1
Tribunal administratif N° 35934 et 37849 du rôle
du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 2 mars 2015 et le
3e chambre 29 avril 2016
Audience publique du 14 juin 2017
Recours formés par
la société anonyme ... s.a.
contre des bulletins d’impôt, ainsi qu’une décision du directeur des Contributions directes,
en matière d’impôt sur le revenu
________________________________________________________________________
JUGEMENT
I.
Vu la requête inscrite sous le numéro 35934 du rôle et déposée le 2 mars 2015 au greffe
du tribunal administratif par Maître Alain STEICHEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de
l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme ... s.a., établie et ayant son
siège social à L-…, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le
numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à la
réformation, des bulletins d’établissement de la valeur unitaire au 1er
janvier 2011 et au 1er
janvier 2012, ainsi que des bulletins de l’impôt sur la fortune des années 2011 et 2012, tous émis
en date du 18 septembre 2013 sur base du § 100a(1) de la loi générale des impôts du 22 mai
1931 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal
administratif en date du 1er
juin 2015 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 1er
juillet 2015
par Maître Alain STEICHEN au nom de la société anonyme ... s.a. ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal
administratif en date du 30 juillet 2015 ;
II.
Vu la requête inscrite sous le numéro 37849 du rôle et déposée au greffe du tribunal
administratif en date du 29 avril 2016 par Maître Alain STEICHEN, au nom de la société
anonyme ... s.a., préqualifiée, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à
l’annulation, d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 16
mars 2016 rejetant comme non fondée sa réclamation dirigée contre les bulletins d’établissement
de la valeur unitaire au 1er
janvier 2011 et au 1er
janvier 2012, ainsi que les bulletins de l’impôt
sur la fortune des années 2011 et 2012, tous émis en date du 1er
avril 2015 ;
2
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal
administratif en date du 26 juillet 2016 ;
Vu le mémoire en réplique de Maître Alain STEICHEN, déposé au greffe du tribunal
administratif en date du 17 octobre 2016 au nom et pour le compte de la société anonyme ... s.a. ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal
administratif en date du 16 novembre 2016 ;
I.-II.
Vu les pièces versées au dossier et notamment les bulletins attaqués et la décision
entreprise ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Pol MELLINA, en
remplacement Maître Alain STEICHEN, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Lou
THILL en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 avril 2017.
______________________________________________________________________________
En date du 18 septembre 2013, le bureau d’imposition, ..., de l’administration des
Contribution directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit, sur le fondement du
§ 100a (1) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé
« AO », les bulletins d’établissement de la valeur unitaire au 1er
janvier 2011 et au 1er
janvier
2012, ainsi que le bulletin de l’impôt sur la fortune pour les mêmes années à l’égard de la société
anonyme ... s.a., ci-après désignée par « la société ... », le bureau d’imposition ayant retenu une
valeur unitaire au 1er
janvier 2011 de …,- euros et de …,- euros au 1er
janvier 2012, ainsi qu’un
impôt sur la fortune de …,- euros pour l’année 2011 et de …,- euros pour l’année 2012.
Par courrier de son comptable du 18 novembre 2013, la société ... s’adressa au préposé du
bureau d’imposition en expliquant que « l’organe de gestion en date du 20/12/2010, en vue de
l’impératif besoin de changer le régime fiscal de la société conformément à la loi sur l’abolition
des sociétés Holding 29, avait pris la décision d’affecter ces résultats en « compte d’attente
d’affectation ». Cependant, en date du 31/12/210, suite au changement du régime fiscal de
Société Holding 29 en Soparfi, cette régularisation a été omise dans les écritures comptables de
clôture » et elle sollicita la modification des bulletins conformément aux déclarations
rectificatives qui furent annexées audit courrier.
Après s’être vue opposer un refus à sa demande de rectification des bulletins en question,
la société ... adressa, en date du 18 décembre 2013, une réclamation au directeur de
l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur ».
Le directeur n’ayant pas pris position dans le délai lui imparti, la société ... a fait
introduire un recours tendant à la réformation des bulletins d’établissement de la valeur unitaire
au 1er
janvier 2011 et au 1er
janvier 2012, ainsi que des bulletins de l’impôt sur la fortune des
années 2011 à 2012, tels qu’ils furent émis en date du 18 septembre 2013.
3
Le 1er
avril 2015, le bureau d’imposition émit, à l’égard de la société ..., les bulletins
définitifs d’établissement de la valeur unitaire au 1er
janvier 2011 et au 1er
janvier 2012, ainsi que
les bulletins définitifs de l’impôt sur la fortune pour les mêmes années.
Par courrier recommandé de son mandataire du 29 juin 2015, la société ... adressa une
réclamation contre les prédits bulletins d’impôts définitifs au directeur.
