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AVERTISSEMENT
Ce document est le fruit d'un long travail approuv par le jury de soutenance et mis disposition de l'ensemble de la communaut universitaire largie. Il est soumis la proprit intellectuelle de l'auteur. Ceci implique une obligation de citation et de rfrencement lors de lutilisation de ce document. D'autre part, toute contrefaon, plagiat, reproduction illicite encourt une poursuite pnale. Contact : [email protected]
LIENS Code de la Proprit Intellectuelle. articles L 122. 4 Code de la Proprit Intellectuelle. articles L 335.2- L 335.10 http://www.cfcopies.com/V2/leg/leg_droi.php http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/protection.htm
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Universit de Lorraine
Facult de Droit, Sciences Economiques et Gestion
Ecole doctorale Sciences Juridiques, Politiques, Economiques et de Gestion
Institut Franois Gny CERCLAB
La sanction de la violation du droit de la
consommation dans les contrats de
consommation
Thse
En vue de lobtention du grade de
Docteur en Droit
(Doctorat nouveau rgime Droit priv)
Prsente et soutenue publiquement le 30 novembre 2012 par
Nathalie DOUCHE-DOYETTE
Jury de soutenance
Monsieur Jean-Michel GASSER,
Matre de Confrences, Habilit Diriger des Recherches lUniversit de Lorraine.
Monsieur Olivier GOUT,
Professeur lUniversit Jean Moulin Lyon 3, (Prsident).
Monsieur Xavier HENRY,
Professeur lUniversit de Lorraine, (Directeur de thse).
Madame Elise POILLOT,
Professeur en Droit civil, Universit du Luxembourg, (Rapporteur).
Madame Natacha SAUPHANOR-BROUILLAUD,
Professeur lUniversit de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, (Rapporteur).
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3
LISTE DU CORPS ENSEIGNANT
de la Facult de Droit,Sciences Economiques & Gestion
Anne Universitaire 2012-2013
DOYEN M. Eric GERMAIN
DOYENS HONORAIRES MM. TALLON, GROSS, JAQUET, CRIQUI,
CACHARD
PROFESSEURS EMERITES M. VITU, Professeur de Droit Pnal
M. CHARPENTIER, Professeur de Droit Public
M. JAQUET, Professeur de Droit Public
M. COUDERT, Professeur d'Histoire du Droit
Mme GAY, Professeur dHistoire du Droit
M. BORELLA, Professeur de Droit Public
Mme MARRAUD, Professeur de Droit Priv
M. GROSS rd, Professeur de Droit Priv
M. DUGAS DE LA BOISSONNY Christian,
Professeur dHistoire du Droit
M. Christian GOSSEREZ, Professeur de Droit
Public
M. GRY Yves, Professeur de Droit Public
PROFESSEURS
M. SEUROT Franois Professeur de Sciences conomiques
M. SEUVIC Jean-Franois Professeur de Droit Priv
M. MOUTON Jean-Denis Professeur de Droit Public
M. JACQUOT Franois Professeur de Droit Priv
M. CRIQUI Etienne Professeur de Science Politique
M. PIERR-CAPS Stphane Professeur de Droit Public
M. GARTNER Fabrice Professeur de Droit Public
M. EBOUE Chicot Professeur de Sciences Economiques
M. MAZIAU Nicolas (dtachement) Professeur de Droit Public
M. DEREU Yves Professeur de Droit Priv
M. BISMANS Francis Professeur de Sciences Economiques
M. ASTAING Antoine Professeur d'Histoire du Droit
M. STASIAK Frdric Professeur de Droit Priv
M. CACHARD Olivier Professeur de Droit Priv
M. LAMBERT Thierry Professeur de Droit Priv
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4
M. HENRY Xavier Professeur de Droit Priv
M. TAFFOREAU Patrick Professeur de Droit Priv
M. PETIT Yves Professeur de Droit Public
M. FOURMENT Franois Professeur de Droit Priv
Mme PEGUERA POCH Marta Professeur dHistoire du Droit
M. LAFFAILLE Franck Professeur de Droit Public
M. FARDET Christophe Professeur de Droit Public
M. VAUTROT-SCHWARZ Charles Professeur de Droit Public
M. FONTAINE Franois Professeur de Sciences Economiques
M. GEA Frdric Professeur de Droit Priv
M. AZOMAHOU Thophile Professeur de Sciences Economiques
Mme DUMAS Christelle Professeur de Sciences Economiques
M. JACQUEMET Nicolas Professeur de Sciences Economiques
M. RENAUDIE Olivier Professeur de Droit Public
MATRE DE CONFERENCES
M. BOURGAUX Claude Matre de Confrences de Droit Priv
M. PELLISSIER Dominique Matre de Confrences de Sciences conomiques
M. GERMAIN Eric Matre de Confrences de Droit Public
M. LUISIN Bernard Matre de Confrences de Droit Public
Mme MANSUY Francine Matre de Confrences de Droit Priv
Mme TILLEMENT Genevive Matre de Confrences de Droit Priv
Mme GANZER Annette Matre de Confrences de Droit Priv
M. OLIVIER Laurent Matre de Confrences de Science Politique
M. DIELLER Bernard Matre de Confrences de Sciences conomiques
M. GUIGOU Jean-Daniel (dtachement) Matre de Confrences de Sciences conomiques
M. GASSER Jean-Michel Matre de Confrences de Droit Priv
M. AIMAR Thierry Matre de Confrences de Sciences Economiques
Mme KUHN Nicole Matre de Confrences de Droit Public
Mme DAVID-BALESTRIERO Vronique Matre de Confrences de Droit Priv
Mme ETIENNOT Pascale Matre de Confrences de Droit Priv
Mlle BARBIER Madeleine Matre de Confrences dHistoire du Droit
M. ANDOLFATTO Dominique Matre de Confrences de Science Politique
Mme DEFFAINS Nathalie Matre de Confrences de Droit Public
Mme SIERPINSKI Batyah Matre de Confrences de Droit Public
M. MOINE Andr Matre de Confrences de Droit Public
Mlle LEBEL Christine Matre de Confrences de Droit Priv
Mlle LE GUELLAFF Florence Matre de Confrences dHistoire du Droit
M. EVRARD Sbastien Matre de Confrences dHistoire du Droit
M. FENOGLIO Philippe Matre de Confrences de Sciences Economiques
Mme BOURREAU DUBOIS Ccile Matre de Confrences de Sciences Economiques
Mlle GARDIN Alexia Matre de Confrences de Droit Priv
M. KLOTGEN Paul Matre de Confrences de Droit Priv
-
5
Mme DERDAELE Elodie Matre de Confrences de Droit Public
M. DAMAS Nicolas Matre de Confrences de Droit Priv
M. GICQUEL Jean-Franois Matre de Confrences d'Histoire du Droit
Mme LELIEVRE Valrie Matre de Confrences de Sciences Economiques
M. PREVOT Jean-Luc Matre de Confrences de Sciences Economiques
Mme CHAUPAIN-GUILLOT Sabine Matre de Confrences de Sciences Economiques
Mlle PIERRE Nathalie Matre de Confrences de Droit Priv
M. PIERRARD Didier Matre de Confrences de Droit Public
Mme HOUIN-BRESSAND Caroline Matre de Confrences de Droit Priv
Mlle BLAIRON Katia Matre de Confrences de Droit Public
M. FEREY Samuel Matre de Confrences de Sciences Economiques
M. MULLER Franois Matre de Confrences de Droit Public
Melle ABALLEA Armelle Matre de Confrences de Droit Public
M. THIERRY Jean-Baptiste Matre de Confrences de Droit Priv
Mlle DUBUY Mlanie Matre de Confrences de Droit Public
Mme NAU Liliane Matre de Confrences de Droit Priv
Mme SACHS Tatiana Matre de Confrences de Droit Priv
Mme BOUGHANMI Afef Matre de Confrences de Sciences Economiques
Mme HELSTROFFER Jenny Matre de Confrences de Sciences Economiques
Mlle MARTI Galle Matre de Confrences de Droit Public
Mme MICHEL-CLUPOT Muriel Matre de Confrences de Gestion
M. RESTOUT Romain Matre de Confrences de Sciences Economiques
M. DAMETTE Olivier Matre de Confrences de Sciences Economiques
M. DURAND Frdric Matre de Confrences de Droit priv
M. LOVAT Bruno PRAG de Mathmatiques
MATRE DE CONFERENCES en langue anglaise
M. ECKERSLEY David
MATRE DE CONFERENCES ASSOCIES
M. FERRY Frdric Matre de Confrences associ de Droit Priv
Mme MOUKHA Stphanie Matre de Confrences associ de Droit Priv
M. GAUDEL Pierre-Jean Matre de Confrences associ de Droit Public
M. GUENOT Jacques Matre de Confrences associ de Droit Priv
M. GREGOIRE Christian Matre de Confrences associ de Sciences
Economiques
M. CHRISTIENNE Jean-Philippe Matre de Confrences associ de Droit Priv
ASSISTANTS PRAG
Mme DIEHL Christel PRAG dAnglais
M. PERRIN Yves PRAG dEconomie et Gestion
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7
Par ces quelques lignes, je dsire exprimer ma reconnaissance et ma profonde
gratitude toutes les personnes qui ont contribues, par leur aide, par leur soutien ou
simplement par leur patience, la ralisation de ce travail.
Je remercie tout particulirement Monsieur Henry, qui ma encourage dans le
choix de raliser une thse, pour ses prcieux conseils et sa grande disponibilit.
Je remercie spcialement mes parents et Pierre, pour tout ce quils mont apport
pendant ces annes.
-
9
La facult nentend donner ni approbation, ni improbation aux opinions mises dans la
thse, celles-ci devant tre considres comme propres leur auteur.
