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Jean MEYNAUDProfesseur de science politique l'Universit de Lausanne
(1961)
introduction laSCIENCE POLITIQUE
Un document produit en version numrique par Jean-Marie Tremblay, bnvole,professeur de sociologie au Cgep de ChicoutimiCourriel:[email protected]
Site web pdagogique : http://www.uqac.ca/jmt-sociologue/
Dans le cadre de: "Les classiques des sciences sociales"Une bibliothque numrique fonde et dirige par Jean-Marie Tremblay,
professeur de sociologie au Cgep de ChicoutimiSite web: http://classiques.uqac.ca/
Une collection dveloppe en collaboration avec la Bibliothque
Paul-mile-Boulet de l'Universit du Qubec ChicoutimiSite web: http://bibliotheque.uqac.ca/
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Jean-Marie Tremblay, sociologueFondateur et Prsident-directeur gnral,LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES.
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Cette dition lectronique a t ralise par Jean-Marie Tremblay, bnvole, profes-seur de sociologie au Cgep de Chicoutimi partirde :
Jean MEYNAUD
Introduction la science politique.
Paris : Librairie Armand Colin, 2e dition,1961, 370 pp. Collection Cahiers dela Fondation nationale des sciences politiques, no 100.
[Autorisation formelle accorde parles ayant-droit de luvre de JeanMeynaud, son pouse, Mme Meynaud-Zogrphos, Michel Meynaud (fils) et Hl-ne-Yvonne Meynaud (fille) le 19 octobre 2008 de diffuser toutes les uvres deJean Meynaud dans Les Classiques des sciences sociales.]
Courriels :Mme Meynaud-Zogrphos (pouse) : [email protected] Meynaud (fille) : [email protected]
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dition numrique ralise le 25 janvier 2009 Chicoutimi,Ville de Saguenay, province de Qubec, Canada.
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du mme auteur
CAHIERS DE LA FONDATION NATIONALEDES SCIENCES POLITIQUESLibrairie Armand Colin. Paris.
No 95. LES GROUPES DE PRESSION EN FRANCE.puis.No 118. NOUVELLES TUDES SUR LES GROUPES DE PRESSION EN
FRANCE. En prparation.
TUDES DE SCIENCE POLITIQUELausanne (Suisse).
No 1. LA SCIENCE POLITIQUE : FONDEMENTS ET PERSPECTIVES.1960, 228 p.
No 2. TECHNOCRATIE ET POLITIQUE. 1960, 116 p.No 3. LES GROUPES DE PRESSION INTERNATIONAUX. 1961, 560 p. No 4. DESTIN DES IDOLOGIES. 1961, 164 p.
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Jean MEYNAUDProfesseur de science politique l'Universit de Lausanne
Introduction la science politique.
Paris : Librairie Armand Colin, 2e dition,1961, 370 pp. Collection Cahiers dela Fondation nationale des sciences politiques, no 100.
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Table des matires
INDEX DES AUTEURSINDEX ANALYTIQUEINDEX DES REVUES CITESAvertissementAVANT-PROPOSChapitre 1. LES DIVERS TYPES D'ANALYSE POLITIQUE.
Une situation quivoque. Controverse sur l'esprit de l'explication (souci d'ob-jectivit ; rle de l'exprience ; ampleur du domaine). Pour une formulation tho-rique. Prsence des grandes oeuvres , (apport direct la thorie ; contribution l'tude du rle des ides). L'enrichissement de la pense politique. Une exp-rience trangre.
Chapitre 2. L'LABORATION DU CADRE THORIQUE.
Les faits et la thorie. Classification des hypothses, 39 (constatation d'uneuniformit ; tablissement d'une typologie ; nonc d'une interaction). Mcanismede l'hypothse (porte des propositions ; rejet des propositions errones ; persis-
tance des dsaccords). La tentation monistique. Exigences de l'laboration thori-que.
Chapitre 3. L'IDENTIFICATION DE L'OBJET.
Porte de l'opration. Dimensions sociales de l'analyse. Slection d'un centred'intrt. La science politique, science de l'tat, La science politique, science dupouvoir. Valeur de la notion de pouvoir pour l'analyse politique. lments pourune dfinition fonctionnelle. Bilan de la controverse. Flexibilit du secteur politi-que.
Chapitre 4. LE CONTENU DE L'INTERPRTATION.
L'tude des institutions (volution du point de vue ; droit public et science po-litique). L'analyse des groupes (contenu de ce point de vue, loi ; sociologie etscience politique). Recherche des mobiles (orientation gnrale ; tude du com-portement). Consquences du pluralisme (implications mthodologiques ; fronti-res de l'explication). Le problme de l'unification.
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Chapitre 5. LE RASSEMBLEMENT DES DONNES.
Tableau des donnes (prsentation des divers types de donnes ; porte de la
slection effectue). Le recours aux documents. L'observation (difficults ; tech-nique ; une perspective originale : l'tude distance). L'exprimentation. L'analy-se comparative.
Chapitre 6. MATHMATIQUES ET SCIENCES POLITIQUES.
Comptage et analyse statistique. Du comptage total l'chantillonnage : lessondages (problmes gnraux ; applications). Prsentation quantitative de docu-ments non chiffrs. La mesure des attitudes. Un premier bilan. Des perspectivesnouvelles. L'utilisation des modles. La thorie des jeux. Une mathmatique de
l'homme ?
Chapitre 7. PROPOS D'TAPE.
Pour un effort de codification. Vers l'tablissement d'une thorie gnrale.L'intgration des relations internationales. Une dimension nglige : le change-ment politique. La querelle des mthodes.
Chapitre 8. SCIENCE POLITIQUE ET SCIENCES SOCIALES.
Le sens de la division. L'utopie de l'indpendance totale. Les types de relation
(sciences consacres des socits diffrentes ; sciences domaine spcialis ;sciences vocation universelle). Position de la science politique. La cooprationinterdisciplinaire. Les essais d'intgration.
Chapitre 9. SCIENCE POLITIQUE ET SCIENCE CONOMIQUE.
Les donnes politiques de l'explication conomique. Les donnes conomi-ques de l'explication politique. Les emprunts mthodologiques. Un secteur deconfluence : la politique conomique (laboration de la politique conomique ;consquences de l'action conomique gouvernementale).
Chapitre 10. L'APPLICATION DE LA THORIE.
Le passage de la thorie l'application. Les rticences du chercheur. Le pointde vue gouvernemental. Thorie et prvision. L'analyse d'une situation. Ralisa-tion d'une politique. L'action sur les esprits. Perspectives.
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Chapitre 11. LES CONDITIONS DU PROGRS DE L'ANALYSE POLITI-QUE.
L'exigence de la rigueur. Le refus du moralisme. La libert de l'explication. Laconqute d'un statut social. Une place autonome dans l'Universit.
CONCLUSIONLMENTS DE BIBLIOGRAPHIE
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Introduction la science politique.
Index des auteurs
Retour la table des matiresABRAMOVITZ (M.)ABRAMS (M.)ACKERKNECHT(E.H.)ADORNO (T.W.)
AKERMAN (J.)AKZIN (B.)ALAINALLPORT (G.W.)ALMOND (G.A.)AMPREANDERSON (T.J.)ANDERSON (T.W.)ANDREZCJEWSKI (S.)ANGELL (R.C.)ANTONELLI (E.)
APTER (D.E.)ARCARI (P.)ARISTOTE,ARON (R.)ARROW (K.)
BAILEY (S.K.)BALDWIN (R.E.)BARBER (B.)BARENTS (J.)BARKER (E.)
BARON (P.A.)BARRE (R.)BARTHLFMIYBARTOLI (H.)BARTON (A.H.)BASKHARAN (R.)BASTID (P.)BAUDIN (L.)
BAUMOL (J.W.)BAVELAS (A.)BAYLE (F.)BAYLE (P.)BEALS (R.L.)
BEAN (L.H.)BARD (C.)BEAUMARCHAIS,BENDIX (R.)BENTHAM (J.)BENTLEY (A.F.)BERELSON (B.)BERNARD (CI.)BERNARD (L.L.)BERNARD (S.)BERNOUILLI (D.)
BERTIER DE SAUVI-GNY (G. de)BETTELHEIM (C.)BIERSTEDT (R.)BIRCH (A.H.)BIRMINGHAM (W-B.)BLACK (D.)BLANKSTEIN (G.I.)BLOTNER (J.L.)BLUM (L.)BOAS (F.)
BODIN (J.)BODIN (L.)BOGARDUS (E.S.)BONHAM (J.)BONN (A.)BONNET (G.)BOUDEVILLE (J.R.)BOULDING (K.)
BOULENGER (J.)BOURRICAUD (F.)BOUZITAT (J.)BOWLBY (J.)BRIDEL (M.)
BRIMO (A.)BRINTON (C.)BRODERSEN (A.)BROGAN (D.W.)BROWN (B.E.)BROZEN (Y.)BRUCK (H.W.)BRUNER (J.S.)BRYCE (J.)BRZCZINSKI (Z.K.)BUCHANAN (J.M.)
BUCHANAN (W.)BURGESS (J.W.)BURKHEAD (I.)BURNS (A.L.)BUTLER (D.)
CADART (J.)CAILLOIS (R.)CAMPBELL (P.)CANTRIL (H.)CARR (E.H.)
CARTWRIGHT (D.)CATLIN (G.)CLRIER (P.)CLIER (C.)CHAMBERS (W.N.)CHAPMAN (B.)CHAPSAL (J.)CHARLIER (R.E.)
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CHAUCHARD (P.)CHAVANON (C.)CHEVALLIER (J.J.)CHRISTOL (C.Q.)
CLARK (J.M.)CLAUSEWITZCLMENT (P.)COBBAN (A.)COLE (G.D.H.)COLE (T.)COLLIARD (C.A.)COMTE (A.)CONDORCET.CONNOLY (T.G.)CONSTANT (B.)
COOK (S-W.)COOK (T.I.)COOMBS (C.H.)COTTERET (J.M.)COURNOT (A.)COUSIN (V.)CRABBE (V.)CRICK (13.)CROSSMAN (R.H.S.)CROZIER (M.)CUVILLIER (A.)
DABIN (J.)DAHL (R.)DAVID (P.T.)DAVIS (H.T.)DERRUAU-BONIOL(S.)DEUTSCH (K.W.)DEUTSCH (M.)DEXTER (L.A.)DIAMANT (A.)
DICKSON (W.)DIMOCK (M.E.)DjILAS (M.)DOBY (J.T.)DODD (S.C.)DOGAN (M.)DOMAR (E.)
DONNEDIEU DE VA-BRES (J.)DORNBUSCH (S.M.)DOUBLET (J.)
DOUDINTSEV (V.)DOWNS (A.)DRISCOLL (J.M.)DUCLOS (P.)DUFRENNE (M.)DUNNING (W.A.)DUPEUX (G.)DUPREL (E.)DUPUY (A.)DURKHEIM (E.)DUROSELLE (J.B.)
