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Prix au numéro : 5 ¤ - ISSN : 1155-2859
octobre-novembre-décembre 2012 N°87
jAN KOUNEN HORS-CHAMP
NOS déCHetS de buReAu CRéeNt de l’EmplOi
leS SeNtiNelleS du CœuR veRt de mExicO
DOSSIER
Vieux et heureuxLe troisième âgepasse la seconde
87N°www.interdependances.org
octobre-novembre-décembre 2012
est une publication trimestrielle de Presscode pour Insertion et Alternatives / Groupe SOS - e-mail : [email protected]. En ligne : www.interdependances.org Directeur de la publication : Jean-Marc Borello ([email protected]). Editeur : Gilles Dumoulin ([email protected]). Comité d’orientation : Johanne Azous, Julien Bayou, Rémi Camy-Peyret, Eve Chiapello, Stéphane Coste, Vincent David, Hichem Demortier, Hervé Defalvard, Alain Détolle, Myriam Faivre, Tarik Ghezali, Matthieu Grosset, Olivier Joviado, Eric Larpin, Jean-Marie Legrand, François Longérinas, Philippe Merlant, Jean-Philippe Milésy, Pierre Rabhi, Florence Rizzo, Patrick Viveret, Laura Winn. Directeur de la rédaction : Nicolas Froissard ([email protected]). Rédactrice en chef : Louise Bartlett ([email protected]) Secrétaire de rédaction : Magali Jourdan ([email protected]) Ont collaboré à ce numéro : Yann Auger, Coraline Bertrand, Olivier Culman (Tendance Floue), Emilie Drugeon, Réjane Ereau, Chloé Goudenhooft, Guillaume Guitton, Florian Jehanno, Olivier Joviado, Aurélien Lambert, Jean-Marie Legaud, Petr Lovigin, La Navette, Pauline Olivier, Thibaut Ringô, Magali Sennane, Romain Thériot, Aurélie de Varax. Direction artistique : François Bégnez (franç[email protected]) Maquettiste : Blandine Ollivier (www.presscode.fr). Photo de couverture : Sacha Goldberger. Illustrations : FBZ, Charlotte Moreau. Impression : Graph 2000 - 61203 Argentan (imprimerie certifiée PEFC et Imprim’vert). Dépôt légal : à parution. Commission paritaire : 1011 G 83337. Numéro ISSN : 1155-2859. La reproduction, même partielle, d’articles ou de documents parus dans Interdépendances est soumise à notre autorisation préalable. Pôle média Groupe SOS - Direction : Valère Corréard (01 56 63 94 63), Guillaume Guitton. Communication : Stéphanie Veaux (01 56 63 94 54). Chargés de mission : Arnaud Lemaire, Pierre Pageot. Insertion et Alternatives est une association loi de 1901. Siège social et délégation générale Groupe SOS : 102, rue Amelot, 75011 Paris. Tél. : 01 58 30 55 55. Fax : 01 58 30 55 79. www.groupe-sos.org Entreprise sociale, le Groupe SOS développe des activités qui concilient efficacité économique et intérêt général. Créé il y a 28 ans, il répond aux besoins fondamentaux de la société : éducation, santé, insertion, logement, emploi… Le Groupe SOS compte aujourd’hui près de 10 000 salariés au sein de 283 établissements et services présents en France métropolitaine, en Guyane, à Mayotte et à la Réunion. Gestion des abonnés : Philippe Morlhon, France Hennique. Tél. : 04 96 11 05 89 ([email protected]). Edition : Presscode - 27, rue Vacon - 13001
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découVrir société
Le troisième âge passe la seconde
DOSSIER p. 26
cOnSO52 la viande, au placard !