-
11
Sommaire
Sommaire ........................................................................................................................... 11
Liste des abrviations ......................................................................................................... 13
Introduction ........................................................................................................................ 15
Partie 1. Lefficacit de la fonction rparatrice des sanctions dans les contrats de
consommation .................................................................................................................... 53
Titre 1. La rparation de linutilit du contrat de consommation .................................. 55
Chapitre 1. Linefficacit des fondements actuels de la nullit du contrat de
consommation ............................................................................................................ 59
Chapitre 2. La restauration de lefficacit de la fonction rparatrice de la nullit des
contrats de consommation ....................................................................................... 107
Titre 2. La rparation de linjustice du contrat de consommation ............................... 135
Chapitre 1. Les sanctions tendant assurer lquivalence des obligations
essentielles des parties ............................................................................................. 137
Chapitre 2. Les sanctions tendant assurer lquilibre des droits et obligations
accessoires des parties ....................................................................................... 155
Partie 2. Lefficacit de la fonction dissuasive des sanctions dans les contrats de
consommation .................................................................................................................. 233
Titre 1. La dissuasion, fonction principale des sanctions consumristes ..................... 237
Chapitre 1. La peine, sanction naturellement dissuasive ........................................ 239
Chapitre 2. La prpondrance des peines dans les sanctions consumristes ......... 265
Titre 2. Les conditions de lefficacit dissuasive des sanctions consumristes ........... 353
Chapitre 1. Les conditions de lefficacit dissuasive des sanctions pnales ........... 357
Chapitre 2. Les conditions de lefficacit dissuasive des sanctions civiles ............. 397
Conclusion gnrale ......................................................................................................... 447
Annexe : Sanctions pnales en matire de pratiques commerciales interdites ou
rglementes par le Code de la consommation ................................................................ 459
Bibliographie.................................................................................................................... 487
Table des dcisions cites ................................................................................................ 517
Table des matires............................................................................................................ 531
-
13
Liste des abrviations
AJ pnal Actualit juridique Pnal
ANRT Atelier national de reproduction des thses
APD Archives de philosophie du droit
Ass. pln. Assemble plnire de la Cour de cassation
Bdp Bibliothque de droit priv
Bsc Bibliothque de sciences criminelles
Bull. civ. Bulletin des arrts de la Cour de cassation (chambres civiles)
Bull. crim. Bulletin des arrts de la Cour de cassation (chambre criminelle)
Cah. Cons. const. Cahiers du Conseil constitutionnel
Cah. dr. entr. Cahiers de droit de lentreprise
CCA Commission des clauses abusives
CCC Contrats concurrence et consommation
Chron. Chronique
Civ. Chambres civiles de la Cour de cassation
CJCE Cour de justice des communauts europennes
CJUE Cour de justice de lUnion europenne
Com. Chambre commerciale de la Cour de cassation
Concl. Conclusions
Cons. conc. Conseil de la concurrence
Cons. const. Conseil constitutionnel
Conv. EDH Convention europenne de sauvegarde des droits de lHomme
CEDH Cour europenne des droits de lHomme
Crim. Chambre criminelle de la Cour de cassation
D. Recueil dalloz sirey
D. aff. Dalloz affaire
Defrnois Rpertoire du notariat Defrnois
Dir. Sous la direction de
Doctr. Doctrine
Dr. pn. Droit pnal
ENM Ecole nationale de la magistrature
Et al. Et autres
GAJ civ. Grand arrts jurisprudence civile
Gaz. Pal. Gazette du Palais
J.-Cl. Juris-Classeur (Encyclopdies)
JCP E Juris-Classeur priodique Edition entreprise et affaires
JCP G Juris-Classeur priodique Edition gnrale
JCP N Juris-Classeur priodique Edition notariale et immobilire
LGDJ Librairie gnrale de droit et de jurisprudence
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14
LPA Les petites affiches
Ch. mixte Chambre mixte de la Cour de cassation
Nbt Nouvelle bibliothque des thses
no(s)
Numro(s)
p. Page(s)
PUAM Presse universitaire dAix-Marseille
PUF Presse universitaire de France
PUN Presse universitaire de Nancy
Rapp. ann. C. comptes Rapport annuel de la Cour des comptes
RCA Responsabilit civile et assurance
RD bancaire et fin. Revue de droit bancaire et financier
RDC Revue des contrats
RDI Revue de droit immobilier
Recomm. Recommandation
RED consom. Revue europenne de droit de la consommation
Rp. civ. Dalloz Rpertoire de droit civil Dalloz
Rp. pn. Dalloz Rpertoire de droit pnal et de procdure pnale Dalloz
Rev. crim. et pol. tech. Revue internationale de la criminologie et de la police technique
Rev. Lamy dr. aff. Revue Lamy droit des affaires
Rev. Lamy dr. Conc. Revue Lamy droit de la concurrence
RGDA Revue gnrale de droit des assurances
RRJ Revue de la recherche juridique et de droit prospectif
RSC Revue de science criminelle et de droit compar
RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil
RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial
s. suivant(es)
t. Tome
Trad. Traduction
v. Voir
V Verbo
Vol. Volume
-
15
Introduction
1. La seconde moiti du XXme sicle a t marque par lavnement de la socit de
consommation1 et, corrlativement, par lapparition dun droit nouveau dont lobjectif est
de protger les consommateurs : le droit de la consommation. Comme la plupart des
droits nouveaux, il se caractrise par la finalit commune que poursuivent les normes qui
le composent, et non par leur nature, civile, pnale, procdurale ou administrative2. En
consquence, si les contours du droit de la consommation sont mal dfinis, tant au regard
des normes qui le composent, quau regard de son champ dapplication3, la finalit
spcifique quil poursuit permet den laborer une dfinition. Le droit de la
consommation est compos de lensemble des normes dont la fonction est de protger les
consommateurs lorsquils se procurent des biens ou des services auprs des
professionnels. Il sintresse principalement aux rapports quentretiennent les
consommateurs et les professionnels. Ces rapports sont gnralement de nature
contractuelle. Cependant, la thorie gnrale des contrats est rapidement apparue
insuffisante pour lever les difficults engendres par ces rapports de consommation. De
nombreuses dispositions, qui forment le droit de la consommation, ont alors t adoptes
pour pallier les carences du droit commun et assurer une protection accrue du
1 Lexpression sest installe aux alentours de 1970, avec plusieurs ouvrages qui emploient lexpression
dans leur titre : J. BAUDRILLARD, La socit de consommation : ses mythes, ses structures. Paris :
Gallimard, 1970 ; G. KATONA, La socit de consommation de masse. Paris : Hommes et techniques, 1966,
trad. de langlais par M. Prineau ; R. RAYMOND, Eloge de la socit de consommation. Paris : Calmann
Lvy, 1969 ; J. SAINT-GEOURS, La socit de consommation : Peut-on la rejeter ? Paris : Hachette, 1971.
Sur la socit de consommation, v. galement : X. de la VEGA (dir.), Consommer. Comment la
consommation a envahi nos vies. Sciences humaines, Grands dossiers, n 22, 2011. 2 J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation. 8
me d., Paris : Dalloz, 2010, n 18.
3 Sur le champ dapplication du droit de la consommation v. infra n
os 20 et s.
-
La sanction de la violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation
16
consommateur lorsquil contracte avec un professionnel. Le droit de la consommation a
fait merger un contrat nouveau : le contrat de consommation .
2. Lclosion du droit de la consommation a engendr de nombreuses tudes. Ces
dernires annes, les traits et manuels relatifs la matire se multiplient4. Par ailleurs, de
nombreuses thses lui sont dj consacres. Certaines dentre elles abordent un aspect
particulier de la protection consumriste5. Dautres, plus transversales, ont pour objet
dtude le droit de la consommation, dans sa forme nationale ou europenne, et
envisagent linfluence de son apparition sur lenvironnement juridique existant ou
venir6. Mais, ce jour, aucune tude na t mene sur les sanctions de la violation de ce
droit7. Pourtant, outre son originalit, les intrts dune tude de la sanction de la
violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation sont nombreux.
Avant dentrer dans le dtail de cette recherche, il semble ncessaire de prciser les
caractristiques du droit de la consommation (I) et dindiquer les orientations suivies
pour mener bien ltude de la sanction de la violation dans les contrats de
consommation (II).
4 Les ouvrages sont cits par ordre chronologique de la premire dition, date qui est indique, le cas
chant, entre parenthses. J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation. 8me
d., Paris :
Dalloz, 2010, (1980) ; J. BEAUCHARD, Droit de la distribution et de la consommation. Paris : PUF, 1996 ;
Y. PICOD et H. DAVO, Droit de la consommation. 2me
d., Paris : Sirey : Dalloz, 2010, (2005) ; S.
PIEDELIEVRE, Droit de la consommation. Paris : Economica, 2008 ; G. RAYMOND, Droit de la
consommation. 2me
d., Paris : Litec : LexisNexis, 2011, (2008) ; C. NOBLOT, Droit de la consommation.
Paris : Montchrestien, 2012. 5 V. notamment : E. BAZIN, Le consentement du consommateur. Thse, Universit de Reims Champagne-
Ardenne, 2000 ; H. BRICKS, Les clauses abusives. Paris : LGDJ, 1982 ; N. CHARDIN, Le contrat de
consommation de crdit et lautonomie de la volont. Paris : LGDJ, 1988 ; A. KARIMI, Les clauses abusives
et la thorie de labus de droit. Paris : LGDJ, 2001 ; G. ROUSSET, Linfluence du droit de la consommation
sur le droit de la sant, Bordeaux : Les tudes hospitalires, 2009. 6 V. notamment : F. BERENGER, Le droit commun des contrats lpreuve du droit spcial de la
consommation : renouvellement ou substitution ? Aix-en-Provence : PUAM, 2007 ; E. POILLOT, Droit
europen de la consommation et uniformisation du droit des contrats. Paris : LGDJ, 2006 ; D. POMBIEILH,
Lincidence du contrat de consommation sur lvolution du droit des contrats. Thse, Pau, 2002 ; N.
