Transcript

INRAN19 - DCEMBRE 2011

Alimentation Agriculture Environnement

magazine

HORIZONS 6e crmonie des Lauriers de lInra

REPORTAGE Canard aux herbes, une recette 100% bio

RECHERCHES Les sols franais surveiller

DOSSIER

Troupeaux

sous les tropiques

sommaire03 HORIZONSPenser au-del de lassiette 6e crmonie des Lauriers de lInra

Chers lecteurs,our clore 2011, dclare anne des Outre-mer au niveau franais, nous vous proposons un dossier sur llevage en rgions chaudes qui fait la part belle aux recherches conduites lInra des Antilles-Guyane. Ce centre a du reste accueilli, les 3 et 4 novembre, un Carrefour de linnovation agronomique (CIAG) consacr l Innovation pour des systmes agricoles durables . En organisant des contacts directs entre les chercheurs et les professionnels, ces CIAG sont des catalyseurs dinnovation dans les deux sens : car si la recherche ouvre des pistes pour les agriculteurs, elle sinspire aussi de leurs pratiques novatrices, comme le montre notre dossier... Des changes fructueux pour cultiver lavenir dans un contexte dincertitude. Qui dit agriculture dit sol cultiv : le monde en perd entre 6 et 12 millions dhectares par an, soit par artificialisation (villes, routes, etc.) soit par dgradation (rosion, salinisation, etc.). La France sest dote dun rseau de sur veillance de ses sols qui a produit un premier tat des lieux aprs dix ans de mesures (voir en pages 6 et 7). Vous trouverez aussi dans ce numro des canards dans les rizires (p. 27-28) et des plantes traire (p. 8-9) Bonne lecture et bonnes ftes de fin danne !

06 RECHERCHES& INNOVATIONSLes sols franais surveiller Du labo lindustrie : transfert russi pour les plantes tr aire La reprogrammation du noyau, une affaire de cytoplasme Lait ferment et protection de lintestin : une piste creuser Simuler le fonctionnement des agro-cosystmes

P

13 DOSSIER

Troupeaux sous les tropiques

25 REPORTAGELarchitecture vgtale dcrypte Canard aux herbes, une recette 100% bio Economiser en achetant : les 10 ans du Service Achats de lInra

La rdactionErratum Une erreur sest malencontreusement glisse dans le numro 18 dInra magazine, page 8. La photo prsente ne montre pas une abeille mais un syrphe, insecte de lordre des diptres. Nous nous en excusons auprs de nos lecteurs qui ont t nombreux ragir.

31 IMPRESSIONS 34 REGARDPoissons OGM, un puzzle disciplinaire

INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE 147 rue de l'Universit 7533 8 Paris Cedex 07

www.inra.frDirectrice de la publication : Marion Guillou. Directeur ditorial : Jean-Franois Launay. Directeur de la rdaction : Antoine Besse. Rdactrice en chef : Pascale Mollier. Rdaction : Brigitte Cauvin, David Charamel, Nicolas Chauty-Bacchetta, Christine Espinoza, Evelyne Lhoste, Ana Poletto, Ccile Poulain, Grard Simonin. Photothque : Jean-Marie Bossennec, Julien Lanson, Christophe Matre. Couverture : Photo : Jared Wilson/ Fotolia. Maquette : Patricia Perrot. Conception initiale : Citizen Press - www.citizen-press.fr. Impression : Imprimerie CARACTERE. Imprim sur du papier issu de forts gres durablement. Dpt lgal : dcembre 2011.

Renseignements et abonnement : [email protected] I NRA MAGAZINE N19 DCEMBRE 2011

ISSN : 1958-3923

Penser au-del de lassietteEnfin, dans le cadr e du chantier 3, nous nous appuierons sur la connaissance des mcanismes de transformation des matires premires pour favoriser llaboration daliments sains et goteux, tout en restant conomes en nergie et en eau, et conomiquement ralistes. Ces mmes c onnaissances favoriseront le dveloppement de bioraffineries pour gnrer non seulement des biocarburants liquides mais aussi des matriaux et molcules pour la chimie, sans accrotre la comptition avec les productions alimentaires, ni les impacts environnementaux de lagriculture. Que tirez-vous de votre exprience dans le priv ? C. C. : Cette exprience ma apport une vision systmique des enjeux et jai pu constater que changer de point de vue sur un sujet peut fair e merger de nouvelles solutions. En creux, cela ma permis de voir que certains grands enjeux ne sont pas r epris par lindustrie et que la r echerche acadmique doit sen emparer. Enfin, cela ma donn une vision internationale. LInra a ainsi des for ces et des atouts prcieux valor iser. Nous sommes leader au niveau international dans certains domaines, par exemple sur les microorganismes. Et nous avons les comptences ncessaires pour le devenir dans dautres domaines, comme les c omportements des consommateurs, avec nos chercheurs en conomie, sociologie, psychologie, physiologie, neurobiologie, physicochimie de laliment... Comment voyez-vous lhritage de Xavier Leverve* ? C. C. : Il nous a laiss un hritage trs riche, dont un des exemples est la promotion du microbiome intestinal. Sa vision, dans la continuit de laquelle je minscris, tait dj trs engage dans la direction dune alimentation durable accessible au plus grand nombre. Sa formation de mdecin la orient fortement vers la sant. Jespre complter ses ac quis en intg rant les aspirations hdoniques, sociales et conomiques de lalimentation. Propos recueillis par Antoine Besse* DS alimentation de 2004 2010.

Inra / Christophe Matre

Christine Cherbut, 51 ans, a t nomme dir ectrice scientifique Alimentation le 1 er octobre 2011. Cette ancienne directrice-adjointe du centre de recherche en nutrition humaine de Nantes v a promouvoir les recherches autour de lalimentation lInr a avec lambition de contribuer la scurit alimentair e mondiale et au dveloppement de systmes alimentaires durables.

Comment va se structurer votre action ? Christine Cherbut : La grande originalit de lInra est sa capacit explorer lensemble de la c hane alimentaire, de la pr oduction la consommation des aliments, le fameux de la fourche la fourchette . Je pense quen sappuyant sur les acquis, nous devons galement remonter la chane en sens in verse, du consommateur au producteur. Nous devons, dautre part, repenser la transformation des agro-ressources et mieux pr endre en compte les qualits intrinsques des produits agricoles et lensemble de leur itinraire de production, en faisant rimer conomie et cologie . Dans cette optique les recherches vont sarticuler en t rois chantiers prioritaires : chantier 1 : les c omportements des consommateurs ; chantier 2 : la nutrition et la sant , et enfin chantier 3 : lco-conception des aliments et les bioraffineries

Dans chaque chantier, quelle sera votre approche ? C. C. : Jessaye dapporter une vision intgrative avec la conviction que nous trouverons de nouvelles rponses en explorant les systmes (rg imes alimentaires, systmes physiologiques ou socio-conomiques). Dautre part, je soutiens fermement la transdisciplinarit qui se construit progressivement grce aux mtaprogrammes. Dans le chantier 1, nous devons explorer au-del de lassiett e, par exemple comprendre comment loffre alimentaire affecte les choix des consommateurs. Cest dailleurs un des mtaprogrammes de lInra. Pour le chantier 2, en nous focalisant sur quelques systmes bien matriss lInra - comme le microbiome intestinal, le stress oxydant, etc.- nous nous attacherons dmontrer les liens entre lalimentation et la sant. Pour cela, il nous faut identifier des indicat eurs objectifs deffets, de prdisposition aux maladies et dexposition au risque.

I NRA MAGAZINE N19 DCEMBRE 2011

HORIZONS3

L AURIER DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUEAntoine

6

me

crmoniedes

Lauriers de lInra

KremerUn gnticien en chne et en os59 ans, directeur de rec herche lunit mixte de rec herches Biogeco (Biodiversit, Gnes & Communauts) lInra de Bordeaux. Pionnier, il engage ds les annes 80 des recherches lchelle europenne sur la fort en sappuyant sur la gntique des populations et la biologie volutive. Associant des approches historiques et gntiques sur plus de 2 6 00 forts, il reconstitue le scnario de limplantation des chnes en Europe et claire les mcanismes dadaptation et de migration des espces forestires. Il propose la cration dun rseau dexcellence europen (Evoltree) quil coordonne dsormais. Ses travaux ont t consacrs au plan international par lattribution en 200 6 du prix Marcus Wallenberg, le Nobel de la filire Cest la reconnaissance dune uvre collective rsultant des contributions bois . Antoine Kremer a publi plus de 180 artide plusieurs laboratoires franais et trangers. Les recherches en biologie cles. Il coordonne depuis 2011 un lab oratoire volutive sur les forts ont pu tre menes bien sans contrainte extrieure dexcellence sur lvolution, ladaptation et la gouou intrieure, et jen suis dautant plus reconnaissant aux diffrentes tutelles vernance des cosystmes continentaux et qui nous ont aids. ctiers, financ par les Investissements dAvenir. Inra / Christian Slagmulder

Les lauriers ?

L AURIER INGNIEUR

Andr

Faur Inra / Christian Slagmulder

Le cratif de ladministratif60 ans, directeur des services dappui la recherche du centre de Toulouse, est un homme de lombre qui ne manque pas de lumires. Il est le crateur doutils, dapplications et de solutions pour une administration plus efficace. Aprs un dbut de carrire dans la rec herche en aquaculture, il devient successivement responsable dune unit exprimentale en aquaculture, secrtaire gnral du centre de Tours puis de Toulouse. Il a ensuite t l'acteur de la mise en place de la politique dachat nationale de lInra. Andr Faur excelle par sa capacit dinJe naurais jamais pu obtenir tout seul ces lauriers, cest le rsultat des novation au service dune administration quipes qui travaillent avec moi ! Si jai eu les mains aussi libres pour faire moderne, et sa facult mobiliser pour voluer les choses, cest aussi grce au soutien actif de mes prsidents mettre en place les c hangements ainsi successifs. Cest particulirement rconfortant de se sentir utile. construits collectivement.4 I NRA MAGAZINE N19 DCEMBRE 2011

Les lauriers ?

L AURIER JEUNE CHERCHEURAnne-Clia

DisdierAu bonheur des douanes34 ans, charge de recherche en conomie au sein de lU MR PSE (Paris-Jourdan Sciences Economiques). Ses travaux portent sur les effets des mesures tarifaires et non tarifaires - rglementations sanitaires, phytosanitaires et techniques - sur les changes commerciaux et sur le bien-tre. La chercheuse a publi plus dune dizaine darticles dans des revues acadmiques internationales telles que la Review of Economics and Statistics ou lAmerican Journal of Agricultural Economics. Intervenante dans de nombreux colloques internationaux en sciences conomiques, elle sest aussi implique dans les projets de recherche europens portant sur les changes agricoles et alimentaires, TradeAG et AgFoodTrade. Inra / Grard Paillard

Jai t surprise et honore. Il faut cependant savoir rester humble. Mes articles ont t publis grce un travail dquipe et des collaborations agrables et profitables. Nos conditions de travail sont trs satisfaisantes et nous donnent les moyens d e raliser une recherche de haute qualit.

