladémarchechoisieetàlamainduprofesseurposéesurl’épaule,touràtour,encontinuantàmarcher,onditlaphrasepourqu’elle«s’accorde»àlasilhouettequ’ons’estchoisie.
FormationdechœursMarcheneutre,uns’arrête,toutlegroupevaseplacerderrièrelecoryphée;quandtoutlegroupeestarrêtéonrepartetc’estletourd’unautre,mêmechose,maiscettefoisquandlecoryphéesentlechœurformé,arrêté,ilrepartenproposantunrythmedemarche.Puis,après3ou4changementsdecoryphée,onajouteaurythmeunétat,unespaceetc.Dansundeuxièmetempsmaisenchaînésansrupture,ondemanderaàlamoitiédelaclassedequitterl’espacedetravailpourallersepositionnerenspectateurs,afindemesurerl’effetproduit,lesréussites,lesaméliorations…Surlamêmebaseondemandecettefoisaucoryphéedereprendreladémarchequ’ils’estchoisieetquelechœursuit;puisetenfin,ondemandecemêmegroupementchoralmaiscettefois,chacunreprendladémarchequ’ils’estchoisie.Onpourraitàcemoment-làintroduireunemusiquerépétitivecontemporaine,classiqueoudumonde(ilexisteégalementdesmusiquesdestinéesàcetypedetravailcorporel)pourquecechœurd’individualitéss’inscrivedansunrythmecommunnonréaliste.Onseseraitalorsapprochéinsensiblementdelaprocessiondeceux«quiallaientcommedesgens,quandlesgensvontobstinément».
E.Miseenjeu:unthéâtred’acteursouunthéâtred’ombres
Onretourneraalorsautextequel’ontravailleraen2parties:ledébutjusqu’à«Onditça!»puislafin.Onjugerasil’ondoitprendretoutdesuiteounonl’optionduthéâtred’ombres.Onétablira2(ou3)groupesderecherchedemanièreàconfronterlespropositions.
Consignes:répartitiondesrôles:5Annanarratricesquisechargerontdudécoupage(+uneenfantsil’onapriscetteoptionousil’onveutl’expérimenter);autredistribution,individuelle.Tousceuxrestantjouerontlechœurdesmortsdansletravaildeladeuxièmepartie.réinvestissementdutravailcorporeletmiseàl’essaidesquestionnements.
Enpartantdesmêmesbases,onpourraitaussichoisirunthéâtred’ombres,trèsjusteparrapportauxphotosdesdéportésàlalibérationdescampsetàlasituationfantastiquedecetteséquence.Parailleurs, lethéâtred’ombrespermet,auxadolescentsbloquésà l’idéede«s’exhiber»surtoutdansuneexpressionprochede ladanse,desesentirprotégéspar ledrapécranetpermetaussidemettreàcontributionlesélèvesintéressésparlatechnique(quidevronttoutefois,c’estlarèglededépartqu’ons’est donnée, être présents sur scène). Alors la mise en place sera changée, nécessairement non réaliste, père et mèredescendantàl’avant-scène,lesombresdesmortslesmenaçantdedos.Pourplusdeprécisions,onsereporteraauxréférencesproposéesparMarieBernanocedanslecarnetconsacréàLeJournaldegrossepatate,surcemêmesite.Quelquesoitletempsqu’onaurapuyconsacrer,laformechoisie,lecadredelareprésentation,àcemoment-là,oncraindramoinslesimperfectionsquel’insignifiance.L’enjeuseraquelegroupeaitenviedeporteràd’autresuntextecommeLaPetiteDanube.
D.L’environnementartistiquedeJean-PierreCannetetLaPetiteDanube
A.QuestionnaireproustiendeJean-PierreCannet
EnvironnementartistiqueQuelssontvosauteurspréférés?Jen’enaipas.Jen’ainipèrenimodèleenécriture.Jerevienssouventàlapoésie…J’aimelesécrituresresserréesetquandlestyleflamboie.
Voshéros/héroïnesdefiction?Non,jen’aipasdehéros.Jepréfèrelesgensordinaires.
Quellemusiqueécoutez-vous?J’aimepercevoir,auloin,larumeurdumonde.C’estpourcetteraisonquej’écris,pourtenterdeparveniràdavantagedelucidité,pourmieuxsentirlavie.
