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Page 1: La Guerre Des Prix Les Benefices de France Telecom Divisés Par Près de Cinq Le Monde 21 02 2013

Portrait Frédéric Jousset, cofondateurdeWebhelp

Unfilsmodèle,quiasuallierespritd’entrepriseetgoûtdesarts

économie

N once Paolini restera à latête de TF1 jusqu’enavril2016. Le PDG du grou-

pe audiovisuel, qui aura 65ans enavril2014, pourra rester en placeaprès cette échéance. Le conseild’administration a décidé, mardi19 février, de repousser de 65 à67ans l’âge limite du directeurgénéral. Cettedécisiondoit encoreêtre approuvée par l’assembléedes actionnaires, en avril.

Legroupeaprésenté,mardi, sesrésultatspour2012 avecunchiffred’affaires stable de 2,62milliardsd’euros etunbénéficenet (part dugroupe)de136millionsd’euros,enbaisse de 25,6%. Le chiffre d’affai-respublicitairede la chaîneTF1 estenreculde6,7%parrapportà2011,à 1,4milliard d’euros. Cette baisseétait attendue par les analystes,dans un contexte particulière-ment difficile. Parallèlement, lechiffre d’affaires des autres activi-tés progresse de 9,2%, à 1,2mil-liard. «Les activités de diversifica-tion ont servi de stabilisateur»,constate Jean-Baptiste Sergeant,analyste chezGilbertDupont.

De fait, la politiquede diversifi-cationmenée parM.Paolini a por-té ses fruits. Depuis son arrivée àTF1, en 2007, le groupe a acquis les

chaînes TMC, NT1 et récemmentobtenu une fréquence TNT pourHD1. Il s’est développé sur Inter-net, notamment en misant sur lavidéo en ligne, et a acquis le jour-nal gratuitMetro en juillet2011.

Enintégrantcesactivités,lechif-fre d’affaires publicitaire du grou-pe résiste mieux que celui de lachaîne TF1, puisqu’il ne baisse quede 2,5%, à 1,7milliard. Le groupe aégalement bénéficié du succès dufilm Intouchables, dont sa filialeTF1vidéoacommercialisélesDVD.

«Alliance stratégique»TF1 a cédé, fin 2012, 20% de sa

chaîne Eurosport au géant améri-cain Discovery pour 170millionsd’euros ; une «alliance stratégi-que», selon TF1, qui permettra à lachaîne sportive de profiter duréseautrèsdensedeDiscovery,dis-tribué dans 217pays. L’accord pré-voit la possibilité pour Discoveryd’acquérir jusqu’à 51% du capitald’ici à 2015.

M.Paolini s’est félicité des bonsrésultats d’audience au secondsemestre 2012. «Nous avons euune première période compliquéependant l’élection présidentielle,mais les émissions politiques nesontpasnotrespécialité,a-t-ilcom-

menté. Dès septembre et jusqu’àaujourd’hui, nous avons reconquisle terrain perdu. » En janvier,l’audience de TF1 a augmenté de1%, tandis que celle deM6abaisséde 1,1%.

LePDGdeTF1se féliciteaussidusuccèsdujournalde20heurespré-senté par Gilles Bouleau. «L’écartavec France2 se situe en moyenneautour de 2millions de téléspecta-teurs, avec des pointes à 3millions.Làencore, lapériodechaudedupre-mier semestre 2012, quand il n’yavait que 600000téléspectateursd’écart en moyenne, est derrièrenous.»

Le groupe TF1 prévoit cepen-dant une baisse de 3% de son chif-fre d’affaires en 2013, alors que lesanalystes tablaient sur un reculde1%.«Lavisibilitén’ajamaisétéaus-si faible sur le marché publicitai-re», constateAndreaBeneventi,dela sociétéde gestionCheuvreux.