L AURIERS APPUI LA RECHERCHEAndr Agns

Moretti Inra / Grard Paillard

I NRA MAGAZINE N19 DCEMBRE 2011

Andr Moretti a accompagn pendant quarante ans la recherche sur lamlioration des plantes lunit de Gntique et amlioration des fruits et lgumes d Avignon. Il a, en tant quassistant ingnieur, contribu la dcouverte de nouvelles sources de rsistance plusieurs maladies de la tomate et leur introduction dans des lignes obtenues par des croisements interspcifiques. Ce matriel sert de base des programmes de recherches sur les rsistances aux maladies chez la tomate. Plus rcemment par ses travaux sur la tomate mais galement chez lespce modle Arabidopsis thaliana, il a particip la dcouverte dun mcanisme original de rsistance aux virus conserv c hez les plantes. Ses travaux et e xpertises ont largement contribu la reconnaissance internationale de lInra dAvignon.

Les lauriers ?

Jai vraiment cru une blague !!! Cela ma surpris mais jen suis heureux. Je nai jamais cherch les honneurs ni les distinctions pendant ma carrire. J'ai travaill et je travaille toujours avec le souci de rendre service la socit. Passionn, j'aime la recherche et les moments intenses que nous avons la chance de vivre.

Agns Thomas est assistante ingnieur au sein de lquipe Animal, MUscle, VIande (AMUVI) dans lunit des Herbivores Theix, prs de Clermont-Ferrand. Spcialise dans les analyses fines des nutriments chez le Ruminant en production, elle orchestre les analyses dacides gras chane courte du sang et c hane longue des produits carns et de leurs drivs oxyds laide de diffrentes techniques (chromatographie liquide ou gazeuse, spectrophotomtrie). Agns Thomas a rdig personnellement deux publications mthodologiques sur cette thmatique. Investie dans lamlioration des techniques de mesure de la rec herche, elle participe activement la diffusion de la Politique Qualit de lInra et plus rcemment la mise en place de la surveillance des mthodes de mesure. Agns T homas est depuis 200 9 auditrice conseil du Rfrentiel Qualit de lInra.

Les lauriers ?

Elle ne voulait pas, au dpart, les recevoir. Trop dhonneurs pour sa modestie. Pourquoi moi ? Cest tonnant, je nai rien fait dextraordinaire, cest le travail dune quipe, dun collectif.

5

Inra / Christian Slagmulder

L'homme des tomates malades

Les lauriers ?

ThomasToute en mesures

RECHERCHES

Les sols franais

surveiller

& INNOVATIONS

La premire tude microbiologique des sols lchelle nationale montr e que labondance et la biodiversit des microorganismes dpendent du type de sol et de son utilisation, plus que du climat. Ces rsultats no vateurs constituent un des volets du rapport sur la qualit des sols, prsent en novembre 2011 par le Groupement dintrt scientifique sur les sols, coordonn par lInra.

es sols reprsentent un rservoir de biodiversit microbienne indispensable la vie. Ces microorganismes, bactries, champignons, sont des recycleurs de nutriments pour les vgtaux. Sans eux, pas de minr alisation de la matire organique des sols et donc pas de fertilit. Un rseau de mesures national de la qualit des sols (RMQS) a mesur ltat microbiologique des sols franais. Ses premires conclusions dvoilent des nouveauts parfois inattendues sur lassemblage des communauts microbiennes du sol et leur organisation spatiale. Les chercheurs de lInra de Dijon (1) ont dvelopp une mthodologie qui permet de caractriser la microflore du sol, la fois en quantit et en qualit, sur plus de 2 000 c hantillons correspondant un maillage systmatique du territoire franais de 16km x 16km. Les travaux font apparatre un rsultat nou veau et remarquable : les communauts microbiennes ne sont pas distribues alatoirement, mais sous for me de patchs dassez grande taille, jusqu6 I NRA MAGAZINE N19 DCEMBRE 2011

L

plusieurs centaines de km, qui correspondent une organisation t erritoriale prcise (voir les cartes). Cest ainsi que certaines rgions sont trs riches en biomasse micr obienne : le Nord-Est, le Sud-Est par exemple, alors que dautres sont plus pauvres : le SudOuest, lIle-de-France. Il ny a quun facteur dix entre les zones les plus riches et les zones les plus pau vres, dtaille Lionel Ranjard, responsable du projet. La gamme stend entre 3 et 30 microgrammes dADN total par gramme de sol, ce qui cor respond une quant it de bactries comprise entre 100 millions et 1 milliard et une quantit de champignons entre 100 000 et 1 million . Quant la di versit des microorganismes (2), on observe le mme phnomne de distribution spatiale, avec des zones homognes : le Centre, les Landes, le Sud de la B retagne, et des zones de plus g rande variabilit des communauts : le Sud-Est. Les cls de la distribution des microorganismes dans le sol Nous avons bien sr cherch comprendre quels paramtres rgissaient cette distribution organise, poursuit

Lionel Ranjard, en faisant des corrlations statistiques avec tout un ensemble de donnes : le climat, les caractristiques physicochimiques des sols, la gomorphologie, le mode dusage des s ols, etc. En ce qui concerne la biomasse, le paramtre dterminant est le type de sol : sa texture (argileuse ou sableuse), sa teneur en carbone, et dans une moindre mesure, son pH. Le deuxime paramtre est le mode dusage des sols : la biomasse est plus abondant e sous les forts (surtout de feuillus) et les prairies que dans les sols cultivs et particulirement les monocultures. Cest ce qui explique que la rgion des Landes, avec son sol sableux et acide couvert de fort de pins, est plus pauvre en biomasse. En Ile-de-France, le type de sols est plus favorable (argileux ou limoneux), mais le mode doccupation du sol lest moins, avec des monocultures de crales et/ou dolagineux. La vigne gnre aussi des sols r elativement pauvres en biomasse, car cest une culture peu couvrante avec une rhizosphre rduite qui nalimente pas beaucoup le sol. Cest ce que lon voit sur la carte autour de Bordeaux ou dans la rgion mditerranenne.

Inra / Jean Weber

A GAUCHE, la biomasse microbienne (zones les plus pauvres en bleu, zones les plus riches en marr on fonc). A DROITE, la biodiversit microbienne : la carte ne montr e quune partie de la v ariance biologique, qui sanalyse selon diffrents axes.Source : UMR MSE - Plateforme Genosol - Inra Dijon

Curieusement, le climat semble navoir que peu dinfluence sur labondance de la biomasse microbienne. En ce qui concerne la diversit des organismes, le Sud-Est est une des rgions o lon t rouve des communauts microbiennes trs diversifies, ce qui concide avec un usage des sols en mosaque : forts, grandes cultures, vignes, prairies. Alors qu loppos, les rgions du Nord-Est ou des Landes ont une c omposition

microbienne peu varie. Il y a donc une corrlation entre la diversit des paysages et la diversification des communauts microbiennes telluriques lchelle rgionale et nationale. Vers un rfrentiel de la biodiversit des sols Pour vrifier et prciser ces relations de cause effet, les chercheurs vont maintenant identifier les espc es microbiennes et en dr esser un inventaire

Ltat des sols franaisCette tude est lun des volets dun programme plus vaste : le Rseau de mesures de la qualit des sols (R MQS), mis en place en 200 1 la demande des pouvoirs publics pour sonder lt at des sols franais. Ce rseau est coordonn par lunit Infosol de lInra dOrlans et mobilise de nombreux partenaires runis en un Groupement dintrt scientifique : le GIS Sol*. Aprs dix annes de mesur es de tous types (pr oprits physicochimiques, fertilit, rosion, contaminations diverses, etc.), le G IS Sol a rendu un premier rapport lors dun colloque le 1 8 novembre SaintMand. Dominique Arrouays, directeur dInfosol, rsume les principales sources dinquitudes : - une cont amination lgre, mais sur de vastes surfaces, par divers polluants (lindane, DDT, retrouvs dans des sols forestiers par exemple), mettant en vidence lexistence de transfert atmosphrique sur de longues distances - des pollutions au contraire trs localises (chlordcone aux Antilles) - un niveau gnral de phosphore assez bas, donc surveiller pour maintenir la fertilit - une incertitude sur le stoc kage de carbone, certaines rgions dstockant (la Bretagne, suite entre autres au retournement de prairies), dautres stockant, du fait par exemple dune diminution du travail du sol - deux problmes majeurs : lartificialisation des sols (on per d actuellement lquivalent dun dpartement franais en surface agricole tous les sept ans). Et lrosion, qui se traduit par la destruction du sol et des coules de boues en cas de pluies : 17% du territoire est concern.Ademe, Inventaire Forestier National.

taxonomique prcis pour deux rgions extrmes du point de vue de la biodiversit : les Landes et le Sud-Est. Les rsultats, qui ncessitent un investissement en squenage et en mtagnomique, sont attendus fin 2012. Lobjectif est de c onstruire un rfrentiel dindices de biodiversit qui sera gr au sein de la plat eforme GenoSol (3). Ltape suivante consistera tablir les liens ent re cette biodiversit et les fonctions biolog iques du sol. On pourra alors dresser des cartes daptitude des sols fournir des services cologiques, en termes de fertilisation et de recyclage de la matire organique par exemple. Ce qui pourrait clairer les choix agronomiques des agriculteurs ou guider les politiques damnagement du t erritoire pour adapter les modes dusage des sols leur potentiel. Grard Simonin et Pascale Mollier(1) UMR Microbiologie du sol et environnement , (MSE). (2) Pour tudier la diversit microbienne dun sol, lADN total de lchantillon, aprs extraction, est soumis une PCR qui fait apparatre des fragments caractristiques, spars ensuite par lectrophorse (technique dite de Fingerprints ). On obtient ainsi un code barre gntique correspondant la composition de la communaut microbienne (bactries, champignons, virus) prsente dans lchantillon. Celle-ci est plus ou moins riche en espces diffrentes selon les sols. On applique alors un traitement statistique pour classer les chantillons selon leur degr de similitude. (3) GenoSol est le dispositif consacr ltude microbiologique des sols au sein de lU MR MSE de Dijon, www.dijon.inra.fr/plateforme_genosol).

+dinfos

* Partenaires du GIS Sol : ministres en charge de lAgriculture et de lEcologie, Inra, I RD,

Oweb : http://gissol.fr Ocontacts :

[email protected] [email protected]

I NRA MAGAZINE N19 DCEMBRE 2011

7

RECHERCHES

Du labo lindustrietransfert russi pour les

& INNOVATIONS

plantes traire

RACINES DE PLANTES cultives en hydroponie.

