StefanyThorne
Née à Suresnes en 1980, Stefany Thorne dévore les livres et écrit depuis son plus jeune âge.Mordue de littérature et profondémentromantique,elleressenttrèsvitel’enviededonnervieàtraverssaplumeàunehistoired’amour.
Elledonnevieà«MelindaEvans&AïdenKyle»dansFOREVER etproposesonhistoiresur laplateformede lectureWattpadoù ilsremportentunfrancsuccès.Elleestélue«Meilleurscénario–Romance»parleslecteursauxWFTDAWARD2015.
Suiteàcetengouement,elledécidedetentersachanceenselançantdansl’auto-publicationdesonouvrage.Quelquesjoursplustard,ellesigneavecReines-BeauxpourlaversionpapierdelaSagaFOREVER,cequiluipermetd’obtenirégalementundesbest-sellersdel’année2015.
http://stefanythorne.wix.com/stefanythorne
http://www.facebook.com/stefanythorneauteure
Dumêmeauteur
FOREVER:Souviens-toiT1(2015)MyDestinyT1(2016)
FOREVER:Reviens-moiT2(2016)10sinonrien!(09/09/2016)
MyDestinyT2(Àparaîtrefin2016)
PremièreéditionnumériqueparStefanyThorne,Juillet2016©2016STEFANYTHORNE-Tousdroitsréservés
Créditsphotos:©DepositPhotosDesigndecouverture:©WilliamSalvatore
Celivreestuneœuvredefiction.Lesnoms,lespersonnages,leslieuxetlesévénementssontlefruitdel’imaginationdel’auteurousont
utilisés fictivement. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, des établissements d’affaires, des événementsexistantsouayantexistéestentièrementfortuite.
L’auteure reconnaît que les marques déposées mentionnées dans la présente œuvre de fiction appartiennent à leurs propriétairesrespectifs.
LeCode de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation oureproductionintégraleoupartiellefaiteparquelqueprocédéquecesoit,sansleconsentementdel’auteuroudesesayantscause,estilliciteetconstitueunecontrefaçon,auxtermesdesarticlesL.335-2etsuivantsduCodedelapropriétéintellectuelle.
Avertissement sur lecontenu :cetteœuvredépeintdes scènesd’intimitéentredeuxpersonnesenun langageadulte.Ellevisedoncunpublicavertietneconvientpasauxmineurs.L’auteuredéclinetouteresponsabilitépourlecasoùvosfichiersseraientlusparunpublictropjeune.
CetitreseraégalementdisponibleauformatpapierauxÉditionsReines-Beauxàlarentrée2016.
CollectionAmour
♫ C’est mon troisième roman et pour ne pas déroger à la règle, je vous propose une liste dechansonscarcommevouslesavez,j’écristrèssouventavecmesécouteursauxoreillesetcelaapporteunetoutautredimensionàlalecture.Jenepeuxquevousconseillerdelirechaquepassageenvouslaissantporterparlamusiqueproposéeendébutdechapitre.♫
Bienàvous,StefanyThorne
Listemusicale
ChristinaPerri-AThousandYearsLisaGerrard-NowWeArefree
Mylatestfantasy-MostSadPianoSongEverRevengeSoundtrack-FarewellFauxmanda
EdSheeran–PhotographTinaArena-ShowMeHeaven
ZackHemsey-TheWayDavidGuetta-WhenLoveTakesOver
MileyCyrus-TheClimbDaughtry-StartOfSomethingGoodEvanescence-MyHeartIsBroken
JasonWalker-Down
PlaylistdisponiblesurYouTube:https://www.youtube.com/playlist?list=PLvhHNsVAthZiCudhVDiYRqHiE4kyK7jJJ
ÀmeslecteursetmesForeveusesquisontlàdepuisledébutdecettemerveilleuseaventure.Sansvous,Melinda&Aïdennevivraient
pasunesibellehistoired’amour…
Jevousaime…StefanyThorne
«Ilestdifficiledepardonner,enregardantcesyeux,entouchantcesmainsdécharnées.Embrassez-moiencore;etnemelaissezpasvoirvosyeux!Jevous
pardonnecequevousm’avezfait.J’aimemonmeurtrier…maislevôtre!Commentlepourrais-je.»
EmilyBRONTËSource:LeshautsdeHurlevent-1925
-1-
ChristinaPerri-AThousandYears
VashonIslandSamedi17mai201413h00
Melinda
Faisantrouteversmonanciennevie,cellequej’ailaisséederrièremoiilyaquelquesjours,jerevoissonvisageauloinquisedessineautraversdesnuages.Sesyeuxplusbleusquelecielpercentl’horizontel un rayon de soleil venant éclairer mon âme qui s’éteint peu à peu devant tant de souffrance. Jecontemple la bague qu’il a glissée tendrement à mon doigt, et une force que je ne m’explique pasm’empêchedelaretirer.
Pourtant,j’aicetteinfimecertitude,aufonddemonêtre,quecethommeestprofondémentamoureuxdemoi.Pourquoin’a-t-ilpasétésincère?Malheureusement,ilestliéd’unemanièreoud’uneautreàcettefemmemystérieuse,quipar son simple souvenir, a toutdemême réussi ànous séparer. J’ai ressenti àmaintesreprisesunecertaineimpuissancefaceàlasituationquiseprésentaitànous.Iln’ajamaistrouvélesmots pourme confier ce terrible secret qui hante ses nuits. Lemême, qui l’empêchait de s’ouvrirtotalement à moi et de m’avouer la triste vérité. Un grand mystère plane encore sur cet hommeénigmatiquedontjesuistombéeéperdumentamoureuse.Monintuitionmepousseàcroirequ’ilnem’estpastotalementétranger.Quiest-il?Etsurtout,quisuis-je?Jedoisdécouvrircequ’ilmecache…
Lespaysagesfamiliersapparaissentàl’horizonetl’appréhensionderentreraumanoirmegagnepeuàpeu.Jesuisdel’autrecôtédel’océan,loindesonsourire,desatendresse,delui,toutsimplement…Touts’estpassésiviteentrenous,sinaturellement,commesinousnousconnaissionsdepuistoujours.Jemesuis laissée charmer par le chantmélodieux de ses paroles, entraînée par l’amour que je lui portais.L’amour, sentiment étranger àmoncœur il y a encorequelques jours.Aujourd’hui, il est synonymedetrahison et de douleur. Je ressens unmanque tellement profond que je doute qu’il puisse un jour êtrecomblé par un autre homme. Ses mots envahissent mon esprit déjà perturbé par ce vaste flot de
sentiments:
«Tuesl’unique…Jet’aime,Melinda…Nel’oubliepas…»
Monpère,l’airsoucieux,mesourittimidementenmeserrantlamain.Est-ilsincèrementinquietpourmoi?Ilsepencheetdéposeunbaisersurmonfront.Jefermeuninstantlesyeux,nemesouvenantpasdeladernièrefoisoùilaeucegestedetendresseenversmoi.
Nousbifurquonssurlechemindeterrequimèneaumanoiretoùlesoleilfiltreàtraverslefeuillagedesarbresencejourdeprintemps.Sijen’avaispasautantdemauvaissouvenirsdanscettemaison,jeseraiscertainementheureused’y revenir,maiscen’estpas lecas.Leportailen fer forgénoir s’ouvrelentementdevantnousetle4x4s’engagedansl’alléedepavés.Jesensleregardpesantdemonpèresurmoi et une tension palpable gagner tout l’habitacle du véhicule. Il inspire profondément etMonsieurVictorEvansderetourdanssonquartiergénéral,melanced’unevoixglaciale:
— J’ai une histoire à te raconter… Il était une fois, une jeune fille qui rencontra un homme. Il luipromit monts et merveilles. Celui-là même qui avait juré de venger sa famille et de détruire les…EntreprisesEvans!
Jeleregardesidéréefaceàcettesoudainerévélationquimetransperceteluncouteauenpleincœur.Jetentededirequelquechose,maisenvain.Monpèreacquiesced’unsouriresournoispourconfirmersesdires.
—Non…C’estjuste…impossible,murmuré-jeenfin,horrifiée,toutenposantmesdoigtstremblantssurleslèvres.
Jesensuneboufféedechaleurm’envahir,mesyeuxsenoientdelarmesdansunsilencedemort.Lesoleilperceàtraverslesvitresetéclairesonvisage,lequelserévèleunenouvellefoispleindemépris.Maisenversqui?Aïdenoumoi?Jesecouefurieusementlatêtecommepourrefuserdevoirlaréalitéenface.Soudain,jesongeàmaconversationavecEmmalorsqu’ellem’aavouéecequ’elleavaitdécouvertausujetd’Aïden:
« — Il a également ajouté qu’il livrait bataille à une société d’investissement. A priori, KyleEntrepriserachètelesfilialesetlessociétésliéesdeprèsoudeloinàcelle-ci,uniquementpourlesliquider.—Tuveuxdirequ’ilajetésondévolusuruneentrepriseseulementpourlaruiner?—C’estcequeKylanadit,MlleDuSnob.Moi,jen’yconnaisstrictementrienenaffaires.Entout
cas, ilest franchement inquietpour lebar.Aïdenenestactionnaireégalement,et tout l’argentpartdanslerachatdecessociétés,auxdépensdel’entreprise.—Onsaitquellesociétéestdanslecollimateurd’Aïdenetpourquoi?—Aucuneidée.C’eststrictementconfidentiel.MêmeKylanesttenuausecret.»
—Jesuisdésolé,maisc’estlastrictevérité.Nousdevonsabsolumentendiscuterafindetrouverunesolution qui permette de sauver l’entreprise familiale, me confirme mon père en me sortant de mestroublantespensées.
—C’est impossible…, insisté-je encroisant lesbras commepourmeprotégerde sesmotsquimelacèrentlecœur.
—Jenetementiraispassurunechoseaussigravissime,Melinda!Regardedansquellesituationtuteretrouvesaujourd’hui,lâche-t-ilenmefusillantduregard.
Jebaisselatête,embarrasséeparsesparolesquimerappellentcombienj’aiéténaïveetaveugléeparmes sentiments. Ce matin, j’étais si pressée de retrouver Aïden que j’ai dévalé les escaliers pourrejoindre Emma et Maria. La suite des événements ne m’a pas laissée le temps de m’habillerconvenablement. J’ai enfilé unmini-short blanc et un chemisier, une tenue quemon père ne cautionneabsolumentpas,vusonregardoutrédevanttantd’impolitessedemapart.Deplus,jesuispartiecommeunevoleuseenlaissantEmmasurplace,ainsiquemeseffetspersonnelsetmontéléphone.Commentvais-jepouvoirtoutrécupérersansavoiràaffronterAïden?
Lavoituresegaredevant lemanoir. J’ouvrerapidement laportièreetmeprécipiteà l’extérieur.Jen’ensupporteraipasdavantage.
—Melinda,reviensimmédiatement!m’ordonnemonpèreensortantdelavoiture.—Laisse-moiquelquesminutes!J’aibesoind’êtreseule!lancé-jeencourantverslaplage,quitelun
aimantmerappelleàelle.—Nousavonsbesoindediscuter,chèredemoiselle!—Pasmaintenant!rétorqué-je,essoufflée,encontinuantdroitdevantmoi.Essayedem’enempêcher,tiens!Je déambule entre les arbres, tombe au sol et me relève, captivée par le bruissement des vagues
s’échouantauloinsurlesable.L’océansedessineàtraverslesbuissonsquilaissentplaceàlaplagedesablefin.Jedétestecetteviequim’atoutarrachéeetjeneveuxpluscroireenquoiquecesoit.Terminé!C’estinjusteetjamaisplusjenemelaisseraiguiderparmoncœur.
Jem’effondreàgenoux,lesmainsàplatsurlesablechaud,oùlevisaged’Aïdens’ydessinecommedansunrêve;maislabrisel’effaceetl’emporteavecelle.Jemeredresseetposemamainenvisièredevantmon visage. J’observe les grains de sable s’éparpiller dans les airs, afin de guetter le cheminqu’ils suivront.Memèneront-ils à la raisondecette souffrance?Malheureusement,Aïdenest ledouxmensonge qui vient de s’envoler, à tout jamais. Et ce chagrin d’amour incommensurable finira parm’achever…
—Nonnnnn!Je tehais,AïdenKyle!dis-jeen levantmesyeuxremplisdehainevers l’horizonoùForeversetientdel’autrecôtédel’océan.Tum’entends?Nem’approcheplusjamais!ajouté-jed’unevoixétrangléeparladouleurlancinantequicontinued’oppressermapoitrine.
—Melinda?Surprise,jemeretourneetcroiseleregarddésemparéetenlarmesdemamère.Jemerelèveetcours
verselleenluisautantdanslesbras.Nousnousasseyonssurlesable,matêtenichéeaucreuxdesoncou,pleuranttoutematristesse.
—Calme-toi,ma chérie… Je comprends ce que tu ressens et je sais combien tu dois terriblementsouffrir,meconsole-t-elled’unevoixdoucetoutencaressantmescheveux.
—Commenta-t-ilpumefaireautantdemal?Maman,jel’aimedetoutmoncœuretj’étaiscertainequ’ilm’aimaitluiaussi,haleté-je,enprenantconsciencemoi-mêmedel’exactitudedemesparoles.
—Regarde-moi,Melinda,mesusurre-t-elled’unevoixaimanteenrelevantmonvisagevers lesienquimesourit tendrement.Lavieneressemblepastoujoursàcequel’onpeutcroire.Quelquefois,ellepeutparaître…injusteetDieusaitcombienellel’adéjàétéenverstoi.Mais,ilyaunechosedontjesuiscertaine,moncœur…
—Quoidonc?demandé-je,enmeredressantetessuyantmeslarmesdureversdelamain.Mamèrecaressetendrementmonvisageetmeprendlamain.Ellecontemplelabaguequejeporteet
mesourit.Jem’empourpreaussitôt.Quevais-jebienpouvoirluiraconter?Puiselleplongesonregardversl’océanetmesouffled’unevoixsuave:
—Melinda, l’amourestceque laviepeutnousoffrirdeplusbeau,maisparfoisnousdevonsnousbattreetaffronter lemondepourpouvoir legarderprécieusementaufonddenotrecœur.Neperdspasespoir,medit-elleensetournantversmoi,cettefois.
—Maman,soncœurnem’appartientpas…Blesséeetincapabledeterminermaphrase,jeposemamainsurmeslèvrespourétoufferunsanglot.
Quiestcettefemme?Pourquoia-t-ellequittéunhommeaussiformidablequelui?Au-delàdumensongeetdufaitqu’ilm’aitcachéeleurmariage,j’ailepressentimentquequelquechoseclocheetm’échappe.Lespiècesdupuzzlesontdisperséesdevantmesyeuxaveuglésparmahaine,maisaussiparl’amourquejeluiportemalgrétout,etaucuned’entreellesnes’emboîteréellement.Oui,toutcelan’aaucunsens…Mamère secoue lentement la tête, et inspireprofondément, impuissante face à tout ceque je traverse.Puiselleselèveetmetendlamain:
—Viensavecmoi.Allonsdéjeuner,machérie.Ensuite,tuirastereposerette…changer?Je lui tends lamienne etme redresse. Jem’empourpre aussitôt devant le regard étonné, néanmoins
amusédemamère posé surma tenue fort différente de celles que j’ai pour habitudede porter.Mais,aujourd’hui,ellemeconvientpleinementet jenecomptepasenchanger.Ellepassesonbrasautourdemesépaulesetm’entraîneendirectiondumanoirquidepuismonarrivéemesemblesiétranger,sifroidet…hostile.
—Enfind’après-midi,tupourraismerejoindreauxécuries?Qu’enpenses-tu?mepropose-t-elle,entraversantl’alléequimèneàl’entréedumanoir.
—J’aimeraistant,mais…tusaiscombienilm’estdifficiledem’approcherd’Esperanza,néanmoins
jeteprometsd’essayerencoreunefois.Etpuisjedoiségalementrécupérermesaffaires,luirappelé-jed’unevoixbasse,ensecouantlatêtenerveusement.
—Calme-toi.Jevaism’enoccuper,d’accord?— Merci, maman. Je suis désolée de te mettre dans l’embarras, mais je n’avais pas songé aux
conséquencesdemesactes,réponds-jeenremontantlesmarchesenpierre.Nousnousarrêtonsdevantlaporte.Mamèreposesesmainssurmesépaulesetsadouceurainsique
sabienveillanceàmonégardmerassurent,etm’apaisent.Puis,d’unevoixpleinedetendresse,ellemechuchoteenjetantunregardfurtifàlaporte,depeurquemonpèrenousentende:
—Toncœurteguideraverscequiterendraheureuseetvivante.Jeparlebienentendudel’amour.Tatête,elle,tenteradeteraisonner,maisellen’aurapastoujoursraison,machérie,medit-elledansunriresilencieux.Situmelepermets,j’auraisunconseilàtedonner.
J’acquiescedelatête,anxieused’entendrecequ’elleaàmedire.—Bats-toipourceenquoitucrois.Nelaissejamaispersonnetedicterteschoix,tum’entends?Je
vaist’épaulerdetoutmoncœur.Maisdoucement,pasàpas,sansallertropvite.Auboutdulongcheminquit’attendetdanslequeltuaurasretrouvétessouvenirs,jesuiscertainequelebonheurt’yattendra.
Leslarmesauxyeux, je laregardeétonnée,maisprofondément touchée.C’est la toutepremièrefoisqu’ellemeparled’amouravecautantdesincéritéetdeferveur.Jamais,jen’auraisimaginéqu’elleaitpuunjourressentircetteflammequinousconsumedel’intérieuretnousfaitvibreràchaquemomentpasséauprèsdel’êtreaimé.Maisjelavoisjailliràtraverssonregardetj’aibeaucoupdemalàconcevoirquemesparentsressententouaientpuressentir,unjour,cequej’éprouvepourAïden.
— Pourtant, papa et toi, vousm’avez toujours dit le contraire… Je ne comprends pas ce soudainrevirementdesituation?
—Lesparents,euxaussi,peuventcommettredeserreurs,machérie.Jeveuxretrouvermapetitefille,heureuseetpleinedevie.Jet’aime,Melinda,etjeferaitoutpourterendretavie.
Jemejettedanssesbras,etlaserrefortementcontremoi.Moncœurtambourinerapidementdansmapoitrinetantsesparolesôtentcepoidssilourdquejetraînederrièremoidepuistroisans.Enfinmamèremecomprend,enfinellemesoutientetsebattraàmescôtés.
—Merci,maman. Je t’aime tant.Cela fait si longtempsque j’attendsque tumedises tout cela, luiavoué-jeenrelevantlatêteverselle.
—Jesais…Allonsdéjeuneràprésent.Nousallonsenfinprendreletempsdediscutertouteslesdeux.Ellepousselaportequis’ouvresurlehalld’entréeetoùj’yperçoisdéjàuneatmosphèreglacialeet
pesante.Àdroite,derrièrecettegrandeporteenbois,se trouvelebureaudemonpèrequimeprocureaussitôt un grand frisson. Je ressens comme une impression de froid intense et ma mère le saisitimmédiatement.Ellem’agrippe tendrementdanssesbrasetnous traversons lapièce jusqu’à la salleàmanger,oùlatablevientd’êtredresséepourledéjeuner.Brusquement,unclaquementdeporterésonnedans tout le hall et nous fait sursauter. Attirées par le bruit des pas tonitruant sur le sol, nous nous
retournons.Monpèresetientlà,leregardrivéaumien,undemi-sourireauxlèvres.Ils’approche,hausseunsourcilcrispéetmelanced’unevoixgrave:
—Bienvenuecheztoi,Melinda.—Merci,réponds-jeensoutenantsonregardpourluiprouvercombienjesuisforteetprêteàluitenir
tête.Nouspénétronstouslestroisdanslasalleàmanger.Toutestsifroid,sansvie.Jusqu’àprésent,cela
nem’a jamais troublée,mais aujourd’hui celame renvoie l’image d’un foyer peu accueillant, commevieilliparletempsquipasse.LecontrasteavecForeverestconsternant,tantladifférenceestflagrante.Lamaisond’Aïdenestsichaleureuse,siagréableàvivre.Ici,lesmursbeiges,leparquetetlesmeublesen bois sombre rendent l’ensemble si insipide. Les grandes fenêtres donnant sur le jardin, arboré desapinsetdepetitsbuissons,égayentuntantsoitpeucetenvironnementaustère.
Jem’approcheetentrouvrelentementlerideau.Unoiseauposésurlafontaineaudauphins’envoleetme rappelle combien, enfant, j’aimais venir m’assoir sur le banc de pierre pour la contempler. Sonruissellementmélodieux,mélangéàceluidubruissementdesvagues,m’apaisaitchaquefoisquejevenaisici.Nousprenonsplaceàl’immensetable,oùdenombreuxdînersd’affairesysontdonnésrégulièrementparmonpère.Salongueurestabsolumentdémesuréeavecsesvingt-deuxchaises.Mamèremeregarde,etmesouritenm’adressantunclind’œilcomplice.Monpèresetrouveenboutdetableàmadroite,afindemarquersaplaceauseindecettefamille.Jadis,c’étaitcelledemongrand-père,maisaujourd’huic’estsongendrequil’aprise.Jelerevois,assisprèsdemamèreetmoi,ànouscontemplercommesinousétionstoutesavie.MatanteKaren,unefemmeavide,nepartageaquerarementcestendresmoments,préférantvivreàl’autreboutdupaysavecsonmarinumérotrois.Pourtant,mongrand-pèreétaitunhommebon,attachantetformidable.Jamais,jenepourraioubliersesyeuxauxcouleursdel’océan,etcettebarbegrisonnéequimechatouillaitlevisagechaquefoisqu’ilmeprenaitdanssesbras.Ilétaitlaseulefamillequinousrestait,àmamanetmoi.Encequiconcernemagrand-mère,ellenousaquittéslorsquej’étaisencorequ’uneenfant.Jen’aiquetrèspeudesouvenirsavecelle.Monpère,lui,aperdusesparentsaprèsl’universitéetétantfilsunique,ilneluiresteaucunefamille.
Claire, notre gouvernante, traverse la pièce, accompagnée deTheresa, notre serveuse. Elles sont ànotreservicedepuismonplusjeuneâgeetjelesaitoujoursbeaucoupappréciées.
—Bienvenuechezvous,MlleEvans,mesalueClaired’unsignedetête.—Merci,dis-jed’unevoixbasse,sousl’œilobservateurdemonpère.Theresame salue également et approche le chariot de service. Elles dressent nos assiettes dans le
silence.Monpèreposesescoudessur la table, lesmains jointesdevantsabouche. Il réfléchit toutenm’observantd’unregardscrutateurquinemeplaîtguère.Jetentetantbienquemaldemeconcentrersurmonrepasfinementdressédevantmoi,mais,commeàsagrandehabitude,ilmedéstabilise.Melinda,tudoisresterforte,respire…Puisils’adresseàClaire:
—Cesoir,j’organiseundînerd’affaires.JevouslaisseréglertouslesdétailsavecMmeEvans, luiannonce-t-ilenportantsonverredevinàseslèvres.
—Bien,Monsieur,luirépond-elle,surprise.Mamère cligne des yeux, étonnée par cette soudaine nouvelle. Elle n’a pas l’air au courant et se
tortilledéjàsursachaise.Jesaiscombienelledétestejoueràlabonneépousesoumisepourunhommequinelaméritepas,maiselleaapprisàsetaireetàmettredel’eaudanssonvin.Pourtant,c’estellequiatouteslescartesenmainetquipourraittoutenvoyervalsersiellelesouhaitaitvraiment,maisilacetteterribleemprisesurelleetsaviequejenem’expliquepas.
— Je n’avais pas connaissance de ce dîner. Combien serons-nous, cette fois ? demandemamère,agacée.
Ilhausseunsourcilirrité,leregardvitreuxetluirépondsèchement:— C’est un nouvel investisseur. J’aimerais qu’il puisse se sentir à l’aise au sein des Entreprises
Evans.Cethommeprésente,àluiseul,unatoutconsidérablepournotresociété.— Bien, je donnerai toutes les recommandations nécessaires à Claire afin que ce dîner se passe
commetulesouhaites.
14h45
Ledéjeunertoucheàsafinetjen’aiqu’unehâte:remonterdansmachambrepourfairelevidedansmatête.Jemeraclelagorgeafindecapterl’attentiondemesparents.Monpèremedévisageaussitôtenarquant un sourcil suspicieux.Faitesqu’ilme laisse tranquille, aumoinspourquelquesheures… Jeleuradressetouràtourunsourirecontenuetleurannonce:
—Veuillezm’excuser,maisjesuislasse.Jemontemereposer…—Nousdevonsavoiruneconversation,Melinda,objecteimmédiatementmonpèred’unevoixsévère.—Mais…—Iln’yapasdemaisquitienne!Quetuleveuillesounon,nousallonsavoircetteconversationdans
monbureauetnemefaispasattendre!J’aidesaffairesurgentesàtraitercetaprès-midi,mecoupe-t-ilenselevantdesachaise.
Jeresteaphone,sansoserbougerd’unpouce.Puisilnousadresseunsourirecrispé,etquittelasalleàmangerendisparaissantdanslehalld’entrée.Mamèremelanceunregardsidéréenhaussantlesépaules.J’attrapemaservietteetlabalancesurlatabletoutenmelevant.Cetteconversationneprésageriendebonetilvaencoretenterdem’assenerundecesinnombrablesargumentsafindemedéstabiliser.Jevaisdevoirluitenirtêteetjesuisfinprêteàledéfier.
—Veux-tuque je t’accompagne,machérie?medemandemamèrequi se lèveà son tourpourmerejoindre.
—Non,maman,refusé-jegentimentensecouantlatête.Jevaisparfaitementm’ensortiretjesaisdéjà
àquoim’attendre.—Trèsbien.Danscecas-là,jevaisorganiserledînerdecesoiravecClaire.Rejoins-moiplustard
aux écuries. Je suis certaine que tu as beaucoup manqué aux chevaux et à… Esperanza, dit-elle ens’avançantversmoietmeserrantuninstantdanssesbras.
—Oui,promis.Àtoutàl’heure,réponds-jeenposantuntendrebaisersursajoue.Je lui souris et quitte la pièce d’un pas assuré. Je traverse le hall,mais une angoisse grandissante
s’emparedéjàdemoilorsquejem’avanceverslaportedesonbureau.Jedétestecetendroit…Chaquefoisquejem’enapproche,jesenslapeurm’envahir,etmeretrouverseuleavecluientrecesquatremursnefaitqu’accroîtremoninquiétudeetcettesensation.
Jefrappetimidementàlaporte.—Entre!Jetournelapoignéeetpousselaportequis’ouvrelentementdevantmoi.Soudain,unflash,uneimage
mereviennentclairemententête:
Jesuisfaceàcettemêmeporte,paniquée,presquetétaniséesurplace.Maispourquoi?Jeposelatêtecontreleboisfroidafind’essayerd’entendrequelquechose.Ilfaitsombreetunsilencedemortrègne dans le hall d’entrée.Mais les voix, ces voix, provenant de l’intérieur du bureau,m’attirentirrémédiablement.J’aicetteenviepalpable,presquevitale,dedécouvrircequis’ypasse.Jepousselentementlaporteet…
Unedouleurmecompresselecerveauetjesecouelatêteenappuyantsurmestempespourfairecessercemalqui lacomprime.Lesoufflecourt, je tentedereprendremoncalmeetd’inspirerprofondément.Peut-être était-ce le soir où j’ai surpris la conversation de mon père avec Kurt ? Non, cette imageressemblebeaucoupplusàcelledemescauchemars. Je jetteun regardcirculaireautourdemoi,maiscetteportemesemblepluspetiteetmoinssombre.Àquoiestliécesouvenir?
—Melinda?!—Oui,j’arrive…J’entredans lapièce, encore sous l’emprisedecettevisionquim’a laisséeungoûtameret rendue
perplexe.Monpère,l’airdubitatif,adosséàsonfauteuilencuirnoir,mefaitsigned’avancer.— Je t’en prie, assieds-toi. Cette situation n’a que trop duré, me détourne-t-il de mes pensées
défaillantes.Jeprendsplacefaceàluienregardanttoutautourdemoi.Mesdoigtss’entortillentdéjàentreeuxtant
latensionestàsonparoxysme,faceàcettepiècequinem’inspireguèreconfiance.Jen’osecroiserleregarddecethomme,pourtantc’estcequejefais.Ilmesondecurieusementcommes’ilessayaitdelireenmoi,maisiln’yestjamaisparvenuetcelan’arriveracertainementjamais.
—Bien…Paroùcommencer?medemande-t-ilenseraclantlagorge.Ilyadeçaplusieursmois,j’ai
prisconnaissancequ’uninvestisseurproposaitdesoffresderachatsàcertainsdenosclients.Parlasuite,nouslesavonsperdusainsiquedesmarchéstrèsprometteurs.Parconséquent,j’aisouhaitélerencontreretquellenefutmasurprisededécouvrir…M.Kyle.
Je fais mine de ne pas comprendre en fronçant les sourcils. Jusque-là, je ne vois pas où est leproblème.KyleEntrepriseinvestitchaquejourdansdenouvellessociétésetAïdenestlibredetravailleravecquiilsouhaite.
—Etenquoi toutceciestunproblème?KyleEntrepriserachètedescentainesdesociétésdans lemonde,luifais-jeremarquerenclignantdespaupières.Maisoùveut-ilenvenir?Monpère,stupéfait,medévisageethausseunsourcilsuspicieuxenguettant
maréactionquisefaitattendrepourlemoment.Puisilreprend:—Jevaistoutt’expliquer.Toutcelaneressembleenrienàuninvestissement,Melinda,maisplutôtà
uneguerresansmerciqueton…petitamiadécidédelivrerànotreEntreprisefamiliale.—Cen’estpasmonpetitami!objecté-jeaussitôt,cequiluiarracheunsouriredesatisfaction.Bravo,jeviensdeluioffrircequ’ilsouhaiteet,enprime,surunplateaud’argent.Non,maisquelle
gourdejefais!Ilesquisseunsouriresournoisetcontinuesatirade:—En parallèle, certains de nos actionnaires ont accepté de vendre leurs actions à un investisseur
anonyme,etce,pourdessommesexorbitantes.Cequirestetrèsétrangeetsurprenantdesurcroît,c’estquejenesuispasenmesurededécouvrirquiestcenouvelactionnairedesEntreprisesEvans.Pourlemoment,sonavocatrestel’uniquecontactquej’ai,étantdonnéquesonclientdésiregarderl’anonymat.Néanmoins, je suis certain que ce n’est pasM.Kyle.Mais est-il lié de près ou de loin à toutes cesopérations?Ça,jen’ensaisrien.
—Tuveuxdirequenousavonsperdudespartsdelasociété?—Cetactionnaireanonymeendétientdéjà30%,m’avoue-t-ilengrimaçant.—Maiscommentcelaest-ilpossible?!m’emporté-jeentapantdupoingsurl’accoudoirenboisdu
fauteuil.—Melinda,je…—Nousdétenions90%de la sociétéà lamortdegrand-père !Pourquoiavoirvendunosactions,
papa?lecoupé-jeenhaussantlavoix,furieusequ’iln’enaitpasparléàmamèreetmoi.—Du calme…Notre famille en détient encore 51%, donc nous restons actionnairesmajoritaires
quoiqu’il arrive. Le reste de nos actionnaires, quant à eux, en détiennent encore 19%.Mais si cettepersonnevenaitàrachetertoutesleursactions,ellepourraitbienendétenirl’autremoitié,m’avoue-t-ilenguettantnerveusementmaréaction.
—Pourquoilesavoirvendues?!Qu’est-cequetuasfaitdetoutcetargent?demandé-je,enmelevantdemachaiseetposantmesmainssursonbureau,lesyeuxrivéssurlui.
—Lacriseéconomiqueetlapertedenosplusgrosclientsnem’ontpaslaissélechoix…—Si tu avais des problèmes d’argent, tu aurais dû nous demander àmamanoumoi ?Nous avons
égalementnotremotàdireetaurionsétéheureusesd’investirdansl’entreprisedegrand-père!—Tamèren’yconnaîtstrictementrien!crache-t-il,horsdelui.—Elleaétéunpilierdanssaconstruction,ettulesaistrèsbien!Aprèsvotremariage,elleadécidé
dem’éleveretc’estcequilarend,pourautant,inutileàtesyeux?!Qu’ellesesoitoccupéedesaproprefille?!Chosequetun’asjamaisfaite!
Je le fusille du regard.Comment a-t-il osé nous faire une telle chose ? Je lui faisais confiance, etjamaisjen’auraisimaginéqu’ilpuissecéderlespartsdelasociétéàdeparfaitsinconnus.Voilàoùnousensommesaujourd’hui : l’entreprisedegrand-pèreestdiviséeenplusieursparts sansque l’onpuissesavoirquisecachederrièretouscesrachats.Sicen’estpasAïden,quialors?Monpère,exaspéréparlasituation,secouenerveusementlatêteetajouted’unevoixgrave:
—Uneréunionestprévuedansquelquessemainesavecleconseild’administration.Jesuiscurieuxdedécouvrirquiestcemystérieuxpersonnage.LesactionsenBourseontchutéetnoussommesfaceàunproblèmesansprécédent.Lesactionnairesvoienttoutcelad’untrèsmauvaisœil…
—Eh bien,moi aussi ! Je n’ai jamais voulu entendre parler des Entreprises Evans, car ilm’étaitinsupportabledetravailler…
Jemetaisetbaisselatête,depeurd’endiretrop.Jeneveuxpasmedisputeravecluialorsquejeviensàpeinederentreraumanoir.J’inspireprofondémentetremarquecombienmonpèreestsoucieux,perduetlesnerfsàvif.Ilpasselesmainsdanssescheveux,dénouesacravateetattrapeunmouchoirdetissublancdanssavestequ’ilvienttapotersurlesquelquesgouttesdesueurquiperlentsursonfront.Lasituationdans laquelle il se retrouve lui faitperdrepatienceetà son regardnoir, jecomprendsque ladiscussionestloind’êtreterminée.Jetentedereprendrepluscalmementsanslefairesortirdesesgonds,cequinenousmèneraitnullepart.
—PourquoiAïdenaurait-iljetésondévolusurlesEntreprisesEvans?Quellesseraientsesraisons?Puisilyacetactionnaireanonymeàprésent,ettudistoi-mêmenepassavoirquiilest?demandé-je,enmeredressantetencroisantlesbrascontremapoitrine.
Il grimace sans me répondre et je sais qu’il prépare un discours qui va me laisser sans voix. Jem’avance jusqu’à la fenêtre qui donne sur l’entrée du manoir où Kurt, en pleine conversationtéléphonique,fumeunecigarette.Plusieursdeshommesdemaindemonpèrerôdentauxabordsdujardinetprèsdugrandportailen fernoir. Je saisdesourcesûrequ’Aïdens’attaqueavecacharnementàunesociété, mais pourquoi à celle de ma famille ? Quelles raisons assez fortes aurait-il de sacrifier sasociété pour détruire celle desEntreprisesEvans ? Pourquoi se serait-il rapproché de la fille de sonconcurrentdirect?Non,c’estimpossible!Jecommenceàsaisirtoutel’ampleurdelasituation.Leslarmesmemontent
aux yeux, sans pour autant accepter de voir la terrible réalité en face. Je me tourne vers mon père,attendant avec appréhension de connaître le but de cette mission suicide qu’Aïden poursuit avecacharnementcontrenous.Dois-jeluiconfiermaconversationavecEmma?Mevoilàtentantdeprotéger
Aïdendesgriffesdemonpère…—Sesraisonssontassezclaires,Melinda.Jepenseavoirdécouvertpourquoi ilnousattaquede la
sorte.Ils’estrapprochédetoipournousatteindreettesoutirerdesinformations!affirme-t-ildebutenblanc,sûrdelui.
—Non!Unelarmecoulelelongdemajoue.Ils’estservidemoi,voilàlatristevérité.Notrehistoirenetient
àrien.Touscesmomentsmagiquespassésàsescôtésont-ils tousétépréméditésafinqueje lui tombedans lesbras?Moncœurestbrisé, saignépar lesproposdemonpèrequimesemblentpourtantbienvrais. Il est tombébeaucoup trop rapidement amoureuxdemoi.Moi aussi, cela dit,maismoi j’ai éténaïve,emportéeparmessentiments,etvoyantenluilepreuxchevalierblancvenantmesauverdemestorpeurs.J’auraisdûmeméfier,maisaulieudecela,jesuistombéeéperdumentamoureusedelui.Aïdenabienjouésonrôleenmefaisantcroirequ’ilnepouvaitpasm’approcherpourmieuxm’attirerdanssesfilets.Jesuistombéedanssesgriffesdeprédateuret,aujourd’hui,c’estlecœurlacéréquejevaisdevoirl’oublier enmettantune croix sur lui. Il a réussi àmevolermonâme,mon innocence…Pourtant, uneforceaufonddemonêtremejure,mecrielecontraire,maisjerefusedel’écouter.
—Tunevoisdoncpasqu’ilveutdétruirelesEntreprisesEvans?Cellequetongrand-pèreacrééedesespropresmainspourtelaissercethéritage,remet-ilsurletapis.
— Je ne veux pas entendre parler de ce testament ridicule. Depuis dix ans, je vous répèteinlassablementquejenesouhaitepasprendrelescommandesdelasociété!Etpuis,quegagnerait-ilànousruiner?
Mon père quitte son siège, et contourne son bureau. Il lève les yeux vers la carte des États-Unisaccrochéesurlemurprèsduglobeterrestre,etmerépondd’unevoixthéâtrale:
—Ilserait l’hommeleplusfortdetoutl’ÉtatdeWashington,etpeut-êtremêmedupays.Rêvantdepouvoir, et reconnu comme un homme d’affaires puissant et redoutable. Oh, oui ! Le monde luiappartiendraitenfin…,fanfaronne-t-il,lepoingserréetleregarddanslevideàprésent.
—Aïdenn’estpasl’hommequetudécris,papa…Ilbaisselesyeuxversmoietmedévisage,ahuriparmespropos.— Melinda ouvre les yeux, c’est pourtant clair ! Notre famille doit rester soudée pendant cette
épreuve.Nousdevonsprotégercequinousappartient,proteste-t-ilens’avançantdroitsurmoi.Ilposesesmainssurmesépaules,attendantuneréactiondemapart,maisjenetrouveplusmesmots.
J’opinesimplementde la têtepour luiconfirmerque jesaisiscequ’ilessayedemefairecomprendre.Lesyeuxnoyésdelarmes,jetentedegardermoncalmeetunecertainedignitéfaceàcettesituationquim’a échappée.Tout estma faute… Aïden veut anéantir mon père et je lui ai offert l’occasion de serapprocherdesEntreprisesEvans.Maisunequestionsansréponsemebrûleencoreleslèvres…
—Quiétaitsafemme,papa?merisqué-jeàluidemander.Monpèrereculed’unpas,stupéfaitparmaquestion.Ilretournes’assoirsursonsiège,etreprendune
posture convenable, digne de celle d’un chef d’entreprise. Il déglutit avec difficulté en fronçant lessourcils,etmesemblefortembarrassé.Jemerapprochedelui,attendantuneréponsedesapart.
—Toutceque jesais,c’estqu’elleadisparuaprès leurmariagequiétaitapriori très intime.Desbruitsdecouloirsdisentqu’ilsseseraientfréquentéspendantdeuxansetàlasuitedecela,ilsauraientdécidésoudainementdesemarier.Maispersonnen’ajamaissuquiétaitcettejeunefemme.
—Commentsais-tu toutcela?demandé-je,enposantmesmainssursonbureau,sanslequitterdesyeux.Etnememenspas!
—Cenesontquedesbruitsdecouloirsetlapresseàscandalesraffoledecegenredepotins,répond-il nerveusement enprenant undossier sur sonbureau.Àprésent, je doisme remettre au travail.Maisj’aimerais que tu réfléchisses encore une fois à ma proposition. Viens me rejoindre aux EntreprisesEvans,faisletourdesservicesafindeprendretesmarques.Apprendsàconnaîtrenosemployésetquisait,aimeras-tut’épanouirauseindurêvedetongrand-père.Qu’enpenses-tu?
Jeledévisage,sansluirépondre.Saréponsen’estpasclaire,voirefurtive,commes’ilmedissimulaitencorequelquechose.Jemarcheunlongmomentdanslebureau,lesdoigtstapotantmeslèvres,àsongeràsonoffre.IlestévidentquejenevaispasretournertravaillerchezKyleEntreprise,parconséquentjemeretrouveànouveau,sanstravail.Encequiconcernelapropositiondemonpère,jesuismitigée,maismoinsseptiqueàl’idéedetravailleraveclui.C’étaitl’entreprisedemongrand-pèreetjel’aimaisdetoutmoncœur.Mamèreetmoiétionslaprunelledesesyeuxetilétaitunhommeetunpèreformidable.Nousavions une relation extraordinaire tous les deux. Ilm’a tant appris, commemonter à cheval ou bien àdanser,etm’afaitdécouvrir la littératuredanscettebibliothèquemagnifiquequise trouveunpeuplusloindans lehall.Mais leplus important, estqu’ilm’ait apprisà respecter lesautres, àcroireenmesrêves,àêtrehonnêteetloyale.Savoixmereviententêtecommeunedoucemélodiequiaurabercémonenfance:
«Mapetiteprincesse…Tuesl’orgueildetonvieuxgrand-pèreettuportesentoiuneforcedonttunesoupçonnesmêmepasl’existence.Etpourtant,jelavoiscroîtreentoichaquejourquipasse.Tumerappelles,moi, à ton âge et je suis si fier de toi.Un jour, tout ceci t’appartiendra, disait-il enmemontrantdelamainlemanoiretl’horizon.Jesuiscertainquetusaurasprotégercequej’aiconstruitavectamèreettagrand-mèreRosaline…QueDieuveillesursonâme…»
Ilafaitbienpluspourmoiquemonproprepère.C’étaitunrêveuraugrandcœur,unhommebon,droitetloyal.Ilprotégeamamèreaveccecontratprénuptialquistipulequ’aumoindrefauxpasoudivorcedemesparents,monpèreperdraittoussesdroitssurlaprésidencedel’entreprise.Maisça,c’étaitavantqueje n’atteigne ma majorité. À présent, mon père reste aux commandes uniquement, car il en a laprocuration.Maisqu’adviendrait-ildelui,sijedécidaisdereprendrecesiègequimerevientdedroit?Mongrand-pèreavaitdéjàsentiquesongendren’étaitpascommenous,alorsilyadixans,aprèsqu’il
ait appris qu’il lui restait que quelques semaines à vivre, il me légua l’entreprise, certain que j’enprendrai un jour les commandes. Il disait que j’avais assez de cran, de courage et d’honnêteté pourrelevercedéfi.Mamèrehéritasimplementdelamoitiédesafortuneavecsasœur.Jepensequ’ilvoulutencoreunefois, laprotégerdemonpèreen l’écartantde laprésidence.Puis ilnous léguaà toutes lesdeuxlesclésdumanoiretdesécuries.Les90%del’entreprisemerevinrent intégralement,maismonpère en est le P.-D.G par procuration, car à l’époque j’étais mineur. Aujourd’hui, reprendre lescommandesm’esttoutbonnementimpossible.Jen’aiaucuneexpérienceetjenem’ensenspascapable.Néanmoins,jepeuxêtreauxcôtésdemonpèreafindem’ypréparer…etdelesurveillerdeplusprès.Quedois-jefaire?—Jesuiscertainquetuprendraslabonnedécision.Cethommeneméritepastoutel’affectionoujene
saisquelsentimentquetuluiportes.C’estimpardonnablecequ’ilt’afaitettulesaisaussibienquemoi.Nousavonstantbesoindetoi.J’aibesoindetoi.
Ilm’ablessée,c’estvrai.Maisilm’arendueheureuse,vivanteetjemesuissentiesi…uniqueàsesyeux.Sonregardnementaitpas,j’ensuiscertaine.Soudain,jesongeànotrearrivéeaumanoiretàmaconversationavecmonpèreàl’arrièredu4x4:
«J’aiunehistoireàteraconter…Ilétaitunefois,unejeunefillequirencontraunhomme.Illuipromit
montsetmerveilles.Celui-làmêmequiavaitjurédevengersafamilleetdedétruireles…EntreprisesEvans!»
Attendez,maisjen’aipastoutsaisilà?Sevenger,maisdequoi?—Autrechose,Melinda,poursuitmonpère.Jemeretourne,encoreperduedansmespenséessanssavoirquelledécisionprendre.J’aibesoinde
comprendrelaraisonpourlaquelleAïdenajurédevengersafamille…Leregardvide,jerépondsàmonpèred’unevoixblanche:
—Oui?—Tunesaispastout,assieds-toi…
«Pourêtreheureux,jecroisqu’ilfautavoirsouffertauparavant.Jecroisquec’estenrésistant
aumalheurqu’onaunechancedegagnerlebonheur.»
GuillaumeMUSSOSource:Jerevienstechercher-2008
-2-
VashonIslandSamedi17mai201415h35
Aïden
BenempruntelaroutemenantàcepetitcoindeparadisnomméVashonIsland.Jen’yaipasremislespiedsdepuisuneéternité,bienquel’amourdemavieysoitrestéemprisonnéderrièresesmursdepierre.Lepaysagemerappelletantdemerveilleuxmoments.Cetteîleétaitmonhavredepaix.J’yaimesplusbeauxsouvenirs,maisellem’aégalementarrachéauxêtresquicomptaientlepluspourmoi…Enfant,jecourais à travers les dunes sur ces chemins menant à la plage. Plus tard, j’y fis la plus belle desrencontres : celle qui allait changer et bouleverserma vie, à tout jamais.Avec le temps, jeme rendscompteque j’ai toujoursvouluvivreunehistoired’amourdignedecellequemesparentsontpartagéetoutaulongdeleurvie.J’aieuleplusbelexemplequ’unenfantaitbesoind’avoir.Ilsétaientsiheureuxensembleetformaientuncouplesimerveilleux,siparfait…
Que penseraient-ils de leur fils qui vient une nouvelle fois de perdre sa femme ? Ils seraientcertainementdéçusdelaviequejemène,maisfiniraientparmecomprendre,dumoinsjel’espère.J’aifait le choix à l’époque, de disparaître de sa vie puisqu’ellem’avait effacé de samémoire. Peut-êtreétait-celafacilitéetuneporteouvertesurcequicoulaitdansmesveines : lasoifdevengeance.Puis,découvrirlavéritéetassurersasécuritépassèrentau-dessusdetout,mêmedel’amourquejepouvaisluiporter.Aujourd’hui,lorsquelanuittombeetqu’uneétoilefilantetraverseleciel,jedemandeàlabrisemarine qui caressemon visage, noyé dans ce chagrin incommensurable dans lequel je plonge chaquesoir:—Pourquoisuis-jetombéamoureuxdecettefemme?Celledontlepèreaanéantitousmesrêves
d’enfantetbrisémafamille…Effectivement,l’attractionavaitététropfortelorsquejel’avaisrencontréesurlaplagedesablefin,
maisc’étaitsanscomptersur tout l’amourquiallaitnousunirau-delàde lahaineetdemavengeance.