DUVERGER (M.)
EASTON (D.)ECKSTEIN (H.)EHRMANN (H.W.)EISENMANN (C.)EISENSTADT (S.N.)ELDERSVELD (S.J.)ELIASBERG (V.F.)ELLIOT (F.)EMERI (C.)
EUCKEN (W.)EULAU (H.)EVALENKO (R.)EYSENCK (H.J.)
FABRE (M.H.)FAINSOD (M.)FARRIS (C.D.)FAUVET (J.)FESTINGER (L.)FILLOUX (J.C.)
FINER (H.)FINER (S.E.)FISHER (F.M.)FITZGIBBON (R.H.)FLECHTHEIM (O.K.)FOHLEN (C.)FRANK (L.K.)
FRANKEL-BRUNSWICK (E.)FREDETFREEDMAN (R.)
FRENCH (J.R.P. Jr)FRRE (S.)FREUD (S.)FREYMOND (J.)FRIEDRICH (C.J.)FUEYO (J.F.)FURFEY (P.H.)
GALANT (H.C.)GALTUNG (J.)GANSHOF van der
MEERSCH (W.J.)GARCEAU (O.)GAUDEMET (P.M.)GAUDET (H.)GEORGE (A.L.)GERBET (P.)GIDE (C.)GINI (C.)GIRARD (A.)GIRARDEAU (E.)GIROD (R.)
GLASER (W.A.)GOBLET (Y.M.)GOGUEL (F.)GOLDSTEIN (J.)GONARTGOODE (W.J.)GOODWIN (G.L.)GORER (G.)GOSNELL (H.F.)GOSSMAN (N.J.)GOTTMANN (J.)
GOULDNER (A.W.)GRANAI (G.)GRANGER (G.G.)GRAZIA (A. de) GRA-ZIA (S. de)GRIFFITH (E.S.)GROSSER (A.)GURIN (D.)
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GUGLIELMI (J.L.)GUILBAUD (G.Th.)GUISAN (G.)GUISAN (L.)
GURIAN (W.)GURVITCH (G.)GUTTMANN (L.)
HAAS (E.B.)HACKER (A.)HAESAERT (J.)HALVY (D.)HARRISON (W.)HARTZ (L.)HASSNER (P.)
HATT (P.K.)HAYEK (F.)HAYES (S.P.)HPBERL (R.)HECKSCHER (G.)HERMENS (F.A.)HERSKOVITS (M.)HERZ (J.H.)HILGARD (E.R.)HOBBES (T.)HOBSBAWN (E.J.)
HOFFMANN (S.)HOIJET (H.)HOMANS (G.C.)HOROWITZ (M.W.)HUNT (E.F.)HUNTINGTON (S.P.)HYNEMAN (C.S.)
IRISH (M.D.)
JAHODA (G.)
JAHODA (M.)JAMES (W.)JANET (P.)JANOWITZ (M.)JEANNIN (P.)JENKIN (T.P.)JONES (V.)JOUVENEL (B. de)
JULIA (E.)JUSTMAN (E.)
KAPLAN (A.)
KAPLAN (M.)KARDNER (A.)KATZ (D.)KAUFMAN (H.)KAYSER (B.)KAYSER (J.)KENDALL (P.L.)KEY (V.O. Jr)KEYNES (J.M.)KINDALL (M.G.)KIRK (G.)
KISH (L.)KLATZMANN (J.)KLINEBERG (O.)KNIGHT (F.H.)KORT (F.)KRACAUER (S.)KROEBER (A.L.)KUZNETS (S.)
LACHEROY (C.)LAMBERT (J.)
LANDECKER (W.S.)LANDRY (A.)LANE (R.E.)LANGROD (G.)LAPIRE (J.W.)LAPIRE (R.T.)LAROQUE (P.)LASKI (H.)LASLETT (P.)LASSWELL (H.)LATHAM (E.)
LAVAU (G.E.)LAZARSFELD (P.)LE BRAS (G.)LECARPENTIER (G.)LEIBHOLZ (G.)LEIGHTON (A.)LEISERSON (A.)LEITES (N.)
LELEU (C.)LEONI (B.)LEONTIEFF (W.)LERNER (D.)
LEVINSON (D.J.)LEVI-STRAUSS (C.)LEWIN (K.)LEWIS (A.)LHOMME (J.)LIDDERDALE(D.W.S.)LIKERT (R.)LINDBLOM (C.E.)LIORZOU (A.)LIPPINCOTT (B.E.)
LIPPIT (R.)LIPS (J.E.)LIPSET (S.M.)LIPSKY (G.A.)LIPSON (L.)LITTR (E.)LOCKWOOD (W.N.)LODA (N.)LOEWENSTEIN (K.)LONG (R.)LOWIE (R.E.)
LUETHY (H.)LUZZATO FEGIZ (P.)LYND (H.M.)LYND (R.S.)
MACCOBY (E.E.)MACIVER (R.M.)MACKENZIE (W.J.M.)MACPHERSON (C.B.)MACRAE (D. Jr)MACRIDIS (R.C.)
MADGE (J.)MAGID (H.M.)MALAPARTE (C.)MANNING (C.A.W.)MARCH (J.G.)MARCHAL (A.)MARITAIN (J.)MARONGIU (A.)
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MARSAL (M.)MARWICK (M.G.)MARX (K.)MATSON (F.W.)
MATTHEWS (D.R.)MATTHEWS (R.E.)MAUCORPS (P.H.)MAURRAS (C.)MAXWELL (J.A.)McCLOSKEY (J.F.)McCORD (N.)McCOYD (C.N.R.)McDONALD (L.C.)McGRANAHAN (D.V.)McPHEE (W.N.)
MEAD (M.)MGRET (M.)MEIER (G.M.)MEISEL (J.H.)MENDRAS (H.)MERQUIOL (A.)MERRIAM (C.E.)MeRTON (R.K.)MTRAUX (R.)MEYER (F.)MEYNAUD (J.)
MEYRIAT (J.)MICHELS (R.)MILL (J.S.)MILLER (J.G.)MILLER (W.E.)MILLS (C.W.)MOLITOR (A.)MONJALLON (A.)MONTCHRESTIEN (A.de)MONTESQUIEU
MONTIRIAN (C.)MONYPENNY (P.)MOORE (B. Jr)MOORE (J.B. Jr)MOORE (W.E.)MORAZ (C.)MORGENSTERN (O.)MORGENTHAU (H.J.)
MORNET (D.)MORRIS JONES(W.H.)MORTON (A.S.)
MOSCA (G.)MOULIN (L.)MUNI) (V.A.)MURPIIY (G.)MURPHY (L.B.)MYRDAL (G.)
NADEL (S.F.)NAESS (A.)NARBONNE (J.)NEUMAN (S.)
NEUMANN (J. von)NEWCOMB (T.M.)NEWELL (A.)NICOLAS (H.S.)NILSON (S.S.)NIMKOFF (M.F.)
OAKESHOTT (M.)OGBURN (W.F.)OGLE (M.B. Jr)OULS (P.)
PADOVER (S.K.)PAGE (C.H.)PARETO (V.)PARSONS (K.H.),PARSONS (T.)PASTERNAK (B.)PATAUT (J.)PELLOUX (R.)PENN (R.J.)PERLMUTTER (H.V.)
PERROT (M.)PIETRI TONELLI (A.de)PIGOU (A.C.)PINTO (R.)PLATONPOISSON (S.D.)POSE (A.)
POSTMANN (L.)PRLOT (M.)PRESS (O.C.)
QUEEN (S.A.)QUERMONNE (J.L.)
RATZEL (F.)RAUP (P.)RMOND (R.)RENAN (E.)RICE (S.A.)RICHARDSON (L.F.)RIEFF (P.)RIESMAN (D.)
RIGGS (F.W.)RIKER (W.H.)RILEY (J.W. Jr)RILEY (M.W.)RIVERO (J.)ROBSON (W.)RODEL (C.C.)RODNICK (D.)ROETHLISBERGER(F.J.)ROGOW (A.A.)
ROKKAN (S.)ROPER (E.)RPKE (W.)ROSE (A.M.)ROSENBERG (M.)ROSENSTOCK-FRANCK (L.)ROSS (E.A.)ROSSI (P.H.)ROTVAND (G.)ROUCEK (J.S.)
ROUSSEAU (C.)ROUSSEAU (J.-J.)RUSSELL (B.)RUSTOW (D.A.)
SAINT-PIERRE (Abbde)SALOMON (y.)
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SANFORD (R.N.)SAPIN (B.)SARTORI (G.)SAULNIER (V.L.)
SAUVY (A.)SCHAPERA (I.)SCHLESINGER (J.A.)SCHMID (C.F.)SCHNALENBACH (H.)SCHNEIDER (L.)SCHRAMM (W.)SCHUBERT (G.A. Jr)SCHUMPETER (J.)SCHWARZENBER-GER (G.)
SCHWEINITZ (K. deJr)SCOTT (A.M.)SHANNON (L.N.)SHAPLEY (L.S.)SHARP (W.)SHEATSLEY (P.B.)SHILS (E.)SHUBIK (M.)SIEGFRIED (A.)SIEYS.
SIMIAND (F.)SIMON (H.)SIRINELLI (J.)SLUCKIN (W.)SMET (R. de)SMITH (A.)SMITH (B.L.)SMITH (C.M.)SMITH (D.G.)SMITH (T.C.)SMITHBURG (D.W.)
SNYDER (R.C.)SOLA POOL (I. de)SOLTAU (R.)SOREL (G)SOROKIN (P.A.)SPENCER (H.)SPENGLER (J.J.)
SPENGLER (O.)SPROTT (W.J.H.)STALEY (E.)STEARNS (R.P.)
STEIN (H.)STERN (F.)STOETZEL (J.)STOUFFER (S.A.)STRACHEY a.)STRAUSS (L.)STUART (A.)SUMMERSKIL (M.)
TALBOT (N.S.)TANNENBAUM (F.)
TAYLOR (R.W.)THIELENS (W.)THIONNET (P.)THOMPSON (V.A.)THOMSON (C.A.H.)THOMSON (K.)THURSTONE (L.)TOBY (J.)TOCQUEVILLE (A.de)TNNIES (F.)
TOSI (S.)TOUCHARD (J.)TOYNBEE (A.)TREFETHEN (F.N.)TROTABAS (L.)TRUMAN (D.)
VAUVENARGUES,VECCHIO (G. del)VEDEL (G.)VERECKER (C.)
VERHULST (M.)VICO (J.B.)VISSCHER (C. de)VITO (F.)VITU (A.)VOEGELIN (E.)VOLTAIRE
WALDO (D.)WALINE (M.)WALKER (H.)
WALLAS (G.)WANDYCZ (P.S.)WARNER (L.)WEBB (S. et B.)WEBER (M.)WEIL (E.)WELDON (T.D.)WERTH (A.)WHEARE (K.C.)WHITE (J.P.)WHITE (L.D.)