IntERvIEw50 Anne-Sophie Novel, co-auteur
de vive la co-révolution ! Pour une société collaborative
réfLéchir phILO55 René Girard et la violence
fondatrice
tEchnOLOgIE43 voiture écolo à zéro euro
mOnDE44 les chinamperos, sentinelles
du cœur vert de Mexico
habItat DURabLE48 earthships, une utopie
énergétique ?
pORtRaIt40 Jan Kounen Hors-champ
éDItO5 une vieillesse en liesse
6 REgaRDER
8 éVénements
ça m’intér’ess10 l’actualité de l’économie sociale
et solidaire
approfondir58 livres, documentaires...
pour aller plus loin
cuLture60 Musique, danse, théâtre...
choisir64 Mode, déco, loisirs...
responsables
entreprendre SavOIR-faIRE14 la société coopérative d’artisans
paRcOURS D’EntREpREnEUR SOcIaL15 Robin Cornelius,
un patron à la fibre sociale
tERRItOIRE21 la drôme, 1er département bio
RéSEaUx24 A Shanghai, l’économie
se fait sociale
zOOm18 Nos déchets de bureau
créent de l’emploi
Un LaURéat DU pRIx jEUn’ESS
13 A Grenoble, le barathym tient promesse
Photo de couverture © Sacha Goldberger. depuis près de six ans, l’artiste photographie sa grand-mère Federika, vedette des séries Mamika et Super mamika. Ses nouvelles
aventures sont narrées dans l’ouvrage Mamika & co, à paraître en novembre (voir p. 58)
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5octobre-novembre-décembre 2012 | Interdépendances n ° 87
éDItO
louIse bartlett, rédactrIce eN chef
Troisième âge, quatrième dimension ? De moins en moins. L’écart entre les vieux d’aujourd’hui et les générations suivantes paraît bien moins grand que celui entre eux-mêmes et leurs parents. Tous les écarts générationnels changent d’ailleurs d’amplitude. L’adolescence commence à 9 ans pour finir vers la trentaine, sur le marché de l’emploi on dispose ensuite de tout juste 10 ou 15 ans avant de tomber dans le trou noir des seniors, et pour s’épargner les affronts de l’âge, les crèmes antirides seraient indispensables dès 20 ans…
La population nationale (et plus généralement des pays riches) vieillit, et pendant ce temps, les vieux eux-mêmes, que font-ils ? Ils vivent. Qui sont-ils, ces seniors qui claquent l’héritage des enfants, créent des maisons de retraite autogérées, voyagent jusqu’à 90 ans, et revendiquent séduction et sexualité ?
C’est vers des personnes qui ont autant à créer qu’à transmettre, ces « mamies pop » et « papys boomers », qu’Interdépendances s’est tourné pour son dernier dossier de 2012. Sans éluder leur fra-gilité accrue pour faire face aux problèmes de toujours, solitude, précarité, santé… mais en découvrant avec enthousiasme des voix libres, parfois libérées par l’âge. En (se) rappelant aussi que la « jeunesse », désignant l’énergie, l’enthousiasme et l’intérêt pour les autres, n’est pas l’apanage des moins dotés en années. d
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En LIESSEUnE vIEILLESSE
26 octobre-novembre-décembre 2012 | Interdépendances n ° 87
dossIer
émILIE DRUgEOn, chLOé gOUDEnhOOft
Vieux et heureuxLe troisième âgepasse la seconde
27octobre-novembre-décembre 2012 | Interdépendances n ° 87
les plus de 65 ans, une génération qui ne manque pas d’énergie, vieillit mieux et moins vite. qui sont ces “nouveaux vieux” et comment vivent-ils ? quelles réponses trouvent-ils aux enjeux de leur âge ?