Malheureusement,leDestinenavaitdécidéautrement.Jefisalorslechoixdel’abandonnercontrecettetentationpourlaquellejecédaismonâme,àtoutjamais.
Àprésent, jevaisdevoirm’expliquer,maiscomment?Ellen’apaslemoindresouvenirdemoi,denosmomentssouslesdrapsdesatinetduplusbeaujourdenotrevie.Jenesuisqu’unparfaitétranger,vivantdanslapénombredesonespritravagéparlapeur.
Unemouette,poséesurletoitd’unemaison,s’envole.Jelasuisdesyeuxetluienviesaliberté.J’aibeausonderduregardlesnuagesquis’élèventdanscevasteocéanqu’estlecielbleudecemoisdemai,maisjen’ytrouveaucuneréponse.Notreéquipeestautaquet,prêteàintervenir,sansaucunepitié,danscetteforteressequidétientMelindadepuistroisans,Dieuseulsaitoùtoutcelavaencorenousmener.JebrandisunenouvellefoislesTablesdelaloi,sansmêmetenircomptedesconséquencesauxquellesjedevraisfairefacesileschosesvenaientàmaltourner.
William a tenu à m’accompagner au manoir des Evans. Il se tient près de moi à l’arrière de lalimousine,leregardrivéverslepaysage.Jesecouelentementlatête,dépasséparlesévénementsetparle fait d’entraîner avecmoidansmachute,monmeilleur ami.Comment ai-jepu laisser les choses enarriverlà?Ilsetourneversmoi,m’observed’unairsoucieuxetmedit:
—Gardetoncalme,s’ilteplaît.LaisseBengérerlasituationetresteenretrait.—Jenesaispassij’enseraicapable.TroisansWilliam,troisansquemafemmeaétéarrachéeàma
vie.Jeserrelepoingtantlapressionestforteenjetantunœilàmamontre,15h39…Plusieursheuresse
sontécouléesdepuisqu’elleestpartie.Sonpèreadéjàeuletempsdeluifaireunlavagedecerveaudontluiseulalesecret.JecroiseleregarddeBendanslerétroviseurquim’al’airtoutaussitenduquenous.Puisd’unevoixgrave,ils’adresseàmoi:
—M.Kyle,laissezfairenotreéquipeetjevousprometsquetoutirapourlemieux,maisn’intervenezpasavantque jevousendonne l’ordre.Pourvotrebienetceluidevotre femme,veuillez respecter leprotocoledesécuritéquenousavonsmisenplace.
— Je veux qu’elle quitte immédiatement cettemaison !Ce soir, elle sera de retour à Forever, peuimporteleprixàpayer!Veuillezaccélérer,jevousprie!
Benriposteaussitôtenélevantlavoix,meprenantaudépourvu.—Nous devons traiter cette affaire avec la plus grande prudence,M.Kyle. Personne n’a le droit
d’entrer chez quelqu’un par effraction et d’enlever une femme sans son consentement, lance-t-ilfermement.Soyonssubtils,cen’estpasl’enviequimemanquedeluicollermonpoingdanslagueuleàce…
Ilgrimaceetretientunjuronquejepeuxentendred’ici,sansmêmequ’iln’aitbesoindeleprononcer.—Nousnepouvonspasintervenirdecettemanière.Gardezvotrecalme,jevousprie.Nousarrivons
dansquelquesminutes,ajoute-t-il,cettefois,pluscalmement.Ilaraison…J’acquiesced’unsignedetêteenmereplongeantdanslepaysage,oùdéfilentlesarbres,
lesmaisonsetlescheminsautraversdescollines.Nousempruntonsunerouteàdroiteoùapparaît,enfin,telunmirageenpleindésert,lemanoirdesEvans.Moncœurs’emballe,monsangboutdansmesveines,etj’ailesnerfsàvif.Jemetortillesurmonsiège,netenantplusenplace,prêtàdescendredevoitureetaffronter cette enflure d’Evans. Comment va réagir Melinda ? Va-t-elle me suivre sans poser dequestions?A-t-ellesongéàtoutcequejeluiaiditavantsondépart?
«Regarde-moi…Regarde-moi ! Tu vas entendre tout et n’importe quoi àmon sujet, et tu douteraschaque jourde l’amourque je teporte.Jeveuxque tu tesouviennesde touscesmomentsquenousavonspartagés.Gardetabagueaudoigt…N’oubliepastapromesse…Tuesl’unique…Promets-le-moi!»
A-t-elle toujours sa bague au doigt ? Peut-être n’aurais-je pas dû la lui donner ? Nous y tenionsbeaucoup,elleesttoutcequimerestedemamère…Melindan’étaitpasprête,etj’étaisapeuréàl’idéede laperdreànouveau.Elleestmamuse,ma raisondevivre…Jevais la récupérer,quoiqu’ilm’encoûte.Jedonneraimaviepourelle.
—Noussommesarrivés,M.Kyle,m’informeBenquimesortdemestroublantespensées.Ilsegareàplusieursmètresdel’entréedumanoir,etsetourneversnous,l’airgrave.Williamdétache
saceinture,passelesmainsdanssescheveuxetm’observe.Ilmeparaîtàprésentsoucieux,cequinefaitqu’attisermonenviede la rejoindre. J’attrape lapoignéedemaportière,maisBenverrouille aussitôtl’AudiA8.Jeluijetteunregardnoiretilfroncelessourcilsensecouantlatêtepourmel’interdire.Jedéglutisavecdifficulté,perdudanstoutceflotd’émotions,rongéparlaculpabilitéetl’envied’allerlachercherauplusvite.Williamposeuninstantsamainsurmonépauleetmesouritafindem’apportertoutsonsoutien,commeillefaitdepuisqu’ilestentrédansmavie.Cethommemetapetrèssouventsurlesnerfs,maisilestunamiformidablequiestàmescôtésdepuislamortdemesparents.Aufildesannées,ilestdevenumonmeilleuramietunavocathorspair.
Williams’avancesursonsiègeetnoustransmetlesdernièresrecommandations:—Pourcommencer,jetenaisàvoussignalercombienlasituationnejouepasennotrefaveur.Nous
sommes en train de commanditer, et je pèse chacun de mes mots, une entrée digne d’un film desExpendables,noussourit-ildetoutessesdents.
Jelèvelesyeuxauciel,tantilm’exaspèreavecsonjeudemots.Cemecregardetropdefilmsetjeluiaidéjàditd’arrêterdeseprendrepourunagentdelaCIA.Ilacertainementtropjouéaumilitaireétantgosse,etducoup,ilselajoueàlaJasonStatham.Puisilreprendunealluresérieuse,seraclelagorgeetcontinuesatirade:
— Bien. On n’explose pas le portail, Messieurs, fait-il en secouant son index devant nous. Nousentronstranquillement.Ensuite,interdictiondetirersurquiquecesoitetnousnedéfonçonspaslaported’entrée ! Si vous respectez déjà tout cela, on pourra peut-être s’en tirer avec un simple procès pour
tentatived’effraction.Ben,sidéré,leregardeengrimaçantetlèveunsourcilstupéfaitpartantdeconneriesdéblatéréespar
cetimbécile.Ilretirelesclésducontact,ouvresaportièreetcracheférocement:—Allons-y,jemeursd’enviederefaireleportraitdecefilsdepute!Ben rejoint le 4x4 que nous suivons depuis notre arrivée sur l’île. Les hommes de l’équipe se
préparent, vérifient leurs oreillettes et armes tout en riant ensemble. Ils sont tous très soudés et c’estcertainementcequim’emballaleplus,lorsqu’ilsseprésentèrentàmoiquelquesjoursaprèslamortdemesparents.Benetsacarrureimpressionnantem’avaientlittéralementsubjugué.J’étaisencoreungamindansmatête,complètementpaumé,etj’avouequejemesuislaisséséduireparBenetsesfrèresd’armes,commeillesnomme.J’aiuneconfiancetotaleeneuxetjesaiscombiencettemissionqu’ilsontdemeprotégerest,etreste,leurprioritédepuiscinqans.Noussommescommeunefamille,portésparlamêmesoifdejusticeetdevengeance.
VashonIslandCinqansplustôt…
—Ilesthorsdequestionquejereprennelescommandesdel’entreprisedemonpère!—Aïden,tun’aspaslechoixettutedoisd’honorerletestamentdetesparentsetleurmémoire.Situ
abandonnes,quedeviendraKyleEntreprise?medemandeMaria,lesyeuxnoyésparlechagrin.Mesparentsviennentdenousquitter tragiquement.Lasimple imagede leuravionabîméenmerme
donnelanausée.Jesuisincapablederéfléchiretdeprendreunequelconquedécision,dumoinspasaussirapidement.
—Filho,regarde-moi…,mesusurreMariad’unevoixaimanteenprenantmonvisageencoupe.TuesunKyle.Tu es fort, courageux et tu es le digne fils de ton père.Tudois prendre cette place qu’il t’alaissée,pourtoietpourcetteviequit’attendlà,dehors.
—Unevie?Jen’aiplusaucunevie,Maria.Quevais-jedevenirsansl’amouretlabienveillancedemamèreetsanslaforceetlecouragedemonpère?Jeneseraijamaiscommeeux!
—Tun’espasseul,filho.Noussommeslà,etnousleseronstoujours.Jeposemesmainssurlessiennesenmeplongeantdanssesyeuxmalheureux.Mesparentssontmorts,
etilnemerestequecettedeuxièmemèrequem’aléguéelamienne.—Aïden?Jemetourneverscettevoixangéliquequiaprismavieenotagedepuisdessemaines.—Mariaaraison.Tutedoisd’honorerleurmémoireenreprenantlescommandesdel’entreprise.Je
sais ce que tu vas me dire, mais moi c’est différent et tu sais très bien pourquoi, me dit-elle en
s’approchantdoucementdemoi.MonDieuchacunedesesparolesestunantidoteàtoutedouleur.Malheureusement,aujourd’hui,ilne
serapasassezpuissantpouratténuercellequimelacèrelecœur.Mesparentssontmortsetjamaisplus,jenelesreverrai.
—Melinda,je…Soudain, un crissement de pneus attire mon attention. Je me libère immédiatement des mains
protectrices de Maria et traverse le salon pour jeter un coup d’œil à l’extérieur. Une berline noires’engouffreàvivealluredansl’allée.C’estquoicebordel?
Des hommes habillés en noir et à la carrure impressionnante sortent de la voiture. Ilsmontent lesmarchesetfrappentavecentrainàlaporte.J’ouvreprécipitammentetleurdemanded’unevoixsévère:
—Quiêtes-vous?—Laissez-nouspasser!Ungrandbrunmepousseetentre,suivideprèsparquatrehommesaussibientaillésquelui.—Quefaites-vousici?Maisquevoulez-vousàlafin?insisté-je,enjetantunregardinquietàMaria
etMelinda,sidéréesfaceàcettevisiteinattendue,etdesmoinssurprenantes.—Bonjour,M.Kyle.JesuisBen,agentdesécurité,etvoilàunepartiedemonéquipe,dit-ilenfaisant
unsignedetêteversseshommes.Ilmetendsamainafindemesalueretj’enfaisdemêmeenclignantdespaupièrestantjerestesurpris.
Puis il reprend en marchant d’un bout à l’autre du salon tout en regardant autour de lui, comme s’ilcherchaitquelquechoseouquelqu’un:
—Jesuislà,pourvousproposermesservicesafind’assurervotresécurité.Je hausseun sourcil interrogateur en les dévisageant tous, tour à tour. Jem’approchedeBen, cette
armoireàglacequiriveàprésent,unregardperçantetdéterminédanslemien.—Masécurité?Maispourquoi?!—Laisse-leparler,filho,s’immisceaussitôtMariadanslaconversationens’avançantversmoi.Elleposesamainsurmonbrasafind’apaisermacolèregrandissantequisefaitdéjàsentir.—Jevaistoutvousexpliquer…Aprèsça,nouspourronscollaborer,etce,pouratteindrevousetmoi,
nosobjectifs.Vousêtesetrestezàpartird’aujourd’hui,monuniqueraisond’être,M.Kyle.
Denosjours…
Jesecouelatêteafindemettredel’ordredansmesidées.Nousvoilàenfindevantcepourquoinousnoussommesbattuscestroisdernièresannées:récupérerMelinda…Williametmoipassonsungiletparballe.Àmongrandétonnement,ilsedirigeverslecoffreets’armelourdementégalement.Jem’approche
aussitôtetl’attrapeparlebras.—Qu’est-cequetufous?Tuesmaladeouquoi?!—Aïden, jesaismeservird’unearmedonczen,mec.Toutvabiensepasser,m’assure-t-il touten
rejoignantBenavecquiiléchangequelquesmotsdiscrètement.Jelèveunsourcilsuspicieuxetattrapeégalementunearmequejeglissederrièrelaceinturedemon
pantalon.Donovan, un des hommes de l’équipe, saisit la sienne et tente deme rassurer en confirmantqu’ilsontl’habitudedegérercetypedesituations.Puisnousremontonsenvoitureetroulonsdoucementjusqu’auportailquiànotregrandétonnements’ouvregranddevantnous.BensouffleimmédiatementdanssonoreilletteàDonovan,quinoussuitdansle4x4:
—Don,ilyaquelquechosequinetournepasrond.Restezsurvosgardesetonnetirepasavantmonfeuvert…Ouais,ilestfortprobable,maisrestonsvigilants.
JeregardeWilliamquihausselesépaulestoutaussisurprisquemoi.—Jepensequenoussommesattendus,Messieurs,supposeBen,lesyeuxrivéssurlesportesdefer
noir,àprésentgrandesouvertes.Deuxhommesarméssetiennentdechaquecôtédecelle-cietnousfontsigned’entrer.Bens’avance
doucement etmarqueun tempsd’arrêt tout en jetant un regard circulaire.D’ungeste franc, il passe lapremière et accélère pied au plancher en nous scotchant aux sièges. La voiture s‘engouffre à grandevitessedansl’alléemenantaumanoir.Jepivoteetjetteunœilderrièrenous.
—Ilsarrivent!dis-jeenposantmamainsurlapoignéedeporte.— M. Kyle, laissez le groupe de sécurité faire son travail, me suis-je bien fait comprendre ?
m’ordonneBen,levisagecrispéettendu.Il freine devant le manoir d’un coup de volant brusque en faisant chasser la voiture. Je sors
immédiatement,sansrépondre.CinqhommessedirigentrapidementversnousdontKurtLewis.Larageauventre, je tentedem’approcher,maisDonovanme repousseaussitôtd’unemainen secouant la têtepourm’interdiredebouger.Benvaàleurrencontreetdansuneposturedétendue,lesdévisageunàun.
Il glisse une main dans sa poche, prend un paquet de chewing-gum et en sort un qu’il porte à sabouche.Maisqu’est-cequ’ilfout?
—Vousenvoulezun,lesmecs?propose-t-ilauxhommesdeKurt.Ilssecouentlatêteenseregardant,abasourdis.Benreprend:—J’aimebienceuxàlafraise,maisj’aiunepréférencepourceuxàlamenthe...Quoiqu’aucitronce
nesoitpasmalnonplus…—Qu’est-cequevousvoulez,bandedebrascassés?cracheKurt,horsdelui,déjàprêtàbondirsur
monchefdelasécurité.Benseretourneversnousenhaussantunsourcilamusé.—Ouhhh!Vousentendezça?Ilsontdel’humourlesmarmots,semoque-t-il,suivitparnotreéquipe
quiexplosederire.
Jesuissansvoix,aphonesanssavoirquoipenserdetoutcela.Williams’approchedemoi,etmefaitencorereculer.Dosàlavoiture,sanspouvoirm’extirperducercleprotecteurdanslequeljesuisenfermé,ilmemurmured’untonfermeenappuyantsonregarddanslemien:
—Nebougepas!La scène qui se déroule à présent devant nos yeux, prend une tournure explosive sans savoir dans
combiendetempslabombevanouséclaterenpleinegueule.—C’estnousquetutraitesdemarmots?s’indigneKurtengrimaçantets’approchantdangereusement
deBen.Ilssetiennentàmoinsd’unmètrel’undel’autreetseregardentdehautenbas.Benmâchouilleson
chewing-gumsinerveusementqu’onpeutl’entendred’ici.Soudain,illuicracheàlagueuleetvocifère:—Ça,c’estpouravoirbalancétacigaretteàKyle,espècedegrossemerde.Kurtbaisselatête,passesamainsursonvisageenlevantunregardnoirpleindemépris.Seshommes
s’avancentaussitôt.—Nebougezpas!C’estuneaffaireentrececonnardetmoi!leurhurle-t-ild’unevoixstridente.KurtsejettesurBen,maiscelui-ciluiassèneimmédiatementuncrochetdudroit,vifetsecenpleine
gueule.Ilreculeprécipitamment,lenezpissantlesang,ens’accroupissantausol.—Ahhhhh!Espèced’ordure!hurle-t-ilenserelevant,fouderage.Kurt luiporteuncoupdepoingviolentdans l’estomac,maisBenlebalayeimmédiatementdupied,
lequel tombe violemment à plat ventre en gémissant de douleur, ce qui m’arrache un sourire desatisfaction.PuismonchefdelasécuritéposesonpiedsurlatêtedeKurtensepenchantau-dessusdelui:
—Arrêtedechialer,ondiraitunegonzesse, ricane-t-ilensemoquantouvertementde lui.T’esunegonzesse?luidemande-t-ilenappuyantplusfort.
—Jevaistedéfoncer,gémit-ilententantdeserelever.—Excuse-moi,jen’aipascompris?ajouteBenenlelibérant.Allez,lève-toi,tumefaispitié,dit-il
enlefrappantsurlatêteaveclamain.Soudain,unhommesejettesurBen,mais ilsedéfendrapidementenluiportantuncoupdepieden
pleinventre.L’hommetombeausol,accroupisurlui-même.Unautreluisautedessusens’agrippantàsoncou.Bengrimaceenlevantlesyeuxauciel,etnousadresseunclind’œil.Puisill’attrapeparlatêteetlebalancepar-dessussonépaule.L’hommes’écroule, tentedese relever,mais finitpars’effondrer.Monchefdelasécurité,horsdelui,seretourneverslesdeuxderniersquiseregardentl’airdedire:tuyvastoioumoi?
—Quelqu’und’autrepeut-être?demandeBenensefrottantlesmains.Ilsnebougentpasd’unpoil,lapeurselisantsurleursvisages.C’estlapremièrefoisquej’assisteà
unetellescène.Ilestincroyable!Jesavaisqu’ilétaitdotéd’unepuissancedefrapperedoutable,maislevoirpasseràl’action,melaissesurlecul.
Kurt se relève enfin et adresse un signe de tête en direction dumanoir. Jeme retourne aussitôt etentraperçoisl’enflured’Evans,cachéderrièrelafenêtredesonbureau.Jetentedem’échapperducercleprotecteurdemonservicedesécurité,maiscemurdebétonarméestinfranchissable.Bennousrejointenguettant d’un œil furtif Kurt qui se dandine d’un pied sur l’autre en tapant du poing sur sa main,certainementàcranparlaracléequ’ilvientdesemangerdevanttoutlemonde.
Benempruntelesmarchesquimènentàl’entréedumanoir,etlanceàWilliam:—Vous voyez, je n’ai pas eu à utilisermon jouet, ironise-t-il en prenant son arme et la secouant
devantlui.—Ouais,mais pour combien de temps, hein ? demandeWilliam enmontrant d’un signe de tête la
grandeporte.—Allons-y!ordonneBend’unairagacéenfronçantlessourcils.Jelesuis,toujoursencadréparmonservicedesécurité,jusqu’àl’entréedumanoir,etquisetientà
présent devant nous.Ben lève son arme et d’un tir de précision, explose la serrure de la porte, qu’iltermineparuncoupdepied.Elles’ouvreavecfracascontrelemur.Ilnousfaitsigned’entreretpénètreàl’intérieursansaucunedifficulté.Williammemarmonnediscrètementenpenchantlatêteversmoi:
—Putain!Onestmal,trèsmallà!Jerelèvedéjàcinqchefsd’accusationetquelquechosemeditquecen’estpasfini.
D’unregardmenaçant,jeluiflanqueuncoupdecoudedanslebras.—Ferme-la!Cela fait trois ans que je ne suis pas revenu ici. La dernière fois, c’était lors d’une entrevue fort
houleusequise terminacommetoutes lesautres,àcoupsdepoing.Puis lechoixs’imposaàmoiet jesaisisl’opportunitétoutencreusantmapropretombe,celledanslaquellejem’enterrechaquejour…
«L’hommepuissantquijointl’audaceàl’éloquencedevientuncitoyendangereuxquandilmanquedebonsens.»
EURIPIDESource:Lesbacchantes-405av.J-C
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LisaGerrard-NowWeAreFree
VashonIslandSamedi17mai201416h17
Aïden
Nous pénétrons dans le hall du manoir et tout est resté fidèle à mes souvenirs : cette maison nem’inspireguèreconfiance.Jem’avance,accompagnédemongroupedesécuritéquijetteunœildanslesmoindres recoins. Lorsque soudain, la porte s’ouvre sur ce bureau qui me rappelle tant de mauvaissouvenirsetaveclequelj’aisignémonarrêtdemort.L’hommeméprisable,quisertdepèreàlafemmeque j’aime, sortd’unpasassurécequimeprendaudépourvu. Jepensaisqu’il seraitpaniquéoubiensurprisdenousvoirdébarqueraumanoir,maisnon.C’estavecunsouriresournoisauxlèvresqu’ilnousrejoint.
—Bien,jevoisquetoutlemondeestlà,vousm’envoyezravi.Lejeuvapouvoircommenceretj’ensuisl’heureuxspectateur,encoreunefois,s’esclaffe-t-ilenpassantsamainàl’intérieurdesaveste.
Jem’avanced’unpas,maisBenpose immédiatementsamainsurmon torseafindem’empêcherdecommettrel’irréparable.Victorsortuncigare,etl’allumeenrelevantunsourcilamuséversnous.
—Oùest-elle?!Melinda?!l’appelé-jeenregardantautourdemoi.Jemedoisdelaretrouveretdelarameneràlamaison…—Jenesuispascertainquecelasoitunebonneidée,M.Kyle.—Laissez-laendécider,elle-même!Vousn’avezpasvotremotàdire,espèced’enfoiré!l’insulté-je
enm’avançant,maisBenmeretient,unenouvellefois,enmel’interdisantd’unsignedetête.Jesuisfrustré,terriblementàcranetauborddel’explosion.J’aiuneenvieterribledeluicollermon
poingenpleinegueuleetdelecognerassezfortafinqu’ilprennetoutelamesuredumalqu’ilainfligéàmafamilledepuisdesannées.Maisjedoismeressaisir, jelesaisbien…Commentgérercettesoifdevengeanceetdejusticequicouledansmesveinesdepuiscinqans?Cettevengeancequiaguidéchacun
demespasverscemomentoùjepourraileregarderenfaceetlevoirs’écroulerlà,àmespieds.—Vousm’avezl’airàcran,M.Kyle?Quesepasse-t-il?Auriez-vousperduquelquechose?Vousen
avezfortl’habitude,medirez-vous?m’assène-t-ild’unevoixdédaigneuse.—Espècedesalefilsdepute!craché-je,horsdemoi,enmelibérantdel’emprisedeBen.JemedirigedroitsurVictorquireculerapidementetseretrouvedosaumur.—Aïden!hurleWilliamderrièremoi,maisjesuisdepuisbientroplongtempsassoifféparlahaine.JemejettesurVictoretl’attrapeparlecouenlesoulevantdusol.—Vousn’êtesqu’unemerde!Vousm’aveztoutvoléetarrachélesêtresquim’étaientlespluschers!
Jevaisvousdétruireici,etmaintenant!hurlé-jeenresserrantdavantagemesmainsautourdesoncou.—Toi…petitmorveux?Tunevauxpasplusquetonméprisableconnarddepère!bafouille-t-ilen
laissantéchapperunpetitriresardonique.—M.Kyle!Lâchez-leimmédiatement!m’ordonnecettevoixquejereconnaîtraisentremille.Jerelâchemaproiequiretombeàgenouxsurlesol.—Tiensquivoilà…,marmonne-t-ilensefrottantlagorge.Jemetourneetaperçoisunecopiepresqueparfaitedelafemmequej’avaisencoredanslesbrasce
matin.Mais elle est différente et son sourire angélique a définitivement quitté sesmagnifiques lèvresourlées.
—Queluiavez-vousfait?m’écrié-jeendévisageantVictor,heureuxdesonnouveaucoupdepoker.—Ceque toutbonpèresedoitde faire…Protéger sa familleet ses intérêts,M.Kyle,dit-il ense
relevantetréajustantsacravate.Ilsouritendirectiondel’escalier,oùsetientMelinda.Jelèveunsourcilsuspicieux…Quelquechose
clocheetj’ail’impressionderevivreinlassablementlamêmescène,maisplusieursannéesplustard.—Viens,machérie,luiditsonpèrepleindesollicitude.Melindadescend,latêtehaute,etsansqu’aucuneémotionnetransparaissedesonsijolivisage,qui
d’habitudeestsilumineux.Elleesthabilléeavecbeaucoupdedistinctionetdansunetenuedecavalièrequ’ellen’apasportéedepuissonaccidentdevoiture.Jelesaiscarellen’estplusjamaismontéeàchevalaprès cette nuit tragique. Ses formes sont un appel à la tentation sous ce slim beige qui épouseparfaitementsescourbes.Sijefermaislesyeux,jepourraisl’imaginerlà,devantmoi,nueàm’attendresurnosdrapsdesatin,maisjen’enaipasledroit.Elleestcoifféed’unchignonbientropparfaitetsonmaquillageappuyémasquetoutesoninnocence.Néanmoins,jevoisautraversdecettenouvellefacette,sesyeuxauxcouleursdel’océanqui,eux,nememententpas.Elleestencolère,maisaussimalheureuse,perdueetcertainementbrisée.Jesaisqu’ellem’enveut terriblement,mais ilyaautrechoseque jenecernepasencore.
Samainglisselelongdelarampe,oùj’aperçoissabaguescintilleràsondoigt.MonDieu,elle laporte toujours ! Dois-je encore garder cet infime espoir qui ravive à présent mon douloureux cœur,emprisonnéparlemanquedesonamour?Ilmefautvoircelacommeunsigne,ilnepeutpasetnedoit
pasenêtreautrement…—M.Kyle…Jesuisheureuxdevousprésenterlanouvellevice-présidentedesEntreprisesEvans!
annoncesonpèred’unevoiximpérieuse.—Quoi!crié-jed’effroi.Non,c’estimpossible!—Veuillezbaisserletonencettedemeure,M.Kyle,m’ordonne-t-elled’unevoixsévère.J’en reste bouche bée, ne parvenant plus à bredouiller quoi que ce soit. Mais où est passée ma
femme?Queluia-t-ildoncfait?Elletraverselehallets’arrêtedevantmoienmedévisageantd’unairpleindeméprismélangéàcelui
deladouleur.—Dansmonbureauimmédiatement!exige-t-elle,sansmequitterdesesyeuxfoudroyants.—Quoi…?demandé-jeenclignantdespaupièrestantsonattitudeestparfaitementinattendue.Elles’avanceverslebureaudesonpèreetposesamainsurlapoignéeenmarquantuntempsd’arrêt.Ehmerde!—Tupeuxlefaire,monange,pensé-jeenlavoyantréussiràouvrircelle-ci.Puiselletournelégèrementlatêteetajoute:—Jen’aipastoutelajournée,M.Kyle!Je regarde Ben et William qui se dévisagent, surpris également par ce revirement de situation à
laquelleonnes’attendaitpas.Toutcelaestvraimentdéroutantettroublant.—Ont’attendici,Aïden.Gardetoncalme,s’ilteplaît,meconseilleWilliamenm’adressantunclin
d’œilcomplice.—Merci,William…—Nousvousattendonslà,M.Kyle,ajouteBenencroisantlesbrasdevantlui.J’acquiesceetlarejoinsenjetantunregardnoirversVictorquifumesoncigarecommesilabataille
étaitdéjàremportée.Serait-celecas?
16h29
Melinda traverse lebureauetprendplace sur le siègede sonpère, cequim’arracheun frissondedégoût.
— Bonjour, M. Kyle. Venons-en immédiatement aux faits qui vous sont reprochés…, dit-ellefroidementenmefaisantsignedem’assoirfaceàelle.
—Jenecomprendspas?!lacoupé-jeaussitôtensecouantlatête.— Auriez-vous la politesse de me laisser terminer, je vous prie ?! m’assène-t-elle en arquant un
sourcilarrogant.Queluia-t-ilfait?Oùestlafemmedouceetdélicatedontjesuistombéfouamoureux?—J’aieuventdevosmanigancesetdecetteterribleguerrequevouslivrezàmonentreprise,etce,
afindenousanéantir…—Votrequoi?Mais…,lacoupé-jeaussitôtenmelevant.—Jevoustiremonchapeau,serapprocherdelafilledevotreconcurrentétaitcertainement…—Non!—Jen’aipasterminé!Veuillezvousrassoir,M.Kyle,m’ordonne-t-elled’unevoixsévère.Jetentedegardermoncalme,maismacolèreenestàsonparoxysme.Jemerassois,sanslaquitter
desyeuxafindetenterdelireenelle,maisladéterminationquej’yperçoisnemeditrienquivaille.Queluiaditsonpère?Quelleversiondel’histoireluia-t-ilraconté?Cellequil’arrangebienentendu…
Elleseraclelagorgeetreprend:—Votredésirn’est-ilpasderégnercommeunsouverainsurlesÉtats-Unisenbalayantdelamaindes
entreprisescommelanôtre?Est-cedoncàcelaquevotrepèreinspiraencréantcettesociétédontvousenêtes,àprésent,l’uniquehéritier?
Jesuisaphone, lesyeuxmebrûlent tant laférocitédesesmotsmelacèrelecœur.Jamais,augrandjamaismonpèren’auraitfaitunetellechose.Jeprendsconsciencedelaterribleréalitéquisedessinedevantmoi :masoifdevengeanceaanéantiplusieurspetitesentrepriseset j’ensuis le seuletuniqueresponsable.Jesecouelatêtenerveusementetladévisagedehautenbas.Elleresteassiselà,lescoudessurlatableetlatêteposéesursesmainsjointesdevantelle.Ellem’al’airsûrd’elle,déterminéeetnevacillerapas,dumoinspascettefois,jelecrains.
—Monpèren’auraitjamaisfaitunetellechose,Melinda…—MlleEvans, jevousprie. Jenevousautorisepasàautantde familiaritéavecmoi,mêmesinous
avons…,commence-t-elleterriblementgênée,sansréussiràterminersaphrase.Jemerelèveaussitôtetcontournelebureauafindelarejoindre.Jenepeuxrésisterauxchantsdecette
sirènequimeramèneinlassablementverselle.Ellequitteaussitôtsonfauteuil,etreculerapidementenseretrouvantdosaumur.Sesyeuxmepassentaucribleenmedétaillantdehautenbascommeenvoûtésparmacarrurequis’approchedangereusementd’elle.Ellememanqueterriblementetj’aibesoindehumersonodeurafindemerassasierdupeuqu’ilmereste.
Jeposemesmainscontrelemur,departetd’autredesonvisageenplongeantmesyeuxdanscetocéandemilleetunemerveillesquesontlessiens.Jesenssonsouffles’accélérercontremeslèvres,ivresdedésirsàl’idéedelafairemiennesurlechamp.
—Melinda…Jamaisjen’aivoulutefairedumal…—C’estpourtantcequetuasfait,Aïden.Jepensaisquetuétaissincère…Tum’asmentietbriséle
cœur.Ajoutéàcela,j’aidécouvertquetuveuxruinermafamillepourvengerlatienne…Tutetrompes!Monpèrene…
—Tais-toi!hurlé-jeentapantdupoingsurlemur,cequil’afaitaussitôtsursauter.—Quies-turéellement,Aïden?Pourquoitantdehainedanstesyeux?medemande-t-elleenglissant
sesmainssurmonvisagequ’elleprendencoupe.
Je ferme les paupières et appuie mon front contre le sien en hochant la tête afin d’évacuer mesfantômes.Jemedoisderestercalmeàsescôtés…Ellen’estpasfautive,justeunevictimecollatéraledecettesoifdevengeancequim’aveugle.
—Oh…Melinda…,susurré-jeprèsdeseslèvresdélicates.Je relève lesyeuxvers elle etmenoiedans son regardmalheureux,parma faute…Jem’approche
doucementetl’embrassefougueusementenglissantmesmainsjusqu’àsataillequej’entourefermementdemesbras.Puisjeluisouffletendrement:
—Jet’aime…tellement,monange…Ellereculesatêteetmedemande:—Arrêtecettevendettacontrenous,jet’ensupplie.Notrefamillen’yestpourrien…Cen’étaitqu’un
terribleaccidentd’avion,Aïden.—Quoi?!C’estdonccequ’ilt’araconté?Àmonsens,ilaoubliécertainsdétails!m’exclamé-jeen
larelâchantbrusquementcontrelemuretreculantdeplusieurspas.Jeladévisage,submergéd’unimmensechagrin,celui-làmêmequiadictémespasetmaviedepuis
cinqans.Jerevois lescorpsdemesparentsétendus là,danscescercueilsdeboisblanc…Leursviesarrachéessanspitié,etcetorphelinlespleurantnuitetjour…Moi.Jerelèvelatêteverselleentapantdupoingsurlebureaudesonpère:
—Jamais, jen’abandonneraicepourquoi jemesuisbattu!Tum’entends,Melinda?Jamais!Tonpèreestunassassin,etsiturecouvraislamémoireetbientulesaurais!
—Maisqu’est-cequevientfairemapertedemémoiredanstoutecettehistoire?Ehmerde!Bravo!—Ehbien…cartusauraisquetonpèreestunassassin!—Monpèrepeutêtreunhommeméprisable,jeleconçois,Aïden!Maisunassassin?Pourquinous
prends-tu,àlafin?!s’emporte-t-elle,furieuse,ens’approchantdemoi.—Écoute-moibien,Melinda,luidis-jeenlapointantdudoigt.JevaisdétruirelesEntreprisesEvans,
ruinertonpèreetluiretirertoutcequ’illuirestedanscebasmonde,ajouté-jeenpartantverslaporteafindedisparaîtredecemanoirquimefilelanausée.
—Jemebattraijusqu’àlafin,M.Kyle.Jemeretourneverselle.Melindamedévisagecommesij’étaisunêtresanscœur,tétaniséesurplace.
Puisellejetteunœilàl’extérieuretsereplongedanslemien.—Jenevouslaisseraipasdétruiremafamille…,medit-elled’unevoixassurée.—Cen’estpasàvousd’enjuger,MlleEvans.Àmoinonplus,onnem’apaslaissélechoix,luifais-je
remarquerenrepartant.—Éloignez-vous!Vousêtesunhommebientropdangereux!melance-t-elled’unevoixétrangléepar
ladouleuretlacolère.J’ouvrelaporteetluiannonceavantdequitterceslieux:
-4-
VashonIslandSamedi17mai201417h01
Melinda
Laporteserefermesurlui.Aïdenm’aabandonnéeici,sansmêmeécoutercequej’avaisàluidire.Pourquoinousaccuse-t-ild’avoirdétruitsafamille?Pourquoimamémoireest-ellerevenuesurletapis?Savait-ilquejesouffraisd’amnésierétrogradelorsqu’ilm’acroiséeausalondurecrutement?Sesmotsenvahissentmatête…
«Tonpèreestunassassinetsiturecouvraislamémoireetbientulesaurais!»
Jesecouelatêteafind’enévacuersesparoles…Sonabsencemelaisseuntelvidedanslecœur,etmonâmeestànouveauperdueetlivréeàelle-même.J’aimeprofondémentcethomme,maisnotrehistoires’arrêtelà.Commentaimerunêtreaussivindicatifetnoyédanslesabîmesdesténèbres?Ilaquittécebureau,commes’iln’étaitplusquel’ombredelui-même.Sesyeuxassoiffésdevengeancem’arrachentencoreunfrissond’effroi.C’estdonccelaqu’ilmecachait,sansparlerdecettefemmemystérieusequiadisparudesavie.L’aurait-ellesimplementfui,voyantcettevendettaqu’illivraitàmafamille?Aurait-elleprispeuretdecefait,quitté?
Soudain,mes jambessontencotonet sedérobent sousmespieds. Jeprendsappui sur lebureauetm’assois sur le fauteuil afin de reprendre mes esprits. J’ai la tête qui tourne et quelque chose merevient…Unpandemonpasséquidéfiledevantmesyeuxcommeunfilmquiétaitsurpause:
JetraverselecouloirdesEntreprisesEvansquimèneaubureaudemonpère.Ilfaitquasimentnuitet laporte est légèrement entrouverte. Je jettediscrètementuncoupd’œilà l’intérieuretdécouvremonpèresursonfauteuil.Unefemmedansunerobeverteestassisesursonbureau,devantlui.
—Noussommesfaceàunesituationterriblementcompliquée,machérie.— Tu ne dois pas baisser les bras, Victor. Nous avons œuvré ensemble de longues années afin
d’atteindrenotreobjectif,luirappellecettevoiximpérieuse.— Il n’y a que toi qui me comprennes aussi bien. Sans toi, nous n’aurions pas pu nous en
débarrasser,maisilresteunobstacle…Commentfaire,sanséveillerlemoindresoupçon?demande-t-ilenserelevantdevantcettefemmesansvisage,dostournéàlaporte.Ilfaitglisserlesbretellesdesarobelelongdesesbras,puissesmainscaressentsondosnutout
enl’embrassant.—Jevaisveilleraugrain,Victor.Jetelepromets,luirépond-elleenpassantsesbrasautourde
soncou.—Comme toujours,machérie, lui souffle-t-il en sepenchant sur elle afinde l’allonger sur son
bureau.
—Non!hurlé-jeentenantmatêteentrelesmains.Quiestcettefemme?Monpèreaurait-ileuuneliaisonavecunedesescollaboratrices?Mamère
serait-elleaucourant?Cequejevois,est-celaréalitéoumamémoirequimejouedestours?Oùestlavéritédanstoutcela?Leursmotscontinuentderésonnerdansmatête…
«Débarrasser…Obstacle…Soupçon…Objectif…»
Jemerelève,maistombeinstantanémentàgenouxtantjen’aiplusdeforce.J’aidesspasmesdansleventre et la nausée. Je rampe jusqu’à la poubelle et me vide entièrement.Mon Dieu, j’ai l’estomacretournéetjemesenssifaible,toutàcoup…Ilfautabsolumentquejetrouvedel’aide,sinonjenem’ensortirai jamais.Mon pèremementirait-il effrontément ?Ou est-ce cette conversation avecAïden quiprendmamémoireenotage?Jesuissiperdue…Jenesaisplusquietquoicroire…Cetteconversationetcequem’adévoiléecetaprès-midimonpèremelaissentperplexe…
Jem’assoissur lesolenprenantappuicontre le fauteuil.Lesgenouxrelevéscontremapoitrine, jecontemple la bague qui brille à mon doigt. Merde ! J’aurai dû la lui rendre… Puis je la retiredélicatement,lecœurbattantlachamadeetregardeàl’intérieur:
Alice&Edward-Forever
—C’étaitcertainementlabaguedefiançaillesdesamère…,murmuré-jeenlacontemplantdanstouslessens.Pourquoimel’a-t-ilconfiée?
La police d’écriture deForever n’est pas lamême, comme si elle avait été gravée bien après. Jesecoue la têtenerveusementenprenantconscienceque jesuis faceàunmur :mamémoiredéfaillante.
Puisjemesurprendsmoi-mêmeàremettrecettebagueàmondoigt.Déterminée,jem’agrippeaubureau,attrapelecombinédutéléphoneetappellelesrenseignements:
—Bonjour.JechercheàjoindreleDrPhilipsàSeattle,s’ilvousplaît?Oui,c’estbienlui…J’attrapedequoinoteretécrislescoordonnéesdecemédecinqu’Aïdenm’avaitproposée.Maispuis-
jeluifaireconfiance?Quimegarantitqu’iln’estpasdemècheaveclui?—Merci,monsieur.Bonnefindejournéeégalement.Jeraccrocheenserrantleboutdepapierentremesdoigtstremblants.Mavieestpartieenfuméeilya
trois ans, c’est vrai. Aujourd’hui, il est temps que j’affrontemes démons et que je découvre toute lavérité.Quisuis-je?Qu’essaye-t-ondemecacher?
18h07
AprèsavoirappelélecabinetduDrPhilipsetprisrendez-vouspourmardiaprès-midi,jem’empressede descendre les escaliers pour aller rejoindremamère aux écuries.Malheureusement, je croisemonpèredanslehall,prèsdesonbureau.Ilaboieautéléphoneafinquel’onvienneauplusviteréparerlaporte,oùlaserruregîtencoresurlesol,complètementexplosée.Jelèvelesyeuxaucieltantcetteimagemerappellel’entréefracassantedontontfaitpreuveAïdenetsongroupedesécurité.
Monpèreraccrocheets’approchedemoi.J’aialorsdroitàunlavagedecerveaudontluiseulenalesadique secret. Il veut s’assurer que je n’ai pas changé d’avis concernantmon entrée auxEntreprisesEvans.Jeluiconfirmedesdizainesdefoisquejeserai là,dèslasemaineprochaineetfidèleauposteafind’entamercettelongueformationquim’attendàsescôtés.Maismesréponsesrestentinsatisfaisantesàsesyeuxetcelasevoitauregardsoupçonneuxdontilfaitpreuveàmonégard.
Enfin libérée de son emprise, je sors dumanoir et traverse les jardins afin de rejoindremamère.L’imagedesécuriesquisedessinentau loin,m’arracheunegrimace.Jenesuispas remontéeàchevaldepuisdesannées.Troisansexactement.Jenesaispaspourquoi,peut-êtrelapeurdetomberetdemeblesser?Maischaquefoisquejem’avanceversmajument,ehbien…jesuiscommetétanisée.Jen’aiaucun souvenir d’elle, pourtant elle m’apprécie et cela se voit dans ses yeux. Moi aussi, j’éprouvequelque chose de particulier lorsque je l’aperçois galoper, mais j’en reste éloignée afin d’éviter decroisersonregard.J’aipourtantàmaintesreprises, tentédel’approcher,maisenvain.Aujourd’hui, jeveuxréitérerl’expérienceetallerdel’avant,maisenserai-jecapable?
—Maman?Jetraverselesécuriesensaluantd’unsignedetêteleschevaux,sanspourautantm’approcher.Ilsme
donnentletournis…Jesorsetposemamainencasquettesurlefront:—Maisoùest-elle?murmuré-jeenjetantunregardcirculaireautourdemoi.Lavoilà…—Ah!Tueslà,machérie.Tun’imaginespascombienjesuisheureusedeterevoirici,s’émerveille
mamèrequiarriveaupasavecmajument.Elle descend de cheval et s’approche de moi en me tendant les rênes, mais je recule aussitôt en
refusantd’unsignedetête.—Enfindecompte, jenesuispassûred’êtreprêteàmonter…Esperanza,avoué-jeenm’éloignant
encore.—C’estnormalquetusoisanxieuseàl’idéedemonterànouveauàcheval.Maisçan’estpasenla
regardantducoindel’œilquetuyarriveras,machérie.Allez,approche…J’avancelentementenguettantEsperanza,quinemequitteplusduregard.Elleaunetêteexpressiveet
degrandsyeux.Jeressenstantdetendresseàsonégard.C’estsiétrange…—Elleestbelle,n’est-cepas?medemandemamèreenmetendantlesrênes.Jelesattrapeetm’approcheencore.—C’est unCamarilloWhite, une race de cheval assez rare. Sa robe blanche est particulièrement
difficileàsélectionner,cariln’yaque50%dechancesd'avoirunpoulainblanc.Tarencontreavecelleaétéunvéritablecoupdefoudreréciproque.Malheureusement,tun’aspaspuenprofiter,dumoinspasassez.
Effectivement,monaccidentdevoituresurvintpeudetempsaprèssonarrivéeaumanoir,d’aprèscequemesparentsvoulurentbienmeconfier.Maisdèslorsquejesouhaitaisensavoirunpeuplussurelle,ils se verrouillaient aussitôt. Aujourd’hui, je prends plaisir à écoutermamère, enfin décidée àm’enparler.
— C’est une jument calme, de très bon caractère, énergique et profondément docile. Dès votrerencontreauharas…
Mamèreseraclelagorge,soudainembarrassée,maismesouritetreprend:—Unfeelingestpasséentrevous…Bien,jetelaisseavecelleetsituasbesoin,jesuisàcôtéavec
Milona.Elle s’en va, sans m’en dire plus, en adressant un clin d’œil complice à Esperanza qui hennit
immédiatement,l’airsatisfait.Jesursauteenpoussantunpetitcrid’étonnement:—Oh!Tum’asfichuunedesespeurs,toi,dis-jeenposantlamainsurmapoitrine.Je lui souris, etm’avancevers elle, osant enfin l’approcher.Délicatement, je commenceà caresser
avecappréhensionsonchanfreintoutenguettantsaréaction.Elleal’airdebeaucoupapprécieretj’avoueressentiruncertainplaisiràlefaire.Apparemment,nousétionstrèsprochestouteslesdeuxetelleatrèsmalvécumonabsence.Jenevenaislavoirquetrèsrarementetlorsquejem’approchaisdetropprèsetbien,j’étaisapeuréeetm’enfuyaisaussitôtverslemanoir.Aujourd’hui,aveclerecul,j’arriveenfinàlacaresseretcelamefaitunbienfou…JecomprendsquemarencontreavecAïdennem’apasfaitquedumal.Ilaaussicréécettebrèchedansmonexistence,cellequimepermetd’avanceretdem’ouvrirunpeuplusaumonde…
—Bonjour,Esperanza.Alorscommeçanousétionscopines?Jesuisdésoléedenepasmesouvenir
detoi…Maisquisait?Unpetittoursurlaplage,nousferaitpeut-êtredubienàtouteslesdeux.Qu’enpenses-tu?
Esperanzahennitànouveau,ravieàl’idéedepartagercemomentavecmoi.—Prêtes?nousdemandemamèrequirevientavecunebombed’équitationpourmeprotégerlatête.Jelèvelesyeuxauciel…—Ne fais donc pas cette tête, Melinda. Nous savons toutes deux que tu dois faire attention, me
rappelle-t-elleenmelatendant.Jeluirépondsaussitôtd’unevoixexaspérée:—Ouais, ouais…En cas de chute, il seraitmal venu que jeme cogne la tête, hein ?Qui sait, je
pourraisretrouverlamémoire,ironisé-je,enattrapantlecasque.Allons-y!ajouté-jeafindecoupercourtàcetteconversation.
Mamère,amusée,retientsonsourirenaissantensecouantlatête,puisellemefaitsignedemontersurmajument.J’observeEsperanzad’unœilinquiet,maisacquiesceengrimpantsursondos.
— Bien, je vais venir avec toi. Nous allons pouvoir discuter calmement, loin de ce… manoir,convient-elleencontemplantnotremaisonquiaujourd’huinousparaîtsihostile.
Oùsontpasséestoutescesannéesdebonheurquenouspartagionsavecgrand-père?Plusjamaislavieneseralamême.Nousdevronsapprendreàl’accepteretavancer,maisavantça,jevaisdevoirrecouvrerlamémoire.