WHITE (R.K.)WHITING (A.S.)WIATR (J.)WIENER (N.)WILEY (J.W.)WILLIAMS (J.D.)WILLIAMS (P.)WILSON (H.H.)WILSON (W.)WINSTON (C.M.)WITTFOGEL (K.)
WOODCOCK (G.)WOODWARD (J.L.)WOOTON (B.)WRIGHT (Q.)
XYDIAS (N.)
YATES (F.)YOUNG (M.)YOUNG (R.)
ZANDER (A.)ZETTENBERG (H.L.)ZINK (H.)ZIFF (G.K.)ZNANIECKI (F.)
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Introduction la science politique.
Index analytique
Retour la table des matiresAbstentionnisme lectoral.
Acadmie franaise (lections l').Action (thorie de l').Action franaise (L').Administration publique.
Aims of industry.Algrie.American Political Science Associa-
tion.Analyse de contenu.Analyse factorielle.
Anthropologie et science politique.
Anti-colonialisme : voir Conflits colo-niaux.
Antismitisme.Apolitisme.Archologie et science politique.Area studies.Arme et politique.Art militaire et distribution du pouvoir.Association franaise de science poli-
tique.Association internationale de science
politique. Associations volontaires . Voir
Groupes de pression et groupe-ments sociaux.
Attitudes politiques.
Automation. Voir Technique et politi-
que.Autorit.
Banque internationale pour la recons-truction et le dveloppement.
Bibliographie internationale de sciencepolitique.
Bibliographie slective des publica-tions officielles franaises.
Biographie (intrt de la).Bouilleurs de cru.
Bourguiba (H.)
Cagoule (La).Camps de concentration.Camps d'internement.Capitalisme.Caractre national.Caractres politiques. Voir Attitudes
politiques.Cartel des gauches.Cartographie.
Center for Research on World PoliticalInstitutions.
Centre europen de la Dotation Carn-gie pour la paix Internationale.
Charisma.Choix.Cit de Londres.
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Civilisations diffrentes (tude des).Classe dirigeante.Classes moyennes.Classes sociales.
Climat (rle du).Codification. Voir Terminologie.Collective bargaining. Voir Marchan-
dage.Comit international pour la documen-
tation des sciences sociales.Commission de vrification des comp-
tes des entreprises publiques.Commission interministrielle de do-
cumentation et de diffusion.Communaut (tude de).
Communications. Voir Opinion publi-que.Communisme. Voir Attitudes politi-
ques.Comportement lectoral. Observations
gnrales :FemmesJeunesPaysans
Comprhension internationale.
Conceptualisation.Conceptual scheme.Confdration gnrale du travail.Confrences internationales (tude
des).Conflits coloniaux.Conflits internationaux.Conseil d'tat.Consensus.Contrainte (monopole de la).Contre-Rvolution. Voir Rvolution.
Contrle social.Corrlation (technique de la).Corrlation partielle.Corruption.Coup d'tat.Courrier des parlementaires.Course aux armements.Croissance conomique.
Cube (loi du).Culture (notion de).Cyberntique.
Decision-making.Dcolonisation. Voir Conflits colo-niaux.
Dfiance constructive (Allemagnefdrale).
Dmocratie.Dmographie et science politique.Dpartement d'tat.Dpense publique.Distance internationale.
Distance sociale.Documentation politique internationa-le.
Droit international.Droit naturel.Droit public et science politique.Droite. Voir Attitudes politiques.Dynamique.
chantillonnage.cole nationale d'administration.
Economic League.conomie politique.coutes tlphoniques.crivains (rle des). Voir Littrature et
politique.Eisenhower.lecteurs indcis (Floating vote).lections (thorie des).lections de midterm (tats-Unis).lections sociales (France).lectronique. Voir Technique et Poli-
tique.Entreprise publique.Ethnologie. Voir Anthropologie et
science politique.valuation (techniques d').Explication de textes.Extrmisme. Voir Attitudes politiques.
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Facults de droit et des sciences co-nomiques.
Facults des lettres et des scienceshumaines.
Facults des sciences sociales.Faits politiques.Fascisme.Fdration nationale des syndicats
d'exploitants agricoles.Feed-back.Finances publiques.Fluctuations politiques.Fonction publique. Voir Administra-
tion publique.Fonctions de l'tat.
Fondation Ford.Fondation nationale des sciences poli-tiques.
Front populaire.
Gandhi.Gauche. Voir Attitudes politiques.Gographie et science politique.Gopolitique.Gingembre (L.)Good citizenship.
Groupements sociaux.Groupes d'intrt. Voir Groupes depression.
Groupes de pression.
Guerre civile.Guerre psychologique. VoirGuerre rvolutionnaire.Guerre rvolutionnaire.Guerres (influence des).
Hawthorne (enqute d'). Histoire de vie .Histoire et science politique.Hitler.Ho-Chi-Minh.Hommes politiques.Homo economicus.
Ides (formation et rle des).Idologie.Inca (Empire).Industrialisation.
Influence.Input-Output.Institut de sociologie Solvay.Institut franais d'opinion publique.Institute for International Social Re-
search.Institutions judiciaires.Instruction civique. Insurrection.Intellectuels.Intrt gnral.Intrt public. Voir Intrt gnral.
Interviews.Izvestia.
Japon (Empereur du).Jeux (thorie des).Jugements de valeur.Juristes (rle des).
Labour (Grande-Bretagne).Lausanne (Universit de).Leaders. Voir Hommes politiques.
Lgislatif-Excutif.Lgislatures (effectifs des).Libido. Voir Psychanalyse et science
politique.Linguistique.Littrature et politique.
Mac Carthy.Mai 1958 (vnements du 13).Mao-Ts-Toung. Malaise politique (France).
Managers.Marchandage.March commun.Mau-Mau.Mesure en sciences sociales (significa-
tion de la).Michigan (Universit du).Milieux d'affaires.
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Milieux financiers. Voir Milieux d'af-faires.
Modles.Monarchie britannique (couronne-
ment).Mouvements plbiscitaires.Mouvements rvolutionnaires. Voir
Rvolution.Mythes politiques.
Nationalisme.New York Times.Northwestern University.Novoe Vremia.
Oligarchie (tendances l').Opinion publique.Ordres monastiques.Organisation internationale du travail
(O.I.T.)Organisation des Nations Unies
(O.N.U.)
Panel. Parent (structures de la).Participation la vie politique.Partis politiques.
Pays sous-dvelopps.Personnalit. Voir Psychologie et
science politique.Personnalit de base.Philosophie politique. Planification.Police politique.Policy sciences.Political process.Political Studies Association of the
United Kingdom. Politiciens.
Voir Hommes politiques.Politique conomique.Politique trangre.Politisation.Pouvoir (mesure du).Pratique religieuse.
Pravda.
Prdictions lectorales.Prvision. Primat de l'conomique (Discus-
sion du).
Progrs conomique.Propagande.Propritaires fonciers.Psychanalyse et science politique.
Psychiatrie et science politique.Psychologie et science politique.Public relations.
Quantitatif (place du raisonnement).Questionnaire. Voir Interviews et son-
dages.
Rationalit.Recherche oprationnelle.Rgime foncier.Rgimes politiques (typologie des).Rgion (influence du facteur rgional).
Voir Gographie etscience politique.Rgles du jeu politique.Relations conomiques internationales.
Relations humaines . Relations industrielles .Relations internationales.Enseignement et recherchesIntgration dans la science politiqueThorie
Religion et politique.Reprsentation (ingalits de).Rseaux (thorie des).Rvolution. Rle (notion de).
Roosevelt.Royal Institute of International Affairs.Rumeur.
Sant politique.Scalogramme.Science conomique.
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Science politique et sciences biologi-ques.
Science politique et sciences exactes.Sciences du comportement.
Sciences du comportement et sciencepolitique. Sciences politiques .Sciences sociales et sciences exactes.Secret d'tat.Section franaise de l'internationale
ouvrire (S.F.I.O.)Servage (abolition du).Situation et tat de la science politiqueBelgique.tats-Unis.
France.Grande-Bretagne.Inde.
Smith (Alfred).Social engineering.Social Science Research Council.Socit internationale.Socits animales . Socits globales . Socits hydrauliques .
Socits primitives .Socits secrtes.Sociologie de la connaissance.Sociologie lectorale. Voir Compor-
tement lectoral.Sociologie et science politique.Sociologie politique.Sondages.Souverainet (principe de la).Statique.Statistiques lectorales.
Strotypes.Stratification sociale. Voir Classessociales.
Structure (notion de).Suez (crise de).Swing. Voir Cube (loi du).Symboles politiques.
Synarchie.Syndicats.Systme politique (notion de).Systmes lectoraux.
Technique et politique.Tlvision (influence de la).Tempraments politiques. Voir Attitu-
des politiques.Temps (Le).Terminologie.
Thorie politique.
Times.Totalitarisme.Transplantation des institutions.Travail interdisciplinaire.Travail parlementaire (mthodes du).
Unesco.Union interparlementaire.Unions d'tats.
Valeurs .Veto prsidentiel (tats-Unis).Vichy (gouvernement de).Villiers (G.)Vocabulaire de la science politique.Vocabulaire des sciences sociales.Vlkischer Beobachter.Vote (paradoxe du).
Welfare Economics.
Welfare State.Whitaker and Baxter.
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Introduction la science politique.
Index des revues cites
Retour la table des matiresActualit juridique (L').Administrative Science Quarterly.
Africa (Londres).American Journal of Sociology.American Political Science Review.Annals of the American Academy of
Political and Social Science.Australian Quarterly.
British Journal of PsychoIogy.British Journal of Sociology.Bulletin de la classe des lettres et des
sciences morales et politiques
(Acadmie royale de Belgique).Bulletin de la Socit d'tudes et de
documentation conomiques, in-dustrielles et sociales.
Bulletin international des sciences so-ciales.
Cahiers internationaux de sociologie.Cambridge Journal.Canadian Journal of Economics and
Political Science.
Current Sociology.
Diogne.
Economia.conomie appliqueEconomist (The)Esprit.
tudes et Documents (Conseil d'tat).
Impact.Inquiry.Insoc (Bruxelles).
Journal of Abnormal and Social Psy-chology.
Journal of Philosophy.Journal of Political Economy.Journal of Politics.Journal of Social Psychology.
Klner Zeitschrift fr Soziologie undSozialpsychologie.
Manchester School of Economics andSocial Studies.
Midwest Journal of Political Science.
New Statesman.
Occidente.
Political Quarterly.Political Science Quarterly.Political Studies.Politico (Il).Politique.Population. Psychiatry.Psychological Bulletin.Public Opinion Quarterly.
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Recueil Dalloz.Review of Politics.Revista de estudios politicos.
Revue d'conomie politique.Revue de gographie alpine.Revue d'histoire littraire de la France.Revue de l'Institut de sociologie (Sol-
vay).Revue conomique.Revue franaise de science politique.
Revue internationale de droit compar.Revue internationale des sciences ad-
ministratives.