Depuis sa cration, il y a six ans Nancy , Plant Advanced Technologies ne cesse de dvelopper de nouvelles technologies efficaces pour la pr oduction dactifs vgtaux. Cette start-up, ne dans une unit mixte de r echerche Inra/Institut national polytechnique de Lorraine (INPL), est un bel exemple de valorisation de la recherche publique lchelle industrielle.

out a commenc dans les locaux du laboratoire Agronomie et environnement, dans la banlieue de Nancy. Ds 1996, Frdric Bourgaud et Er ic Gontier, tous deux enseignants-chercheurs Inra-INPL, y exprimentent un nouveau procd de production de principes actifs vgtaux. Ils cultivent les plantes en hydroponie, cest--dire sans terre, sur milieu liquide et en serre, ce qui permet la fois de stimuler la production de mtabolites secondaires et de les rcolter plus facilement. Ce procd permet ainsi dexploiter au mieux la biodiversit vgtale pour produire des molcules aux pr oprits remarquables (anticancreuses, antineurodgnratives...). On valorise la plante sans la rcolter de manire destructrice explique8 I NRA MAGAZINE N19 DCEMBRE 2011

T

Frdric Bourgaud, soulignant l un intrt majeur de la dcouverte. En effet, les racines, suspendues dans un brouillard nutritif, font plusieurs cycles de production successifs, permettant dobtenir entre trois et huit rcoltes par an sur une mme plante, do le nom de plantes traire . Il faudra trois ans, jusquen novembre 1999, pour que c ette exprimentation en laboratoire fasse lobjet dun dpt de brevet co-dtenu par lInra et lINPL. Forts de ce brevet, Frdric Bourgaud et Eric Gontier obtiennent en 2001 une aide financire dOSEO pour le transfert de cette technologie vers le priv. Ils embauchent alors Benot Mignard en qualit dingnieur. Mais lide est daller enc ore plus loin pour valor iser ce travail lchelle industrielle.

Un projet long terme, une aventure passionnante En 2004, les deux c hercheurs rencontrent Jean-Paul Fvre, ancien directeur de recherche dune socit franaise internationale, spcialiste de lamlioration des plantes. Il a t notre business angel , dit aujourdhui de lui F rdric Bourgaud. Effectivement, Jean-Paul Fvre, qui souhaite monter sa propre socit dans le domaine des biotechnologies vgtales, est sduit demble par le projet : Cest un ami cher cheur lInra qui mavait parl dInra transfert, filiale assurant la promotion de la cration dentreprises par tir des innovations issues des laboratoires de lInra. En explorant leur site, je suis tomb sur cette annonce qui ma sembl trs intressante .

: PAT

De l, les nou veaux associs se tournent vers lIncubateur Lorrain, organisme habilit par le ministre de la Recherche pour accompagner les porteurs de projets dans la cration dentreprises innovantes issues de la recherche publique. Cest ainsi que se cre le lien entre le monde de la recherche et celui de lentreprise pour la technologie des plant es t raire. Lincubation va durer un an, priode durant laquelle Frdric Bourgaud, Eric Gontier et J ean-Paul Fvre sont accompagns sur les plans technique, stratgique et juridique. Ils bnficient galement de moyens logistiques et dun accueil dans les locaux de lIncubateur, ainsi que daides hauteur de 80 000 euros via lIncubateur et OSEO, ce qui leur permet de conserver les fonds propres pour la cration de lentreprise. Plant Advanced Technologies (PAT SA) nat le 1 er juillet 2005 avec un capital de 90 000 euros, quelques mois aprs a voir remport le concours de cration dent reprise innovante du ministr e de la Recherche et le c oncours TremplinEntreprises organis par le Snat. Encourags par ces succs, les trois associs en oublier aient presque les quelques nuits blanches et week-ends difficiles traverss jusque-l, mme si la validit du projet a toujours fait lunanimit partout o il a t

: PAT

CULTURE EN SERRE HORS SOL : les racines des plantes (sous le plan de tr avail) sont suspendues au-dessus dun bac solv ant, y exsudent les mtabolites synthtiss qui peuvent ainsi tre facilement recueillis.

prsent. Il faut de la patienc e, poursuit Frdric Bourgaud, mais cest une aventure passionnante, dans laquelle jai beaucoup appr is sur le plan humain et la conduite de projets, au-del de la recherche . Cration demplois et entre en bourse Plant Advanced Technologies symbolise donc aujourdhui, six ans aprs sa cration, un passage russi du labora-

Une expertise en biologie molculaire Nous sommes des paysans de la molcule , rsume Jean-Paul Fvre. Nous dveloppons des procds nouveaux pour produire des molcules vgtales qui entrent dans la composition de produits cosmtiques et pharmaceutiques . Outre les plantes traire, lentreprise a brevet une nouvelle technologie : on utilise cette fois les proprits remarquables A. Guckert des plantes carnivores, qui scrtent la surface de leurs feuilles certaines des protines quelles synthtisent, dtaille Frdric Bourgaud. On leur fait donc produire les protines que lon recherche, mais il faut les extraire rapidement pour viter quelles ne soient dgrades par les protases scrtes en mme temps par les plantes carnivores. Tel Robinson qui sauve Vendredi des cannibales Cest pourquoi nous avons appel ce procd PAT Vendredi . Il permet de produire des protines trs difficiles obtenir autrement et dun grand intrt mdical. Aujourdhui, une partie de la r echerche de la socit est hber ge par lEcole nationale suprieure dagronomie et des industries alimentaires (Ensaia), qui fait partie de lINPL. Lentreprise loue galement une serre de 4 500 m une trentaine de kilomtres de Nancy o elle peut dvelopper ses technologies lchelle industrielle.

toire au systme industriel : On joue fond la carte des partenariats publicpriv pour le bnfice de tous et dans le respect de la recherche publique souligne Frdric Bourgaud. Une dmarche qui a dj permis la cration dune vingtaine demplois. Benot Mignard, embauch comme ingnieur en 2001 avant mme la cration de la socit, en est aujourdhui le responsable de la production. Jean-Paul Fvre, Frdric Bourgaud et Eric Gontier, les membres fondateurs, assurent toujours la direction, mme si ce dernier intervient dsormais depuis Amiens o il occupe de nouvelles fonctions la Facult des sciences. Preuve de lessor pr is ces dernires annes par le projet, PAT SA a fait son entre en bourse en juillet 2009. La socit compte aujourdhui plus de 2 000 actionnaires. Et son activit sest aussi largie avec le dveloppement rcent dune seconde technique dans le laboratoire de Frdric Bourgaud (voir lencadr). Lobjectif est le mme : asseoir la dimension industrielle de Plant Advanced Technologies. Aujourdhui, nous avons plus dides que de chercheurs , concluent les associs, toujours optimistes. Nicolas Chauty-Bacchetta et Ana Poletto

+dinfosOcontacts :

[email protected] [email protected] [email protected]

I NRA MAGAZINE N19 DCEMBRE 2011

9

RECHERCHES

& INNOVATIONS

La reprogrammation du noyau une affaire de cytoplasmereprogrammation implique des remaniements importants de la c hromatine, la structure qui associe lADN avec des protines spcifiques. Ces remaniements se produisent aussi aprs la fcondation, lorsque le spermatozode, cellule hautement diffrencie, est reprogramm par lovocyte. Suivant la forme que prend la chromatine, condense ou dcondense, lexpression des gnes est rprime ou non. Il faut maintenant identifier dans les extraits dufs de crapaud quelles sont les molcules qui sont actives dans ce processus. Quelle porte pour la recherche agronomique ? J.-P. R. : Ces expriences vont nous permettre de comprendre ce qui se passe lors des t outes premires tapes du dveloppement. Le cytoplasme de lovocyte imprime des marques sur le gnome. Ces marques, dites pigntiques, diffrent dun ovocyte lautre car les o vocytes sont euxmmes sous linfluence de lenvironnement maternel dans lequel ils se dveloppent. Elles contribuent la variabilit des caractristiques physiologiques ou mor phologiques entre individus. Notre technique de transfert de noyaux offre la possibilit unique dtudier ces variations puisquon peut reprogrammer un mme gnome dans des ovocytes diffrents chaque opration. Et gnome quivalent, on obtient des individus dapparence trs diffrente ! Evelyne Lhoste(1) Unit Biologie du dveloppement et de la reproduction de lInra de Jouy-en-Josas, actuellement dirige par Corinne Cotinot. Inra / Bertrand Nicolas

Des chercheurs de lInra et du CNRS ont montr que des extraits dufs de crapaud multipliaient par 40 le taux de reprogrammation de cellules de peau de souris en cellules souches embryonnaires. Pour Jean-Paul Renard, laurier dexcellence de lInra 2010 et co-auteur de ces tr avaux, ces rsultats permettent de mieux compr endre la reprogrammation nuclaire et le dveloppement embryonnaire prcoce.

Ces rsultats reprsentent-ils une rupture dans lobtention de cellules souches partir de cellules diffrencies ? Jean-Paul Renard : Une rupture non, mais une avance, srement. On savait dj reprogrammer des cellules diffrencies en cellules de type embryonnaire par au moins deux mthodes. La premire, dcrite en 2006 par des c hercheurs japonais, consiste injecter dans le no yau de cellules de peau de souris un cocktail de quatre gnes bien spcifiques. Certaines de ces cellules, au bout de plusieurs divisions, donnent lieu des lignes dites iPS (induced pluripotent stem cell). Il a t dmont r chez la souris que le no yau de ces cellules, une fois transfr dans un o vocyte nucl, pouvait conduire au dveloppement dun individu normal comme aprs fcondation. Lautre mthode, que nous utilisons dans not re laboratoire (1), consiste transfrer le noyau de cellules de peau directement dans un ovocyte nucl. Mais dans les10 I NRA MAGAZINE N19 DCEMBRE 2011

deux cas, le pourcentage de dveloppement terme est relativement faible. Ce quapportent les extraits dufs de crapaud, cest une augmentation spectaculaire de ce taux de russit e et ce, avec les deux mthodes. Cela signifie quil y a dans le cy toplasme des ufs de crapaud, des facteurs, encore inconnus, qui aident les no yaux diffrencis de souris retrouver un tat embryonnaire. Et, deuxime point important, ces facteurs fonctionnent entre des espces aussi loignes que des souris et des batraciens. Que nous apprennent ces travaux sur les mcanismes de la reprogrammation ? J.-P. R. : Ils raffirment le rle fondamental du cytoplasme de lovocyte dans la reprogrammation de lactivit des gnes. On peut dfinir la r eprogrammation comme la squence dvnements molculaires qui permet un gnome de retrouver un tat embryonnaire puis de donner tous les types cellulaires dun organisme. La

+dinfosOrfrence :

Olivier Ganier, Stphane Bocquet, Isabelle Peiffer, Vincent Brochard, Philippe Arnaud, Aurore Puy, Alice Jouneau, Robert Feil, Jean-Paul Renard, and Marcel Mchali. Synergic reprogramming of mammalian cells by combined exposure to mitotic Xenopus egg extracts and transcription factors, PNAS, 9 septembre 2011. Ovido : - Voir aussi une vido sur les cellules pluripotentes induites : www.universcience-vod.fr/tag/cellulepluripotente.html Ocontact : [email protected]

Lait ferment et protection de lintestin, une piste creuser

Inra / Pascale Plais anci

L

Aprs un brevet pris en 2010 sur un peptide issu de laits f erments qui agit sur certains facteurs de la dfense intestinale, les recherches se poursuivent sur lanimal pour vrifier les proprits protectrices et cicatrisantes du peptide en conditions pathologiques et v alider lnorme potentiel de cette nouvelle molcule en sant humaine.