18h55
Cettepromenadeàchevalesttrèsagréable.Esperanzaestd’unetellesérénitéquecelaapaisetoutesles peurs que je ressentais à son égard. C’est une jument douce et calme. Ma mère a tenu à nousaccompagneravecsoncheval,Milona,afindenepasmelaisserseule.Nousempruntonscepetitchemindeterrequilongelesdunesetlaplage.Lesoleilbrilleetl’airyestdouxencemoisdemai.Mamèren’oseentamer laconversationetmeregardediscrètementducoinde l’œil, reculantcemomentoùelledevrarépondreàmesquestions.
—Maman?—Oui,machérie?dit-elleenmesourianttoutencaressantlacrinièredesoncheval.—Est-cequetuasdéjàétéamoureuse?—Pardon?s’indigne-t-elle,commesiellenecomprenaitpasmaquestion.—Jesaistrèsbienquepapaettoi…çan’ajamaisétélegrandamour,etnememenspas,luirappelé-
jegentiment,afindenepaslablesser.Ellemesouritetprendunegrandeinspirationavantdemerépondre:—Effectivement,tonpèreetmoisommestrèsdifférentsetsoncaractèren’aideenrien.—Celane répondpasàmaquestion,maman, lui fais-je remarqueren riantet luiadressantunclin
d’œil.Elleritàsontour.—Oui,j’aidéjàététrèsamoureuse,m’avoue-t-elleens’empourprant,cequimefaitaussitôtglousser.
Melinda!rouspète-t-elle,amusée.—Pardon,maman.Maistuasrougietc’estlapremièrefoisquejetevoisdansuntelétat,constaté-je
enriant.—Décidément,onnetechangerapas,rit-elledeboncœurenéchoavecmoi.Puisellesereprendetajoute:—C’étaitungarçondulycéeetavecquij’aifaitmesétudesdelettres.Ilétaitsibeau…Elles’interromptetjelaregarde,pendueàseslèvres.—Bah,continue!lasupplié-je,curieused’enapprendreplus.—… charmant et terriblement romantique,Melinda. Le plus bel homme qu’il m’ait été donné de
rencontrer,dit-elleensemordillantlalèvre,commeunejeunefilleenpriseàsespremiersémois.—Ehbien,tum’endirastant.Etalors?Vousêtessortisensemble?—Tuesbientropcurieuse,mafille,mais jevais terépondre…Oui,nousnoussommesfréquentés
plusieursmoisetnousétionsfousd’amourl’unpourl’autre.J’étaislégèrecommeuneplume,toujourslatêtedans lesnuages.Jamais, jen’ai ressentiune telleattractionetun telamourpour…unhomme,pasmême avec ton père, avoue-t-elle en terminant sa phrase à voix basse, comme gênée par ses propresparoles.
Sonvisages’attristesoudainementetse tournevers l’horizon,cherchant refuge.Quesepasse-t-il?Elleal’airémue,troublée,peut-êtredûaufaitdesereplongerdanssesannéeslycée,lanostalgied’uneépoque, certainement… Je ne veux pas la rendre malheureuse, et je préfère couper court à laconversation.Peut-êtrem’enreparlera-t-elle,unjour,lorsqu’ellesesentiraprêteàlefaire?
Moi,jeressenslamêmechosepourAïden.Mêmesi,parfois,jeregretted’êtretombéesirapidementamoureusedelui.J’ai l’impressiond’avoirquinzeansetquetousmessentimentssontdécuplés.Notrehistoireadémarrébeaucouptroprapidementetjenepouvaiscontrôlercetamourquijaillissaitdemoncœur.Maraisonmepousseàm’éloigner,maismoncœurrefusedel’écouter.C’estlapremièrefoisquejemesensaussivivante,mêmesimonchagrinresteimmense…Jen’aiaucunsouvenird’unequelconquehistoired’amouretcettezoned’ombrequitransparaîtdemonpassé,mefaisfroiddansledos.Mamèrem’appelleetmesortdemespensées:
—Melinda?—Pardon,maman.Pendantuninstant,jemesuisretrouvéeàdesannées-lumièred’ici.—Hum,del’autrecôtédel’océan,n’est-cepas?—C’estça…,réponds-jeenséchantunelarmequiperleaucoindel’œil.Noustrottonsencorequelquesminutes,bercéesparlebruissementdesvaguess’échouantauloinsurla
plage.Jemesensbeaucoupplusà l’aise,commesi jen’avais jamaiscessédemonterEsperanza.Mes
peursetangoissesenvolées,jeprofitedecettebaladeàchevalfortagréable.Ma mère se racle la gorge et inspire profondément. Malgré le sourire qu’elle m’adresse, son air
soucieuxnemeditrienquivaille.—Etcetteconversationavectonpère?m’interroge-t-elled’unevoixblanche.C’estfait!—Ehbien…NousavonsdiscutédesEntreprisesEvansetdemonarrivéedèslasemaineprochaine…—Quoi?!s’exclame-t-elle,outrée,entirantsurlesrênesafindestoppernetMilona.Jetournelatêteversl’horizon,oùsetrouveSeattlelà,del’autrecôtédel’océan.Siprès,maissiloin
également,assezpourmeteniréloignéedecemondederequins,danslequeljen’aijamaisvouluévolueretfairecarrière.Mamèrerepartautrotetmerejoint.
—Melinda?Réponds-moi,s’ilteplaît?!—J’ailaissélescommandesàpapaetregardeoùnousensommes,aujourd’hui?Maman,jen’aiplus
le choix.C’était l’entreprise de grand-père et jeme sens coupable de tout ce qui arrive. Ilme faisaitconfianceenfaisantdemoisonuniquehéritière.Delàoùilsetrouve,ildoitêtretrèsdéçu,luiconfié-jeenmetournantverselle.
Mamèrecouvreseslèvresdelamainenlaissantéchapperunsanglot,puisessuieseslarmesenmerépondantd’unevoixtremblante:
—Tunesaispasoùtumetslespieds,machérie.Cemondeestsidifférentdeceluidanslequeltuasgrandi…Tongrand-pèreserait si fierde toi,mais jenecroispasquecelasoitunebonne idée.Tuneprendraspaslescommandesdel’entreprise,Melinda.Sujetclos!mesomme-t-elled’unevoixrésolue.
Jesecouelentementlatêteenfaisantminedenepascomprendre.C’étaitpourtantcequ’ellesouhaitaitilyaencorequelquesmois,alorspourquoicerevirementdesituation?
—Jenepeuxpas le laisser tout détruire !Aïdennous adéclaré la guerre et il a l’air prêt à allerjusqu’auboutdecettevendetta!
—Aïdenn’estpas…Mamèrebaisselatête,sansterminersaphrase.—Maman?Aïdenn’estpasquoi?Ellerelèvesesyeuxlarmoyantsetmalheureuxversmoiensecouant la tête,commeperduedansses
pensées.Celameperturbeetm’apeured’autantplus.—Melinda,travaillerauxcôtésdetonpèren’estpaslasolution.Jetejurequejevaist’aider,mais
éloigne-toidetouscesrequins.Jet’enconjure!m’ordonne-t-elleenpleurs.—Tun’aspasréponduàmaquestion?!Aïdenn’estpasquoi?insisté-je,encore.La voir dans cet état me fend le cœur, mais elle détient certainement des réponses à toutes ces
questionsquimehantentetjemedoisdelesdécouvrir.—Jenesaispas,Melinda…Enfait,jenesaisplusquoipenserdetoutcela,avoue-t-elle,lasse.—Depuismonretouraumanoir, tuesdifférente,maman.Tumedemandesdemebattreafinque je
retrouvelamémoire.Ensuite,decroireenl’amouretàprésent,dem’éloignerdesEntreprisesEvans.Tuessimystérieuse,celamedéstabiliseterriblement.Maisques’est-ildoncpassédepuismondépart?J’ail’impressiond’êtrepartiedepuisdesmois,alorsqueçanefaitquequelquesjours,àpeine.
—J’aisimplementprisconsciencequelaviequetumènesdepuistroisansvatetueràpetitfeu.Jerefusedetelaissertenoyerdanstonchagrinetjesaiscombientuesmalheureuse.Jeveuxt’aider,maispourcela,tudoisapprendreàmefaireconfiance.
—Confiance?CommeAïdenmel’ainlassablementrépétédepuisdesjours,etenfindecompte,celanem’amenéenullepart!m’emporté-je,lesyeuxemplisdecolère.Sicen’estverscettesouffrancequimelacèrelecœur…,constaté-je,bienmalgrémoi.
—Alors,abandonnecetteidéederejoindretonpère,mesuppliemamèred’unevoixtremblante.Jesecouelatêtepourmarquermonrefuscatégoriqueetsansappel.—Jeveuxprendremespropresdécisionsetmondevoirestdesauverl’entreprisefamiliale.—Elleneressembleplusenrienàcelledetongrand-père!proteste-t-elleaussitôtenélevantlavoix
contremoi,cequimesurprendvenantdemamère,sidouced’habitude.—Tuesaucourantqu’aujourd’huinousnedétenonsplusque51%del’entreprise?laquestionné-je
enélevantàmontourlavoix.—Oui,jelesuis…,m’avoue-t-elleenpassantsamainsursonvisage,tantlanervositélagagne.—Incroyablequetulaissespapatoutdétruire!Maismoi,jenelelaisseraipasfaire!Ilrevendnos
actionsàdeparfaitsétrangers,etce,sansnotreautorisation!Etpourcouronnerletout,nousavonsAïdensurledos…J’avaisencoretantdequestionsàteposer,maisjen’ensupporteraidavantage,cesoir.
—Jenesouhaitequetonbonheuretjemedoisdeteprotéger,machérie,m’assure-t-elleenlarmes.—Jenesuisplusuneenfant!Laissez-moidéciderdemavie,commettredeserreurs,etensortirplus
forte.Arrêtezdemesurprotéger,àlafin!m’écrié-jeenfaisantpressionsurEsperanzaafinqu’ellefassedemi-toursurelle-même.
Immédiatement,elles’exécutedansunmouvementnaturelenmeprouvant toute laconfiancequ’ellemeporte.
—J’aiprismadécision!Jevaisreprendreenmainl’entreprisedegrand-père,retrouverlamémoireetperceràjourtouslesmystèresquim’entourent!Etmaintenant,j’aibesoind’êtreseule!Huuuuu!dis-jed’untonrésolu.
D’unepressiondejambesurleflancdemajument,ellepartimmédiatementaugalop.—Melinda!Jerefusederevenir,etempruntelechemindeboisafinderejoindrelaplage.
«Toutobstaclerenforceladétermination.Celuiquis’estfixéunbutn’enchangepas.»
LéonardDEVINCISource:Carnets-1987
-5-
Mylatestfantasy-MostSadPianoSongEver
VashonIslandSamedi17mai201419h15
Melinda
Esperanzagalopeàvivealluresur laplage.J’ai l’impressiondeflottersurunnuage,enfinlibredel’emprisedumanoiretdetousceuxquiessayentdem’agrippertantbienquemalsousleursgriffes.
—Allez,Esperanza!Vas-y,mabelle!Jamais,jen’auraisimaginéquemaviepuisseprendreuncheminaussitortueux,etquej’auraisàme
battrepourretrouverunsemblantd’existence.Ilyatellementdequestionsquejesouhaitaisposeràmamère,maiselles’estemportée.Pourquoia-t-ellesipeurquejerejoignemonpère,alorsquec’étaitsonvœu le plus cher, il y a encore quelques années ? Je sais qu’il n’est pas le père idéal, je le conçoistotalementetjelarejoinssurcefait,maisils’agitdel’entreprisedegrand-père,etjemedoisd’honorersamémoire.
Aujourd’hui, je ne peux compter que sur moi-même…Qui sait ? Ce Dr Philips pourra, peut-être,m’aideràretrouverunepartiedemonpassé,mettreenlumièrelespansdemaviequim’ontétéarrachés.J’espère sincèrement qu’il réussira là, où le Dr Parker a échoué… Il reste mon dernier espoir… Àl’époque,messéancesdepsychanalysesesoldaienttoujoursparunéchec:
—Bonjour,Melinda.Asseyez-vous,jevousprie,m‘invite-t-ilàprendreplacefaceàlui.Jetitubejusqu’aufauteuildubureaudemonpère,enprenantappuisurl’accoudoirenbois,afinde
réussiràm’assoir.J’ail’impressiond’êtredéfoncéeparcetraitementqu’ilmefaitprendredepuisdesmois.—Bon…jour,DrParker.—Commenttesens-tudepuislasemainedernière?medemande-t-ilenattrapantunblocdepapier
etunstylo.—Ehbien…Je…Jetentetantbienquemaldeplacerunmotaprèsl’autre,maismonesprits’embrumechaquefois
quejetentedemesouvenirdequelquechose.—Est-cequetuprendstoujourstontraitement?J’acquiesceenfuyantsonregard,quiestrivéaumiendepuismonentréedanscebureaufroidet
hostile,etquejedétestetant.—Jevoisquetun’aspastrèsenviedeparleraujourd’hui,jemetrompe?Jehochelatêtepourluiconfirmeretajouted’unevoixlasse:—Jerêvetoujoursde…cetteprésence…Je remonte mes pieds sur le fauteuil, et entoure mes jambes avec mes bras, comme pour me
protéger.—Cethommen’existequedans tesrêves,Melinda.Tuassubiunchocextrêmementviolentà la
tête et tumélanges tous tes souvenirs. Laisse le traitement faire son travail et tu verras que dansquelquetemps, tout tesembleraplusclair,merépète-t-ilcommeàchaquefoisqueje luiconfiemesrêvesoumescauchemars.J’ai l’impression que plus les mois passent et plus mes souvenirs s’effacent, et ce, malgré nos
séancesensemble.Jesenslatensionmegagneretcommenceàtrembleretm’agitersurmonsiège.Lacrise est proche. Ma respiration s’accélère. De nombreux flashs me traversent. Des frissons meparcourentl’échineetj’entendstoutescesvoixmerépéterinlassablement:
«Melinda,réveille-toi!Laissez-ladonc!Reviens…Lecielestbleu…Éloignez-vous…»
Soudain,unsonstridentsortdemabouche:—Non!hurlé-jeenmecachantlesoreillespourfairetairetoutescesvoixdansmatête.LeDrParker se lèveprécipitammentet fouilledans samallettenoire.Puis il s’approchedemoi
aveccette seringue,que jeneconnaisque tropbien.Jemerelèveenm’agrippantau fauteuil,maism’effondreausol,àgenoux.Jehurledetoutesmesforcesenmefrappantlevisage.Brusquement,mesparents surgissent dans la pièce, s’agenouillent près de moi et m’allongent de force en me tenantfermementlesbras.LeDrParkerm’injectealorsceproduitbrûlantquiapaisepresqueinstantanémentmescrises.—Melinda,machérie.Jet’ensupplie,calme-toi,ditmamèreensanglotant.—Quiest-il…?demandé-jeenrenversantlatêteenarrière,prisedetremblements.—Pasunmot,Melinda.Allez,respirecalmement…Dansquelquesinstants,tutesentirasbeaucoup
mieux,meconfirmeleDrParkerdontlevisagesetroubledéjà.
Tout est plus calme autour demoi. Tout flotte dans les airs… les voix s’éteignent… les imagesperdentdeleurscouleursetpuis…plusrien…lenéant…
Jesecouenerveusementlatêtepoureneffacertouscesmauvaissouvenirs.SuiteàcetteséanceavecleDr Parker, je fis semblant de prendre mon traitement et jetais mes pilules dans les toilettes. Aprèsplusieurs jours, je me rendis compte que mon état physique et surtout psychologique s’amélioraitnettement,etdécidaisdoncdefairecroirequejeprenaisminutieusementmesmédicaments.Jenesaispascequis’estpassé,maiscedontjemesouviens,c’estqueleDrParkerdisparutdujouraulendemaindenosvies,etquejenel’aiplusjamaisrevu.Iltravaillecertainementencoreàl’hôpital.
Mamèreaprèsça,commençaàprendremadéfenseetm’appuyadansmeschoix:plusdeséancesetplusdetraitement.J’aialorsreprismesétudes,maisenétantsurveilléeconstammentparlesgorillesdemon père. Au simple souvenir de cette époque, les larmes me montent aux yeux, mais je refuse derebrousserchemin.Jevaisaffrontermespeursetreprendremesséancesafindemedonnerunechancederetrouverlamémoire.Àcetteheuredelajournée,lecielestd’unbleumagnifiqueetlerefletdusoleilsurlesvagues,nousoffreunspectaclegrandiose.Labriselégèremefrôledélicatementlevisageetm’apaisecommeunetendrecaresse.L’océanetcetteplagemerappellentétrangementcedernierflashaveccettefemmesansvisage.Commentest-ilpossiblequejepuissevoirdeschosesetdesimagesd’uneviequin’estpaslamienne?UnequestionàlaquelleleDrPhilipsdevrarépondre…
Troisansplustôt…ManoirdesEvans
—Non!hurlé-jed’effroiensoulevantlespaupières.Jem’assoissurmonlitetremontemesjambescontremapoitrineenlesentourantavecmesbras.Je
meberced’avantenarrièreenfredonnantcettechansonquinequittepasmonespritdepuismonréveilàl’hôpital.
—Givemelove,loveiswhatisneed.Tohelpmeknowmyname…Cettevoix,dontjesuisencoreincapabledemettreunvisagedessus,continuedehantermesnuits,et
moncœurdouloureuxoppressemapoitrine.J’ail’impressiondemanquerd’airchaquefoisquel’ombrede cet homme disparaît dans la pénombre de mon cauchemar. Je peux entendre sa voix mélodieuserésonnerenéchodansmatête,elleestaussiréellequelebruitdesvaguesquis’échouentauloinsurlaplage:
«Reviens-moi…Lesvaguesdel’océansontcommel’amour…Onrevienttoujourschezsoi…»
Il me manque encore des fragments et des mots, mais je sais que ce qu’il essaye de me dire estimportant…Ilessayedemesauver,ilveutquejelesuive,maisjen’arrivepasàbouger.Puisj’entendsunbruitstrident…Deslumièresblanchesm’aveuglent…etletunnelsombrem’aspire…
LeDrParkerpensequece rêveest lié àmonaccidentdevoiture.Lebruit est celuiduchocet leslumières, celles du véhicule qui fonçait droit sur moi. En ce qui concerne la voix qui me rappelleinlassablementverselleetcettemélodiequejefredonne,ilpensequec’estmonimaginationquimejouedes tours. Il m’a prescrit un traitement qui pourrait m’aider à soulager mesmaux, mais il m’achève.Chaquematin,j’avalecespilulesetquelquesminutesplustard,ilm’estimpossibledepenser,voiredeme déplacer toute seule.Mon pèreme répète sans cesse que c’est pourmon bien,maismamèremeregardecommesij’étaisunanimalblesséetenfindevie.
Demain, j’ai rendez-vous avec le Dr Parker pour une nouvelle séance de psychanalyse. Elles sepassent toujours aumanoir afindenepasm’épuiser avec le trajet quimène à l’hôpital. Jedéteste luiparlerdemespeurs,demesdoutesetdemesrêves.J’ail’impressionqu’ilnemecroitpas,qu’ilnemecomprendpas…Àl’écouter,jedevraistournerlapageetallerdel’avant.Maismoi,jesaisquemavieestrestéeensuspens,quequelquechosem’aétéarrachéau-delàdemamémoire…Moncœurnementpas,ma têteessayedésespérémentdesesouvenir,maispersonnenemecroit. Jevoudraisabandonner,disparaîtrepournejamaismeréveiller…Faitesquemoncalvaires’arrête,quecettesouffrancecessedemelacérerlecœur…
Denosjours…
Esperanzagalopeavecentrain,commesielleétaitenpilotageautomatique.Elleacertainementdéjàempruntécecheminlorsdesespromenadesavecmamère,oumoijadis…Dececôté-làdelaplage,iln’yaquedesomptueuxmanoirsetl’océanàpertedevue.Jevenaism’ybaladerlorsquemonpèreetmoiavions ces terribles disputes.Elles explosaient souvent lorsque jemanifestaismondésaccord,mais ilm’achevait toujoursparunevictoirecinglante. Jem’enfuyaisalorsvers laplagepourpleureretnoyermonchagrin.
—Maisoùvas-tucommeça?demandé-jeàEsperanzaenm’agrippantàsacrinière.Unpeuplusloin,uncavaliers’approchedenousautrot.Jenecroispasl’avoirdéjàvuparici?—Oh!ordonné-jeàmajument.Elleralentitets’arrête.L’hommes’approcheetsemetàtournerautourdenous.—Bonjour,belledemoiselle.Vousavezlà,unbienbeaucheval,mesalue-t-ild’unsignedetête.—Jument…,corrigé-jeimmédiatementenadmirantlesien.
J’enrestesansvoix.C’estunpur-sangarabe,etilestdetoutebeauté.Monregards’attardeàprésentsursoncavalierquin’estpasenreste.Ilesttrèsséduisantetd’unetelleélégance.Sonsourirecharmeurneme laisse pas indifférente non plus. Ses cheveux bruns sont coiffés en arrière, et quelquesmèchesrebellestombentlégèrementsursonfront.Sesyeuxnoirssonttroublants,etlalueurquilestraverseaumomentoùilremarquequejelereluque,memontelefeuauxjoues.Ilmesembletoutdesuite,puissant,déterminé,maisunepartdemystèreémanedelui.Maisquiestcebelinconnu?Jenepeuxdétachermonregarddusienquimedévorelittéralementsurplace.
Jetentedereprendreuneallureconvenableetdésintéressée.Pasquestionquejemelaisseunefoisdeplusemporterparmesémotions.
—Bonjour,monsieur…?—C’étaitunemerveilleusejournée…Quoidemieux,quedelaterminerparunebaladeàchevalsur
laplage?Trèsbien,jevoisqu’ilveutjouersonrôled’hommemystérieuxjusqu’aubout…—Oui,toutàfait…,réponds-je,intimidée,enbaissantlégèrementlatête.Jenecroispasvousavoir
déjàvuparici?Vousvisitezl’île?—Enplusd’êtremagnifique,vousêtesaussitrèscurieuse…,fait-ilremarquerens’arrêtantprèsde
moi.Jem’empourpreaussitôtenclignantdespaupièresetmeraclelagorgeenlevanthautlatête.—Cen’estpasdelacuriosité,simplement…ehbien…—Meferiez-vousalorslaconversation?—Maispasdutout!m’emporté-jeenfaisantpeuràEsperanzaquirecule.Toutàcoup,monmystérieuxcavalieréclatederire,unemainposéesursonventre.—Pardonnez-moi,belledemoiselle,maisvousêtestoutàfaitcharmante…Jemerenfrogneaussitôtenfaisantdemi-touretenluitournantledos.Ilm’exaspère!—Jedoisrentrer!Jevoussouhaiteunebonnesoirée…—Maisattendez!Quandaurai-jel’immensejoiedevousrevoir?medemande-t-ilenserapprochant
demoi.Je tourne légèrement la tête vers lui, sans pour autant croiser son regard, et lui réponds d’un ton
taquin:—Quisait,cequenousréserveleDestin?—Quedois-jefaire?demande-t-ilprécipitamment.—Surprenez-moi?!—Mais…Jeparsaugalopenlaissantsaphraseensuspens…LanouvelleMelindad’aujourd’huin’accordera
passaconfianceàquiquecesoit.Mêmesijeviensdeprendreunmalinplaisiràmejouerdecethommemystérieux,maisaucombienséduisant.
20h45
Jemeregardeunedernièrefoisdanslemiroirdemacoiffeuse.Voilà,parfaite ! J’aioptépourunejupecrayonnoire,etunchemisierblanc.J’aienfilémesLouboutinpourmedonnerune fièreallureetprouveràmonpèreque jesuisdignedeportermonnometcenouveaustatutdevice-présidente.Mescheveuxsonttirésdansunchignonparfaitetmedonnentcecôtéstrictetfroidquejedétestetant.Maisilestimportantquejefassebonneimpression,etce,dèslepremiersoir.CetinvestisseurdoitabsolumentaccepterdenousrejoindreauxEntreprisesEvans.
—Respire,Melinda…,chuchoté-jefaceàmonrefletsidifférentdelafemmequisommeilleenmoi.J’ajusteunemèchedecheveuxrebelleetremarquelabagued’Aïdenquiscintilleàmondoigt.Jene
sais pas quoi faire… Dois-je la retirer et lui faire envoyer ? Ou dois-je continuer de la porter afind’honorercettepromessequejeluiaifaite?Malheureusement,leschosesontchangéetavoirdécouvertcequ’ilréserveàmafamille,meglacelesang.Pourtant, lorsquejefermeuninstantlesyeuxetquejevoissonvisage,c’estdel’amourquejeperçoisàtraverssonregard.Matêtesejouerait-elleencoredemoi ? Je déglutis avec difficulté et me résigne à la retirer. J’ouvre ma boîte à bijoux et la déposesoigneusementàl’intérieur.
—Jeteporteraiànouveau,cesoir.Maispourlemoment, jedoisfairesignercecontratàcericheinvestisseur,promets-jed’untonrésoluenrefermantlaboîte.
Jesorsdemachambreetdescendslesescaliersquimènentauhalld’entrée.Laporteestàpremièrevueréparée.Toutàl’heureenrentrantdemabaladeàcheval,deuxhommestentaienttantbienquemaldelaremettreenétatetdechangerlesserrures.Monpèretournaitcommeunlionencageenordonnantàseshommes de se dépêcher afin de sécuriser l’entrée dumanoir. Lorsque j’ai tenté de lui demander s’ilcomptaitporterplaintecontreAïden,ilestpartis’enfermerdanssonbureausansdaignermerépondre,j’aialorssupposéquenon.D’ailleurs,lalumièredesonbureauesttoujoursallumée,ildoitcertainementtravailler.
Jerejoinsmamèreàlasalleàmangerquivérifieunedernièrefoisledressagedelatableenreplaçantlescouverts.Sonairmalheureuxetinquietmefendlecœur...Jeneveuxsurtoutpaslaissers’installerunfroidentrenous,mêmesinotreconversationsurlaplagem’aquelquepeuéreintée.
—Maman,arrêtedestresser,s’ilteplaît.Toutestsuperbe,lacomplimenté-jeenm’approchantd’elleetenl’embrassantsurlajoue.
—Merci,machérie,maistuconnaistonpère.—Oui,maistoutestparfait,l’attrapé-jeparlebraspourl’écarterdecettetable,avantqu’ellenela
dresseunenouvellefois.Toutàcoup,onsonneàlaporte.Clairetraverselapièceets’empressed’allerrecevoirnotreconvive.—Bonsoir,monsieur.Parici,jevousprie.
Soudain,j’aperçoisnotreinvité.Ohnon!C’esttoutbonnementimpossible!—Apparemment,leDestinenadécidépournous,belledemoiselle,mesaluemonmystérieuxcavalier
d’unerévérencecommedanslescontesdefées.Il porte un costumenoir d’ungrand couturier, taillé surmesure, et une chemise blanche légèrement
entrouverte.Ils’approchedemoi,unsourirecompliceauxlèvres,sansmequitterdesyeux.—Bon…Bonsoir,monsieur…?—Miller,maisappelez-moi,Kevin,jevousprie.—Bonsoir,M.Miller!s’émerveillemonpèreennousrejoignant,uncigareàlamain.Ilmedétailledelatêteauxpieds,unsouriresatisfaitauxlèvres,heureuxdedécouvrircettetenuequi
reflèteparfaitementlesEntreprisesEvans.—Victor,jesuistrèsheureuxdevousrevoir,etquiplusest,dansunecharmantemaisontellequela
vôtre,lecomplimenteKevinenluiserrantvivementlamain.—Etmoi,devousavoiràdîner.Jevousprésentemafemme,Ashley,dit-ilenfaisantunsignedela
mainversmamère.—Bonsoir,M.Miller.Jevoussouhaitelabienvenueaumanoir,dit-elleenjetantunregardnoiràmon
père.Maisquesepasse-t-il?Unetensionpalpables’est,toutàcoup,installéedanslasalleàmanger.—Merciàvouspourvotreinvitation.Vousavezlà,unebienbelledemeure.—Elleappartientàmafamilledepuis…—Etvoicimonuniquefille,Melinda,quinousrejointauxEntreprisesEvans,lacoupeaussitôtmon
père.—Oh!Vousm’envoyezravi,s’exclameKevinenmesouriant.—Bonsoir,Kevin.Jesuislanouvellevice-présidentedesEntreprisesEvans,dis-jeenluitendantla
mainethaussantunsourcildéterminé.Voilà,lanouvelleMelinda!Ilmetendlasienneetmecomplimente:—Félicitations,Melinda.Nousseronsdoncamenésànouscroisertrèssouvent…Jepourraipresquecroirequ’ilgrimaceàcettedernièrenouvelle.Monpère tireuneboufféedeson
cigareennousregardanttouslesdeux,etnousdit:— Mon Dieu, vous feriez un duo indestructible. Tout cela présage un grand avenir pour notre
entreprise.Notre?Certainementpas!Kevinn’aaucundroitdessus.—Pardonnez-moi,MmeEvans,s’excuseClaireennousrejoignant.Ledînervaêtreservi,continue-t-
elleenbaissantlégèrementlatête.Dieu soit loué, elle interrompt cette conversation, dont l’atmosphère y est devenue terriblement
pesante. Ma mère ne daigne pas lâcher du regard Kevin et répond à notre gouvernante d’une voix
blanche:—Merci,Claire.Sivousvoulezbienvousdonnerlapeinedepasseràtable,nousinvite-t-elleàla
suivre.Kevin pose samain sur le bas demon dos, ce quime procure un léger frisson, et j’acquiesce en
m’avançantverslatable.Iltiremachaiseetjeprendsplace.—Merci.Ilsepencheversmoietmesouffled’unevoixrauque:—Jevousenprie,Melinda.Jesuismal,trèsmal…
22h15
Ledînersepasseonnepeutmieux.Nousdiscutonsde l’historiquedesEntreprisesEvansetdesonfondateur,mongrand-père. Jenemanquepasd’apprendreàKevinquemamèreétait sonbrasdroitetqu’elleacontribuéégalementàsonessor.Dèslundi, ilsouhaitevisiternosbureauxetjeterunœilauxcomptes de l’entreprise, la liste de nos clients, ainsi que nos parts demarché, afin de vérifier notresolvabilité.Maiscequil’attireplusquetoutestd’avoirunpieddansnotresociété.
Clairesertlecaféetm’apportemonnuagedelaitenmesouriant:—Pourvous,Melinda.—Merci,Claire.C’estcedontj’avaisbesoin…,luichuchoté-jediscrètementpendantquemonpère
discuteavecKevin.Mamèrem’adresseunclind’œiletattrapesatasseàcaféqu’elleporteàseslèvres.—Commevouslesavez,jecompteinvestirbeaucoupd’argentdansvotreentreprise,Victor,continue
Kevin.Jemeraclelagorgeetm’immiscedansleurconversation:—Kevin,nousserionstrèsheureuxdetravailleravecvous,maisquellesseraientvosconditions?Car
ilvadesoiquevousdésirezquelquechoseenretour,jemetrompe?demandé-jeenhaussantunsourcilinterrogateur.
—Melinda, je gèreparfaitement la situation avecM.Miller,me coupemonpère, offusquéparmaprisedeparoleinattendue.
—Non,laissez-laparler,Victor,ditKevind’unsignedemainversmonpèrepourlefairetaire,cequim’arracheunsourirenarquois.
Jelèvehautlatêteetreprends:—Vousallez investirune sommecolossaledansnotre entreprise, et jevousen remercie.Avoirun
hommed’affairestelquevousdansnotresociétéestunhonneur,Kevin.Toutefois,jeseraiscurieusedesavoir cequevous souhaitez en contrepartie, endehorsbien entendudupourcentagedesbénéficesde
l’entreprise.Kevinréprimeunsourire,ajustesacravateetmerépond:—Jeveuxunsiègeauconseild’administration,lâche-t-ildebutenblanc,d’untondéterminé.—Comment?s’offusqueimmédiatementmonpère.—Oui,aveclafortunequej’investis,ilmesemblenormalquejepuisseavoirmondroitdevotepour
toutcequiconcernel’avenirdel’entreprise,n’êtes-vouspasd’accordavecmoi,Melinda?Je cligne des paupières en dévisageant mon père, qui commence à perdre patience. J’appuie mon
regarddanslesienafindeluifairecomprendrequenousn’avonspluslechoix,etinspireprofondément.—Cettedemandeesttoutàfaitlégitime,papa,luifais-jeremarquer.—C’estlaseuleetuniqueconditionquej’imposerais.Sivousl’acceptez,nouspourronsalorsfaire
affaireensemble.Monpèregrimaceet attrape sonverredevinqu’il avaled’un trait en jetantun regardglacialvers
Kevinetmoi.—Trèsbien,marchéconclu,M.Miller,acquiescemonpèreenluitendantlamainpourscellernotre
accord.Mamèresecouelatête,mécontenteàl’idéedevoircejeuneetricheinvestisseursiégeravecnousau
conseild’administration.Kevinmeguette,unsouriresatisfaitauxlèvresettrinqueenlevantsonverre:—AuxEntreprisesEvans!
23h45
Lorsque la soirée touche à sa fin, nous raccompagnons Kevin jusqu’à la porte. Mes parents luisouhaitentunebonnenuitetunbonretour.
—Ledînerétaitparfait,MmeEvans,laremercie-t-il.Elle lui sourit poliment en tendant sa main. Il l’attrape et y dépose galamment un baiser. Puis il
s’adresseàmonpère:—Victor,ilmetardedevousretrouverlundi.—Nousallonsfaireunesuperéquipe,M.Miller,luirépond-ild’unepoignéedemain.Ils’approchedemoi,etsonregardbrillants’attardedanslemien.J’ailefeuauxjouesetj’avouene
pasêtre insensibleàsoncharme. Ilacecôtécérémonieuxetdistinguéque j’appréciechezunhomme.Aïden a aussi cette facette-là,mais il est tourmenté et perdu lorsqu’il est avecmoi. J’ai l’impressiond’êtreunechoseprécieuseàlaquelleiltientpar-dessustoutetàyvoirplusclair,ilmefaitpresquepeur.J’aibesoinqu’onmerendemaliberté,qu’onmelaisseprendremespropresdécisions.Lui,avaitdéjàcommencéàm’emmureràForever.L’amourquejeluiportenedésemplitpaspourautant,etjenepensepasqu’ilpuisses’éteindrecommeceladujouraulendemain,parunsimpleclaquementdedoigts.EncequiconcerneKévin,ilestavanttoutuninvestisseuretjenesuispasprête,nonplus,àluiaccorderma
confiance.Jedoismeressaisiretfaireabstractiondemessentimentsetémotions…—Victor,m’autoriseriez-vousàfaireunebaladeauclairdeluneavecvotrecharmantefille?Leciel
estmagnifiquecesoiretlabrisefortagréable,luidemande-t-ilens’approchantdemoi.Quoi?—Melinda est très fatiguée. Sa journée a été terriblement éprouvante…, refuse immédiatementma
mèrequipassesonbrasautourdemonépaule.— Ashley, laissez-la donc profiter de cette magnifique fin de soirée. Kevin, vous avez toute ma
confiance.Jevousdemanderaisseulementdelaramenerensuitejusqu’aumanoir,accepte-t-ilenouvrantlaporteafinquenoussortions.
—Merci,Victor.Jevaisprendresoind’ellecommeàlaprunelledemesyeux,luipromet-ildansunenouvellepoignéedemain.
Unefoisdeplus,j’ail’impressionquel’onnem’apasdemandémonavis,teluncontratquel’onvientdesceller,là,devantmesyeuxhébétés.
—Melinda,sivousvoulezbienm’accordercettebaladesouslesétoiles,vousm’enverrezheureuxethonoré.
—Je…,bafouillé-jeenregardanttouràtourmesparents.Monpèreacquiesced’unsignedetête,maismamèreaunsourirecrispéàlacommissuredeslèvres.
Quelquechosemeditqu’ellen’appréciepasbeaucoupceM.KevinMiller.— Avec plaisir, Kevin. Laissez-moi juste quelques minutes pour passer quelque chose de plus
confortableetchangerdechaussures,accepté-jeenluimontrantmesescarpins.—Effectivement,ilseraitfortpréférabledevouschanger,atteste-t-ilenréprimantunsourireamusé.
00h07
Une fois sur la plage,Kevinme tend son bras et j’y glisse lemien en lui souriant timidement.Cesimplegestem’intimideetmegêne.J’ailasoudaineimpressionquec’estmal,terriblementmal.Quecelavaà l’encontrede tousmesprincipes, sansmêmesavoirexactementpourquoi…Certainement l’amourquimelieencoreàAïden,celui-làmêmequicontinudegrandiraucreuxdemoncœur.
—Melinda?JerelèvelatêteversKevinquimesourit.—Pardonnez-moi,lajournéeaétélongue,luidis-jeenresserrantmonbrasautourdusien.—Est-ce que tout va bien ?Vousm’aviez l’air perdu dans vos pensées,medemande-t-il plein de
sollicitude.—Oui,c’estvrai.Jenevaispasvousmentir,mais…—Unhomme,jemetrompe?mecoupe-t-ilenpenchantlatêteversmoi.
Sesyeuxseriventauxmiensetlatendressedesonregardm’aideàmeconfierunpeuplusàlui:—Effectivement,unhomme…—Qui a osé faire du mal à une charmante femme telle que vous ? me souffle-t-il à l’oreille en
attrapantmamain.Ils’arrêteetydéposeunbaisersansmequitterdesyeux.Jem’empourpreaussitôtetluiréponds:—C’est un hommebon. Il n’était simplement pas totalement sincère avecmoi.Et vous, y aurait-il
quelqu’unquifaitbattrevotrecœur?merisqué-jeàluidemanderafind’enapprendreunpeuplussurcemystérieuxinvestisseur.
—Moi?demande-t-ilenrelâchantdoucementmamain.Jeglisseànouveaumonbrassouslesien,etreprenonsnotrebaladeauclairdelune.Ilregardevers
l’océanenfronçantlessourcils,l’airtendu.—Veuillezmepardonner,maquestionétaittoutàfaitdéplacée,tenté-jedemerattraper.— Je n’ai personne dans ma vie, Melinda. Je n’ai même jamais été amoureux. L’amour est un
sentimentbienétrangeràmoncœur,maisjenedemandequ’àlepartageravecquelqu’un,m’avoue-t-ilensetournantversmoi,lesyeuxbrillants.
Je me mordille la lèvre, terriblement embarrassée par cette déclaration ô combien touchante, jel’avoue.
—C’estunbienbeausentiment,maisdouloureuxquandilprendfin…—Nedit-onpasqueletempsguérittouteslesblessures?medemande-t-ilenlevantunsourcilamusé.—Oui,apparemment…Parlez-moiunpeudevous?Envisagez-vousdevivreàSeattle,àprésent?—Oui, je viensm’installer ici,mais pour lemoment j’ai une suite à l’hôtelFairmont et celame
convientparfaitement.—Jetrouveleshôtelstellementimpersonnelsetfroids.Iln’yariendemieuxqu’unemaisonet…—Jen’aijamaiseudemaison,m’interrompt-ilimmédiatement.Jesensunetensionpalpablelegagneretsonbrassecrispesurlemien.—Monpèreestpartilorsquej’étaisencoreenfant.Mamèrem’aélevéseule,malheureusementellea
dûtravaillerpourdeuxafindesubvenirànosbesoins.Cen’estquequelquesannéesplustardquej’airevumonpère.
—Je suisdésolée,Kevin.Etaujourd’hui, avez-vous réussi à rattraper le tempsperdu?Vousa-t-ildonnéuneexplication?
Ils’arrêteetsetourneversmoi, leregardfroid.Jelerelâcheetcroisemesbrascontremapoitrinepourmeprotégerdelabrisequis’estrafraîchie.Kevinglissesesmainsdanssespochesetlèvehautlatête.
—Ilavaitsesraisons.Onyva?medemande-t-ilenmefaisantsignederebrousserchemin.J’acquiesceetnousremontonslaplagejusqu’aumanoirsousunsilencepesant.Unefoisarrivés,nousremontonslesmarchesquimènentàl’entrée.Jeleguetteducoindel’œiltout
enm’avançantjusqu’àlaporte.— Je vous remercie pour cette balade sur la plage. Celam’a fait beaucoup de bien, lui dis-je en
agrippantlapoignée,maisilposeaussitôtsamainsurlamiennepourm’empêcherdel’ouvrir.Jemetourneversluietsonvisagefrôleàprésentlemien.Ilposesonautremaincontrelaporteetme
souffleenguettantmeslèvres:—J’aimeraisvousrevoir,Melinda.—Nous nous reverrons certainement au bureau,Kevin, tenté-je pour désamorcer la bombe qui va
m’exploserenpleinefigure.J’ai lecœurquis’emballeetcettevulnérabilitéquicouledansmesveinesnem’aideenrien. Ilest
terriblementséduisant,maisiln’estpasAïden,etjenesuispasprêteàvivreuneidylleavecquiquecesoitd’autre.
—Vousêtessibelle,mesusurre-t-ilenglissantsesyeuxbrûlantssurmeslèvresetlelongdemoncou.Bonne nuit,Melinda. Ilme tarde déjà de vous revoir, ajoute-t-il en plongeant, à nouveau, son regardtroublantdanslemien.
Illâchedoucementmamainetreculeenm’adressantunclind’œilquim’empourpre.—Bonnenuit,Kevin,dis-jeenmeretournantprécipitamment.J’ouvrelaporteetlarefermerapidementenm’adossantcontreelle.Jepeineàretrouvermonsouffle,
et j’ai le cœur qui va me sortir de la poitrine tant il m’a troublée. J’entends sa voiture démarrer ets’éloignersurl’allée.
—Jesuisdanslamerde…,chuchoté-je,enpassantnerveusementlamainsurmonvisage.La lumière du bureau de mon père est encore allumée. Je traverse le hall dans la plus grande
discrétion,afindenepasattirersonattentionetainsiéviterunlonginterrogatoiredesapart.C’estbienlegenredeconversationque jeneveux,surtout,pasavoiravec lui. Je remontedansmachambreetvaisjusqu’àlaterrasseattenante,donnantsurl’océan.Jem’assoissurlefauteuil,lesgenouxrelevéscontremapoitrine,encontemplantl’horizon.Foreversetrouvelà-basdel’autrecôtédel’océan…Maistoi,Aïden,oùes-tu?Penses-tuàmoi?
Unefoisseule,laviereprendsoncoursetlaterribleréalitérefaitsurface.Jesuismalheureuse,briséeetencolère,mais…jel’aime…
—Pourquoi,Aïden?soufflé-je,lesyeuxemplisdelarmes.Tun’imaginespascombienmoncœurteréclame, combien il se meurt à petit feu, loin du tien.Malheureusement, le chemin que tu as décidéd’emprunternepourrapasnoussauver…Aucontraire,ildétruiratoutsursonpassage…Aunomd’uneguerresans fincontremafamille?Pourquoipenses-tuquemonpèreyestpourquelquechosedans lamortdetesparents?
MonDieu,moncœurme fait simal…Une forceque je nem’expliquepasmepousse à creuser, àpercer à jour tous ces secrets. Mon père m’a toujours menti, Aïden, lui, m’a cachée son passé, savengeance et cemariage qui le lie à cette femmemystérieuse. J’ai l’impression quema vie n’est que
mensongedepuismonaccidentdevoiture…Je lève les yeuxvers les étoiles qui scintillent dans le ciel. Il y a encorequelques jours là-basde
l’autrecôtéde l’océan, jepouvais lesadmirerdans lesbrasde l’hommeque j’aime.Mais j’ai apprisbienàmesdépens,queparfoiscesentimentnesuffitpas.
«L’hommequiécoutelaraisonestperdu.Laraisonfaitdesesclavesdetousceuxquinesontpasassezfortspourlamaîtriser.»
GeorgeBernardSHAW
-6-
LisaGerrard-NowWeAreFree
VashonIslandDimanche18mai201408h01
Aïden
Lesoleilselèvesurl’îleauxinnombrablessecretsquiflottentsurmavie.Jen’aiquetrèspeudormi,cherchant péniblement un sommeil qui s’obstinait à moi. Cematin, le ciel gris et la pluie qui s’abatviolemment à présent sur les baies vitrées dumanoir demes parents reflètent parfaitementmes étatsd’âme:jesuisperdu.Jeguettel’horizonenportantmatassedecaféàmeslèvres.Jen’aipasencoreosétraverser le jardin et aller jusqu’à la roseraie demamère.Pourtant, c’est ce qu’un fils, sain d’esprit,auraitfaitenrevenantici.Maismoncerveaumaladem’enempêche.
Melindamemanqueterriblementetencoreplus,depuisquejesuisrevenusurnotre île.Jepourraispresquelavoirarriveràchevalsurlaplage…Commecettenuit-là,oùtoutachangé,maisoùtoutétaitdéjàperdupournous.J’auraidûentendre lesclochessonner,annonçant ledébutd’unevengeancesansnom.Aprèslemeurtredemesparents,jemedevaisderester,troptentéàl’idéed’approchermaproiecommeunfélinleferait.Jenesaispassicettecrapuled’Evans,l’adesuitesaisi,maisilnemeportaitdéjàpasdanssoncœur.Ohoui,latentationétaitdéjàtropforte,maiscequejen’avaispascalculé,étaitl’amour incommensurableque j’allais éprouverpour sa fille.Celuiquimebriseaujourd’hui, cinqansplustard.Joueraveclefeuestlerisquedesebrûleràcetteflammedévastatriceaveclaquellej’aisignéunpacte,celui-làmêmequimebrûlelesveinescematin.
VashonIslandCinqansplustôt…
Jemeréveilleensursaut,prisdetremblementsetcomplètementtrempé.Jemeredressesurmonlit,levisageentrelesmains.Celafaitplusieursjoursquedeviolentscauchemarsmesortentdemonsommeilenpleinenuit.J’aiunterriblepressentiment…
Je fréquente une jeune femmedepuis quelques semaines et je dois avouer qu’elle neme laisse pasindifférent.Melinda… J’adore prononcer son prénom, détacher chaque syllabe, il sonne parfaitementbien. Mon cœur s’emballe chaque fois qu’elle s’approche de moi. Ses yeux sont d’un bleu/vertmagnifique,merappelantlacouleuretl’immensitédel’océan.Ellearriveàatteindrececœur,perduenpleinemer,sedébattantpourtrouversaplacedanscemonde.J’aipourtantdesparentsformidables,maisj’aitoujoursl’impressionquejeneseraijamaisaussiparfaitqu’eux.Pourtant,monpèremeditsouventaveccetteforceetfierté,quilecaractérisetant:
« Kyle Junior, tu as un avenir prometteur devant toi. Un jour, tu seras un grand homme et tuaccomplirasdegrandeschoses.Jesaisquetutecherchesencore,etjeneveuxsurtoutpast’imposerdevenirtravailleravecmoi,maislorsquejeteregarde,jemevois,moi,àtonâge…»
Monpèreestunhommeincroyable.Ilestloyal,honnête,etsifort.Maisderrièrecechefd’entrepriseet cette armure de glace se cache un homme au grand cœur qui dévoue sa vie à sa famille.Moi, j’ail’impression de n’être encore qu’un gamin, mais avecMelinda…Oh oui, avec elle je me sens fort,puissantet…entier.