Par décision du 16 mars 2016, référencée sous le numéro du rôle …, le directeur rejeta la
réclamation ainsi introduite, décision libellée comme suit :
« […] Vu la requête introduite le 30 juin 2015 par Me Alain Steichen, au nom de la
société anonyme ..., avec siège social à L-…, pour réclamer contre les bulletins de la valeur
unitaire de la fortune d’exploitation au 1er
janvier 2011 et au 1er
janvier 2012, ainsi que contre
les bulletins de l’impôt sur la fortune des années 2011 et 2012, tous émis le 1er
avril 2015 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu les paragraphes 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;
Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit dans les forme et
délai de la loi ; qu’elles sont partant recevables ;
Considérant que la réclamante conteste les bulletins litigieux et demande d’émettre de
nouveaux bulletins sur base de déclarations rectificatives remises en matière de l’impôt sur la
fortune ;
Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite
déclenche d’office un réexamen intégral de la cause sans égard aux moyens et conclusions du
requérant, la loi d’impôt étant d’ordre public ;
qu’à cet égard le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-
fondé ;
En ce qui concerne les bulletins de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er
janvier 2011 et au 1er
janvier 2012
Considérant que la réclamante entend déduire un montant de … euros comme dette
d’exploitation ;
que ce montant concernerait un poste passif intitulé « Result to be affected » s’élevant à
chaque fois … euros à la date-clé au 1er
janvier 2011 et au 1er
janvier 2012 ;
Considérant qu’il résulte du dossier fiscal que le bureau d’imposition, en établissant les
dettes d’exploitation, n’a pas tenu compte du « Result to be affected » s’élevant à chaque fois à
… euros à la date-clé au 1er
janvier 2011 et au 1er
janvier 2012 ;
4
Considérant que la requérante renvoie aux paragraphes 73 à 77 BewG et fait valoir qu’
« Il est constant qu’en principe, le bénéfice d’une société n’a que deux affectation[s] possibles :
soit, il reste au sein de la société et sert à son autofinancement – il est alors affecté en réserves
ou en report à nouveau – soit il est distribué aux actionnaires. Le report à nouveau et les
réserves sont incontestablement à considérer comme faisant partie des capitaux propres de la
société. En revanche, dès lors qu’une décision de distribution aux actionnaires est prise, les
montants en question doivent être qualifiés de dette de la société envers ses actionnaires. La
décision relative à l’affectation du résultat n’intervient en principe qu’au moment de l’assemblée
générale d’approbation des comptes, qui a généralement lieu plusieurs mois après la clôture de
l’exercice. Ainsi, « le bilan à la clôture de l’exercice doit montrer le résultat tel qu’il se
comporte avant cette décision d’affectation ». Le principe selon lequel l’assemblée générale
seule est habilitée à décider d’une distribution de bénéfices doit être nuancé : pour les sociétés
anonymes, la loi prévoit la possibilité d’un dividende intérimaire (ou « acompte sur
dividendes »). L’organe compétent pour décider du versement d’un tel dividende intérimaire est
l’organe de gestion (le conseil d’administration) et non pas l’assemblée générale. En l’espèce,
l’intitulé du poste de bilan litigieux pourrait suggérer que les bénéfices en question n’ont pas
encore fait l’objet d’une affectation définitive. Tel n’est en revanche pas le cas. En effet, le
Conseil d’administration de la Société a décidé par résolution (Annexe 7) « (to) adopt and
approve the Resolution of distribution of an interim dividend for the purpose of change of the tax
status from « Holding 1929 » to « Soparfi », as follow – « Acomptes sur dividendes répartis en
instance d’affectation » ». Ce processus de distribution d’acomptes sur dividendes est prévu
dans statuts (sic) de la Société, qui stipulent que « the Board of Directors may proceed to pay
installments on dividends under the conditions foreseen by law (article 8 des statuts coordonnés
de la Société, Annexe 8) Même si l’intitulé du poste de bilan litigieux pourrait éventuellement
induire en erreur il convient de conclure d’après ce qui précède, qu’il recouvre une distribution
de dividendes intermédiaires valablement décidée par le Conseil d’administration de la Société.
Il en résulte donc que le montant en question est à considérer, comptablement et fiscalement,
comme dette envers les actionnaires de la Société » ;
Considérant que la valeur totale d’une entreprise commerciale est obtenue par la somme
totale de toutes les valeurs individuelles des biens susceptibles d’évaluation diminuée par les
dettes et les provisions de l’entreprise (paragraphes 62 et 66 de la loi sur l’évaluation des biens
et valeurs) ;
Considérant que les dettes d’exploitation telles que définies au paragraphe 62 de la loi
sur l’évaluation des biens et valeurs (BewG) sont celles qui sont en rapport économique avec
l’entreprise commerciale ou avec des parties de cette entreprise ;
Considérant qu’en matière fiscale, la notion de dettes d’exploitation comprend
l’ensemble des obligations de l’entreprise envers les tiers ;
Considérant que la requérante a exposé que le montant litigieux représenterait un
dividende intérimaire à verser aux actionnaires ;
Considérant qu’il ressort du dossier fiscal que la réclamante a été créée en 1992 sous le
statut d’une société holding 1929 ;
5
que suite à l’abandon du régime fiscal des sociétés holding 1929, la réclamante a changé
son objet social au cours de l’année 2010 ;
Considérant cependant qu’en droit commercial, la distribution d’acomptes de dividendes
ou de dividendes intérimaires est subordonnée à un certain nombre de conditions ;
Considérant que l’article 72-2 de la loi modifiée du 10 août 1915 sur les sociétés
commerciales (LSC) relatif aux versements d’acomptes subordonne la distribution de tels
acomptes, en dehors de la condition d’autorisation de la distribution de ceux-ci par les statuts, à
un certain nombre de conditions ;
Considérant que la réclamante entend modifier ses comptes annuels des années 2010 et
2011 par l’inscription au passif d’une « dette » d’un montant de … euros intitulé[e] « Result to
be affected » à un compte de la classe 451 (Dettes envers des entreprises liées) ;
Considérant qu’il y a lieu de relever que les comptes annuels de l’année 2010 déposés au
registre de commerce et des sociétés en date du 20 novembre 2011 ne tiennent pas compte de
cette « dette » ; que des comptes rectificatifs n’ont jamais été déposés au registre de commerce
et des sociétés ;
Considérant encore que l’intitulé de la « dette » que la requérante entend déduire de sa
fortune imposable, i.e. « Result to be affected » ou autrement dit « résultat en attente
d’affectation » est en contradiction avec l’allégation de la réclamante qu’il s’agissait d’un
acompte sur dividendes ;
Considérant que d’une manière générale, les acomptes sur dividendes sont versés aux
actionnaires avant la clôture de l’exercice social ;
que les acomptes de dividendes se décomposent d’une part, du montant des résultats
réalisés depuis la fin du dernier exercice dont les comptes annuels ont été approuvés et, d’autre