En conséquence, le groupeaudiovisuel détenu par Bouyguesa décidé d’«accélérer la phaseII deson plan d’optimisation». Autre-ment dit, le coût de la grille, quis’élevait à 935,5millions d’eurosen 2012, sera ramené à 900mil-lionsd’euros en 2013.p

XavierTernisien

2009 2010 2011 2012

2009 2010 2011 2012

44,845,5 45,3

43,5

7,89

5 5,5 5,7 5,8

France

Restedu monde

Espagne

Pologne

49,2%

34%

9%

7,8%

%

11,512,1

12,713,4

Le marché français génère près de la moitié des revenus de l’opérateur historique

SOURCES : SOCIÉTÉ ; BLOOMBERG

CHIFFRE D’AFFAIRES CONSOLIDÉ DE FRANCE TÉLÉCOM,en milliards d’euros

INVESTISSEMENTS DE FRANCE TÉLÉCOM,en milliards d’euros,

RÉPARTITION DU CHIFFRE D’AFFAIRES 2012

COURS DE L’ACTION FRANCE TÉLÉCOM À LABOURSE DE PARIS,en euros

En pourcentage du chiffre d’affaires, hors coût des licences

50

5

40

45

10

15

20

25

1er avril 2007 2009 2011 20 févr. 2013

Erwan,futurdernierfonctionnairedel’opérateur

L a crise qui sévit en Europe etla pression exercée par l’arri-vée sur lemarché françaisdu

téléphonemobilede FreeontpesésurlescomptesdeFranceTélécom-Orangeen2012.L’opérateura indi-qué, mercredi 20février, que sonchiffred’affairesareculéde2,7%,à43,5milliardsd’euros(basecompa-rable) et que son bénéfice net partdu groupe a été divisé par près decinq, à 820millionsd’euros. L’opé-rateur de télécommunicationsdépend pour près de la moitié desesrevenusdumarchéhexagonal,et pour les deux tiers de l’Europe.

En France, l’arrivée des offres«low cost» de Free Mobile, début2012, l’ont obligé, comme lesautres opérateurs «historiques»,à sacrifier sesprixpouréviter l’hé-morragie: lesventesdel’ex-mono-pole ont reculéde 5%.

En Belgique et surtout en Polo-gne, troisième filiale par ordred’importance, France Telecom aaussi souffert. «L’environnementy est au moins aussi concurrentielque dans l’Hexagone», a soulignéGervais Pellissier, directeur finan-cier,mercredi.

Continuer à investirFranceTélécomlimite la casse–

étonnamment, vu la crise écono-miquequiysévit–grâceàsa filialeespagnole, qui tire parti du fortdéveloppement des offres d’accèsà Internet «triple play» (Internet,téléphone, télévision).

EnzoneAfrique-Moyen-Orient,France Télécoma gagné 7millionsde clients en 2012. Son chiffre d’af-faires y a progressé de 5%, grâcenotammentà la filiale ivoirienne.

Pour 2013, les perspectivesn’ont rien d’enthousiasmantes.«LasituationenEuroperesteradif-ficile et, en France, la guerre desprix dans le mobile va continuerau-delàdecequenouspensions», areconnuM.Pellissier. De fait, dansl’Hexagone, l’opérateur va devoircontinuer à investir fortementpour construire ses « réseaux du

futur»: la fibre optique, pour l’ac-cès à l’Internet à très haut débitdepuis une ligne fixe, et la «4G»,pourletrèshautdébitsurlesmobi-les. En 2012, France Telecom adépenséplusde300millionsd’eu-ros dans cesdeux technologies.

C’est, selon tous les experts dusecteur, le seulmoyen de fidéliserses clients. Cela ne permettra pas

forcément de gagner davantaged’argent. Il n’est pas sûr, en effet,quelesprixpuissentêtrerevusàlahausse: SFR, le deuxième opéra-teur du marché français, a affoléses pairs, il y a quelques semaines,en proposant ses nouvelles offres«4G»aumêmeprix que la «3G».

Il y a bien des perspectives decroissanceenAfrique, zone laplus

dynamique au monde pour lestélécoms. Stéphane Richard, lePDG de France Télécom, en a faitl’une de ses priorités. L’opérateury est solidement implanté, sur-tout enAfriquenoire.Mais ce sontdesmarchés difficiles: concurren-tiels et instables politiquement.

Et l’heure n’est pas vraimentauxgrossesacquisitions.M.Pellis-

sier, l’a rappelé mercredi. C’est enpartiepourcetteraisonqu’enAfri-que, France Télécom développeune activité d’opérateur mobilevirtuel (sans réseau). Il vient de selancerde cettemanière enAfriqueduSudet auTogo.