L’amourafrappéàmaportesansquejenem’yattende.Jecroisbienêtreamoureuxd’elle,dumoinsc’estcequepensemamèrequiseréjouitdevoirsonfilsheureux.Elles’esttrèsviteprised’affectionpourMelindaetcelam’aagréablementsurpris.J’aieudesaventures,maisjamaisaucunenem’arenduaussivivantqu’elle…Jepeuxsentirlemanquequetraversemoncœuretceluidemoncorpslorsqu’ellen’estpasàmescôtés, commesiunepartdemoi était retenuecaptivede la sienne,nevoulantplus laquitter.Jevoudraisgoûteràsapeau,lafrôlerduboutdesdoigtsetmeperdreaucreuxdesesbras…Laprotéger,larassureret…
—Putain!Jesuisamoureuxd’elle!pensé-je,unsourireauxlèvres.Jemelève,traverselachambreetjetteuncoupd’œilparlafenêtre.Lapluiecommenceàtomberet
lesvaguess’abattentavecviolencesurlesable.Quepeut-ellebienfaire?Pense-t-elleuntantsoitpeuàmoi?Soudain,jecerneuneombresurlaplage,s’avançantrapidement.
—Ehmerde!juré-jeenposantmesmainssurlavitre.Jemelèvesurlapointedespiedsenlasuivantduregard.C’estMelinda!
Elle galope avec entrain vers le manoir demes parents, vêtue d’une robe blanche. Elle m’a l’airperdueet…enpleurs?Jesorsimmédiatementdemachambre,simplementvêtud’unpantalondepyjamablancencotonléger,etnu-pieds.Sansfairedebruit,jelongediscrètementlecouloirenpassantdevantlachambredeMariaetPedroetpournepasréveillermesparentsquidormentàl’autreboutdecelui-ci.
Arrivédanslehall,jedévalelesescaliersetmeprécipiteàdroiteverslacuisinequidonnesurlacouretlesécuries.
J’ouvrelaporteetsorsenlevantlatêteversleciel.Lapluieredoubledeforceetjedoism’essuyeràplusieursrepriseslesyeuxafinderéussiràcernerquelquechose.
—Melinda?!l’appelé-jeencourantverslesécuries,setrouvantderrièrelemanoir.Moncœurmanqueunbattementlorsquejel’aperçoisàl’intérieur,entraind’attachersonchevalprès
dumien.Ellemeregardeethausselesépaules,l’airdedire:désolée,maisjenesavaispasoùallermeréfugier.
—Vousêtesdingue,articulé-jeenposantunindexsurmatempe.Jeluisouris,saprésencemeremplitdebonheuretellelesaisittrèsvite.Ellesemetàcourirversmoi
etj’enfaisdemême.Putain!Regardez-moiça?Ondiraitundecesmecsdanscescomédiesmusicales,mais jen’enai rienàfoutre!Ellemesautedans lesbraset je l’agrippeaussitôten lasoulevant.Elleentourematailledesesjambesetpassesesbrasautourdemoncou.Mesmainssefrayentuncheminsoussarobeetempoignentsesfesses,cequiluiarracheunsouriretaquin.
—M.Kyle?—MlleEvans?Je lève un sourcil amusé, attendant deme faire réprimander.Cela fait déjà plusieurs jours que les
chosesontévoluéentrenous.Jedoismerendreàl’évidence:jesuisamoureux.Jepensequ’elleressentlesmêmessentimentsàmonégard,maiselleestencorechaste,etjeneveuxpaslabrusquer.J’aimeraisêtreceluiquiluiretireunàunchaquepétaledesoninnocence,êtresimplementlepremier.Néanmoins,riennem’empêchedejoueravecelle…
—AïdenKyle,jevousaime!m’avoue-t-elleenfin,auborddeslarmes.J’ai le cœur prêt à exploser et l’envie qui prend douloureusement forme dansmon pantalon ne lui
résisterapaslongtemps.—Vousattendez-vousàunedéclarationd’amourdemapart, chèredemoiselle? luidemandé-jeen
marchantverslesécuries.Lamoueboudeuse,ellefrottesonnezcontrelemienetmedit:— Je vous sommedeme répondre, sinon je serai obligée de vous chatouiller jusqu’à ce quemort
s’ensuive.J’aicelaenhorreuretellel’abiencompris.C’estunevraiesorcièremachiavéliquesenourrissantde
mespointsfaiblespouratteindremonpauvrecœur.—Ahoui?Nousavonsunsacréproblèmealors,MlleEvans, luidis-jedansunéclatderirequi la
renfrogne.—Vousmemanquieztellement…,sanglote-t-elle,lesyeuxmalheureux.Etcesoir,lorsquemonpère
m’a…Sansmêmeluilaisserletempsdeterminersaphrase,j’écraseaussitôtmeslèvrescontrelessiennes
afind’effacerencoreunedesesinnombrablesdisputesavecsonpère.Jeneveuxpasgâchercemomentquenouspartageons,malgré lapluiequis’abatavecviolencesurnous.Sarobeest trempéeet jepeuxpercevoirsapoitrinesedessinerdélicieusementdessous.Sentirsestétonssedressersurmontorseestunappel au sexebien trop tentant. Je suisprêt à consommer le fruit de cet amournaissantqui se fortifiechaquejour.Ehmerde! Jesuisaccroàcette femme…Jamaisaugrand jamais, jen’avais ressentiunepareillealchimie.Elleestmonpointfaibleetauprèsd’ellej’ai,peut-être,enfintrouvémaplace.
J’entredanslesécuries,etfermelaporteàl’aidedemonpied,sanslaquitterdesyeux.Melindamedévorelittéralementdesonregardétincelant,quinefaitplusaucundoute,elleestprête.Unpeuplusloin,jecerneunebottedepailleetunespaceassezdouillet.Jem’avanceet ladéposedélicatementdessus.Ellem’a l’air intimidée, etguette laporte,depeurquequelqu’unentre. Jem’allongeauprèsd’elle etcaresseduboutdesdoigtssonvisageensuivantchaquetrait.
—Melinda,vousêtesmagnifique…Jenesaispassij’ailedroit…,susurré-je,englissantmamainlelongdesoncou.
Jedescendsjusqu’àsapoitrinequisesoulèveetdescendrapidement,souslacaressedemesdoigts.Ellesemordillenerveusementlalèvreenpassantsamainsursonfront,gênéeparlesquelquesmèchesdecheveuxtrempés.
—Jevousveux,àtoutjamais…,mesouffle-t-elleenrelevantlatêteversmoi.—Àtoutjamais?répété-je,amusé.—Indéfiniment…,chuchote-t-elleencaressantmonvisage.Depuisnotrerencontre,mavieaenfinun
sens,commesij’avaistrouvémaplaceetunsemblantd’existence.Oui,jesais…Vousallezmedirequejelisbeaucouptropderomansetd’histoiresd’amour,quelavien’estpasuncontedefées,bla-bla-bla,dit-elleenlevantlesyeuxauciel.
—Chut, ne dites pas ça…, dis-je en secouant la tête pour luimontrermon désaccord.Moi aussi,j’éprouvelamêmechosequevous.
—Oui,maismonpère…—Unjour,vouspourrezvolerdevospropresailesetquittercemanoir,mêmesijesaisquevousy
tenezbeaucoup,lacoupé-jeaussitôtenluisouriant.—Oui, lavieaumanoirn’estplus lamêmedepuis ladisparationdegrand-père…,confirme-t-elle,
attristée,enbaissantlatête.—Jesuislà,regardez-moi?Jerelèvesonvisageversmoi,sesyeuxauxcouleursdel’océancaptiventimmédiatementlesmienset
jem’ynoielittéralement.—J’aicebesoinviscéraldevousprotéger,etjeleferaitoujours…Ouàjamais,commevousprenez
tantplaisiràledire,memoqué-jegentimentd’elleenluiadressantunclind’œiltaquin.Soudain,unelueurétincelantetraversesonregardetellelanceprécipitamment:—Forever…
—Quoi?Forever…?répété-je,perplexe,enfronçantlessourcils.—Foreverveutdiretantdechoses…Cesseptlettresreprésententparfaitementtouteslespromesses
quenousnoussommesfaites,touscesmerveilleuxmoments…Putain!Jesuismordu!—Forever…Effectivement,çasonneplutôtbien,confirmé-je,enriant.Melindaapprochesonvisagedumienetmedéposeunbaiserchastesurleslèvres,sansmequitterdes
yeux.MonDieu,l’enviequiestentraindeprendreenotagemoncorps,merenddingue.Jem’allongesurelletoutenl’embrassantetglissemamainsoussarobe.Sapeautrempéeetivrededésirélectrisechacundemessens.Salangues’inviteà traversmeslèvres,sefrayantuncheminàlarencontredelamienne.C’estfoucommeunsimplebaiserpeutrépondreà toutesnosquestions,nos incertitudes,et rimeravecautantdepromesses.Si je fermais lesyeux, jesuiscertainque jeverraisunfuturheureuxàsescôtés,maisjenepréfèrepaslevoir,simplementledécouvrir…
Jemetsfinàcebaisertorrideetluidemandeprécipitamment:—Êtes-voussûre,Melinda?—Oui…,murmure-t-elled’unevoixessouffléeparl’intensitédecedernier.Jemeredresseàgenouxdevantelle.Demesdoigts,j’attrapeladentellequicouvresonintimité,etlui
retireenlafaisantglisserlentementjusqu’àsespieds.Melindasuitchacundemesgestesets’empourpredéjàdevantl’inévitable.J’ailesangquiboutdansmesveinestantlatentationdemenicherenelleestbrûlante. Jevaismenourrirde sonsouffle surmapeau,deseffluvesémanantd’elle…Ohoui, je suisamoureux, et c’est incontestablement de l’amour, celui-là même qui nous prend aux tripes, nous rendmeilleur,vivant.
Elle tire sur sa robeafindecacher sescuisseset la sourcedemondésir. Jemedéshabille sans laquitterdesyeuxenarquantunsourcilaguicheur.Puisjemepencheau-dessusd’elle,lesmainsàplatdepartetd’autredesonvisage,etluimurmure:
—Jetenaisàvousavouerquelquechoseavantdevousfairemienne,MlleEvans.—Ah,oui?Quoidonc,M.Kyle?demande-t-elle,étonnée,enbattantdescilsettirantencoresursa
robe.Elleestadorable…Jesecouelatêteenréprimantunsourire.—Jevousaimeaussi,luiavoué-jeenm’allongeantsurelle.Ellepassesesbrasautourdemoncou,arborantunsourireàfairedamnerunsaint,etécraseseslèvres
soyeusescontre lesmiennes.J’ai lecorpsenfusion,prêtàexploseretà lafairemiennesur lechamp,maisjedoismecontrôler.Jel’agrippeparlanuqueafind’intensifiercebaiseroùnoslanguesmènentunedanse impitoyable. Je la désire tellement quemonmembre est douloureusement dressé sur ses chairssensiblesethumides.Melindasefrotteàmoietenroulesesjambesautourdesmiennes.Mamainsefrayeuncheminlelongdesonventreetseglissejustelà.Ellesecambreaussitôtsousledésirquis’éveilleenelle et émanant de mes doigts. Sa bouche me quitte, et s’entrouvre en laissant échapper un léger
gémissementdeplaisir.Sonsoufflecourtcaressedélicatementmeslèvres,etmeprocuredesdéchargesélectriquesjusquedansmonentrejambe.Laduretédemonmembrem’arracheunfrisson,tantladouleurdemeglisserenelleendevientquasiinsupportable.
—Jetedésiretellement,lâche-t-elleenrenversantlatêtesurlecôté,etnoyantsonregardlascifdanslemien.
—Etmoi,tun’imaginespascombien…Sanslaquitterdesyeux,jeposemonfrontsurlesien.Nousavonsencorepasséuncaptouslesdeux,
elleaosémetutoyeralorsqu’elletenaitencoreàcettedistanceentrenous.Elleditsecroiredansundeseslivresromantiquesàl’eauderoseetjem’interdisdel’empêcherderêver.Maiscesoir,lavoilàenfinirrémédiablementmienne…
J’accélèrelerythmedemesdoigtsquis’immiscentplusprofondément,guettantsonplaisirultime.J’aibesoindevoirtraversercettelueurdanssesyeuxlorsqu’elleatteindralessommetsdecelui-ci.Soudain,ellesecambreetdesspasmeslaparcourent.
—Aïden…,gémit-elle.—J’aitellementenviedetoi…Melindaposesesmainssurmondosetlesglissejusqu’àmesfesses.Elleappuiesonregarddansle
mien,enhochantlatête,commepourmeconfirmerqu’elleestprête.J’attrapemonmembre,etmeréfugiedélicatementenelle.Elleémetun légergémissementdedouleurquimefait reculer,maiselle resserreimmédiatementsesjambesautourdemoi.
—Toutvabien,Aïden.Net’arrêtepas,s’ilteplaît,supplie-t-ellecontremeslèvres.J’ydéposeunbaiser,puisunautresanslaquitterdesyeuxetm’immisceencoreenelle.Toutàcoup,
je sens comme une pression qui lâche autour demonmembre. Son corps frémit contre le mien et jem’arrêteaussitôtpourluilaisserletempsdes’habitueràmoi.Puisjereprendsunva-et-vientlangoureux,deplusenplusprofond.
—Est-cequeçava,Melinda?—Jesurvis,Aïden.—Quoi?m’exclamé-jeenlaregardant,tétaniséàl’idéed’êtreallétropvite.Ellefaitminedesouffrir,puiselleéclatederireenmerépondant:—Jetefaismarcher…Jevaisbien,net’inquiètepas.Jefroncelessourcilsetmeglisseprofondémentenelleenappuyantplusfort.Ellefermelesyeuxet
remontesesmainsenlesglissantdansmescheveux,qu’elleagrippeentresesdoigts.Commencealors,unva-et-vientlangoureux,maisjesensdéjàleplaisirmonterenmoi.Lapressionetl’envieétaientbientropfortes. Je ne tiendrai pas longtemps avant de me déverser en elle. C’est intense, terriblement bon,tellement différent de tout ce que j’ai connu. Je sens une légère pression à nouveau autour de monmembre.Melindam’embrasseàpleinebouche,etgémitdeplaisircontremeslèvres.Jenetardepasàlarejoindreetnoussuccombonsàl’orgasme,serrésl’uncontrel’autre.
Allongés, nos mains entrelacées, je réalise combien je suis fou amoureux d’elle. C’étaitincroyablementfort.Jamaisjen’avaiséprouvéuntelsentimentavecuneautrefemme.C’était,pourmoiaussi,commeunepremièrefois.Melindaestblottieaucreuxdemesbras,latêtenichéesurmontorse.Jesenssonsouffleapaisantcaressermapeauetc’estunemélodieagréable,presqueaddictive.Cellequel’onaimeraitentendretouteunevietantellevousbercetendrement.
—Aïden…Je…Elle relève sa têteversmoi etpose samain surma joue. Je sais ceque traverse soncœur, ce flot
d’émotionsintensequivoussubmergetelleunevagueenpleinetempête.—Tuestelunangetombéduciel,Melinda.Tuesmonange…,luisoufflé-jeencaressantseslèvres
duboutdesdoigts.—Tuesmontout,Aïden…Forever…—Forever,Melinda…Soudain, un bruit provenant de l’extérieur attire notre attention. Melinda, affolée, me repousse,
descend sa robe et attrape sa culotte qu’elle passe rapidement. Son attitude m’amuse, ce qui ne luiéchappepas.
—Qu’est-cequi te fait sourire commeça?dit-elle en se relevant et remettantde l’ordredans sescheveux.
—Moi?Rien…,réponds-jeenriant.Maistoi,tusursautesaumoindrebruit.Allez,revienst’allongerprèsdemoi,luidis-jeentapotantlapailledemamain,afinqu’ellemerejoigne.
Melindarestelà,àclignerdespaupièresetenmedétaillantdesesyeuxmalicieux.Jejetteunregardversmonmembrequimesembleprêtpourundeuxièmerounddesplustorrides.Ellesecacheaussitôtlesyeuxd’unemainetbalayel’airdel’autreenmeréprimandant:
—Certainementpas,M.Kyle.Jedoisimmédiatement…—Aïden?Monchéri,oùes-tu?Ehmerde!C’estmamère!Jemerelèveprécipitamment,attrapemonpantalon,quigîtsurlesol,et
l’enfileenmoinsdetempsqu’iln’enfautpourledire.Melinda,amuséeàsontour,croiselesbrascontresapoitrineenlevantunsourcilinterrogateur,toutenmedévisageant.
—Quoi ? demandé-je en repoussant la paille, témoin de nos ébats, à l’aide demon pied afin deformeruntas.
—Tum’asl’airpaniqué?—Trèsdrôle,MlleEvans…Trèsdrôle…Soudain,nousprenantparsurprise,laportedesécuriess’ouvregranddevantnous.Mamèreentreet
croisemonregardfortembarrassé.Unsourireauxlèvres,elles’approchedenous.
—Bonsoir,Melinda.—MmeKyle,répond-elle,intimidéeenbaissantlégèrementlatête.—Alice,lareprend-elle,enluiadressantunclind’œilcomplice.Quefaites-voustouslesdeuxici,à
uneheureaussitardive?demande-t-elleenjetantunœilàsamontre.—Bien,nousétions…Jemeraclelagorgetantlesmotsn’ensortentpas.—Noussommesallésfaireunebaladeàcheval,mereprendMelindaenmefaisantdegrosyeux,de
peurquejen’endisedetrop.—Unebaladeàcheval?Vousm’endireztant…,lacoupeaussitôtmamèrequis’approched’elle.Tu
asdelapailledanslescheveux,machérie,luifait-elleremarquer,enattrapantunbrinqu’elleplacesouslesyeuxécarquillésdeMelinda.
Jeréprimeaussitôtunsourireententantdegardermoncalme,déjàprêtàexploserderire.Cettefillene sait décidément pasmentir, chaque fois qu’elle essaye de faire avaler des bobards à ses parents,concernantsessortiesnocturnespourmerejoindre,ellefinitparenoubliercommentelles’appelle.C’estdéprimant,maisterriblementamusant.Jecroiselesbrascontremontorseetm’appuiecontrelepoteauenboisderrièremoi.Lascèneesthilaranteetjeneveuxpasenperdreneserait-cequ’unemiette.Jesuiscurieuxdevoircommentellevas’ensortir,cettefois.
—Bien,àvraidire…,commence-t-elleenmelançantdegrosyeuxdugenre:uncoupdemainneseraitpasdetrop?Jesuisvenuerejoindrevotrefilset…
—Oui,et…?demandemamèrequiadécidédelatorturerencoreunpeu.—Jesuisvenueavecmonchevaletnousavonspenséqu’unebaladeseraitfortagréableparcetemps
de…Ehmerde!dit-elleenjoignantlesmainsdevantsabouche.MonDieu,cettefillen’existepas!Avecunepluiepareille,unebaladeàcheval?—Maman,laissez-ladoncenpaix.Regardez-la?m’immiscé-jedanslaconversationenm’avançant
versMelinda,rougedehonte.Nousavionsenvied’êtreensemblecesoir,voilà toutetcommelapluies’estmiseàtomber,nousavonsdécidédenousabriter…
—Danslesécuries?m’interromptmamère,amuséeennousdévisageanttouràtour.—C’estça,confirmé-je,enattrapantlamaindeMelindaquireculeaussitôttelunpetitchatapeuré.—Bien,jesuisheureusedevousavoirrevus,mad…Pardon,Alice.Aïden,ons’appelle,hein?nous
dit-elleennoussaluantdelamain.Jelaregardedétachersonchevaletsortirdesécuries,encoreécarlatedehonte.Puiselles’envaau
galop.Mamèresetourneversmoi,leregardinquietetmedit:—Jesuistrèsheureusepourvousdeuxetjesaiscombientul’aimes…—Mais?demandé-je,déconcertéparsontondevoix,quiseveutsoucieux,toutàcoup.— Il n’y a pas demais qui tienne,Aïden. Simplement, tu ne dois pas sortir en pleine nuit, encore
moinsavecunejeunefemmecommeMelinda.
—Jenecomprendspas?Je secoue nerveusement la tête, ne sachant toujours pas où veut en venir ma mère, si tolérante
d’habitude.—Jeneveuxpastevoirdehorsenpleinenuit,c’esttout.C’estdangereuxparcetempset…Findela
discussion.—Maman,arrêtez!Quelquechosenevapas,n’est-cepas?Quesepasse-t-il?demandé-je,inquiet,
enprenantsonvisageentrelesmains.—Monchéri,jenesaispascequejedeviendraiss’ilt’arrivaitquelquechose,dit-elleenéclatanten
sanglots.Jelaprendsimmédiatementdansmesbras,enresserrantfortementmonétreinteafindelaconsoler.Je
reste sansvoix.C’est lapremière foisque je sensune telleangoisse s’emparerdemamère.Cela faitplusieurs jours que je sens une tension palpable au sein dumanoir,mais je ne pensais pas qu’elle enseraitautantaffectée.Maisquesepasse-t-il?
—Allez,rentronsàlamaison,maman.Jesècheseslarmesenluisouriant,etl’attrapeparlamainafinderegagnerlemanoir.Demain,ilme
faudraavoiruneconversationavecmonpère.
Denosjours…
—Bonjour,M.Kyle.Monchefdelasécuritémesortdemespensées.Jesecouelatêteafind’yremettredel’ordreetme
retourne pour lui faire face. La journée qui m’attend me laisse déjà un goût amer, et chaque jourm’apportesonlotdepeine.Bensetientprèsdelaporte,accompagnédeWilliamquineditpasunmot,cequim’étonnevenantdesapart.
—Entrez, etveuillezvousassoir, jevousprie, les invité-jed’un signede lamainàprendreplacedevantmoi.
—Merci,disent-ilsens’asseyant.—Ben, commentva-t-elle ?demandé-je tout enattrapantmonagendaetuncrayonpouryapporter
quelquesnotes.Putain,lasemaines’annoncelongue!—Pour commencer, j’ai fait transférer les effets personnels de votre femme aumanoir desEvans,
ainsiqueSnowcommevousmel’avezdemandé.Lalivraisonestprévuepourdemainmatin.—Vousm’envoyezravi.Elleseraheureusederetrouversonchien,dis-jeensouriant.J’indiqueaucrayonàpapiersurmonagenda,desfoisquenouspuissionsl’éviter,cerendez-voustant
redouté:
11h15-ConférencedepresseKyleEntreprise
—Mais,leschosespourraientêtrepire,ajouteBenenseraclantlagorge.Ma mine se casse immédiatement sous la pression de ma main. Quoi encore ? Je relève
immédiatementunsourcilsuspicieuxenbalançantmoncrayonsurmonbureauetm’adosseàmonfauteuilencroisantlesbrascontremontorse.William,malàl’aise,sedandinedéjàsursonsiègetoutenévitantdecroisermonregard,çaneprésageriendebon.Bensaitcombienjedétestequel’onmefasseattendre,surtoutlorsqu’ils’agitdemafemme.Ilreprenddonc:
—Bien…Aprèsnotredépartdumanoir,MmeKyles’estrendueauxécurieset…afaitunebaladeàcheval.
—Quoi?lancé-je,foudejoie,cettefois.—Calme-toi,Aïden.Lasuiten’estpasaussiréjouissante,déclareWilliam.—Commentça?!m’emporté-jeentapantdupoingsurmonbureau.Benselèveetfaitlescentpasenmejetantdetempsàautreunregardagacé.Jesaisquejedoisgarder
moncalme,maislaréactiondeBenmefoutenrogne.Ils’approchedemoi,etposesesmainsàplatsurmonbureauenrivantsesyeuxnoirsderagedanslesmiens.
—KevinMiller,crache-t-ilsimplementd’unevoixdédaigneuse.—Veuillezmepardonner,Ben.Maisquiest-ce?demandé-jeenfronçantlessourcils.Ilseredresseetgrimaced’unairquinemeditrienquivaille,etreprend:—KevinMiller. Jeune hommebrun, la trentaine, richissime et…un véritableDon Juan. Il doit sa
fortuneàdetrèsbonsinvestissements,maislaplusgrossepartiedesafortuneresteunmystère.Etvoussavez,toutcommemoi,quecelanerévèlejamaisriendebon.
—Celanemeditpas…—Laissez-moiterminer,jevousprie,mecoupe-t-ilenprenantplaceànouveausursonfauteuil.J’acquiesced’unsignedetête.—M.Collins…aépluchésescomptes.—Tuasquoi,William!?m’exclamé-jeenmerelevantbrusquementdemachaise.Ilmesouritd’unairdeconspirateuren levant lesmainsensignedereddition,commes’iln’yétait
pourrien.—Jen’airientrouvé.Peut-êtrequenossoupçonsnesontpasfondés,cettefois.Toutlemonden’est
pasaussitorduquetoi,hein?—Tagueule,William!Ben?J’inspireprofondémentenmetenantl’arêtedunez,sentantunemigrainearrivée,etmerassois.
—Misàpartcettefortunecolossale,ilserapprochebeaucouptropdesEvans.—Jevousdemandepardon?Qu’a-t-ilàvoiraveclafamilledeMelinda?l’interrogé-je,cettefoisau
borddelacrisedenerfs.—Iladînéaumanoir,hiersoir.Apparemmentdansuncadrepurementprofessionnelentantquefutur
investisseurdesEntreprisesEvans,apriorifrianddes’yfaireuneplace.Mais,cequ'ilvousintéresseradesavoir,c’estqu’il…s’estbaladéavecMmeKyleaprèsledîner.
—Putain!Quiestceconnard?Williamprendmoirendez-vousavecceMilleràlacon!Vous,Ben,placezmafemmesurécoute!Jeveuxunesurveillance24heuressur24!
—Onsecalme,Aïden.Personnen’aditqu’ellevas’amouracherdecemec,ok.?melanceWilliamenéclatantderire.
Jemerelève,contournemonbureauetl’agrippeparlecoldesachemiseenlerelevant.—Jetejurequejevaistepéterlagueule,situnelafermespas!William,c’estmafemmeetjesuis
entraindelaperdre…—Ohohoh,onsecalme,M.Kyle.Lâchez-le,allez…EtvousM.Collins,vousferiezmieuxde la
fermer.Laprochainefoisquevousdéblatérezunetelleconnerie,jevouscollemoi-mêmemonpoingdanslagueule,c’estcompris?!leréprimandeBend’unevoixsévère.
Jelerelâcheaussitôtetils’écroulesursonfauteuil.Williamréajustesacravateetmejetteunregardnoir,maisilseradoucitaussitôt.
—Pardonne-moi,Aïden.Parfois,l’humourestunearmepourapaiserlestensions,maiscen’étaitpaslameilleurepourcequetutraverses,s’excuse-t-ilenpassantlesmainsdanssescheveux,extrêmementgêné.
Jeretournederrièremonbureau,faceauxbaiesvitrées,etmeplongedansl’horizon.Jenesaispassije serai d’humeur à en entendre davantage. Pourtant, je n’ai pas le choix et la route que j’ai décidéd’emprunter est semée d’embûches,mais pas infranchissable. Je sais que je peux aller au bout de ceprojetfou,maisjesaisaussiquelsensontlesrisquesetleprixàpayer.Unjour,celadevaitarriveretnousy avionsdéjà songé.Melinda risquait de rencontrerunhomme, et peut-êtrede tomber ànouveauamoureuse. Aujourd’hui, les choses sont un tant soit peu différentes, nous avons passé des momentsmerveilleuxensembleetmêmes’ilsétaientcourts,ilsétaientintenses,uniques.
—Bien,Ben.Queproposez-vous?demandé-je,enmetournantverslui.Jeprendsappuisurlehautdudossierdemachaise,sanslequitterdesyeux.J’aibesoinderéponses.
Melinda est prise au piège dans ce manoir et avec cette mémoire qui lui fait défaut. À mon granddésarroi,jenepeuxrienfairepourlaprotégertantqu’elleyresteraenfermée.
—Unesurveillancerapprochéedevotrefemme,ainsiquedumanoirestindispensableafind’assurersasécurité.Fortheureusement,j’aieuletempsd’installeruntraceursursavoitureavantquesonpèrenevienne la chercher àForever.Mais j’opterai aussipourceKevinMiller.Pourmoi, il n’estpas réglo.Voussavez,toutcommemoi,quetousceuxquisemêlentdeprèsoudeloinàVictorsontaussipourris
quelui.—Jepencheraiaussidececôté.Kevintombecommeparhasardàpointnommé,etcommeunmiracle
se présentant auxEntreprisesEvans.Non, ça pue d’ici, ajouteWilliam, qui n’ose encoreme regarderaprèslascènedetoutàl’heure.Espèced’imbécile…—Ilestgrandtempsd’allerrendreunepetitevisiteàundenosamis,qu’enpensez-vous,messieurs?
leurdemandé-jeenhaussantunsourcilarrogant.—Vousm’envoyezfortravi,M.Kyle,répondBen,undemi-sourireauxlèvres.—Ben,préparezlavoiture.Noussommesdesortie,aujourd’hui.Williams’enfrottelesmains,àl’idéed’avancerundenospionssurl’échiquier.Lavictoireestencore
loin,maismavengeancesedessinedejourenjour.J’ensortiraivainqueur,jeledoisàmesparentsetàtousceuxdontlavieaétédétruiteparcetteenfluredeEvans.
10h01
Jesorsdumanoiretdescendslesmarches.Benm’attendprèsdelalimousine,lesmainsderrièreledos.Ilm’ouvrelaportière,maismesyeuxsontattirésparlaroseraiedefleursblanches.
—Monsieur,ilesttemps…Qu’enpensez-vous?medemande-t-ild’unevoixbasse.—Aïden,prendsletempsqu’iltefaut,ajouteWilliam,quim’attenddéjàdanslavoiture.Je jette unœil vers le fond du jardin, en déglutissant péniblement. J’ai les yeux quime brûlent et
l’imagedemamèreestlapremièrechosequimerevientàl’espritlorsquejevoisuneroseblanche.—J’aibesoindequelquesminutes,messieurs.Jecontournelavoitureenenfonçantmesmainsdanslespoches,commejelefaisaislorsquemamère
sepréparaitàmegronder.Jetraverselejardinjusqu’auxtombesdemesparents,prèsdelaroseraiedema mère là où j’ai souhaité qu’ils soient enterrés. Après leur mort, le personnel est resté, mais leschevauxontétévendus,ainsique lesvoituresde luxedemonpère,avecqui jepartageaismapassionpourl’automobile.Touslesfondsontétéversésàdesœuvrescaritatives.Jenemevoyaispasremonteràbord d’une de ses innombrables voitures. Puis, monter à cheval s’est avéré également terriblementdifficile.Cela fait bientôt deux ans que je n’étais pas venu les voir…Ladouleur liée à cette terribleréalité,melacèrelecœurcommeunpoignardleferait.MonDieu…Ilssontlà…Les tombes demes parents sont entourées par des rosiers de fleurs blanches où leur parfum flotte
délicieusementautourd’eux,bercéesparlebruissementdesvaguesquis’échouentsurlaplage.Jerelispéniblementleursnomsetlesépitaphesenétouffantunsanglotdupoingdelamain:
EdwardKyleUnpèreaimant
AliceKyleUnemèrebienveillante
Je suis revenu en ces terres pour récupérerma femme,mais aujourd’hui elle est si différente.Quedois-jefaire?Pourtant,jen’aipasoubliélapromessequej’aifaiteàmeschersparents.
—Putain!Jesuissiperdu!hurlé-jeentombantàgenoux,levisageenpleursentrelesmains.
Cinqansplustôt…VashonIslandChapelleardente
—Aïden,donne-moitamain,medemandeMelindad’unevoixdouce,lesyeuxremplisdelarmes.Jem’avancesansmêmeluirépondre,lalaissantlà,àl’entréedelachapelle.Jen’arriveplusàcroiser
son regard tant ilme rappelle le nomqu’elle porte :EVANS. Je ne sais pas si je dois la détester oul’aimeràenperdrelaraison.Elleestlafilledemonennemi,celuiquiaôtélaviedemesparents.Mariase tientau-dessusducercueildemamèrequiestmagnifique.Ondiraitqu’elledortpaisiblementaveccetteroseblancheentrelesmains,croiséessurlapoitrine.J’aitenuàcequ’ellesoitvêtued’unesimplerobeblancheenmousselinelégère,commeelleaimaitlesporter.JedéposeunbaisersurlatêtedeMariaquisanglotedouloureusement.
—Alice…Ma chère enfant… Je vais veiller sur votre fils comme si c’était lemien… Je vais leprotégeretjedonneraimaviepourlui,luipromet-elleendéposantundernierbaisersursonfront.
Elleserelèveetmeprenddanssesbrastremblants,encaressantmescheveux.—Là…Filho…Jesuislàetleseraitoujours,dit-elleenresserrantsonétreinte.Moncœurestlacéréparcettedouleurquin’enfinitpasdedésemplir.Jesuisravagéparlechagrin,
maiségalementaveugléparlavengeance.Cetteroutequej’aidécidéed’empruntersedessinepetitàpetitdevantmoi.Mesparentsontperdulavieettantquejevivrais,jenelâcherairien…
Jemerecueilleplusieursminutesdevantmamèreet l’embrasseunedernière foissur la joueen luisoufflanttendrement:
—Jevousaime,maman…Jeserailedignefilsdemonpèreetjeprotégerai,moiaussiunjour,mafamillecommevousl’avezfait.
Jefaislesdernierspasquimeséparentàprésentdemonpère.Ilestlà,danssoncostumebleunuitetunboutonderosesurlapochedesaveste,commelejourdesonmariage.J’essayed’avalermahaineetlasouffrancequiselitàprésentsurmeslèvrestremblantes.Puisjemepencheau-dessusdelui:
—Père, jevousvengerai…Jevousjurederetrouvervotreassassin…,dis-jeenpleurantcettefois
«Lemondeestdangereuxàvivre!Nonpastantàcausedeceuxquifontlemal,
maisàcausedeceuxquiregardentetlaissentfaire.»
AlbertEINSTEIN
-7-
VashonIslandCliniquePsychiatrique10h41
Aïden
Lapluiecontinuedetombersurl’îlecommeunparfaittableaureprésentantlasouffranceetleprofonddésespoirdans lequel je suisplongé.L’hommequidort allongé sur ce lit pourrait à lui seulmettreunterme àmavengeance.Mepermettre de retrouver la femmeque j’aime et envoyerVictor derrière lesbarreaux,maisiln’enferarien.Assissurlefauteuil,jel’observed’unairméprisableetl’enviequej’aidelesecouermeboutdanslesveines.Soudain,ilpenchelatêteversmoietcroisemonregarddéterminé.
—Bonjour,DrParker.Commentallez-vous?demandé-jed’unevoixgrave.Iltentedebafouillerquelquechoseetdeseredressersursonlit,maisenvain.Ilesttétaniséparma
simpleprésencedanscettechambrequ’iloccupedepuisbientôtdeuxans.—Quefaites-vousici,M.Kyle?Mon regard s’assombrit et je sens déjà la tension me gagner. Je me relève et m’approche en me
penchantau-dessusdelui.— Je viens vous tourmenter. Je veux être celui qui hantera chacune de vos nuits, être votre pire
cauchemar…Joignez-vousànousetvouspourrezalorsretrouvervotreliberté,luiproposé-jeànouveaucommechaquefoisquejeluirendsvisite.
— Je ne peux pas et vous savez très bien pourquoi, me répond-il en tournant le visage, mais jel’attrapeaussitôtparlementonafinqu’ilmeregardedanslesyeux.
—Vousl’avezdétruite,droguéeetarrachéeaupeudesouvenirsquiluirestait.—Jen’avaispaslechoix!—Vous l’avez laissée s’enfoncer dans une telle détresse qu’elle tenta de mettre fin à ses jours !
continué-jeafindeluiassenerfroidementcetteterribleréalitéafinqu’ils’imprègnedechaquemot.—Jeleregrette,jevousl’aidéjàdit!hurle-t-ilenrepoussantmamain.
Jemeredresseettraverselapiècedelongenlarge.Jedoisgardermoncalme,etjesaiscombiencelavaêtredifficiledelerallierànotrecause.Jem’assoisànouveausurlefauteuilenprenantuneprofondeinspiration.
—Vousêtesaussicoupablequelui,complicedelatragédiequinousfrappe.Néanmoins,vouspouvezréparervoserreursetainsisortird’ici,maisàuneseuleetuniquecondition,luiproposé-je,unenouvellefois,enm’accoudantaufauteuil.
—Ilmetueraitainsiquemafamille,etvouslesaveztrèsbien…Jepréfèreresterenfermertoutemaviedanscettechambre,quedeprendrelerisquedecroiserlechemindecethomme,dit-ilenfrissonnant,lapeursereflétantdanssesyeux.
—Vousaveztellementperdu…VotrefemmeetvotrepetitefilleontquittéSeattle,sansparlerdevotrecarrièrequiestterminée.Mais,aujourd’hui,jevousoffrel’occasiondevousracheteretjevousprometsdetoutfairepourprotégervotrefamille.
—Commevousl’avezfaitaveclavôtre?Jemerelèvedemonfauteuiletl’attrapeparsachemiseenluicrachantsévèrement:—Voussaveztrèsbiencequis’estpassé,salefilsdepute!—Sijeparle,sijedécidedediretoutelavéritéàlapolice,iltortureraetassassinerafroidementma
femmeetmafilledeseptans.KurtLewisestunhommeméprisableetilestfidèleàVictordepuisdesannées.Jesuisdésolé,maisjen’aipaslechoix.
Je le relâcheviolemmentensecouant la tête,mécontentdevantmon incapacitéàgardermoncalme.Maischaquefoisquejepenseàl’hommequ’ilaété,jenepeuxmerésoudreàréagirautrement.
Deuxansplustôt…VashonIsland
C’est le grand jour…Caché derrièremon journal, j’observe cet homme accoudé au comptoir desadmissionsquidiscuteavecunedes infirmières. Ilabriséetdétruit lafemmequej’aime.Iln’imaginemême pas combien sa vie va changer. La vengeance est un plat qui se mange froid, et je compte endégusterchaquebouchée.Celafaitdesmoisqu’iladministreuntraitementdechevalàMelindaafindel’empêcherderetrouverlamémoire.Bienentendu,Victorenestl’uniqueconspirateur,tirantsubtilementtouteslesficellesdeceplanmachiavélique.Maisaujourd’hui,toutecettemerdevaprendrefinetjem’enfrottedéjàlesmains.
J’aperçois leDrReesequi traverse lecouloir,unemalletteà lamain,endirectiondesonconfrère.Ellesepencheetluiglissediscrètementquelquechoseàl’oreille.Ilacquiesceetl’invited’unsignedemainàlesuivre.Ilspartentensembleetdisparaissentauboutducouloir.
—M.Kyle,ilssontentrésdanslebureau,m’informeBendansmonoreillette.—Aïden,tuaslesimages?medemandeWilliamquisetrouveauprèsdelui.—Donnez-moiuneminute.Je pose le journal près de moi, puis attrape mon portable qui se trouve dans ma poche et lance
l’applicationqueWilliamm’atéléchargée.LacaméradesurveillanceinstalléedepuisdessemainesdanslebureauduDrParkervamepermettredesuivreleurentrevue.LeDrReeseenasubtilementdissimuléàdifférentsendroitsafinquenouspuissionscoincercesalopard.Elles’estrévéléeêtreunealliéefidèle,prêteàtoutpourvengerlamortdemesparentsetrendrejusticeauxpersonnesquinoussontchères.
—C’estparfait,Messieurs…Quelespectaclecommence…,leursoufflé-jediscrètement.
—DrReese,souhaitez-vousboirequelquechose?demandeleDrParkerquisesertunverred’eau.—Non,merci,refuse-t-ellesèchementenjetantunregardcirculaireàlapièce.Elles’arrêtedevantunportraitdefamilleetluitendlecadrephoto:—Votrefemmeetvotrefille,jesuppose?Ilsourittendrement,l’attrapeetlereposesoigneusementsursonbureauenrépondant:—Oui,elleestenseignantedansl’écolematernelledenotrepetitefille.—Lafamille,celiensiprécieux…,dit-ellesansterminersaphrase.—Jevousenprie,Docteur,l’invite-t-ilàs’assoird’unsignedelamain.—Merci,jeneseraipaslongue.Elleprendplacefaceàluietsortplusieursdossiersdesamallettequ’elleposesurlebureau.—Quepuis-jefairepourvous?Unpatientencommun,peut-être?—Nousavonseuvent…—Nous?l’interrompt-il.—Pouvez-vousmelaisserterminer,jevousprie?Unsilences’installedanslapièceetleDrParkeracquiesced’unsignedetête.Puisellereprend
toutenouvrantundesesdossiers.—Merci…Nousavonsapprisquevousétiez…différent, voirequelquepeuétrangecesderniers
temps.Voussemblezfatigué,éreinté,DrParker.—Comment?Jemesensparfaitementbien !proteste-t-ilensedandinantnerveusement surson
fauteuil.—Veuillezgardervotrecalme,jevousprie!Ilyaquinzejours,vousaviezuneconsultationavec
uncertain…M.Rosh?demande-t-elleensortantunefeuilledesondossier.—Oui?Unhommeblond,latrentaineetquiavaitbesoind’uneconsultationurgente.Ilprésentait
destroublesducomportementetasouhaitémeconsulter.Oùestleproblème?—Ilaétésurprisquevousluiadministriezuntraitementpourdestroublesmentauxassezsévères,
dit-elleenluitendantledocument.
Soudain,Benéclatederiredansmonoreillette,cequim’arracheunsourire.—William,des troublesmentaux?Onn’a jamaisétéaussiprochesde lavérité ! semoque-t-il en
continuantderire.—Fermez-la!C’étaitunecouvertureetmestalentsd’acteurnousontpermisdelecoincer,sedéfend
William.—Bienjoué,William,lecomplimenté-je,amusé,enjetantuncoupd’œildiscretautourdemoi.
LeDrParkerl’attrapeetprendconnaissancedesoncontenu,enhaussantunsourcilcontrarié.—Jenecomprendspas?Cethommeprésentaituncomportementsuicidaire,associéàunefragilité
psychiqueprofonde.Savisiteétaitunappelausecours.Jeluiaidoncimmédiatementproposéd’êtreinternéquelquesjoursafinqu’ilpuissesereposer,maisilacatégoriquementrefusé.Ilétaitévidentdeluiadministreruntraitementafindesoulagersesmaux.—Cet homme nie les faits, et ce n’est pas le seul.Nous avons épluché vos dossiers et certains
d’entre euxnousont semblé fort douteux.En voilà, la longue liste, lui dit-elle enposant uneautrefeuilledevantlui.—Comment?Jesuismédecindanscethôpitaldepuisplusdedixansetjamaisjen’aicommisla
moindreerreurdansmesdiagnostics,c’est toutbonnement impossible!grogne-t-ilenrepoussant lafeuilleetselevantprécipitammentdesachaise.—Cen’estpaslaseuleraisonquimemènejusqu’ici,aujourd’hui.Vousavezperduconnaissance,
ilyadeça…septjours,n’est-cepas?—Oui,lafatiguecertainement,maisjemesensmieux.— Permettez-moi d’en douter. Il n’y a pas plus tard qu’hier, vous avez également présenté des
troublesdelamémoireetunedifficultéàvousexprimer.— Je suis fatigué ces derniers temps, je vous le concède parfaitement. J’ai d’ailleurs prévu de
prendrequelquesjoursdevacances,atteste-t-ild’unevoixlasseencroisantlesbrascontresontorse.—Prenez-vousunquelconquetraitementencemoment?—Absolumentrien,confirmeleDrParker,ensecouantlatêtepourconfirmersesdires.—Bien,j’aimeraistoutdemêmevousfairepasserquelquesexamensdecontrôle,afindevérifiersi
vousnedépendezpasd’unequelconquedrogueouautresubstance.—Jeneprends rien !Maispourquimeprenez-vous?!hurle-t-il, cette fois, encontournant son
bureau.Soudain, il titubeenprenant sa têteentre sesmainset tombeàgenoux. Il tentede se releveren
prenantappuisursonbureau,maiss’écrouleànouveau.—Maisquem’arrive-t-il?Aidez-moi…,supplie-t-ilentendantsamainversleDrReese.Ellejetteuncoupd’œilverslacarafed’eauposéesurlebureau,unsouriresatisfaitauxlèvres.Le
DrParkersuitsonregardethalèteaussitôt:—Qu’avez-vousfait?!Sansluirépondre,elleserelève,s’accroupitdevantluietl’allongesurlesol.Elleluiretroussesa
manchedechemise,puissortuneseringuedesamalletteetunflacond’oùelleenprélèvesonproduit.—Non,jevousenprie…,bégaie-t-ilenrenversantlatêtesurlecôtétantiltournedéjàdel’œil.—Quesepasse-t-il,DrParker?Nemeditespasqueletraitementquevousprenezfaitdéjàeffet?—Dequeltraitement…meparlez-vous?halète-t-ilpéniblement.— Celui-là même qui a détruit cette pauvre jeune femme, lui assène-t-elle en lui injectant
violemmentdanslebrascettemêmedosequ’iladministraitàMelinda.—Maisquiêtes-vousréellement?Quivousenvoie?!—Encoreunpeudepatience,vouslesaureztrèsbientôt…Laguerrenefaitquecommencer…
Denosjours…
Jesorsdelachambre,désespéréetlasdemebattre.Voilàdansquelétatjemeretrouvechaquefoisque je revienssur l’îleetque je lui rendsvisite. Je ferme laportederrièremoietm’adosseàelleenfrappantnerveusementmatêtedessus.
—Ehmerde!Maispourquoijen’arrivepasàgardermoncalme?—Peut-êtreparcequetuenastouteslesraisonsdumonde,justifieleDrReesequimerejoint.Jetournelatêteverselleenluisouriant.Elles’accoleaumurprèsdemoi,lesmainsdanslespoches.—Jelesaisbien,maisjedoiscontrôlercetteragequis’emparedemoichaquefoisquejeluirends
visite,insisté-je,mécontent,ensecouantlatête.—Cette route que tu as décidé d’emprunter à lamort de tes parents, je la respecte depuis le tout
premier jour.Jesaiscombien ilestdifficiledevivreaveccettedouleur liéeà laperted’unêtrecher.Maistudoisgarderenmémoirequelquechosedebienplusimportant…
—Quoidonc?demandé-jeenmeredressant.—Tonocéandemilleetunemerveilles,celui-làmêmequiadictéchacundetespas.Ellet’aime,ettu
visirrémédiablementdanssamémoire.C’estpourMelindaquetudoisgarderespoiretcontinuer,mêmesiturisquesdelaperdre.
—Jesuisdésolédevousavoirembarquésdansmavengeance.Vousrisquezvotrecarrièreet jenepourraijamaisassez,vousremercier.
—Àmonâge?demande-t-elleenhaussantlesépaules.Celafaitfortlongtempsquejemesuisalliéeàcettecausequinouslietouslesdeux,Aïden.Jetiendraimapromesseetj’iraijusqu’auboutet,avectoi,mepromet-elleenposantchaleureusementsamainsurmonbras.
Jeluisourisetm’avancepourlaprendredansmesbras.—Merci,luisoufflé-jesimplementàl’oreille.