part, des bénéfices reportés ainsi que des prélèvements effectués sur les réserves disponibles à
cet effet (article 72-2, lettre b) LSC) ;
Considérant qu’il n’est pas clair comment une dette en relation avec un même acompte
sur dividendes, en l’occurrence un même montant de … euros, pourrait faire partie de l’actif net
investi à deux dates de clôture différentes, i.e. aux dates-clé du 1er
janvier 2011 et du 1er
janvier
2012 ;
Considérant que les résultats reportés au 1er
janvier 2010 s’élèvent à … euros ;
Qu’il est dès lors évident que le montant de la « dette » de … euros ne se rapporte pas au
résultat réalisé los de l’exercice courant, mais aux résultats reportés aux exercices antérieurs ;
Considérant qu’en l’espèce, la réclamante entend diminuer sa fortune imposable par la
mise en compte d’un montant de … euros se rapportant à des résultats reportés qui n’ont pas
encore été affectés définitivement ;
6
Considérant qu’il n’est pas litigieux que le bénéfice net d’un exercice antérieur constitue
à la date d’évaluation un élément faisant partie de la fortune d’exploitation ;
qu’il est indifférent si ce bénéfice est ultérieurement distribué aux actionnaires ;
que le droit des actionnaires aux distributions de bénéfices ne représente une charge
déductible pour la société qu’à partir du jour de la décision de l’assemblée générale des
actionnaires de procéder à la répartition ;
Considérant qu’en l’occurrence, la réclamante reste en défaut de fournir des moyens de
preuve concluants quant à l’existence effective d’une dette à la date-clé de fixation ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que c’est à bon droit que le bureau
d’imposition n’a pas admis en déduction le montant de … euros de la fortune imposable ;
En ce qui concerne les bulletins de l’impôt sur la fortune des années 2011 et 2012
Considérant, qu’en matière de principe, que la valeur unitaire de la fortune
d’exploitation a été établie séparément dans le chef de la réclamante en vertu du § 214, n°1 AO
et que le bulletin de l’impôt sur la fortune repose justement sur le bulletin de fixation de la
valeur unitaire de la fortune d’exploitation établie au 1er
janvier de l’année 2011 et au 1er
janvier de l’année 2012 ;
Considérant qu’une imposition qui est assise en tout ou en partie sur des bases fixées par
établissement séparé ne peut être attaquée pour le motif que ces bases d’imposition seraient
inexactes ;
Qu’une telle réclamation ne peut être formée que contre le bulletin portant établissement
séparé, en l’espèce, contre le bulletin de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation (§ 232,
alinéa 2 AO) ;
Considérant que si le bulletin d’établissement séparé a fait l’objet d’une réclamation, sa
réformation entraîne d’office un redressement du bulletin d’impôt établi sur base dudit bulletin
d’établissement séparé (§218, alinéa 4 AO) ;
PAR CES MOTIFS
reçoit les réclamations en la forme,
les rejette comme non fondées. ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 avril 2016, la société
... a déposé un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à
l’annulation de la décision du directeur précitée du 16 mars 2016.
Conformément aux dispositions combinées du § 228 AO, et de l’article 8 (3) de la loi
modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le
tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond en la présente matière.
7
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation dirigé
contre la décision directoriale du 16 mars 2016.
Dans la mesure où les deux recours en réformation sous analyse sont intimement liés
pour considérer les mêmes parties et les mêmes années fiscales, il est dans l’intérêt d’une bonne
administration de la justice de faire droit à la demande de jonction telle que formulée par la
société demanderesse et partant de joindre les deux rôles et d’y statuer par un jugement unique.
Quant au recours introduit sous le numéro 35934
Dans son mémoire en réponse, la partie étatique conclut à l’irrecevabilité dudit recours en
donnant à considérer qu’il aurait pour objet des bulletins émis conformément au § 100a AO,
c’est-à-dire de bulletins provisoires. Dans la mesure où le bureau d’imposition compétent aurait
émis les bulletins d’imposition définitifs en date du 1er
avril 2015, le recours inscrit sous le
numéro 35934 serait entretemps devenu sans objet.
La demanderesse entend résister au moyen d’irrecevabilité lui ainsi opposé en arguant en
premier lieu que la voie de la réclamation contentieuse prévue au § 228 AO serait ouverte tant à
l’encontre d’un bulletin d’impôt définitif, qu’à l’encontre d’un bulletin d’impôt provisoire émis
sur base du § 100a AO, alors que le § 228 ferait référence aussi bien aux bulletins au sens du
§ 211 AO qu’aux décisions visées au § 212 AO. Dans la mesure où le directeur n’aurait pas pris
position en ce qui concerne sa réclamation introduite contre les bulletins provisoires, il lui aurait
été possible d’introduire un recours devant le tribunal administratif, recours qui serait recevable
ab initio.
En se prévalant de la « théorie de la décision confirmative », la demanderesse fait plaider
que l’émission postérieure de bulletins définitifs n’aurait pas d’effet sur la recevabilité du recours
dirigé contre les seuls bulletins provisoires. Elle donne plus particulièrement à considérer qu’en
présence de deux décisions administratives identiques, dont la seconde ne ferait que confirmer la
première, il serait de jurisprudence constante que ce serait la première décision qui ferait courir
les délais de recours, et elle en conclut qu’a fortiori un recours dirigé contre la seule décision
initiale ne saurait être déclaré irrecevable pour l’unique motif qu’une décision confirmative serait
intervenue par la suite. Dans la mesure où en l’espèce, les bulletins d’impôt définitifs ne feraient
que confirmer les bulletins d’impôt provisoires, le recours introduit contre ces derniers
demeurerait recevable.
Il est constant en cause que l’objet du recours inscrit sous le numéro 35934 du rôle,
lequel est constitué par le résultat que la partie demanderesse entend obtenir1, consiste en la
réformation des bulletins d’établissement de la valeur unitaire au 1er
janvier 2011 et au 1er
janvier
2012, ainsi que des bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2011 et 2012, tous émis en date
du 18 septembre 2013 sur base du § 100a point (1) AO, aux termes duquel : « (1) Le bureau
d’imposition peut, sous réserve d’un contrôle ultérieur, fixer l’impôt en tenant compte de la seule
déclaration d’impôt. Et ceci sans qu’il n’y ait lieu d’indiquer les motifs ».
1 Trib. adm. 6 mai 2015, n°34621 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Procédure contentieuse, n° 306 et les autres références
y citées.
8
Il convient ensuite de relever que le § 100a point (1) AO précité permet le système de
l’imposition suivant déclaration, dont l’objectif principal est l’accélération et la dynamisation de
la procédure d’imposition2. Le bureau d’imposition peut ainsi fixer l’impôt sur base de la seule
déclaration du contribuable, et en l’absence de l’examen intégral du cas d’imposition; il se
réserve le droit de procéder ultérieurement à l’instruction et au contrôle du dossier, mais sans
pour autant y être obligé.
