Download - José Cabrero Arnal

Transcript
Page 1: José Cabrero Arnal

De la Républiqueespagnole aux

pages dela vie du créateur de

PHIL

IPPE

GUI

LLEN

LOUBA

TIÈRES

JOSÉ

CA

BRER

OA

RN

AL

Page 2: José Cabrero Arnal

Table des matières

Avant-propos 7

La biographie d’un crayon rouge

Castilsabas, pauvre terre natale 11

Des traits et des couleurs, un rêve d’enfant 13

La « belle République » d’un jeune grand de la BD espagnole 16

La guerre, le sang, les larmes… mais la BD ? 31

Un long fleuve de misères… La Retirada ! 48

De l’exil

« L’indésirable » Arnal dans les camps français 57

En passant par la Lorraine… 61

Le déporté 6299 67

Que faire de ces déportés « apatrides » ? 78

Le « retour » 80

L’homme et l’artiste

Un caractère 91

« Mon oncle » (el tio Pepe !) 107

José, le républicain 110

Le Syndicat des dessinateurs professionnels 119

De Plim à C. Arnal, le créateur 131

Espoirs 164

Chronologie 166

Lexique 171

Remerciements 173

« Toutes les choses sont dites déjà ; mais comme personne n’écoute, il faut toujours recommencer. »

André Gide

« Pour tourner la page, il faut d’abord l’avoir lue (Para pasar pagina, primero hay que leerla). »

Titre du manifeste d’Amnesty International adressé en 2009

à José Luis Rodriguez Zapatero, président du Gouvernement espagnol.

« bristol » d’Arnal avec adresse

de son domicile en France, à Saint-Maur.

Coll. Pilar Bailina.

Page 3: José Cabrero Arnal

LOUBATIÈRES

JOSÉ CABRERO ARNALPHILIPPE GUILLEN

Page 4: José Cabrero Arnal
Page 5: José Cabrero Arnal

De Plim à C. Arnal, le créateurTrès tôt, à Barcelone, l’enfant est le lecteur assidu de

toute revue de Tébeo (BD) qui traîne. Et comme il le raconte

plus tard à ses amis, il « attendai(t) le prochain numéro

avec impatience à la porte de la librairie avant même qu’elle

ouvre ».

Bien vite, le petit lecteur passionné se met à manier le

crayon puis la plume, et le voici qui se transforme en auto-

didacte du dessin. Il se forme donc très tôt en observant

tout ce qui l’entoure et en s’exerçant sans cesse. Ainsi, en

imaginant, en animant, en faisant vivre ses petits person-

nages, « trompe-t-il son ennui ». Et comme il doit s’ennuyer

cet enfant qui dessine en tous lieux et tout le temps ! « Je

me suis mis à dessiner partout, sur mes livres et mes cahiers

d’école, avec des bouts de charbon sur les murs blancs ou

avec de la craie sur les trottoirs. Toute surface lisse était

bonne pour le dessin »

écrit-il dans

Une vie dePif,

L’HOMME ET L’ARTISTE

Détail : Pif n’est pas que pêcheur…

il chasse aussi !

Album Mes mémoires, 1957.

coll. philippe guillen.

131

Page de gauche.rare exemple de l’œuvre de jeunessede Plim, puisqu’il s’agit d’un texte illustré.

Le narrateur conte les aventures

d’un britannique, un certain Léopold

Carabin, chasseur et explorateur

(encore une fois) récemment rentré

à Londres après un voyage autour du Monde.

Les méthodes de chasse très particulières

de ce personnage y sont expliquées

et le lecteur apprend comment capturer

un lion, ou comment s’emparer d’un squale

féroce… en lui tendant une assiette de

pâtisseries. Tout serait bon dans le requin,

nous dit-on : sa viande est semblable à celle

du sanglier et sa graisse est toute aussi

bonne qu’un beurre au lait de vache.

Coll. Daniel Cabrero.