11h55
Je sors de la clinique et aperçois Ben qui m’attend les mains croisées devant lui. J’attrape monportable et appellemonplus fidèle allié.Celui dont l’identité doit rester secrète tant la révélation decelle-ciseraituntsunamidévastateurautourdenous.
—Bonjour,monsieur…Oui,j’ensorsàl’instant,confirmé-jeenjetantunœilverslachambreduDr
Parkeroùjel’aperçois,maisildisparaîtaussitôtdèsquenosregardssecroisent.Non,iln’arienvouluentendre.
Jem’avanceverslalimousineetBenm’ouvreimmédiatementlaportièreenregardantautourdelui.Jeleremercied’unsignedetêteetm’installeprèsdeWilliamquim’attendunordinateurportableposésurlesgenoux.
—Oh oui, je trépigne d’impatience à l’idée de voir la tête qu’il fera lorsque vous arriverez à laréuniond’administration…Jereviensauplusviteversvous…Oui,jesaisetmesparentsvousfaisaiententièrementconfiance…Merci,jen’oublieraijamaiscequevousfaitespournous…Àbientôt,monsieur.
JeraccrocheetcroiseleregardsoucieuxdeBendanslerétroviseur.Ilfaitdémarrerlavoitureetmedemande:
—Toutvacommevouslesouhaitez,M.Kyle?Jesoupireengrimaçantetsecouelatête.Encoreunefois,ilarefusédedénoncercetteenflured’Evans
auxautorités,lefera-t-ilseulementunjour?—Onfaitquoiàprésent?demandeWilliamquipianotesursonclavier.—NouspartonspourSeattledèscesoir,luidis-jeenjetantuncoupd’œilàl’écrandel’ordinateur,
oùunecamérafilme24heuressur24leDrParker.—EtMelinda?demandeWilliamenrelavantdesyeuxétonnésversmoi.—Elleachoisisoncamp…Jemedoisdecontinuer.
«Quidoncdeshommesosesejugerpuissantquandn’importequelaccident
peutl’anéantir,effacerjusqu’àsatrace?»
EURIPIDESource:Fragments
-8-
KyleEntrepriseLundi19mai201409h41
Aïden
Enmelevantcematin,j’aidûmecontenirpournepasdemanderàBrittanyd’annulercetteconférencedepresse,quiauralieudansmoinsdedeuxheures.JesaisqueDaniell’aminutieusementpréparéeavecles journalistes et que certaines questions ne seront pas autorisées.Malheureusement, je ne suis pas àl’abri d’un quelconque débordement de leur part, étant donné que nous serons en direct sur toutes leschaînesd’informations.Etpourquoi?Toutcelapouréluciderlemystèrequiplaneautourdelavieprivéed’undesplusgroschefsd’entreprise:moi.
Onfrappeàlaportedemonbureau…—Entrez!dis-jeenjetantencoreunœilàlalistedequestionsquigîtdevantmoi.—Salut,Aïden.Williamentreetmesembletoutdesuitequelquepeutendu.Ilmerejointets’assoitfaceàmoi,sans
direunmot.Jem’adosseàmonsiègeeninspirantprofondémentetmepasselesmainsdanslescheveux.—Commenttesens-tu?Tusaisquetupeuxcomptersurmoi?medemande-t-ild’unairgrave,cequi
estassezrarevenantdesapart.— Oui, bien sûr que je le sais. Malgré tes enfantillages et ta facilité à déblatérer des conneries
monumentales,tun’enrestespasmoins…monmeilleurami.Celuisurquijepeuxcompteràtoutmoment,admets-jeenluiadressantunclind’œilcomplice.
—Tutesouviensdenotrerencontre?Putain,çafaitunbail,mec,dit-ilenriantetensecouantlatête.—Commesic’étaithier,William….
Cinqansplustôt…KyleEntreprise
—Sers-moiunautreverre!aboyé-jeaprèsleserveurdubar.Ils’approchedemoiet leremplitànouveaudeceliquidebrun.Jel’avaled’untraitdevantsonair
stupéfait.L’alcoolmebrûlelagorge,maisilmepermettrad’oublierpendantplusieursheurestoutecettemerde.
—Quoi?demandé-jed’unevoixgraveenposantbruyammentmonverresurlecomptoir.—Jenevoudraipasvoussemblerindiscretetimpoli,mais…—Maisquoi?lecoupé-jeenmepenchantpar-dessuslecomptoirpourattraperlabouteille.Kylan,
c’estça?lequestionné-jeenlisantlebadgequ’ilporte.—Oui,M.Kyle.Ilmesemblequevousnedevriezpasboireautant.—Tusaisquijesuis,alorslaisse-moiboireetretournetravailler,luidis-jeenlevantlabouteilleen
directiond’unclientquivientd’arriver.Ilsepencheversmoietmesouffleenjetantunœilautourdelui:—Vousêtesàprésentl’héritierdeKyleEntreprise.Vousdevriezhonorerlamémoiredevotrepère,
quiétaitunhommerespectédetous,m’assène-t-ilenreculantetpartantservirsonclient.Jememordille nerveusement la lèvre en serrant les poings. Si jem’écoutais, je lui colleraismon
poingdans lagueuleàcepetitmerdeuxdeblondinet.J’inspireprofondémentenprofitantdespremierseffluves de l’alcool, qui commencent à apaiser la tension et la colère que je ressens depuis la morttragiquedemesparents.Leursvisagesmehantent,leursvoixnequittentplusmonespritmalade…Puisily ames cauchemars liés aux images de l’avion abîmé enmer. L’enquête a confirmé qu’ils sontmortsnoyés après que le pilote ait tenté de se poser. Malheureusement, il n’y sera jamais parvenu. Unregrettableaccidentd’aviation,voilàcequecesconnardsdeflicsontpourlemomentdéclaré,bienquel’enquêtesoittoujoursencours.Maisjeconnaislavérité,lespiècesdupuzzlecommencentàconfirmertouteslessuspicionsqueBenetmoiavons.
—Bonsoir,mesalueunhommeencostumenoirquis’assoitprèsdemoi.—Quoiencore?m’emporté-jeentapantdupoingsurlecomptoir.—Oh!Ducalme,mec!J’aibeaucoupentenduparlerdetoi,metutoie-t-ildesuitealorsquejenele
connaismêmepas.—Unebière,jevousprie!demande-t-ilàKylanquiluiapportetoutenévitantdecroisermonregard.—Jevaistrinqueravecmonnouvelami,ajoute-t-ilenlevantsabièreetenm’adressantunclind’œil.—Vousn’êtespasmonamietjenevousconnaispas,objecté-je,enportantlabouteilleàmeslèvres.Soudain,monportablesemetàvibrersur lecomptoir.LaphotodeMelindaapparaîtsur l’écranet
m’arracheunegrimacequejen’arriveplusàdissimulerdepuisquelquesjours.Jelahaisautantquejel’aimeàm’enouvrirlesveines.Pourquoidevait-elleêtrelafilledel’hommequim’atoutvolé?Certes,
ilmemanquedespreuvesetBenabeaumediredenepastirerdesconclusionstrophâtives,maisj’aicepressentiment qui ne me quitte plus. Victor Evans est forcément derrière l’accident d’avion de mesparentset je leprouverai.Voilàoù j’ensuisaujourd’hui,àmedemandersi jenedevraipasplutôtmetireruneballedanslatêteetquittertoutecettemerdequemesparentsm’ontlaisséeenhéritage.
Monportablevibredenouveauetjeleretourneafindeneplusvoircevisagequimalgrémoimefendle cœur.Putain, une semaine… Déjà sept jours que je n’ai pas touchés sa peau et humés son odeursucrée.Centsoixante-huitheuresquejenel’aipasserréedansmesbrasetentendusavoixangélique.
—Elleestcharmante.C’estvotrefiancé?medemandeceparfaitinconnuquicommenceàmetapersérieusementsurlesnerfs.
—Certainementpas!craché-je,horsdemoi.—Uncoupd’unsoir?Hummm,elleestcanon…Sesyeuxsontmagnifiques,remarque-t-ilenprenant
monportableafindelacontemplerdeplusprès.Monsangcommenceàmebouillirdanslesveinesetlatensionquiestentraindenaîtreaucreuxde
monventre,n’annoncerienquivaille.—Jevousconseilledelafermer, tonné-jeenluiarrachant leportabledesmainsetenleglissantà
l’intérieurdemaveste.—Quandvousenaurezterminéavecelle,peut-êtrepourrai-jeprofiterdecettedélicieusecréature…—Salefilsdepute,hurlé-je,enluisautantdessus.Nous perdons l’équilibre et tombons à la renverse sur le sol. Jem’accroupis sur lui pour le tenir
fermementetluicollemonpoingenpleinegueule.—Quoi?Tunepartagespas?semoque-t-ildemoi.—Tagueule!Jet’interdisdeparlercommeçadeMelinda!tonné-jeenl’attrapantparlecoldesa
veste.Brusquement,desbrasmusclésmesoulèventetm’entraînentverslecomptoir.—Lâchez-moi!ordonné-jetoutenmedébâtant.—M.Kyle,calmez-vous!Jemetourneaussitôtverscettevoixquejeneconnaisquetropbienàprésent.—Ben?L’hommecontinuedemerireaunezetserelèveenessuyantseslèvresdureversdelamain.—Jevaisluirefaireleportraitàceconnard!craché-jeenessayantdem’extirperdesbrasdeBen.— Sacré crochet du droit, mec, ironise l’homme en posant la main sur sa mâchoire, a priori
douloureuse.Kylanluitendunchiffonenluidemandants’ilabesoind’autrechose.Ilrefused’unsignedetêteen
mejetantunregardamusé.Puisils’approchedemoienreplaçantsoigneusementsaveste:—Bien…Onm’avaitditquetuétaisunétalonsauvage,apparemmentcegrosnounoursn’avaitpas
tort.
—Fermez-la,Collins!jureBenentresesdents.—Collins?Vousvousconnaisseztouslesdeux?demandé-je,stupéfait,enlesdévisageanttouràtour.—Aïden,heureuxdefairetaconnaissance,mec.JesuisWilliamCollinsetjevaisêtretonnouveau
meilleurami,seprésente-t-ilenmetendantlamain.—Quoi?m’exclamé-je,ahuri.
Denosjours…
Jesecouelatêteenrianttantnotrerencontrereflèteparfaitementnotrerelation.Noussommescommechienetchattouslesdeux.Toujoursunevannebienplacéeetdescombatsdecoqscinglants.
—SiBenn’avaitpasété là,ce jour-là, je t’aurais refait leportraitetadieu tous tesplansculd’unsoir,luifais-jeremarquerenéclatantderireetencroisantlesbrascontremontorse.
—Jesavaisparfaitementcequejefaisais.Celadit,Melinda…—Tagueule,Williamoujeterminecequej’avaiscommencé.—Certainementpas,Messieurs,intervientBenquientresansprévenirdansmonbureau.Ehmerde!Quoiencore?Ils’avanceverslecoinsalonetattrapelatélécommandesurlatablebasseenverreblanche.Puisil
allumeletéléviseursurlachaîned’informations.—Voilàcequivousattend.Desrequinsassoiffésdesangetd’informationscroustillantes.Jevaisme
lesfairecescharognards,pesteBenentapantdupoingcontresamain.JemelèveavecWilliametlerejoins.
—Bonjour,Terry!JesuisendirectcommevouslevoyezdechezKyleEntrepriseoùilrègneiciuneeffervescence incroyable autour de cette conférence de presse. Je vous rappelle que le P.-D.G,M.AïdenKyle,ferauncommuniquéofficielauxalentoursde11h15danslehalldel’immeubledesonentreprise,commenteunejeunejournalisteàsonmicrophone,uneficheàlamain.— Bonjour, Jenny. Tout cela part d’un scoop paru sur le Web samedi matin, c’est bien cela ?
demandelejournalistesurleplateaudelachaînedetélévision.—Oui,Terry.Samedidernier,nousapprenionsdesourcesûrequ’ilavaitbeletbienétémariéàune
jeunefemme.Apriori,ilsneseraientplusensemble,maisalorsquiest-elleetsurtoutoùsetrouve-t-elle?Nossourcesnousontaussirévéléqu’ellel’auraitquittéjusteaprèslacérémoniedemariage.—Encoreunechose?Uneinformation,sourceSeattleTVONE,vientdenousparvenirJenny?— Oui, des informations ont filtré sur internet concernant des investissements douteux que
l’entrepriseauraitfait.Toutcelaadéchaînélesmarchésfinanciersetbeaucoupseposentcettemême
question:PourquoiM.Kyleinvestit-ildessommesaussicolossalesdansdesipetitesentreprises.Etsurtoutpourquoilesliquiderensupprimantdesmilliersd’emplois?Voilàlesdiversesquestionsquiserontposéesdansmaintenantmoinsd’uneheureàcerichechefd’entreprise.—Onnesaitpasgrand-chosesurcethommemystérieux?Misàpartqu’ilesttrèsappréciédela
gentféminine.D’ailleurs,ilaétéélul’hommeleplussexydel’annéeparlejournalWOMEN.Vous-mêmeêtesunegrandefan,Jenny?luidemande-t-ilenriant.—Ehoui, je l’avoue.Malgré tout, iln’enrestepasmoins l’hommeleplusenvoguedumoment,
mais cette affaire pourrait bien ternir sa réputation. C’était Jenny Colman en direct de chez KyleEntreprisepourSeattleTVONE.
Je restesansvoix. Iln’avait jamaisétéquestiondeparlerde l’avenirdeKyleEntrepriseetencoremoinsdenosinvestissements.WilliamtourneenronddansmonbureauetBenpasseimmédiatementuncoupdefil.Jetraverselapièceetattrapemontéléphone.
— Daniel ? Ramène tes fesses ici… Oui maintenant, et pas dans deux heures ! aboyé-je en luiraccrochantaunez.
Jeprendsplacederrièremonbureauetmepasselamainsurlevisage.—Àquelmomenttoutcepourquoijemesuisbattum’airrémédiablementéchappé?—M.Kyle,vousdevezgardervotrecalmeetnepaslaissertransparaîtrevosémotions.Ilsn’attendent
queçad’avoirdesclichésd’unhommeabattuet à terre.Noussavons tous ici,quevousêtesbienau-dessusde tout ça, n’est-cepas ?medemandeBenqui s’approche en se penchant versmoi, lesmainsposéesàplatsurmonbureau.
—Malheureusement,ma rencontre avecma femmea fait volé en éclatmacapacité à rester calme,avoué-jeengrimaçant.
— Et je peux le comprendre, mais vous ne pouvez pas vous laisser abattre. Vous le devez à vosparentset surtoutàvotre femmequiestàprésentdans la fosseaux lions,meconseille-t-ild’unevoixrassurante.
—Nevousinquiétezpas,Ben.Jevaism’ensortiretjen’aipasoubliénotreobjectif.Tantqu’ilmeresteraunsoupçondevie,jenecesseraijamaisdemebattrepourfaireéclaterlavérité,mêmesijedoisfairejusticemoi-même,craché-jeenfrappantdupoingsurmonbureau.
—Voilà,jevousreconnaisbienlà,ledignefilsdesonpère,meditBenavecunecertainefiertéquiillumine son regard. Je vais devoir descendre pour vérifier si tout est en place,mais je reviens vouschercheraprès,mesignale-t-ilenpartant.
—Ben,justeunechose?Ensavons-nousunpeuplussurcequis’estpasséàForever?BenetWilliamseregardent,terriblementmalàl’aise.—Quoi?demandé-jeenlesobservanttouràtour.William acquiesce d’un signe de tête vers Ben pour lui faire comprendre qu’il se charge de me
répondre.Monchefdelasécuritétraversemonbureauetdisparaîtdanslecouloirenrefermantlaportederrièrelui.
—William?Quesepasse-t-il?—Personnen’a ouvert le portail àEvans cematin-là,Aïden, déclare-t-il,mal à l’aise, enprenant
placesurlefauteuildevantmoi.—Jenecomprendspas?Alorscommentest-ilentré?—Ilavaitsimplementunbadgeenbonneetdueforme,commenousetlerestedupersonnel,articule-
t-ildoucementafinquej’enprennetoutelamesure.—C’esttoutbonnementimpossible,William?Tuveuxdirequelataupesetrouve…?merisqué-jeà
luidemandersanspourautantvouloirentendrelaterribleconfirmation.—Ouais,Aïden…Jeveuxdirequelataupesetrouveici,etcertainementàForever.—Ehmerde!
«Cenesontpaslesautresquinousinfligentlespiresdéceptions,maislechocentrelaréalité
etlesemballementsdenotreimagination.»
HélèneGRÉMILLONSource:Leconfident-2010
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VashonIslandLundi19mai201410h15
Melinda
Jecourssurlesableentournoyantsurmoi-même,lesbraslevésverslecieletlescheveuxauvent.Lesoleilbrilleet les rayonsdusoleilcaressent tendrementmonvisage.Jesuis siheureuse…Cettenouvellem’atransportéeetjenecroispasavoirétéaussiradieusedetoutemavie.L’amourmedonnedesailes!Cethommeacepouvoirénigmatiquesurmoiquimecaptive,m’ensorcelle.Depuisnotrerencontre,jemesenssiforte,sicourageuseetsidifférente.Maisalorsdepuisquejesais…Soudain,letonnerregrondedanslecieletlesnuagescommencentàcouvrirl’horizon…Lesoleil
disparaîtetleventselève.Jesenscommeuneprésenceetcroiselesbrasenregardantautourdemoi.Puisj’aperçoisuneombrenoiresansvisagequis’approchedoucement.—Melinda,quefais-tuici?!demandecettevoiximpérieusequicontinueàrésonnerdansunécho
terrifiant.Jereculeprécipitammentet tombesur lesableenmerecroquevillantsurmoi-même.Jeposemes
mainssurmesoreillesafind’atténuerlesonperçantdesavoix,quimeglacelesangetmeterrorise.—Tunedevaispastetrouverlà,etàprésentjevaisdevoirmedébarrasserdevousdeux!—Nous?!crié-jed’effroienrelevantlatête.L’ombresansvisages’envole,tournoiedanslesairsetsejettesurmoi…
—Noooooon!hurlé-jeenmeredressantsurmonlit,complètementtrempéeetàboutdesouffle.Je posemamain surma poitrine tant j’ai le cœur qui cogne rapidement. Je tente de retrouver une
respirationpluscalmeetd’apaisercetteangoissequis’emparedemoi,maislanauséememontedéjààlagorge…Jesuisbouleverséeparcerêvequiesttoutnouveaupourmoi…
—Maisquiestcethommepourquij’éprouvaidessentimentsaussiforts?murmuré-jeencaressantduboutdesdoigtslabagued’Aïden.
Jeclignedespaupièresenlacontemplantd’unœildifférent,etce,bienmalgrémoi.Serai-jedevenuefolleaupointd’enaccepterdeporterlabagued’uneautre?Aupointderessentirdel’affectionpourcetobjetquinem’appartientpas?Leslarmesmemontentauxyeuxetcoulentàprésentsurmonvisage.Jeressensuntelmanque,untelvidesecreuserànouveaudansmoncœur,etdansmonventre…Toutàcoup,jecomprendsquequelquechosem’avéritablementétéarraché.Celanefaitplusaucundoute:j’aiaiméfollementunhommeavantmonaccident.Maisalorsoùest-il ?Etpourquoin’est-ilpasàmescôtés?Pourtant, l’amourque je ressensenversAïdennedésemplitpas, aucontraire ilne faitquecroîtreauxtréfonds de mon âme… Est-il possible d’aimer deux personnes ? J’ai l’impression de ressentir lessentiments troublants d’Aïden…Un amour du passé sans visage, et celui d’aujourd’hui qui viendraitpresquecomblerlemanquedel’autre…
Mescauchemarssontbienentraindechanger…Ilssontdifférentsetlesémotionssontbeaucoupplusfortes. Cette ombre noire n’est pas celle de l’homme demes rêves,mais plutôt de celle qui tente dem’arracher à lui. J’ai cette certitude au fond demon cœur que quelqu’un essaye dem’éloigner de lavérité.
—Maman!m’écrié-jeenmelevantprécipitamment.J’attrape mon peignoir blanc et l’enfile rapidement en traversant ma chambre. J’ouvre la porte et
dévalelesescaliersafindeposercettequestionquimebrûleleslèvres.J’aperçoisClairequiouvrelaported’entréeensetournantlégèrementversmoi.
—Maman!continué-jedel’appelercommesimaviedépendaitdesesréponses.—Mlle Evans ?Une livraison est arrivée pour vous,m’informeClaire enm’invitant à la suivre à
l’extérieur.Je jetteunœilvers lasalleàmangeret la rejoinssur leperrondumanoirencroisant lesbras.Un
utilitaire est garé dans l’allée et un hommebrun en casquette s’approche de nous, une enveloppe à lamain.
—JechercheMlleMelindaEvans,s’ilvousplaît?demande-t-ilenmontantlesmarches.—C’estmoi…,réponds-jeenluifaisantunsignedelamain.Ilsortunefeuilledesapochearrièreetunstylo.—Unesignature,s’ilvousplaît,dit-ilenmelestendant.J’attrape la feuille et remarque tout de suite son mystérieux expéditeur… Aïden Kyle. Je fronce
aussitôtlessourcilsensongeantànotredernièrerencontre.Jesigneledocumentetluirends.—Merci,Mlle.Voilàdéjàpourvous…Ilmetendl’enveloppeoùestindiquésurledevant:
Melinda,monangedescenduduciel…
Je reconnais immédiatement l’écritured’Aïdenquime rappelle cepetitmot laissé sur l’oreiller, le
matin de son départ pourDenver.Nous venions de passer la nuit ensemble et elle avait étémagique,intense…Malheureusement,lecontedeféesauraprisfinassezrapidement.
—MlleEvans!m’appellelelivreurquisortdescartonsetdeshoussesdel’arrièredesonvéhicule.CettelivraisoninattenduemefaitprendreconsciencequemonhistoireavecAïdenestdéfinitivement
terminée… Je ne remettrai plus les pieds à Forever… Je neme plongerai plus jamais dans l’horizonmagnifiquequenousoffre cette somptueusedemeure.Claire rejoint le livreur et j’en faisdemême, lalarmeàl’œil.Lorsquesoudain,unebouledepoils’échappeduvéhiculeetseprécipiteversmoi.
—Snow?!m’exclamé-je,surprisedelevoirici.Ilmesautedessusetmelèchelevisage,heureuxdemerevoir.—Maisquefais-tuaumanoir?Pourquoitonmaîtret’aenvoyéchezmoi?demandé-jeenlecaressant.LelivreursalueClaire,montedanssonvéhiculeetquittelemanoir.—Rentrez,MlleEvans,jemechargedevospaquets,medit-elleenattrapantlepremiercarton.—Laissez-moivousaider,refusé-jepolimentenm’approchantd’elle.—Bien,mademoiselle.J’attrape les housses blanches qui doivent contenir une partie de ma garde-robe, et nous montons
ensemble lesmarches, suivies deSnow. Je pense savoir ce que contiennent les autres colis et je suispressée de récupérermon sac àmain, ainsi quemon téléphone. J’avoue aussi être assez curieuse dedécouvrircequecontientl’enveloppequim’estadressée.Maconversationavecmamèredevraattendreencorequelquesminutesmêmesijetrépigned’impatiencedeluiposerlesquestionsquimerongent.
Unefoisremontéedansmachambreet lescolissoigneusementempilésdansuncoin, j’accrocheleshoussesdansmondressingetvaism’installersurmonlitpourdécouvrirlecontenudelalettred’Aïden.Snowsecoucheimmédiatementàmespiedsenrelevantdespetitsyeuxversmoi.
— Toi aussi tu es curieux de découvrir ce que m’a écrit ton maître ? Peut-être es-tu dans laconfidence,hein?luidemandé-jeenluicaressantlehautdelatête.
J’ouvre délicatement l’enveloppe, le cœur battant la chamade, et sors la lettre. Je la déplie etdécouvreenfincesquelqueslignesécritesdesamain:
MatrèschèreMelinda,
Lorsquelavienousoffreunesecondechanced’êtreheureux,deuxchoixseprésententànous…Lepremiernousprojettedansnotrepassé…Onsongealorsà toutes les erreursquenousavons
commisesetàtoutescellesquenousn’avonspassuréparer.Malheureusement,laplupartdutemps,nousabandonnons,maisjetrouvececomportementplutôtlâche,qu’enpenses-tu?Le second vous pousse à vivre cette histoire envers et contre tous… Le manque et l’amour
inconditionnel que je ressens pour toi, me poussent à choisir la deuxième option que la vie mepropose.J’aimeraistecriercombienjet’aimeettedirepourquoimaprésenceàtescôtést’espresque
vitale. J’aimerais te dire que je suis et reste la réponse à toutes tes prières, mais je me dois derespecter ton besoin de t’éloigner de moi et ce, afin de nous donner une chance d’être heureuxensemble.Là,tutedemandespourquoijetedistoutcelaettunecomprendsrien…Maisjen’aiqu’unechose
àajouter:Cherchedanstoncœur,Melinda…Jesuisconvaincuquetuytrouverascetteplacequin’appartient
qu’àmoi…Etlorsquetul’aurastrouvée,reviens-moi…
Jet’aimedetoutmoncœur…Forever…
Aïden
PS : Je t’envoie Snow… Il était terriblement malheureux sans toi à Forever. Il te tiendracompagnie… Et arrête de penser que je suis un être cruel et sans cœur qui se débarrasse de sonchien!Prenezsoindevousdeux…
Jeserrelalettrecontremoncœur,levisagenoyédelarmes,unsourirestupideaccrochéauxlèvres.Jeveux laissermacolèredecôté,dumoinspourquelquesminutes…J’ai tantbesoind’êtresubmergéeànouveaupartoutl’amourquejeluiporte.Ilmenourrit,m’apaiseetmerendsivivante.Aïdenmemanqueterriblement,mais cette vérité qu’ilme cache et cette vengeance sans nom,me terrorisent…Pourtant,danscettelettre,Aïdenmerépètequ’ilm’aimeetqu’ildésireêtreàmescôtés.Ilveutquejeguérisseetquejeluirevienne,maiscommentlefaireaprèstoutcequej’aiappriscesderniersjours?Jenesaisplusoùj’ensuis.Parailleurs,lerêvedecematinn’arrangeenrienlasituation,carilcontinuedetorturermonesprit…
Snowm’observeencouinantetenpenchantlégèrementlatêtecommepourtenterdelireenmoi.Jemerelèveetfaisquelquespasdansmachambre,lalettretoujoursserréecontremoncœur.Puisjem’arrête,décidéeà reprendre lecoursdemavie,etme tourneverscepetitêtrevivantquimeremplitd’amourchaquefoisquejecroisesonregard:
—Snow?!Illèveaussitôtlatête,lesoreillestendues,penduàmeslèvres,cequim’arracheunsourireamusé.—On va aller se balader cet après-midi en ville, puis on ira semanger une glace ! Tu aimes les
glaces,monchien?Snowaboieaussitôtenserelevantsursespattes,heureuxàl’idéedepartirenbalade.Jemeprépare
etenfileunepetiterobebleucieletdesballerinesassorties.Puisjemedécideàouvrirquelquescartons.Je retrouve mon sac à main et y glisse la lettre d’Aïden afin de pouvoir la relire tout à l’heure.
Réactiondigned’uneadolescente,jeleconçoisparfaitement,maisaupointoùj’ensuis,çanemechoqueplus. À l’intérieur, il a pensé à y glisser le petit mot qu’il m’avait laissé sur l’oreiller, et la clé de
Forever,ainsiqu’unbadge.Jelesregardebêtement,sanscomprendresonentêtementàmedonneraccèsàsapropriété.Jerécupèremonportable,tentedelerallumer,maislabatterieestàplatetlemetsaussitôtàchargeravantderejoindremamère.
AccompagnéedeSnow, jedescendset traverse la salleàmangerafinde rejoindre le salon,qui setrouvesouslavérandaenverredonnantsurl’océan.
—Maman?J’aimeraisteparlerdequelquechose,s’ilteplaît?J’aiunamiavecmoi,maisjenesuissûrequetuappréciesdesavoirque…
J’aperçoismamère,debout,lesbrascroiséscontreelleetlevisageblanccommeneige.Maisquesepasse-t-il?
—Maman?Qu’est-cequ’ilya?demandé-jeencontinuantàm’avanceretenpénétrantdanslesalon,oùlatélévisionestsurlachaîned’informations.
—Approche,machérie,dit-elleenmetendantsamainetensouriantàSnowquivients’assoiràsespieds,cequimesurprend.
Soudain,unejournalisteprendlaparole.Jereconnaisimmédiatementl’immeubledeKyleEntreprise.
—Bonjour!C’estJennydeSEATTLETVONEendirectdechezKyleEntreprise.Dansquelquesinstants,M.AïdenKyledonneracetteconférencedepressetantattendue…
Jerejoinsmamère,unemainposéesurmeslèvrestremblantes.Ellem’agrippeaussitôtdanssesbrasenmedéposantunbaisersurlehautdelatête.
—Machérie,jeveuxquetusoisforte…Des flashs se mettent à crépiter à l’écran et un bandeau rouge indique : En direct de chez Kyle
Entreprise.Aïdenapparaîtderrièredesdizainesdemicrophonessurunpupitreinstallédanslehalldesasociété.Ilmesembleperduetintimidéparlahordedejournalistesprésentsàcetteconférencedepresse.Bensetrouveàsadroite,ainsiqueDanielEngleetlejeunehommeblonddubar,William.Puisarriveàsagauche,unefemmebrunehabilléed’unerobenoireetquin’estautrequecellequej’aicroiséeausalonderecrutement.Ellem’avaitalorsdévisagéefroidementets’étaitaussitôtéclipsée.Elle travailledoncavecAïden?Sonregardtorveposésurluimefaitfroiddansledos,commesielleledévoraitdesesyeuxnoirs,mais jesuis incapablededécriresic’estdumépris,voirede lahaine.Auraient-ilseuunequelconquehistoireentreeuxetdecefait,elleluienvoudrait?Celameparaîtpeuprobable,cettefemmedoitavoirl’âgedemamère…Ellenem’inspireaucunementconfiance,maisquiest-elle?
—Bonjourà tous. Jevoisqu’aucundevousn’a respecté l’accordpasséavecmondirecteurdesrelations publiques,M.Daniel Engle, présent icimême, fait remarquer Aïden en lemontrant de lamain.Jevaisdonceffectivement faireuneconférencedepresse,mais jenevousaccorderaiaucuneinterview et ne répondrai à aucune de vos questions bien évidemment, crache-t-il, cette fois, plussévèrementenjetantunregardnoiràlafouleamasséedevantlui.
Lesjournalistessemettentàposerdesdizainesquestionsenmêmetemps.Unbruitassourdissantrègnetoutàcoupdans lehallde l’immeubleet les flashscontinuentdecrépiter.Aïden lève lamainafindedemanderlesilenceetreprenddèsquelecalmerevientuntantsoitpeu:
— Je tenais à donner cette conférence de presse afin de répondre à toutes vos suspicionsconcernant ma vie privée et, entre nous, elle ne vous regarde absolument pas. Effectivement, j’aiépouséunejeunefemmeilyatroisans,malheureusementpourdesraisonsquimesontpersonnelles,cemariage…
Aïdengrimaceetseraclelagorgeenlevanthautlatêteetcontinue:
—…aétéannulé.Aprèsunelonguediscussion,nousavonsdécidéd’uncommunaccorddemettreuntermeànotrerelation.Aujourd’hui,monex-femmeareprislecoursdesavieetnousn’avonsplusaucuncontact.Vousn’avezpaseuventdecetteunionpourlasimpleetbonneraisonquevousêtesdesvautoursassoiffésdescoops,étantdonnéquejerestelaproieidéaledepuislamorttragiquedemesparents.Parconséquent,cesujetestclosetjenereviendraipasdessus.Pourenveniràcettequestionqui vous brûle tant les lèvres depuis samedi, à propos de cette jeune femme mystérieuse que jefréquente…
Aïden regarde autour de lui et se tourne versBen qui acquiesce. Il baisse légèrement la tête et larelèveeninspirantprofondément.J’ail’impressionquemoncœurvientdelouperunbattement.J’ailesmainsmoitesetlesoufflecourt.S’ildoitmeprouvercombienilm’aime,c’estmaintenantoujamais…
—Elleest…C’estune femmecharmante,maisc’est terminéentrenouspour lasimpleetbonneraison que nos vies professionnelles ne nous permettent pas d’imaginer un quelconque avenirensemble.D’ailleurs,ellesouhaitegarderl’anonymatetsonnomneserabienentendupasdivulgué.
—Espècedesalementeur!tonné-jeenattrapantunerevueposéesurlatablebasse,etenlabalançantsurl’écran.
—Calme-toi,Melinda, je t’en prie,me suppliemamère qui augmente encore un peu le son de latélévision.
—Encequiconcerne,lesinvestissementsdeKyleEntreprise,AmandaWalshseferaunplaisirderépondreàtoutesvosquestions.Surce,jevoussouhaiteunebonnejournée!
— Amanda Walsh, c’est donc elle ? demandé-je d’une voix furieuse à ma mère en essuyantrageusementmeslarmes.
—Oui,ma chérie. C’est la vice-présidente deKyle Entreprise,me confirme-t-elle en fronçant lessourcils,lesyeuxrivéssurcettefemme.
—Bonjourà toutesetà tous.Notreentreprise investit tous les joursdansdenouvelles sociétés,parfoisnousfaisonsdebrillantesaffaires,etparfoiscen’estpaslecas,cequinousobligeàdevoirnousenséparerlorsquelesobjectifsnesontpasrespectés…
—Pourquoiai-jelaterribleimpressionquequelquechosem’échappe?Jedétestecettebonnefemmeetellenem’inspireaucuneconfiance!tonitrué-jeentournantenronddanslesalontoutenl’écoutant.
—Neprêtepasattentionàelle,Melinda,meconseillemamèrequisedirigeversmoi.— Elle est de mèche avec Aïden et cette garce veut aussi détruire notre famille ! vociféré-je en
laissantéclaterdeplusbellemacolère.Mamèreplongesonregardmalheureuxdanslemienenm’attrapantparlesmains,maisjelesretire
aussitôtenreculant.J’ail’impressiond’étoufferdanscettemaisonetjeneveuxpasresteruneminutedeplusici.
—Regarde-moi,Melinda.—Laisse-moi!dis-jeenregagnantlehallpourremonterdansmachambre.J’aibesoind’allerprendrel’airetdesortirdecemanoirauplusvite.—Parfois, la vie nous assène des coups violents et nous pensons avoir toutes les réponses à nos
questions,maisseul le tempspeutnousaideràyrépondre,continue-t-elleenmesuivant,désespéréeàl’idéequejel’écoute
—C’estterminé!Jeneveuxplusrienentendre!—Jeveuxt’aider,Melinda,jetelejure,insiste-t-elleencore.Jem’arrêtenetetmetourneverselle,lesyeuxremplisdelarmes.—Ahoui?Tuvaspeut-êtrerépondreàtoutesmesquestions?!Commecellequejevousaiposéeà
papaettoi?—Quellequestion?demande-t-elle,paniquée,ensecouantlatête.—Quiestl’hommedontjerêvedepuistroisans,maman?Oùest-iletcomments’appelle-t-il?Mamère, sans dire unmot, recule en posant samain tremblante sur ses lèvres. Ses yeux apeurés
sondent lesmiens,mais je suis déterminée à aller jusqu’au bout, cette fois. Jem’approche d’elle,macolèreàsonparoxysmeetluidemandesèchement:
—Jerépèteunenouvellefoismaquestion…Quiestcethommeetoùest-il?—Tunepourraispascomprendre…,dit-elleensecouantlatêtepourrefuserdemerépondre.—Quoi?Toiaussituasdécidédemesortircetterépliqueàlacond’Aïden?—Jet’interdisdet’adresseràmoidecettemanière!—Vousn’êtestousqu’unebandedesalesmenteursetjevousdéteste!
Soudain,mamèremegifleviolemment.Jeposemamainsurmajoueenladévisageant,terriblementchoquéeparsongeste.
—Jesuisdésolée,machérie,sanglote-t-elleentendantsamain.—Non!Nem’approchepas!luiordonné-jeenlapointantdudoigt.—Melinda!Sansluirépondre,jem’enfuisencourantverslehalld’entréeetremontedansmachambre,suiviede
Snow.
«Nosviessedébattent,crientdanslanuit,hurlentettremblentdepeur.Infiniment
nouscherchonsunabri.Unlieuoùleventsifflemoinsfort.Unendroitoùaller.Etcetabriestunvisage,etcevisagenoussuffit.»
OlivierADAMSource:Falaises-2005
-10-
RevengeSoundtrack-FarewellFauxmanda
VashonIslandLundi19mai201413h59
Melinda
Aprèsavoirgrignotéunmorceauencuisine,jesuismontéedansmavoitureavecSnowetnousavonsquittélemanoir.Mevoilàdoncrevenueenville…Celafaitdesmoisquejen’yaipasremislespieds.Leregarddesgensmeblessaitet jenelesupportaisplus.Resterenfermerdansmabulleestcequejesaisfairedemieuxdepuismonaccidentdevoiture,maiscen’estpaslasolutionàtousmesproblèmes.Accepter la tragédiequim’a touchée et enpuiser cette forcequi jaillit demoncœurdepuisplusieursjours,estsansdoutecequ’ilmerestedemieuxàfaire.Àdirevrai,jeladoisàAïdenetàtoutcequ’ilm’a fait ressentir. J’aivibrédanssesbras, ressenti tantd’émotionset je saiscombien il aapaisémessouffrances.Jedoism’ouvriràlavieetcetaprès-midi,j’aidécidédemedonnerunechanced’êtreenfinheureuse.
Jemegareencentre-villeetattrapemonsacàmain. Je faisdescendreSnowquinemequitteplusd’unesemelledepuissonarrivéeaumanoir,etluimetssalaisse.
—Voilà,tuesunbonchien,lecomplimenté-jeenluicaressantlehautdelatête.J’attrapemontéléphonedansmonsacetl’allumeenfin.J’avouenepasl’avoirfaitavant,depeurde
tombersurunmessaged’Aïden.Jenesaispassijeseraicapablederésisteràl’enviedelerejoindreoubienmêmedel’appeler.Jeluiaimontrémacapacitéàluitenirtêtesamedidanslebureaudemonpère,et j’ensuisassezfière.Maisvoilà,saconférencedepresseestsicontradictoireaveccette lettrequ’ilm’aécrite…Jecroisquejevaisdevenircingléesijecontinueàrumineretàfairedessuppositionssursessentiments.Vivreunjouraprèsl’autreestlameilleurechosequ’ilmeresteàfaire…
—Mince,Emma…,soufflé-jeenlisantsontextooùellemedemandedelarappelerdetouteurgence.Malheureusement, il n’y en a aucun d’Aïden, mis à part ceux que nous avons échangés vendredi
dernier…À quoi t’attendais-tu ? Je secoue nerveusement la tête afin de faire taire ma conscience.J’attrapemonoreilletteetappelleimmédiatementEmma.
—Allô?!s’exclame-t-elle,endécrochantdèslapremièresonnerie.—Tuétaiscolléeàtontéléphoneouquoi?gloussé-jeenmemoquantd’elle.—Trèsdrôle,MlleDuSnob!J’étaissuperinquiètepourtoiet tunem’asdonnéeaucunenouvelle!
râle-t-elleaprèsmoi.—Jevaisbien,net’inquiètedoncpas.—Facileàdireaprèscequis’estproduitsamedi,sansparlerde…—Oui,decetteconférencedepresse,lareprends-jeaussitôt,devinantdéjàlefonddesapensée.—Melindaneprêtepasattentionàcequ’iladit.Jesuiscertainequ’ilvoulaitteprotégerdetousces
journalistespeuscrupuleux,peste-t-elle,excédée,elleaussiparlasituation.—Permets-moid’endouter,Emma.Ilaététrèsconvaincantetjenecessederuminerdepuiscematin.
D’ailleurs,ilm’afaitlivrermeseffetspersonnelset…—Etquoi?mecoupe-t-elleaussitôt.—Etsonchien…,luiréponds-je,enadressantunclind’œilàSnow.Toutàcoup,Emmaéclatederireàl’autreboutdufil.Jelèvelesyeuxauciel,cettefillen’existepas!—Excuse-moi,Melinda,maissincèrementcemecaungrain,jetejure,continue-t-ellederire.—Ahouietpourquoi?me renfrogné-jeenm’arrêtantdevant lavitrined’unmagasinoùunepetite
robeattiremonattention.Soudain,j’aperçoisdanslerefletdelavitre,un4x4noirgarédel’autrecôtédelarue.Unhommeen
lunettenoirem’observeetnemequittepasdesyeux.Ilm’atoutl’airdediscuteravecquelqu’un,maisjenevoispersonneprèsdelui.Non?!
—Non,maisquelenfoiré!pesté-jeenmetournantverslui.—Quesepasse-t-il,Melinda?paniqueEmma,àl’autreboutdufil.—Cettefois-ci,ilvam’entendre!La colère contenuedepuis cematin vient d’exploser et cet homme, va enpayer de sa personne. Je
traverselarueetmedirigedroitverslui.Ilmetaussitôtlecontact.—Ohnon!Vousrestezlà,etjevousinterdisdepartir!luiordonné-jeensecouantledoigtdevantlui.Ilgrimace,retireseslunettesetlesdéposesurletableaudebord.Satêtenem’estpasinconnue,mais
impossibledemesouvenirdelui.Bahtiens,ironiedusort,medirez-vous!—Bonjour…,mesalue-t-ild’unepetitevoixenbaissantlégèrementlatêtelorsquejelerejoins.Jeposemamainsurlaportièreetluidemandesèchement:—Quiêtes-vousetquivousenvoie?Etnemementezpas!—Jem’appelle,Donovan…Jesuisdésolé,maisj’aireçul’ordredeneriendire,mademoiselle.—Ahoui?Etbienc’estcequel’onvavoir!Emmajeterappelleenfindejournée,majolie.J’aiun
compteàrégleravecunconnardperchédanssatour.
—Hummm,j’aimeraisêtreunepetitesourispourvoirsatête,dit-elleenéclatantderire.—Etmoi,pournepasêtreàsaplace!craché-je,furieuse,enraccrochant.Etvous,chermonsieur,je
vousinterdisdepartir,c’estbiencompris?—Bien,madame,merépond-ilencoupantlemoteur.—Mademoiselle,jenesuispasmariéequejesache!luifais-jeremarquerenluimontrantmamain.Ehmerde!Bravo!J’aiencoreeulabonneidée,aujourd’hui,denepasretirercettebague.L’hommeréprimeunsourireamusé,cequinefaitqu’accroîtrelatensionquiboutenmoi.Jecherchele
numéroetlancel’appelentapantdupiedparterre.—MlleEvans,quemevautl’honneurdevotreappel?demandecettevoixquivientdemefendrele
cœur.—M.Kyle,pourriez-vousavoirlagentillessedem’expliquercequefaitvotregorilleici?—Ungorille?!Oùça?dit-ilenriant.—Nevousfichezpasdemoi!Vousmefaitessurveilleraunomdequoi?!— Je ne vois absolument pas de quoi vous parler ? C’est tout ce que vous avez trouvé pour
m’appeler?C’estpetit,MlleEvans.Lefeumemonteauxjoues.Jenesaispassic’estdûàlacolèrequibouillonneenmoi,oubienaux
milliersd’étoilesquicommencentàmescintillerdevantlesyeux.J’autorisel’hommeàpartird’unsignede lamain,cequ’il s’empressede fairesansdemanderson reste. Je revienssurmespasen regardantautourdemoi,depeurd’êtreencoresurveillée.
—Écoutez-moibien,M.Kyle.Jenevousappartienspasetcelan’arriverajamais.Vousn’avezpasledroitdemefairesurveiller!Jevousjurequelaprochainefois,jeviendraivousbotterlesfessessivousoserneserait-cequ’unefoisréitérerl’opération.Est-cebiencompris?
Aïdenéclatederire.Jeposeimmédiatementmamainsurleslèvresafindenepasrireàmontour.Jemesenstoutàcouppousserdesailes,maisjenecomptepasbaissermagardepourautant.Jelèvehautlatêteetajoute:
—Nousnoussommesdonccompristouslesdeuxet…—Votrelivraisonest-ellebienarrivée?mecoupe-t-ild’unevoixsensuellementdouce.Jedéglutisavecdifficultétantcelle-civientd’émoustillertousmessens.—Oui!réponds-jesèchementpournepaslaisserparaîtremessentiments.—Malettre?demande-t-ilàprésentdansunmurmureàm’embraserlaculotte.Ohnon!Jesuisdamnée!—Aussi…,ajouté-jepluscalmement.—Votredélicieusevoixm’aterriblementmanquéetjen’osevousdiredansquelétatjemetrouve.—Jevousdemandepardon?—Dites-moiquelquechose,n’importequoi?—Connard?!
—Avez-vousautrechoseàmedire,MlleEvans?—Enfoiré,envoilàunautre!Je l’entends se lever de sa chaise et faire quelques pas. Un silence pesant s’est installé et sa
respirationquis’accélèremetroubleprofondément.Sijefermaislesyeux,jepourraispresquesentirsonsouffleglisserdélicieusementsurmapeau,àm’enfaireperdrelatête.
—Tumemanques terriblement,mon…Entendre le son de ta voix qui filemélodieusement àmonoreille,meprocuresesdéchargesélectriquesquenousressentonschaquefoisquenoscorpssetouchent,mesusurre-t-iltendrement.
Leslarmesmemontentauxyeuxetjeposelepoingsurmeslèvresafind’étoufferunsanglot…Dieuqu’ilmemanque!J’inspireprofondémentetluiavoue:
— Ta lettre est magnifique, Aïden… J’ai ressenti tant d’émotions à travers tes mots, mais cetteconférencedepressequetuasdonnée…
—Jen’avaispaslechoix,Melinda.Jen’aipasledroitdetemettresouslesfeuxdesprojecteursetjemel’interdis.Tudoismefaireconfiance…
—Alors,arrêtedet’attaqueràmafamille,etprouve-moiquel’amourquetudisressentirpourmoiestbienplusfortquetoutecettevengeancesansnom,jet’ensupplie.
—Sansnom?braille-t-ilàprésentautéléphone.Jegrimaceàl’idéequ’ils’emporteànouveaucontremoi.— J’ai été heureux d’avoir de vos nouvelles,MlleEvans. À bientôt ! tonne-t-il sévèrement enme
raccrochantaunez.Jebaisse la têteprofondémentmalheureuseetunenouvelle foisblessée.Maconsciencemecriede
mettreuntermeàtoutcela,maisellelivreégalementuncombatsansfaillecontremoncœur.Ilsepassequelquechosedegrave,etAïdenal’airsisûrdelui…Jecommencesérieusementàdouterdemonpère.Unassassin?Pourquoiaurait-ilfaitunetellechose?Toutcelamesemblesiétrange…
15h15
Après avoir rappelé Emma et avoir convenu de déjeuner ensemble demain avantmon rendez-vousavec leDr Philips, nous continuons notre balade dans le centre-ville. Elle nous mène tout droit à lalibrairiedeMmeCross.Celamefendlecœurdenepasavoirlecouraged’allerluirendrevisite,maisj’ail’impressionquesonregardsurmoiairrémédiablementchangé.Jenesaispaspourquoi,maisc’estune sensation qui neme quitte plus. Soudain, ellem’aperçoit au travers de la vitrine etme fait signed’entrer.Elleal’airfolledejoieàl’idéedemerevoir,étantdonnéquecelafaitdesmoisquejenesuispasrevenueici.