RZEPECKI, Droit de la consommation et thorie gnrale du contrat. Aix en Provence : PUAM, 2002 ; N.
SAUPHANOR, Linfluence du droit de la consommation sur le systme juridique. Paris : LGDJ, 2000. 7 Il faut toutefois cit larticle de Monsieur Calais-Auloy, qui dcrit succinctement la diversit des sanctions
du droit de la consommation : J. CALAIS-AULOY, Les sanctions en droit de la consommation , in Les
droits et le droit : Mlanges ddis Bernard Bouloc, Paris : Dalloz, 2006, p. 75. Il conclut cet article par le
constat suivant : Aucune rflexion densemble na jamais t mene sur la finalit, la nature et la
gradation des sanctions applicables en droit de la consommation. Une mise en cohrence rendrait le droit de
la consommation plus intelligible, et permettrait sans doute quil soit mieux appliqu .
-
Introduction
17
I. Les caractristiques du droit de la consommation
3. Si lide de protger lacheteur contre les ventuelles tromperies du vendeur nest
pas nouvelle8, lexistence dun droit de la consommation, spcialement tourn vers la
protection des consommateurs, est rcente. Le mouvement consumriste, dnonant les
dangers de la consommation de masse pour les consommateurs, est dabord apparu aux
Etats-Unis, dans les annes 1960. En Europe, et particulirement en France, les premires
lois dinspiration consumriste ont vu le jour au cours des annes 1970. Ainsi, la loi
n 72-1137 du 22 dcembre 1972 relative la protection des consommateurs en matire
de dmarchage et de vente domicile, la loi n 73-1193 du 27 dcembre 1973
dorientation du commerce et de lartisanat, encore appele loi Royer, qui prohibe la
publicit trompeuse et qui cre laction en justice des associations de consommateurs
pour la dfense de leur intrt collectif, la loi n 78-22 du 10 janvier 1978 relative
linformation et la protection des consommateurs dans le domaine de certaines
oprations de crdit, la loi n 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l'information
des consommateurs de produits et de services et la loi n 79-596 du 13 juillet 1979
relative l'information et la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier
sont autant davances marquantes de cette dcennie pour la protection des
consommateurs9. Ainsi, ds lorigine, la protection lgale du consommateur est organise
sectoriellement, au gr des ncessits du moment, sans rechercher la systmatiser par
ladoption dun droit cohrent et autonome. Les problmes poss par cette mthode
lgislative sont trs vite apparus et la volont dlaborer un Code de la consommation, qui
oprerait une refonte des dispositions protectrices des consommateurs, afin dtablir un
vritable droit de la consommation, a t formule au dbut des annes 1980. Une
Commission de refonte de la consommation ft spcialement cre cette fin, et elle
formula deux propositions successives10
. Elle proposait de refondre les lois existantes
pour laborer, partir de la lgislation existante, des rgles nouvelles guides par des
8 J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation. 8
me d., Paris : Dalloz, 2010, n 1 ; G.
RAYMOND, Droit de la consommation. 2me
d., Paris : Litec : LexisNexis, 2011, nos
6 et 7. 9 Ladoption de lgislations ou de rglementations destines protger les intrts des consommateurs sest
poursuivie, et se poursuit encore. Pour un rappel des lois et dcrets intervenus en la matire jusqu 2010 v.
J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, op. cit., n 36. 10
J. CALAIS-AULOY (dir.), Propositions pour un nouveau droit de la consommation. Paris : La
documentation franaise, 1985 ; Propositions pour un Code de la consommation. Paris : La documentation
franaise, 1990
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=BEEF10B3F7EE6374A92152C3EF76BA42.tpdjo08v_3?cidTexte=JORFTEXT000000684045&dateTexte=20120819http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=BEEF10B3F7EE6374A92152C3EF76BA42.tpdjo08v_3?cidTexte=JORFTEXT000000684045&dateTexte=20120819http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=BEEF10B3F7EE6374A92152C3EF76BA42.tpdjo08v_3?cidTexte=JORFTEXT000000684045&dateTexte=20120819
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La sanction de la violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation
18
principes directeurs et qui constitueraient un Code de la consommation. Mais pour des
raisons politiques, le choix sest port sur une codification droit constant qui se contente
de compiler les textes dj en vigueur, en les insrant dans un plan, sans en modifier la
substance11
. Le Code de la consommation a finalement t adopt par la loi n 93-949 du
26 juillet 1993 relative au code de la consommation et par le dcret n 97-298 du 27 mars
1997 relatif au code de la consommation12
. Si ladoption du Code de la consommation
nopre par la refonte espre13
, elle amliore fortement laccessibilit et la lisibilit de ce
droit. Symboliquement, ladoption dun Code de la consommation consacre lexistence
du droit de la consommation. Ainsi, Monsieur Calais-Auloy affirme, propos du Code de
la consommation : Un Code, un Droit 14
.
4. Ltude de la sanction de la violation du droit de la consommation dans les
contrats de consommation prsuppose didentifier le droit de la consommation qui lui est
spcialement applicable et den dgager les particularits. La principale caractristique de
ce droit, ce qui en fait sa spcificit, est dtre un droit fonctionnel, fond sur la
ncessaire protection des consommateurs (A). Mais il prsente dautres particularits.
Ainsi, le droit de la consommation est un droit sous influence communautaire (B) et un
droit enchan la notion de contrat 15
(C).
A. Un droit fonctionnel, fond sur la ncessaire protection des consommateurs
5. Les tudes consacres au droit de la consommation sont unanimes : en droit
franais, le rattachement dune norme au droit de la consommation se fait en
11
J. CALAIS-AULOY H. TEMPLE, op. cit., n 18. 12
Sur le Code de la consommation, v. notamment : J. BEAUCHARD, Les principes europens du droit des
contrats et le droit de la consommation , in Etudes de droit de la consommation : Liber amicorum Jean
Calais-Auloy, Paris : Dalloz, 2004, p. 55 ; J. CALAIS-AULOY, Un Code, un Droit , in Aprs le Code de la
consommation, grands problmes choisis. Paris : Litec, 1995 ; A. GUINERET BROBBELDORSMAN, Un
exemple de codification droit constant : le code de la consommation peu protecteur pour le consommateur
surendett , LPA, 5 juillet 2007, n 134, p. 50 ; Y. PICOD, Rflexions sur la refonte du Code de la consommation , CCC, 2008, Etude n 12. 13
J. BEAUCHARD, art. prc., n 40 : uvre de compilation et corps de rgles ordonnes, ce Code
nclaircit en rien et ne lve en rien les ambiguts et le manque de cohrence du droit de la consommation
antrieur, fait de lois particulires parses, confectionnes sans plan densemble et sans unit de rdaction
ou dinspiration . 14
J. CALAIS-AULOY, Un Code, un Droit , in Aprs le Code de la consommation, grands problmes
choisis. Paris : Litec, 1995. 15
J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, op. cit., n 8.
-
Introduction
19
considration de la finalit pour laquelle elle a t adopte16
. Lunit des rgles qui le
composent rside dans leur fonction protectrice des intrts des consommateurs. En ce
sens, il a t constat que si lon peut regrouper sous la rubrique "droit de la
consommation" bien des rgles et des institutions, cest uniquement raison de leur
finalit commune, la protection du consommateur 17
, que le droit de la consommation
est anim par une ide commune : la ncessit de protger les consommateurs contre la
puissance de leurs partenaires conomiques 18
; ou encore quil est lensemble des
dispositions dorigine lgislative, rglementaire, ou jurisprudentielle qui organise le statut
du consommateur en tant que tel dans le but principal de protger les intrts de chaque
consommateur 19
.
6. Cette dfinition fonctionnelle du droit de la consommation prsuppose que le
consommateur ait besoin dtre protg lorsquil se procure un bien ou un service auprs
dun professionnel. Ce besoin de protection a souvent t justifi par la faiblesse du
consommateur, dcoulant dun dsquilibre dans les connaissances conomiques,
techniques, juridiques ou informationnelles des parties. Ainsi, le droit de la
consommation serait essentiellement un droit de la partie faible, les consommateurs qui
subissent la domination de la partie forte, les professionnels 20
. Ce serait donc la
faiblesse, voire lincapacit21
, du consommateur qui justifierait cette protection. Cette
analyse contient une part de vrit. La technicit accrue des produits, la complexit de
certaines oprations contractuelles, lobscurit des termes employs empchent les
consommateurs de choisir les contrats les mieux adapts leurs besoins. Mais cette
prsentation, axe principalement sur la faiblesse et lincomptence du consommateur
confront un professionnel fort et comptent, est excessive voire caricaturale. La
faiblesse et lincomptence nexpliquent pas tout. Dans bien des circonstances, les
consommateurs se trouvent dans lincapacit de protger leurs intrts, quel que soit leur
16
E. POILLOT, op. cit., n 16 17
M. BORYSEWICZ, Les rgles protectrices du consommateur et le droit commun des contrats : Rflexions
propos de la loi n 78-13 du 10 janvier 1978 sur la protection et linformation des consommateurs de
produits et de services , in Etudes offertes Pierre Kayser, Aix-en-Provence : PUAM, 1979, p. 93. 18
J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation. 8me
d., Paris : Dalloz, 2010, n 18. 19
Ph. MALINVAUD, La protection des consommateurs , D., 1981, chron., p. 50. 20
S. PIEDELIEVRE, Droit de la consommation. Paris : Economica, 2008, n 1. Lauteur ajoute toutefois que
cette approche du droit de la consommation est sans doute rductrice . 21
Ainsi, la formule de Carbonnier, Le consommateur est un majeur que son contrat replace en tat de
minorit (Les obligations. 20me
d., Paris : PUF, 1996, n 3.) est encore invoque pour justifier
lexistence dun droit de la consommation.