L’heure est plutôt aux écono-mies : le groupe veut accélérer lepartage d’infrastructures dans sesdifférentesfilialespour limitersesinvestissements. En Pologne, il vasupprimer1700postesen2013.EnFrance, la direction compte sur lesdéparts à la retraite massifs defonctionnairesdanslesannéesquiviennent. Et sur son plan«senior», qui vient d’être signéaveclessyndicatset inciterafinan-cièrement les plus anciensàpartiravant l’âge légal.

Dans ce contexte, le parcoursboursier de France Télécom a peudechancesdes’améliorer.L’actionde l’opérateur a signé la plusmau-vaise performance du CAC40 en2012, et se traite à moins de8euros. Les analystes ne se fontpas d’illusion: leur «consensus»voit l’action aux alentours de9,4eurosdansdouzemois.

Dans une note du 31 janvier, lesanalystes de JPMorgan craignentmême que le dividende, qui estdéjà passé de 1,40euro à 0,80europartitre,baisseà0,50eurodanslesprochainesannées.

Pour l’instant, le niveau de l’ac-tion ne semble pas handicaperl’opérateur. Endetté à plus de30milliards d’euros, ses échéan-ces de remboursement sont éta-lées dans le temps. Il dispose de16milliards de liquidités etemprunte à pas cher sur les mar-chés (à 2,5%, lors d’une émissionobligataire, en septembre2012).

Parcontre,celafaitmalauxcais-ses de l’Etat, qui possède environ27% du capital, dont 13,7% via leFonds stratégique d’investisse-ment (FSI). Compte tenude la chu-tede lavalorisationde l’opérateur,la Caisse des dépôts, actionnairedu FSI, va devoir passer une fortedépréciationdans ses comptes.

«Les politiques doivent prendreleurs responsabilités. Ils ont vouluune quatrième licence de télépho-niemobileenFrance?Onnerécolteque ce qu’on a semé», assène unbanquier d’affaires, très introduitdans le milieu français des télé-coms.Mercredi, à l’ouverturede laBourse, l’action France Télécométait en légèrehausse.p

CécileDucourtieux

L ’esprit d’entreprise, je le tiensde mon père. Mon goût pourl’art, de ma mère.» L’esprit

paternelest respecté: cofondateur,en juin2000,avecOlivierDuha,deWebhelp,unesociétéàl’originespé-cialisée dans des solutions derecherchesurInternet,bientôtélar-gieà la créationdecentresd’appelstéléphoniques, Frédéric Jousset aannoncé, avec son associé, mardi19février, avoir racheté la filialeanglaise de HEROtsc, qui œuvredans lemêmesecteurd’activité.

Conséquence, la surface de lasociété augmente de près de moi-tié : de 24centres d’appels répartisen Europe (Belgique, France, Rou-manie)etenAfriqueduNord(Algé-rie etMaroc), dégageant un chiffred’affairesde220millionsd’eurosetemployant 10500 salariés, Web-help passe à 33 centres d’appels et16500employés.

De quoi confirmer le choix del’hebdomadaire américain Busi-ness Week qui, en 2009, leur avaitdécerné le prix de « la plus grandecréationd’emplois en Europe» et lapertinence du prix Fast 50, qui lesavait récompensés, la même

année, pour une performance peucommune: en cinq ans, l’entrepri-seavaiteneffetconnuunecroissan-cede675%…

Côtématernel,M.Jousset, grandgarçonde42ansadeptedel’alpinis-meetdequelquessportsextrêmes,estunbonfilsaussi.Samère,Marie-Laure Jousset, adirigé, à partir de1988, le département du design auMnam-CCI, leMuséenational d’artmoderne au Centre Pompidou. Onlui doit de grandes expositionsconsacrées àEttore Sottsass, Ray-mondLoewyouPhilippeStarck.

«Image demarque»« J’ai beaucoup appris de son

pragmatisme, dit-il. Comme sonbudget étaitmaigre, elle contactaitles entreprises, leur demandait sielles aimeraient que la machineàécrire qu’elles fabriquaient, parexemple, soit exposéeàBeaubourg.Une grande partie de la collectionaété faiteainsi.»

Est-ceensouvenirdecettediset-te que la sociétéWebhelp a contri-bué, en 2008– àhauteurde 1,5mil-lion d’euros sur 17millions –,à l’achat de LaFuite en Egypte, de

Nicolas Poussin (1594-1665), par leMuséedeLyon?