épensez l’héritage de vos enfants ! C’est ce à quoi sont invités les retraités aux USA et en Grande-Bretagne : profiter de leur argent, plutôt que l’économiser
pour leur descendance. Partie d’une boutade améri-caine, la tendance s’affirme et les marketeurs parlent désormais de génération SKI (Spending your Kids Inhe-ritance) [1] et d’un état d’esprit.Si les seniors ne partagent bien évidemment pas tous cette philosophie ou les mêmes ressources financières, ils n’ont en tout cas « plus grand-chose à voir avec leurs aînés », selon le sociologue Serge Guérin dans son livre “La nouvelle société des seniors”. Ces baby-boomers, jeunes pendant l’effervescence des années 60, sont nés à la fin de la Seconde Guerre mondiale ou juste après, et ont connu les Trente Glorieuses. Une génération moins exposée à l’insécurité matérielle, sociale ou
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28 octobre-novembre-décembre 2012 | Interdépendances n ° 87
environnementale, dont la jeunesse s’est construite sur le démantèlement des tabous, un marché du tra-vail florissant, l’émancipation, la liberté sexuelle et la contraception sans le sida. Comment cette génération vieillit-elle aujourd’hui ? L’hédonisme est-il devenu leur moteur ? Les aînés sont de plus en plus nombreux à s’épanouir dans l’ère d’un « vieillissement actif ». « On entend souvent qu’il y a une nouvelle génération de per-sonnes âgées, que “les nouveaux vieux” sont en pleine forme... Mais ce n’est pas qu’ils ont changé, explique Jérôme Pellissier, écrivain et chercheur en psycho- gérontologie, c’est que les sexagénaires d’aujourd’hui ne sont pas vieux ! A partir de quand l’est-on ? Il y a autant de réponses à cette question que de personnes interrogées. »
Phobie de la vieillesseJustement, Colette Mesnage, octogénaire et auteur du livre d’entretiens “Eloge d’une vieillesse heureuse”, est allée à la rencontre de nombreuses personnalités, afin de les interroger sur leur bien vieillir, leur « lon-gévité heureuse ». Dans cet ouvrage, Stéphane Hessel (95 ans) va jusqu’à parler de « responsabilité de bon-
Dans la galerie des clichés, vous avez le vieux et ses 3 R : radoteur, réactionnaire, radin
Photo ci-contre :« il y a cinquante ans,
on n’aurait pas raconté ce genre d’histoires ! »,
confie Claudine Acs, comédienne dans
“la minute vieille”, le premier programme
court d’Arte où de vieilles dames
racontent des blagues salaces. « il fallait des personnalités, on leur
a créé des rôles sur mesure et des histoires
volontairement provocantes ;sinon ce serait ennuyeux, sans
aspérité », détaille Fabrice Maruca,
le réalisateur. d.R
.
Le troisième âge passe la secondedossier
découvrir | portrait
40 octobre-novembre-décembre 2012 | Interdépendances n ° 87
Réalisateur parmi les plus rock’n’roll du cinéma français, Jan Kounen est aussi un des principaux porte-voix de la culture chamanique amazonienne, qui lui a fait comprendre la nécessité de s’engager pour la sauvegarde de la planète et de ses peuples.
e sourire franc, le regard bleu, Jan Kounen a la simplicité lumineuse de ceux qui suivent leur route, confiants de là où elle les mène, quitte à sortir
des sentiers tout tracés.Dobermann, Blueberry, 99 francs… Son cinéma peut surprendre par son côté décalé et survitaminé. « Je fais sûrement partie de ces frondeurs qui, en réaction au système, vont chercher des solutions ailleurs, sourit-il. Pourquoi rester sagement assis quand il y a des alternatives à investiguer ? »En 1999, il atterrit pour la première fois en Amazonie péruvienne, à la rencontre des guérisseurs indigènes et de l’ayahuasca, une plante aux effets puissants – interdite en France. Douze ans et quelques centaines de « cérémonies » plus tard, il publie Carnets de voyages intérieurs, un manuel pour candidat au voyage chamanique, nourri de son expérience pratique : comment se préparer, à quoi s’attendre…Souvent drôle, ce livre est aussi pertinent dans la vision qu’il donne des cultures chamaniques : exit Indiens exotiques et ambiances
Hors-champ
L ésotériques ! « Je n’aime pas le terme de chamanisme, je préfère parler de médecine traditionnelle. Les guérisseurs ne sont pas des gourous ni de bons sauvages débordant de lumière blanche et d’amour rose bonbon. Certes, ils travaillent avec l’invisible, l’énergie, les esprits, autant de choses qui déstabilisent notre culture rationnelle, mais pour eux, ça n’a rien de surnaturel, de religieux ni de magique ; ça fait partie de la vie. »