-
La sanction de la violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation
20
niveau de comptence, tant juridique que technique, et quelles que soient leurs ressources
financires. En effet, comment ngocier les conditions dun contrat avec un ordinateur,
une caisse automatique ou mme avec lemploy dun grand magasin qui propose un
contrat de crdit la consommation fourni par une entreprise de crdit ?
7. Cet exemple fait ressortir la principale cause qui justifie la protection du
consommateur : limpossible ngociation des contrats de consommation. Labsence de
ngociation, qui caractrise la plupart des contrats de consommation, ne trouve pas sa
source dans lincomptence, voire lincapacit, suppose du consommateur, mais dans les
caractristiques de lopration de consommation elle-mme. Le rle assign la volont
ne peut plus tre celui qui tait envisag au moment de ladoption du Code civil. A cette
poque, il tait admis que lexercice dune volont libre et claire permettait, chaque
contractant, de sauvegarder au mieux ses intrts et de conclure des contrats quilibrs.
Mais aujourdhui, cette impossibilit matrielle de ngocier est structurelle. Elle dcoule
de la transformation de la socit qui a eu lieu depuis deux sicles. Ainsi, comme le
remarque Monsieur Baillod, le passage de la socit rurale, lente, mesure, la socit
"de consommation", ayant pour moteur la sollicitation agressive des consommateurs, ne
sest pas fait sans dommage pour la qualit du consentement : celui-ci nest plus ce quil
tait 22
.
8. Un rappel, dans les grandes lignes, des facteurs qui ont contribus lapparition
de la socit de consommation, permet de mieux comprendre le besoin dencadrer
spcifiquement les contrats de consommation par une lgislation protectrice des intrts
des consommateurs. Ainsi, lmergence de la socit de consommation a t favorise par
les progrs industriels et technologiques constants depuis le milieu du XIXme
sicle. Les
rvolutions industrielles de la deuxime moiti du XIXme
sicle ont permis un
bouleversement des mthodes de production. Au dbut du XXme
sicle, Taylor prne
alors lorganisation scientifique du travail par la dcomposition du processus de
production et la spcialisation des tches. Ford approfondit cette ide. Il cre le travail
la chane, augmente le volume de production pour amliorer la productivit et atteindre
une production de masse, et, dans le mme temps, il augmente les salaires pour crer des
dbouchs ses produits. Paralllement, la ncessit de trouver des dbouchs pour des
22
R. BAILLOD, Le droit de repentir , RTD civ., 1984, p. 228, n 1.
-
Introduction
21
biens produits en masse a entrain une mutation profonde des mthodes de distributions
des produits et des mthodes de sduction des consommateurs. Les grands magasins font
leur apparition23
, suivis des supermarchs et des centres commerciaux. Puis, avec le
dveloppement des moyens de communication, ce sont les ventes distances qui
saccroissent. Pour soutenir la consommation, le crdit la consommation est encourag.
Suivant lide dveloppe par certains conomistes que ce sont les entreprises qui
imposent les produits aux consommateurs, et non linverse 24
, les entreprises
dveloppent linnovation et investissent fortement dans le marketing, aides dans cette
voie par le dveloppement des mdias et lapparition de nouveaux moyens de
communication, dans lobjectif de crer un besoin nouveau chez les consommateurs. Ces
transformations, tant conomiques que sociales, ont notamment conduit la
standardisation des produits proposs aux consommateurs, la standardisation des
contrats et la dpersonnalisation des rapports contractuels entre consommateurs et
professionnels. Ces facteurs expliquent limpossibilit matrielle dans laquelle se trouve
le consommateur pour ngocier le contenu du contrat de consommation. En dfinitive, la
possibilit pour les professionnels dimposer des contrats dsquilibrs sexplique
davantage par les conditions dans lesquelles se droulent lopration de consommation,
que par la faiblesse ou lincomptence du consommateur.
9. En fonction de lexplication donne au besoin de protection des consommateurs,
le choix des moyens permettant de raliser lquilibre des contrats de consommation
varie. Sil est admis que le besoin de protection dcoule du dsquilibre de comptence
entre consommateur et professionnel et donc de la mauvaise qualit du consentement du
consommateur, la protection du consommateur peut alors tre ralise par ladoption de
mesures permettant de garantir la qualit de son consentement. Il retrouverait alors la
facult de veiller seul ses intrts lorsquil contracte et il pourrait refuser de contracter
des contrats dsquilibrs son dtriment. De nombreuses dispositions consumristes,
influant sur les contrats de consommation, se fondent sur lide de renforcer la ralit et
lintgrit du consentement du consommateur. Ainsi, le droit de la consommation repose
massivement sur lobligation faite aux professionnels dinformer les consommateurs sur
23
Lapparition des grands magasins Paris est illustre par le roman de ZOLA, Au Bonheur des Dames. 24
J. K. GALBRAITH, Le Nouvel Etat industriel : Essai sur le systme conomique amricain. Paris :
Gallimard, 1967.
-
La sanction de la violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation
22
les produits et les conditions des contrats quils leur proposent. De mme, les facults de
rtractation qui leur sont parfois accordes leur permettent de se dlier sans difficults des
contrats dont ils nont pas pu apprcier toute la porte au moment de sa conclusion.
Mme si ces rgles sont parfois drogatoires celles dcoulant de la thorie gnrale du
contrat, elles reposent sur une conception subjective du contrat, qui est celle de la thorie
classique du contrat, et par l mme, elles sinscrivent dans le prolongement de la thorie
de lautonomie de la volont25
. Lamlioration de la comptence du consommateur et de
la qualit de son consentement est utile pour lui permettre de djouer les techniques de
sduction toujours plus pousses employes par les professionnels, de choisir les biens
qui rpondent ses attentes et de refuser les contrats dont le dsquilibre est criant. Mais
cette orientation est insuffisante parce quelle ne restaure pas leur facult de ngocier le
contenu du contrat26
, aussi bien sur les caractristiques du produit quils se procurent
lorsquil est fabriqu en srie, que sur les conditions accessoires du contrat lorsquelles
sont prrdiges et proposes par le professionnel.
10. En revanche, si le besoin de protection des consommateurs sexplique par des
lments extrieurs aux consommateurs et structurels lopration de consommation,
alors la raction du droit de la consommation doit, en outre, sorganiser autour de moyens
dont le fondement ne repose pas sur laltration du consentement du consommateur. Ils
doivent prvenir et corriger les dsquilibres du contrat de consommation, imposs par
les professionnels, en raison de leur emprise sur la dtermination du contenu du contrat, et
au moyen de lutilisation de pratiques parfois dloyales destines favoriser la conclusion
des contrats. Cette approche sinscrit alors dans le mouvement plus large de
renouvellement des fondements du contrat. La thorie classique du contrat, issue des
dispositions du Code civil adoptes en 1804, a son origine dans les ides de la philosophie
individualiste du XVIIIme
sicle et du libralisme conomique, rsumes par la clbre
formule de Fouille Qui dit contractuel, dit juste . Dune part, lindividu, libre, ne peut
tre soumis qu des obligations auxquelles il a accept de se soumettre. Dautre part, la
25
J.-P., PIZZIO, art. prc., n 8 : Le droit de la consommation sinscrit en fait dans la continuit du droit
civil, dans la mesure o il participe, dune part la restauration du principe de lautonomie de la volont en
restituant au consommateur son libre arbitre mme sil utilise pour y parvenir des procds exorbitants du
droit commun, dautre part la restauration de lquilibre contractuel par llimination des clauses
abusives . 26
Ph. MALINVAUD, art. prc., p. 49.
-
Introduction
23
confrontation de deux liberts antagonistes, qui veillent chacune la prservation de leurs
intrts, devrait ncessairement aboutir lquilibre du contrat. La volont de lindividu
est alors rige en fondement du contrat. Le contrat est peru comme un acte
minemment subjectif dont la force obligatoire dcoule de la seule volont des parties et
dont le contenu ne peut tre fix que par les parties, ce qui limite lintervention du
lgislateur dans la dtermination du contenu du contrat aux seules hypothses o lintrt
gnral est en cause, et qui exclut toute intervention du juge. Pour expliquer les solutions
du Code civil fondes sur la volont des parties, les auteurs de la fin du XIXme
sicle ont
alors formul la thorie de lautonomie de la volont qui lve la volont en vritable
dogme27
.
11. Mais lide que la thorie de lautonomie de la volont puisse rellement fonder la
force obligatoire du contrat a t remise en cause. Dabord, cette thorie, si elle rvle la
conception subjective du contrat qui prdominait alors, ne reflte pas compltement la
ralit des solutions du Code civil. Elle a t formule, la fin du XIXme
sicle, pour
rvler les insuffisances de la thorie classique du droit des contrats. Pour appuyer leur
dmonstration, les auteurs ont amplifi le rle de la volont dans lexplication des
solutions du Code civil, quitte en aplanir les nuances ou les contradictions28
. En ralit,
le Code civil na jamais consacr la toute-puissance de la volont des parties un
contrat29
. Ensuite, les postulats sur lesquelles elle repose, et notamment la possibilit pour
chacun dexercer une volont libre de toute contrainte, ont t remis en cause, en relevant
justement que lautonomie de la volont ne peut conduire des contrats justes que si les
parties disposent des mmes armes pour ngocier le contenu du contrat. Or, depuis
ladoption du Code civil, les situations dans lesquelles une des parties est en mesure
dimposer ces conditions en raison des contraintes qui psent sur lautre partie nont eu de
cesse de se multiplier. Plusieurs fondements, venant complter, voire remplacer, la
volont des parties, ont t formuls pour expliquer la force obligatoire des contrats :
conception positive du contrat, solidarisme contractuel, conciliation par le droit objectif
27
V. notamment GOUNOT, Le principe de lautonomie de la volont en droit priv : contribution ltude
critique de lindividualisme juridique. Paris : A. Rousseau, 1912. 28
J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, Les obligations : 1, Lacte juridique. 14me
d., Paris : Sirey :
Dalloz, 2010, nos
104 et s. 29
M. BORYSWICZ, art. prc., p. 93.
-
La sanction de la violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation
24
de lutile et du juste30
. Au-del des diffrences profondes qui existent parfois entre les
fondements proposs, une constante se dgage : le contrat nest plus apprhend comme
un pur produit de la volont, il prend une coloration plus objective. Ainsi, des
considrations extrieures la volont des parties doivent tre prises en compte pour
dterminer le contenu des contrats, quelles tiennent au solidarisme social ou aux
impratifs dutilit sociale et de justice contractuelle. Cette transformation du droit des
contrats 31
nest pas spcifique aux contrats de consommation. Toutefois, de nombreuses
dispositions consumristes applicables aux contrats de consommation se rattachent une
conception objective du contrat en ce quelles sont guides par des considrations
extrieures la volont des parties telles que la dtermination du contenu des contrats de
consommation par des dispositions impratives, linterprtation du contrat en faveur du
consommateur ou lradication des clauses abusives quelle que soit laltration du
consentement du consommateur.