Et versé un autre million, surcinqans, auMuséeduLouvrepourinitierdes conférencesdans lespri-sons, créer un site Internet destinéaux enfants ou encore contribuerau financement de chantiersarchéologiques au Soudan? Unautremillionencorepourencoura-ger des actions en faveurdupublic«empêché», personnes âgées ouhandicapées? Ou alors, ainsi qu’ille déclarait au Monde (12 janvier2013), parce que, «de tout temps,être protecteur des arts est unefaçon d’améliorer son image demarque…».

A titre personnel, Frédéric Jous-setcollectionneplutôtl’artcontem-porain,deRichardPrinceàDamienHirst en passant par Anish KapoorouAdelAbdessemed.C’estunedou-blepassionqui leconduitàêtreà lafoismembredelacommissiond’ac-quisition du Musée du Louvre et,depuis l’année 2011, président duconseild’administrationde lamai-sond’enface,l’Ecolenationalesupé-rieuredesbeaux-arts.p

HarryBellet

TF1pâtitdelachutedumarchépublicitaireLegroupevaaccélérer leplanderéductionducoûtdesagrille

LesbénéficesdeFranceTélécomdivisésparprèsdecinqL’opérateurdetélécommunications estimeque2013seradifficile, citant lasituationde l’économieet lapoursuitede laguerredesprix

C’ESTUNCHANGEMENTsociolo-giqueprofondqui s’amorce chezFranceTélécom. En 2020, l’opéra-teurde télécommunications,encore à 27%propriétéde l’Etat,ne comptera quasimentplus defonctionnairesen France.

Cettepopulation,héritagedustatutd’ex-monopoleet qui repré-sente60%des effectifs de l’activi-téhexagonale (100000person-nes), va fondre rapidement avecle départ en retraitedes grossescohortes recrutées entre1975 et1980, auplus fort dudéploiementdu réseau fixe de téléphone.

Seuls quelques agentspublics

resteront au seindugroupe. Ceuxembauchés aumilieudes années1990, aumomentdu changementde statut de France Télécom.ErwanLe Bellec fera partie deceux-là. A 41ans, basé à Rennes, ilest l’undes tout derniers fonction-naires – et l’undes plus jeunes – àavoir été recruté.

«Evalués de lamême façon»«J’ai passé le concours en 1997,

dernièreannée où il y avait encoredes recrutements avec ce statut,rappelle-t-il.Onétait 1000, il yavait cinqplaces de technico-com-mercial.Quand je suis arrivé, le

jour de l’épreuve, je ne savaismêmepas que c’était pourunpos-te de fonctionnaire!»

LeBreton, qui a eu la chanced’être recruté dans sa régionnata-le et denepas enbouger jusqu’àaujourd’hui, présenteunprofilunpeu atypique. En tout cas pascelui du fonctionnaireauquel onpourrait s’attendre, attaché auxvaleurs de service public. «A l’épo-que, onparlait de l’arrivée de laconcurrence, c’est unpeu cela quimemotivait», explique-t-il.

Il a alors 25ans et unBTS enpoche. C’est sonpremiervraiemploi.Un joli début de carrière

s’ensuit: commercial pour lesPMEdans la brancheEntreprises.«Oncommençait tout juste à par-ler d’Internet, çan’intéressait pasbeaucoup les clients.»

Il passe ensuite auxgrossesPME régionales.Aujourd’hui, ilest responsabledes achats et gèreunepetite équipe. Il négocie l’ac-quisitionen grosdematériel devidéoconférence,pour les reven-dre ensuite aux entreprises.

La crise des suicides, en 2009?ErwanLe Bellec assure n’avoir pasété touché: «je n’avaispas de collè-gue en souffrance,mais je peuxcomprendre lemalaise de ceux

qui, plus âgés, ont dû changer demétier, vivre unemutation, unefermeturede site.»

Lui, a sansdouteaussi étépré-servéparcequ’il travaille surunsegment (les entreprises)moinsconcurrentielque l’activité grandpublic. En interne, il assurequesonstatutne lui a jamaisposépro-blème: «Nous sommesévaluésdelamêmefaçonque les contratsdedroitprivé. C’est vrai quec’estconfortable,avec la sécuritéde l’em-ploi.Mais on leperdrapeut-êtreunjour. Enfin, pas toutde suite: onestencore tropnombreux.»p

C.Du.

16 0123Jeudi 21 février 2013

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