Les bulletins d’impôt émis sur base du § 100a AO revêtent dès lors un caractère
provisoire en ce sens que l’imposition y retenue peut être modifiée ultérieurement suite à une
instruction plus approfondie du dossier du contribuable telle que prévue au point (1) précité du §
100a AO.
Ainsi, suite à un tel contrôle ultérieur, le bureau d’imposition émet des bulletins d’impôt
définitifs au sens du § 210 AO, lequel dispose que « Nach Abschluss seiner Ermittlungen setzt
das Finanzamt durch Steuerbescheid die Steuer fest […] », bulletins dont le contenu peut soit
être identique à celui des bulletins provisoires, soit varier par rapport à ce même contenu.
Conformément au point (2) du § 108a AO : « L’émission d’un bulletin d’impôt au sens du
§ 210 comporte la levée de la réserve d’un contrôle ultérieur ».
Au cas où le bureau d’imposition n’a pas recours à un contrôle approfondi ultérieur,
l’imposition retenue au niveau des bulletins d’impôt provisoires devient automatiquement
définitive au bout de cinq ans, le § 100a AO disposant en effet sous son point (3) que : « Avec
l’expiration du délai de prescription de cinq ans, la réserve du contrôle ultérieur devient
caduque et la fixation de l’impôt devient définitive […] ».
Il est constant en cause qu’en l’espèce, le bureau d’imposition a fait usage de la réserve
de contrôle ultérieur expressément mentionnée sur les bulletins d’impôt provisoires et a émis, en
date du 1er
avril 2015, les bulletins d’établissement de la valeur unitaire au 1er
janvier 2011 et au
1er
janvier 2012 définitifs, ainsi que les bulletins d’impôts sur la fortune définitifs pour les années
2011 et 2012.
Même si l’imposition retenue au niveau des bulletins définitifs est en l’espèce, comme
l’affirme à juste titre la demanderesse, identique à celle retenue au niveau des bulletins
provisoires, les bulletins d’impôt définitifs ne sont toutefois pas à assimiler à une décision
purement confirmative au sens du droit administratif, lequel n’a en effet pas vocation à
s’appliquer en l’espèce, étant rappelé à cet égard que la reconnaissance expresse, par le
législateur, de l’applicabilité exclusive de l’AO. en matière d’impôt directs empêche
nécessairement le recours à des règles du droit administratif général relativement à toutes les
questions qui sont régies par des dispositions spécifiques de l’AO.3, comme celles relevant du §
100a AO.
2 Avis du Conseil économique et social du 27 novembre 2015, Analyse des données fiscales au Luxembourg, page
18 3 Voir en ce sens Cour adm. 29 octobre 2009 n°25768C du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n°525 et les autres
références y citées.
9
Les bulletins émis le 1er
avril 2015 à l’égard de la demanderesse ne sont dès lors pas à
qualifier, comme l’affirme la demanderesse, de décisions purement confirmatives au sens du
droit administratif, décisions qui ne peuvent d’ailleurs intervenir que sur recours gracieux, mais
de bulletins d’impôt nouveaux définitifs au sens du § 210 AO, émis dans le cadre de la procédure
d’imposition spécifique prévue au § 100a AO précité.
Conformément au point (2) du § 100a AO, lesdits bulletins d’impôt définitifs comportent
la levée de la réserve d’un contrôle ultérieur et remplacent les bulletins d’impôt provisoires, émis
sur base de la seule déclaration d’impôt de la demanderesse et ce indépendamment de la question
de savoir si le contrôle ultérieur ainsi effectué a abouti à une imposition différente ou non de
celle retenue au niveau des bulletins d’impôt provisoires.
Par conséquent, l’objet du recours introduit sous le numéro 35934 du rôle, qui a certes
existé au moment de son introduction, n’a pas subsisté jusqu’au prononcé du jugement mais a
disparu du fait de l’émission des bulletins d’impôt au sens du § 210 AO.
C’est dès lors à juste titre que le délégué du gouvernement a fait plaider que le recours
sous analyse a perdu son objet au cours de la procédure contentieuse, de sorte qu’il est à déclarer
irrecevable.
Quant recours introduit sous le numéro 37849
Le recours introduit sous le numéro 37849 est quant à lui recevable pour avoir été
introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours et en fait, la demanderesse après avoir rappelé les faits et
rétroactes à la base de la décision directoriale litigieuse, donne à considérer que la question
centrale en l'espèce serait celle de savoir si, pour les besoins de l'assiette de l'impôt sur la fortune,
le poste de bilan 45100 intitulé « Result to be affected » doit être considéré comme dette ou
comme faisant partie de ses capitaux propres.
A cet égard, elle fait plaider que si le report à nouveau et les réserves d’une société
seraient à considérer comme faisant partie des capitaux propres de celle-ci, il n’en resterait pas
moins que pour les cas où une décision de distribution aux actionnaires serait prise, les montants
en question devraient être qualifiés de dette de la société envers ses actionnaires. Elle ajoute
qu’une décision relative à l'affectation du résultat n'interviendrait en principe qu'au moment de
l'assemblée générale d'approbation des comptes, qui aurait généralement lieu plusieurs mois
après la clôture de l'exercice.
Elle fait ensuite plaider que le principe selon lequel l'assemblée générale seule serait
habilitée à décider d'une distribution de dividendes devrait être nuancé, dans la mesure où pour
les sociétés anonymes, la loi prévoirait la possibilité d'un dividende intérimaire et que l'organe
compétent pour décider du versement d'un tel dividende intérimaire serait le conseil
d'administration et non pas l'assemblée générale.
10
Si elle admet qu’en l’espèce l’intitulé du poste de bilan litigieux pourrait éventuellement
induire en erreur en ce qui concerne l’affectation définitive des bénéfices en question, elle donne
cependant à considérer que son conseil d'administration aurait décidé, par résolution, de procéder
à une telle distribution de dividendes intérimaires et elle ajoute qu’un tel processus de
distribution d'acomptes sur dividendes serait prévu dans ses statuts.