Revue internationale d'histoire politi-que et constitutionnelle.Revue militaire d'information.
Rivista delle societ.Rivista di politica economica.Rivista internazionale di scienze socia-
li.
Social Research.Sociological Review.Sondages.Studi politici.
Temps modernes (Les).
Universities Quarterly.
Western Political Quarterly.
World Politics.
Zeitschrift fr schweizerische Recht.
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Introduction la science politique.
Avertissement
Retour la table des matires
Depuis l't 1958, au cours duquel lut acheve la prparation de la premiredition de ce livre, plusieurs travaux d'inspiration mthodologique ont t publis
en France et l'tranger. Sans rendre ncessaire l'abandon ou une transformation
radicale des principes et conventions adoptes dans cette Introduction, de telles
recherches devraient conduire lui apporter immdiatement quelques retouches et
divers complments.
Toutefois cette rvision ne saurait tre utilement entreprise si l'auteur ne dis-
pose pas d'un certain recul. Les suggestions faites dans les controverses quoti-
diennes sont souvent plus sduisantes que profondes, plus brillantes qu'utiles. Undlai de rflexion est indispensable pour effectuer le tri. Cependant il a sembl
opportun que dans l'intervalle ce livre, qui, avec ses mrites et ses dfauts actuels,
reprsente un point de vue dtermin sur la science politique, reste la disposition
du public.
J'ai donc choisi de publier nouveau, quelques corrections matrielles prs,
la premire dition dont les rfrences de base n'ont pas sensiblement vieilli. Il
s'agit davantage d'un second tirage que d'une nouvelle version. Si la faveur dont
ce livre a bnfici jusqu' prsent se maintient, je pense tre en mesure d'ici deux
trois ans d'en proposer une dition entirement refaite qui tienne compte des
progrs de la discipline et de l'volution de mes propres ides.
Lausanne, septembre 1961.
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Introduction la science politique.
AVANT-PROPOS
Retour la table des matires
Ce livre trouve son origine dans un enseignement gnral de science politique
profess l'Universit de Lausanne depuis le mois d'octobre 1955. Nous avions
pens, au dpart, tre en mesure d'assumer cette charge sans difficults excessi-
ves. Ce fut une erreur. la prparation de ces leons a t infiniment plus complexe
que nous ne nous y attendions et, aujourd'hui mme, nombreux demeurent les
obstacles que nous n'avons pas russi surmonter. Un fait explique, au moins en
partie, cette situation : il n'existe encore aucun trait ou manuel en langue franai-
se qui puisse servir de guide ou, au minimum, d'instrument de rfrence.On tient avertir immdiatement le lecteur que le prsent ouvrage n'a pas t
conu pour combler ces lacunes. Ainsi ne comporte-t-il pas un expos systmati-
que des mthodes actuellement utilises par l'analyse politique : la publication
prochaine du manuel de Maurice Duverger (dj disponible sous forme ronogra-
phie) fournira aux tudiants un instrument d'excellente qualit pour aborder cette
matire ardue. Par ailleurs, notre livre ne contient pas un examen articul des
grandes questions de la vie politique. Nous esprons tre en mesure de prsenter,
d'ici quelques annes, un trait de ce type. Une raison majeure nous a conduit diffrer la ralisation d'un tel projet : l'insuffisance des donnes disponibles sur le
cas franais. De nombreuses recherches sont en cours d'excution : leur achve-
ment rendra progressivement moins tmraire l'tablissement d'une formulation
gnrale.
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Notre unique objectif, en crivant ces pages, a t d'noncer les problmes, et
surtout les difficults, que rencontre ncessairement le professeur ou le chercheur
spcialis en science politique. Nous avons tent d'en apporter une numration
comprhensive et d'indiquer l'tat actuel de nos rflexions sur chacun des pointssoulevs. Toutes les fois o cela s'est rvl possible, on a formul une rponse
nette aux questions poses. Dans bien des cas cependant, on n'a pu parvenir une
conclusion ferme : il et t relativement ais de dissimuler ces incertitudes au
lecteur, mais il a sembl plus loyal de les exprimer clairement en exposant les
diffrents points de vue en prsence.
Ce travail se ramne donc une tude de la science politique elle-mme. Ce
genre de prsentation a souvent mauvaise presse. Ainsi a-t-on reproch aux socio-
logues d'avancer d'excellentes notions en se gardant de les appliquer dans leurspropres travaux. On ne saurait, pour le pass, dnier toute porte cette boutade.
Mais notre discipline offre une particularit : ce type de discussion y est rare au
contraire. Aux tats-Unis o la science politique connat un important dvelop-
pement, l'analyse mthodologique de la discipline reste trs en de de l'effort
d'accumulation des faits. Ce dcalage, on le dira cent fois, est l'une des causes
fondamentales de la faiblesse actuelle de l'explication.
Au total le but de cette introduction n'est pas essentiellement, ni mme
principalement, d'ordre pdagogique. Le plan adopt comme le contenu des dve-loppements ne correspondent pas aux exigences d'un enseignement lmentaire.
Un point en particulier doit tre soulign. tant donn les dimensions fixes ce
livre. il ne pouvait tre question d'expliciter en dtail les multiples sujets voqus,
qu'il s'agisse des thories de Bertrand de Jouvenel ou de Talcott Parsons, des son-
dages ou des jeux de stratgie. Entre Lexamen approfondi de quelques problmes
et un essai d'inventaire gnral (naturellement incomplet), on a cru plus utile de
choisir la seconde voie : ce faisant, on se condamnait un expos ncessairement
allusif et, sur bien des points, nettement exprimental qui ne saurait suffire l'l-
ve dbutant, en qute d'une information labore et aussi de certitudes immdia-tes.
* *
La prparation d'un ouvrage de cette nature pose toujours des problmes diffi-
ciles. Il nous aurait sans aucun doute t impossible de les rsoudre si nous
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n'avions exerc, durant des annes, la double fonction de secrtaire gnral de
lAssociation internationale de science politique et de rdacteur en chef de la Bi-
bliographie internationale de science politique. Cette dernire nous a permis
d'amasser, jour aprs jour, la documentation indispensable : on a tent ici d'enfaire profiter le lecteur,' sur un mode d'ailleurs slectif, par d'abondantes rfren-
ces qui doivent permettre, qui le souhaiterait, d'entreprendre l'tude approfondie
des questions voques dans le texte.
Mais nous devons la premire quelque chose de plus prcieux qu'un appareil
livresque : la connaissance directe des milieux dans lesquels s'labore actuelle-
ment la science politique, l'tablissement de relations personnelles avec quelques-
uns des savants les plus minents de cette discipline, dans le monde entier. Tous
n'approuveront pas les positions prises et plusieurs probablement ne mnagerontpas les critiques : il West pourtant que justice de reconnatre la dette contracte
leur gard. Nous leur sommes redevable d'avoir compris le rle minent de la
science politique pour la connaissance des socits.
L'importance attribue cette discipline ne nous conduit nullement mcon-
natre la porte des autres branches. L'un des thmes centraux de cet ouvrage est
que. notre poque, les diffrentes sciences sociales sont indispensables les unes
aux autres. Aucune ne saurait progresser en adoptant une position d'isolement.
C'est en conjuguant leurs forces, en changeant sans cesse donnes et techniquesde recherche, que les spcialistes amlioreront la connaissance de leurs domaines
respectifs.
Ce point de vue nous a pouss voquer de nombreux sujets sur lesquels nous
n'avons que des notions fort limites et, dans bien des cas, tout fait superficiel-
les. Les techniciens n'auront aucun mal nous prendre en flagrant dlit d'erreur et
d'ignorance : nous avons accept de courir ce risque dans l'espoir d'amener les uns
et les autres une exacte apprciation de l'apport considrable qu'ils peuvent
fournir l'analyse politique.
Parmi les reproches que mrite ce travail, figure le flottement de la terminolo-
gie. Sans en contester le bien-fond, on tient cependant souligner que ce dfaut
est. dans ltat prsent des sciences sociales, trs difficile surmonter. Le seul
moyen de l'viter compltement et t de forger un vocabulaire particulier et d'y
plier arbitrairement l'ensemble des efforts analyss. C'est une tche qu'au stade
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actuel nous ne nous sommes pas senti apte accomplir. L'unification de la termi-
nologie est indispensable : il est difficile de concevoir qu'elle puisse tre l'uvre
d'un individu isol.
* *
Ce livre reprsente un point de vue personnel, sur des questions qui, dans l'en-
semble, restent vivement controverses. ce titre, il ne saurait engager aucune
des maisons auxquelles nous avons appartenu et appartenons aujourd'hui.
Sans nous rclamer d'une objectivit parfaite, nous nous sommes cependant effor-
c d'exposer impartialement les arguments des uns et des autres. Le lecteur atten-tif saura reconnatre, de temps autre, quelques mouvements d'humeur qu'en d-
pit d'un effort constant nous n'avons pu parvenir viter. Est-il besoin d'ajouter
qu'ils ne concernent nullement des institutions qui sont grandes, et que nous res-
pectons, mais seulement les conceptions que dfendent certains de leurs reprsen-
tants. Une confrontation intellectuelle n'a de porte que si chacun exprime sans
dtours ses prfrences. La critique scientifique n'exclut ni Lestime ni l'amiti.
Quand un auteur crit un livre, il a toujours tendance forcer sa pense : il
agit de la sorte, comme disent les Anglais, pour donner une meilleure chance auxides qu'il met. On a essay de ne pas trop accentuer ce mouvement naturel. Si
nanmoins ceux qui lisent cet ouvrage croient pouvoir y relever quelques excs.
nous leur demandons de nous en excuser en considration du but vis - promou-
voir l'expansion d'une discipline dont l'tat de sous-dveloppement est inquitant.
Selon le mot trs juste de Marcel Prlot, une extraordinaire carence a pris fin :
on souhaite que soient saisies toutes les occasions qu'apporte cette transformation,
dont les plus optimistes, il y a dix ans peine, n'envisageaient que difficilement
l'ventualit. On espre aussi qu'en dpit de ses imperfections videntes ce travail
y contribuera.
Novembre 1958.
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Introduction la science politique.
Chapitre 1
Les divers types danalyse politique
1. les divers types d'analyse politique
Retour la table des matires
L'un des traits caractristiques de la science politique est la varit de l'image
que s'en font ses adeptes. L'Unesco ayant ralis, voici quelques annes, une en-
qute sur l'objet et la mthode de cette discipline, le rsultat en fut un livre collec-
tif d'une diversit extrme. presque effarante 1. l'exception peut-tre de la so-
ciologie, aucune branche du savoir ne comporte de nos jours une telle marge d'in-
certitude.