Page 6: José Cabrero Arnal

et les rares amis à qui il a parlé de son enfance ajoutent

encore, comme Pilar Bailina « … et chez lui [aussi], et avec

les papiers d’emballage des courses… ». Au début, le jeune

dessinateur se choisit un pseudonyme, Plim, et, lorsqu’il

s’amuse à parodier quelques scènes de la vie familiale, et

même son père Emeterio, c’est sur un bout de nappe qu’il

le fait.

Plus tard, devenu jeune homme et s’intéressant à d’autres

sujets, José ne se défait pas de cette habitude : on le voit

JOSÉ CABRERO ARNAL

132

Barcelone, années 1930. Crayonné d’un projetd’une « série horripilante » intitulée

« Les ravisseurs d’enfants » avec, en 2e case,

un avis de recherche présentant le visage

d’un des malfaiteurs, Pelonegro (Poilnoir).

Qui le capture touchera une récompense

faramineuse, 35000 os de poules.

ColL. DANIEL Cabrero.

Petite tête sur bout de papier « récupéré »(origine : service de la mairie de Barcelone).

Coll. Daniel Cabrero.

Page 7: José Cabrero Arnal

même promener sa plume sur du papier à en-tête de la

Generalitat – « dont on ne sait où il le récupérait », dit son

neveu Daniel.

S’il aime par-dessus tout la BD, c’est-à-dire raconter

des histoires en utilisant plusieurs cases ou vignettes, et

que celle-ci devient très vite son activité essentielle, il appré-

cie aussi l’art difficile de la caricature et prend énormément

de plaisir à forcer les traits caractéristiques de voisins, de

personnes rencontrées ou de personnages connus, jusqu’à

ce qu’ils en deviennent comiques ou ridicules. Après la

guerre pourtant, et jusqu’à aujourd’hui sans doute, son

public français ignore totalement son immense talent de

caricaturiste ; il est vrai que lui-même a choisi de ne plus

le pratiquer que pour ses amis, comme pour tirer un trait

sur son passé. 133

L’HOMME ET L’ARTISTE

Au crayon et signé de Jésus Cabrero(le frère aîné) la maison natale

à Castilsabas, province de Huesca, Aragon.

Depuis, elle a été rasée.

Coll. Daniel Cabrero.

Page 8: José Cabrero Arnal
Page 9: José Cabrero Arnal

En France, José Cabrero Arnal est seulement connu

pour ses récits en images, ses histoires pour enfants. Très

nombreux d’ailleurs sont ceux qui, dans ce cadre-là, ignorant

l’autre aspect de son activité professionnelle antérieure, ont

absolument essayé d’en faire le disciple de tel ou tel auteur

comique et « animalier » de BD.

On sent bien que certains dessinateurs qui ont précédé

José et certains de leurs personnages qui l’ont davantage

marqué que d’autres, ont sans doute inspiré le jeune homme

qui l’admettait d’ailleurs volontiers. Oui, il a bien reçu des

influences lui aussi, mais il explique qu’il a rapidement

tenté de s’en détacher. Le lecteur attentif peut noter

combien, dès les débuts de sa carrière espagnole, il s’efforce

de ne pas faire du Walt Disney bis comme tant d’autres

l’ont fait, mais cherche plutôt à développer son propre style,

dans le trait, dans le scénario, dans le sujet. À Louis Cance

qui l’interroge des années après sur ses « modèles », il

explique clairement quel était alors son souhait de jeune

dessinateur professionnel : allier « un style américain [et]

l’humour latin ». Et dans le même entretien, s’il avoue s’être

d’abord exercé à l’imitation, on sent que son désir

L’HOMME ET L’ARTISTE

135

Page de gauche.Barcelone, Œuvre de jeunesse.Un essai signé PLIM (pseudonyme d’un jeune

artiste non publié encore) : 2 cases à l’encre

sur une page (pÁgina) qui en compte 6, les 4

restantes étant crayonnées.

La première vignette est accompagnée d’un

court dialogue au crayon et en espagnol :

« le gardien : – Écoute ! Un ami désire te voir.

Le détenu : – Dis-lui que je ne suis pas là ! »

ColL. DANIEL Cabrero.

José et Denise à Monaco, années 1950.Coll. Daniel Cabrero.