a paroi intestinale assure un rle de filtre par rapport au reste de lorganisme : elle laisse entrer les nutriments qui proviennent de la digestion des aliments, et au contraire, elle fait offic e de barrire vis--vis des pathognes et daut res agresseurs tels que les enzymes digestives, les toxines, lacidit. Le mucus qui tapisse la paroi de lintestin joue un rle trs important dans cette fonction de barrire intestinale. Deux quipes de r echerche, R ennes et Lyon (1), ont montr quun peptide du lait stimule la production de ce mucus, et donc lacti vit protectrice de lintestin. Ce peptide est un fr agment de la bta-casine, lune des protines du lait de vache. Il est libr lors de la fermentation du lait. Un double effet protecteur Chez le rat, le peptide administr par voie orale agit sur deux types de cellules de lpithlium intestinal : celles qui produisent du mucus protecteur

et celles qui scrtent des molcules anti-bactriennes. Il exerce donc un double effet de r enforcement de la barrire protectrice et ce, des doses relativement faibles. Cette dcouverte a abouti la prise dun brevet en 2010. Actuellement, les recherches se poursuivent sur cette squence de trente acides amins pour v oir si son rle bnfique, dmontr sur des animaux sains, stend dans des situations pathologiques daltration de la barrire intestinale. Passer dun lait ferment un aliment fonctionnel ou un mdicament Laction combine de certaines souches de fermentation aboutit la production de concentrations suffisantes du peptide dans des laits fer ments, ce qui devrait permettre dobtenir des aliments fonctionnels. Cependant, il reste dmontrer que le peptide conserve bien son activit lorsquil est administr dans un aliment complexe

comme peut ltre un lait fer ment. Dans le cas dune valor isation mdicamenteuse, il est ncessaire de dterminer quelle est la squence minimale active pour pouvoir synthtiser des analogues stables. Un tel mdicament prendrait alors place dans la panoplie de prvention ou de soin des inflammations intestinales, notamment de type chronique, des infections ou encore des ulcres duodnaux. Brigitte Cauvin(1) UMR Inra/Agrocampus Rennes Science et technologie du lait et de l'uf et U MR Inserm/Universit Lyon1/Inra/Insa Lyon/Hospices Civils de Lyon Cardiovasculaire, Mtabolisme, Diabtologie et Nutrition .

+dinfos

- Brevet : Peptides increasing the secretion and/or expression of at least one gastronintestinal mucin and/or inducing an increase in the population of mucus cells or paneth cells (WO2010130956). - Programme ANR Emergence betaACTIPROD. Ocontacts : [email protected] [email protected]

I NRA MAGAZINE N19 DCEMBRE 2011

COUPE EN MICROSCOPIE LECTRONIQUE de la paroi de lintestin grle de rat. Les noyaux des cellules pithliales sont colors en bleu. Le mucus est color en rouge.

11

RECHERCHES

& INNOVATIONS

Simuler le fonctionnement des agro-cosystmesclimat, sols, contraintes hydriques, pratiques culturales de l'agriculteur... Les rsultats gnrs peu vent servir ensuite calculer diffr ents indicateurs agronomiques, environnementaux ou socio-conomiques et sont transfrables dans plusieurs outils danalyses statistiques. Ces simulations reposent sur des modles dynamiques qui offrent la possibilit de suivre pas pas l'v olution de l'ag ro-cosystme, ce qui en fait un outil particulirement intressant pour les pr oblmatiques de gestion durable de ces systmes. Les modles dvelopps sous RECORD peuvent aussi tre lis des bases de donnes existantes en climatologie, pdologie, etc. pour travailler sur des situations concrtes. Afin de par tager plus largement les modles avec les acteurs techniques, des fonctionnalits Web ont t dveloppes pour paramtrer les simulations et en rcuprer les rsultats plus facilement. Des dbuts prometteurs Cet outil permet de fdrer une communaut qui s'intresse aux ag rocosystmes , confie Hlne Raynal, informaticienne, responsable oprationnelle de l'quipe Plateforme. Avec dj plus de vingt projets dvelopps et une trentaine d'utilisateurs, les services de cette plateforme de modlisation attirent aujourd'hui de nouvelles quipes de r echerche de l'Inra mais aussi des instituts t echniques comme le Cetiom ou Arvalis. Soutenu par un dispositif consquent d'aide la prise en main, RECORD a par ailleurs la v olont de s'ouvrir rapidement l'chelle europenne voire internationale. David Charamel

Inra / Gilles Cattiau

Aprs quatre ans de dveloppement, une quipe de l'unit de Biomtrie et Intelligence artificielle base Toulouse lance RECORD. Cette plateforme propose un ensemble d'outils informatiques ddis la modlisation des agr o-cosystmes et leur exprimentation virtuelle. Elle ambitionne in fine de devenir un outil majeur pour l'tude et la gestion des agro-cosystmes.

A

ujourd'hui, la modlisation est devenue incontournable dans l'tude des ag ro-cosystmes. En effet, les modles sont des outils scientifiques qui permettent de structurer les connaissances sur ces systmes complexes et d'en simuler le comportement sans avoir besoin de tout exprimenter. Ils sont aussi une aide pour la gestion durable de ces agro-cosystmes. Ainsi, on va pouvoir exprimenter virtuellement l'impact de diffrents scnarii de changement climatique , explique Jacques-Eric Bergez, directeur de recherche l'Inra, animateur du rseau des utilisateurs de la plateforme RECORD (REnovation et COoRDination de la modlisation de cultures pour la gestion des agro-cosystmes). La cration de la plateforme rpond un bes oin de partager un cadre commun de modlisat ion . Tout l'enjeu de ce projet est de capitaliser les travaux de diffrentes quipes et de simplifier les processus de mod-

lisation en proposant une sorte de bote outils cls en main. Concrtement, c'est un logiciel libre en open source, que l'on p eut tlcharger et installer sur son or dinateur pour crer des modles, utiliser ceux de la bibliothque, les connecter des bases de donnes et fair e des simulations. Crer des modles complexes L'application fonctionne avec des modules de base grce auxquels l'utilisateur peut v isualiser son modle sous forme d'une reprsentation graphique. L'outil permet ainsi de structurer des modles complexes hirarchiss intgrant toutes les composantes de l'ag ro-cosystme, de l'chelle de la plant e au territoire en passant par les pratiques ou le climat. Exprimenter virtuellement RECORD produit des simulations en fonction de diffrentes variations :

+dinfosOweb :

www.inra.fr/recordOcontacts :

[email protected] [email protected]

12

I NRA MAGAZINE N19 DCEMBRE 2011

Troupeaux

L William Beaucardet

sous les Tropiques

es productions animales au Sud se trouvent dans une situation paradoxale : dune part, rpondre une demande croissante, surtout dans les pays mergents, et dautre part, ne pas trop empiter sur les cultures alimentaires humaines et matriser les impacts de llevage sur lenvironnement. Des levages intensifs aux troupeaux du Sahel, la palette des systmes dlevage est large. Cest de cette diversit que sinspir e la recherche pour proposer des pistes damlioration t ant en efficience quen durabilit, pistes adapter au c as par cas. Ce dossier montre des exemples de travaux mens conjointement par lInra et le Cirad qui allient leurs comptences complmentaires : connaissances gnriques, expriment ations, mais aussi enqutes sur le terrain et formation.

Inra / Maurice Mahieu

Inra / Maurice Mahieu

1 Llevage en rgions chaudes : un enjeu pour la rechercheEn 2050, les prospectives internationales tablent sur le doublement des pr oductions animales, localises surtout dans les pays du Sud . L levage a, dans ces rgions, un poids conomique et social particulirement fort. Mais il est confront trois problmatiques : une consommation en augmentation, une comptition entr e les terres destines lalimentation animale et celles consacres lalimentation humaine, et enfin les impacts environnementaux des activits dlevage.

D

ans la plupart des pays, on observe que laugmentation de la consommation de viande est directement proportionnelle laugmentation des revenus. Ce phnomne gnral est particulirement marqu depuis vingt ans dans des pa ys mergents tels que la Chine, le Brsil et lInde. Le doublement des productions animales anticip pour 2050 permettra seulement aux habitants du Sud datteindre un tiers de la consommation des habitants du Nord.

Llevage gagne du terrain et sintensifie au Sud Llevage au Sud tend sintensifier et se spcialiser, ce qui rpond desII I NRA MAGAZINE N19 DCEMBRE 2011

finalits dconomie dchelle et daccs au march. La taille moyenne des levages augmente rapidement dans de nombreuses rgions tandis que le nombre dleveurs diminue (FAO, 2009). Les levages se spcialisent et tendent se concentrer la priphrie des v illes au dtriment des zones rurales. Ce sont les levages de monogastriques qui se dv eloppent le plus vite : +280% et +200% respectivement pour les effectifs de volailles et de por cs, depuis 1960, contre seulement +50% pour les ruminants. Lintensification induit divers effets ngatifs selon les rgions, tels que : surpturage en terres semiarides (Afrique et Inde), dforestation en Amazonie, accumulation

Chiffres cls 70% des animaux dlevage sont chez des leveurs hors pays industrialiss La moiti des cultures vivrires dans les agricultures familiales des pays en dveloppement utilise des animaux de trait Llevage emploie 1,3 milliard de personnes dans le monde et contribue faire vivre 1 milliard de pauvres dans les pays du Sud

deffluents dlevage (Asie du Sud-Est, rgions insulaires) ou encore rgression des systmes polyculture/levage dans les rgions tropicales daltitude (Afrique centrale, corne de lAfrique, Indonsie, Npal). Llevage remis en question Deux consquences apparaissent critiques. Dune part, laugmentation prvisible des surfaces consacres llevage, dans un c ontexte de comptition possible avec les cultures alimentaires humaines. Car il faut compter non seulement les pturages, qui occupent dj prs de 30% des terres merges hors gel, mais aussi les cultures pour nourrir les animaux (un tiers des t erres cultives sont ddies la pr oduction daliments pour le btail). Dautre part, au Sud comme au Nord, les impacts dfavorables de llevage sur lenvironnement sont points du doigt depuis les annes 90, avec un point dorgue lors de la parution dun rapport de la FAO (1), selon lequel les activits dlevage contribueraient elles seules 18% des missions de gaz effet de serre dorigine humaine (2). Plus rcemment, deux autres rapports majeurs (3) nuancent ce constat en prenant en compte les services cologiques offerts par llevage, son rle conomique et social, et les bienfaits des produits animaux sur la sant humaine, en particulier sur le dv eloppement des enfants (voir tableau). Llevage ne sert pas qu produire des aliments La logique de lintensification rpond principalement la fonction produc-

Pour une vision densemble des impacts de llevage (cas des ruminants)IMPACTS POSITIFS Source de protines animales Valorisation des espaces prairiaux et des vgtaux non consommables par lhomme Pourvoyeur majeur de fertilisation organique IMPACTS NGATIFS Consommation de ressources : eau, nergie, phosphates, etc. Comptition animal/humain pour les ressources alimentaires Pollution des eaux et des sols (nitrates) Emissions de gaz effet de serr e (CH4, CO2, N2O) Prairies : stockage de carbone Traction pour lagriculture Scurisation montaire, valeurs culturelles, religion Selon les systmes : maintien de la biodiversit et entretien du paysage Selon les systmes : dgradation de la biodiversit et du paysage Dforestation : mission de C O2 Compaction et dgradation des sols