Quellemusiqueécoutiez-vousaumomentd’écrireletexte?Oubientravaillez-vousdanslesilence?Dusilence,rienquedusilencepouricietmaintenant.C’estpourquoijetravailleprèsdeVézelay.EnécrivantLaPetiteDanube,j’aiparfoiscruentendrebattrelecœurd’Anna.
Quelssontvospeintres,plasticiens/desœuvresplastiques,tableauxpréférés?OttoDix,Soutine,EgonSchieleettantd’autres…LorsquejevivaisàParis, j’étaisparvenuàapprivoiserlavachelunaire deMiro,c’estunestatuedanslesquaredelarueBlomet.
EgonSchiele
EgonSchiele
Vosfilms/cinéastespréférés?Jevaistrèspeuaucinémaetjen’aipaslatélévision.
Vosacteurs/actricespréférés?NoussommestousdesacteursetDieusejouedenous.
Qu’aimez-vousvoirsurscèneouaucinéma?J’aimesentircepetittremblementsurlesavant-bras,signed’émotionquinetrahitpas.
Uneœuvrequivousauraitparticulièrementmarqué?L’aprèsAuschwitz:leslivresdeCharlotteDelbo,d’ImreKertesz(jeviensdeledécouvrir),lespeinturesdeZoranMusic…
ZoranMusic
Pourquoi?C’estunpuitssansfond.
Environnementdel’écritureL’endroitoùvousécrivezengénéral?Dansmapetitemaison,àlacampagne.MafilleManonditquelamaisonn’estpaspauvre,cequimerassure.
L’endroitoùvousavezécritcetexteprécis?J’aiécritLaPetiteDanubeici,àmatabledetravail,dansmonbureau.
Lesobjetsquivousentouraientalors?Beaucoupdebrouillons,lesbonshommesquejedessinemaladroitementsurmonagenda,etpuisdeslivresposéssurlatableetdescailloux,bref:mondésordrehabituel.
Surquelsupportécrivez-vous?Surmonordinateur,j’imprimeetj’annotebeaucoupaustylo,jereprendssanscesse,jecorrige.
Lemomentdelajournéeoùvousécrivez?Plutôtlesoiretlanuit,oui,j’aimeécrirequandtoutdortautourdemoi.
Inspirations,secrets,penséesDessons/odeurs/couleursquivoussontchers?J’aimeroulerversl’ouest,endirectiondelamer(jesuisnéàQuimper,jenel’oubliepas,pastoutàfait).Lamouetteest-elleunecouleur?
Votreoccupationfavorite?Endehorsdel’écriture,j’aimemarchersurleschemins,j’aimeaussimeperdredansledictionnairequioffretantdeflâneries.
Quelssontlesobjetsdontvousnevoussépareriezpourrienaumonde?Lecaillouquej’aiaufonddelapoche.Pourtantjel’ai jetédanslamer,jetédanslefleuveSaint-laurent,oubliéenPologne,àchaquefoisilm’aretrouvé,ilestrevenu.
Votreidéedubonheur?Jecroisqu’ondécided’êtreheureux,quec’estunpartipris.
Quelseraitvotreplusgrandmalheur?Écrireavecfacilité(jenemereconnaîtraisplus),êtreéternel.
Cequevousvoudriezêtre?Jesuisunbrouillond’homme,alorsjevoudraisêtreplusorganisé,plusconstant,moinsrêveur.AlbertCamusaécrit:«Cequim’intéressec’estd’êtreunhomme».Voilà,c’estaussisimple,aussidifficile.
Lelieuoùvousdésireriezvivre?SurlacollinedeVézelay(j’ysuispresque).J’aimeaussiParisenhiveretl’îledeSeinpartempsdetempête.
LacollinedeVézelay
Les10motsquivousaccompagnent?Jecroisdans lepouvoirde la fictionquinecomptepassesmots,nidixnicent,pourquoicontenir,enfermer?Qu’importe lenombredemots,delignes,depages.Maispourm’efforcerderépondreàcettequestion,jedirais(enunpeuplusdedixmots)que:L’autrec’estsoi,au-delàdesoi.Lafictionéclairel’indicibledesoi.