Page 10: José Cabrero Arnal

JOSÉ CABRERO ARNAL

136

fut toujours de se différencier de ses grands prédécesseurs :

« Tout dessinateur, à ses débuts, est influencé par un autre

et ce n’est que peu à peu que sa propre personnalité prend

le dessus. Pour ma part, encore enfant, j’ai été émerveillé

par les bandes de Felix le chat de Pat Sullivan et son influence

marquait fortement mes premiers dessins… » (p. 17

du fanzine Hop, n° 2 spécial bébêtes, 1974). José ne

mentionne que cette référence et omet de citer quelques

autres de ces grands maîtres de la BD de l’époque qui l’ont

fortement marqué. Car on lui sait d’autres personnages

bien aimés, et tous ses proches se souviennent avec quelle

gourmandise il reproduisait, par exemple, les courbes de

cette jolie héroïne de papier nommée Betty Boop.

À en croire ses quelques intimes, cette passion précoce

pour le corps féminin, son dessin et son modelé, lui est

restée. Il suffit pour s’en convaincre d’observer la justesse

et la finesse de son trait lorsque le jeune fêtard de Barcelone

croque une danseuse créole du Barrio Chino, ou bien lorsqu’il

représente en 1940, et alors qu’il est dans l’hiver lorrain,

son amie et marraine Joséphine Baker.

Barcelone. À l’encre et au crayon,un essai de BD publicitaire jamais achevé

pour cause de Guerre (témoignage de Daniel

Cabrero). Il y est question de vanter

la solidité des chaussettes d’une grande

marque textile catalane, qui traversent

les siècles comme peuvent le faire aussi

les bandelettes d’une momie. Soucieux

de réalisme, à en croire la précision

des coiffes, Arnal a dû consulter quelque

documentation sur l’antiquité égyptienne.

Coll. Daniel Cabrero.

Page 11: José Cabrero Arnal

Parallèlement à ses activités professionnelles visibles

ou officielles, on sait maintenant qu’il s’est toujours beau-

coup amusé à réaliser de-ci de-là et clandestinement –

car Denise veillait ! – quelques dessins coquins pour ses

amis. Rappelons-nous aussi Mauthausen et n’oublions pas

que c’est à ce genre de production qu’il doit sans doute,

et pour une bonne part, sa survie ¹¹9 et qui peut dire si,

sans ce talent-là, Pif, Placid et Muzo et même Roudoudou

auraient vécu? Les enfants, ses premiers lecteurs, y auraient

beaucoup perdu.

L’HOMME ET L’ARTISTE

137

Un dessin de jeunesse, Espagne,années 1930.Esquissé au crayon et à peine

visible, le bestiaire d’Arnal.

Une autruche, une girafe,

un lion et, au centre,

un explorateur blanc qui,

imperturbable, joue avec un yoyo.

Coll. Daniel Cabrero.

119. C. Arnal n’est pas le seul artiste espagnol contraint par les SS des camps à fairedes dessins pornographiques. Artistas y cientificos espanoles en Mauthausen, Edi-cion de la Amical, Barcelona, 2007, p. 13. Rosa Toran cite par exemple le cas dujeune Ramon Mila Ferrerons, Barcelonais né en 1921, matricule 3975.

Page 12: José Cabrero Arnal
Page 13: José Cabrero Arnal

Peut-être faut-il imaginer que ce côté « secret » de notre

dessinateur préféré est l’un des héritages de son enfance ?

Peut-être est-ce là un tout petit moyen et très personnel

de transgresser une des règles et traditions morales qu’on

a voulu lui inculquer en cette vieille Espagne cléricale et

monarchiste dans laquelle il a grandi. L’ex-enfant de chœur

croquant « l’indécente » Betty Boop, précède donc le jeune

homme apprenti mécanicien qui n’hésite pas cette fois à

braver ouvertement le père qui voudrait bien que son fils

exerce un « vrai métier ». Cette passion du dessin poussée

finalement jusqu’au bout, son obstination au point d’oser

affronter enfin l’hostilité du milieu familial, d’aller jusqu’au

conflit, alors que certains ont dit ensuite de lui qu’il préférait

l’évitement, a sans doute contribué à forger son caractère.