LA COMPLEXIT des impacts contrasts de llevage fait quil est trs difficile d en tablir un bilan global positif ou ngatif, et ce dautant plus quil existe une grande varit de systmes prsentant des impacts galement trs divers.

tive de llevage (viande, lait, ufs, laine). Mais llevage possde bien dautres rles qui sont de plus en plus considrs dans les rfle xions internationales. Dabord, particulirement au Sud, il reprsente un capital sur pied qui participe la scurisation des familles. Nombre dleveurs ne sinscrivent pas dans une logique de march o primerait la productivit, mais dans des stratgies de prservation de leur troupeau face aux alas pour

garder une rserve montaire. De plus, les formes de polyculture/levage, souvent moins productives que les levages spcialiss, ont un rle c onomique indirect en modelant les paysages et en maintenant une diversit de ressources, l encore bnfique en cas dalas. Ces fonctions supplmentaires de llevage diffrent selon les rg ions, Sahel, Amazonie, Vietnam, etc. La recherche les prend en compte, ainsi

Pturages versus fort : quel bilan carbone ?Un exemple de recherche pour tenter dvaluer les impacts contradictoires de llevage consiste mesurer les gains et pertes en missions de GES lorsquon remplace de la fort tropicale par des levages de ruminants. Cest le cas en Guyane o la fort reprsente 90% du territoire et o des portions de cette fort sont dfriches pour dvelopper, entre autres, la filire bovine, qui ne couvre actuellement que 15% de la consommation. Le projet CARPAGG*, qui associe troitement le Cirad et lInra, s'appuie sur des installations de mesure de flux de carbone (C) mises en place par les deux instituts la fois en fort et dans des prairies issues de dforestation, ce qui permet davoir des mesures comparables. Les rsultats en cours montrent que le stock de carbone du sol des prairies augmente avec le temps jusqu dpasser celui des forts d'origine: de 130 141 tonnes de C par ha sous prairies de plus de trente ans, contre 80 112 tonnes de C par ha dans les sols des forts tmoins. Les prairies tropicales guyanaises sont donc capables dans certaines conditions de compenser les pertes en C du sol occasionnes par la dforestation. Par contre, au niveau de la biomasse vgtale arienne, les stocks de carbone accumuls par la fort restent suprieurs : 150 et 250 tonnes par ha en Guyane. Ces travaux, en lien avec les autres dispositifs de CARPAGG (mesures des flux de CO2 atmosphrique, de mthane et de N2O) fourniront des rfrences pour les autres pays de la zone amazonienne comme le Brsil o le pr ocessus de dfrichage en faveur de llevage a t jusqu' prsent de bien plus grande ampleur.* Le projet CARPAGG, CARbone des PAturages de Guyane et GES , 2010-2013, co-financ par les Fonds europens de dveloppement rgional (Feder) et le Cirad, est coordonn par l'UMR SELMET : Systmes d'Elevage en milieux Mditerranens et Tropicaux), et associe les units INRA UREP (Unit de recherche sur l'Ecosystme Prairial) de Clermont-Ferrand, URZ (Unit de Recherches Zootechniques) des Antilles et l'UMR ECOFOG (Ecologie des Forts de Guyane).

I NRA MAGAZINE N19 DCEMBRE 2011

III

DOSSIER

Exemples de programmes en cours (Inra et/ou/Cirad) dans les domaines des systmes dlevage (en orange) et de la sant (en vert)

Zone mditerranenne : Vulnrabilit de llevage des petits ruminants Sngal : Adaptation au changement chez les leveurs Peuls Guadeloupe : Mesure des missions de mthane Carabes : Rseau cariben de sant animale et vtrinaire (CaribVET) Sahel : Rle de llevage dans la scurisation des exploitations Vietnam : Observatoire des productions animales Afrique : Vaccins contre les maladies ngliges La Runion : Effet dun antioxydant du curcuma dans lalimentation du poulet

Europe : - Maladies vectorielles - Peste porcine africaine

Iles de lOcan indien : - Maladies mergentes - Cowdriose

que leur influence sur lvolution des systmes dlevage et lacceptabilit des innovations. Que fait la recherche ? Dans ce contexte, la recherche semploie explorer et valuer les diffrents systmes dans t outes leurs composantes et leur diversit (lanimal et son adaptation, son alimen-

tation, sa sant, les produits et la qualit, le march et les filir es) plusieurs chelles : animal, exploitation, territoire, sans oublier la dimension sociale. Il sagit de dgager des pistes pour concevoir des systmes dlevage durables, partir des situations locales. Une des voies consiste remettre en synergie lagriculture et llevage dans des systmes c ombi-

nant mieux productions animales et vgtales.(1) Steinfeld et al. Rapport Livestocks long shadow - lombre porte de llevage - 2006. (2) Dioxyde de carbone CO2, mthane CH4, protoxyde dazote N2O. (3) Millenium Ecosystem Assessment 2005, Steinfeld et al., 2010.

La complmentarit Inra/CiradJean-Baptiste Coulon, chef de dpartement adjoint du dpartement Physiologie animale et systmes dlevage lInra et Philippe Lecomte, directeur de lUMR Selmet* au Cirad, coordonnent le chantier de recherche Inra/Cirad sur les productions animales en rgions chaudes**. Ils expliquent tout le bnfice de cette association. J.-B. Coulon : il y a un besoin de connaissances gnriques pour lever des verrous relevant de la physiologie, de la gntique, de la sant ou lis aux systmes de production. Pour cela, les comptences disciplinaires de lInra peuvent tre mises profit au Sud comme au Nord. Rciproquement, les connaissances progressent mieux quand on largit la gamme des situations tudies : par exemple, tudier la robustesse des animaux dans les pays du Sud peut permettre de dcouvrir de nouveaux mcanismes biologiques dadaptation. Le Cirad, quant lui, possde des terrains dobservation et denqutes dans de nombreuses rgions du monde ainsi quune bonne connaissance des contextes et des acteurs locaux. P. Lecomte : il y a aussi des synergies dans le champ de lexprimentation. En effet, nous avons de plus en plus besoin de mesures pour valuer des impacts conomiques, environnementaux et dresser des bilans. Et nous navons pas toujours les moyens de le faire dans certains pays. Par exemple, la mesure de lmission de mthane est techniquement peu ralisable dans les levages en Afrique. Par contre, nous pouvons le faire dans les installations exprimentales de lInra en Guadeloupe par exemple, dont le climat tropical est comparable celui de lAfrique sub-saharienne. De plus, lassociation Inra/Cirad, qui apporte une masse critique de comptences ainsi que la volont de maintenir des systmes dobservation en situations difficiles, est trs attractive, tant pour les organismes internationaux (FAO, ILRI), que pour les instituts du Sud. Dans le cadre du consortium Agreenium*** qui rapproche recherche et enseignement agr onomiques, elle augmente le pool de c hercheurs impliqus, donc le potentiel dc hanges et de formation, particulir ement en Afrique francophone. Mais aussi ailleurs le Brsil par exemple sapprte envoyer 250 doctorants en France.*Systmes d'levage mditerranens et tropicaux pour le ple arc mditerranen. ** Un autre chantier Inra/Cirad est en cours sur les questions de sant animale (voir partie 3). *** Agreenium : consortium national pour l'agriculture, l'alimentation, la sant animale et l'environnement, cr en 200 9 runissant lInra, le Cirad, les Ecoles suprieures agronomiques de P aris, Montpellier et Rennes ainsi que lEcole nationale vtrinaire deToulouse.

IV

I NRA MAGAZINE N19 DCEMBRE 2011

IRD / Olivier Barrire

2 A la recherche dune production

durable et locale

De lanimal son alimentation et son mode de conduite, la r echerche sintresse toutes les composantes de llevage. Les travaux conduits au centre Inra des Antilles-Guyane en sont une bonne illustration.

D

ans la Carabe comme dans dautres rgions du Sud, llevage oscille entre des systmes modernes et des systmes plus traditionnels. Ces derniers concernent aux Antilles un plus grand nombre dleveurs et ont une forte porte sociale dans c ette rgion o le taux de chmage est particulirement lev. Cette situation offre aux chercheurs lopportunit dtudier, dans les mmes conditions, les deux modles et t ous leurs intermdiaires. LInra possde aux Antilles une de ses trois units ddies llevage en rgions chaudes (1). Situe en Guadeloupe, lunit de recherches zootechniques (URZ) regroupe une cinquantaine de personnes. LURZ possde une plateforme exprimentale trs bien quipe et dploye sur deux sites, lun en zone sche et lautre en zone humide, ce qui permet

dtudier une diversit de milieux physiques et de systmes (ptur ages ou hors-sol). Les exprimentations en milieu tropical ralises lURZ compltent les tudes de terrain effectues par les autres units et inversement. Ladaptation, critre cl de recherche On est all, dans les annes 70, jusqu importer en Guadeloupe la chvre alpine, le cochon chinois e t la vache frisonne ! analyse Danielle ClestineMyrtil-Marlin, prsidente du centre Inra Antilles-Guyane. Les objectifs de la recherche taient alors dadapter e t dimplanter les espces de mt ropole aux cosystmes tropicaux. Mais beaucoup ne rsistaient ni au climat tropical, ni au parasitisme ou aux maladies prsentes, et ne sadaptaient pas aux r essources alimentaires disponibles. La

recherche sest alors tourne vers ltude et la valorisation des ressources locales . Tout en conservant des comptences dans ltude des systmes dle vage intensifs, les chercheurs caractrisent depuis quinze ans la gntique des races locales Croles porcines, bovines, ovines et caprines. Ils traquent les mcanismes physiologiques de ladaptation. Face aux contraintes des rgions chaudes (temprature, humidit, maladies), les races Croles ont en effet dvelopp dimportantes capacits dadaptation. Avec le changement climatique et les cr ises sanitaires, ces races locales constituent un rservoir de gnes dun intrt majeur. Par ltude des comportements et de la gntique des porcs Croles et non Croles, lInra explore actuellement des outils de slection gntique pour amliorer la rsistance des levages la chaleur, contrainte majeure pour leI NRA MAGAZINE N19 DCEMBRE 2011 V

bien-tre et la pr oductivit animale. David Renaudeau, chercheur lURZ, explique actuellement, la recherche des zones du gnome impliques dans le dterminisme de laptitude tolrer la chaleur est en cours. Ces travaux permettront terme de dvelopper des mthodes de slection plus efficaces, bases sur les marqueurs molculaires. Dbuts en 2011, ils reposent sur un dispositif bas sur des croisements entre des porcs Crole et Large White . Les chercheurs se sont ainsi aperus que la temprature rectale du porc, critre le plus frquemment utilis pour caractriser la sensibilit des animaux la chaleur, est un caractre partiellement hritable gntiquement qui pourrait devenir un critre de slection pour amliorer la productivit porcine en rgions tropicales humides. Les races Croles ont aussi dvelopp des rsistances aux maladies, nombreuses en climat t ropical. Les chercheurs tudient depuis 2000 les gnes impliqus dans la rsistance des petits ruminants aux strongles gastro-intestinaux (parasites du tube digestif occasionnant des pertes de production importantes). Ils tudient galement le dterminisme gntique de la sensibilit la cowdriose, maladie mortelle dorigine bactrienne et transmise par des tiques. Ces recherches sur les populat ions animales indignes restent cependant insuffisantes dans de nombreuses zones tropicales analyse Maryline Boval, directrice de lURZ. En 2007, la FAO a identifi 7 045 races locales et 1 051 races transfrontires. Deux tiers de ces races sont localiss dans les pa ys