Quelestvotreétatd’espritaujourd’hui?Jemesenstrèsengagédansl’écriture.Jecroisquej’aiencorebeaucoupd’histoiresàpartager.
B.CréationdeLaPetiteDanube
LaPetiteDanubeaétémontéeparJean-ClaudeGal,directeurartistiqueetmetteurenscèneduThéâtreduPélican.
PourtouteinformationsurleThéâtreduPélican,consulterleursiteInternetàl’adressesuivante:
www.theatredupelican.fr
EtpourtouteinformationsurlamiseenscènedeLaPetiteDanubeetpourdécouvrirlesphotosduspectacle,consulterlapagesuivante:
http://www.theatredupelican.fr/index.php?id=83
E.Annexes
A.Plandeséquenceenclassede3ème
Ceplandeséquencepourraêtreorientéversdeuxdominantespédagogiques:
UneoùLaPetiteDanubeprolongeraitl’étudedel’autobiographieengénéraletdutémoignagesurcettepériodehistorique(réinvestissementpossibledesfiguresdestyleauservicedel’argumentation).UneoùLaPetiteDanubeseraitlepointdedépartouleprolongementd’uneétudeduthéâtre.
LectureUnthéâtresouslaformeautobiographique:récit,souvenirsflashesdialogués,commentairedudialogue.Unthéâtre«argumentatif»:tonalitéironique;tonalitéexpressionniste:dramaturgieduthéâtreépique.Révisionsdescaractéristiquesdelaformethéâtralenorméeetécartsd’untextecontemporainquiréinventelesformesdelatragédiegrecque.
RecherchedocumentaireLessymbolesdel’eau,dufleuveLapeintureexpressionniste
Grammaire-orthographeLejeudestempsdansletexteautobiographiqueLesdiscoursOrthographelexicale:natureetpaysage
Vocabulaireetfiguresdestylelexiquedelamoralelexiquedelanatureetdupaysagefiguresdestyle:comparaisonetmétaphore,alliancedemots,antiphrase,personnification,allitération,anaphore,constructionavecpronomanticipé
Expressionécrite
del’écritureromanesqueautobiographiqueauthéâtrerécitàla1èrepersonneetinversementdialoguederoman/dialoguedethéâtre:présentation,parole«trouée»,rythmeetlanguetravailléspourlaprésenceverbalesurleplateau.description,portrait:del’objectifausubjectifécritured’unescènedethéâtreargumentatif
Expressionoralelectureàvoixhautedictionpoétiquemiseenjeu
B.Bibliographie
1.ŒuvresdeJean-PierreCannet,lisiblespardesjeunesLesventscoudés,Gallimardcollection«PageBlanche»Desmanteauxavecpersonnededans,éditionsThéâtrales–thématiquedel’holocausteàtraverslepersonnaged’unevieillefemmepleinedevie,rescapéedescamps,enpartancepourunautrevoyage.
2.Autourdelathématiquedel’holocausteCettebibliographieseraitinfinie,ycomprisenlittératurejeunesse.Nousavonsfaitlechoixdequelquesœuvresdontl’écritureoulaforme,parleurpuissanceévocatrice,noussemblentcorrespondreàl’universdeJean-PierreCannet.RécittémoignageCharlotteDelbo,AucundenousnereviendraetUneconnaissanceinutile,LesÉditionsdeMinuitThéâtreLilianeAtlan,MonsieurFugue,L’ÉcoledesloisirsPoésieEugèneGuillevic,LesCharniers,inExécutoire(1947)publiédanslemêmevolumequeTerraqué,Poésie/GallimardChansonJeanFerrat,Nuitetbrouillard*–voirvidéosurYoutube-ArtZoranMusicquiaconnuladéportationFautriersérieLesOtagesFilmAlainResnais,Nuitetbrouillard
3.AutourdelamoraleindividuelleentempsdebarbarieRenéChar,LesFeuilletsd’Hypnos,carnetsécritsdanslemaquis.BertoltBrecht,Grand-peuretmisèreduIIIèmeReichEnlycée,Camus,évidemment–voirL’environnementartistiquedeJean-PierreCannetetLaPetiteDanube-QuestionnaireproustienExpériencefaite,cesœuvresenextraitsaumoinssontabordablesdèslaclassede3ème.