Un caractère qui a peut-être contribué à le sauver plus tard,

à un moment clé de sa vie, dans l’enfer des camps.

Le jeune garçon débutant avait bien raison d’être confiant

en ses capacités : les enfants de Barcelone ou de Valence 139

L’HOMME ET L’ARTISTE

Esquisse préparatoire de Top et Topilita,sa fiancée, qui prennent la pose. Années 1930.

Étude de postures au crayon.

L’artiste qui nous donne sa méthode et

qui dessine nos deux sympathiques toutous

n’ignore plus rien de ce que signifient

volumes et cucurbitacées.

Coll. Daniel Cabrero.

Page de gauche.Portrait de jeune femme.Œuvre de jeunesse.

Coll. Daniel Cabrero.

Page 14: José Cabrero Arnal

adoptèrent rapidement ses personnages et suivirent avec

grand plaisir leurs aventures. Ce fut aussi le cas des spécia-

listes, des gens du milieu qui bien vite le repèrent, et pas

seulement ses compatriotes espagnols. Très tôt et à l’étranger,

ses dessins ont du succès : ainsi connaît-on C. Arnal dans

le Portugal voisin. Là-bas en effet, les planches de Pocholosont très régulièrement traduites et reproduites en une de

la revue O Mosquito, et cela dès les premiers mois de sa

naissance en janvier 1936. C’est ainsi que le jeune Lisboète,

comme l’enfant barcelonais, peut lire dès la première page

du n° 5 de son illustré hebdomadaire du 11 février 1936,

Tesouro escondido, c’est-à-dire l’aventure de Pocholo n° 155

intitulée « El tesoro escondido » ou bien encore, en une de

son n° 8, découvrira-t-il « O Reis dos animals » et en une

du n° 12, « Cao Top » qui n’est autre que la version portugaise

de « Topilita tiene un capricho » ¹²0. Et comme un bonheur

ne suffit pas, à Lisbonne et pour 5 escudos, il peut aussi

140

JOSÉ CABRERO ARNAL

120. Une de O Mosquito n° 5 : Une de Pocholo n° 155 ; Une de O Mosquito n° 8 du3 mars 1936 : celle de Pocholo n° 144 « Rey de los animales » ; celle de O.M. n° 12du 31 mars 1936 : celle de Pocholo n° 177… idem pour les n° 9, 10, 13, 14 (Unamaquina colossal), 15, 16, 17 (Top trovador)… de O Mosquito. Seules les couleurschangent, la palette de l’imprimeur portugais étant plus réduite.

Tonton césar, tante agathe et Doudouenthousiastes et qui semblent voleter

au-dessus du sol et de leur ombre…

sauf Madame, peut-être, dont le pied touche

terre. Illustration en page 26 du « Pif à

la chasse aux lions », Hors-série des

« Aventures de Pif le chien ». Septembre 1955.

Coll. Philippe Guillen

Page 15: José Cabrero Arnal

Couverture de « Vaillant » n° 620, mars 1957.Préoccupation de l’après-guerre :

se nourrir, et se bien nourrir !

Les longues années de rationnement

ne sont pas loin, qu’elles soient dues à

l’occupation ou, plus tard, à la période

de restriction dite de « Ramadier-

Ramadan » (du nom du Ministre).

Arnal aime le jambon… ses personnages

aussi. Muzo a une façon très

particulière de fumer la charcuterie

devant un Placid qui s’impatiente,

prêt à en découdre. Mais, armé de

la plus longue des fourchettes,

Pif est là : qui aura la meilleure part?

Coll. Philippe Guillen.

Page 16: José Cabrero Arnal

Détail tiré des Aventures de Riquiqui

(auteur : R. Moreu) et Roudoudou,

le petit cabri (auteur : J. C. Arnal), « Pipolin »,

n° 49, octobre 1961.

Coll. Philippe Guillen.

JOSÉ CABRERO ARNAL

142

se procurer l’album – un album! – Guerra no paiz dos insectos(Guerre au pays des insectes), traduit dans sa langue et

bien sûr édité par O Mosquito. En ces années 1930, C. Arnal

est déjà artiste international !