La gntique au service de lhistoire des races CrolesUtilisant des mthodes modernes de gnotypage et danalyse de la diversit gntique, Michel Naves, chercheur lURZ, en collaboration avec lquipe GAB I* de Jouy-en-Josas, retrace lhistoire des races Croles. Ces races se sont diffrencies sous linfluence de facteurs divers : migration et mtissage entr e races dorigine diverses, slection naturelle influence par le milieu ambiant et orientation dicte par lhomme en fonction des usages. Les principales espces dlevages actuelles nexistaient pas dans la Carabe et les Amriques jusqu la colonisation au XVe sicle. Les colons espagnols et portugais y implantrent des animaux utiliss comme rserves de nourriture (lait, viande) et de services (cuir , traction). Puis, le commerce triangulaire avec les comptoirs dAfrique de lOuest a introduit rgulirement, entre le XVIe et le dbut du XIXe sicle, des animaux domestiques issus de cette rgion. On retrouve ainsi une forte composante gntique dorigine africaine dans les races ovines poils de la Carabe, chez les chvres Croles des Antilles, et chez le bovin Crole de Guadeloupe, et jusque chez les races locales du Brsil. Des changes ont galement eu lieu entre les les de la Carabe et le continent amric ain. A partir du X IXe sicle, des introductions avec des cr oisements plus ou moins or ganiss de zbus indiens et plus rcemment de races europennes ont modifi le cheptel bovin de la rgion Amrique- Carabe. En revanche, les introductions danimaux de races pur es spcialises dorigine tempre ont eu peu de succs, du fait des contraintes de lenvironnement tropical. Les chercheurs de lInra ont dtermin la contribution des diffrents rameaux au gnome du b ovin Crole de Guadeloupe : une prdominance dorigines zbu (38 %) et taurine africaine (36 %), et plus faiblement europenne (26 %), principalement dEurope du Sud (17 %). Des signatures de slection sont observes dans diffrentes rgions gnomiques, dont cert aines semblent tre associes des caractres dadaptation (solidit du squelette, mtabolisme lipidique, dveloppement embryonnair e, rsistance aux maladies).* UMR GABI : Gntique animale et biologie intgrative.

en voie de dveloppement et restent mal caractriss sur le plan phnotypique et gntique.

De nouvelles ressources alimentaires locales pour plus dautonomie Alors que les donnes abondent sur les proprits nutritives des grandes matires premires dexportation : mas, soja, sorgho, que sait-on des ressources des rgions chaudes telles que les tubercules et fruits amylacs, les protagineux, les gramines et les lgumineuses indignes de ces rgions qui pourraient servir aussi dans lalimentation animale ? C ar pour utiliser de faon optimale ces ressources locales pour nourrir ses btes, lleveur a besoin de connatre plusieurs paramtres, tels que la valeur nutritive de laliment (sa composition chimique, en protines, sucres, fibres, etc.), sa digestibilit (proportion ingre qui est retenue par lanimal), son ingestibilit (quantit pouvant tre ingre

Inra / Maurice Mahieu

VI

I NRA MAGAZINE N19 DCEMBRE 2011

PORCS CROLES.

par lanimal). Cest pourquoi lInra, le Cirad et lAssociation franaise de zootechnie se sont associs dans un programme de quatre ans pour fournir ces donnes sous forme de tables dalimentation en rgions chaudes, linstar des tables vertes bien connues pour les rgions tempres. Pour cela, les chercheurs collectent le maximum dinformations partir de la bibliographie et de leurs contacts dans diffrentes rgions du monde, Asie, Afrique, et Amrique latine. Ces informations primaires sont rassembles dans un premier temps sous forme dune base de donnes, qui sera hberge sur le sit e de la F AO. Partie prenante de c e projet dampleur internationale, la FAO en finance une partie. 700 fiches descriptives daliments seront disponibles en 2013. Outre les donnes de n utrition de base, elles contiendront dautres types dinformations pour une valuation multicritre plus complte, par exemple, les proprits mdicinales ou la valeur environnementale (consommation dnergie et dintrants pour produire laliment, consquences de leur utilisation sur la composition des effluents mis par les animaux). La synergie levage/agriculture Les chercheurs de lURZ de Guadeloupe ont braqu leur loupe sur les systmes traditionnels de polycul-

Inra / Maurice Mahieu

BOVINS CROLES en saison sche, levage au piquet, complmentation avec feuilles de canne sucre (en arrire-plan).

ture/levage qui concernent 80% des exploitations antillaises. Grce une approche biotechnique fouille, ils mettent en valeur les pot entialits de ces systmes et pr oposent des pistes

Le manioc et la banane, futurs alicaments ?Les feuilles de manioc, outre leur richesse en azote, contiennent des tanins condenss et autr es mtabolites secondaires, qui ont une action protectrice contre un parasite gastr o-intestinal* responsable de dgts importants chez les ovins et caprins. Cest ce quont montr les chercheurs de lU RZ : lapport de feuilles de manioc dans la ration (compose aussi de foin et de tubercules de manioc pour lapport en glucides) permet de diminuer de moiti les infections exprimentales par le parasite chez des agneaux Croles. Le manioc pourrait ainsi servir dalicament, la fois aliment et mdicament, explique Carine Marie-Magdeleine. En plus, cela permettrait de valoriser les dchets de rcolte, puisquactuellement, seuls les tubercules de manioc sont valoriss . Le problme du manioc est quil contient aussi des mtabolites cyanognes, qui produisent du cyanure aprs ingestion. Mais on arrive liminer compltement cette toxicit en faisant faner les feuilles, complte la chercheuse. Nous poursuivons les recherches sur le mcanisme daction des tanins condenss sur le parasite. Ainsi, on connatra mieux les potentialits du manioc, encore peu utilis en alimentation animale aux Antilles . Les chercheurs, dont la stratgie est de valoriser les coproduits des cultures, tudient aussi un autre alicament potentiel : les feuilles et le tronc de bananier, qui possdent aussi des proprits antiparasitaires, vraisemblablement via des molcules de la famille des terpnodes.* Le nmatode Haemonchus contortus.

pour les valoriser au mieux. Le principe de base est la c omplmentarit entre culture et levage : les animaux sont nourris par les rsidus agricoles et fournissent en retour lamendement organique du sol par leurs djections. Il en est ainsi par exemple des exploitations combinant la canne sucre et des troupeaux mixtes porcs-ruminants ou encore de plantations de banane associe llevage de porcs. Vritables banques dnergie, la canne sucre et la banane prsentent lavantage dtre disponibles pendant toute la priode dengraissement des animaux. Les chercheurs ont montr rcemment que le jus de canne ou la banane peuvent couvrir tous les besoins nergtiques des porcs sans recourir lusage de crales importes. En ajoutant du tourteau de soja (pour linstant incontournable pour lapport azot), on obtient le mme taux de croissance quavec un aliment industriel complet (crales/tourteau de soja), avec un cot nergtique divis par deux, du fait de lconomie ralise sur la fabrication et le transport des aliments. De plus, ces systmes peuvent valoriser le porc Crole, bien adapt au climat et la chair particulirement goteuse. En effet, avec une nourriture optimale, son taux de croissance, situ habituellement autour de 150-300 g/j , peutI NRA MAGAZINE N19 DCEMBRE 2011 VII

DOSSIER

atteindre 600 g/j. (2). En conditions exprimentales, 0,5 ha de canne ou de banane peut engraisser 30 porcs. Lintroduction de ruminants permet de valoriser toutes les parties de la canne sucre (y compris bagasse et tte de canne), condition pour la rentabilit de lexploitation. La banane est moins chre que la canne car on utilise des bananes dclasses, qui reprsentent jusqu 15 20% de la production. Lensemble des donnes ac cumules sur ce type dexploitations a permis aux chercheurs de les modliser et de calculer, entre autres, les quilibres optimums entre les surfaces cultives et les effectifs danimaux. Les recherches se poursuivent pour utiliser dautres ressources alimentaires locales, en particulier pour lapport en azote : feuilles de manioc, de patate, etc. Sont tudis, entre autres, les ventuels facteurs antinutritionnels et les traitements biotechnologiques qui pourraient les rduire, rendre ces produits plus ingestibles et digestibles (schage, ensilage, conversion en farine). Pour Harry Archimde, directeur de recherche lURZ, il y a des obstacles surmonter pour que ces innovations soient acceptes par les agriculteurs, par exemple le cot en travail ou la rputation de toxicit de certains vgtaux, comme le manioc. Mais pas seulement... Le progrs est toujours plus rapide sur les critres biotechniques que sur lappropriation de nouvelles pratiques. Il faut aussi considrer les critres

Lagro-cologie luvre en AfriqueHarry Archimde tmoigne la suite dun rcent voyage effectu en Afrique dans le cadre dune collaboration Inra/Cirad. Au Mali et au Burkina Faso, jai pu visiter des exploitations qui illustrent parfaitement le concept dagro-cologie que nous cherchons retrouver dans les pays du Nord et dautres rgions du Sud. Elles sont bases sur des associations entre vgtaux dune part, et entre animaux et vgtaux, dautre part. Par exemple, le pois, culture cycle court qui occupe la strate basse de lespace, est associ des crales, mas, ou sorgho, ou millet, cultures cycle plus long et qui occupent la strate haute. Ainsi, on a une occupation maximale du sol dans lespace et dans le temps. Le pois limite le dveloppement des mauvaises herbes en couvrant le sol et apporte de lazote en tant que lgumineuse. Ses grains sont consomms par lhomme et les fanes par les animaux, qui contribuent eux-mmes la fertilisation organique du sol. Le mas sert de tuteur cert aines varits grimpantes de pois, sans que cela pose problme pour la rcolte, puisquelle est effectue manuellement. Au milieu de ces cultures, on peut en plus trouver des arbres (dont les racines explorent des horizons plus profonds du sol), par exemple pour la production dhuile de karit, dont une partie est exporte. On a donc l un systme extrmement riche, productif et cohrent avec le contexte socio-conomique de ces pays, o la main-duvre nest pas limit ante. Je connaissais une telle diversit dans nos jardins croles de la Carabe, mais l, elle est mise en uvre sur des surfaces de plusieurs hectares, ce qui demande une trs bonne matrise technique. Sans vouloir transfrer partout ces systmes, on peut sinspirer de certains de ses concepts, en particulier pour rintroduire une plus grande diversit et complmentarit des productions. Inversement, si ces systmes afric ains sont amens voluer, il est important de conserver leur cohrence : ce serait une erreur par exemple de les mcaniser la manire des systmes du Nord. Je verrais plutt une mcanisation plus fine, qui imiterait mieux laction humaine, inspire de la robotique

sociologiques. Une dmarche de recherche plus participative pourrait contribuer rduire les dlais .