D’autres mondesPour le cinéaste, l’expérience est fondatrice, au point de nourrir son travail et d’orienter ses choix. « La reconnaissance de mon premier film m’avait ouvert les portes d’Hollywood. L’ayahuasca m’a fait prendre conscience que les contraintes des productions américaines auraient brimé ma liberté artistique. En rééquilibrant les énergies, la plante t’aide à trouver la voie qui te correspond vraiment. Elle n’éteint pas la passion ; elle la canalise. »Jan Kounen inclut dans Blueberry des scènes inspirées de visions chamaniques, consacre un documentaire aux cultures amazoniennes, participe au film Huit sur les
grands enjeux de la planète, via un court-métrage sur une chamane péruvienne…
Sa découverte du pouvoir des plantes et des cultures amazoniennes change également son rapport à la planète. « J’ai pris conscience de notre responsabilité envers elle, de la nécessité de la préserver. » Le voilà donc adepte du bio, « pas tant par souci de qualité ou de santé, que par militance, politique, en faveur de l’environnement. »Et de ceux qui le peuplent : les droits d’auteur de Carnets
Dates clés1964Naissance aux Pays-Bas
1988Diplômé des Arts Décoratifs de Nice
1997Premier long-métrage, Dobermann, avec Vincent Cassel et Monica Bellucci
2004Blueberry, l’expérience secrète, adapté des BD de Gir et Charlier
2005D’autres mondes, documentaire sur les chamanes d’Amazonie péruvienne
2006Darshan : l’étreinte, documentaire sur la gourou indienne Amma
200799 francs, adapté du roman éponyme de Frédéric Beigbeder, avec Jean Dujardin
2009Coco Chanel et Igor Stravinsky, présenté en clôture du Festival de Cannes
2012Le vol des cigognes, d’après le polar de Jean-Christophe Grangé (diffusion sur Canal Plus en janvier 2013)
JAN KouNeN
Le voilà adepte du bio pas tant par souci de qualité ou de santé, que par militance, politique, en faveur de l’environnement
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42 octobre-novembre-décembre 2012 | Interdépendances n ° 87
de voyages intérieurs sont reversés au projet Radio-Shipibo, qui équipe en radios légères, alimentées par panneaux solaires, une centaine de communautés indigènes. « Les villages sont isolés les uns des autres. Ce dispositif leur permet de resserrer leurs liens et de faire face aux urgences. »Le réalisateur demande aussi à ceux qui vont en Amazonie de « faire un geste en faveur du monde végétal, en retour des bienfaits que celui-ci leur prodigue », et soutient le chef indien brésilien Raoni dans sa lutte contre le barrage de Belo Monte, dont la construction (débutée en janvier 2012, stoppée par la Justice en août 2012) nuirait à la biodiversité et aux populations autochtones.
une expérience déstabilisanteAlors, prêts pour le voyage ? « Attention, je ne pousse personne », prévient Jan Kounen. Déstabilisante par l’intensité de ce qu’on y vit, et parce qu’elle bouscule nos visions du monde, l’expérience n’est pas une partie de plaisir : il faut jeûner avant, le séjour n’est pas confort, et l’absorption extrêmement amère d’ayahuasca, ou de toute autre plante prescrite par le guérisseur, donne non seulement la nausée, mais l’impression vertigineuse « de passer trois heures la tête dans la machine à laver à 900 tours minute », commente l’anthropologue Jeremy Narby, spécialiste du sujet. D’autant que tous les guérisseurs ne sont pas des saints. « Ils vous font ingurgiter des breuvages pas possibles, classés comme stupéfiants dans nos contrées,
et sont capables de décrypter votre intériorité : mieux vaut avoir confiance. Avant de vous lancer, renseignez-vous, lisez, faites appel à votre intelligence. Dans le doute, abstenez-vous », assène Narby.« A mes premiers retours à Paris, j’étais choqué, convient Jan Kounen. Puis j’ai réalisé que le but n’était pas de fuir mon quotidien, mais au contraire de trouver en moi les ressources d’être heureux, ici et maintenant, dans le métro autant que dans la jungle. »Extérieurs, intérieurs, le cinéaste poursuit ses voyages :
après avoir tourné en Afrique du Sud l’adaptation du polar Le Vol des cigognes, il prépare à Hawaï un documentaire sur les dauphins guérisseurs, tout en planchant sur un scénario inspiré du roman fantastique de Nick DiChario, La vie secrète et remarquable de Tink Puddah, dont le héros a la peau bleue. Autant de projets qui résonnent en lui, autant d’histoires qui élargissent nos perceptions du monde.