12. Ltude de la sanction des dispositions consumristes applicables aux contrats de
consommation conforte lide selon laquelle lincomptence du consommateur nest pas
la principale cause du dsquilibre des contrats de consommation. En effet, elle renverse
la perspective. Plutt que de sintresser au besoin de protection, elle impose dexaminer
le comportement du professionnel, qui conditionne lapplication des sanctions. Il apparat
alors, que les dsquilibres ne sont pas seulement inhrents la faiblesse du
consommateur, ou mme, aux caractristiques de lopration de consommation. Ils ont
leur origine dans les abus, la mauvaise foi ou labsence de loyaut des comportements de
certains professionnels qui tirent parti de lincomptence des consommateurs, et surtout,
de limpossibilit matrielle dans laquelle ces derniers se trouvent, pour imposer la
conclusion dun contrat non dsir ou pour proposer des contrats significativement
dsquilibrs. A y regarder de plus prs, les obligations spcialement imposes aux
30
Pour une prsentation gnrale de ces diffrentes thories v. J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, op.
cit., nos
118 120 ; J. GHESTIN , Trait de droit civil : La formation du contrat. 3me
d., Paris : LGDJ, 1993,
nos
182 et s. Plus prcisment sur le fondement positiviste du contrat : H. KELSEN, La thorie juridique de
la convention , APD, 1940, p. 33 ; G. ROUHETTE, Droit de la consommation et thorie du contrat , in
Etudes offertes Ren Rodire, Paris : Dalloz, 1981, p. 247 ; sur le solidarisme contractuel v. notamment
louvrage collectif : L. GRYNBAUM et M. NICOD (dir.), Le solidarisme contractuel. Paris : Economica,
2004 ; et sur le fondement du contrat sur la conciliation par le droit objectif de lutile et du juste : J.
GHESTIN, op. cit., 3me
d., Paris : LGDJ, 1993, nos
223 282. 31
C. THIBIERGE-GUELFUCCI, Libres propos sur la transformation du droit des contrats , RTD civ., 1997,
p. 357.
-
Introduction
25
professionnels par les dispositions consumristes pourraient se fonder sur les principes de
bonne foi ou de loyaut contractuelle32
. Les termes employs par les dispositions
consumristes sont rvlateurs. Par exemple, linterdiction des pratiques commerciales
dloyales33
, la prohibition des fraudes33
et des falsifications33
, linterdiction des clauses
abusives33
, traduisent cette ide. Ce changement de perspectives permet denvisager le
droit de la consommation comme un lment dun droit civil professionnel qui tend
moraliser leurs comportements lorsquils contractent avec des particuliers34
. Cette
moralisation des comportements des professionnels est dautant plus importante que la
violation du droit de la consommation, compte tenu de la standardisation des contrats de
consommation, est rpte de nombreuses fois35
. En ce sens, Monsieur Raymond relve
justement que bien dautres branches du droit comportent des mesures de protection et
il ne viendrait lide personne de dire que les victimes dagissements illicites, dfinis
dans ces diffrentes branches du droit, seraient des incapables 36
. Il apparait alors que le
consommateur na pas seulement besoin dtre protg de son incomptence, il doit tre
protg de la mauvaise foi de certains professionnels. Cette justification de lencadrement
des rapports de consommation explique pourquoi le droit de la consommation est
galement prsent comme un lment permettant de favoriser le libre exercice de la
concurrence en assainissant les pratiques des professionnels. Les vertus du droit de la
consommation sur la concurrence expliquent lintervention croissante du droit
communautaire en la matire et son influence grandissante sur les dispositions nationales.
B. Un droit sous influence communautaire
13. Les consommateurs occupent une place essentielle dans le fonctionnement du
march, qui peut tre dfini comme le lieu de la confrontation dune offre et dune
demande qui permet la fixation dun prix 37
. Leurs dcisions individuelles composent la
32
J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, op. cit. 33
Souligns par nous. 34
D. FERRIER, Le droit de la consommation, lment dun droit civil professionnel , in Etudes de droit
de la consommation : Liber amicorum Jean Calais-Auloy, Paris : Dalloz, 2004, p. 373. 35
J. CALAIS-AULOY, Linfluence du droit de la consommation sur le droit des contrats , RTD civ., 1994,
p. 140 : La consommation est un phnomne de masse : les intrts lss, petits si on les examine un un,
sont considrables si on les prend globalement . 36
G. RAYMOND, op. cit., n 39. 37
G. CANIVET et C. CHAMPALAUNE, Le comportement du consommateur dans la dfinition du march ,
in Etudes de droit de la consommation : Liber amicorum Jean Calais-Auloy, Paris : Dalloz, 2004, p. 227.
-
La sanction de la violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation
26
demande. La protection de leur consentement apparait alors comme un lment
permettant de favoriser le jeu de la libre concurrence entre les entreprises38
. LUnion
europenne, dont lobjectif principal est la ralisation dun march unique concurrentiel,
ne pouvait rester longtemps indiffrente la protection des intrts des consommateurs
qui se dveloppait dans plusieurs lgislations de ses Etats membres. Ds 1975, le Conseil
des ministres de la Communaut conomique europenne a adopt un programme
daction prliminaire pour la protection et linformation des consommateurs. Depuis,
linfluence du droit communautaire39
dans la politique de protection des consommateurs
et dans ladoption de dispositions spcialement consumristes na cess de croitre40
, tel
point que lexistence dun droit communautaire de la consommation peut tre affirme41
.
14. Dans un premier temps, la protection des consommateurs ne relevait pas
directement du champ de comptence communautaire. Elle tait une comptence par
premption42
, cest--dire une comptence nationale dans laquelle la Communaut
conomique europenne ne pouvait intervenir que pour le rapprochement des lgislations
des Etats membres qui exeraient une influence directe sur ltablissement ou le
fonctionnement du march commun43
ou sur ltablissement ou le fonctionnement du
38
Ibid., p. 243 : La protection du fonctionnement libre de la concurrence repose aussi sur un choix clair
du consommateur, sur son information prcise et exacte, sur la rglementation des signes de qualit de
nature influencer son choix, sur la prvention des pratiques faussant son jugement, sur la prservation,
enfin et surtout, de son libre consentement. Le droit de la consommation qui doit assurer lexpression de ce
choix libre et clair vient ainsi conforter le droit de la concurrence dans la prservation du fonctionnement
efficace du march . 39
Dans cette tude, mme si lUnion europenne a remplac la Communaut conomique europenne
depuis lentre en vigueur du Trait de Maastricht, lexpression de droit communautaire sera prfre
celle de droit europen , pour dsigner tant le droit primaire, que driv ou jurisprudentiel, issu des
institutions de lUnion europenne. Lexpression droit europen sera employe pour dsigner le droit de
la Convention europenne de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales. Sur ces
questions terminologiques v. E. POILLOT, Droit europen de la consommation et uniformisation du droit
des contrats. Paris : LGDJ, 2006, nos
10 15. 40
Sur linfluence du droit communautaire dans le droit de la consommation en France, v. parmi une
littrature abondante : J. LAFFINEUR, Lvolution du droit communautaire relatif aux contrats de
consommation , RED consom., 2001, p. 19 ; E. POILLOT, Influence du droit de lUnion europenne et
primaut de la loyaut : une protection incidente du consommateur ? , LPA, 24 novembre 2011, n 234, p.
34 ; J.-P. PIZZIO, Droit communautaire de la consommation et droit franais de la consommation , in Le
droit communautaire de la consommation, Paris : La documentation franaise, 2002, p. 187 41
E. POILLOT, op. cit., nos
16 et s. ; G. RAYMOND, op. cit., n 21 Contra. J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE,
op. cit., n 43. 42
GRARD L., Le principe de subsidiarit et le droit communautaire de la consommation , in Le droit
communautaire de la consommation : Bilan et perspectives, Paris : La documentation franaise, 2002, p.
141. 43
Art. 100 du Trait instituant la Communaut conomique europenne.
-
Introduction
27
march intrieur44
. Ds lors, les raisons de ladoption de rgles uniformes de protection
des consommateurs ne pouvaient tre motives par la seule protection de leurs intrts.