Les pratiques traditionnelles sont efficientes Les chercheurs ont revisit llevage au piquet, qui concerne encore actuellement 90% des le vages de bovins en Guadeloupe. Maryline Boval, qui a effectu sa thse sur cette pratique traditionnelle, rsume : avec un piquet et une chane, lleveur utilise moindre cot des sur faces rduites et diversifies (en friche, pentues, les arrires de mangrove...) parfois non valorisables autrement. De plus, contrairement aux apparences, le systme est intensif, on peut e n effet conduire des troupeaux de plus de 40 ttes et atteindre des vitesses de croissance leve (700 g/j) ainsi que des niveaux de charge impor tants (4 bovins par ha) . Lleveur conomise les cltures et les intrants et surtout bnficie de la fle xibilit du systme : il peut jouer sur le nombre de dplacements par jour, sur la longueur de la c hane, sur le dlai de retour sur une parcelle pour optimiser la fois son ptur age et sa pr oduction de viande.

Inra Antilles - Guyane

BANANES DCLASSES et destines lalimentation des porcs.

VIII

I NRA MAGAZINE N19 DCEMBRE 2011

La flexibilit, un concept du Sud qui inspire le Nord La flexibilit est lun des matres-mots de llevage au Sud. Car prser ver le potentiel de son t roupeau dans des conditions parfois difficiles savre plus important que maximiser la production. Les leviers sont varis selon les systmes. Au Sahel par e xemple, les leveurs prennent en pension les animaux dune autre famille, ce qui permet de renforcer les liens de solidarit et de minimiser les alas climatiques locaux grce une plus grande dispersion gographique. La gestion de leur troupeau est galement souple, la transhumance par exemple dpend de la disponibilit en herbe. Les bliers et les taureaux sont prsents demeure dans le troupeau, ce qui permet dtaler les mises bas, toujours en prvision de priodes climatiques dfavorables. Les chercheurs de lInra ont galement tudi des le vages en Uruguay et en Argentine, pour lesquels on distingue des leviers de flexibilit externes (pluriactivit, gestion collective) et internes (extensivit, diversification des priodes de mises bas et des produits, larges possibilits dadaptation des itinraires techniques selon le c ontexte). Pour Benoit Dedieu (3) cette notion de flexibilit gagne les levages du Nord, qui ont aussi besoin de marges de manu vre dans

Inra /Elodie George

ARCHTYPE DE BIODIVERSIT VGTALE, les jardins croles qui bordent de nombreuses habitations font office la fois de garde-manger et de pharmacie : ici, igname, malanga, canne sucre. Quelques animaux au piquet (porcs, c hvres) profitent de lombre des arbres et entretiennent la fertilit.

un contexte de plus en plus incertain : volatilit des prix mondiaux, diminution des soutiens lagriculture en Europe et affirmation des risques climatiques .(1) Les deux autres sont : - lunit SELMET Systmes d'levage mditerranens et tropicaux, base Montpellier : unit mixte Cirad/ InraSupAgro de Montpellier qui regroupe une soixantaine de personnes, dispose de plusieurs sites exprimentaux prs de Montpellier ainsi que de terrains en Mditerrane, au Sngal et La Runion.

- le laboratoire de recherche sur le dveloppement de llevage (LDRE) de Corte en Corse, qui tudie les parcours mditerranens et les dispositifs de qualification. (2) Ce taux de croissance reste cependant infrieur celui du porc Large White, moins bien adapt au climat mais prfr dans les systmes intensifs (850 g/j). (3) Directeur de recherche lunit METAFORT Mutations des activits, des espaces et des formes d'organisation dans les territoires ruraux, Inra de Clermont-Ferrand.

TRAITE DES VACHES dans le village peul de W uro Neema (Mali).

I NRA MAGAZINE N19 DCEMBRE 2011

IX

IRD / Olivier Barrire

IRD / Olivier Barrire

3 Sant des levages :

un point critique en rgions chaudes

Les conditions climatiques, environnementales, socio-conomiques et sanitaires des rgions chaudes favorisent le dveloppement dun ensemble de maladies inf ectieuses au sein des levages. Quelles soient uniquement animales, ou tr ansmissibles lhomme (zoonoses), ces maladies reprsentent un risque sanitaire et conomique important tant pour les pays du Sud que pour ceux du Nor d. Depuis les pizooties de grippe aviair e et de fivre catarrhale ovine, les pouvoirs publics questionnent la recherche pour comprendre les mcanismes biologiques et cologiques mis en jeu dans la diffusion des pathognes et mettr e au point des outils de contrle des pizooties plus efficaces, bass sur des rseaux de surv eillance plus performants.

AX

prs trois ans de vac cination systmatique des vingt millions de ttes de son cheptel, le Maroc vient en 2011 de contrler la peste des petits ruminants sur son t erritoire. Cette victoire est par tage par lUMR de lInra-Cirad Contrle des maladies animales exotiques et mergentes (CMAEE) de Montpellier. Laboratoire mondial de rfr ence pour la peste des petits ruminants, lUMR a paul le Maroc dans sa lutt e en lui fournissant ds 2008 des outils de diagnostic rapide, des souches vaccinales et des technologies.

La peste des petits ruminants aux portes de lEurope Maladie trs contagieuse et souvent ltale, elle touche principalement les chvres, les moutons, mais aussi les dromadaires et les espc es sauvages. Dcouverte en 1942 en Cte dIvoire, la peste des petits r uminants sest dveloppe sur une grande partie du territoire africain, atteignant le Moyen-Orient et lAsie du Sud-Ouest. Avec lintensification des changes commerciaux et interrgionaux, le virus est encore en extension et la distribution gographique des lignes virales change. Aux portes de lEurope,

il menace ses levages : lAlgrie et la Tunisie viennent leur tour de dclarer en 2011 des fo yers sur leur territoire. LUMR CMAEE t ravaille aujourdhui sur de nouveaux vaccins et stratgies de contrle contre ce virus : Nous amliorons les vacc ins pour quils soient plus facilement utilisables sur le ter rain et que la rpons e immunitaire quils entranent puisse tre distingue de celle confre par les virus sauvages, explique Renaud Lancelot, pidmiologiste au Cirad. Nous aidons au dveloppe ment des rseaux nationaux et rgionaux de surveillance, et nous dveloppons des

I NRA MAGAZINE N19 DCEMBRE 2011

modles pidmiologiques permettant de tester des st ratgies de cont rle au niveau international. Ces travaux se font en collaboration avec nos partenaires du Sud dont nous contribuons dvelopper les comptences . La fivre catarrhale ovine contenue La fivre catarrhale ovine (FCO), encore appele bluetongue ou maladie de la langue bleue, est une autre de ces menaces. Considre comme une maladie exotique avec une rpartition tropicale jusquen 1998, la FCO a cependant fait son appar ition au Sud de lEurope, o plusieurs sr otypes (1) ont t identifis (1, 2, 4, 9 et 16, sur les 26 srotypes viraux rpertoris dans le monde). Maladie virale transmise par des mouc herons du genre Culicodes, elle touche les ruminants domestiques et sauvages. La FCO atteint la Corse en 2000, et en 2006, un srotype absent du t erritoire europen apparat aux Pays-Bas et en Belgique. La recherche franaise a anticip : elle sest depuis cinq ans attele mieux c onnatre le v irus. Stphan Zientara, directeur de l'UMR Anses/Inra/ENVA Maisons-Alfort, dtaille : cest un v irus que nous avions dj identifi comme une

Le contrle des maladies exotiques et mergentes lInra et au CiradLunit de recherche Inra-Cirad Contrle des maladies exotiques et mer gentes , CMAEE, a t cre en 2008 pour mieux rpondre aux enjeux internationaux en matire de maladies mergentes, sant animale et sant publique vtrinaire. Lunit accompagne les pays du Sud dans la matrise de la sant animale de leurs levages. Son ambition est damliorer la productivit animale (augmentation du revenu des leveurs et de la disponibilit en produits animaux), faciliter les changes internationaux danimaux et les produits animaux, et protger la sant publique en contrlant les maladies zoonotiques. Dominique Martinez, directeur de lunit CMAEE, explique : Le croisement de la culture Inra avec celle du Cirad et la complmentarit de nos approches se sont rvls trs riches. En particulier, le Cirad apporte son ouverture linternational au Sud et son implication dans des rseaux de surveillance tandis que lInra apporte des comptences scientifiques et des capacits technologiques importantes notamment dans les domaines de la gnomique et de la modlisation . Lunit est multisite. Le site principal de Montpellier est complt par deux implantations : lune en Guadeloupe rayonnant sur la rgion Carabe-Guyane, lautre La Runion pour des actions rgionales dans le Sud-Ouest de lOcan Indien en lien avec lAfrique de lEst. Lensemble est complt par des chercheurs positionns dans des centres nationaux de recherche en Afrique, fonctionnant en lien troit avec le reste du dispositif.

menace pour lEurope. Les quipes franaises ont dmarr un programme de recherche sur la FCO en 1995, sur la physiopathologie de la maladie, sur la gnomique du v irus et la biolog ie de son vecteur et sur ltude du comportement hte-pathogne. Elles ont galement modlis mathmat iquement le comportement du vecteur pour crer un outil de dtection de la FCO sensible et efficace . LUMR Anses-Inra-

cole vtrinaire devient un laboratoire de rfrence en FCO partag avec le Cirad. Les mesures de lutte sont prises par la Direction gnrale de lAli mentation : une vaste campagne est lance en 2010 pour vac ciner lensemble du cheptel franais de bovins, ovins et caprins. Aujourdhui la situation semble sous contrle : aucun nouveau cas na t rpertori en France en 2011, et les pa ys transfrontaliers recensent beaucoup moins de foyers. Mais la surveillance est toujours dactualit : de nouveaux srotypes peuvent apparatre dans les rgions ou pays encore infects en Europe et dans le pourtour mditerranen. Un cortge de maladies surveiller Foyers de g rippe aviaire toujours latents en Asie (voir encadr), incursions rgulires du moustique vhiculant la fivre de la valle du Rift en Egypte, invasion du Sud de lEurope par un moucheron vecteur de la fivre catarrhale ovine et de la peste quine, progression de la peste porcine africaine vers les tats balt es Les conditions climatiques des rgions chaudes favorisent le dveloppement dun ensemble de parasites et darthropodes vecteurs de maladies infectieuses et parasitaires. La prsence de ces maladies reprsente pour les pays du Nord un risque constant dint roduction

Tique Amblyomma variegatum, vecteur de la cowdriose.

Cirad / Genevive Libeau

ECOUVILLONNAGE sur le terrain pour un diagnostic rapide de la peste des petits ruminants.