La demanderesse estime dès lors que le montant en question serait à considérer,
comptablement et fiscalement, comme dette envers ses actionnaires.
Elle fait encore plaider que contrairement aux conclusions du directeur, le dépôt ou non
de comptes annuels rectificatifs auprès du registre de commerce et des sociétés de Luxembourg
ne serait pas pertinent en matière d'évaluation de la valeur unitaire servant de base au calcul de
l'impôt sur la fortune, alors que le principe d'accrochement du bilan fiscal au bilan comptable,
n’existerait pas en matière d'impôt sur la fortune.
Ce serait en effet la notion de « Gesamtvermögen», qui importerait pour les besoins de la
détermination de la base imposable à l'impôt sur la fortune. Or, les dispositions de la loi sur
l'évaluation des biens et valeurs du 16 octobre 1934 (Bewertungsgesetz), ci-après désignée par
« BewG » tenant à la détermination du « Gesamtvermögen » respectivement du
« Betriebsvermögen » en tant que composante du « Gesamtvermögen » n'obligeraient pas le
contribuable à se baser sur les comptes annuels, de sorte que la question du dépôt ou non au
registre de commerce ne saurait pas non plus être pertinente.
Elle ajoute qu’en tout état de cause, l'intitulé du compte litigieux ne saurait remettre en
cause la réalité économique et la prise en compte pour les besoins de la détermination de
l'assiette de l'impôt sur la fortune de l'opération de distribution du dividende intérimaire,
distribution qui aurait également été documentée par des comptes annuels rectificatifs.
Elle explique encore que le fait qu’une dette en relation avec un même acompte sur
dividendes puisse faire partie de l'actif net investi à deux dates de clôture différentes,
s’expliquerait par la circonstance qu’une fois la distribution du dividende intérimaire décidée par
son conseil d'administration, sa dette envers ses actionnaires aurait pris naissance, dette qui serait
toutefois restée inscrite à son bilan jusqu'au jour où elle se serait trouvée éteinte par
remboursement en numéraire ou en nature. Elle fait ainsi plaider que si un tel remboursement
n'aurait pas lieu à la date de clôture de l'exercice subséquent, la dette continuerait à figurer au
bilan et à faire partie de l'actif net investi.
Quant à la conclusion du directeur qu’une distribution intérimaire de résultats reportés ne
vaudrait pas affectation et qu'une décision de l'assemblée générale aurait été nécessaire pour
qu'une dette envers les actionnaires voie le jour, la demanderesse fait plaider qu’un tel
raisonnement irait à l'encontre des dispositions explicites de l'article 72-2 de la loi modifiée du
10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, ci-après désignée par « la loi du 10 août
1915 », d’après lesquels la compétence en la matière reviendrait au conseil d'administration,
respectivement au directoire, selon le cas. Elle ajoute que tout au plus, la doctrine concevrait
qu'en matière de dividendes intérimaires puisant dans les réserves disponibles ou résultats
reportés, il existerait une compétence concurrente de l'assemblée générale et de l'organe de
11
gestion, compétence concurrente qui n'impliquerait toutefois pas l’intervention obligatoire des
deux organes sociaux.
La demanderesse estime encore que ce raisonnement du directeur irait à l'encontre de la
nature juridique d'un dividende intérimaire, alors que les actionnaires auraient un droit acquis
aux acomptes sur dividendes dès que leur distribution serait décidée par le conseil
d'administration, tout en précisant que la répartition des acomptes relèverait de cet organe et non
de l'assemblée générale.
Dans son mémoire en réponse, la partie étatique fait plaider en premier lieu que la
demanderesse resterait en défaut de fournir des moyens de preuve concluants quant à l’existence
effective d’une dette de …,- euros aux dates-clé de fixation. Elle donne plus particulièrement à
considérer que le document versé par la demanderesse à l’appui de ses prétentions, à savoir une
résolution de son conseil d’administration, manquerait de précision pour valoir comme preuve de
l’existence d’une distribution effective de dividendes intérimaires aux dates-clé des 1er
janvier
2011 et du 1er
janvier 2012.
Elle ajoute que les comptes commerciaux auraient un rôle déterminant en ce qui concerne
la preuve de l’existence de la dette alléguée, et plus particulièrement les comptes commerciaux
arrêtés au 31 décembre 2010 et au 31 décembre 2011, lesquels serviraient de base à l’évaluation
unitaire de la fortune d’exploitation de la demanderesse au 1er
janvier 2011 et au 1er
janvier 2012.
Ce rôle déterminant ressortirait aussi bien des dispositions de la loi sur l’impôt sur la fortune et
de la BewG, que de la loi du 10 août 1915. Ce serait ainsi à tort que la demanderesse se référerait
à des bilans fiscaux, qu’elle présenterait d’ailleurs comme « comptes annules rectificatifs », le
délégué du gouvernement ajoutant que les bilans commerciaux de la demanderesse n’auraient
jamais fait l’objet d’une rectification.
Le délégué du gouvernement soutient encore que la demanderesse resterait en défaut de
rapporter la preuve que les conditions prévues à l’article 72-2 de la loi du 10 août 1915 auraient
été réunies aux dates-clé.
Il fait par ailleurs valoir que les acomptes sur dividendes seraient versés de manière
générale aux actionnaires avant la clôture de l’exercice social, de sorte qu’il ne serait pas clair
comment une dette en relation avec un même acompte sur dividendes pourrait faire partie de
l’actif net investi à deux dates de clôture différentes.
Finalement, le délégué du gouvernement donne à considérer que le bénéfice net d’un
exercice antérieur, tel qu’il ressortirait des comptes annuels, constituerait à la date d’évaluation
un élément faisant partie de la fortune d’exploitation et il serait indifférent si ce bénéfice était
ultérieurement distribué aux actionnaires. Le droit des actionnaires aux distributions de bénéfices
ne représenterait dès lors une charge déductible pour la société qu’à partir du jour de la décision
de l’assemblée générale des actionnaires de procéder à la répartition.
Le délégué du gouvernement conclut dès lors au rejet du recours sous analyse.