L'examen des travaux publis l'poque la plus rcente confirme l'actualit de
cette observation. On relve certes, en proportion croissante, des recherches
conduites selon des techniques de style moderne : mais on rencontre galement
des prsentations d'allure purement doctrinale, sinon mme d'inspiration confes-
sionnelle 2. Les optimistes trouvent dans ce pluralisme (qui va du raisonnement
1 Il s'agit de l'ouvrage La Science politique contemporaine : contribution larecherche, la mthode et l'enseignement, Paris, 1950. En dpit de son manquetotal d'homognit, ce livre demeure utile comme outil de rfrence. Pourune vue plus systmatique de la discipline, voir ROBSON (William A.). LesSciences sociales dans l'enseignement suprieur : science politique, Paris,1955.
2 Le meilleur exemple de cette tendance est VOEGELIN (Eric), The NewScience of Politics : An Introduction, Chicago, 1952. Cet ouvrage a fait l'objet
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abstrait l'emploi de machines cartes perfores) un tmoignage de vitalit et
d'esprit de mesure. D'autres l'interprtent comme un signe de confusion, une inca-
pacit de choisir entre les divers modes de la connaissance.
C'est probablement Ltude des diffrentes conceptions de la thorie politique
qui rvle le mieux cette tonnante varit. Elle est complexe en raison des tton-
nements des spcialistes et des incertitudes du vocabulaire.
UNE SITUATION QUIVOQUE
Il existe un net dcalage entre la prtention de l'analyse politique qui veut se
constituer en science et le comportement effectif de nombreux chercheurs. L'em-ploi du vocable de recherche scientifique est actuellement rentable et les int-
resss n'hsitent pas l'utiliser largement : ce n'est, dans bien des cas, qu'une as-
similation formelle. Le procs-verbal d'une runion amricaine consacre aux
problmes de la thorie ouvre cet gard d'intressantes perspectives 3. D'aprs
l'auteur du rapport, trois tendances s'y sont manifestes.
La premire traduisait la volont d'riger le domaine des tudes politiques en
une discipline authentique par l'accumulation progressive de connaissances. as-
sembles et vrifies selon des procdures rigoureuses : elle n'a remport l'assen-timent que d'une minorit. La seconde, tmoignant d'une mfiance totale l'en-
droit de cette aspiration, soutenait que le but de l'analyse est la dcouverte d'une
sorte de sagesse (d'aucuns diraient peut-tre en France d'un humanisme) : elle
voyait dans une rflexion intuitive, fonde sur l'exprience. le meilleur moyen de
parvenir ce rsultat. Elle est reste galement minoritaire. Au contraire la grande
d'analyses minutieuses, d'aucuns s'efforant d'tablir qu'en dpit des excs dela thse centrale, il comportait des lments utiles. Voir par exemple McDO-NALD (L.C.). Voegelin and the Positivists : A New Science of Politics ? Midwest Journal of Political Science, novembre 1957, pp. 233-25 1. Voir aus-si FUEYO (J.F.). Eric Voegelin y su reconstruccion de la cienca politica .Revista de estudios politicos. janvier-fvrier 1955, pp. 67-116.
3 Political Theory and the Study of Politics : A Report of a Conference (rapporteur : Harry ECKSTEIN), American Political Science Review, juin1956, pp. 475-487. Il s'agit d'une runion tenue en fvrier 1955 la Northwes-tern University.
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majorit des participants s'est prononce en faveur d'une approche clectique
qui permt de retenir le meilleur de ces deux conceptions (en somme une certaine
combinaison entre la corrlation statistique et l'aphorisme).
L'art du compromis est probablement un facteur essentiel de la gestion des af-
faires humaines. ce titre, on ne saurait l'exclure de la conduite des runions
scientifiques. Il est cependant remarquable que le rapporteur renvoie dos dos, en
les qualifiant d' extrmistes , les partisans des modles et de l'apprciation mo-
rale. Cette volont de modration qui correspond sans doute l'opinion moyenne
risque d'aboutir, au moins implicitement. l'apologie de l'approximation : elle
aide saisir l'ambivalence du mot thorie dans la science politique contempo-
raine. Le point est important, car beaucoup de disputes tiennent l'emploi du
mme terme pour dsigner des dmarches fondamentalement diffrentes 4.Le mieux est de partir de positions tranches entre lesquelles se rpartissent
bien des conceptions intermdiaires. Pour les uns, le rle de la thorie est de for-
muler des prescriptions qui concernent le gouvernement des socits humaines.
La tche du spcialiste tant d'noncer ce qui devrait tre, il lui revient de spci-
fier la fois les fins et les moyens de l'activit publique. la limite, on lui assigne
pour mission de prparer un code des relations politiques dont les tablissements
d'enseignement auraient pour mission d'inculquer le contenu aux membres de la
communaut : ce qui revient rinventer l'instruction civique. Au total, la fonc-tion de l'analyse thorique est d'duquer : elle comprend naturellement des juge-
ments sur le bien et le mal , le juste et l' injuste . Pour d'autres, l'ob-
jectif du thoricien est d'tudier le fonctionnement de la vie politique et d'en four-
nir une explication aussi complte et cohrente que possible. La rflexion porte
sur ce qui est : elle emprunte le chemin qui va de l'observation et de la classifica-
tion des faits l'nonc de gnralisations et d'uniformits.
La science politique oscille ainsi entre la prescription morale et l'explication
positive : loin de s'astreindre un choix dcisif, ses adeptes dpensent dans l'en-
semble beaucoup d'efforts pour tablir que ce choix correspondrait une mutila-
tion. jusqu' une date relativement rcente, la notion de thorie et la qualit de
thoricien ont t plutt associes la formulation de directives et de jugements
4 Cette ambivalence est clairement exprime par JENKIN (Thomas P.). TheStudy of Political Theory, New York, 1955, pp. 1-4.
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(spcialement l'expos de ceux que contiennent les doctrines du pass) : ainsi,
dans la rigueur des usages, le droit naturel mais non le comportement lectoral,
relevait-il de cette catgorie. Pratique paradoxale qui est en voie de disparition :
on admet de plus en plus que la dmarche thorique s'attache tous les comparti-ments de la recherche et qu'il est irrationnel d'en rserver l'exclusivit aux histo-
riens de la pense politique et aux constructeurs de systmes. Mais ce faisant on
s'est born tendre le cercle de la thorie et accentuer la contradiction que le
terme implique dans notre domaine.
Cette confusion des genres spare la science politique, non seulement des
sciences physiques et naturelles, mais aussi d'autres branches de la connaissance
humaine : psychologie ou science conomique, par exemple. Sans doute les pr-
occupations morales y font-elles parfois un retour offensif : ainsi, en matire co-nomique, les tentatives. infructueuses dans l'ensemble, des coles de l'conomie
de bien-tre (Welfare Economics). tout au moins de celles qui se situent dans la
ligne de Pigou. Cependant, peu de spcialistes en sciences sociales contesteraient
aujourd'hui que leur tche est seulement d'exposer le droulement des relations
sociales et non de proposer les critres d'un fonctionnement optimum de la soci-
t. Or, cette tendance l'analyse positive est critique ds que l'on entend aborder
les phnomnes politiques.
Avant d'aller plus loin, il est ncessaire d'indiquer les principaux argumentsutiliss : notons que s'ils se rvlaient fonds, la plus simple honntet conduirait
proscrire le terme de science pour dsigner ce secteur de la recherche.
CONTROVERSES SUR L'ESPRIT DE L'EXPLICATION
L'essentiel de l'argumentation consiste affirmer que l'analyse politique a des
servitudes propres et des problmes particuliers. On en dduit que les procds
usuels (surtout les techniques statistiques) y sont d'un emploi malais et ne per-
mettent pas d'apprhender la totalit du sujet. Par l se trouve justifi un systme
d'explication souple faisant une place l'interprtation subjective et au jugement
intuitif.
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Il est possible de relever des positions extrmes et, partant, isoles. Ainsi celle
d'un Voegelin contestant que le recours aux faits ait plus de porte scientifique
que la pure spculation : point de vue dont l'acceptation entranerait une complte
mise en cause de nos habitudes de travail. D'autres observations exigent un exa-men attentif car elles se rapportent des difficults relles dont on a seulement
tort d'exagrer les consquences ventuelles.
1.SOUCI D'OBJECTIVIT - Les partisans d'une tude positive affirment la
ncessit de prserver l'explication de l'influence des valeurs et plus gnrale-
ment, du poids des ides prconues. Une telle prtention, dit-on, est insoutena-
ble : la sociologie de la connaissance montre qu'il est vain de postuler la neutralit
du chercheur. Non seulement la marche du raisonnement, mais encore la slectiondes faits et mme le choix des thmes dpendent des idaux et croyances de l'int-
ress. Cette situation est quel que peu dissimule dans une communaut o tous
les savants s'inspirent, en gros, des mmes critres : en ce cas, c'est la discipline
qui, dans son ensemble, se trouve frappe d'une dformation. La question est im-
mdiatement apparente au sein de socits divises sur les principes de leur orga-
nisation et le sens de leur avenir.
Complication vidente, commune toutes les branches de l'analyse sociale,
elle constitue l'un des problmes de base de la recherche scientifique 5 et conduitparfois souhaiter qu'au dbut de son expos le savant prcise, avec le maximum
de franchise, les composantes morales de sa vision sociale : sans liminer la d-
viation produite, un tel examen de conscience permettrait au lecteur de mieux la
cerner et d'en apprcier plus aisment la porte 6.
5 Pour une tude approfondie du problme, on pourra partir des rfrences don-nes par BARBER (Bernard), Sociology of Science. A Trend Report andBibliography , Current Sociology, 1956, no 2. pp. 91-153. On trouvera d'uti-les observations dans ANTONELLI (E.). tudes d'conomie humaniste, Paris.1957, pp. 11-24.
6 Ce procd a t recommand par G. MYRDAL dans son ouvrageAn Ameri-can Dilemma : The Negro Problem and Modern Democracy, New York.1944, pp. 1044-1045. Pour un exemple d'application, voir DAHL (Robert A.),LINDBLOM (Charles E.), Politics Economics and Welfare, New York. 1953.pp. 25-54.
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Envisag sur le plan conceptuel, le problme de l'objectivit risque de paratre
insoluble. Cependant, il n'est pas acquis qu'il en aille exactement ainsi au niveau
des recherches concrtes. C'est au moins en partie, une affaire de mthodologie :
il est possible, par une codification serre des techniques d'observation, de prser-ver le chercheur de ses propres prfrences. L'exploration, successive ou simulta-
ne, du sujet par des esprits de tendances diffrentes, accrot les chances d'une
prsentation finale exhaustive : cet gard, le conformisme n'est pas un avantage,
mme s'il rsulte d'une simple pression sociale, hors de toute contrainte gouver-
nementale. L'impartialit absolue est probablement inaccessible : moins de ver-
ser dans le dfaitisme. on ne saurait en dduire l'impossibilit d'envisager les di-
vers aspects d'une question.