Ellem’ouvrelaporte,quiémetunpetitsondecloche,etmetendaffectueusementlesbras.—Madouce,vienslà,quejeteserrecontremoi.Dieuquetum’asmanquée,Melinda.
—Bonjour,MmeCross,lasalué-jeenacceptanttimidementsonétreinte.Elleme dépose des dizaines de baisers sur le haut de la tête.Amusée, je souris à Snowqui vient
s’assoirànospieds.—Commentvas-tu?JeveuxtoutsavoirdetonescapadeàSeattle,medemande-t-elleenposantses
mainssurmesépaulespourmeregarder.Ellemedétailledesonregardchaleureux,commepourvoirsijesuisenunseulmorceau.—Commentavez-vousapprisquej’étaisàSeattle?— Ta mère est passée la semaine dernière et nous avons déjeuné ensemble, m’informe-t-elle en
m’entraînant vers l’arrière-boutique où se trouvent de grandes bibliothèques en bois et un petit salon.Assieds-toi,madouce,m’invite-t-elleenpoussantunechaiseafinquejeprenneplaceàtable.
—Merci,MmeCross,maisjenepeuxm’éterniser.Demain,jedoismelevertrèstôtpourmerendreàSeattle.
Elles’assoitfaceàmoietmeprendlamain,qu’ellecaresseduboutdesdoigts.—Celafaitsilongtempsquejen’aipaseulajoiedevoirtapetitefrimousseparici,medit-elleen
souriant.Jebaisselégèrementlatête,tantj’aihontedemoncomportement.—Jesuisdésolée.Maisaprèsmonaccidentdevoiture, j’aieul’impressionqueleregarddesgens
quim’entouraientavaitchangé,etcelam’afaitbeaucoupdepeine.—Regarde-moi,Melinda,mesouffle-t-elle tendrement.Mon regardsur toin’apaschangé…Tues
toujours cette petite fille pleine de vie,mais il est vrai que j’ai été profondémentmalheureuse de latragédiequit’atouchée.Cen’estaucunementdelapitié,justedelatristesseetdel’inquiétude.Jetiensbeaucoupàtoi,têtedelinotte.
—OhmonDieu, cela fait des années que vous nem’avez pas appelée ainsi, remarqué-je en riantdoucement,gênéepartantd’affectionàmonégard.
—Bien…Unetassedethé?mepropose-t-elleenmesouriantetenserrantsamaindanslamienne.— Oui, pourquoi pas ? réponds-je, heureuse, à l’idée de passer encore quelques minutes en sa
compagnie.Elleselève,s’approcheetsepencheau-dessusdemoiafindemedéposerunbaisersurlehautdela
tête.— Je suis si heureuse de t’avoir à mes côtés… Surtout, aujourd’hui…, dit-elle, sans terminer sa
phrase,lalarmeàl’œil.—Quesepasse-t-il,MmeCross?Est-ceque toutvabien?demandé-je, inquiète, enmeplongeant
danssonregardàprésentattristé.—Celafaitvingt-septansqu’EthanetErinenousontquittés,souffle-t-elled’unevoixtremblante.Je
revienstoutdesuite.Elletraverselepetitsalonetdisparaîtdanslacuisinequisetrouvederrièremoi.Toutlemondesait
envillequeMmeCrossaperduunepartiedesafamillelorsd’unincendiequiaravagésamaisonetsonancienne boutique. Elle se trouvait à la sortie de la ville et elle était connue pour sesœuvres rares.Malheureusement,lamaisonaprisfeuetelleatoutperdu,cettenuit-là.Lapauvre, j’aimeraistantluiapporterunpeuderéconfort…
Jemelèveàmontouretmedirigeverslabibliothèqueenboisquiregorgedevieuxlivres,commejelesaimetant.J’attrapeceluideRoméoetJulietteensouriant…J’adorecettehistoired’amour,etmêmesilafinpeutsemblertragique,ellen’enrestepasmoinsmagnifique.Malheureusement,ellemeprouvequeleshistoiresdefamillepeuventparfoistoutfairevolerenéclats…
—Voilà,madouce,meditMmeCrossquimesortdemespenséeslointaines.Elledéposedeuxtassesdethésurla tableenmesouriant.Jerangelelivreàsaplaceet larejoint,
décidéeàluiremonterlemoral.—Moiaussi,jepeuxêtred’uneoreilleattentive,voussavez?dis-jeenm’asseyantetenattrapantma
tassequejeporteàmeslèvres.—Ouietjet’enremercie.Mêmeaprèstoutescesannées,unemamann’oubliejamaislevisagedeses
enfants…Lesondeleursvoixetleursriresquienchantaientchaquejourdemavie.Ilsétaienttoutpourmoi,etilsm’ontétéarrachéstragiquement.
—Vousaussi,vousavezeuvotrelotdemalheursetd’injustices,c’estterrible,attesté-jetristement.—C’étaitlesoirdeNoël…Nousavionspasséunesimerveilleusesoiréetouslessix…—Six?Jenecomprendspas?l’interrogé-jeensecouantlatête.—Oui…Toutemapetitefamilleétaitlà…MonfilsEthan,sagrandesœurErineainsiquesonmariet
leurpetitefille,toutjusteâgéedetroismois.Etpuis,bienentendu,monmarietmoi.—Mais c’est horrible ! m’exclamé-je, les larmes aux yeux. Je savais que vous aviez perdu vos
enfants,maispasvotrepetitefille?—Rassure-toi,madouce, dit-elle enposant un instant samain sur lamienne.Mapetite fille a été
sauvée des flammes.Malheureusement, je n’en dirai pas autant pour ses pauvres parents et mon fils,sanglote-t-elleenattrapantunmouchoirdanssapoche.
—Jesuistellementdésolée,MmeCross…—Nousavionstoutpourêtreheureux,maisvoilàlavieadécidédenousmettrefaceàcetteterrible
épreuve.Cettenuit-là, lorsquetout lemondedormait,un incendies’estdéclarédans la librairiequisetrouvaitauRez-de-chaussée.Laforcedesflammesétaittellequenousétionsprisaupiègeàl’étage.Leslivresetleboisdesbibliothèquessesontavérésêtreunvraibrasier…Ilnerestaitplusrien,toutestpartienfumée…,tout…,gémit-ellededouleur.
Jeme lève aussitôt et la rejoins enm’agenouillant devant elle. J’attrape sesmains et lui demandedoucement:
—Commentvousenêtes-voussortis?—Uncoupled’amisdemonfils,quihabitaientnonloindecheznous,semontrèrenttrèscourageux.
Sonamiattrapal’échellequisetrouvaitprèsdelagrangeetréussitànousfairedescendre,monmarietmoi.Notrechambreétaitcellequiétaitlemoinsenproieauxflammes.Mesenfantsavaienttouteleurviedevanteux…
—Etvotrepetitefille?demandé-jeencoresanscomprendre.—Aprèsnousavoirextirpésdesflammes,l’amidemonfilsmontaunenouvellefoisàl’étageetlui
sauvalavie.Malheureusement,lorsqu’ilestremonté,mesenfantsn’étaientplusdecemonde,répond-elleenéclatantensanglots,latêteentresesmains.
Je la prends immédiatement dans mes bras, en caressant tendrement son dos afin de tenter de lasoulager.
—Jesuisdésolée,MmeCross.Quandjepensequejem’apitoiesurmonsort,alorsquemoijesuisencoreparmivous.Jedevraisavoirhontederéagirdelasorte.
Elle recule doucement et plonge son regard triste dans le mien. Puis elle me murmure en frôlantdélicatementmonvisagedesamainfrêleettremblante:
—Tuessicourageuse,madouce.Nedoutejamaisdecetteforcequetuasentoi…Nousavonstousnotrelotdepeine,maislaviedoitsuivresoncours.
—Oui,maisvousêtesterriblementseule,àprésent.—Ehoui…CelafaitdéjàseptansqueCharlesnousaquittés,etilestvraiqueledépartdemapetite
fillen’aenrienarrangéleschoses.Maistoutcommemoi,tusaisqu’ilestdifficiledetrouverdutravailsurnotreîle,aussicharmantesoit-elle.
— Je serai très honorée de la rencontrer, lui proposé-je en lui souriant. J’ai l’impression d’êtreparfoiscommeuneétrangèresurcetteîle.J’aisuividesétudesdansdesécolesprestigieuses,puismesparentsontdécidédemefairesuivredescoursaumanoir.Jamaisjen’aipucôtoyerdesfillesdemonâgeen dehors des enfants pourris et gâtés que je connaissais. Je n’ai pas le souvenir d’une quelconqueamitié…Jecroisbiennejamaisavoireudevéritablesamis…,avoué-jed’unevoixmalheureuse.
—Allez,calme-toi,Melinda.Jevaisenparleràmapetite-fille,etjesuiscertainequetuvasl’adorer,atteste-t-elleencaressantmajoue.Àprésent,terminéleslarmes!dit-elleenretirantseslunettespourlesessuyer.
Je retourne m’assoir, le cœur éparpillé en mille morceaux tant son histoire m’a profondémentbouleversée.
—Jevaistemontrerquelquechose,attends,dit-elleenremettantseslunettesetenselevant.Elle s’avance vers la bibliothèque, qui se trouve derrière moi, et cherche du bout des doigts un
ouvrage.Puiselleensortungrandlivremarronetrevients’assoirprèsdemoi.—Jevaistemontrerunephotodemonfils.Laprochainefois,j’apporterail’albumdefamilleafinque
tupuisseslefeuilleter,dit-elleunsourireauxlèvres,heureuseàl’idéedemelesprésenter.—Avecgrandplaisir,MmeCross,réponds-je,émueparcetteconfiancequ’ellemeporte.Soudain,laclocheretentit.Ellejetteunœilverslaboutiqueetremarqueuneclientequis’avancevers
lecomptoirdecaisse.—Jereviensdansquelquesminutes,dit-elleenregagnantlalibrairie.J’ouvrelelivreetlefeuillettedoucementafindecherchersonfils.Ildoitcertainementporterlenom
deCross…C’estunvieilalbumdelycée,celuideVashonIslandoùjen’yaijamaisfaitmesétudes.Lesphotos
sontencoredetrèsbonnesqualités,bienqu’ellessoientennoiretblancetvieilliesparlesannées.—Non?!murmuré-je,enposantlamainsurmeslèvres.Jeguettel’arrivéedeMmeCrossquiestencoreoccupéeavecsacliente.J’ailecœurserrédansma
poitrine et la nausée, comme si jevenaisdedécouvrir un secret biengardé. Jeposemondoigt sur lafeuilleenleglissantsouslesdifférentsnomsquejeviensdedécouvrir:
—VictorEvans…AshleyAdams…EthanCross…,lis-jeàvoixbasseleursnoms.Ilsétaientdoncdanslamêmeclasseaulycée?!Ilsseconnaissaientalors?Jerelis,unenouvellefois,
dansmatêtelenomdufilsdeMmeCross,leslarmesauxyeux:—EthanCross…Ilétait tellementbeau…Blond, leregardchaleureuxetdepetitesfossettesaucoindeslèvres.Quel
gâchis, il était si jeune. Il me paraît tout de suite très gentil, et son sourire sincère et affectueuxmerappelleceluidesamère.Jecontinueàtournerdoucementlespages,lorsquesoudain,leursimages,toutsaufréelles,apparaissentdevantmesyeuxhébétésetstupéfaits.C’estimpossible!Jemecrispeaussitôtcommesij’avaisreçuuncoupdepoingdansleventre.Jeposemesdoigtstremblantssurleursnomsenleslisant,d’unevoixsaccadée:
—EdwardKyle…AliceJones…J’ai la tête qui tourne et tous les récents événementsme reviennent commeun film en accéléré qui
tourneraitenboucle.Moncerveausecomprimecommedansunétauetjeposemesmainssurmestempesafind’enatténuerladouleur,maisunnouveaufragmentdemonpassémerevient:
Ilfaitsibeauaujourd’hui…Labriseestsiagréableetc’estunejournéeidéalepourunebaladesurlaplage.Allongéesurlesablechauddel’été,jelèvemondoigtverslecielafindesuivrelesnuages.—Oh!Maisondiraitunpetitchien?ricané-jeenlesuivantd’unregardamusé.Etlà,c’estun
mouton ! J’adore vous contempler, vousme semblez si forts et si fragiles à la fois.Vousavez cettelibertéd’alleroùvouslesouhaitez…—Bonjour, jeune fille?!me salueune femmebrunequi s’approchedoucementdemoi, une rose
blancheàlamain.—Bonjour,madame,luiréponds-je,intimidée,enmerelevant.Jesecouemarobepleinedesable,cequiluiarracheunsourireamusé.—Queregardais-tucommeça?medemande-t-elleen levant sesmagnifiquesyeuxbleusvers le
ciel.
— Euh… Eh bien, voyez-vous… J’adore contempler les nuages et les images qu’ils forment.Regardez,ilyaunpetitcœurdececôté-là,luidis-jeenluimontrant.—C’estmagnifique…,souffle-t-elleenleregardant,unsourireauxlèvres.Ellebaisse la têteversmoietplongesonregardbrillantdans lemien.Elleestmagnifiqueet la
tendressedesonregardmetoucheprofondément.Onsenttoutdesuitequec’estunepersonneavecungrandcœuret enquinouspouvonsavoir confiance.Sonvisagenem’estpasétrangernonplus,aucontraire…—Nousnoussommesdéjàrencontrées,non?demandé-jeàtouthasard.—Jem’appelleAliceKyle,enchantéedefairetaconnaissance,medit-elleens’approchantdemoi
etdéposantunbaisersurmonfront.—Alice…?murmuré-jeenluisouriant.Votreprénomnemeditrien,jedoisfaireerreur,déclaré-je
enhaussantlesépaules.—Certainement…Jedois yaller…Heureused’avoir fait ta connaissance,me salue-t-ellede la
mainenpartant…
—OhmonDieu!C’estimpossible!m’écrié-jeenmerelevantprécipitamment.Lachaiseserenverseimmédiatementetjelarelèveaussitôt,depeurqueMmeCrossnerevienne.—Est-cequetoutvabien,Melinda?medemande-t-elle,àl’autreboutdelalibrairie.—Oui,MmeCross.Toutvapourlemieux,dis-jeencherchantmonportablequisetrouvedansmon
sac.Jeprendsrapidementdesclichésdecevieilalbumd’école.Toutàcoup,j’entendslaclocheretentiret
laclientesouhaiterunebonnejournéeàMmeCross.J’aidumalàvaliderladernièrephototantj’ailesdoigtsquitremblent.Jerangeimmédiatementmontéléphonedansmonsacetrefermelelivre.
—Jesuisdésolée,Melinda,maismaclienteaétépluslonguequeprévu,dit-elleenrevenant.Quesepasse-t-il,madouce?medemande-t-elled’untoninquiet.
—Rien…Justeunvilainmaldetête,maisc’estnormal…Celavapasserdansquelquesminutes,luiréponds-jeenluisouriant.
Elles’assoitprèsdemoietouvrelelivre.Elletournesoigneusementlespages,jusqu’àtombersurlaphotod’Ethan.
—Ilétaitbeau,hein?commente-t-elled’unevoixtendreencaressantlevisagedesonfils.—Très,MmeCross, attesté-je en hochant la tête. J’aurai une question à vous poser, si vousme le
permettez?Ellesouritetacquiescetoutencontemplantlaphotodesonfils.Puisellesetourneversmoietposesa
mainsurmonvisage.—Tuessijolie,ettonsourire…,commence-t-elle,sansterminersaphrase.—Votre fils était dans lamêmeclassequemesparents ?Se connaissaient-ils ? demandé-je en lui
montrantdudoigtleportaitdemonpère,puisceluidemamère.MmeCross grimace et ferme un instant les yeux, comme pour reprendre ses esprits, puis elle me
répondenposantsamainsurlamienne:—Oui,Melinda.TesparentsetEthanétaientensembleau lycée,confirme-t-elled’unevoix tendue,
cettefois.—Jen’ensavaisrien…Étaient-ilsamis?—Monfilsétaitunêtreàpart,différentdesjeunesdesonâge.Ilétaittrèsintelligent,maisaussiun
grandrêveur.Ilpassaitleplusclairdesontempsàlabibliothèque,àlireetàflânerdanslesalléesdecelle-ci,enquêted’unnouvelouvrage.C’étaitquelqu’undetrèsgentil,Melinda.
—Celanerépondpasàmaquestion…,luifais-jeremarquergentiment.Elleinspiredoucement,terriblementembarrasséeetconfusefaceàmoninsistance.—Tonpèreetluin’étaientpasamis,lâche-t-elle,sanstropvouloirendire.—Etmaman?ajouté-je,encore.—Tamaman?dit-elleensouriant.Ilsfaisaientpartiedumêmeclubdelectureaulycéeetvenaient
très souvent àmonancienne librairie.Tu sais combien tamère aime la littérature, tout comme toi,merappelle-t-elleendéposantunbaisersurmonfront.
—D’accord,doncilsétaientamis…,conclus-jeenhochantlatêteetenmereplongeantdanslelivre.—Oui,ilsfirentleursétudesensemble.Plustard,Ethanvinttravailleravecmoiàlalibrairie.Etta
mère,elle,acceptaderejoindretongrand-pèredansl’entreprisefamiliale…—Etaprès?—Après…ilyeutcetincendie…,peine-t-elleàmerépondre.Je tourne délicatement les pages du livre etm’arrête à celle où se trouvent les photos des parents
d’Aïden,cequim’arracheunfrisson.Jen’arrivetoujourspasàaccepteroubienàréaliserqu’ilsaientpuêtre dans lemême lycéequemesparents.MmeCross pose un regard affolé sur leur visage et se lèveaussitôt,enmetournantledos.Jelarejoinsetlacontourneafindeluiposercettequestionquimebrûleleslèvres.Jeplongemesyeuxinquisiteursdanslessiensetl’interroge:
— Connaissiez-vous Edward Kyle et Alice Jones ? Saviez-vous qu’ils s’étaient mariés et qu’ilsavaienteuunfilsappeléAïden?
Jedéglutispéniblementenattendantsaréponsequisefaitattendre.MmeCrossécarquillelesyeuxententantdemerépondre,maisellesecouelatête.J’attrapesesmainsetluidemandeunenouvellefois:
—Jevousensupplie,répondez-moi.Est-cequemesparentsétaientamisavecceuxd’Aïden?osé-jeenfinprononcercettephrasequimeglacelesangrienqued’imaginerlaréponse.
—Melinda…Tesparentsétaienteffectivementdanslemêmelycéequ’EdwardetAlice,confirme-t-elle,sansmedonnertropdedétails.
Soudain, mes jambes se dérobent sous mes pieds et je manque de perdre l’équilibre. Mme Crossm’agrippedanssesbrasetm’aideàmerassoirsurlachaise.
—Nebougepas,jet’apportedel’eau,medit-elleenpartantverslacuisine.J’attrapedoucementlelivreetrelisleursnomsàvoixbasse:—EdwardKyle…AliceJones…Ellerevientavecunverred’eauetmeletend:—Tiens,boisunpeu,s’ilteplaît.—Merci,dis-jeenl’attrapantetenleportantàmeslèvres.Jeboisquelquesgorgées,puisleposesurlatableetmelève.—Jevousremerciepourvotresincérité,luidis-jeenlaprenantdansmesbras.Vousn’imaginezpas
combiencelam’estimportant.—Jenesaispassij’aibienfait.Tum’asl’airprofondémentbouleversée,Melinda.Quesepasse-t-il,
madouce?medemande-t-elleencaressantmescheveux.—Jesuissimplementtombéeamoureused’AïdenKyle,luiavoué-jeenéclatantensanglots.—Jesuislà…Jeleseraitoujours,Melinda…Jem’extirpedesesbrasenessuyantmeslarmesetluilanceenpartantprécipitamment:—Jedoism’enaller!Snow?Allez,viens!—Melinda!Je sors de la librairie en courant pour regagnerma voiture, garée à plusieursmètres. Puis je fais
monterSnowetm’installeauvolant.—Aïden,quemecaches-tu?J’aibesoinderéponses…Jecroisbienqu’iln’yaquetoiquipuisses
m’enapporter!réalisé-je,enmettantlecontactetm’engouffrantdanslacirculation.
23h35
Ce soir en rentrant à la maison, je n’ai pas souhaité confier à ma mère, ma conversation avecMmeCrossetjen’aipasvouludînernonplus.Pourtant,monpèren’étaitpaslà,étantdonnéqu’ilresteàSeattlependantlasemaine,etce,depuisdesannées.Ilnerevientqueleweek-endetseulements’iln’apasunvoyaged’affairesdeprévu.Illuiestmêmearrivédenepasrentrerpendantdelonguessemaines.
—Letravailnesefaitpastoutseul!répétait-il inlassablementchaquefoisquemamèrerouspétaitaprèslui.
Aujourd’hui,ellen’yporteplusaucuneattention,etlesavoirdel’autrecôtédel’océanluiapportececalmeetcettesérénité,dontelleatantbesoin.Malheureusement,iln’estquedecourtedurée…
Allongée surmon lit, je fixe leplafondavecen tête l’imagedecette femmequinequitteplusmespensées…Commentest-cepossibleque j’aipuconnaître lamèred’Aïden?Etpourquoi sonsouvenirs’est effacé également de ma mémoire ? J’ai un terrible pressentiment et j’espère qu’Aïden pourram’aider demain, ainsi que le Dr Philips. Je me tourne sur le côté, le visage posé sur mes mains encontemplantlecielétoilé.
—Aïden?Pourquoiai-jelasoudaineetterribleimpressionquetumecachesquelquechose?Savais-tuquenosparentsétaientdanslemêmelycée?Meconnaissais-tuavantmonaccident?Oh,monDieu!Mavuesebrouilleetuneangoisseterribles’emparedetoutmonêtre.Soudain, les
imagesdecematin-làoùunpetitdéjeunerm’attendaitsurlaplaged’Alki,mereviennententête.Jepeuxencoreentendresavoixrésonnerdansmamémoire:
«Montre-toi,Melinda…Jenepeuxplusterésister…»
Jemesouviensdesesparoles…Ellesm’onttellementbouleverséequej’enaieuleslarmesauxyeux.Quelquechoses’estproduitàcemoment-làdansmatête,etjenesauraisdireencoreaujourd’huicequec’est…Maiscedontjesuiscertaine,c’estqu’ilaététroubléparmaréactioncommes’ilmecomprenait.Uneimpressionde«déjà-vu»m’aalorssubmergéeetc’estdanssesbrasquej’airetrouvélapaix.Matête posée tout contre son cœur a apaisé instantanément mes peurs et cette angoisse grandissante quis’étaitemparéedemoi.Cettedoucechaleuraucreuxdesesbras,m’aalorsrappeléecelledel’hommedontje…
—Ohputain,non!m’exclamé-jeenmerelevantbrusquement.Snow,paniqué, aboie immédiatement en se redressant. Jemeprécipite à la terrasse, le regard rivé
versl’horizonoùsetrouveForever.—Aïden?Sic’étaitlecas,alorspourquoijenemesouviendraispasdetoi?Quies-turéellement?
Non,c’estimpossible…,soufflé-jelesyeuxemplisdelarmes,lescheveuxdanslevent.
«Danslesépoquestroublées,quandlacroyancedanslesdieux
s’effondre,lathéorieducomplots’étoffe.»
BernardBECKETTSource:Genesis-2006
-11-
EntreprisesEvansMardi20mai201408h19
Victor
Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit… Je m’adosse à mon fauteuil en fermant un instant les yeux.Heureusementquej’aiputrouvercetteputedeluxe,àcetteheuretardive,sinonlanuitauraitétélongue.J’avale d’un traitmon liquide brun, troisième verre de ce début dematinée, et la journée ne fait quecommencer.Mon statut et tout cet argentmepermettent d’avoir unevie extrêmement confortable,maisvivredanscettesuited’hôtelmefoutenrogne.Néanmoins,j’aideladistraction,sansparlerdemaplusfervente collaboratrice qui s’est avérée être une précieuse complice, bien plus que je ne l’auraisespéré… Je ressens beaucoup d’affection pour elle,mais rien comparé à l’amour que je portais à lafemmedemavie…
Mes alliés s’amenuisent de jour en jour, mais ceux qui me restent fidèles sont d’une ambitionredoutable.
Onfrappeàlaporte.—Entrez!lancé-jeenmeredressant.Kurtpénètredansmonbureau,undossieràlamain,etmerejointenprenantplacedevantmoi.—Bonjour,Victor.Voilàtouteslesinformationsquej’aipuréunir,dit-ilenmeletendant.Jel’attrapeetlefeuillettetoutenluijetantunregardfroid.—Unhommebrun?C’esttoutcequenousavons?Vousvousfoutezdemagueuleouquoi?!tonné-je,
furieux,enbalançantledossiersurmonbureau.—Oui,Victor.Larédactriceenchef,dumagazineenquestion,nel’avaitjamaisvuavant.Ellen’ena
faitqu’unetrèsbrèvedescription,maisriendetrèsconcluant.Ilavaitlatrentaine,brun,etunlookplutôtdécontracté.Ilaprissonbléets’estbarrécommeilestarrivé.
—Unequestiond’argent,alors?Mais,putain!m’exclamé-jeenmerelevant.
Jepose lesmainssurmonbureauet rivemonregard furieuxdansceluideKurtquigrimacedéjààl’idéequejeluitombedessusdesibonmatin.
—Quiaosévendrecettesaletédephotodemafille?Quelqu’unessayedenousdoubler!Jeveuxdesréponses,Kurt!Vousm’entendez?!luiassené-jefroidementenfrappantdupoingsurlebureau.
—Oui,Victor.Jem’enoccupe…,panique-t-ild’unevoixtremblante.Jemeredresseetm’avanceverslafenêtrequidonnesurlequartierd’affairesdeSeattle.Delàoùje
suis,j’aperçoiscettetourdeverrequimefoutlanauséeetmonrêvelepluscherseraitqu’elles’effondreavectoussesoccupants.
—Qu’enest-ildudossier?demandé-jeenmetournantversKurt.— Il s’en occupe, Victor. Cet après-midi, il n’en restera plus aucune trace, dit-il en riant
sournoisement.—Bien…C’estparfait,commenté-jeenmefrottantlesmains.J’auraisdûm’enoccuperbienplustôt,
maiscepetitmorveuxs’est révéléêtrebienplus intelligentque jene lepensais.Cen’estplusqu’unequestiondetempsavantquejenemedébarrassed’eux.
—Nevousinquiétezpas.Jevaismefaireunplaisirdeletuerdemespropresmains,crache-t-ilenfrappantsonpoingdanssamain.
—Tristeironiedusort…,reconnais-jeenrepensantàcescinqdernièresannées.
Cinqansplustôt…ManoirdesEvans
—Vousm’avez l’air tendu,Victor,mefait remarquerAshley, lenezencoredansundesesstupidesbouquins.
Jeposemonjournal,surlatablebassequisetrouveenfacedemoi,oùlauneestdédiéeàcecouplede milliardaires morts dans un « tragique accident d’avion ». Je ne me lasse pas de lire cetteinformation…Ashleyremarqueaussitôtmonsouriresatisfaitetjetentedereprendreunairdésintéressé,afindenepaséveillerdesoupçons.
—Cetterencontreaveccejeunehommenemeplaîtguère,dis-jeenhochantlatêtepourmarquermonmécontentement.
—Victor,votrefillevientd’avoirvingtans,necroyez-vouspasqu’ilesttempspourelled’avoirunpetitami?medemande-t-elleenposantsonlivresurlesgenoux.
—Jeleconçoisparfaitement,Ashley,maisjeveuxqu’elleépouseunhommedignedesonrang,voilàtout.
Elleéclatederire,maisdevantmonregardnoir,ellesereprendaussitôtenajoutant:
—Melinda n’a jamais fait allusion à un quelconque mariage, Victor. Elle vient simplement nousprésentercepetitamiqu’ellefréquentedéjàdepuisplusieurssemaines.
—Plusieurssemaines?répété-je,étonnédenel’avoirapprisqu’hier.—Oui,apriori,ellel’auraitrencontréaudébutdel’été.Vousdevriezvouscalmer,c’esttrèsmauvais
pourvotrecœur,merappelle-t-elleavecunsouriresardonique.—Laissez-moideviner?Vousenseriezfortmalheureuseque…—Quoidonc?m’interrompt-elleenbattantdescils,commesiellenecomprenaitpaslà,oùjeveux
envenir.—Rien,cetteconversationn’aquetropdurédéjà,constaté-je,enmelevantpourallermeservirun
autreverre.—Effectivement,nousvenonsd’échangerplusdemotsquecessixderniersmois,affirme-t-elleense
replongeantdanssonlivre.Soudain,j’entendsdesriresprovenantdel’extérieuretdespasrésonnentsurleperrondumanoir,puis
danslehalld’entrée.—Maman?!Oùes-tu?l’appelleMelinda,apriorideretourdesabaladeàchevalaveccepetitami
«mystérieux».—Jesuisdanslesalon,machérie!luirépondAshleyàvoixhaute,cequim’exaspère.Jem’approchedelabaievitrée,refusantdemontrermonanxiétéàl’idéederencontrercegamin,qui
appartientcertainementàjenesaisquellefamilledeclassemoyenne.—Ah,vousvoilà!ditMelindaderrièremoi.Maman,jeteprésentemonpetitami,AïdenKyle.—Justeciel!s’exclamemafemmed’unevoixeffrayée.Non,c’est impossible?!Combiendechanceyavait-ilpourqu’il se trouveêtre le filsde…Jeme
tourneverseux,lacolèrebouillantdéjàenmoi.L’homme,dedos,complimenteAshleyd’unebisesurlamain.Elleledévisage,interdite,sansajouterununiquemot.
—Maman,est-cequetoutvabien?demandeMelinda,inquiète,enposantsamainsursonépaule.Ashley,encoreprofondémenttroublée,selèveets’avanceverslui.—Alors,c’estdonctoi…,souffle-t-elle,unsourireauxlèvres,enposantsamainsur la jouedece
petitmorveux.Aïden se tourne versmoi. Ses yeux bleusme rappellent immédiatement les siens. Il a cettemême
intensitédansleregard,maisildégageégalementuneforceetunedéterminationquim’arracheunfrisson.Ils’avancedroitversmoi,latêtehautesansmequitterdesesyeuxperçantsetmetendlamain:
—Bonjour,M.Evans.Vousn’avezpasidéedelajoiequejemefaisaisàl’idéedevousrencontrer.—M.Kyle,réponds-jesimplementenhaussantunsourcilsuspicieux,etenluitendantlamienne.
Denosjours…
—Qu’enest-ildeM.Ramirez?demandeKurtenhaussantunsourcilinterrogateur,mesortantdemespensées.
J’inspireprofondémentenréajustantmacravateetluiréponds:—Ilaprévuderevenirdansquelquessemainesafindescellernotreaccord.—Unmarchébienjuteux,Victor,constate-t-il,unsouriresatisfaitauxlèvres.—Oui,cetteopérationvanousrapporterunpaquetdefricetnouspourronsl’investirdansnotrestart-
upmondiale,luiconfirmé-jeenlevantmonverre.—Vouspensezqu’ilvayarriver?—Illefaut,Kurt.Melindaesttrèsvulnérablecommejeunefemmeetjesuispresquecertainqu’elle
finiraparlâcherprise.Elleestpourlemomentleparfaitbouclierqu’ilmefallaitauxEntreprisesEvans,etavecellecommevice-présidente,sonconnardd’ex-marinetenterariencontrenous,dis-jesûrdecederniercoupdepoker.
—Qu’enest-ildesapossibleguérison?Etsiellevenaitàrecouvrerlamémoire?N’oubliezpasquesanscetraitement,nouscouronslerisquequ’ellesesouviennedetoutcequis’estproduit,Victor?Kylepourraitbienfinirpardécouvrir,quiestréellementderrièrecet…
—Tantqu’ilsesentirafautif,nousseronsàl’abri,lecoupé-jedanssalancée.Àprésent,retournezàvosoccupations,j’aiunappelàpasser,luiordonné-jeenattrapantmontéléphoneposésurlebureau,etpourcoupercourtàcetteconversationquimefiledéjàuneputaindemigraine.
—Bien,Victor.Jevousrappelledèsquenousauronsmislamainsurledossier.J’acquiesce en lui faisant signede sortir demonbureau.Kurt traverse la pièce et referme la porte
derrièrelui.—Ànousdeux,àprésent…Tuestombéàpicdansmavie,toi…,chuchoté-je,enpassantcetappel.C’estunevoixambitieuseetdéterminéequidécrocheenroucoulantdéjàdanslecombiné.—Bonjour,commentvas-tu,machérie?demandé-jeenm’asseyantsurmonfauteuil.Jepivoteafind’avoirunevueimprenablesurlatourdeKyleEntreprise.— Bien entendu que je désire te voir… Oui, j’étais éreinté hier soir, mais tu m’as terriblement
manqué…Oui,ilvatrèsbienettantqu’ilseraauprèsdemoi,ilneluiarriverarien…Onsevoitàmonhôtel?N’oubliepascequetum’aspromis,jesauraiterécompensercommeilsedoit…Jemelanguisaussi,machérie…Àcesoir…
«Leparfumalepouvoirextraordinairederaviverunsouvenirquel’oncroyaitperdu
depuislongtemps.Cettelongévitédelamémoireolfactiveestunedescaractéristiquesquiladistingue
desautressenscommelavueetl’ouïe.»
Jean-PaulGUERLAINSource:LesRoutesdemesparfums-2010
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EdSheeran-Photograph
KyleEntrepriseMardi20mai201408h59
Aïden
Mamatinéen’apasétérentable,nimêmeproductive…J’aibeautournerdanstouslessenscemauditdossier,jen’arrivetoujourspasàmeconcentrerdessus.Pourtant,cecontratestprimordialpourmoi.Lerachatdecettenouvellesociétémepermettrad’affaiblirencoreunpeuplus,lesEntreprisesEvans.Maisvoilà,lesparolesdeMelindanequittentplusmespensées:
«Votredésirn’est-ilpasderégnercommeunsouverainsurlesÉtats-Unisenbalayantdelamaindesentreprisescommelanôtre?Est-cedoncàcelaquevotrepèreinspiraencréantcettesociétédontvousenêtes,àprésent,l’uniquehéritier?»
Elle a raison… Mon père n’aurait jamais cautionné de telles opérations et agissements, mais leschosessonttrèsdifférentes,aujourd’hui.Mesparentsontétéassassinés,etmafemmem’aétéarrachée.J’ai aussi une grosse part de responsabilité dans ce qui s’est produit, je n’aurai jamais dû la laissermonterdanscettevoiture…Toutestmafaute…Cettenuit-là,nousavonstoutperdu,etjenesaispassinouspourrons,unjour,retrouverunsemblantd’existenceensemble.Commentréagira-t-elle lorsqu’ellesesouviendradelapertede…
—Non,jenepréfèrepasypenser!dis-jeàvoixhauteenquittantmonsiège.Jem’approchedelafenêtre,unregardmauvaisrivésurlatourdesEntreprisesEvans.Jeglissemes
mains dans les poches en songeant à tout ce qu’il me reste encore à accomplir pour atteindre monobjectif:vengerlamortdemesparentsetrécupérermafemme.
ToutétaitbeaucoupmoinscompliquéavantqueMelindanerevienneenvillepourfouinerpartout.Je
la connais, tantqu’ellen’aurapas trouvécequ’elle cherche, ellene lâchera rien.Déjàà l’époque, sacuriositéluiavaitvalud’innombrablesproblèmes,sansparlerdecettenuit-là…
Lorsque je l’ai revue, je n’ai pas pu résister à l’appel enchanteur de cette sirène, elle m’aimmédiatementcaptivéavecsesyeuxauxcouleursdel’océan.Ceregardlangoureuxqu’elleposasurmoia été une véritable bouffée d’oxygène, mais également une torture physique et psychologique…Aujourd’hui, je tente de survivre chaque jour qui passe aumanque qu’elle a une nouvelle fois, laissés’installerdansmavie…
Deuxsemainesplustôt…Salondurecrutement
—Noussommesarrivés,M.Kyle.Ànousdeux,William.Voyonscequetum’asréservécettefois,espèced’abruti.Jetraverseleparkingexclusivementréservéauxprofessionnels,accompagnédeBenquisouffledes
instructionsdanssonoreillette. Je regardeautourdemoi,apriorimonavocatn’estpasencorearrivé.Tout à coup, mon téléphone se met à vibrer dans ma poche. Je l’attrape, mais le nom de l’appelantm’arrachedéjàunfrisson.Quesepasse-t-il?
—MmeEvans,commentallez-vous?demandé-jed’unevoixbasseencherchantdesyeux,William.—Aïden,jesuisdésoléedetepréveniraussitardivement,maisMelindaaquittélemanoirhier.—Comment?Maisoùest-elle?!m’exclamé-je,paniqué,enmetournantversmonchefdelasécurité.Il lève unemain comme pourme demander ce qui se passe, mais je secoue la tête pour lui faire
comprendrequecen’estpaslemoment.—Elleadécidédevenirs’installeràSeattle…Jecroisquelavieaumanoirs’estavéréebientrop
pesantepourelle.Etpuis…elleaencorefaitunterriblecauchemarl’autrenuit…—Àquelhôtelest-elledescendue?Savez-vousoùellese trouve? lacoupé-jeen jetantunregard
affoléàBenquiattrapeimmédiatementsontéléphone.—ElleestauFairmontOlympic,danslasuitedesEvans,maisjesaisqu’elledevaitserendreàun
salondu…—…recrutement,terminé-jesaphraseenmetournantversl’édificeoùsetientlesalon.MonDieu,
madame…Nemeditespasquema femmese trouve ici, àquelquesmètresdemoi?osé-jedemanderd’unevoixtremblante.
— Aïden, je t’en supplie, garde tes distances avec elle. Tu sais quel risque tu encoures enl’approchantetjeneparlepasqueduchocémotionnelquetupourraisluiprovoquer,merappelle-t-ellecomplètementpaniquée à l’idéeque je croise sa fille.Nous avonsun accord et tu tedoisde tenir tes
engagements!m’assène-t-elleensanglotant.Je perçois sa peur, et sa tristesse à l’autre bout du fil. Je sais parfaitement que je ne peux pas
l’approcheretencoremoinsluiavouerquijesuis.—Jevaislafairesurveilleretplacermeshommesàl’hôtelafindeveillersurelle.—Garde tes distances, Aïden !m’ordonne-t-elle enme raccrochant au nez, ce quim’arrache une
grimace.Williamarriveenfinetsortprécipitammentdesavoiture.IlfaitsigneàBendevenirlerejoindreen
ouvrantsoncoffre.Bens’avancerapidementverslui,puisilss’entretiennentquelquesminutes,àl’abridesregardsindiscrets.Jen’arrivetoujourspasàréaliserqu’aprèspresquetroisans,jevaislarevoir,etl’effleurer délicatementdesyeux. J’ai reçud’innombrablesphotosde lapart de samère, je l’ai aussiaperçue de loin, caché à l’arrière de ma voiture, mais jamais d’aussi près. Son père ne sera pas làaujourd’hui,pourm’empêcherdel’approcher…
—Putain ! Je fais quoi à présent ? pensé-je àvoixhaute enmepassant lamaindans les cheveux,désespéréàl’idéedelarevoir.
Toutàcoup,uneconversationmereviententête.—Maisoui,putain!dis-jeencherchantsonnomsurmonjournald’appel.—Allô?dit-elled’unevoixmielleuse.—Bonjour,Emma,lasalué-jeenlevantlesyeuxauciel…—Aïden?Est-cequetoutvabien?—TutesouviensdecetteconversationquenousavonstouseuelemoisdernieravecleDrReese?—Oui,biensûr,répond-elleprécipitamment.—Etbien,c’estàtoidejouer,majolie.
10h25
Benetnotreéquipedesécuritéquadrillent lesalonafinderetrouverMelinda.Pendantce temps-là,William et moi rejoignons le stand en guettant les différentes allées autour de nous. Je n’ai aucunenouvelle,étantdonnéqu’Emmanerépondplusàsonportable,maisjesaisqu’ellenenousdécevrapas.Unefoisarrivésaustanddemasociété, jesaluemaDRHetquelquescollaborateursvenusassisterausalon du recrutement. Puis je visite l’espace que Kyle Entreprise a loué pour ces trois jours. Ilcorrespondparfaitementànotreimageavecsonemplacementjudicieuxenfacedubar.
JesorsdustandetfaisremarqueràBryan,undemescollaborateurs,quel’enseigneestlégèrementdetravers.Williammerejointunverreàlamainetluidit:
—Unpeuplusàgauche,mec!Parfait,ajoute-t-ilenlevantsonpouceenl’air.Soudain, tel un enchantement, je cerne sa chevelure soyeuse, puis je vois enfin son si joli visage.
Melindaempruntel’alléeenfacedenous,accompagnéed’Emmaquinelaquittepasdesyeux,heureuse
d’êtreàsescôtés.J’ailecœurquimanqueunbattementlorsquejelavoissourire.Elleestmagnifique,gracieuseetsi…féminine.Dieuqu’elleachangé…
—William…,haleté-je,enl’attrapantparlebrasetletraînantdeforceàl’intérieurdustand.—Quoi?dit-ilenavalantrapidementsacoupedechampagne.—Là…Regarde,elleestlà…,soufflé-jeenlapointantdudoigt.—Maistuesmaladeouquoi?rouspète-t-ilenbaissantmamainafindenepasnousfaireremarquer.Je le relâcheetm’avancedequelquespas, enmecachantdiscrètementderrière le rideaublanc. Je
penche la têteetmesyeuxsont immédiatementhypnotisésetcaptivéspar sonsourireenjôleur,par seslèvresfinementourléesetcettegrâcequilacaractérisetant.
—Melinda…Monangedescenduduciel…,susurré-je,leslarmesauxyeux.Elleesttellementbelle…Jefermeuninstantlesyeuxpourimaginerladouceurdesapeauetl’odeur
sucréedecelle-ci.Putain, jedonnerain’importequoipour lahumerneserait-cequ’uneseconde…Laserrertoutcontremoietlafrôlerduboutdesdoigts…Entendreetsentirlerythmemélodieuxdesoncœurbattretendrementcontrelemien.
—Tumemanquestellement…Jesuisdésolédet’avoirabandonné.Commentai-jepuêtreaussiconpourtelaisserauxgriffesdetonpère?avoué-jeenfinenposantmamainsurmeslèvrestremblantes.
—C’estlaquestionquejemetueàteposerdepuisbientôttroisans,Aïden,meditWilliamderrièremoi,unemaincompatissantesurmonépaule.
Jejetteuncoupd’œilversluietcroisesonregardmalheureuxetpeiné.Puisjebaisselatêteetmetourneànouveauverscettefemme,quivientd’éveillerànouveaucecœurmeurtrietmalade,maisjenelavoisplus.Toutàcoup,uneterribleangoisseprendviolemmentpossessiondemoi.
—Oùest-elle?Putain!paniqué-jeensortantdustand.—Attends,Aïden!Nefaispasdeconneries!merecommandeWilliamenmerejoignantdansl’allée.Je jetteunregardcirculaireautourdemoi,mais jenelavois toujourspas.J’attrapeimmédiatement
montéléphonepourtenterdejoindreEmma,maisWilliamposesamainsurlamiennepourm’empêcherdepassercetappel.
— Aïden ? Regarde là-bas…, dit-il en me montrant discrètement du doigt Melinda qui tend unebouteille d’eau à Emma, à l’autre bout de l’allée. Laisse-nous faire… Tu me fais confiance ? medemande-t-il.
—Oui…,réponds-jed’unevoixfaibleencontinuantàlacontemplerdeloin.—Putain!Jenedevraispasfaireça…,râle-t-ilenpartant.Williams’installe aubar etEmmaentraîne immédiatementMelindavers le comptoir en apercevant
notreamiqu’ellepointedudoigt.—MonDieu,cettefilleestloind’êtrediscrète,constaté-je,enlevantlesyeuxauciel.Jerestelà,unmomentàlacontempler…Puisjeremarqueunejeunefemmebruneaubarquinem’est
pasétrangère,maisvulafoule,jenesuispascertainquecesoitelle.
—Ehmerde!C’estbienAmanda…,pensé-je,paniquéàl’idéequ’ellecroiseleregarddeMelinda.Etsiellereconnaissaitmavice-présidente?
Toutàcoup,Amanda la remarqueets’envarapidement.EllesedirigeaussitôtversWilliam,àquiellesoufflequelquechoseàl’oreille,puiss’avanceversmoi.
—Ellenem’apasreconnu…Nefaispasbêtises,tum’entends?meconseille-t-elled’unevoixgrave.J’acquiesceenbaissantlégèrementlatête.Elleposeuninstantsamainsurmonbrasetpartretrouver
la DRH sur le stand avec qui elle échange quelques mots. William me fait signe et je le rejoinsrapidement.
—Quefait-elleici?demandé-jeàWilliamenlevantunsourcilsoupçonneuxendirectiond’Amanda.—Aucuneidée.Celan’étaitabsolumentpasprévuqu’elleviennecematin,confirme-t-ilenhaussant
lesépaules.MaiselleacroiséMelindaetellem’aparutendue,latigresse,meconfie-t-il.—Quet’a-t-elleditaujuste?—De t’empêcherdecommettreuneconneriemonumentale.Quellepétasse !balance-t-il enportant
sonverreàseslèvres.Jefroncelessourcils,mécontentdel’entendreparlerainsidemavice-présidente.Jesaisqu’ilnela
portepasdanssoncœur,etEmmanonplus,maisjenepeuxpascautionnerdetellesdéclarations.Elleétait l’amie de mon père et je lui fais entièrement confiance, même si parfois ses réactions restentétrangesethautaines.
—Bonjour,monsieur.Jevoussersquelquechose?demandeunserveurquis’approchedenous,unchiffonàlamain.
—Bonjour.Unebouteilled’eau,s’ilvousplaît…—Gazeuse?—Non,plate,merci,réponds-jeententantdenepascroiserleregarddeMelinda,maisjelesensdéjà
glisserdélicieusementsurmoi.Ilposelabouteilledevantmoietjelaportesensuellementàmeslèvresenlaissantcoulerunmince
filetd’eauquemalangues’empressed’allerlécher.Jesaiscombiencesimplegestepouvaitl’exciteretjevaism’enamuser.Ellemereluqueàl’autreboutducomptoiretunedéchargeélectriquemetraversejusque-là.Labossephénoménaledansmonpantalonn’en finitpasdegrossir,mais jedoisgardermoncalme. Je lève les yeux vers elle, et remarque qu’elle se cache à présent derrière un vase de rosesblanches comme celles quemamère adorait. Si jem’écoutais, je traverserais ce putain de bar etmejetterais sur elle.Lemanqueque je ressensvientd’exploserdans toutmoncorpset jen’arriveplusàgarderlecontrôlesurmesémotions.