I NRA MAGAZINE N19 DCEMBRE 2011

XI

Cirad / Nathalie Vachiery

DOSSIER

dagents pathognes e t de vecteurs remarque Renaud Lancelot. Quelles soient uniquement animales, ou quelles soient transmises lhomme (zoonoses) ces maladies dorigine exotique prsentent un risque sanitaire et conomique important. Les pouvoirs publics lont compris : microorganismes et pathognes ne connaissent pas de frontires. Malgr les restrictions budgtaires fortes, les maladies mergentes infectieuses - particulirement les maladies vector ielles (2)- sont lune des pr emires priorits du ministre des Affaires trangres, lorsquil intgre le Sud dans ses proccupations analyse Dominique Martinez directeur de lUMR CMAEE. Il observe : Suite lmergence de la fiv re catarrhale ovine et du virus H5N1, les ministres de lAgriculture et de la Sant se sont rapprochs de la r echerche pour t rouver des solutions aux problmes sanitaires. Leffectif de not re unit de r echerche sur la sant animale a doubl de puis 2005 : il faut pou voir rpondre au mieux aux risques causs par ces maladies mergentes et proposer des mthodes de lutte . Car la seule mise au point du vaccin nest pas suffisante : entre la dcouverte du vaccin contre la peste bovine et son radication mondiale en 2011, il sest coul une cinquantaine dannes pendant lesquelles les quipes sur le t errain diagnostiquaient, vaccinaient, surveillaient. Les rseaux de surveillance La surveillance sanitaire est aujourdhui lun des points clefs de la lutte contre les maladies animales mergentes. Le rseau CaribVET cr par le Cirad en 1998 pour sur veiller et contrler les maladies animales dans la rgion Carabe est un modle que les organisations internationales essayent de rpliquer dans daut res rgions du monde. Depuis une trentaine dannes, le rseau Cirad travaille sur le vecteur de la cowdriose, la tique Amblyomma variegatum qui infecte et tue (jusqu 90% de mortalit) les ruminants domestiques sensibles. La cowdriose est rpandue dans la presque totalit des pays dAfrique subsaharienne et est prsente depuis 1928 dans les Carabes do elle me nace le continent amricain. Pour rpondre ce problme sanitaire, la recherche sest intresse aux questions de terrain et a tiss des partenariats en sant animale avec les vtrinaires et les laboratoires de la rgion Carabe. Cela a abouti en 1998 la c ration de Car ibVET

Le petit collecteur de volailles, vecteur de linfection H5N1Ni le coq de combat, ni loiseau migrateur ne sont les principaux responsables de la transmission du virus H5N1 dans les levages thalandais, mais le petit commerant ! Accuss tort de jouer un rle majeur dans la transmission du virus - qui a touc h plus de 1 700 levages thalandais et 25 personnes entre 2004 et 200 5 ces oiseaux sont enfin ddouans grce aux rsult ats dune tude que Mathilde Paul de lInra a ralise en collab oration avec le Cirad, une universit vtrinaire thalandaise et le laboratoire de Gographie de la Sant de Nanterre. Ces organismes se sont lancs en 2007 dans un projet sur les facteurs sociaux et spatiaux associs la diffusion de lInfluenza aviaire en Thalande . Christian Ducrot, directeur de l'unit dpidmiologie animale de lInra dveloppe : Malgr les efforts, lInfluenza H5N1 nest toujours pas radique en Asie du Sud-Est. Nous avons voulu savoir pourquoi. A laide de lpidmiologie et de la gographie, nous avons corrl les anciens foyers Influenza de la Thalande avec des donnes dmographiques et conomiques, et ralis une tude large chelle dans plus de 600 levages de basse-cour (dont un cinquime avait t touch par lInfluenza), ce qui nous a mis sur la piste du commerce de viande de poulet En questionnant les pratiques et les perceptions de lensemble des acteurs de la filire poulet dun district, du march aux basses-cours, nous nous sommes aperus que le vecteur de transmission tait le petit commerant. Maillon clef de la filire, il collecte quotidiennement une quinzaine de poulets en mobylette quil amne labattoir. Pauvre, il lui faut acheter pour vendre tout prix, couler les volailles, mme malades . Alerts, les services vtrinaires de Thalande rflchissent de nouveaux plans de contrle des risques H5N1, en privilgiant les actions pdagogiques vers les diffrents acteurs.

explique Renaud Lancelot. Cette russite dans lpidmio surveillance a t duplique sur le pourtour de locan indien avec Animal Risk, en Mditerrane avec le rseau mditerranen en sant animale R emesa Pour Dominique Martinez, la cration de rseaux rgionaux de surveillance contribue transmettre des alertes rapides que lon connecte la recherche et dont on ex ploite directement les donnes. Les allers-retours entre la recherche et la sur veillance vtrinaire sont de plus en plus encourags et bnfiques pour lensemble de la filire animale Dossier rdig par Ccile Poulain et Pascale Mollier Responsables scientifiques : Jean-Baptiste Coulon et Philippe Lecomte

(1) Serotype : ensemble des caractristiques antigniques de certains micro-organismes permettant de diffrencier des souches appartenant une mme espce. (2) Maladies vectorielles : virus ou bactrie hberg par un vecteur (tiques, moustiques) quil transmet un organisme vivant. La plupart sont des zoonoses, maladies qui peuvent tre transmises de lanimal lhomme.

+dinfosOweb :Rapport de la FAO : World Livestock 2011Livestock in food security, www.fao.org Voir les vidos du Carrefour de linnovation agronomique Antilles, 3-4 novembre 2011 : www.inra.fr/audiovisuel/web_tv/ciag/ciag_ antilles_guyane_2011

Opublications :

Inra Productions animales, numro spcial : Elevage en rgions chaudes, 2011, volume 24, numro 1. Cahiers Agricultures 2010. Transformation des systmes d'levage extensif dans les territoires ruraux. n 19 (2). Cahiers Agricultures 2010. Transformations des systmes dlevage et du travail des leveurs. n19 (5).

XII

I NRA MAGAZINE N19 DCEMBRE 2011

Inra / Mathilde Paul

dcrypte

Larchitecture vgtale Nous avons ainsi pu dmontrer, contrairement aux modles thoriques admis, que lors de lorganogense, ce nest pas la couche extrieure de la cellule qui se dforme et devient plus lastique, mais les couches lintrieur . Cest une cascade de ractions physico-chimiques lintrieur de la paroi des cellules en diffrenciation qui aboutit la croissance diffrentielle des tissus. En observant ce changement de proprits chimiques et mcaniques, Alexis Peaucelle, dtach pour loccasion dans le laboratoire de physique Matires et systmes complexes de luniversit Paris Diderot, a dmontr que cest essentiellement la modification de forme de la pectine qui provoque le changement dlasticit de la paroi. Et ce ramollissement serait un vnement ncessaire et suffisant la cration de nouveaux organes vgtaux. Ce phnomne se vrifie chez des plantes aussi diffrentes que la vigne, le pin ou le Ginkgo Biloba... Alors que dans ce domaine les recherches investissent surtout la biochimie, ltude des phnomnes mcaniques pourrait ouvrir dautres pistes dtudes, tant sur le contrle de la phyllotaxie des plantes que sur le contrle de croissances pathologiques ; certains insectes ravageurs provoquent la surface des feuilles des excroissances dans lesquelles se dveloppent leurs larves. Nous esprons quen comprenant comment fonctionne la rgulation de la formation des organes, notre travail apportera un clairage nouveau sur les capacits de rsistance aux pathognes des plantes conclut Alexis Peaucelle. La nouvelle utilisation de lAFM pour les fruits, par exemple, permettrait de visualiser les mcanismes de maturation lintrieur des parois mais aussi les forces cohsives entre les plantes et leurs ravageurs. Le chercheur et ses partenaires ont pu dmontrer que cette mthode dobservation fonctionne sur les cellules vgtales mais aussi sur des organismes animaux, comme les tentacules en formation des mduses, ou le systme nerveux central des poissons.

Inra / Christophe Matre

Les dcouvertes dAlexis Peaucelle, chercheur de lInra, rendent possible la mesure des caractristiques mcaniques dun tissu vivant en croissance. Cette approche, associant gntique du dveloppement, biochimie et biophysique, permet de dmontrer le rle clef de la mcanique des parois cellulaires dans les processus de croissance et de gnration de nouveaux organes.

I

mpossible prdisent plusieurs physiciens Alexis Peaucelle lorsquil dcide en 2006, dans le cadre de son doctorat, dutiliser lAFM, microscope force atomique, pour observer et mesurer les proprits mcaniques dune paroi dune cellule vgtale en croissance. Et pourtant. De ttonnements en partenariats transdisciplinaires, ce bouillant cratif a russi bouleverser quelques dogmes en phyllotaxie - discipline tudiant la disposition des organes chez les vgtaux - et faire avancer les recherches sur la croissance cellulaire par lutilisation dun nouveau mode dobservation. Ce microscope parcourt la surface des chantillons tudis l'aide d'une pointe effile munie dun ressort trs

souple. Les dplacements de cette pointe dans les trois plans de l'espace permettent de reprsenter aussi bien des structures biologiques complexes que des atomes. En imposant des pressions varies de la pointe sur la surface de lchantillon, lAFM peut estimer les proprits mcaniques de diffrentes zones. En jouant sur les caractristiques techniques de lappareil, Alexis Peaucelle a prouv quil est possible, laide dune certaine combinaison de gomtrie de la pointe, de mesurer llasticit dune surface, mais galement celle dune zone en-dessous. Cette technique novatrice permet de nouvelles observations biophysiques de lintrieur des tissus dans les organes vivants. Cest une premire mondiale !

I NRA MAGAZINE N19 DCEMBRE 2011

Q REPORTAGE25

Q REPORTAGE

Modifications chimiques dun mristme de tige en croissanceLes modifications dlasticit du mristme sexpliquent par des modifications chimiques de la pectine de la paroi visualises sur cette coupe transversale. Cest la premire fois que lon peut corrler les phnomnes physiques et chimiques dune zone en croissance.Echelle : photo de 250 m de ct Microscopie confocale Code couleur : le vert visualise par immunomarquage les pectines dmthyles, dans les parois des cellules des organes en formation. Le rouge colore le cytoplasme des cellules.

Alexis Peaucelle, Sverine Dominichi

Alexis Peaucelle

Mristme floral aprs 6 jours dinhibitionLorsque lon inhibe la mthylestrase, enzyme responsable de la modification des proprits physiques de la pectine, on bloque compltement la formation des organes floraux (spales, ptales, tamines).Echelle : photo de 1 mm de ct Microscopie lectronique balayage Publi dans : Current Biology 18, 1943-1948, December 23, 2008

Leve dinhibitionPhoto dun mristme floral aprs leve dinhibition de la mthylestrase. Des boutons floraux se forment immdiatement, ne respectant plus la forme originale de la plante, sa phyllotaxie.Echelle : photo de 400 m de ct Microscopie lectronique balayage

Ce travail montre limportance inattendue du changement dtat de la pectine dans la formation des organes. Son rle est aussi fondamental que lauxine, hormone jusqu prsent beaucoup plus tudie dans ces phnomnes de cration de nouveaux organes.

+dinfosOrfrence :

Peaucelle A., Braybrook S.


Top Related