Mais il est un palier de Lanalyse au niveau duquel ces prcautions ne peuventplus jouer un rle protecteur : l'apprciation morale, elle-mme insparable d'une
conception globale des rapports sociaux. On prend parfois argument des diffi-
cults d'une prsentation objective pour justifier la tendance normative.. Erreur
critiquable : constater les limites invitables de l'objectivit scientifique et rcla-
mer pour le savant le droit d'mettre des jugements de valeur, sont deux positions
diffrentes. Le savant, estimant que la science politique se rsout en une thique,
est fond contester l'ordre existant et en proposer un meilleur : on minimiserait
cette attitude en lui donnant pour seul principe le relativisme de l'explication,
c'est--dire le produit d'une impuissance de l'esprit humain qu'il est souhaitable de
limiter7.
Il reste que l'impartialit est rarement accessible dans notre secteur. Les dis-
cussions et affirmations courantes concernant la vie politique sont de faon gn-
rale trs engages et partisanes : la connaissance que chacun prtend en avoir
forme un bloc confus (et presque indissociable) d'motions, de voeux et de juge-
ments partisans 8. Il serait bon que le spcialiste trouve dans cette situation un
appel la modestie et la justification d'un effort accru de dtachement. Par contre,
7 Voir sur ce problme les pertinentes observations de LEONI (Bruno), Gui-dizi di valore e scienza politica , Politico, mai 1957, pp. 86-94.
8 Consulter les observations de Georges GURVITCH sur la connaissance poli-tique dans Initiation aux recherches surla sociologie de la connaissance, Pa-ris. 1948.
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il serait regrettable qu'il en ft ncessairement le fondement d'attitudes moralisa-
trices.
2. RLE DE L'EXPRIENCE - Il est rare que le thoricien participe direc-
tement la gestion des affaires publiques en occupant, par exemple, un sige de
dput ou un poste ministriel. Aux tats-Unis, l'Administration a pris l'habitude
de consulter des spcialistes en sciences sociales, voire mme de les intgrer pro-
visoirement dans ses cadres. Ailleurs les contacts sont moins troits et se limitent
souvent des rapports pisodiques. Dans la quasi-totalit des cas l'analyse politi-
que est donc conduite de l'extrieur. Est-ce l un grave handicap ?
Certains l'ont pens. Sans un accs aux cercles gouvernementaux, le chercheur
se trouve condamn l'exploitation de ce qui transpire au dehors : d'o il r-
sulte que l'explication reste superficielle et approximative. Les hommes politiques
appuient souvent cette position : ils ironisent volontiers sur le manque d ralisme
des tudes scientifiques et dclarent utopique l'effort qui veut traduire en formules
rigoureuses les luttes pour l'accession au pouvoir. Ces observations tendent toutes
recommander une interprtation trs souple, faisant une large part l'intuition,
l'empirisme. l'esprit de finesse. quoi bon la mise en oeuvre d'un appareil co-
teux si l'on est incapable, en raison de la nature des phnomnes tudis, d'attein-
dre le fond des choses...
Sous leur forme brutale, ces remarques ne sont gure susceptibles de convain-
cre. Il est faux de supposer le praticien dou d'une facult de comprhension sup-
rieure celle du thoricien. La vision de l'homme politique se borne gnralement
certains des aspects du processus gouvernemental et des problmes secondai-
res mais dont dpend le droulement de sa carrire. Il sait rarement s'lever une
vue d'ensemble et saisir l'interaction des phnomnes : l'absence de recul, le man-
que de temps pour la rflexion spculative, l'inaptitude au maniement des catgo-
ries abstraites, constituent, dans la plupart des cas, un obstacle insurmontable. Lacontribution qu'il peut apporter se limite, en moyenne, la fourniture de mat-
riaux bruts (sous forme d'interviews, de mmoires...) que l'on ne saurait utiliser
sans une vrification critique attentive.
Au surplus, il n'est pas dmontr qu'en politique les lments cachs aient plus
de valeur que les donnes. accessibles. Ainsi admet-on beaucoup trop aisment -
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c'est parfois prtexte paresse ou facilit - qu'il est impossible d'tablir raison-
nablement les motifs d'une dcision ; mme dans le cas des pays totalitaires, on
n'est pas dpourvu des moyens qui permettraient de dterminer les intentions
gouvernementales et leur volution (analyse de contenu de la presse, par exem-ple). La situation s'amliore quand on passe du dtail (souvent d'importance anec-
dotique) aux lignes gnrales d'une activit. Autrement dit, les manifestations
extrieures de la vie politique comportent un potentiel de documentation que l'on
est encore loin d'avoir systmatiquement utilis.
Cependant, l'observation aidera comprendre un trait de l'analyse prsente
dont la perptuation serait fcheuse. Il est vrai que certains secteurs de la vie pu-
blique se prtent plus aisment que d'autres Lemploi de procdures rigoureu-
ses : d'o la tendance, chez certains thoriciens exigeants quant la qualit de lapreuve, se concentrer sur les premiers au dtriment des seconds. Ainsi l'abon-
dance des tudes sur le comportement lectoral - dont on a probablement suresti-
m le poids dans le fonctionnement du processus gouvernemental -contrastant
avec l'extrme raret des travaux sur le comportement des fonctionnaires et autres
agents publics. troitement interprt, le besoin de rigueur aboutirait de graves
dsquilibres.
Sur ce point encore notre discipline n'a rien qui lui soit propre. Les chefs d'en-
treprise n'ont pas l'habitude de convoquer les conomistes pour les informer desmotifs de leurs investissements : cependant l'analyse scientifique de ces dcisions
ne cesse de progresser. Il n'existe aucun secteur des sciences sociales o l'interpr-
tation ne soulve des problmes redoutables : si elle est difficile, l'explication de
la vie politique n'est pas une ambition inaccessible 9.
3.AMPLEUR DU DOMAINE - Plusieurs facteurs y contribuent. D'abord,
l'extension des fonctions gouvernementales l'poque contemporaine : la sphre
des relations publiques ne cesse de se dilater aussi bien dans le cadre interne quesur le plan international. Ensuite, l'apparition de formes entirement nouvelles :
ainsi les socits totalitaires que l'on ne saurait en aucune manire assimiler aux
9 Voir l'tude de Wilfrid HARRISON, Understanding Politics , Occidente,1955, no 3, pp. 259-271, qui Insiste sur l'aspect esthtique de l'interprta-tion.
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dictatures classiques. Mentionnons enfin l'apport en quantit croissante de mat-
riaux d'ordre politique par des disciplines comme l'histoire et l'anthropologie :
d'o le problme d'intgrer dans l'explication les donnes relatives des socits
diffrentes des ntres.
La tche peut sembler crasante. Il en va de mme pour toutes les branches :
que l'on songe seulement aux questions poses aux sociologues par l'urbanisation
et aux conomistes par la planification et les contrles gouvernementaux ! Ne
serait-il possible de la remplir effectivement qu'au prix de concessions (on n'ose
pas dire de rabais) sur la rigueur de l'explication ?
Il est possible qu'il en soit ainsi dans un premier stade. Mme fragmentaire et
imparfait, un expos dsintress a gnralement plus de valeur qu'une apprcia-
tion partisane. C'est probablement l'argument le plus fort en faveur d'une interpr-tation souple, qui fait plus de place l'intuition empirique qu' la vrification ob-
jective. Mais le procd n'est admissible qu' deux conditions : le spcialiste ex-
pose clairement les rserves indispensables, il vite de transformer en pratique
habituelle un expdient provisoire. videmment, le thoricien ne parviendra vala-
blement couvrir de faon rigoureuse son immense domaine qu'au prix d'un long
effort et notamment en prparant un cadre de travail susceptible d'embrasser peu
peu la totalit des faits relevs. Son absence met en lumire les difficults de la
science politique suivre le mouvement et en prsenter une explication satisfai-sante 10.
En dfinitive, les obstacles qu'affronte de nos jours cette discipline ne sont pas
sensiblement plus graves que ceux auxquels se heurtent les autres branches des
sciences sociales. Simplement elle parat moins bien quipe pour les vaincre. La
raison semble claire : insuffisance de l'appareil d'analyse et faiblesse de la formu-
lation thorique. Cependant, l'accord est loin de rgner sur la ncessit d'un chan-
gement 11.
10 Sur cette insuffisance voir les observations prsentes par GLASER (W.A.). , The Types and Uses of Political Theory , Social Research, aot1955, pp.275-295.
11 Trs rvlatrice cet gard est la controverse engage dans l'American Politi-cal Science Review, septembre 1957, pp. 734-775. Un article d D.E. AP-TER se prononce pour une formulation systmatique incluant l'analyse desmodles. Un second, oeuvre de D.G. SMITH, soutient le point de vue tradi-
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POUR UNE FORMULATION THORIQUE
On entend dsormais cette expression au sens des dmarches qui prparent
l'explication et permettent de lui donner un contenu systmatique. De ce point de
vue (le plus usuel en sciences sociales), la thorie forme un ensemble articul de
dfinitions, d'assomptions et de propositions couvrant un sujet dtermin. Elle
doit permettre de prsenter des relations susceptibles de vrification. Au stade
initial, ce n'est qu'hypothse, l'objectif ultime tant de permettre la dmonstration
causale et la prvision. Sauf indication contraire. c'est en ce sens que nous em-
ploierons dsormais le mot.
Sera-t-il superflu de prciser le point par quelques exemples ? L'tude du
comportement lectoral des femmes relve de l'analyse thorique, mais non le
dbat sur l'opportunit de leur octroyer ou non le droit de suffrage (tel qu'il se
poursuit actuellement en Suisse). L'examen de la dformation de la reprsentation
(et en particulier des ingalits de reprsentation) s'y rattache 12, mais non la dis-
cussion sur la valeur morale du suffrage universel. Il n'y a aucun phnomne de la
vie politique dont il ne soit possible d'entreprendre l'explication thorique : ainsi
les camps de concentration 13 ou le couronnement de la Reine d'Angleterre 14. En
adoptant cette position restrictive (par rapport aux habitudes de la discipline) on
n'entend nullement dprcier, a priori et en bloc, les rflexions d'un autre type :
tionnel : l'objet principal de la science politique est la description des probl-mes concrets (et ventuellement l'mission de jugements moraux). La thoriese rapproche ainsi d'une discipline littraire. La troisime contribution, parA.A. ROGOW, repousse les deux thses prcdentes, accusant les spcialistesd'avoir nglig l'tude des grands problmes (d'ordre conomique, social...)
qui se posent notre socit.12 Au sens donn ces expressions par Maurice DUVERGER, Droit constitu-
tionnel et Institutions politiques, 2e dition, Paris, 1956, pp. 623-628.13 HOBSBAWN(E.J.), The Political Theory of Auschwitz , Cambridge Jour-
nal, mai 1952, pp. 455-467.14 NICHOLAS (H.S.), The Coronation and the Monarchy ,Australian Quar-
terly, mars 1953, pp. 7-12, et surtout SHILS (E.), YOUNG (M.), The Mea-ning of the Coronation , Sociological Review, dcembre 1953, pp. 63-81.