Lintervention de lUnion europenne devait trouver sa source dans lobjectif de raliser
un march commun. La protection du consommateur ntait apprhende par le droit
communautaire que si la disparit des lgislations nationales en ce domaine tait un
obstacle la ralisation de cet objectif45
. Pourtant, la Communaut europenne a fait
preuve de volontarisme en matire de protection des consommateurs. Parfois, la
ralisation et le bon fonctionnement du march intrieur semblaient tre un prtexte
ladoption de mesures consumristes46
. Ainsi, outre les rglements prcisant, de manire
trs dtailles, les prescriptions applicables un produit ou une catgorie de produits, de
nombreuses directives ont t adoptes sur ces fondements : la directive n 85/577/CEE
du 20 dcembre 1985 concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats
ngocis en dehors des tablissements commerciaux ; la directive n 87/102/CEE du 22
dcembre 1986 relative au rapprochement des dispositions lgislatives, rglementaires et
administratives des Etats membres en matire de crdit la consommation ; la directive
n 90/314/CEE du 13 juin 1990 concernant les voyages, vacances et circuits forfait et la
directive n 93/13/CE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats
conclus avec les consommateurs47
.
15. Dans un second temps, partir de lentre en vigueur du Trait de Maastricht le
1er
novembre 1993, la protection des consommateurs a t leve au rang des objectifs de
lUnion europenne. Ainsi, larticle 129 A du Trait sur lUnion europenne prvoyait
que la communaut contribue la ralisation dun niveau lev de protection des
consommateurs . Il a t repris, avec quelques modifications, par larticle 153 du Trait
dAmsterdam, puis par larticle 169 du Trait de Lisbonne (Trait sur le fonctionnement
de lUnion europenne entr en vigueur le 1er
novembre 2009). La protection des
44
Art. 100 A du Trait sur lUnion europenne. 45
T. BOURGOIGNIE, Droit et politique communautaires de la consommation : Une valuation des acquis , in Etudes de droit de la consommation : Liber amicorum Jean Calais-Auloy, Paris : Dalloz, 2004, p. 97 et
s. ; J.-P. PIZZIO, art. prc., nos
25 et s. 46
L. GRARD, Le principe de subsidiarit et le droit communautaire de la consommation , in Le droit
communautaire de la consommation : Bilan et perspectives, Paris : La documentation franaise, 2002, p.
147. 47
Pour une prsentation de ces directives v. T. BOURGOIGNIE, Droit et politique communautaires de la
consommation : Une valuation des acquis , in Etudes de droit de la consommation : Liber amicorum Jean
Calais-Auloy, Paris : Dalloz, 2004, p. 95 ; J. LAFFINEUR, Lvolution du droit communautaire relatif aux
contrats de consommation , RED consom., 2001, p. 19.
-
La sanction de la violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation
28
consommateurs peut dsormais servir de fondement unique lintervention du lUnion
europenne. Malgr cela, lintervention de lUnion europenne en matire de politique de
protection est toujours justifie, au moins en partie, par la ralisation ou le bon
fonctionnement du march commun, ce qui permet daccroitre linfluence des
dispositions communautaires en adoptant des directives dharmonisation totale.
16. En effet, ces dernires annes, linfluence du droit communautaire dans la
lgislation franaise en matire de protection des consommateurs sest renforce. Dune
part, la lgislation franaise, qui tait, par lexemple, un lment moteur de la politique de
protection des consommateurs, tel point quil na pas t ncessaire de transposer
certaines directives, est devenu un lment suiveur. Les directives europennes entranent
alors des modifications importantes dans le systme juridique franais. En outre, aprs
avoir adopt des directives sectorielles limites un contrat particulier ou une pratique
dtermine, parfois qualifies de verticales, lorientation choisie est dadopter des
directives transversales, parfois qualifies dhorizontales, rglementant de manire
gnrale les pratiques commerciales des professionnels ou applicables tous les contrats
de consommation. Lide est de renforcer la cohrence et la lisibilit des dispositions
relatives aux contrats de consommation mises mal par laccumulation de directives
sectorielles dans ce domaine. La directive n 2005/29/CE relative aux pratiques
commerciales dloyales des professionnels vis--vis des consommateurs est une premire
tape en ce sens. Le choix a t fait de dfinir de manire gnrale les pratiques
commerciales dloyales qui sont prohibes, plutt que de dresser une liste limitative des
pratiques interdites. Les dispositions qui en sont issues ont alors vocation se substituer
toutes les dispositions nationales qui ont pour objet de limiter ou de prohiber les pratiques
commerciales des professionnels vis--vis des consommateurs. Ensuite, la volont
dadopter une directive cadre qui rviserait huit directives a t formule par la
Commission europenne48
. Une premire proposition de directive a t adopte le 8
octobre 200849
. La rvision tait limite quatre directives. La directive n 2011/83/CE
relative aux droits des consommateurs a finalement t adopte le 25 octobre 2011. Elle
48
Livre vert sur la rvision de lacquis communautaire en matire de protection des consommateurs.
COM(2006), 744 final, n 4.2. 49
C. AUBERT de VINCELLES, Naissance dun droit communautaire de la consommation , RDC, 2009, p.
578 ; G. PAISANT, Proposition de directive relative aux droits des consommateurs : Avantage pour les
consommateurs ou avantage pour les professionnels ? , JCP G, 2009, p. 118.
-
Introduction
29
tend uniformiser lobligation prcontractuelle dinformation qui pse sur le
professionnel avant la conclusion de tout contrat de consommation, les rgles concernant
le droit de rtractation dans les contrats conclus distance et les contrats conclus, hors
tablissement ainsi que certaines rgles applicables au contrat de vente.
17. Dautre part, linfluence du droit communautaire est dautant plus grande que,
mme si elle fait lobjet de vives critiques50
, lharmonisation totale des lgislations des
Etats membres simpose progressivement51
. Les Etats ne peuvent alors ni adopter des
lgislations nationales moins protectrices pour les consommateurs, ni adopter des
lgislations plus protectrices pour les consommateurs. Ainsi, la Cour de justice de lUnion
europenne, anciennement Cour de justice des communauts europennes, a dcid que la
directive relative aux pratiques commerciales dloyales imposait une harmonisation
complte des lgislations des Etats membres. Par ailleurs, la directive cadre n
2011/83/CE, relative aux droits des consommateurs, consacre expressment le choix de
lharmonisation totale. Mais concernant les sanctions, la marge de manuvre laisse aux
Etats par les dispositions des directives communautaires est beaucoup plus grande.
Aucune sanction uniforme nest prvue. Dans la plupart des cas, les directives
communautaires intervenant en matire de protection des consommateurs prcisent
simplement les lignes directrices qui doivent inspirer les lgislateurs nationaux lorsquils
dictent des sanctions. Ces dernires doivent tre effectives, proportionnes et
dissuasives 52
.
18. Si linfluence du droit communautaire en matire de lgislation consumriste est
grandissante, le droit communautaire de la consommation se rapproche des dispositions
internes en ce quil sapplique principalement aux relations contractuelles des
consommateurs et des professionnels.
50
C. AUBERT de VINCELLES, art. prc., n 6 et s. ; J. HUET, Le scandale de lharmonisation totale , RDC,
2011, p. 1070. 51
Livre vert sur la rvision de lacquis communautaire en matire de protection des consommateurs.
COM(2006), 744 final, n 4.5. 52
Sur ces caractres v. Caractres des sanctions communautaires , in Lacquis communautaire Les
sanctions de linexcution du contrat. Paris : Economica, 2006, p. 51.
-
La sanction de la violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation
30
C. Un droit enchan la notion de contrat 53
19. En raison de ladoption des dispositions consumristes par des lois successives et
sectorielles, le champ dapplication du droit de la consommation a des contours
incertains. Il varie en fonction du domaine dans lequel intervient la protection
consumriste. Ainsi, si le droit de la consommation est en principe applicable aux
rapports entre consommateurs et professionnels, la loi prvoit souvent que les dispositions
protectrices des intrts des consommateurs peuvent galement profiter galement aux
non-professionnels. Certaines dispositions, prsentes gnralement comme faisant partie
du droit de la consommation, et figurant dans le Code de la consommation, sappliquent
mme au-del des rapports entre professionnels et non-professionnels. Par exemple, la
lgislation sur les fraudes et falsifications cre par la loi du 1er
aot 2005 sur les fraudes
et falsifications en matire de produits ou de services, et intgre aux articles L. 213-1 et
suivants du Code de la consommation, sapplique tous les contrats quelle que soit la
qualit des parties.
20. Une constante se dgage toutefois de lexamen des dispositions considres
comme faisant partie du droit de la consommation54
: les obligations imposes par les
dispositions du droit de la consommation le sont, gnralement, dans un cadre
contractuel. Ainsi, de nombreux contrats spciaux sont soumis un rgime spcifique par
des dispositions consumristes comme par exemple le contrat de crdit conclu entre un
consommateur et un professionnel du crdit, le contrat de fourniture dlectricit ou de
gaz naturel, le contrat de service de communications lectroniques, ou encore, le contrat
de jouissance dimmeuble temps partag. En dehors du Code de la consommation,
certaines dispositions encadrent galement les contrats conclus entre professionnels et
consommateurs. Ainsi, les contrats dassurance sont soumis aux dispositions du Code des
assurances. De mme, les contrats de voyages forfait sont soumis au Code du tourisme.
53
J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation. 8me
d., Paris : Dalloz, 2010, n 8. 54
Le contenu du droit de la consommation est sujet discussion (J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, op. cit.,
n 17 : une dlimitation prcise du droit de la consommation [] nest ni possible, ni utile ). Certains
auteurs retiennent une conception trs large du droit de la consommation qui regroupait lensemble des
dispositions dont lapplication permettait dassurer la protection des consommateurs. Cette conception, qui
permet dinsrer dans le droit de la consommation certaines rgles de thorie gnrale des contrats comme
la thorie des vices du consentement ou la garantie des vices cachs, ainsi que certaines incriminations
gnrales du droit pnal spcial, est minoritaire Elle ne sera pas retenu par la suite parce quelle fait perdre
toute spcificit la protection consumriste. Ne seront tudies que les dispositions dont linspiration
principale est la protection des intrts des consommateurs.