RéJANe éReAu
« un jour, on me prévient que trois milles personnes chantent des mantras dans un hangar à Saint-Denis », raconte Jan Kounen. Impossible de ne pas aller voir ! La foule est là pour Amma, la gourou indienne connue pour prendre le monde dans ses bras. Quelque temps plus tard, on suggère au réalisateur de lui consacrer un documentaire. « Pourquoi pas, se dit-il. une bonne manière de découvrir son univers. » Fait rarissime, la gourou accepte d’être filmée par des gens extérieurs à sa communauté. Darshan : l’étreinte sort en 2006. « un moment de grâce, une belle aventure humaine, se souvient Jan Kounen. Amma est au centre d’un système très religieux qui ne me correspond pas, mais c’est indéniablement une femme hors du commun, d’une force incomparable, dont l’amour se métabolise de manière concrète. »Humble fille de pêcheurs, bâtisseuse d’un empire caritatif, elle incarne cette énergie maternelle, pas seulement bienveillante, accueillante, consolante, mais nourricière, solide, pragmatique, qui emporte le monde par son souffle de vie.
L’étreinte, un moment de grâce
A lire
Carnets de voyages intérieurs Jan Kounen Mama Editions (2011) Egalement disponible en e-book : www.mamaeditions.net
A cliquer
www.radio-shipibo.com Projet auquel sont versés tous les droits d’auteur du livre Carnets de voyages intérieurs
www.facebook.com/jan.kounen
d.R
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SOcIété | cOnSO
52 octobre-novembre-décembre 2012 | Interdépendances n ° 87
La viande, au placard !
A vec 3 % de végétariens, la France est plutôt à la traîne des pays euro-péens. « La consommation de
viande est toutefois en baisse régulière, depuis une dizaine d’années, à com-mencer par celle de la viande rouge », souligne Aurélia Greff, de l’Association végétarienne de France. Selon France AgriMer (établissement national des produits de l’agriculture et de la mer), les Français ont consommé en moyenne 87,8 kg de viande en 2009 contre 94,5 kg
en 1998 soit une baisse de 7 % en 10 ans. Et en 40 ans, ils ont réduit la part de bœuf (de 39 % en 1970 à 29 % en 2009), augmenté celle du porc, et fait exploser celle de la volaille (passée de 16 à 28 % de la viande consommée).