12
Dans son mémoire en réplique, la demanderesse fait valoir, qu’en ce qui concerne la
valeur probante des comptes commerciaux, que le § 63 BewG constituerait avant tout une norme
à finalité temporelle, destinée à déterminer le moment dans le temps auquel il conviendrait de se
référer pour déterminer la valeur des actifs et passifs du contribuable. Le BewG ne connaîtrait
cependant pas un réel principe d’accrochement du bilan fiscal au bilan commercial, comme il
existerait en matière d’impôt directs, de sorte que le bilan commercial ne serait qu’un élément
parmi d’autres dont il conviendrait de tenir compte et le dépôt des comptes commerciaux au
registre du commerce ne serait dès lors pas pertinent pour l’établissement de sa fortune nette.
Par ailleurs, l’administration des contributions directes n’aurait nullement besoin de cette
source d’information que serait la publication des comptes annuels, alors qu’elle disposerait de la
déclaration d’impôt du contribuable et des annexes y relatives, dont les bilans commerciaux. Elle
fait ainsi plaider que la partie étatique aurait eu connaissance de ses comptes rectifiés depuis la
remise des déclarations rectificatives qui auraient été annexées à son courrier prémentionné du
18 novembre 2013. La demanderesse est ainsi d’avis que l’administration des Contributions
directes ne saurait lui opposer les éléments résultants des seuls comptes annuels déposés au
registre du commerce et des sociétés et elle est d’avis qu’elle aurait démontré à suffisance de
droit qu’une distribution d’acomptes sur dividendes aurait eu lieu et qu’une dette à l’égard de ses
actionnaires existerait, dette qui serait à prendre en considération nonobstant le fait que ses
comptes rectificatifs n’auraient pas encore été déposés auprès du registre du commerce et des
sociétés.
Si elle admet que la résolution de son conseil d’administration ne porte pas de date, la
demanderesse est cependant d’avis qu’il ne ferait aucun doute qu’elle a été prise avant fin 2010.
A cet égard, elle explique qu’elle aurait été constituée sous le régime dit des sociétés holding
1929 qui aurait été aboli par la loi du 22 décembre 2006, loi qui aurait prévu une période
transitoire jusqu’au 31 décembre 2010 pendant laquelle l’ancien régime aurait continué à
s’appliquer aux sociétés existantes. Ce serait dans ce contexte que les résolutions de fin d’année
2010 seraient à lire, alors que ses administrateurs auraient voulu prendre les décisions qui se
seraient imposées avant la fin de la période transitoire. Elle ajoute que si le montant du dividende
n’était effectivement pas mentionné, celui-ci ressortirait à suffisance des comptes rectificatifs
qu’elle aurait communiqué à l’administration des Contributions directes.
En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 72-2 de la loi du 10 août 1915, la
demanderesse fait plaider que l’administration fiscale ne serait pas en charge de veiller au respect
desdites dispositions légales, de sorte qu’elle ne saurait exiger du contribuable de rapporter la
preuve de leur respect. Il résulterait de manière non équivoque des comptes présentés à
l’administration des Contributions directes qu’elle disposait de bénéfices reportés de l’ordre de
250 millions d’euros au moment de la décision de distribution de dividende intérimaire, de sorte
qu’elle aurait indiscutablement disposé de bénéfices distribuables suffisants pour décider de la
distribution d’un tel dividende intérimaire.
Finalement elle donne à considérer que même si les conditions inscrites à l’article 72-2 de
la loi du 10 août 1915 n’avaient pas été respectées en l’espèce, il n’en resterait pas moins que la
dette envers les actionnaires résultant de la distribution intérimaire devrait néanmoins subsister
dans son principe et dans son quantum, alors que la remise en cause du dividende ne serait
13
envisagée qu’à titre tout à fait exceptionnel, à savoir en cas de mauvaise foi des actionnaires, qui
ne serait cependant pas donnée ne l’espèce, et elle conclut à la réformation de la décision
directoriale attaquée.
Le § 62(1) BewG ayant trait à la fixation de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation
prévoit que « Zur Ermittlung des Einheitswerts des gewerblichen Betriebs sind vom
Rohvermögen diejenigen Schulden abzuziehen, die mit der Gesamtheit oder mit einzelnen Teilen
des gewerblichen Betriebs in wirtschaftlichem Zusammenhang stehen ».
Aux termes de ladite disposition légale les dettes et charges en rapport économique avec
l’entreprise commerciale sont, pour les besoins de l’établissement de la valeur unitaire de
l’entreprise, portées en déduction de la fortune brute d’exploitation. En principe, les dettes
d’exploitation s’entendent de l’ensemble des obligations de l’entreprise envers les tiers4.
Il convient encore de relever que la déduction d’une dette d’exploitation est liée à la
condition de l’existence effective de l’obligation à la date-clé de fixation de la valeur unitaire de
l’entreprise. Les dettes éteintes à cette époque ne sont plus à retenir. Abstraction faite de ce qui
est le cas des dettes d’impôt, l’échéance d’une dette ne constitue pas le critère déterminant de son
existence.
Pour qu’il y ait dette au sens fiscal, il faut que l’obligation juridique soit assortie de la
contrainte de se libérer vis-à-vis du créancier. Les dettes contractées sous une forme juridique
régulière, mais ne constituant pas une charge réelle dans le chef du débiteur, ne sont pas portées
en déduction. En fait, la condition liant la déductibilité des dettes à leur existence réelle constitue
le pendant de la règle que seuls les biens de l’actif qui sont le propre du contribuable, sont à
retenir au titre de la fortune imposable. Dans le chef des sociétés de capitaux le bénéfice net du
dernier exercice clos constitue à la date d’évaluation un élément de la fortune d’exploitation. Il
n’est pas dérogé à ce principe si le bénéfice est ultérieurement distribué aux actionnaires5.
En ce qui concerne la date-clé déterminante pour l’évaluation des titres de participation
dans les sociétés de capitaux, le § 63 BewG dispose que « Für Betriebe, die regelmäßig jährliche
Abschlüsse auf den Schluss des Kalenderjahrs machen, ist dieser Abschlusstag zugrunde zu
legen », cette disposition légale prévoyant ainsi que la valeur de ces éléments de fortune est
établie au 31 décembre pour les sociétés clôturant, comme la demanderesse, ses comptes à la fin
de l’année civile.