-
Introduction
31
Ces dispositions prcisent le mode de formation des contrats ainsi que certains lments
de leur contenu. Dans le mme ordre dide, de nombreuses dispositions, souvent
rglementaires, dtaillent les caractristiques que doivent prsenter les produits proposs
aux consommateurs par les professionnels. Elles participent ainsi dfinir le contenu de
leurs obligations contractuelles et notamment le contenu de lobligation de dlivrance
conforme. Dautres sries de rgles ont pour objet dencadrer un type de contrat. Mais
cette fois, ce dernier se caractrise, non pas par lobjet de lobligation des parties, mais
par les modalits de sa formation. Ainsi, les dispositions des articles L. 121-16 et suivants
du Code de la consommation encadrent la conclusion des contrats conclus distance,
celles des articles L. 121-21 et suivants encadrent les contrats conclus la suite dun
dmarchage.
21. A ct de ces lgislations qui sintressent un type particulier de contrats,
caractriss par leur objet ou par les modalits de leur conclusion, de nombreuses
dispositions pnales rglementent les pratiques des professionnels vis--vis des
consommateurs, telles que la prohibition des fraudes et falsifications, ou plus
gnralement, la prohibition des pratiques commerciales dloyales. Ltude de ces
comportements prohibs55
permet dtablir quils sinscrivent presque toujours dans un
cadre contractuel, et plus prcisment, quils sont susceptibles dtre commis dans la
phase prcontractuelle en vue dinciter les consommateurs conclure des contrats. Ces
dispositions pnales, a priori trangres au contrat de consommation, sy rattachent parce
que les comportements incrimins ne peuvent tre commis que dans le cadre dun rapport
contractuel ou pour favoriser la conclusion dun contrat. Enfin, de nombreuses
dispositions rglementent le contenu du contrat, telles que celles qui prescrivent
linterprtation du contrat en faveur du consommateur ou encore lradication des clauses
abusives. Il apparat alors que les dispositions dont lapplication nest pas justifie par un
contrat, dj conclu ou simplement envisag, sont rares. Il sagit essentiellement des
rgles relatives la scurit des personnes, qui concernent lensemble des utilisateurs,
quels que soient leurs rapports avec le producteur. Ces questions relatives la scurit des
personnes dpassent le strict cadre du droit de la consommation. Finalement, le droit de la
consommation apparat dabord comme un droit contractuel. Il sagit dun droit spcial,
55
Sur les comportements pnalement sanctionns v. infra nos
362 et s.
-
La sanction de la violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation
32
applicable certains contrats seulement. Pour dsigner les contrats soumis cet ensemble
de dispositions drogatoires au droit commun, lemploi de lexpression contrat de
consommation sest dvelopp.
22. Pourtant, le contrat de consommation nest pas un contrat nomm. Ainsi, la notion
de contrat de consommation nest ni dfinie, ni employe par la loi. Lexpression avait
fait son apparition au moment de lentre en vigueur du Code de la consommation
larticle L. 211-1 du Code de la consommation qui disposait les rgles relatives la
garantie des vices cachs dans les contrats de consommation56
sont fixes par les
articles 1641 1648, premier alina, du code civil reproduits ci-aprs . Avec la
transposition de la directive n 1999/44/CE sur certains aspects de la vente et des
garanties des biens de consommation, par lordonnance n 2005-136 du 17 fvrier 2005,
larticle L. 211-1 du Code de la consommation a t modifi et lexpression a disparu des
termes de la loi. Actuellement, lexpression de contrat de consommation , au singulier
ou au pluriel, est employe par quelques arrts57
. Ces textes nont, daucune manire,
pour objet de rglementer un quelconque contrat de consommation puisquils dfinissent
les programmes denseignement ou les modalits dexamen de certaines filires. De
mme, lexpression de contrat de consommation nest pas employe en jurisprudence58
.
56
Souligns par nous. 57
Article annexe 2 de lArrt du 28 dcembre 2011 fixant le programme dconomie-droit du cycle
terminal de la srie sciences et technologies du management et de la gestion ; article annexe II de lArrt
du 19 mai 2010 dfinissant la spcialit de certificat daptitude professionnelle distribution dobjets et de
services la clientle et fixant ses conditions de dlivrance ; article annexe de lArrt du 23 juin 2009
fixant le programme denseignement de prvention sant environnement pour les classes prparatoires au
certificat daptitude professionnelle ; article annexe I de lArrt du 9 avril 2009 portant dfinition et fixant
les conditions de dlivrance du brevet de technicien suprieur assistant de gestion de PME-PMI
rfrentiel commun europen ; article annexe de lArrt du 24 juillet 2007 portant dfinition et fixant les
conditions de dlivrance du brevet de technicien suprieur " commerce international rfrentiel commun
europen " ; article annexe de lArrt du 14 dcembre 2004 fixant le programme de lenseignement
dconomie-droit en classe terminale de la srie sciences et technologies de la gestion. 58
Une recherche effectue le 28 aot 2012 sur le moteur de recherche experte dans la jurisprudence
judiciaire propos par le site lgifrance.gouv.fr. donne un seul rsultat pour lexpression exacte contrat de
consommation dans tout : un arrt de la premire Chambre civile du 21 mai 1997. Lexpression
napparat pas dans le texte de larrt mais dans le titrage.
-
Introduction
33
Elle apparat alors comme une commodit linguistique qui sest dveloppe en doctrine59
,
et qui dsigne les contrats auxquels sapplique le droit de la consommation. Pourtant,
certains auteurs doutent de lexistence de la catgorie des contrats de consommation qui
serait soumise un ensemble de dispositions spcifiques60
. Son encadrement par des
dispositions spcialement consumristes se justifie par les particularits quils prsentent.
23. Le contrat de consommation nest pas un contrat nomm par la loi, il nest pas non
plus un contrat spcial tel quil est envisag traditionnellement. Les contrats spciaux se
distinguent les uns des autres et se caractrisent par lobjet des obligations des parties.
Les diffrentes dfinitions des contrats spciaux, nomms par le Code civil, sont, ce
titre, significatives. Elles caractrisent toutes le contrat spcial par les obligations
principales des parties. Par exemple, larticle 1582 du Code civil dfinit la vente comme
la convention par laquelle lun soblige livrer une chose, lautre payer le prix . De
mme, larticle 1709 du Code civil dfinit le bail par les obligations principales des
parties comme un contrat par lequel lune des parties soblige faire jouir lautre dune
chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci soblige lui
payer . La qualit des parties au contrat dcoule alors de la qualification du contrat, celui
qui sengage transfrer la proprit dun bien contre paiement dun prix est le vendeur,
celui qui sengage payer le prix contre la proprit dun bien est lacheteur61
.
24. La qualification du contrat de consommation ne peut pas soprer en rfrence aux
obligations des parties. En effet, les contrats de consommation sont protiformes au
59
Ds 1974, les huissiers de justice intitulent leur congrs national le contrat de consommation : Le
contrat de consommation : contribution ltude de la condition juridique du consommateur. Paris : LGDJ,
1974. V. galement limportant article de Monsieur Raymond, mettant en lumire lexistence de cette
catgorie nouvelle : G. RAYMOND, Les contrats de consommation , in Aprs le Code de la
consommation, grands problmes choisis. Paris : Litec, 1995, p. 37. Actuellement, lexpression est
couramment employe en doctrine, elle commence mme faire son apparition dans les index
alphabtiques des manuels gnraux de droit des contrats ou de droit des obligations. Ainsi, lindex de
louvrage de Madame Fabre-Magnan de 2010 renvoie aux pages 143, 200, 271 et 400 ; celui de Monsieur
Bnabent de 2010 renvoie aux nos
24 et 106 ; celui de Messieurs Terr, Simler et Lequette de 2009 renvoie
aux nos
74 et 615. 60
V. par exemple, N. RZEPECKI, Droit de la consommation et thorie gnrale du contrat, Aix-en-
Provence : PUAM, 2002, n 523 : Le contrat de consommation nexiste pas. []. Il ny a que des contrats
de consommation, se ressemblant certes, mais non rductibles une mme espce, voire un mme
genre . 61
V. toutefois, sur la qualification du contrat de transport : X. HENRY, La technique des qualifications
contractuelles. Thse de doctorat, Nancy, 1992, n 909 et s. Lauteur met en lumire loriginalit de
lopration de qualification du contrat de transport qui dpend de la qualit de professionnel de lune des
parties au contrat.
-
La sanction de la violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation
34
regard des obligations des parties. Il nexiste pas un contrat de consommation avec des
obligations prdfinies, mais des contrats de consommation qui suivent les catgories des
contrats spciaux dj existantes : vente, prestation de service, bail, prt Parfois, les
dispositions consumristes spcialement applicables aux contrats de consommation
donnent naissance des contrats nomms originaux qui ne sont pas spcialement
rglements par des dispositions gnrales comme le contrat de jouissance dimmeuble
temps partag, le contrat de voyage forfait ou encore le contrat de courtage
matrimonial62
. Si la qualification de contrat de consommation ne sopre pas au moyen
des obligations principales, elle sopre par la qualit des parties qui lont conclu63
. Ainsi,
le contrat de consommation est un contrat conclu entre un professionnel et un
consommateur64
. La qualit des parties nest pas la consquence de la qualification de
contrat de consommation, comme cest le cas pour les contrats spciaux, mais son
origine. Le contrat de consommation est alors une famille de contrat , qui sinsre
entre la thorie gnrale des contrats et celle des contrats spciaux65
.