C’est tendance : le flexitarismeCap donc sur les viandes blanches moins onéreuses et meilleures pour la santé, ou tout simplement, le « flexitarisme », le sans viande occasionnel. « Avec la crise économique et la montée des préoccu-pations écologiques – l’impact de l’éle-vage sur le réchauffement climatique et sur le gaspillage des terres utilisées pour produire la nourriture des bestiaux –, cette tendance s’est renforcée depuis trois ans. Sans oublier la prise de conscience grandissante des facteurs santé et tou-chant aussi le bien-être animal », expli-que Aurélia Greff. Certains ouvrages
une prise de conscience grandissante des facteurs santé et bien-être animal
Crise économique, préoccupations écologiques et souci du bien-être animal… Autant de facteurs favorisant l’essor des régimes végétariens voire végétaliens. en Allemagne et en Angleterre, ils comptent déjà 10 % de partisans. en Californie, les restaurants veggie poussent comme des champignons. Au pays de la gastronomie, l’idée s’apprivoise…
largement médiatisés sont aussi passés par là , à commencer par Bidoche de Fabrice Nicolino, Faut-il manger des animaux de l’américain Jonathan Safran et Confessions d’une mangeuse de viande de Marcela Iacub. Autre nou-veauté, l’orchestration depuis deux ans en France de la campagne « Un jour sans viande » par l’association végétarienne de France et l’association L214. Lancé par Paul McCartney en 2008, le Meat Free Monday (lundi sans viande) connaît déjà un grand succès dans les pays anglo-saxons et d’Europe du Nord. « Nous ciblons en priorité les mairies des plus grandes communes pour demander l’ins-tauration d’une journée végétarienne dans la restauration scolaire mais cette campagne est aussi destinée au grand public », souligne Aurélia Greff. Un livre de recettes intitulé Lundi c’est végé est d’ailleurs sorti en mai dernier. « Le végé-
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talisme n’est pas compliqué, souligne Marc Vincent de l’association vegan.fr. Il y a beaucoup de forums et bases docu-mentaires sur Internet et on trouve les produits même en supermarché [voir encadré ci-dessous]. Quant à la vita-mine B12, il suffit de se supplémenter une fois par semaine. »
Nouvelles cuisinesExit la gastronomie française version terroir ? Depuis dix ans la tendance est, il est vrai, aux cuisines moins carnivo-res : asiatique, italienne, indienne, voire libanaise. Alain Passard cultive ses pota-gers avec passion pour faire du légume « un grand cru ». Plus récemment dans un ouvrage intitulé Nature, Alain Ducasse sacrait les légumes « rois de la cuisine ». Surfant sur la tendance bio, l’offre de restaurants végétariens s’étoffe aussi dans les grandes villes accueillant une clientèle à 80 % non végétarienne,
Le boom des produits VGSans être encore au niveau des pays d’Europe du Nord, l’accessibilité des produits végétariens a fait un bond en avant en France depuis trois ans, portée par la dynamique des rayons bio dans les supermarchés, le développement des chaines de magasins bio et l’influence du salon vegan Day qui a permis de nombreuses marques étrangères de pénétrer le marché français. Reste que les produits plus élaborés comme les fromages végétaux et les simili-carnés restent encore l’apanage des magasins spécialisés. Mais selon Emmanuel Bouvot, fondateur du site restovege.fr, nul doute que le végétalien va se développer en grande distribution car « il est économique, convient à tous les régimes et toutes les religions ».
Végétarien ne consomme aucune chair animale (viande, poisson, fruits de mer)
Végétalien ne mange aucun aliment d’origine animale (ni chair animale, ni œufs, produits laitiers ou miel)
Vegan ne consomme aucun produit d’origine animale et participant à l’exploitation des animaux (fourrure, cuir, laine, produits testés sur animaux…)
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SOcIété | cOnSO
54 octobre-novembre-décembre 2012 | Interdépendances n ° 87
CHANteuSe, SPéCiAliSte de littéRAtuRe ANGlAiSe, hÉLèNE DEFOSSEZ eSt AvANt tOut véGétARieNNe et MilitANte. “le véGétARiSMe COMMe RéPONSe à lA viOleNCe du MONde” eSt SON PReMieR OuvRAGe, uN MANiFeSte, qu’elle SAvAit devOiR éCRiRe dePuiS tOuJOuRS.
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Dans quelle mesure ne pas manger de viande est-il un « acte de désobéissance civile », selon vos termes ?
Je crois beaucoup au pouvoir de l’individu. Or, affirmer le choix du végétarisme, c’est ne pas se soumettre au diktat de la publicité ou aux lobbies des éleveurs qui dépensent des millions d’euros chaque année pour nous convaincre que la viande est indispensable pour être en bonne santé. Ce qui est faux ! Reprendre le pouvoir par rapport à ça est un acte de désobéissance.