José, artiste reconnu et respecté, qui adore toujours lire

de la BD, comme l’enfant qu’il fut, éprouve aussi de l’ad-

miration pour le travail de ses confrères. Cela lui est resté,

même après avoir déposé crayons et pinceaux. Il le reconnaît

encore en 1974, à un âge déjà bien avancé et à une période

où cette passion tout autant que les gens qui y cèdent sont

encore un tantinet méprisés. Lui-même raille d’ailleurs un

peu l’attachement qu’il éprouve pour ce plaisir mais n’en

répond pas moins clairement à qui l’interroge sur le sujet :

« Bien sûr, je lis des BD! Surtout les bandes comiques, qui,

je l’avoue sans honte, me procurent la même joie que j’éprou-

vais étant enfant… » (Hop n° 2, p. 17).

Page de droite.Réunis dans un même dessin, Pif, Placid,

Muzo… et les fameuses oranges de Noël.

Couverture de « Vaillant »,

n°551, 4 décembre 1955.

Coll. Philippe Guillen.

couverture avec calendrierdu journal « Vaillant », n° 580 du 24 juin 1956,

numéro spécial vacances, 32 pages, détail.

Comme souvent dans les vignettes

panoramiques d’Arnal, le lecteur peut

repérer plusieurs petites saynètes

juxtaposées ou gags : Pif s’essayant à la pêche

en flaque, Placid dubitatif avec une bien

petite hache pour un bien gros tronc

(le lecteur en déduira comme une ellipse :

Muzo n’est pas prêt de débuter la cuisson),

les deux neveux faisant une nouvelle bétise,

et deux personnages secondaires mais

récurrents : le professeur qui chasse

la soucoupe et le gendarme rabat-joie (Ah,

comme il serait doux d’interdire d’interdire !…

pense Arnal, 12 ans avant mai 68).

Coll. Philippe Guillen.

Page 17: José Cabrero Arnal
Page 18: José Cabrero Arnal

Riquiqui et Roudoudou,

en p. 16 de « Pipolin – les gaies images »,

Détail. Mensuel n° 49, octobre 1961.

Coll. Philippe Guillen.

JOSÉ CABRERO ARNAL

144

De la même façon, José aime encore et beaucoup les

dessins animés qu’il peut suivre à la télévision. Il en regardera

toute sa vie. Cette passion-là il la partageait déjà à Barcelone

avec son ami Artur Moreno et le faisait savoir à un jour-

naliste de El Dia Grafico qui, en avril 1930, vient les inter-

roger. Il apprécie, dit-il, cette production qui vient des

États-Unis, mais ajoute : « J’ai la conviction que

Pif et hercule face à face.Coll. Philippe Guillen.

Page 19: José Cabrero Arnal

Couverture de « Vaillant »,n° 708 du 7 décembre 1958.

Un gendarme qui n’en croit pas

ses yeux. et se gratte le Pif.

Coll. Philippe Guillen.

Page 20: José Cabrero Arnal

146

si nous produisions en Espagne des dessins animés aussi,

nous parviendrions à nous opposer à cette invasion améri-

caine, car nous ne manquons pas d’humour, ni de bons

dessinateurs dans notre pays ¹²¹. » Après guerre, Moreno

parviendra à faire deux longs métrages : Garbancito de laMancha en 1945, et Alegres vacaciones en 1948. Ce ne fut

pas le cas d’Arnal qui le regrettera toujours ¹²².

« Les aventures de Pif le chien », n° 43,septembre 1961, p. 17, Détail.

après une bastonnade policière, Placid est

au repos… Bien sûr, il y a eu méprise :

une « bavure » des forces de l’ordre.

Coll. Philippe Guillen.

Différentes couvertures de « Pif Gadget »« période rouge ». Bien qu’Arnal ne signe

plus aucun dessin dans ces pages, voici

La cultissime couverture du numéro 60,

d’avril 1970. Le journal présente pour

la première fois un gadget vivant : la Poudre

de vie. On parlera de Pifises pour désigner

les œufs de minuscules crustacés vendus

avec la revue, des œufs d’artémia. Ce numéro

détient encore, avec un million d’exemplaires,

le record des ventes pour une revue

européenne de BD. Ce record ne sera égalé

que par un autre numéro de Pif, le n° 137

de septembre 1971, celui des pois sauteurs

du Mexique (les Pifitos).