En l’espèce, la demanderesse se prévaut d’une dette déductible de sa fortune brute
d’exploitation à hauteur de …,- euros aux dates-clé du 1er
janvier 2011 et du 1er
janvier 2012,
dette qui aurait pour origine une décision de distribution d’un dividende intérimaire à ses
actionnaires par son conseil d’administration fin 2010.
La possibilité de procéder à de telles distributions de dividendes intérimaires et les
conditions y relatives sont inscrites à l’article 72-2 de la loi du 10 août 1915 aux termes duquel :
4 Paul Lauterbourg, L’évaluation des biens et des droits, Etudes fiscales n°s 78/79, 1988, page 188.
5 ibidem, page 191 in fine
14
« (1) II ne peut être procédé à un versement d'acomptes sur dividendes que si les statuts
autorisent le conseil d'administration ou le directoire, selon le cas, à le faire. Ce versement est
en outre soumis aux conditions suivantes:
a) il est établi un état comptable faisant apparaître que les fonds disponibles pour la
distribution sont suffisants;
b) le montant à distribuer ne peut excéder le montant des résultats réalisés depuis la fin
du dernier exercice dont les comptes annuels ont été approuvés, augmenté des bénéfices reportés
ainsi que des prélèvements effectués sur les réserves disponibles à cet effet et diminué des pertes
reportées ainsi que des sommes à porter en réserves en vertu d'une obligation légale ou
statutaire;
c) la décision du conseil d'administration ou du directoire, selon le cas, de distribuer un
acompte ne peut être prise plus de deux mois après la date à laquelle a été arrêté l'état
comptable visé sub a) ci-dessus.
d) le commissaire ou le réviseur d'entreprises dans son rapport au conseil
d'administration ou au directoire, selon le cas, vérifie si les conditions prévues ci-dessus ont été
remplies.
(2) Lorsque les acomptes excèdent le montant du dividende arrêté ultérieurement par
l'assemblée générale, ils sont, dans cette mesure, considérés comme un acompte à valoir sur le
dividende suivant ».
Ladite disposition légale prévoit ainsi de procéder à la distribution de dividendes
intérimaires, tout en stipulant que le pouvoir de procéder à de telles distributions revient au
conseil d’administration lequel doit être expressément autorisé par les statuts pour ce faire, tel
que c’est d’ailleurs le cas en l’espèce. Il lui appartient de décider d’une part de l’opportunité de
cette distribution et d’autre part, de ces modalités pratiques, telles que le moment ou encore le
montant6.
Il est dès lors constant en cause que d’après ladite disposition légale, le conseil
d’administration de la demanderesse était dès lors a priori habilité à prendre une décision de
distribution de dividendes intérimaires.
En ce qui concerne l’existence effective d’une telle décision par son conseil
d’administration aux dates clé des 1er
janvier 2011 et 1er
janvier 2012, il convient de rappeler le
prescrit de l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant
les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », aux termes
duquel la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la côte d’impôt appartient
au contribuable tenu d’établir que les frais dont il fait état répondent aux conditions posées en
vue de la déductibilité fiscale.
En l’espèce, il appartient dès lors à la demanderesse de rapporter la preuve de l’existence
effective d’une telle décision de distribution de dividende intérimaire au dates-clé alléguées et
partant l’existence effective d’une dette déductible de sa fortune brute d’exploitation.
6 Jean-Pierre Winandy, Manuel de droit des sociétés, Edition 2008, page 523
15
Force est de constater que la demanderesse se prévaut à cet égard d’un document intitulé
« RESOLUTION ADOPTED BY THE BOARD OF DIRECTORS OF THE COMPANY »,
c’est-à-dire d’une résolution de son conseil d’administration, dans laquelle il a été retenu que
« the members of the Board of Directors of the Company hereby adopt and approve the
Resolution of distribution of an interim dividend for the purpose of change of the tax status from
« Holding 1929 » to « Soporfi », as follow — « Acomptes sur dividendes répartis en instance
d'affectation » ».
Si cette résolution a dès lors certes trait à une distribution de dividendes intérimaires,
force est toutefois de constater, à l’instar de la partie étatique, que cette même résolution ne porte
pas de date et ne mentionne par ailleurs pas le montant prévu pour une telle distribution de
dividendes intérimaires, de sorte qu’elle ne saurait valoir comme preuve de l’existence réelle
d’une décision de distribution de dividende intérimaire aux dates-clé.
Il convient à cet égard encore de relever que le tribunal ne saurait suivre les
développements de la demanderesse selon lesquels la date de ladite résolution ressortirait de son
préambule prévoyant que: « the Board of Directors of the Company approved resolution that
approbates the change of tax status of the Company from « Holding 29” to Soparfi
(“Resolution”) » et « whereas, at the same time as the Resolution, it was accepted that the 2010,
23 December financial statements would be revised to accomodate the Company’s transition
from the planning to the new rules of Law of 22 December 2006 concerning abolition of the
regie of companiess « Holding 29 » ». En effet, et comme l’affirme d’ailleurs à juste titre le
délégué du gouvernement, il y a lieu de retenir que si ledit préambule fait certes référence, sans
autres précisions, au changement du statut de la demanderesse en Soparfi et au changement des
états financiers y relatifs, cette référence non autrement circonstanciée ne suffit toutefois pas à
elle seule pour conclure à l’existence d’un lien nécessaire et direct entre ces changements
résultant de la loi du 22 décembre 2006 concernant l’abrogation du régime holding et la décision
du conseil d’administration de procéder à une distribution de dividendes intérimaires, la
demanderesse restant par ailleurs en défaut d’expliquer concrètement la relation qui existerait
entre les changements résultant de l’abrogation du régime holding 1929 et la décision de
procéder à une distribution de dividendes.