Que reprochez-vous précisément à l’industrie de la viande ?
elle cristallise ce qu’il y a de pire dans notre monde moderne. la destruction de l’environnement, la chosification du vivant, le mépris des travailleurs, les inégalités avec les pays pauvres… et la surconsommation de viande engendre des problèmes de santé comme des cancers et des maladies cardio-vasculaires. le choix du végétarisme est une manière de montrer qu’il est possible de faire autrement. C’est aussi refuser un système mondial inégal : on utilise sept fois la superficie de l’europe en terres cultivables sur les terres du tiers-monde, pour simplement nourrir nos bêtes. un vrai gâchis !
En quelque sorte, vous êtes végétarienne par désaccord ?
Je suis végétarienne depuis l’enfance ; ce qui était une intuition au début est un choix plus construit aujourd’hui, même si le refus de la souffrance animale est la première des motivations. C’est très simple : si tout le monde mangeait de la viande comme nous, Occidentaux, il faudrait trois planètes. et nous maintenons ce système irréaliste, puisque bientôt les pays émergents vont vouloir en consommer au même rythme que nous. Autrement dit, ces pays doivent rester pauvres, sinon nous ne pourrons plus surconsommer !
Seriez-vous également végétarienne si les méthodes d’élevage et d’abattage étaient différentes ?
C’est la question de savoir si je me bats contre ce système ou si je donne seulement une voix à la souffrance animale. Oui, je le resterais, car nous pouvons vivre sans tuer. et même si le système des abattoirs était différent de celui des chaînes de production (c’est-à-dire qu’on abat les vaches de la même manière que l’on monte une voiture !), cela resterait atroce. Car l’abattoir idéal n’existe pas. PROPOS RECuEiLLiS PAR ÉMiLiE DRugEON
Interview
“L’industrie de la viande cristallise ce qu’il y a de pire”
avant tout « curieuse de découvrir une cuisine nouvelle qui est aussi cuisine plaisir », souligne Emmanuel Bouvot, fondateur du site restovege.fr.
Des bénéfices pour la santéLes médecins et diététiciens se réjouis-sent. Cela fait des années qu’ils alertent sur les méfaits de la surconsommation de viande et qu’ils reconnaissent les bienfaits du régime végétarien. « Dans les années 70, on a découvert que le régime végéta-rien ne présentait aucun danger pour la santé et que le seul risque du régime végé-talien était la carence en vitamine B12, explique Jérôme Bernard Bellet, nutri-tionniste et président de l’Apsares (Asso-ciation de professionnels de santé pour une alimentation responsable). Depuis le milieu des années 90, il y a un consensus au niveau mondial sur les bénéfices de ces régimes sur la prévention des maladies chroniques : [ils limitent] excès de choles-térol, cancer du colon et de la prostate, maladies cardiovasculaires, diabète de type 2 et obésité. » La position officielle de l’Association américaine de Diététique, instance reconnue dans le monde entier, inclut même le régime végétalien dans son appréciation positive. Un avis qui ne fait pas encore l’unanimité chez les nutri-tionnistes français. « Je comprends leur réticence car l’information scientifique sur le végétalisme est peu vulgarisée en France et, à l’inverse, lorsqu’il y a un acci-dent au sujet de la carence en vitamine B12, c’est un tollé. » Reste que les posi-tions évoluent. En février dernier, dans l’émission “Service public” sur France Inter, le médiatique nutritionniste Jean-Michel Cohen déclarait que « les végé-taliens professionnels [avertis, NDLR] ne risquent rien. Lorsque l’on croise plus de quatorze variétés de végétaux dans la journée, on ne court aucun risque nutri-tionnel. »
AuRÉLiE DE vARAX
www.un-jour-vegetarien.fr Campagne de l’Association végétarienne de France
www.vegetarisme.fr Site de l’Association végétarienne de Francea
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le végétarisme comme réponse à la violence du monde Préface d’Allain bougrain dubourg, éd. l’Harmattan (2011), 140 pages, 13,50 euros
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