« Pif gadget » n° 61… et de quoi nourrir

les Pifises.

« Pif gadget » en Espagne : parmi les 37 numéros

qui paraîtront de l’autre côté des Pyrénées

entre 1978 et 1979, voici celui

de la catapulta (reprise du n° 157 français,

de février 1972). il présente une aventure

de Pif, « la buena suerte » (la bonne chance),

signé C. Arnal… une sorte de retour au pays !

Coll. Philippe Guillen.

121. « El cinema espanyol, de l’adveniment i la implantacio del cinema sonor (1929)a l’esclat de la Guerra Incivil (1936) » in Cinematograf, n° 3, 2001, article de JordiArtigas i Candela, III Jornadas Cinematografiques, Editorial Societat Catalana deComunicacio, p. 179-180.

122. La Historia del Tebeo Valenciano, Clasicos en Jauja, Pedro Porcel, 2002, p. 52.

Page 21: José Cabrero Arnal

Une des « Aventures de Pif le chien » n° 6,supplément du journal l’Humanité n° 2229

du 3 novembre 1951. Le gendarme,

personnage récurrent.

Coll. Philippe Guillen.

Page 22: José Cabrero Arnal
Page 23: José Cabrero Arnal

L’HOMME ET L’ARTISTE

149

Dans un précédent chapitre, nous avons déjà découvert

quels étaient les horaires et la « discipline de travail » du

professionnel de l’après-guerre (selon Pilar Bailina mais

aussi Une vie de Pif, p. 19). Sa vie de jeune barcelonais,

nocturne, devait quant à elle difficilement se prêter de telles

pratiques, régulières pour ne pas dire routinières. Mais hors

des horaires probablement plus « chaotiques » de l’artiste

débutant, il semble que son sens du travail bien fait soit

resté une constante du personnage. Sa façon de trouver

l’inspiration et le gag devait aussi déjà ressembler – orga-

nisation exceptée – à celle du « vieux » dessinateur confirmé,

tel qu’il l’explique en 1957 à un rédacteur de Vaillant venu

l’interroger. À la question : « Mais où vas-tu chercher tes

gags et tes idées ? », voilà ce qu’il répond :

« Mes aventures vécues, je les traduis d’une façon

comique. Mais il m’arrive de n’avoir aucune idée, alors je

sors, et c’est rare si dans la rue, je ne découvre pas une scène

humoristique… À 4 heures du matin, debout. Un bon café,

Page de gauche.Image symbolique : la Rencontre !En partance pour la Lune – et il faut

décrocher la lune ! – Pif, bien installé

dans le cockpit de sa soucoupe moderne,

croise son vieux père Top, en équilibre

instable sur une vieille fusée. L’un s’en va,

se retire, quand l’autre arrive. À l’intérieur

de ce n° 26 des « Aventures de PIF le chien »

(d’avril 1960), les toutes premières pages

des Aventures sidérales du chien Top

(version en français de l’album barcelonais

paru dans les années 1930). La Fin de ce récit

lunaire paraîtra, un mois après, dans le n° 27

des « Aventures de Pif le chien »

dont la couverture présente un Top

toréador face à un bien curieux auroch.

Coll. Philippe Guillen.

Caricature de Jaime Tomas,dessinateur de « Pocholo » et ami d’Arnal.

(J. Tomas était présent lors du banquet de

1930, cf. p. 122.)

coll. Daniel Cabrero.

Page 24: José Cabrero Arnal

JOSÉ CABRERO ARNAL

150

une cigarette et hop, au boulot jusqu’à midi. Petite sieste

et, re-hop, jusqu’à 7 heures… Mais attention : silence

complet pendant que je fais les “crayons”. C’est là que naît

l’idée, il faut de la concentration. Ensuite, passer les dessins

à l’encre, c’est une routine, et ça va tout seul ! Je peux même

écouter la radio, Yves Montand ou bien le jazz Nouvelle-

Orléans ¹²³… »

Les historiens actuels de la BD espagnole, même s’ils

parlent peu de lui, le considèrent tout de même comme

« un des auteurs comiques d’influence majeure de la décen-

nie 1930-1939 » ¹²4.