—Melindatedévoredesyeux,mec.Putain,j’ail’impressionqu’ellevaseliquéfiersurplace,dit-ilenriantetenadressantunclind’œilcompliceàEmma.
—Tagueule,William!Jet’interdisdeparlerd’ellecommeça!leréprimandé-jeaussitôt.Soudain,jecroisefurtivementsonregardetlatensionquejesensmonterenmoiestinsupportable.Sa
languecaressesensuellementseslèvresetiln’enfautpaspluspourmefairepétermadernièreduritedesécurité.
—Jereviens!balancé-jeàWilliamenlelaissantseul.—Aïden,non!Melinda,affolée,mechercheduregard,cequim’arracheunsouriresatisfait.J’arrive,monange.Tu
veuxmevoir?Ehbien,tunevaspast’enremettre!Jem’approcheduserveuretluirèglemabouteilled’eau:—Merci,gardezlamonnaie.Bonnejournée,luidis-jeenposantunbilletsurlecomptoir.—Bonnejournée,monsieur,merépond-ilenencaissantlepaiement.Jem’avanceverselleetremarquecombienellepaniquedéjà,àl’idéequejelarejoigne.Plusrienà
foutredetouscesputainsd’engagementsquej’aipris!Plusrienàfoutredetoutescespromessesà lacon,etde toutecettemerdedans laquelle jebaignedepuis troisans!Aujourd’hui, jeveux jouirdesaprésencequim’amanqué,briséetanéanti.Ellem’avolémesnuits,mesrêveset…sonabsenceàlaisseruntelvidedansmavie,quej’ail’impressiondemouriràpetitfeu…
J’ai le cœur qui s’emballe lorsque je m’approche et m’arrête juste derrière elle, le souffle court.Emmanousdévisage,labouchegrandeouverte,cequidoitplaireàWilliamquinousrejoint.
—Puis-jevousoffrirunverre,belledemoiselle?propose-t-ilàEmmaenluitendantsonbras.Melinda acquiesce d’un signe de tête etEmma lui glisse discrètement quelque chose à l’oreille en
m’adressantunclind’œilfurtif.PuisellepartaubrasdeWilliametilsdisparaissentdanslafoule.Jem’approchedoucementdeMelindapourhumersonodeurdélicateetsucrée.Jefermelesyeuxafin
delaisserlibrecoursàmesémotions.Laissez-moiprofiterdececourtinstant…J’ail’impressionquetoutl’amourconservéenmoidepuistroisansvientd’éclorelà,devantmoicommeaupremierjour.J’aile cœurquibat la chamadeet sa respirationqui s’accélère, électrise instantanément tousmes sens. Jel’aime à enmourir…Plus aucun doute : cette femme est bien la femme dema vie. Comment vais-jesurvivresanselle?Commentaccepterdelalaisserpartirànouveau?J’approchemonvisagedusienetluisoufflesuavement:
—Nevousretournezpas…pasencore…Laissez-moihumervotreodeursucrée,entendrevotrecœurpalpiterdansvotrepoitrine…Lesonaddictifquis’accélèreàl’approchedemoncorpstoutprèsduvôtresonne, pour moi, comme la plus belle et la plus sensuelle des mélodies. Vous frissonnez… Je peuxpercevoirvotredésirtellementfortquej’enaimal,àenperdrelatête.
Elle tentedese retourner,mais je laplaque immédiatementcontre lecomptoirenmecollantcontreelle,afindesentirladoucechaleurdesoncorpscontrelemien.J’agrippefermementsatailleavecmesmains en l’immobilisant de mes hanches. Tu ne m’échapperas pas, du moins pas cette fois… Ellefrissonnecontremoietjeresserreencoremonétreinte.Puis,d’unseulmouvement,ellerenversesatêteenarrièreafinde laposer surmonépaule.Unedoucechaleur s’installeenmoiet si jem’écoutais, jeresteraisainsi touteuneviedurant,afindecombler lemanquequi traversemoncorps.Est-cequeson
cœursesouviendrait-ildemoi?Est-cequemalgrésamémoiredéfaillante,ellepercevraittoutdemêmetoutl’amourquenousavonspartagéensemble?Saréactionmeprouveque,malgrétout,l’émotiond’unmomentnes’effacevéritablementjamaisdenosmémoires.
Unenouvellevagueélectriques’abatsurmoietledésirardentquis’éveilleaucreuxdemonventrenedésemplit pas, bien au contraire, elle ne fait que croître.Melinda se bat contre cette envie qui nousenvahittouslesdeux,etcontrelaquellenousnepouvonslutter.Maisjenepeuxpascéder,jen’enaipasledroit.Soudain,l’imagedel’accident,desescrisetdesoncorpsgisantsurcelitd’hôpitalmeprocureunfrissond’effroi.
«Ohnon,Aïden!MonDieu,j’aisipeur…Jesuisdésolé,monchéri…Ausecours!
Sauvez-la,jevousensupplie!Maisquiêtes-vous?»
Jesuisdésolé,monange,maisjevaisdevoirtelaisser…Jerelâchedoucementmonétreinteetluidéposeunlégerbaisersouslecreuxdel’oreille,oùjem’y
attardeunefractiondesecondepourenhumerunedernièrefoissapeaudélicatementparfumée.Puisjeluimordilletendrementlelobe.Dieuquej’aienviedecettefemme…
—Je suis certain que vous être prête pourmoi, trempée et ivre de désir.Merci pour ce délicieuxmoment.Ilenestpresquedouloureux…,luisoufflé-jed’unevoixsaccadéeparladouleurlancinantequimetraverse.
J’attrape discrètement une rose blanche dans le vase posé sur le comptoir, et la place devant elle,comme j’avais pour habitude de le faire quand nous étions ensemble. Parfois, lorsque son père luiinterdisaitdesortirpourvenirmerejoindre, je lui laissaisunerosesur leborddesafenêtre,pour luiprouvercombienjel’aimaisetcombienjepensaisàelle…Maiscetteépoqueestrévolue…
JereculeetBenm’attrapeimmédiatementparlebrasenm’entraînantaveclui.—Allons-y,M.Kyle.Vousvenezdefranchirleslimitesetnousallonsavoirunsérieuxproblème,me
réprimande-t-ilenmeramenantàlasinistreréalité.—Melinda…Forever,soufflé-jeenjetantunregarddésespéréenarrièreafindelacontempler,une
toutedernièrefois.
-13-
KyleEntrepriseMardi20mai201409h15
Aïden
Mon téléphone retentit,me sortant dema rêverie. Jem’avanceversmonbureau en remarquant quec’estunappelinterneetdécroche.
—Oui?Bonjour,Emma…Cematin?J’airendez-vousavecWilliamdansmoinsdecinqminutes,lapréviens-jeenvérifiantl’heureàmamontre.Oui,biensûr…Àtoutàl’heure…
Jeraccrocheetm’installesurmonsiègeensecouantlatête.Savoixnemeditrienquivaille…Toutàcoup,onfrappeàlaporte.—Entrez!—Bonjour,Aïden.Williams’avanceversmoietmetendlamain.—Salut,William.Jemelèveuninstantpourlesalueretmerassoisaussitôt.—Avant d’entamer cette réunion, concernant le rachat des Carter, j’aimerais te proposer quelque
chose?dit-ilenhaussantunsourciltaquin.—Quoidonc?demandé-jeenouvrantleurdossier,quiprendlapoussièredepuiscematin.—Quedirais-tud’unepetitesortie,cesoir?—Non!réponds-je,sansdétour.—Onvaseulementboireunverreentremecs.Iln’yaaucunenanalà-dessous,dumoinsaucunplan
cul,promet-ilenm’adressantunclind’œiltaquin.Jem’adosseàmonfauteuilencroisantlesbrascontremontorse,etluidemande:—Aucune?Unsimpleverreentremecs,tuenesbiencertain?—Ouais…Etpuis,çatechangeraitlesidéesdesortirunpeu,insiste-t-ilensouriant.
—Trèsbien.Jet’accompagne,maistuasintérêtà…—Aïden?m’interrompt-ilaussitôt.JesaiscombientuaimesMelinda,jesaisaussicombienellete
manqueterriblement…Loindemoil’idéedetejeterdanslesbrasd’uneautrefemme,lâche-t-ild’untongrave,commepourmefairecomprendrequ’ilestsincère.
—Merci,William,dis-jeenmepassantlamainsurlevisage.J’ail’impressionquetoutm’échappe…J’aiperdulecontrôlesurmesémotionsdepuis…
—Depuisquetuasromputesengagements,mec.Voilàdepuisquandtoutestpartienvrille,mefait-ilremarquergentiment.Tusaiscequis’estproduitladernièrefoisquetuasvoululajoueraubrasdefer?
—Jen’aipasrésisté…Elleétaitlà,devantmoietlasavoirdanscettevillem’arendufou,avoué-jeenposantmescoudessurlebureauetlatêteentrelesmains.
La revoir, ce jour-là, a été pour moi comme une révélation… La réalité m’a très vite rattrapé,lorsqu’elle ne m’a pas reconnu, malgré l’attraction irrésistible qui nous submergeait. J’ai alors prisconscience,àcemoment-là,quel’abandonnersurcelitd’hôpitalavaitétéuneterribleerreur.
—Aïden, tu aspétéun câble,mec.Tu lui as carrément sautédessus au salondu recrutement, sansparlerdecetteidéegrandiosedelafairetravaillerauseinmêmedecetteentreprise?!Lorsquetuétaisavecelle,jamaistunel’asautoriséeàsemontrerenpublicavectoi,mesignale-t-ilenlevantlesmains,étonné.
—Jevoulaissimplementlaprotégerdetouscescharognardsdejournalistes,pesté-jeenrelevantlatête.
—C’estbiencequej’essayedetefairecomprendre,Aïden.Àl’époque,ellemontaitdiscrètementauPenthouseetjamaispersonnen’aeuconnaissancedevotrerelation.
—Effectivement,personnen’asuquenousétionsensembleetc’étaitmieuxpourtouslesdeux.—Etsurtoutpourtoi,n’est-cepas?—Commentça?demandé-je,sanscomprendreoùilveutenveniravecsesinsinuations.—Tavengeancet’aaveuglé…Tun’auraisjamaisdûlamêleràtoutcela,jamais…Jequittemonsiègeettraverselapièce.Jefaislescentpasentournantenrondcommeunlionencage.
Cet homme a toujours eu le don de me balancer mes quatre vérités en pleine gueule, et sans jamaismâchersesmots.Maisc’estaussileseulquimepermettedevoirlaréalitéenface…
—Aïden,tesparentssavaientaussicombienilétaitdifficiledeprotégersafamille,ajoute-t-ild’unepetitevoix.
—J’enaimalheureusementconscience,aujourd’hui.Maisc’esttroptard,William.— Tu peux encore réparer tes erreurs et faire justice, mec. Tout n’est pas perdu…Mais tu dois
apprendreàteprotégeretaveccettetaupeparminous,onvadevoirredoublerd’attention.—Jene comprendspas, personne chezKyleEntreprisen’était au courant de cette relation,mise à
part…—Brittany,m’interrompt-ilenhochantlatête.
—Non,jamaisellen’auraitfaitunetellechose!J’aientièrementconfianceenelle,objecté-jeaussitôtensecouantl’indexdevantlui.
—IlrestealorsAmanda,remet-ilànouveausurletapis.Ondoitcommenceràseméfiersérieusementdetoutlemonde,lance-t-ild’unevoixgraveenfronçantlessourcils.
—Detoiaussi,alors?luibalancé-jeenm’arrêtantfaceàlui.—Netefouspasdemagueule!Jesuislepremieràvouloirteprotéger…Toutestpartiencouilleau
salon du recrutement et tu le sais parfaitement bien, me rabâche-t-il, une nouvelle fois, ma rencontreexplosiveavecMelinda.
J’acquiesce,sansrienajouter.—Bien,commençonscetteréunion,suggèreWilliamenattrapantledossiersurmonbureau.Jeretournem’installersurmonfauteuiletluidemande:—Tum’asl’airpressé,quelquechosedeprévu?— Je doisme rendre au centre-ville cet après-midi, répond-il trop rapidement àmon goût tout en
guettantmaréaction.Jesensqu’ilmecachequelquechose,maisquoi?—Ahoui?Quevas-tuyfaire?insisté-je,encore,d’unairquiseveutdésintéressé.—Riendebienimportant,répond-ilbrièvementcettefois-ci,sansosermeregarder.Bien,cecontrat
m’a l’airenbonneetdue forme.Quandveux-tuque jecommence lesnégociationsavecce…Carter?demande-t-ilenvérifiantlenomdenotreprochainecible.
Je le dévisage en fronçant les sourcils.Ehmerde !Me voilà à présent, en train de douter demonmeilleurami.Jevaisdevenircinglé…Williamnepourraitpasmetrahir,c’esttoutbonnementimpossibleetinimaginable.
10h45
AprèsavoirdécortiquéledossieretsignélecontratCarter,WilliamestpartirejoindreAmanda,afinqu’ellepuisselancerlaprocédured’achatdecettenouvellesociété.Jen’aipassouhaitéassisteràcetteréunion,sachantqu’Emmaavaitbesoindemevoirenurgence,cematin.Montéléphoneretentitsurmonbureau.J’appuiesurl’interphone.
—Oui,Brittany?—MlleScottestarrivée,monsieur,mefait-ellesavoir.—Faites-laentrer,jevousprie.—Bien,monsieur,dit-elleenraccrochant.Pourquoiai-jelasoudaineimpressionquecettepetiteentrevuenevapasmeplaire?Emmaentredansmonbureau,sanssedonner lapeinedefrapperà laporte,et laclaqueavecfurie
derrièreelle.Ellemerejointetposesesmainsàplatsurmonbureauensepenchantversmoi.
—Elles’approchedelavérité!dit-elled’untonsévère.—Quellevérité?!demandé-je,sanscomprendreoùelleveutenvenir,cettefois.—Tafemmevadébarquerdanstonbureau!—Quoi?Mais…—Etjet’assurequecen’estriencomparé,àcequitependraau-dessusdelatêtesielledécouvre
notrepetitsecret,meprévient-elle,affolée,enmecoupanteffrontémentlaparole.—Jen’aipas l’intentionde luiconfiercequenousavons…encommun,merattrapé-jeavantd’en
diretrop.Jenesuismêmeplusàl’aiseouensécuritédansmapropreentreprise,commesilesmursavaientdes
yeuxetdesoreilles.—Ahoui?demande-t-elle.—Ohoui!Quiaétéluiconfierquejem’attaquaisàuneentreprise?!Bravo,d’ailleurs…—Jenepensaispaslefaireàmal,maisj’aimerdé,çava!renchérit-elle.—Questiondiscrétion,tuesvéritablementlameilleure!—Eh?!Neretournepaslasituationàtonavantage!Tusaisparfaitementpourquoijemesuistenueà
l’écarttoutescesdernièresannées.Jet’aifaitconfianceetregardeoùnousensommes,aujourd’hui?!merappelle-t-elle,notrerencontretoutàfaitinattendue,pourelle.
Troisansplustôt…
LavoituresegaredevantleMary’sCoffee.Ilfaitfroidetleventselèvesurlecentre-villedeSeattle.Nos recherches nous ont menés jusqu’ici et je ne sais toujours pas comment l’aborder. Il m’a falluredoubler d’attention afin de ne pas éveiller les soupçons. Je ne sais pas comment aurait réagi cettepauvrefemmeenapprenantlavérité,moi-mêmej’étaisenétatdechoclorsqueleDrReeseestvenuàmarencontreaveccettenouvelleexplosive.C’étaitilyaquelquessemainesetdepuismavengeanceaprisunetoutautreampleur…
Jesorsdurestaurant,danslequelj’aidînéavecDanielEngle,etm’avanceversmavoiture,oùBenm’ouvredéjàlaportière.Soudain,j’entendsunevoixcomplètementpaniquée,m’appeler:—M.Kyle?!Jemeretourneimmédiatement.Unefemmetraverselarueetsedirigeprécipitammentversnousen
secouantlamain:—J’aibesoindevousparler!JefroncelessourcilsetcroiseleregardsuspicieuxdeBenquiacquiescenéanmoinsdelatête.Elle
s’approche de nous, essoufflée, en posant samain sur la portière dema voiture afin de ne pasmelaissermonter.—Quiêtes-vous?luidemandé-jed’unregardcurieux.—Bonsoir,M.Kyle.JesuisleDrReeseetj’aiabsolumentbesoindevousparler.—Docteur?Jenecomprendspas?répété-je,sanscomprendre.—Oui…C’estunelonguehistoire,etvousallezdevoirmefaireconfiance.
—Aïden,toutvabiensepasser,medit-ilenhochantlatête,etenmesortantdemespensées.—J’espèrequ’ellevoudrabienm’écouteretm’accorderquelquesminutes.Jem’inquiètesurtoutpour
vous,luidis-jeenjetantunœilcraintifàlarue.—Net’inquiètepas…Malheureusement,leschoixquej’aifaitssesontretournéscontremoi,réalise-
t-ilenposantsatêtecontrelesiège,leregarddanslevide.—Vousavezsimplementchoisideprotégerlesvôtres,toutcommemoi.Parfois,cen’estpaslabonne
solution,maisyena-t-ilaumoinsune?—Effectivement,parfoislaréalitéesttoutautre…,dit-ilenposantunemaincompatissantesurmon
épaule.Tonpèreseraitsifierdetoi,Aïden.—Jenesaispas,monsieur…Jenesaisplus…,avoué-jed’unevoixlasse.Jeregardececafédanslequelelletravailledepuisdesmois.Ilesttrèspopulaireetlecadreyesttrès
agréable, cequime rassure.De toute façon, jen’auraispas supportéde la savoirenproieàdevieuxivrognesd’unbarmalfamé.
—Regarde,ellearrive,dit-ilenlamontrantdudoigt.Àtoidejouer,mongrand.J’acquiesce,ouvrelaportièreetsorsdelavoitureenreboutonnantmaveste.Elleestvraimentbelle,
un sourire attendrissant aux lèvres et labonnehumeur se reflétant sur sonvisage.Ellemedévisageetmarqueuntempsd’arrêtavantdereprendresoncheminendirectionducafé.
—Bonjour,mademoiselle,l’abordé-jeenl’approchantetenluitendantlamain.Elle écarquille les yeux en me souriant et s’empourpre sur place en regardant tout autour d’elle,
terriblementembarrassée.—Putain!Elledoitcroireàunplandrague,pensé-je,enlevantlesyeuxauciel,extrêmementgênéà
montour.— Salut, beau brun,me salue-t-elle enme tendant la sienne. Je suis désolée,mais je prendsmon
servicedanscinqminutesetjedoisyaller,sinonjerisquedemefairevirer,glousse-t-elleenhaussantlesépaules.
—Jemeprésente,AïdenKyle…—Jesaisparfaitementquivousêtes,M.Kyle,m’interrompt-elleenfouillantdanssonsac.Elleensortunerevueetmelamontre.C’estcelled’ungrandmagazinepour lequel j’aiacceptéde
poser en couverture et de donner une interview, suite au rachat d’une grande société. Je réprime un
sourireamuséetluiréponds:—Effectivement…,constaté-jeenriantetenmepassantunemaindanslescheveux.Ellelaremetdanssonsacensemordillantlalèvretoutenmeguettantducoindel’œil.—MlleScott,jesuisici,carnousavonsdesintérêtsencommun,luiannoncé-jed’unevoixgrave,cette
fois.—Desintérêtsencommuns?Maiscommentconnaissez-vousmonnom?demande-t-elleensecouant
latête,interdite.Sansme laisser le tempsde répondre, il ouvre la portière de la voiture et sort. Il la contempleun
instant, puis il s’avance droit vers elle en lui souriant. Jem’éloigne un peu afin de leur laisser plusd’intimité.
—Jeconnaisceregard…,halète-t-ellefaiblement,sanslequitterdesyeux.—Bonjour,Emma,dit-il,ému,enluitendantunevieillephoto.Ellel’attrapeetposesamaintremblantesurseslèvres.—Non!C’estimpossible…,souffle-t-elleensecouantlatête.Elle passe son regard affolé du mien à celui de cet homme, sans pouvoir retenir ses larmes plus
longtemps.—Maiscommentcelaest-ilpossible?demande-t-elleens’approchantdelui.—LeDestinendécidaautrement…,luirépond-ilsimplementenlaprenantdanssesbras.
Denosjours…
—Moiaussi,j’aivoululaprotégerdetoutecettecruellevérité,maisaujourd’huijemedoisd’êtreàsescôtés!sedéfend-elleenfrappantsurmonbureau,complètementexcédéeparlasituation.
—Maisques’est-ilpassépourquetudéboulescommeçadansmonbureau?!demandé-je,auborddelacrisedenerfs.
Cettefillealedondemesortirdemesgondsetjenevaispaslalaissermeparlersurceton!Emmasepencheunpeuplusenmefoudroyantduregard:
—Ellevientd’apprendrequelquechose,maisjetelaisseleplaisirdeledécouvrirpartoi-même!—Jenepeuxpaslalaissergâchertoutcepourquoijemesuisbattu!N’oubliepasqu’ilestimportant
qu’ellerecouvrelamémoired’elle-mêmeetnonviolemment!luirappelé-je,enhaussantlavoix.— Si tu lui fais du mal, je te ferai avaler tes couilles et je ne plaisante pas ! me menace-t-elle
sévèrement.—Jenecomptepasluifairedumal,Emma,tenté-jedelarassurer,enretrouvantmoncalme.—Règletesproblèmesetcettefois,protège-ladetoutecettemerde!S’illuiarriveencorequelque
chose,jetejurequej’entermineraiavectoietcetteputaindesociété!crache-t-elleenbalançantdelamainmonpotdestylos,quitombesurlesol.
—Emma,nousavonstantperduparsafaute…Jen’aipaslechoix,soufflé-je,faiblement.Jen’aipas ledroitdem’emportercontreelle.Dèslepremier jour, jemesuisprisd’affectionpour
cettejeunefemmeaucaractèrebientrempé,maisaucombienattachant.Mêmelepluscélibatairedetoutl’ÉtatdeWashingtons’estfaitprendreaupiège,maisilm’apromisdeseteniràdistance.Jen’aiaucuneenviequ’illuibriselecœur,mêmesielleestassezgrandepoursedéfendretouteseule.
—Jesaiscombientu l’aimeset jesaisque tu t’enveux,Aïden.Jesaisaussique tu tedoisd’allerjusqu’au bout…. Et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir, pour que vous puissiez être à nouveauensemble, mais je t’en prie, protège-la, me supplie-t-elle, cette fois, d’une voix désespérée en seredressant.
Ellemetourneledos,traverselapièceetouvrelaporte,sansrienajouter.—Tiens,MlleScott?Amandacroiselesbrascontresapoitrineenladévisageantdehautenbas,commesielleétaitunêtre
àpart.—Tiens,v’làlavieillesorcière!pesteEmmaquidisparaîtdanslecouloir.Je réprime un sourire amusé et reprends une posture convenable en voyant le visage décomposé
d’Amanda, outrée devant tant d’impolitesse de la part d’une simple employée. Elle ferme la portederrièreelle,etfroncelessourcilsenremarquantmonpotdestylostraînantsurlesol.Puis,sansposerdequestions,elles’avanceversmoienseplaignant:
—Non,maistuasvucommentelles’adresseàmoi,cettepetite…—Oh,doucement!Jet’interdisdel’insulter!—Mais?—Queveux-tu,Amanda?lacoupé-jesèchementenattrapantmonagenda,sansluiprêterlamoindre
attention.Je ne cautionne absolument pas les insultes ou autres grossièretés entremes collaborateurs, qu’ils
soientDirecteursousimplesemployésduservicecourrier.Là,elleenpaieradesapersonnesielleoserajouterquoiquecesoit.
—LedossierCarter,Aïden.Tuasperdulatête?!s’exclame-t-elleenlebalançantsurmonbureau.Troptard!Monsangnefaitqu’untour…—Absolument,Amanda.Jevaisleréduireànéantetensuitejeferaitombercettetourquimegâche
cethorizonmagnifique,lanargué-jeenluimontrantdudoigt.—Tuvastoutperdre…,constate-t-elleensecouantlatête.—Ettoi,tonpostesitucontinuesàmedéfierdelasorte!
«Onpeutoublierunvisagemaisonnepeuttoutàfaiteffacerdesamémoirelachaleurd’une
émotion,ladouceurd’ungeste,lesond’unevoixtendre.»
TaharBENJELLOUNSource:LaNuitsacrée-1987
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KyleEntrepriseMardi20mai201411h25
Melinda
Je traverse la ville en direction de cette tour de verre qui se dessine déjà dans l’horizon, et quim’arracheunfrisson.Cematin,aupetitdéjeuner,jen’aioséconfieràmamèrecequej’aidécouvertàlalibrairiedeMmeCross,sansparlerdemonintentiond’alleràKyleEntreprise.Unmanquedeconfiance?Jen’enaiaucuneidée.Toutcequejesais,c’estquejenepeuxcompterquesurmoi-même,àprésent.Onme cache des choses et Aïden connaît une partie de la vérité, j’en suis persuadée. J’ai un terriblepressentiment,mais jem’interdisd’ypenseravantmêmede lerevoir. Ilvoueunehaine terribleàmonpèreetcelui-ciéprouvedessentimentshostilesàsonégard,cequinefaitquerenforcermonintuition.Ilyaforcémentuntrucquicloche,etj’aibienl’intentiondeledécouvrir.J’ail’impressiond’êtreaucentred’uncyclone,ravageantimpitoyablementtoutsursonpassage.
Bien entendu,mon départ dumanoir a affectémamère,malheureuse deme voir quitter lamaison.MaiselleaégalementcomprisetapprouvémadémarchederencontrerleDrPhilipsenconsultation,etcedéjeuner avec Emma l’a sincèrement enchanté. Je n’ai jamais eu de véritables amies, et mon amitiénaissanteaveccettejeunefemme,quelquepeuinsouciante,estunevraieboufféed’oxygènedansmavie.Avantdepartir, je luiaiconfiéSnowenluipromettantdela teniraucourantsi jereviensà lamaisonaprèsmonrendez-vous.Lajournées’annonceéprouvanteetforteenémotions…Jenesaispassijeseraienétatderentreraumanoir,cesoir.
11h33
J’arrive enfin auparkingprivédeKyleEntreprise. Je fouilledansmon sac àmain, et en sorsmonbadge, espérant qu’il fonctionne encore.Àmongrand étonnement, il n’est pas désactivé etmepermetd’accéderauxsous-solsde la tour.Sansdérogerà la règle, ledispositifde sécuritéest toujoursaussi
impressionnant,maisjecommenceàcomprendrel’étrangeobsessiond’Aïden.Monpèredoityêtrepourquelquechose,etencoreplusdepuisqu’ilaréussiàypénétreravecseshommesdemain.
Jeme gare, sors dema voiture etm’avance en saluant d’un signe de tête timide les agents postésdevantl’ascenseur.J’appuiesurleboutond’appelententantdenepasprêterattentionàleurprésence.Lesportess’ouvrentetjem’engouffrerapidementàl’intérieurenappuyantprécipitammentsurleboutondu34e,oùsetrouventladirectiondel’entrepriseetlebureaud’Aïden.
Une fois arrivéedans le hall d’accueil,Brittany se lèvebrusquement de son siège, étonnéeparmaprésence,toutàfaitinattendue.
—Bonjour,MlleEvans,mesalue-t-elled’unevoixtendueenmerejoignant.— Bonjour, Brittany. Où est-il ? demandé-je en traversant rapidement le hall, sans attendre son
approbation.—Attendez!Ilestactuellementenréunion.—Jen’aiquefairedecerendez-vous!pesté-jeenempruntantlecouloiràmagauche.Auboutdecelui-ci,j’aperçoisunepancartedoréeindiquantsonnometmedirigeaussitôtdroitvers
elle.—Mademoiselle,jevousenprie…Non!J’ouvrelaporteetcroiseleregardmalveillantdecettefemme.C’estbienmaveine,pile-poillejour
oùj’aibesoindem’entretenirseulàseul,aveclui!Elleselève,laminedécomposée,endévisageantAïdenquiresteinterditparmasoudaineirruptiondanssonbureau.
—MlleEvans,quemevautl’honneurdevotrevisite?medemande-t-ilenhaussantlavoix.Brittanys’avanceimmédiatementverssonpatron.—Oh,jesuisvraimentdésolée,M.Kyle,s’excuse-t-elle,paniquéeàl’idéedesefaireréprimander.—Brittany!—Laissezdonccettepauvrefemmeenpaix,M.Kyle,lecoupé-jeaussitôtafindeprendresadéfense.
C’estma faute, et je ne lui ai pasvraiment laissé le choix.Veuilleznous laisser,Brittany. J’ai besoind’avoirunediscussionavecvotrepatron.
Elleacquiesceetquittelebureauaupasdecourse.—Vousm’avezl’airquelquepeutendu,M.Kyle,luifais-jeremarquer.—Je serai ravi demedétendre avecvous,MlleEvans, dit-il d’une voixmielleuse devant sa vice-
présidente.Jem’empourpreaussitôtensecouantlatêtepourrefusersonoffrescandaleuse.—Vousn’êtesqu’un…—Qu’unquoi?demande-t-ilenhaussantunsourcilarrogant.Sonsourireravageurvientdemeconsumersurplace.—J’aibesoind’avoiruneconversationavecvous,déclaré-jeenchangeantmonfusild’épauleavant
quecettediscussionn’atteignedesdirections,toutessaufprofessionnelles.
—Amanda,laisse-nous,lacongédie-t-ilsèchementenluimontrantlaported’unsignedetête.—SicelaconcerneKyleEntreprise,j’exiged’êtremiseaucourant!riposte-t-elleimmédiatementen
nousdévisageanttouràtour.Cette pimbêche m’exaspère et m’horripile au plus haut point avec son regard hautain. Cette lueur
impitoyable et froide que je cerne au fond de ses yeuxme glace le sang.Cette femme ne m’est pasétrangère…Oùai-jebienpulacroiser,miseàpartnotrebrèverencontreausalondurecrutementoùellem’avaitdéjàsembléeantipathique?Jefroncelessourcilsencherchantdansmamémoire,maisçanemerevientpas.Ironiedusort…J’inspireprofondémentenserrantlespoingsafindegardermoncalmeetnepaslaissertransparaîtremesémotions.
—Amanda,jete…—M.Kyle!m’immiscé-jedansleurbrasdefer,enlevantlamainpourlefairetaire.D’unpasdéterminé,jem’approchedecetterenardesournoise,enrivantmonregardnoirausien.Elle
nem’inspire absolument pas confiance, et ce, depuis le premier jour où j’ai posémes yeux sur cettecréaturemachiavélique.Sielleoseneserait-cequeglapirencoreunefois,jeluiarrachelesyeuxdelatête,surlechamp.
— Vous n’avez rien à faire ici ! C’est une affaire entre le P.-D.G de cette société et la mienne.Maintenant,laissez-nousseuls!luiordonné-jesévèrementsanslaquitterdesyeux.
Amandamedévisaged’unregarddétestable,maisdevantmadéterminationsansfaille,ellecapituleets’enva.Jenelaquittepasdesyeux,jusqu’àcequ’ellesortedubureauenclaquantlaportederrièreelle.J’inspirecalmementafinderelâcherlapressionetcettetensionpalpablequisesonttoutàcoupinstalléesdanslapièce.
Jeme tourneversAïdenquiaunsourireamuséaucoindes lèvres,mais il reprend immédiatementd’untondésintéresséens’adossantàsonsiège:
—Jevousécoute,MlleEvans.Jen’aipastoutelajournéeàvousaccorder,allezdoncàl’essentiel,jevousprie.
—Vousm’accordereztoutletempsnécessaire,queçavousplaiseounon,répliqué-je,mécontente,encroisantlesbrascontremapoitrine.
Ilmereluquedelatêteauxpieds,sansaucunevergogne.Jejetteunœilàmatenueassezsimple,maisquiàpremièrevue,à l’airde luiplaire.Cematin, j’ai simplementpasséunepetite robeendenim,unblazerblancetdespetitesballerinesbleues.Ouais,riendeparticulier…Alorspourquoisedélecte-t-ilàprésentenmeregardantavecgourmandise?
—Souhaitez-vousboirequelquechose?mepropose-t-ild’unevoixsensuelle.—Non,merci,bafouillé-jeridiculementenmemordillantlalèvre.—Peut-êtresouhaitez-vouscontinuercetteconversationautourd’undéjeunerici,dansmonbureau?
ajoute-t-ilendesserrantsensuellementsacravate.—Jeneveuxabsolumentrien!râlé-jeentapantdupied.
—Rien?Enêtes-vousbiencertaine?—Oui…,réponds-jesansgrandeconviction.—Vosyeuxdisentpourtantlecontraire,demêmequecettelégèreteinteroséequiapparaîtàprésent,
délicieusementsurvosjoues,mefait-ilremarquerendénouantcomplètementsacravate,cettefois.Ehmerde!Jesuiscuites’ilcontinueàmeparlersurceton-là.Putain!Commentaborderlesujet?!—Je…enfin…—Jevousenprie,asseyez-vous,mecoupe-t-ilafindemettrefinàmoncalvaire.Je secoue la tête pour refuser son offre tout en posantmon sac àmain sur le fauteuil. Je suis trop
stresséeàl’idéederestersansbouger…Oùvais-jetrouverlecouraged’amorcercetteconversationaveclui?Aïdenmesouritenm’adressantunclind’œilàm’embraserlaculotte.Illèveledoigt,commepourmedemanderdepatienter,etappuiesurleboutondutéléphone:
—Brittany?—Oui,monsieur? répond-elled’unepetitevoix,certainementencorebouleverséepar lascènequi
s’estproduiteilyaquelquesinstants.—Veillez à ce que l’on ne nous dérange pas ! Ai-je été assez clair, cette fois ? lui demande-t-il
sévèrement.—Oui,monsieur.—Bien.Ilcoupelacommunicationetselèveenretirantd’ungestefrancsacravatequ’ilposesoigneusement
surledossierdesonsiège.Sansmequitterdesesyeuxperçants,ildéboutonnelestroispremiersboutonsdesachemiseensedirigeantdroitsurmoi.Sonregardlangoureuxglissesensuellementsurmoncorpsdéjà captivé par le sien. Aïden s’approche demoi en se léchant les lèvres comme hypnotisé parmapersonne.Etmoi,stupidequejesuis,jerestelààattendredemefairedévorerparcemâleexsudantdetestostérone.Toutmoncorpsestenalertemaximaleet jesaisquejenedoispasle laissermetoucher,sinonjenesaispassijeseraicapabledeluirésister.
—Melinda…,souffle-t-ilsuavementens’arrêtantfaceàmoi.Son parfum aux notes envoûtantes électrise instantanément tousmes sens, et je n’ai qu’une envie :
glissermesmainssoussachemiseafindetouchersapeau.Humerchaqueparcelledesoncorpsafindem’imprégner de son odeur, et la garder dans ma mémoire. Cet homme a la faculté extraordinaire etincroyable,d’apaisermespeursetmesangoisses,etencoreunefois,celles-civiennentdes’envoler…
—Aïden…,susurré-je,enrelevantmesyeuxamoureuxverslui.J’aitantbesoindecomprendreetdesavoir…,luidis-jeenposantmamainsursonvisagepourensuivrechaquetrait.
Ilnichesatêteaucreuxdecelle-cienfrottantdoucementsajouedessus,toutenmeregardantdesesyeuxbrillants.
—Monintuitionmepousseàcroirequetunem’espastoutàfaitétranger…Ilseredresseensondantmonregard.Puisilentouretendrementmatailledesesbrasafindemeserrer
tout contre lui. Je réalise alorsque fairemachinearrièrem’est toutbonnement impossible. Jedois luiconfiercequetraversemoncœur…Mais,etsijemetrompais?Etsimamémoireavaitdécidédemejouerunmauvaistour?
—Etqu’est-cequitepousseàcroireunetellechose?souffle-t-ilenfrôlantmeslèvres.—Toi…Simplement,toi…
«Onpeutoublierunvisagemaisonnepeuttoutàfaiteffacerdesamémoirelachaleurd’une
émotion,ladouceurd’ungeste,lesond’unevoixtendre.»
TaharBENJELLOUNSource:LaNuitsacrée-1987
-15-
TinaArena-ShowMeHeaven
KyleEntrepriseMardi20mai201411h55
Aïden
Jeglisselentementmesmainssurseshanchessanslaquitterdesyeux.MonDieu,sesouviendrait-elledemoi ? Aurait-elle préservé notre histoire et notre amour dans un coin de sa tête ?Au-delà demavengeanceetdecettesoifdejusticequicouleencoredansmesveines,jen’aijamaisvoululuifairedemal…maisjen’aipassulaprotégernonplus.
Melinda passe ses bras autour demon cou en glissant ses doigts dansmes cheveux. Je la soulèveimmédiatementenfaufilantmesmainssoussarobetoutenagrippantsesfesses.Elleentouretendrementmatailledesesjambesensefrottantlangoureusementcontremonbas-ventre.
—Aïden…,susurre-t-elleenguettantmeslèvresdesesyeuxbrillants.Jenepeuxrésisteràl’enviequiprendformedansmonpantalon,etcebesoinirrépressibledelafaire
miennedevientinsupportableàmaîtriser.Combiendechancesyavait-ilquejemeretrouveaujourd’huiblotticontresoncorpsaprèstoutcequenousvenonsdetraverser?Certainementunmomentd’égarementsurcettelongueroutequinousattendencoreavantdenousretrouver…Peut-êtreunmomentdefaiblesseentre deux personnes qui se désirent… Ou bien simplement ce lien indéfectible qui nous unitirrémédiablement.
Jelaportelentementjusqu’aucanapédecuirblanc,quisetrouvedanslecoinsalondemonbureau,tout en l’embrassant tendrement. Elle me serre fortement contre elle comme si elle s’agrippait à unebouée de sauvetage. Je ne compte pas l’abandonner, même si nos chemins ont pris des directionsopposées… Je sais que je ne dois pas céder à la tentation,mais comment lutter contre cette passionenivrantequinoussubmergechaquefoisquenoussommesensemble?Ellerestelafemmedontjesuistombéfollementamoureuxsurcetteplagedesablefin,etpar-dessustout,ellerestemafemme.
Jel’allongedélicatementsurlecanapé.Melindarenverselatêteenarrièreenmetendantlamainafinque je la rejoigne. Je remarque immédiatement labaguequi scintille à sondoigt.Elle a donc tenu sapromesse…Sait-elleaumoinspourquoi?
—Monange…Jenesaispassic’estunebonneidée,dis-jed’unevoixtendueenglissantmamainsurmonvisage.
—Aïden…Approche-toi,jet’enprie.J’aitellementdequestionsquidéfilentdansmatête,maispourlatoutepremièrefois,jesaisquejemetrouveaubonendroit.Nemedemandepaspourquoi.Jelesais,toutsimplement…,memurmure-t-elle,lesyeuxlarmoyants.
Jememordillenerveusement la lèvreen lacontemplantd’un regard lascif. Je saisque l’approchers’avèredangereux,mais jem’interdisde lui résister.Moncœur influençablemedictedecéderàcettetentationenivrantequipourraitapaisercemalincommensurablequimedétruitchaquejourunpeuplus.Sansparlerdecetteobsessionféroce,émanantdemonmembrefièrementdressédansmonpantalonqui,elle,mesommedelatoucheretdejouirdesaprésence.
—Jetedésiretellement,Melinda…Montorsequisesoulèveendescendantrapidementtrahitcetteenviecharnellequej’aidemeglisser
enelle.Sanslaquitterdesyeux,jedéboutonnealorsmachemise,puislaretirelentementetlaposesurlatablebasse.Melindaancresonregard troublantàmontatouageenfronçant lessourcils,commetentantd’analysercelui-cidanslesmoindresdétails.
Je la rejoins enm’allongeant de toutmon poids sur elle. J’agrippe son visage entremesmains enguettant ses lèvres qui s’entrouvrent déjà pour aller àma rencontre, et l’embrasse langoureusement englissantma languedanssabouche,où lasienneseveutencore timide.Aprèsquelquessecondes,ellesdansentsensuellementl’uneautourdel’autredansunmouvementimperturbable.C’estintense,torrideetterriblementdouloureux.Jelivreunebatailleimpitoyableàcedésirbrûlantquiprendpossessiondetoutmoncorps,maisjenedoispascraquer…J’aienviedeluiarracherceboutdetissuquim’empêchedemeglisserprofondémentenelleetdelamarqueràjamais.J’aibesoindesentirl’humiditédeseschairsetdehumersonodeursucrée.Degoûteràcenectardélicieuxquej’aimesentirglissersurmeslèvres.
Melindatremblecommeunefeuilledansmesbrasetjesaiscombienildoitluiêtredifficiledegérer,elle aussi, tout ce flot d’émotion qui nous submerge. Elle recule la tête pour me contempleramoureusementetmemurmure,essoufflée,parl’intensitédenosbaisers:
—Aïden…Lorsquejeplongemesyeuxdanslestiens,j’yvoistantdechoses,maisjesuisincapabledemettredesmotssurcequejeressens.
Samaincaressetendrementmonvisageetdescendderrièremanuquequ’elleserreentresesdoigts.Son regard fureteur s’attarde dans le mien comme si elle souhaitait lire en moi afin d’y trouver desréponses.
—Quevois-tu,monange?demandé-jeenposantunbaiserchastesurseslèvresgonfléesetrosées.Elle tente de reprendre sa respiration, saccadée par l’émotion de ce moment bouleversant, et me
répond:—Jetevois,Aïden…Jeressensunamourincommensurableaucreuxdemonventre…Quelquechose
depuissant,sincèreetunique…—Unique?répété-jeenfouillantàmontourdanssonregard.MonDieu!Serapprocherait-elledelavérité?—Jesuistellementperdue…Unequestionmebrûleleslèvres,maisjen’osetelaposer...Jenesais
passijesuisprêteàentendrelaréponse.Elleinspireprofondémentetreprend:—Le«Aïden»quejeconnaisnem’auraitjamais…,commence-t-elleenposantsamaintremblante
surseslèvres,sansoserterminersaphrase.Jecollemonfrontausientoutenfrôlantsajouedureversdelamainetluisouffle:—Je t’aime,Melinda…C’est toutceque tuasbesoindesavoir,pour lemoment…Parfois, lavie
nousimposedefairedeschoixquis’avèrentparfoisimpardonnables,maisderrièrechaquedécisionsetrouveuneraison.Certes,j’aicommisdeserreurs…Maisleplusimportant,estdepouvoirlesréparerensauvantcequ’ilnousresteafindetrouverlebonheur.Unjour,jeseraiheureuxdeteraconterl’histoirede…mavie.
Melindam’observeavecdélectationenbuvantchacunedemesparoles,commesichaquemotavaittoute son importance. Je sais qu’elle tente d’analyser tout ce qui se passe autour d’elle, motivée parl’enviededécouvrircequiluiaété,àelleaussi,arraché.
—J’aivraimentbesoindeteposercettequestion…,dit-elleenrelavantdesyeuxsuspicieuxversmoi.J’acquiesceetjesaiscombiencequilarongevameretombersurlecoindelagueuledansquelques
secondes.Bienentendu,jenepourrairienluiconfirmer,dumoinsparpourlemoment.—D’oùsontoriginairestesparents?Ehmerde!Sansluirépondre,jemerelèveprécipitammentenattrapantmachemisequejerepasseet
reboutonnetoutenlui tournant ledos.Puis jem’avancevers labaievitréeensentantdéjàsaprésencejustederrièremoi.Cemomentquejeredoutaistantestarrivé…
—Aïden?souffle-t-elleenposantsamainsurmonépauleafinquejemetourneverselle.Jeluifaisfaceenplongeantunregardangoissédanslesien.Malheureusement,jesaisquecemoment
précieuxetinestimablequenousvenonsdepartagerensembleestdéjàbienloinderrièrenous.Lepasséfinittoujoursparnousrattraper…
—Réponds-moi,jet’enprie,insiste-t-elled’unepetitevoix.—Pourquoipenses-tuàcela?demandé-jeenesquivantlâchementsaquestion.Ellefroncesévèrementlessourcilsetmerépond:—Jevaistenterd’allerdroitaubut…Jesensdéjàlatensionpalpablemontéeenflèchedansmonbureau.—Est-cequetesparentsvivaientégalementàVashonIsland?demande-t-elle,sansdétourcettefois.
—Mesparents?Elleacquiesce,attendantmaréponsequisefaitattendre.—Oui,réponds-jesimplementenregagnantmonsiège.—Aïden?!Doncnosparentsseconnaissaient,hein?Réponds-moi!s’écrie-t-elleenmerejoignant.Elleposesesmainssurmonbureau,sansmequitterdesyeux.Sonregardnoirmeglacelesangetsi
ellecontinue, jecrainsquenousdevions,unenouvelle fois,nousquitter sansménagement. Je reste là,aphone,sanssavoirquoiluirépondre,tantmaréponserisqued’enameneruneautre…
—Bienentendu,qu’ilsseconnaissaient,n’est-cepas?conclut-elleenseredressantetencroisantlesbras contre sa poitrine. Ils habitaient Vashon Island et fréquentaient le même lycée, donc ils étaientamis…oupas…?continue-t-elled’énumérertoutessessuppositions.
—Jenevoispasoùtuveuxenvenir?demandé-jeenarquantunsourcilinterrogateur.Putain!Si ellemeposecettequestion, jen’endonnepascherdecettedernièrechancequ’ilnous
reste.Mavengeanceestenmarcheetsielleretrouvelamémoire,jecrainsquenousnedevionsmettreunecroixsurtoutcequinouslieencore.D’uncôté,j’aimeraisqu’ellesesouviennedenous.D’unautre,malâchetéetmonégoïstemedictentdelapréserverencoreunpeu,afind’allerauboutdemavengeance.Jenesaispascommentelle réagiraenapprenant la sinistrevérité…Non! Ilm’est impossiblede luirépondre!
Melindarivesesyeuxsuspicieuxauxmiensets’avanceens’asseyantfaceàmoisurleborddemonbureau.
—Pourquoit’es-turapprochédemoi?demande-t-elleensepenchantlégèrementversmoi.—Je…—Savais-tuquij’étais?—Mais…—Jen’aipasterminé!mecoupe-t-elleenmefoudroyantdesonregardsévère.Tusavaisquej’étais
lafilledeVictorEvansetparconséquent,tuasvoulul’atteindreenmefaisantcroire…—Non!objecté-jeententantdemerelever,maisellemel’interditenmepoussantsurmonsiège.Ehmerde!Voilà,Melindadans toutesasplendeur.Cette fois,ellene lâchera rien.Ellecompteme
pousseràbout,afindeprêcherlefauxpouravoirlevrai.Jenedoispasmelaisserprendreaupiège…—Tut’esservidemoi!—Non,nedispasdeconneries!objecté-jed’unevoixgraveenserrantlespoings.—Ahouais?Alorscommentexpliques-tutoutcequenousressentons?Etcettebaguequiscintilleà
mondoigtetqui,àpremièrevue,étaitàAlice?continue-t-elledem’interrogerenmemontrantsamain.—Alice?demandé-je,lecœuroppressédansmapoitrine.Maisattendez,quelquechosem’échappelà…?!—C’étaitunefemmemagnifiqueetjemesouviensdesonvisage…—Quoi?Maiscomment?