Les affirmations de la demanderesse selon lesquelles cette résolution de son conseil
d’administration aurait été prise avant la fin du régime transitoire de la holding 1929, tel que
prévu par la loi du 22 décembre 2006, est par ailleurs en contradiction manifeste avec les
indications figurant sur ce même document et concernant son siège social. En effet, il convient
de relever, à l’instar de la partie étatique, que ladite résolution indique comme adresse du siège
social de la demanderesse le numéro …, à … et ce tant dans son entête que dans son corps. Or, il
résulte d’une publication au Mémorial C7, que le transfert du siège de la demanderesse n’a été
décidé que lors de l’assemblée générale ordinaire du 9 août 2011 et ce, avec effet au même jour,
de sorte que la résolution relative à la distribution de dividendes intérimaires n’a nécessairement
été prise qu’après le transfert dudit siège social et n’a de ce fait pas pu exister à la date-clé du 1er
janvier 2011. Cette conclusion se voit encore confirmée par une publication au Mémorial C du
…20118, de laquelle il résulte que la décision de l’assemblée générale extraordinaire de procéder
7 Mémorial C du … 2011, n°…
8 Mémorial C du … 2011, n°…
16
au changement de statut de la demanderesse, décision à laquelle le conseil d’administration fait
référence dans le préambule précité et qui date du 23 décembre 2010, a été prise à l’ancien siège
social de la demanderesse, situé au numéro … à ….
Par ailleurs, il y a lieu de constater que le document en question reste muet sur le montant
de la distribution de dividendes intérimaires décidée, de sorte qu’il ne permet en tout état de
cause pas de conclure qu’il s’agit effectivement de la distribution à hauteur de …,- euros dont se
prévaut la demanderesse.
Au vu des considérations qui précèdent, le document dont se prévaut la demanderesse,
intitulé « RESOLUTION ADOPTED BY THE BOARD OF DIRECTORS OF THE
COMPANY », n’établit pas l’existence d’une dette effective aux dates-clé du 1er
janvier 2011 et
du 1er
janvier 2012.
En ce qui concerne l’affirmation de la demanderesse selon laquelle il résulterait de
manière non équivoque des comptes présentés à l’administration des Contributions directes
qu’elle aurait indiscutablement disposé de bénéfices distribuables suffisants pour décider de la
déclaration d’un tel dividende intérimaire, celle-ci n’est pas non plus de nature à prouver
l’existence effective d’une dette déductible aux dates-clé litigieuses, alors que le simple fait pour
une société de disposer de bénéfices suffisants pour éventuellement procéder à une distribution
de dividendes intérimaires, ne permet pas de conclure ipso facto à une distribution de dividendes
effective à une date-clé.
Il convient encore de relever qu’il résulte tant des explications non contestées de la partie
étatique, que des pièces versées en cause, et plus particulièrement d’une publication au Mémorial
C du … 2011, n°… page …, que les comptes annuels au 31 décembre 2010 tels que déposés par
la demanderesse au registre du commerce et des sociétés en date du 20 novembre 2011 ne
tiennent pas compte de la dette alléguée de …,- euros.
Si les renseignements figurant sur lesdits comptes sont certes un élément parmi d’autres
qui peuvent être pris en considération dans le cadre de la preuve à rapporter par la demanderesse
en ce qui concerne l’existence d’une dette envers ses actionnaires, force est néanmoins de
constater que cette publication des comptes au Mémorial est en contradiction manifeste avec les
affirmations de la demanderesse relatives à l’existence d’une telle dette à la date-clé du 1er
janvier 2011, respectivement du 1er
janvier 2012.
A cet égard, il y a encore lieu de souligner qu’il n’est pas contesté en cause que lesdits
comptes n’ont jamais été rectifiés, la demanderesse restant par ailleurs en défaut d’expliquer
cette inaction de sa part.
Si la société ... se prévaut à cet égard certes encore d’un bilan fiscal établi fin 2013 et
joint aux déclarations rectificatives du 18 novembre 2013, bilan qu’elle qualifie de comptes
rectifiés et qui contient effectivement un poste au passif sous le libellé « Result to be affected »
de …,- euros, il y a lieu de retenir que ledit bilan, dressé à des fins purement fiscales, ne permet
toutefois pas non plus de conclure à l’existence effective d’une dette déductible aux dates-clé
litigieuses. En effet, et comme retenu ci-avant, le §62 BewG précité impose qu’une dette ait
17
effectivement existée à une date-clé, pour être déductible de la fortune d’exploitation au cours
d’un exercice fiscal déterminé. Or, un simple bilan fiscal, établi trois ans après la date de clôture
des comptes litigieux, ne saurait être de nature à établir qu’au moment de la date de clôture des
comptes au 31 décembre 2010, respectivement au 31 décembre 2011, une décision du conseil
d’administration de procéder à une distribution de dividendes intérimaires ait effectivement
existée.
Finalement, et en ce qui concerne les développements de part et d’autres relatifs au
respect des conditions inscrites à l’article 72-2 précité de la loi modifiée du 10 août 1915, il y a
lieu de relever que s’il est vrai que l’administration fiscale n’est a priori pas en charge de veiller
aux respect de ces mêmes dispositions légales, dont le non-respect est d’ailleurs sanctionné
pénalement, conformément à l’article 167 de la loi du 10 août 1915, il n’en reste pas moins que
dans le cadre de la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la côte d’impôt à
rapporter par la contribuable conformément à l’article 59 de la loi du 21 juin 1999, il aurait
appartenu à la demanderesse de prouver que les conditions inscrites aux point a), b), c) et d) de
cette même disposition légale ont été respectées, ce qu’elle a toutefois omis de faire.
Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent et sans qu’il ne soit besoin de
statuer plus en avant, il y a lieu de retenir que la demanderesse reste en défaut d’établir
l’existence effective d’une dette déductible de sa fortune d’exploitation aux dates-clé du 1er
janvier 2011 et du 1er
janvier 2012, de sorte que le recours sous analyse laisse d’être fondé.
Les demandes en allocation d’une indemnité de procédure telles que formulées dans les
deux rôles par la société ... sont également à rejeter vu l’issu des litiges.
Par ces motifs,
le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
joint les deux affaires introduites sous les numéros 35934 et 37849 du rôle ;
déclare le recours enrôlé sous le numéro 35934 irrecevable ;
déclare le recours en réformation enrôlé sous le numéro 37849 recevable en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu d’analyser le recours subsidiaire en annulation ;
rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure formulées par la société
... dans les deux rôles;
condamne la demanderesse aux frais ;
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 juin 2017 par :