25. Pour identifier les contrats de consommation, il est donc ncessaire de prciser les
notions de professionnels et de consommateurs. Toutefois, ni la notion de professionnel,
ni celle de consommateur, ne sont dfinies par la loi. La notion de professionnel ne
soulve quasiment pas de difficult, il existe un consensus pour admettre quil sagit de
la personne physique ou morale qui agit dans le cadre dune activit habituelle et
organise de production, de distribution ou de prestation de service 66
. En revanche, la
notion de consommateur est plus incertaine. La difficult de dfinir le consommateur est
accrue par le fait que ce nest pas une qualit intrinsquement lie la personne : tre
consommateur dans un rapport contractuel est une qualit intrinsquement relative . La
qualit de consommateur est variable. Elle nest pas fixe une fois pour toute, elle na de
sens quau regard dun contrat dtermin. Le consommateur se dfinit par les motivations
62
N. SAUPHANOR-BROUILLAUD, Le contrat de consommation et les contrats spciaux , in Des contrats
civils et commerciaux aux contrats de consommation : Mlanges en lhonneur du Doyen Bernard Gross,
Nancy : PUN, 2009, p. 305, nos
6 et 7. 63
C. NOBLOT, La qualit du contractant comme critre lgal de protection : Essai de mthodologie
lgislative. Paris : LGDJ, 2002, nos
31 et s. 64
G. RAYMOND, Une catgorie nouvelle : les contrats de consommation , in Les contrats de
consommation : Journe dtude. Paris : PUF, 2001, p. 37. 65
D. POMBIEILH, Lincidence du contrat de consommation sur lvolution du droit des contrats. Thse, Pau,
2002, n 842 ; N. SAUPHANOR-BROUILLAUD, art. prc., n 9. 66
J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation. Paris : Dalloz, 2010, n 3.
-
Introduction
35
quil poursuit lorsquil contracte. Seule ltude de la cause subjective, de ses mobiles,
permet de lidentifier. Ainsi, le consommateur est celui qui contracte pour la satisfaction
de ses besoins privs, par opposition celui qui contracte pour les besoins de sa
profession. Mais la frontire entre les deux est poreuse et la jurisprudence tend intgrer
dans la catgorie des consommateurs certains professionnels, soumis aux mmes
difficults que les consommateurs pour ngocier le contrat conclu. Ds lors, la notion de
consommateur peut tre apprhende plus ou moins largement, en intgrant ou non
certaines personnes morales dans la catgorie des consommateurs et en intgrant ou non
certains professionnels, qui agissent en dehors de leur sphre de comptences, ou
concluent un contrat sans rapport direct avec leur activit.
26. La doctrine, sappuyant sur les volutions jurisprudentielles relatives cette
question, est partage sur la question de savoir sil faut retenir une conception troite ou
large de la notion de consommateur67
. Sans quil soit ncessaire de revenir sur les
diffrentes conceptions du consommateur, il faut toutefois prciser celle qui sera retenue
dans la suite de cette tude. La notion de consommateur sera apprhende troitement
comme la personne physique qui contracte avec un professionnel pour la satisfaction de
ses besoins privs et familiaux. Cette conception simpose pour plusieurs raisons.
Premirement, une conception troite du consommateur semble prfrable afin de
maintenir la pertinence du concept et lunit de la notion de consommateur, et par
consquent, celle de la notion de contrat de consommation. Deuximement, il ne faut pas
confondre le problme de la dfinition du consommateur et celui du champ dapplication
des dispositions consumristes. Ainsi, Monsieur Beauchard remarque qu il y a en effet
bien plus quune nuance entre le fait de dire dun ct que la notion de consommateur
comprend, sous certaines conditions, des professionnels, et de lautre ct que certaines
rgles du droit de la consommation peuvent, par analogie, bnficier certains
professionnels, mais en reconnaissant quils ne sont pas pour autant des
67
Sur la notion de consommateur, v. notamment parmi une littrature abondante : J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, op. cit., n
os 7 et s. ; A. CATHELINEAU, La notion de consommateur en droit interne : propos
dune drive , CCC, 1999, chron n 13 ; H. CAUSSE, De la notion de consommateur , in Aprs le
Code de la consommation, grands problmes choisis. Paris : Litec, 1995, p. 21M. LUBY, Notion de
consommateur : ne vous arrtez pas lapparence , CCC, 2002, chron. n 14 ; L. LANDY, Le
consommateur europen : une notion clate , in Vers un code europen de la consommation, Bruxelles :
Bruylant, 1998, p. 57 ; J. MEL, La notion de consommateur europen , LPA, 31 janvier 2006, n 22, p. 5 ;
G. PAISANT, Essai sur la notion de consommateur en droit positif , JCP E, 1993, I, 267.
-
La sanction de la violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation
36
consommateurs 68
. Il est donc possible de retenir une conception troite du
consommateur, pour lequel les dispositions du droit de la consommation seraient
systmatiquement applicables, en laissant le soin au lgislateur dtendre, lorsque le
besoin sen fait sentir, la protection consumriste dautres catgories de personnes, par
exemple les non-professionnels, viss par certains textes consumristes69
. Les non-
professionnels pourraient tre des personnes morales comme des associations ou des
personnes contractant pour les besoins de leur profession, mais sans rapport direct avec
leur activit. Troisimement, une conception troite du consommateur serait plus
conforme la dfinition qui est majoritairement retenue par les dispositions du droit
communautaire et notamment celles de la directive dharmonisation totale n 2011/83/CE
relative aux droits des consommateurs qui propose une dfinition uniforme de la notion
de consommateur : le consommateur est toute personne physique qui, dans les contrats
relevant de la prsente directive, agit des fins qui nentrent pas dans le cadre de son
activit commerciale, industrielle, artisanale ou librale .
27. La diversit des contrats que recouvre le concept de contrat de consommation peut
laisser perplexe sur la possibilit den faire un objet dtude. Le risque est grand de
dresser un catalogue de contrats spciaux, dtaillant les obligations spcifiques des parties
et les sanctions applicables en cas dinexcution des contrats. Ce nest pas la voie qui a
t choisie. Ltude mene sest concentre sur les problmatiques communes tous les
contrats de consommation. Mais cette tude se heurte linexistence dune thorie
gnrale du contrat de consommation. Ainsi, dans sa thse publie en 2002, Madame
Rzepecki constate que si le droit de la consommation constitue un rassemblement de
normes qui poursuivent une finalit commune, il ne se dtache pas pour autant de la
thorie gnrale des contrats pour devenir une branche de droit part entire, dfaut
pour lui, de constituer un ensemble cohrent de normes, applicable aux contrats de
consommation70
. Selon elle, labsence dune thorie gnrale du contrat de consommation
trouve sa source moins dans le manque de spcificit des rapports de consommation
68
J. BEAUCHARD, Remarques sur le Code de la consommation , in Droit civil, procdure, linguistique
juridique : crits en hommage Grard Cornu, Paris : PUF, 1994, p. 9, n 25. 69
Sur la notion de non-professionnel v. Ch. GIAUME, Le non-professionnel est-il un consommateur ? ,
LPA, 23 juillet 1990, p. 25 ; G. PAISANT, Retour sur la notion de non-professionnel , in Des contrats
civils et commerciaux aux contrats de consommation : Mlanges en lhonneur au doyen Bernard Gross,
Nancy : PUN, 2009, p. 231. 70
N. RZEPECKI, Droit de la consommation et thorie gnrale du contrat. Aix-en-Provence : PUAM, 2002.
-
Introduction
37
[] que dans lattitude du lgislateur, plus proccup de rgir dans le dtail des
oprations particulires que de sattacher la formation ambitieuse dun droit de la
consommation 71
. Depuis dix ans, la situation na pas volu. Les rformes sintressant
la protection des consommateurs sont restes sectorielles et ont eu pour principale
ambition de transposer les directives europennes adoptes en la matire72
. La mauvaise
qualit des transpositions, parfois opre par deux lois successives moins dun an
dintervalle, accentue lincohrence et lillisibilit du droit de la consommation. Ce
constat est dnonc par une doctrine unanime et de nombreux auteurs appellent de leurs
vux une vritable refonte du droit de la consommation telle quelle a t propose ds
1985 par la Commission de refonte du droit de la consommation. Les initiatives rcentes
en ce sens, tant nationales73
queuropennes74
, sont dcevantes. Finalement, lincohrence
du droit de la consommation nuit son application et lefficacit de la protection des
consommateurs. Le droit de la consommation apparat alors comme un droit en recherche
de lisibilit et de cohrence. En raison de la nature essentiellement contractuelle des
rapports quentretiennent les consommateurs et les professionnels, cette cohrence doit
dabord tre recherche autour dun rgime du contrat de consommation, qui fixerait les
rgles communes qui leurs seraient applicables.
71
Ibid. n 560. 72
Par exemple, la loi n 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans lconomie numrique intervient
dans le domaine du commerce lectronique ; lordonnance n 2004-670 du 9 juillet 2004 transpose la
directive 2001/95/CE sur la scurit gnrale des produits ; la loi n 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux
communications lectroniques et aux services de communication audiovisuelle encadre un contrat de
consommation particulier, le contrat de services de communication lectronique ; lordonnance n
20056136 du 17 fvrier 2005 transpose la directive 1999/44/CE sur certains aspects de la vente et de la
garantie des biens de consommation ; la loi n 2010-737 du 1er
juillet 2010 portant rforme du crdit la
consommation transposant la directive n 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les contrats de crdit aux
consommateurs. 73
Au niveau national, larticle 35 de la loi n 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le dveloppement de la
concurrence au service des consommateurs autorisait le pouvoir excutif refondre, par ordonnance, le
Code de la consommation. Il tait habilit inclure les dispositions de nature lgislative qui nont pas t
codifies et damnager le plan du code . La comptence qui lui est attribue est donc limite. Encore une
fois, la voie choisie ntait pas llaboration dun droit de la consommation cohrent, dont les principes
directeurs sont dgags partir des solutions sectorielles et disparates actuelles. Lambition tait moindre :
amliorer la codification droit constant (Y. PICOD, Rflexions sur la refonte du Code de la