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simplement il serait souvent prfrable. en raison mme de leur contenu, de ne
pas les qualifier de thorie.
Jusqu' prsent, la science politique ne s'est que trs modrment soucie de la
formulation thorique. On a beaucoup dcrit, mais on a peu cherch gnraliser.
Cette recherche des faits est caractristique des efforts amricains : non sans ex-
cs, on a parl d'hyperfactualism et mme de tendance au miniaturisme . Nous
n'en sommes pas encore l en Europe : il y est beaucoup plus ais de relever les
secteurs sur lesquels on possde quelques donnes srieuses (gnralement frag-
mentaires), que d'tablir la liste de ceux pour lesquels l'ignorance est quasi totale.
Disons que l'tude concrte des phnomnes n'est jamais contestable : pour d'vi-
dentes raisons de scurit, il y a d'ailleurs avantage en confier la responsabilit
plusieurs chercheurs, travaillant, de faon indpendante, sur le mme sujet. Laseule erreur est de considrer ce travail comme une fin en soi, alors qu'il trouve sa
signification essentielle dans la prparation de la synthse. Le risque d'une sub-
mersion par la masse des faits n'existe qu'en l'absence d'un cadre thorique (au
besoin sous forme d'une srie d'hypothses) permettant de les trier, les classer et
les interprter : il s'est souvent matrialis.
Il n'en faut pas dduire que le champ de l'analyse thorique ainsi entendue
demeure vierge. On relvera facilement des propositions thoriques dont on ne
s'est pas toujours proccup (y compris parfois l'auteur de la formule) de vrifierla validit l'aide des matriaux existants 15. Il est vrai que l'on s'est rarement
efforc de rattacher les propositions particulires une thorie gnrale de la vie
politique, ou une conception d'ensemble du systme gouvernemental. Tche
immense dont certains pensent, mme aux tats-Unis, qu'elle est encore prmatu-
re.
En indiquant cette voie, on emprunte le chemin suivi depuis bien longtemps
par les sciences physiques et naturelles. Certains s'en irritent en postulant une dif-
frence de nature entre celles-ci et l'analyse sociale. D'autres affirment qu'aprs
tout la divergence serait seulement de degr. Au stade actuel cette controverse
semble un peu acadmique 16. Comme discipline d'observation et de systmatisa-15 On en trouvera de nombreux exemples dans LINDBLOM (C.E.). In Praise
of Political Science , World Politics, janvier 1957, pp. 240-253.16 Qui s'intresse ce problme consultera avec profit l'importante tude de Jo-
han GALTUNG, Notes on the Differences Between Physical and Social
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tion, les sciences sociales n'en sont encore, en somme, qu'au tout dbut de leurs
efforts : qui se hasarderait prdire, autrement que par inclination dogmatique, le,
point o elles arriveront dans un ou deux sicles ? Pour l'instant la question reste
essentiellement pragmatique : il s'agit d'viter les transpositions mcaniques quidcouleraient d'une propension au scientisme. La mthode scientifique prsente
certes des principes de porte universelle dont on voit mal (ou peut-tre trop bien)
les motifs qui pourraient conduire les carter de l'analyse sociale : en particulier,
l'obligation de ne pas slectionner les faits en fonction de la thse que l'on veut
dmontrer et de rejeter tout essai de gnralisation infirme par l'observation.
Pour le reste, le seul critre valable est celui de l'efficacit : il en rsulte notam-
ment qu'avant de faire l'objet d'un emploi gnralis toute technique emprunte
une autre discipline (ft-elle d'ordre social) doit tre essaye et prise comme hy-
pothse de travail. Dans l'tat de nos connaissances, il est aussi peu satisfaisant de
voir dans l'utilisation du raisonnement mathmatique une perversion diabolique
qu'une panace universelle.
Autre danger (qui ne semble pas avoir beaucoup influenc la science politi-
que) : la tendance traiter les socits humaines comme des organismes biologi-
ques et construire des thories qui tentent de les interprter en termes de nais-
sance, de croissance, de vieillissement et de mort. Cette position, qui inspire des
degrs diffrents luvre d'auteurs aussi divers que Hubert Spencer, Oswald
Spengler et Arnold Toynbee, ne semble pas avoir conduit des rsultats indiscu-
tables. Plutt que d'y verser il serait prfrable d'admettre, au moins titre provi-
soire, l'autonomie des sciences sociales par rapport aux sciences physiques et na-
turelles.
La voie de la formulation thorique semble la plus sre de celles qui s'ouvrent
la science politique : en vrit il ne semble pas qu'elle ait le choix. Doit-on en
venir la conclusion que tout l'effort de rflexion accompli dans le pass serait
dsormais sans valeur ou n'aurait de sens que pour la culture gnrale ? Question
difficile : en dpit des apparences, elle reprsente bien davantage qu'un simpledbat sur l'amnagement des programmes.
Science , Inquiry, Spring, 1958, pp. 7-34. Sur les assimilations abusives l'ordre biologique, voir les observations de Barbara WOOTON, Testament forSocial Science, Londres, 1950, pp. 71-81.
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PRSENCE DES GRANDES OEUVRES
Pendant trs longtemps on a eu tendance considrer, spcialement au niveau
de l'enseignement, que la thorie politique se ramenait principalement l'analyse
des doctrines ou des grandes oeuvres , pour reprendre la formule suggestive de
J.-J. Chevallier. Cette conception a t trs en honneur dans les pays anglo-
saxons : les tats-Unis certes, mais plus encore l'Angleterre (Cambridge et Ox-
ford) o l'examen des auteurs anciens constituait le facteur de base, sinon l'l-
ment primordial, de la formation de l'tudiant 17. En trs net dclin dans les cer-
cles o elle connut son apoge, une telle prfrence continue d'inspirer, retarde-
ment, les Universits dsireuses de ne faire qu'une place limite la science poli-
tique : il n'est pas rare que l'histoire des ides politiques soit le premier cours y
tre institu.
On avance couramment deux arguments pour justifier la place faite aux doc-
trines. Leur tude constituerait une gymnastique intellectuelle d'une exceptionnel-
le efficacit et fournirait l'lve une bonne occasion d'affermir et d'affiner son
mode de raisonnement. L'observation n'est pas sans fondement, sous la rserve
que l'enseignement implique, notamment, un contact direct avec l'oeuvre (explica-
tion de textes) 18. Autre avantage : la connaissance des grands auteurs du pass
demeurerait prcieuse pour la comprhension du prsent. Le point est discut :
prcisment, si ce secteur de l'tude fait l'objet de contestations, c'est que la valeur
des classiques apparat moins grande et certaine pour l'interprtation de notre
monde 19. Que penser de cette tendance ?
17 Voir COLE (G.D.H.), The Teaching of Politics in the University. II, The
status of political theory , Universities Quarterly, novembre 1953. pp. 22-33.18 Wilfrid HARRISON voit dans l'enseignement des doctrines le lien entre les
diverses branches de l'analyse politique. Texts in Political Theory , Politi-cal Studies, fvrier 1955, pp. 28-44.
19 D'o le souhait de limiter l'enseignement aux ouvrages ayant une signification pour le monde moderne : HACKER (A.). Capital and Carbuncles "TheGreat Books". Reappraised . American Political Science Review, septembre1954, pp. 775-786.
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Il y a certes un snobisme assez puril de l'ancien. Aristote a tout dit, affirment
certains, et il suffit de le lire avec attention pour trouver rponse nos probl-
mes 20. Autre type de paradoxe : les prtendues grandes oeuvres ne seraient que
banalits, navets, suppositions gratuites, affirmations intresses : quoi bonperdre un temps prcieux exhumer de telles vieilleries ? N'est-ce pas apporter la
preuve que la science politique est incapable d'un effort original, la mesure des
exigences contemporaines ? Un tel mpris se condamne par son excs. Certes, il
est possible de dcouvrir des erreurs, des approximations et autres faiblesses dans
les doctrines (y compris les plus notoires). Cependant, elles sont le produit de
quelques-uns des meilleurs esprits de leur poque et contiennent des vues qui
n'ont pas fini d'influencer le destin de l'humanit.
Ainsi conduite, la controverse tend s'terniser sans que se dessine la perspec-tive d'un accord quelconque. Il apparat ds lors souhaitable de poser le problme
en d'autres termes. Dans cet esprit, on va rechercher si et quelles conditions
l'histoire des ides peut apporter une contribution substantielle la formulation
thorique dans laquelle nous voyons la tche centrale de la science politique.
1. APPORT DIRECT A LA THORIE - Pour revenir l'ambivalence si-
gnale prcdemment, peut-on dire que les grands auteurs ont prfr exclusive-
ment la prescription l'explication ? Il n'y a pas de rponse uniforme. En beau-coup de cas, les considrations axiologiques ou normatives dominent : elles inspi-
rent presque entirement ce qu'il est convenu d'appeler les utopies. Mais il n'est
pas rare, non plus, de dcouvrir le souci d'analyser objectivement le fonctionne-
ment de la vie politique, ne serait-ce que pour mieux assurer les conseils mis.
Souvent les deux courants coexistent dans la mme oeuvre et il est bien difficile
de les dissocier. On a parfois essay (notamment pour l'histoire des doctrines co-
nomiques) de sparer dans les crits du pass la recherche proprement thorique
20 coutons pourtant Carl FRIEDRICH, lun des spcialistes de ces doctrines : Un chercheur imaginaire qu'on enverrait examiner la politique contemporai-ne dans les termes de la thorie aristotlicienne pourrait fort bien rapporterque la Rpublique d'Andorre est le lieu qui offre le plus grand intrt , LaDmocratie constitutionnelle, Paris, 1958, p. 1.
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de la spculation morale ou philosophique : ces tentatives se sont soldes par des
checs. Les grands systmes de pense se laissent rarement morceler21.
Il est d'autant plus dlicat de se prononcer que ces auteurs n'ont pas gnrale-
ment pris la peine d'exposer leurs principes mthodologiques avec clart. Montes-
quieu est plutt une exception en dclarant dans l'Esprit des lois On dit ici ce
qui est, et non pas ce qui doit tre , encore ne s'en tient-il pas d'un bout l'autre
ce plan. Il serait absurde de considrer qu'avant lui aucun penseur n'avait tent
d'analyser objectivement les faits de son poque. Ds l'Antiquit hellnique, ce
souci apparat avec clart : Aristote ne passe-t-il pas pour avoir tudi en une srie
de monographies les Constitutions de 158 cits grecques et trangres ?
Il en rsulte que beaucoup de propositions, d'allure spculative, reprsentent
en fait une systmatisation de l'exprience, ce que nous considrerons comme unehypothse. Parfois le lien est trs apparent ; ailleurs, il est plus lche et moins ais
identifier. Mais qu'elles dcoulent d'une observation stricte ou de la pression
globale d'vnements historiques, bien des affirmations classiques se rapprochent
de la thorie-explication. titre d'exemple, mentionnons Lassertion de Rousseau
d'aprs laquelle l'agrandissement de l'tat entranerait ncessairement un resser-
rement du gouvernement : ainsi le nombre des chefs diminuerait raison de l'ac-
croissement du peuple 22.