Lui-même se reconnaît un mérite avec ses amis de

l’époque, c’est-à-dire « une demi-douzaine de jeunes enthou-

siastes de la BD (Moreno, Mestres, Tomas, etc.), [à avoir

été parmi] les premiers à implanter en Espagne le système

“parlant” des personnages au moyen de bulles ¹²5… »

123. Interview d’Arnal, Vaillant n° 622, 14 avril 1957.124. La Historia del Tebeo Valenciano-Clasicos en Jauja, Pedro Porcel, Generalitat

Valenciana, Ediciones de Ponent, 2002, p. 53.125. Hop, n° 2, spécial bébêtes, p. 17.

La Boxe, toujours !en couverture des « Aventures de Pif le

chien », mensuel n° 43 de septembre 1961.

Quand le poing sort de l’écran, c’est du

surréalisme. Et Pif n’en croit pas son œil

gauche (l’autre étant fermé, et pour cause !).

En 1957 déjà, la couverture du n° 612 de

« Vaillant » (février) présentait une

réalisation du même type : dans une salle

obscure, Hercule, ce coup-ci spectateur,

tirait sur Pif alors sur l’écran puisque acteur

dans un film projeté. Le pistolet était

à bouchon, bien sûr !

Coll. Philippe Guillen.

4e de couverture de « Cutezatorii »,journal des jeunes Pionniers de Roumanie.

13 janvier 1972.

Coll. Philippe Guillen.

Page 25: José Cabrero Arnal
Page 26: José Cabrero Arnal

Les artistes se cachent souvent derrière leurs créations ; José Cabrero Arnal n’a pas

échappé à la règle. Pourtant, le créateur de Pif le chien et de son ancêtre en Espagne Topel Perro, de Roudoudou, de Placid et Muzo et de bien d’autres encore, qui signait

simplement « C. Arnal », eut une vie en dehors des cases et des bulles.

Passionné dès son jeune âge par l’art du dessin, par la caricature aussi, il n’a de cesse de

vivre de son crayon. Durant les années 1930, celles de la IIe République espagnole, il

exerce à Barcelone la Catalane. Il participe à de nombreuses revues destinées à la jeunesse

avant de s’engager dans le combat pour la défense de la République. Jusqu’à la Retirada.

C’est le temps de l’exil en France, où la guerre, bientôt déclarée, l’emporte de nouveau vers

l’inconnu, d’abord dans les commandos de travailleurs étrangers puis en déportation.

À Mauthausen, où son talent de dessinateur et la solidarité des « rot Spanier » l’aideront

à survivre.

À la Libération, il s’installe en France et collabore à L’Humanité puis à Vaillant. L’élégance

de son trait et la fraîcheur de caractère de ses personnages lui valent la reconnaissance du

milieu des artistes de la bande dessinée et feront les délices de deux générations d’enfants,

de l’après-guerre jusque dans les années 1970.

Né il y a 50 ans à Toulouse, au sein d’une famille de républicains espagnols, PhilippeGuillen a été un des jeunes lecteurs de Vaillant le journal de Pif puis de Pif-gadget.C’est à ces lectures qu’il doit son amour du dessin et de la caricature, mais aussi de l’Histoire qu’il enseigne aujourd’hui en lycéeprofessionnel.

Grand connaisseur et collectionneur de l’œuvre de C. Arnal, Philippe Guillen a interrogé les documents d’archives etrencontré ses proches. Ils lui ontraconté l’homme et prêté des documents inédits : les premières esquisses et caricatures, des lettres et papiers de famille, des photographies…

Il nous offre ainsi une biographie inédite et passionnante de l’un des artistes les plus talentueuxet féconds du 9e art.

ww

w.lo

ub

atie

res.

frISBN 978-2-86266-659-4

32 € 9 782862 666594


Top Related