)Nous pensons qu'il serait fort utile de relire les grandes oeuvres en vue d'yrecenser systmatiquement de telles propositions. Resterait ensuite en entre-
prendre la vrification au moyen des donnes dont nous disposons aujourd'hui. Il
arrivera souvent que l'opration ne puisse tre faite directement et qu'une adapta-
tion s'impose au pralable. L'effort vaut d'tre tent : nous ne sommes pas assez
riches en hypothses significatives pour tre fonds ngliger une telle source.
21 Voir par exemple McCOY (C.N.R.), The Logical and the Real in PoliticalTheory. Plato, Aristotle and Marx , American Political Science Review, d-cembre 1954, pp. 1058-1 066.
22 Nous l'empruntons Bertrand de JOUVENEL, Initiation la thorie politi-que pure , Revue internationale d'histoire politique 1 et constitutionnelle,janvier-juin 1957, p. 87.
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2. CONTRIBUTION L'TUDE DU RLE DES IDES - Dans cette
perspective, il ne s'agit plus d'apprcier la validit d'une affirmation ou d'un
schma, mais d'examiner l'ascendant sur le comportement politique d'une certaine
forme d'activit intellectuelle. Que les socits capitalistes n'aient pas voluconformment aux prophties du Manifeste communiste n'empche nullement
cette oeuvre de peser sur le cours de l'volution sociale.
Le problme de la formation des ides est l'un des plus confus et des plus d-
battus qui soient. Les uns y voient un produit de la vie sociale : les penseurs se-
raient en somme les porte-parole de leur poque plus que des crateurs originaux.
On en dduit que l'lment moteur rside non dans les doctrines mais dans les
conditions objectives qui leur donnrent naissance. Cette conception s'accommo-
de mal des systmes qui demeurent inoprants pour tre en avance sur leurtemps : on possde de multiples exemples d'ides qui ont prcd l'volution et
parfois de fort loin 23. D'o la tentation de les considrer comme une force auto-
nome dont le rle effectif dpend de l'tat de la socit mais qui peut exercer une
action modificatrice.
Laissons cette querelle pour considrer le stade de la mise en circulation :
mme ceux qui en font un produit social admettent que les ides sont susceptibles
d'acclrer le mouvement. On peut, semble-t-il, tendre cette constatation aux
travaux qui se bornent organiser des notions dj largement rpandues : la sys-tmatisation en accrot la facult de pntration et dans certains cas la force ex-
plosive (exemple du pamphlet de Sieys, Qu'est-ce que le Tiers tat ?) 24.
L'analyse de l'influence exerce par les ides politiques est une recherche d'un
exceptionnel intrt. Applique l'tude d'vnements historiques, elle dgage
des schmas d'interprtation que rien n'interdit d'essayer pour l'explication du
monde contemporain. Mais bien des doctrines mises dans le pass continuent
23 Que l'on examine attentivement par exemple le Projet de paix perptuelle del'abb de SAINT-PIERRE. A son poque, c'est une utopie. Cependant, il poseles bases, de faon raliste et parfois subtile (voir en particulier les divers ty-pes de majorit), des projets de fdrations que l'on tente de raliser l'chelleeuropenne et mme mondiale (O.N.U.)
24 Sur l'influence des ides on trouvera une intressante slection de readingsdans SNYDER (Richard C.). WILSON (H. Hubert), Roots of Political Beha-vior, New York, 1949, pp. 506-552.
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d'agir l'poque prsente : cette perptuation de l'influence est l'un des lments
qui commandent, avec le plus de force, l'introduction de la dimension historique
dans la science politique. L'historien de la pense rend donc un service vident en
s'engageant dans cette direction 25.
L'tude est certes difficile. Il arrive souvent que les hommes d'une poque se
disent avec force et parfois vhmence disciples d'un penseur sans toutefois en
appliquer rellement les ides. La Rvolution de 1789 a-t-elle vritablement mis
en oeuvre les conceptions de Rousseau ? Et qui a raison des Russes ou des You-
goslaves dans la dispute sur la conformit de la socit sovitique aux enseigne-
ments de Marx ? Hors cela, l'analyse de l'influence des ides implique des exigen-
ces qui ne sont pas toujours satisfaites par l'histoire de la pense politique.
D'abord un examen, d'allure sociologique, du mcanisme de diffusion : en particu-lier ses modalits et son ampleur. Le tirage de l'oeuvre tudie est dj une indica-
tion intressante, la composition du public une donne qui ouvre d'importantes
perspectives. Considrons, par exemple, le dpouillement de 500 bibliothques
prives (bourgeoisie librale) ralis par Daniel Mornet pour la priode 1750-
1780 : le Dictionnaire de Bayle y apparat 288 fois, le Contrat social une seule 26.
Il serait souhaitable que de telles recherches soient entreprises sur une plus large
chelle (naturellement en collaboration avec les historiens de la littrature). Mais
un autre problme, plus important encore, doit tre pos : ne commet-on pas une
erreur, en matire d'influence, en se limitant aux grands auteurs traditionnels et
n'y a-t-il pas d'autres sources, d'une importance apprciable qui, parfois, se rvle
considrable ?
Ce point de vue est en train de gagner une large audience. Il y a sans doute
beaucoup retirer de documents, dont la rflexion systmatique sur la politique
ne constitue pas la raison d'tre : pamphlets, libelles, correspondances, mmoires,
romans, pices de thtre... Il est peu vraisemblable que l'on y dcouvre des no-
tions originales, mais l'on n'en doit pas sous-estimer la porte quant aux mouve-
25 Cette direction a t prise en particulier par l'historien amricain W.A. DUN-
NING, A History of Political Theories (trois volumes parus New York en1902, 1905 et 1920). On comprend mal l'accusation d' historicisme dirigecontre lui par David EASTON.
26 Cit par SAULNIER (V.L.), La Littrature franaise du sicle philosophique,3e d. revue, Paris. 1953, p. 12.
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ments des ides. Un point capital est celui de la simplification (et ventuellement
de la dformation) de la doctrine qu'entrane une large utilisation. La tirade de
Beaumarchais indique, sans aucun souci de nuances, ce que les hommes de la fin
du XVIIIe sicle ont effectivement retenu de l'enseignement des philosophes.
On ne saurait trop insister sur l'importance de la production littraire. Dj ap-
prciable si Lcrivain se borne reflter son temps, elle est capitale lorsqu'il en-
tend participer au combat pour le pouvoir. Il arrive que les gouvernements autori-
taires en tolrent des remarques et critiques qu'ils n'admettraient pas si elles
taient prsentes sous forme d'un trait systmatique. Depuis octobre 1956, les
romanciers et potes polonais sont alls beaucoup plus loin dans l'attaque du r-
gime que les professeurs de philosophie et de droit public (qui ont rarement ex-
prim par crit les objections mises verbalement). Pour l'U.R.S.S. elle-mme, onpeut mentionner l'exemple de Vladimir Doudintsev et Boris Pasternak. En pareil
cas, les oeuvres littraires constituent une source originale. Il semble que nous
ayons beaucoup gagner d'une analyse plus attentive des rapports entre les lettres
et la politique 27.
Jusqu' prsent, on a vit d'employer le terme d'idologie. Ce mot est l'un de
ceux qui illustrent avec le plus de clart l'imprcision de la terminologie des
sciences sociales. D'aucuns pensent qu'il serait souhaitable de l'utiliser pour dsi-
gner ces courants. parfois confus et inarticuls, qui imprgnent des secteurs plusou moins larges de l'opinion, Ainsi l'idologie serait-elle la projection dans la vie
27 Signalons cet gard le cours de Littrature et Politique profess depuis plu-sieurs annes par jean TOUCHARD l'Institut d'tudes politiques de l'Uni-versit de Paris. (Il en existe une reproduction ronographie hors commerce.)Sur l'tude du roman. voir BL017R (Joseph L.), The Political Novel, Ne-wYork, 1955. Voir aussi Dupuy (Aim). Esquisse d'un tableau du roman po-litique franais . Revue franaise de science politique, juillet-septembre1954, pp. 484-513 ; GOSSMAN (N.J.), Political and Social Themes in theEnglish Popular Novel, 1815-1832 . Public Opinion Quarterly, automne1956, pp. 531-541. Mais l'apport de la littrature ne se limite pas l'histoiredes Ides. On peut galement rechercher la vision qu'un homme de lettres ades conditions sociales : BERNARD Moliere and the Historian of FrenchSociety , Review of Politics, octobre 1955, pp. 530-544 ; d'un secteur gou-vernemental : CRABBE (V.), Balzac et l'Administration , Revue interna-tionale des sciences administratives, 1954. no 2, pp. 287-358 ; d'un vnementhistorique : GUISAN (Gilbert). Flaubert et la Rvolution de 1848 , Revued'histoire littraire de la France, avril-juin 1958, pp. 183-204.
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quotidienne de Leffort doctrinal, pour ainsi dire l'intermdiaire entre l'crivain et
l'vnement. L'obstacle rside dans la multiplicit des sens attribus ce terme
(notamment en fonction des thses adoptes sur la formation des ides). Les uns
lui attribuent une signification spcifique (par exemple celle d'un mythe politiquefonctionnant pour prserver la structure sociale),. d'autres lui confrent une accep-
tion neutre pour dsigner toute ide ou organisation d'ides. Notre propos n'exige
pas une participation ce dbat 28 : l'essentiel est de ne pas oublier en matire
d'influence l'insertion de l'ide dans l'esprit des hommes et d'analyser ce qu'entra-
ne pour le systme son assimilation par le public.
Il est indispensable d'appliquer l'effort suggr aux doctrines contemporaines
et, si l'on veut employer le terme, aux idologies qui en drivent. Trop souvent,
l'historien s'interdit d'explorer les phnomnes rcents : cette prudence ne manque pas de justifications, mais il en dcoule des lacunes fcheuses (concernant les
priodes trop proches pour l'histoire et dj loignes pour le spcialiste en scien-
ces sociales que sollicite l'actualit immdiate). On peut se demander quel est le
secteur du programme universitaire le plus favorable Lanalyse des ides pr-
sentes : la solution optimum est fonction des hommes disponibles. Le seul imp-
ratif est de conduire l'examen jusqu'au point actuel de l'volution. qui conteste-
rait l'utilit de cette remarque, on se bornera rappeler qu'il n'existe pas encore en
France d'tude approfondie sur Maurras et l'Action franaise, sur les vicissitudes
de la doctrine radicale, sur le socialisme de Lon Blum...
On espre avoir ainsi tabli que la thorie a beaucoup gagner d'une tude
systmatique de la pense politique. Les orientations suggres ne prtendent nul-
lement embrasser la totalit des fonctions de cette analyse : en les formulant, on
se propose d'tablir qu'il n'y a pas, comme on le prtend parfois, d'incompatibilit