—Ehoui,M.Kyle…Jemesouviensdecetterencontresurlaplageetdecetteroseblanchequ’elletenait à la main ! Tu sais cette même fleur que tu m’offres chaque fois que nous sommes ensemble,m’assène-t-elled’unevoixgraveensepenchantencoreunpeuversmoi.
Jesuisbouleverséparcequejeviensd’apprendre…Melindaestentrainderecouvrerlamémoireetbien plus vite que je ne l’aurai imaginé. Comment la protéger de toute cettemerde qui ne désemplitpas autour de nous ? C’est donc de ça qu’Emma avait peur ce matin… Comment a-t-elle bien puapprendretoutcela?Quelélémentdéclencheurestvenustimulersamémoireaupointdesesouvenirdemamère?
—Encoreunechose?ajoute-t-elled’untondéterminéenseredressant.Je sens à travers tous les pores de sa peau que la question qui lui brûle les lèvres va anéantir cet
infimeespoirqu’ilmerestaitencore,d’êtreavecelle.Maiscommentluiavouerquejesuisl’hommedontellerêvedepuistroisans?Quejesuisceluiquil’aabandonnésurunlitd’hôpital?Commentluiavouerquejesuissonmari?Dumoins,quejel’aiétéjusqu’àcequesonconnarddepèreannulenotremariage!
—Quies-tu,Aïden?Es-tu…?demande-t-elleencouvrantsabouchedesamain,sanspouvoirallerauboutdesaquestion.
J’ailecœurquivamesortirdelapoitrine,tantlapressionquejeressensenestàsonparoxysme.—Jesuislefilsd’AliceetEdwardKyle…Président-DirecteurGénéraldeKyleEntreprise,etcette
conversationestterminée!lancé-jefroidementenattrapantundossiersurmonbureau.Elleserelèveetcontournemonbureau,sansdireunmot.Ellerécupèresonsacsurlefauteuiletse
dirigeverslaporte.Jenesuisqu’unlâche!Vais-jeréellementlalaisserpartir?—Melinda?Elle s’arrête net et se tourne versmoi, le visage noyé de larmes.Lorsque nos yeux se croisent, je
jureraivoirdéfilernotrevie,celledesjoursheureux…Elles’attardedansmonregardensecouantlatêteetmeditd’unevoixtremblante:
— Tu ne peux pas être cet homme tendre et affectueux que je vois dans mes rêves… Commentpourrais-tul’être?Tuesunhommefroid,implacableettuasunepierreàlaplaceducœur.
—Tunepourraispascomprendre…—Et je ne veuxmême pas tenter, Aïden…Comment ai-je pu une seule seconde imaginer que tu
répondraisàmesquestions,quetuvoudraism’apportertonaide…Effectivement,tun’esqu’unricheP.-D.Gd’entreprisequiveutanéantirlamienne,n’est-cepas?
Jem’adosseàmonfauteuilenpassantmamainsurmonvisage.Jenedoispascraquer,pourtantc’estcequemaconscienceetmoncœurmehurlentdefaire.
—Melinda,j’aitouteslesraisonsdumondedevouloirdétruiretonpèreetlorsquetul’aurascompris,tumereviendras,lâché-jeenrivantmonregarddéterminéausien.
—Ilyabienunechosequetuasdéjàréussiàfaire…—Quoidonc?demandé-jeenserrantmonpantalonentremesdoigts.
—Tum’asbriséelecœuretanéantilepeuderêvesqu’ilmerestait.Parconséquent,jeneresteraipasuneminutedeplusici,àteregarderdétruirenosvies.
Elles’approchedemoi,levisageplongédansuneimmensetristesseetretirelentementsabaguesansmequitterdesesyeuxmalheureux.
—Jevouslarends,M.Kyle…Notrehistoires’arrêtelà,oùelleacommencé,murmure-t-elled’unevoixnavréetoutenlaposantsurmonbureau.
—Melinda,nefaispasça,merde…,soufflé-jetoutencontemplantcettebague,promessed’unamouréternel.
Jen’osecroisersonregard,tantilmefendlecœur.Jedoisêtreplusfortquetoutcela,pourelle,pournousetpourtoutcepourquoijemebats.Melindaquittemonbureauenclaquantlaportederrièreelle,m’abandonnanttoutcommejel’aifaitparlepassé.
—Putain!Ehmerde!hurlé-jeenmerelevantetbalayantdelamainrageusementtoutcequisetrouvedevantmoi.
J’entendslecadre,oùsetrouvelaphotodemariagedemesparents,sebrisersurlesol.Jecontourneimmédiatement mon bureau et tombe à genoux devant les débris de verre. J’attrape leur portait ensoufflantd’unevoixenpriseauxlarmesetàlacolère:
—Quedois-jefaire?Maman,papa…Aidez-moi,jevousensupplie…
«Lesdeuxépreuveslesplusdifficilessurlecheminspirituel:laPatienced’attendrelebonmoment
etleCourageden’êtrepasdéçusparcequevoustrouvez.»
PauloCOELHOSource:Veronikadécidedemourir-1998
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KyleEntrepriseMardi20mai201412h25
Melinda
Jesorsdesonbureauenclaquantlaportederrièremoi,furieused’avoircédéàl’appelirrésistibledesoncorps.J’yentendsunvacarmeterribleetlescrisd’Aïdenmebrisentlecœur.Malheureusement,jeneveuxpasreveniretmeheurteràcettehainequicrépitedanssesyeuxassombrisparlavengeance.Non!Jem’interdis de commettre à l’avenir lamême erreur stupide.Me voilà à nouveau, avec la tête sensdessusdessous.Commentai-jepuuneseulesecondeimaginerqu’ilpuisseêtrecethommequimesauvedemescauchemars?Maisalorssicen’estpaslui,quiest-ce?Pourtant,moncœurmehurledecontinueràcreuseretd’allerauboutdecepressentimentquiaprisenotagemamémoire.J’ai l’impressionquecelle-ciestverrouilléeetquelaclésetrouvederrièrecetteporte.Jemetournefaceàelleetlatouchedélicatementduboutdesdoigts.
—Maisquisuis-je?Etpourquoinemedit-onpaslavérité?demandé-jetristement.Jeposelefrontcontrelaporteenrepensantàcesdernièresvingt-quatreheures…Nosparentsétaient
danslemêmelycéeetdoncseconnaissaientforcément.Aïden,lui,détestemonpèreetlecroitcoupabledelamortdesesparents.Àyvoirdeplusprès,celacommenceàprendretoutsonsens.Jemesouviensparfaitement de ce soir-là, oùKurt et lui sont revenus complètement saouls et heureux d’apprendre lamort de ce coupledemilliardaires, qui se trouvaient donc être : lesKyle.Auraient-ils pu saboter cetavion ?Seraient-ils capables d’assassiner de pauvres gens innocents, dans l’unique but d’être…MonDieu!Non!
Jemeredresseetreculelentementenposantunemaintremblantesurmeslèvres,sansquitterdesyeuxcetteporte.Toutàcoup,lesparolesdemonpèremereviennententêteetjenepeuxfairetairecettepetitevoix,auxtréfondsdemonêtre,quimesuppliedevoirlasinistreréalitéenface:
«Ilseraitl’hommeleplusfortdetoutl’ÉtatdeWashington,etpeut-êtremêmedupays.Rêvantde
pouvoir, et reconnu comme un homme d’affaires puissant et redoutable. Oh, oui ! Le monde luiappartiendraitenfin…»
Parlait-ildelui,leregardrivéàlacartedesÉtats-Unis?Monpèreestsurnomméle«requin»etilatoujours eu ce besoin vital de contrôler toutes les personnes qui l’entourent. Il est connu pour être unhommed’affairesimpitoyableetsansaucunscrupulelorsqu’ils’agitd’atteindresesobjectifs.EtsiAïdenn’avaitpas tort ?Simonpère avait réellementquelquechoseàvoir avec lamortde sesparents ?Etmoi?Oùsetrouvemaplacedanstoutecettehistoire?
—MlleEvans?Jemetourneimmédiatementverscettepetitevoixquimesortdemespenséestroublantesetcroisele
regardattristédeBrittany.Elles’avanceversmoienposantunemainrassurantesurmonépauletoutensepenchant.
— Est-ce que tout va bien, mademoiselle ? Souhaitez-vous un verre d’eau ? demande-t-elle avecgentillesseetbienveillance.
—Non,merci.Je…J’aibesoindesortird’ici…,réponds-jeenpartantettraversantlecouloirafinderegagnerlesascenseurs.
J’appuie sur le bouton d’appel, le regard rivé dans le vide, perdue dans mes pensées. Il fautabsolumentquecerendez-vousavecleDrPhilipsportesesfruits:ilestmadernièrechancederetrouverlamémoire.Jemedoisdedécouvrircequisetrameautourdemoietcequel’onessayedésespérémentdemecacher.
J’appuiedenouveausurleboutond’appel,maisl’ascenseuradécidé,luiaussi,desejouerdemoi.Lorsquesoudain,laporteàmadroite,quimèneauxescaliers,s’ouvresubitement.Jesursauteenposantunemainsur lecœur tant j’aiétésurprise.Unhommeensortens’adossantbrusquementàelle toutenpassantsamainsurlevisage,luisantdesueur.
—Ohputain!Jesuisfoutu,bordeldemerde!Jelereconnaisimmédiatement:ils’agitdeWilliamCollins.Ilrenouesacravateetglissesachemise
à l’intérieur de son pantalon. Mais d’où vient-il comme ça ? Non ?! Aurait-il… ? Dans la caged’escalier?
—Bonjour,lesalué-jeenclignantdespaupières.Ilseredresse instantanémentenmeregardant, lesyeuxrondscommedesbilles.Puis il regarde tout
autourdelui,commes’ilcherchaitquelqu’un.—Mais…quefaites-vousici?demande-t-ild’unevoixaffoléeenréajustantlecoldesachemise.Jecroiselesbrasenlevantunsourcilcurieux.—Nevousinquiétezpas,j’aidéjàeuuneconversationavecvotre…patron,amioubienlesdeux?—Ohputain!Nemeditespasque…?s’exclame-t-il,sansterminersaphrasetoutenreculant.Iljetteunœilfurtifaucouloirquimèneaubureaud’Aïden,puisplongesonregardembarrassédansle
mien.Lorsque toutàcoup,nousprenantpar surprise, laporte s’ouvreànouveau.Cette fois, c’estunepetite tête blonde qui en sort, les joues rosées et les cheveux en bataille. Elle s’arrête net en nousdévisageanttouràtour,complètementinterdite.
—Tienstiens,MlleScott?dis-jeenlevantunsourcilsuspicieuxversmanouvelleamie.—Euh…Melinda…Jesuismontéecarje…enfinj’avaisdeschosesàrégleravec…Brittany,tente-t-
elledesejustifierenjetantunregardpaniquévers«ce»M.WilliamCollins.—Ahoui?dis-jeenladétaillantduregard.Nemeditespasqu’ilsont…?Non?!M. Collins s’approche de moi et me tend sa main afin de couper court à la conversation, qui
vraisemblablementnemèneranullepart.—Bonjour,jesuisWilliamCollins,avocatetamid’Aïden.Nousn’avonsjamaiseul’occasiond’être
officiellementprésentés.Vousêtestoutàfaitcharmante,mecomplimente-t-ilenattrapantmamainpouryposerunbaiser,maisjelaretireimmédiatement.
—Enchantéedefairevotreconnaissance,M.Collins,dis-jeenluisourianttimidement.—Jevousenprie,Melinda…Appelez-moi,William, roucoule-t-il langoureusementenglissant ses
yeuxsurmoi.Emmas’avanceaussitôtetluibalanceunetapefrancheàl’arrièredelatête:—Laisse-latranquille,idiot!Ilseredresseenmesouriant,puissetourneversEmmaets’avanceverselle.Dureversdelamain,il
caressedélicatement sonvisageet luidécocheunclind’œil ravageurqui l’empourpre instantanément.Non,incroyable!?Emmaintimidée?
—Auplaisirdeterevoir…,luisouffle-t-ilens’enallant,unsourirelubriqueaucoindeslèvres?!Williamempruntelecouloirquimèneaubureaudesonpatrontyranniqueennouslaissantlà,béates.
JemetourneaussitôtversEmma.—C’étaitquoiça?!luidemandé-jeenlevantlepouceverslecouloir.Sauvéeparl’ascenseurquiarrive,elleenprofitepours’engouffreràl’intérieur.—Jeteraconterai…,lâche-t-elleenhaussantlesépaules,sansrienajouter.C’estdoncavecluiqu’elleapassécette«fameuse»nuittorride?Non,maisattendezuneminute!?—L’autrenuitàl’hôtel?Bon,j’étaisdansunétatsecond,jetel’accorde,maisc’estavecluiquetues
partie?!demandé-jeenlarejoignantrapidementavantquelesportesneserefermentsurmoi.—Ouais…Maisilnesepasseabsolumentrien…,ment-elleeffrontémentenlevantlesyeuxauciel,
rougedehontejusqu’àlaracinedescheveux.—Permets-moid’endouter,luifais-jeremarquerenladévisageant,maisellerestemuettecommeune
carpe.Jemecaleau fondde l’ascenseur touten l’observantd’unœil inquisiteur.Maisquemecaches-tu,
toi?
Nous descendons jusqu’au rez-de-chaussée, sans dire un mot. Emma a convenu avec Kylan dedéjeunerdanssonrestaurant,lequelsefaitdéjàunejoiedenousrecevoir.Jeluijetteunregardencoin,mais elle m’a tout l’air encore perdue dans ses pensées. Elle regarde défiler les étages, la têtecertainement dans les nuages…Serait-ceWilliam qui la bouleverse autant, au point d’en avoir perdul’usagedelaparole?Serait-elleamoureusedelui?
Unefoisenbas,nousnousdirigeonsverslerestaurantoùKylannousattenddéjàprèsdenotretable.—Bonjour,mes beautés !Vous êtes ravissantes,mais que dis-je ? «Renversantes » serait lemot
adéquat pour des créatures de rêves aussi lumineuses telles que vous, nous complimente-t-il d’unerévérence.
Cethommeestd’uneéléganceetd’unegentillesse,commeilenrestepeu.—Salut,Kylan!s’exclameEmmaenluisautantdessus.Illaprendaussitôtdanssesbrasetl’embrassefougueusementdanslecou.—Bonjour,matoutebelle.Commentvas-tudepuiscematin?luidemande-t-ilpleindebienveillance
enprenantsonvisageencoupe.—Beaucoupmieux,lerassure-t-elleenluidéposantunbaisersurlajoue.Donc,jenemetrompaispas?Quelquechosenevapas…Kylanmesouritets’avanceversmoi.—Bonjour,mon petit chaton de calendrier, glousse-t-il enm’attrapant par lamain pourme serrer
contrelui.—Bonjour, Kylan, soufflé-je, amusée, enm’écartant gentiment de lui. Évite dem’appeler chaton,
veux-tu?—Uneallergieauxpoils?medemande-t-il,inquiet,enm’observantdeprès.Jememordillelalèvretantsaquestionm’arracheunsourire.—Absolumentpas,c’estjusteque…—Dieu,quej’aieupeur!s’exclame-t-ilenposantsamainsursontorse.Gucciauraitététerriblement
malheureuxdenepaspouvoirt’approcher,meconfie-t-ilenglissantsonbrassouslemien.—Gucci?Maisquiest-ce?demandé-je,sanscomprendre.Pourquoiai-je la soudaine impressionque lenomde«petitchatondecalendrier»vientdem’être
attribué?Kylanm’entraîneversnotretable,précédéed’Emmaquisautilledevantnous,presséededéjeuner.— Gucci est mon meilleur ami. C’est un angora doté d’une personnalité extraordinaire et d’une
intelligenceincroyable,répond-ilenpoussantmachaise,afinquejepuisseyprendreplace.—Merci,Kylan.Ildoitêtremagnifique…—Il est tropmignon, tu veuxdire ?! ditEmma en attrapant unmorceaude pain dans la corbeille,
poséeaucentredelatable.Putain!J’aitropladalle,Kylan,dépêche-toidenousservir.Etapporte-nousàboire,j’ail’impressiondemedéshydrater,seplaint-elleenbalayantl’airdelamaindevantsonvisage,
commesinousétionsenpleinecanicule.Jemepencheverselleetluisouffle:—Emma?Toutlemondenousregarde…,luifais-jeremarquerenjetantunœilfurtifàlasalle.Ellesetourne,labouchepleine,verslatablevoisine.—Jesuisdésolée,monsieur,luidit-elleenmâchantbruyammentsonpain.Jesecouelatêteenposantmamainsurmonfront,tantlahontevafinirparmetuer.—Voilà,jemesuisexcuséeauprèsdumonsieurlà-bas,ajoute-t-elleenlepointantdudoigt.L’hommemesourit,amusé,etreprendsondéjeuner.—Onnet’ajamaisapprislesbonnesmanières?luidemandé-jediscrètement.—Non,enfinoui.Ilsontessayé,maisenvain,avoue-t-elleenéclatantderire.Jesuisdamnée!—Est-cequetoutvabien?Kylanavaitl’airinquietpourtoi,toutàl’heure?—Oui, ne t’inquiète donc pas. C’était juste un coup de cafard,mais c’est déjà loin derrièremoi,
répond-ellesanss’épanchersurlesujet.—Oui,jetecomprends…J’airessentilamêmechosecematinenquittantlamaison.Tiens,enparlant
de «maison » ?Tu nem’as jamais parlée de ta famille ? Si tum’en disais un peu plus sur toi ? luidemandé-jeencroisantmesmainssurlatable.
Emmaécarquillelesyeuxenavalantsonmorceaudepainavecdifficulté.Ellemesemblemalàl’aiseetjesaisqu’ellen’aimepasabordercesujet.
—Je…Jen’aimepastropparlerdemafamille,confirme-t-elled’unepetitevoix.—Jelesaisbien,maisj’aienvied’enapprendreunpeuplussurtoi,tucomprends?Elleacquiescetoutenesquivantmonregardcurieux.—Toiaussi,tuaseutonlotdepeine,n’est-cepas?tenté-jeuneapprochemoinsdirecte.—C’estça…Mesparentsn’ontpasétélà…pourmoi,meconfie-t-elleenbaissantlatête.—Jesuisdésolée,jenevoulaispastefairedepeine,m’excusé-jeenposantmamainsurlasienne.—Cen’estrien,MlleDuSnob.J’aiégalementunequestionquimeturlupinedepuisdesjours…— Je t’écoute, Emma. Nous sommes amies toutes les deux et je te fais confiance, lui dis-je en
resserrantsamain.—Vendredidernier,lorsdenotrebaladesurlaplagedeForever,tum’asconfiéequetuavaiseuun
accidentdevoitureetqu’unepartiedetaviealittéralementdisparudetamémoire.Malheureusement,tun’aspassouhaitém’endireplus…
—Exact…,confirmé-jeenmemordillantnerveusementlalèvre.—J’aibesoind’entendreetdesavoircequit’estréellementarrivé?medemande-t-ellel’airinquiet
enfronçantlessourcils.Toutàcoup,Kylaninterromptnotreconversationendéposantnosplatsdevantnous.—J’aiprislalibertédecommanderpourvous:Hamburgermaisonetsasaladetexane,dit-ilennous
adressantunclind’œil.—Hum!Toutcelaal’airdélicieux,Kylan,lecomplimenté-je,l’eauàlabouche.— Pourrais-tu nous apporter une bouteille de champagne, s’il te plaît ? demande Emma avec un
souriremalicieux.—Duchampagne?répété-je,étonnée.Kylan passe son bras derrière son dos, comme le ferait unmaître d’hôtel, et nous répond d’un ton
badinavantderegagnerlacuisine.—Bien,mademoiselle.Emmam’observe,amusée,etattrapesonsandwichaveclesmainsenmedemandant:—Pourquoicettetête?—Pourquoiplusriennem’étonnevenantdetoi?—Va savoir…, répond-elle simplement en haussant les épaules et mordant avec appétit dans son
sandwich.J’arqueunsourcilamuséetlèvehautlatêteenattrapantégalementlemien.Elles’arrêtenetdemâcher
enmeregardantfaire.—Dix dollars que tu ne le feras pas ? parie-t-elle enmordant de nouveau dans le sien pour me
prendreaumot.—Ahouais?C’estcequel’onvavoir,alors!Jel’approchedemaboucheetmordsdedansàpleinesdents,toutenfermantlesyeux.MonDieu,c’est
siagréabledepouvoirbraverlesinterdits.Mesparentsenauraientfaitunesyncope,c’estcertain.—C’estvraimenttropbon,Emma!déclaré-jeenouvrantlesyeux,labouchepleine.—Tuenaspartout!semoque-t-elledemoienmepointantdudoigttoutenriant.J’éclatede rireàmon touretattrapemaservietteafindemenettoyerdiscrètement.Puis j’aperçois
Kylanquirevientavecunseaudeglaceetunebouteilleàlamain.—Champagne!lance-t-ilenposantletoutsurnotretable.Ilinclinelabouteille,dégagelaboucledumuseletetleretire,ainsiquesonhabillage.Puis,touten
tenant fermement le bouchon, il saisit le corps de la bouteille et la tourne pour dégager doucement lebouchondugoulot,sanslelaissers’échapper.
—Etvoilà!dit-ilfierdeluiennousservantrapidementnoscoupes.Nousposonsnos sandwichset applaudissons, suiviesdesautres clientsprésentsdans le restaurant,
émerveillésparcetteprésentationtouteendélicatesseetdextérité.Kylannouslaisseetnousreprenonsnotre déjeuner dans la bonne humeur.Malheureusement, je sens qu’il sera de courte durée, au vu duregardtristequ’Emmaposeàprésentsurmoi.
—Quesepasse-t-il?luidemandé-je.Sonvisagevientdeperdretoutsonéclatcommesilemondevenaitdeluitombersurlatête.—Depuistavisiteàcettedame…?
—MmeCross.—Oui,MmeCross.Jem’inquiètepour toiet jenesaispascomment t’apportermonaide.Raconte-
moi,cequit’estarrivé?—Lesouci,c’estquejenemesouvienspasdujourdemonaccident.Despansentiersdemonpassé
ontétéeffacésdemamémoire.—Oui,ça,jelesaisdéjà…Seulement,cequej’aibesoindesavoirc’estcequis’estpasséaprèston
réveilàl’hôpital?—C’estunelonguehistoire,Emma,réponds-jeenbaissanttristementlatête.—J’aiencoreunpeudetempsdevantmoi,dit-elleenposanttendrementsamainsurlamienne.J’acquiesce et lui confie les terribles épreuves auxquelles la vie m’a alors confrontée, ces trois
dernièresannées.AinsiquecetteconversationavecAïdenquim’aterriblementbouleversée…
13h55
—Ehbien…Celan’apasdûêtrefacilepourtoi,compatitEmmaenmesourianttendrement.— Non, mais je vais bien à présent. Et maintenant que tu connais mon histoire, j’espère que tu
comprendsmieuxmadémarche?—Biensûr,Melinda.Quineressentiraitpaslebesoindedécouvrirlavérité?C’esttrèscourageuxde
tapart…—JenesaispasquelleseramaréactionlorsdecetteconsultationchezleDrPhilips.—Àquelleheureesttonrendez-vous,déjà?medemande-t-elle,paniquée,àl’idéequ’ellem’aitmise
enretard.Jevérifiel’heureàmamontreetluiréponds:—Net’inquiètepas,c’estdansunpeuplusd’uneheure,nousavonsencorequelquesminutesdevant
nous.— Tu verras, tout va bien se passer, Melinda, tente-t-elle de me rassurer en me souriant
affectueusement.Je l’observe tout en repensant à la scène surprenante qui s’est produite tout à l’heure devant
l’ascenseur. Je me risque alors à lui poser cette question qui me turlupine depuis cette rencontreinattendue.
—Emma?J’auraiunequestionàteposer,situmelepermets?—Jet’enprie,merépond-elleennousservantunenouvellecoupedechampagne.—CeWilliamCollins…C’esttonpetitami?demandé-je,curieused’ensavoirplus.Emmaavaled’untraitsesbullespétillantestoutenmeregardant.J’attrapesonverreetleposesurla
tableenlafixantduregard:—Réponds-moi,s’ilteplaît.
Emma lève les yeux au ciel et inspire bruyamment pour marquer sonmécontentement, comme unegaminequel’onviendraitdedémasquer.
—Trèsbien, je vais te répondre.Williametmoi, on s’entendbien et j’ai…effectivement unpetitcoupdecœurpourlui,m’avoue-t-elleenguettantmaréaction.
—Etalors,oùestleproblème?continué-je,sanscomprendre.—Jen’aijamaisditqu’ilyavaitlemoindreproblème?!— Mais alors, pourquoi étais-tu mal à l’aise en sa présence ? Et cette mine décomposée dans
l’ascenseur?—C’estuncoureurdejupon,voilàoùestleproblème.Sansparlerdufaitqu’ilsoitlemeilleuramiet
avocatdemontyrandepatron,quisetrouveêtreparlamêmeoccasion,tonamoureux,menargue-t-elleenmetirantlalangue,heureused’avoirmarquéunpoint.
—Trèsdrôle,Emma.Merci,jemesensbeaucoupmieux,ironisé-je,enattrapantmonverre.Jelevided’un trait sans laquitter desyeux. Je leposedevantmoi etm’essuie les lèvresdu reversde lamain,choseinconcevabledansmonmonde.
—Bravo,c’estdujoli!Jecommenceàdéteindresurtoi,MlleDuSnob,dit-elleenm’applaudissant.J’acquiesced’unsignedetêteetnouséclatonsderire.Nous discutons de tout et de rien et terminons notre déjeuner sur une note plus légère, comme une
sortiecesoir,entrefilles.Jemelaissetenterparl’idée,n’ayantaucuneenviederentreraumanoir.Kylannousrejointavecdesfondantsauchocolatets’assoitafindefaireplusampleconnaissanceavecmoi.Ilala gentillesse deme proposer de venirm’installer chez eux et Emma plaide en sa faveur comme unebonneavocate.Jeleursourisenacceptantd’yréfléchirpluscalmement.Celadit,lavieaumanoirs’estavéréedifficileavecmonpère,etsijedoistravaillerauxEntreprisesEvans,jevaisdevoirmetrouverunappartementenville.
15h25
Avant de retourner travailler, Emmam’a envoyée un texto avec l’adresse deKylan afin que je lesrejoigne aprèsma séance de psychanalyse. Ellem’a semblée quelque peu inquiète, et j’ai tenté de larassurerenluioffrantmonplusbeausourire,mêmesijesentaisdéjàl’angoissem’envahir.
GaréedevantlecabinetduDrPhilips,quisetrouveencentre-ville,j’observelebâtimentd’unregardangoissé. Puis, prenantmon courage à deuxmains, je sors dema voiture en refermant doucementmaportière. Jemeposesurcelle-ci,unnœudauventre, toutenmedemandantsi j’ai fait lebonchoixenprenant ce rendez-vous. Saura-t-il m’aider ? M’apportera-t-il les réponses que je cherchedésespérément?N’ensortirai-jepasplusperdue?
—Allez,Melinda,m’encouragé-jeenm’avançantverslaporte.Jemonte au premier étage, où se trouve le cabinet de consultation, etme dirige vers la secrétaire
médicalequimesourittoutenreposantlecombinédesontéléphone.—Bonjour,mademoiselle,mesalue-t-elleenmesouriantgentiment.—Bonjour,madame.JesuisMelindaEvansetj’airendez-vousavecleDrPhilipsà15h30,luidis-je
enjetantunregardindiscretàsonagenda,commepourvérifiersij’apparaisbiendessus.Ellevérifiesoncarnetderendez-vousetmeconfirmed’unsignedetêtetoutenmerépondant:—Oui,toutàfait.Jevousinviteàpatienterensalled’attente,dit-elleenmesouriant.Je la remercie et parsm’installer sur le fauteuil près de la fenêtre, donnant sur la rue. Je reste là,
quelques minutes à regarder les voitures passées et les oiseaux s’envoler dans le ciel bleu. Je senscommeunebouled’angoisseaucreuxdemonventre,maisaussiuncertainsoulagement.Jeveuxcroirequ’ilpourram’apportersonaideetquisait,mepermettred’avancersurcelongcheminquimemènera,jel’espère,àmaguérison.
—MlleEvans?mesortdemespenséeslointaines,unhommeenblouseblanche.Il me tend la main enme souriant chaleureusement. Je le reconnais tout de suite : il s’agit du Dr
Philips.LedocteurdefamilledesKyle.IlsetrouvaitàForeverlasemainedernière,lorsquej’aireprisconnaissance.SaconversationavecAïdenm’avaitbouleversée,etj’aid’ailleursunequestionàluiposeràcesujet-là.
—Bonjour,docteur.Mercidemerecevoiraussirapidement,luidis-jeenmerelevantetenluitendantlamienne.
—Jevousenprie,Melinda.Jepeuxvousappelerparvotreprénom?medemande-t-ilenm’invitantàentrerdanssonbureau.
J’acquiescetimidementetpénètredanslapiècetoutenregardantautourdemoi.Elleestlumineuseetlecadreyesttrèsagréable.Rienàvoiravecceluidemonpère,oùsepassaientmesséancesavecleDr
Parker.Àma droite se trouve un salon contemporain avec un canapé et un fauteuil en cuir gris, ainsiqu’une table basse en bois clair. Des tableaux abstraits sont accrochés un peu partout ainsi que dessculpturesenargile.Quantàsonbureau, ilest installéprèsd’unegrandefenêtredonnantsurunjardin,sans vis-à-vis. Il y a également une grande bibliothèque remplie de livres et d’encyclopédies demédecine.Puisunearmoiremétalliqueoùysontclassésdenombreuxdossiers,certainementceuxdesespatients.Jesuisagréablementsurprise,etsurtoutrassuréeparcetendroitaccueillant.
—Asseyez-vous,Melinda,dit-ilenm’invitantàprendreplacesurlecanapé.—Merci,réponds-jeenm’asseyant,lesmainsposéessurmesgenoux.Ilsedirigeverssonbureau,récupèreundossieretmerejoint.Ils’assoitsurlefauteuil,faceàmoi,et
l’ouvre toutenme jetantunregarddiscret. Je remarque toutdesuitemonnomsur ledevant,ainsiqueceluidel’hôpitaldeVashonIsland.Jefroncelessourcilsafindetenterdedécouvrirautrechose,maisimpossibledelàoùjemetrouve.
—Bien,Melinda. J’ai parcouru votre dossier et votre parcours a certainement été très difficile etdouloureux.
J’acquiesce, sans rien ajouter en lui souriant faiblement. La tension me gagne et l’anxiété que jeressentaisavantd’arriveraucabinet,revientdeplusbellemehanter.
—Lorsquevotre…M.Kylem’atéléphonéafindevenirauplusvitevousconsulter, jen’avaispastous les éléments en ma possession, mais votre mère m’a gentiment fait parvenir une copie de votredossiermédical.
—Mamère?Demandé-je,surprise.Pourquoinem’a-t-elleriendit?—Oui, c’est votremère qui s’en est chargée afin que je puisse vous examiner.Aujourd’hui, nous
allonsapprendreàfaireconnaissanceafind’installerpetitàpetitunclimatdeconfiance.—Bien,réponds-jesimplementenbaissantlégèrementlatêteversmesdoigtsquis’entortillent.Ilseplongedansmondossiermédicaletfeuillettelentementcelui-ci.Jedonneraicherpourvoirce
quiestécritàl’intérieur.—Onvatenterdereprendreunpeuvotreparcours,sivouslevoulezbien?—Oui,docteur.—Vousavezeuunaccidentdevoitureilyatroisans.Vousavezemboutiviolemmentunarbreaprès
avoirperdulecontrôledevotrevéhicule.Votretêteaalorspercutélavitreetc’estcequiacausévotrecommotioncérébraleetdoncvotreamnésierétrograde.
—Attendez?Jen’aipasperdulecontrôle?—Jenecomprendspas?dit-ilenm’observantpuisenvérifiant ledossier. Ilest indiquéquevous
avezperdulecontrôledevotrevéhicule?—Non,c’estunevoiturearrivantensensinversequim’apercutéeetc’estainsiquej’aiterminéma
coursecontreunarbre,luiexpliqué-je.—Donc,vousvoussouvenezdevotreaccidentdevoiture?medemande-t-ilperplexe.—Non,jen’aipasditça.C’estcequemesparentsetleDrParkerm’ontracontée,luidis-jeensentant
l’angoissemegagner.—Pourtant,dansvotredossier,cen’eststipulénullepart.Ilestsimplementindiquéici:«Lavictime
aperdulecontrôledesonvéhicule.»dit-ilenrelisantledocumentdevantlui.—Jenecomprendsrien…,soufflé-jed’unevoixtremblante.—Toutvabien,continuons.Aprèsêtrearrivéeàl’hôpital,vousavezétépriseenchargerapidement
par l’équipemédicale.Malheureusement, vous avez perdu connaissance et avez sombré dans le comadurant…huitsemaines,continue-t-ilàparcourirmavie.
—Vousvoulezdirequej’étaisconscienteàmonarrivéeàl’hôpital?—Oui,Melinda.Vousétiezencoreconsciente,sonnéecertes,maisparfaitementconscientedecequi
venaitd’arriver.—Jenem’ensouviensabsolumentpas…,confié-je,effondrée,leslarmesauxyeux.—Votreancienmédecinnevousenapasparlé?
—Non…—Incroyable…Ilestévidentquecesontdesinformationsprimordialesafindevousaideràavancer
vers la guérison, ajoute-t-il en reprenant le dossier. Bien, fort heureusement que votre œdème s’estrésorbé et vous a permis d’être là, aujourd’hui.Lamauvaise nouvelle, c’est que vous avez perduunepartiedevotremémoire,maislabonneestquevousn’avezgardéaucunelésionetséquellegrave.
—Grave?Pourmoi,c’estextrêmementgrave,docteur,luifais-jeremarquerfaiblementenséchantleslarmesquiperlentàmesyeux.
—Etjelecomprendsparfaitement,maisvousdevezaussiprendreconsciencequevousêtesencoreparminous.Beaucoupde famillesn’ontpaseucettechanceet sontbriséespar lamortd’unproche…Vous avez eu beaucoup de chance, déclare-t-il, encore une fois, en hochant la tête pour confirmer sesdires.
— Veuillez m’excuser… Vous avez totalement raison, confirmé-je. Vous dites que j’étais doncconsciente ? Je ne me souviens de rien, pas même de l’homme qui m’a secourue et transporté versl’hôpital?
Ilvérifieledossierenfronçantlessourcils,terriblementembarrassé.—Quesepasse-t-il,docteur?demandé-jeprécipitamment.—Vousavezperdulamémoireetlessouvenirsliésàvotreaccident,Melinda.Ilestdoncnormalque
vousnevoussouveniezpasde…cethomme,ajoute-t-ilengrimaçant.Pourquoiai-jelasoudaineimpressionquevousmecachezquelquechose,docteur?Suspicieuse,je
suisdécidéeàluiposerdesquestionsetdesdizainesenvahissentdéjàmatête.—Cequejen’arrivetoujourspasàcomprendre,c’estpourquoijenemesouvienspasdecertaines
personnes, et d’autres oui ? Pourquoi des personnes étrangères à ma famille ou à l’accident ont étéeffacéesirrémédiablementdemamémoire?Pourquoi jevoisdeschosesquinesontpasréellesetquiparfoisnesontpasmespropressouvenirs?Pourquoi?!demandé-jerapidementententantdereprendremonsouffle.
—Melinda,vousallezdevoirvousarmerdecourageetdepatienceafinque l’onpuisseensemble,répondreà toutesvos interrogations.Lecheminvaêtre longetdifficile,mais jevousprometsdefairetoutcequiestenmonpouvoir,pourvousaideràretrouvervotrevie,déclare-t-ilenmesouriant,maissonregardsoucieuxnemeditrienquivaille.Vousmecachezquelquechose…LeDrPhilipsrestebeaucouptropévasifetcelameperturbeterriblement.Oubien,ilessayed’yaller
doucementafindenepasmebrusquer.Oualors, ilmecachequelquechoseetsi telest lecas, jevaisfinirparledécouvrir.
—Pendantceshuitsemainesd’hôpital,vousavezd’abordétédanslecoma,puisvousvousêtesenfinréveillée.Malheureusement,vousavezànouveauperduconnaissance….C’estàcemoment-làquevousavezeudesphasesderéveil,etce,àseptreprises,reprend-ilentournantunepage.Jeliségalementici
quevousn’avezpasreconnutoutdesuitevotrepère…—Commentça?!lecoupé-jeenécarquillantlesyeux.—Parfois,unepersonnequisombredansunsommeilprofondpeutavoirdesphasesderéveil.C’est
cequivousestarrivé.Vousavezreconnutoutdesuitevotremère,maispasvotrepèreparexemple.—Vousvoulezdirequejenemesouvenaispasdelui?—Parfaitement,Melinda,confirmeleDrPhilipsenhochantlatête.Jeneveuxsurtoutpasrentrerdans
lesdétails,nousfaisonssimplementunbref tourd’horizonafindefaireconnaissance.Mais jenevouscachepasmasurprised’apprendrequevousn’ayezpasétémiseaucourant.
—Etmoidonc…,murmuré-jeensecouantlatêtenerveusement.Alors voilà une partie de la vérité ? Après être sortie du coma, j’ai sombré à nouveau dans ce
sommeilquim’aemprisonnéeàcelitd’hôpital.Pendantmesphasesderéveil,quiai-jereconnuetquiai-je effacé de ma mémoire ? Cela explique tant de choses… Beaucoup trop, malheureusement… J’endéduisalorsquel’hommedemesrêvesétaitpeut-êtrelà,maisnemesouvenantpasdelui,ilseraitalorsparti.Voilàunedéductiontoutàfaittangible,maiscommentsavoirsicelaestvrai?
LeDr Philips continue de feuilleter le dossier et nous parlons des flashs que je vois, et de mescauchemars.Ilpensequelaporteenboisquimebrûlelamainestcertainementcellequimemèneraàmamémoire, et donc à la vérité. La nature est bien faite, mon cerveau m’empêche tout simplement d’yaccéder, pensant que je suis encore trop fragile. Il me confirme que je n’aurai pas de traitementmédicamenteuxàprendrecommeceluiduDrParker,cequimesoulageprofondément.Ilmeparleaussiduprogrammequ’ilsouhaitemettreenplaceavecmoi,telquelagymnastiquecérébraleafindestimulerma mémoire. Mais également, que jouer aux cartes, aux mots croisés ou bien même aux dames peuts’avérertrèspositif,carilsfontappelàlalogiqueetàlastratégiequistimulent,euxaussi,fortementlamémoire.
Il ne veut pas entrer dans tous les détails et nous prenons un autre rendez-vous pour la semaineprochaine. Je le remercie et quitte son bureau, le cœur lourd et plein d’interrogations.Mais pour lapremière fois, j’ai l’impression que quelqu’un veut sincèrementm’aider.Ce que je ne comprends pasest:Pourquoin’ai-jeencorejamaiseuaccèsàmondossiermédical?
—Unechoseàlaquellejevaisyremédiersurlechamp,dis-jed’untondéterminétoutensortantdel’immeuble.
16h37
Jemontedansmavoiture et fouille dansmon sac, à la recherchedemon téléphone. Je l’attrape etappellel’hôpitaldeVashonIsland,oùj’yaiététransportéeaprèsmonaccidentdevoiture,etséjournédenombreuxmois.
—Allô?
—Bonjour,jesouhaiteparlerauDrParker,s’ilvousplaît?demandé-jeàl’hôtesseaustandard.—Bonjour,uninstant,jevousprie,merépond-elleenmemettantenattente.—Merci…Ellereprendl’appel.—LeDrParkernetravailleplusdansnotrehôpitaldepuisplusdedeuxans,mademoiselle.—Savez-vousoùjepeuxletrouver?A-t-ilpeut-êtredepuisouvertuncabinetprivé?laquestionné-je
àtouthasard.—Êtes-vousdelafamille?—Jesuisunedesesanciennespatientes,madame, lui réponds-jeenpriantqu’elleveuillebienme
renseigner.—Jesuisdésolée,maisnousnesavonspasoùilsetrouve,etmêmesitelétaitlecas,jenepourrais
partagercetteinformationavecvous,déclare-t-elle,embarrassée.—J’avaisbesoindem’entreteniraveclui,dis-jed’untonlas.—Jepeuxpeut-êtrevousaider?ajoute-t-elle,sentantmafrustration.—Jevoudraiavoiraccèsàmondossiermédical,maiscommentfaires’iln’exerceplusdansvotre
hôpital?Jedois absolumentmettre lamaindessus, sansquemesparents l’apprennent.S’ilsn’ontpasvoulu
partagersoncontenuavecmoi,c’estqu’ilyabienuneraison.— Il convient de formuler votre demande par écrit au directeur de l’hôpital.Ou bien, demandez à
votremédecintraitantdeseprocurerunecopie?suggère-t-ellegentiment.—Merciàvous,maisjevaisdevoirmedébrouillerautrement,réponds-jetristementenraccrochant.Jeposema tête contremon siège en fermant un instant les yeux, lassedemebattre pour avoir des
réponses.Mamèrea-t-elleensapossessionmondossiermédicaletdecefait,elleapul’envoyerauDr
Philips?Jesuispresquecertainequ’ellenevoudrapasmerépondre,unenouvellefois.Oùaurait-ellebienpulecacher?
Jeregardelebâtimentoùsetrouvelecabinettoutenrepensantàcettepremièreconsultation.Ilyadeszonesd’ombreautableau,etpourtantjepensaisavoirtouteslesréponsesausujetdemonaccident.J’aidoncperdulecontrôledemonvéhicule,maispourquoi?Etcettesoi-disantvoiturearrivantenfacenem’auraitalorsjamaispercutée?Ensuite,jesuisarrivéeconscienteàl’hôpitalaveccethommequim’agentiment secourue, mais je ne me souviens pas de lui. Tout cela me semble si contradictoire avecl’histoirequem’ontconfiéemesparents,ainsiqueleDrParker…
Soudain,uneidéemetraversel’espritmêmesijeréalisequemonpèrel’apprendratrèsvite.— Je sais où je peux certainement avoir des informations ! m’exclamé-je en faisant démarrer la
voiture.Jedoissaisircettechance!
17h09
Surlaroutequim’amenéeaupostedepolicedeSeattle, j’aieul’étrangeimpressiond’êtresuivie.Mais maintenant que je suis arrivée : je ne vois personne. Je vais finir par devenir dingue etparanoïaquesijecontinuecommeça.
Jesorsdemavoiture,traverselarueetremontel’alléedegravillonsquimèneauposte.Lesportesautomatiques s’ouvrent devant moi. Quelle n’est pas ma surprise lorsque je tombe nez à nez avecWilliam. Il s’approche demoi, unemallette noire sous le bras, tout enm’observant d’unœil suspect.Maisquefait-ilici?
—Melinda?Deuxfoisdanslamêmejournée?metaquine-t-ilenmesouriant,cettefois.—William?dis-jesimplementd’unepetitevoixtimide.—Quefaites-vousici?medemande-t-ilenjetantunregardcirculaireàlarue.—Jedoism’entreteniraveclechefdelapolice,quisetrouveêtrel’amide…monpère.—Puis-jevousaiderenquoiquecesoit?medemande-t-il,inquiet.—Non,merci. Je dois vous laisser à présent.Au revoir,William, réponds-je tout en rejoignant le
comptoird’accueiloùsetrouveunejeunefemmeenuniforme.Je jetteunœil furtifversWilliamquireste là,un instantàmedévisageravantdesedécideràs’en
aller.—Bonjour.Jemetourneversl’officieretluidemande:—Bonjour,jesouhaiteparleraucapitaineWillis.BradleyWillis,confirmé-jecorrectementsonnom.—Quidois-jeannoncer?demande-t-elleendécrochantlecombinédutéléphone.—Melinda?!ditunevoixgrave,justederrièremoi.Jevirevolteetreconnaisl’amidemonpère,lefameuxBradley,chefdelapolicecentraledeSeattle.Il
s’approchedemoi,meserrecontrelui,puisreculeenmetenantàboutdebras.—Mais qu’est-ce qui t’amène jusqu’ici ? Est-ce que tu as des problèmes ?me demande-t-il l’air
soucieux.—Non,toutvabien.J’aisimplementbesoind’unpetitservice…,avoué-jeenbaissantlégèrementles
yeux.Je saisqu’il va s’empresserd’appelermonpère après cela,mais j’aurai aumoins eu accès àmon
dossieretàl’enquêtequiavaitétémenéeaprèsmonaccident.—Jet’écoute…,dit-ilenm’entraînantverslamachineàcafé,oùilyglisseunjetonpourprendreune
boisson.Tuveuxboirequelquechose?mepropose-t-il.—Non, merci. Je souhaite avoir accès à mon dossier, c’est très important pourmoi. Je viens de
reprendre mes séances de psychanalyse et le médecin pense que cela pourrait m’aider, lui dis-je enmentantafinqu’ilpuisseaccéderrapidementàmarequête.
Bradleygrimaceenregardanttoutautourdelui,puisattrapesongobeletdecaféetmerépond:—Félicitations,Melinda.Jenesavaispasquetuavaisrepristesséances?—Oui,depuispeu…—Jevaisvoircequejepeuxfaire.L’enquêteaétéclassée,tulesais?— Oui, mais revoir les photos ou bien les procès-verbaux des différentes personnes pourraient
m’aidergrandement,Bradley.Unhommem’asauvéelaviecesoir-là.J’aimeraisbeaucoupleremercieretpeut-êtrequ’ilpourraitmeparlerdemonaccident?
—Jevois…,commente-t-ilsimplementenmejetantunregardinquisiteur.Ilmeparaîtdifférentdel’imagequejemefaisaisdelui.Jenel’aipasrevudepuislafindel’enquête
etl’hommeausourirechaleureuxn’estpluscequ’ilétait.Àl’époque,lorsqu’ilappritmonaccident, ilvintimmédiatementsurl’îleafindemenerlui-mêmel’enquête,etce,carilestunvieilamidemonpère.
Bradleyposesamainsurmonépauleetmeraccompagnejusqu’àlasortieendisant:—Dèsquej’aidesnouvelles,jet’appelle?—C’estpromis?demandé-jeenm’arrêtantfaceàlui,sanslequitterdesyeux.—Oui,net’inquiètepas,ajoute-t-ilrapidementenm’adressantunclind’œiletdisparaissantderrière
lesportesautomatiquesquiserefermentderrièrelui.—Toi,tumemens…,pensé-jeenfronçantlessourcils.J’attrapemontéléphoneetenvoieuntextopourprévenirEmmaquejelarejoinschezKylan.Puis je traverse larouteafinderegagnermavoiture.Lorsquesoudain, j’entendsdescrissementsde
pneusprovenantdemagauche.Unegrosseberlinenoireauxvitres teintéessedirigedroitsurmoi.Auvolantsetrouveunhommeàmoustacheavecdeslunettesdesoleiletunecasquettesombreavecunlogoblanc.Jerestelà,sansbouger,complètementtétaniséeetparalyséeàdévisagercethomme.Brusquement,jemeretrouveplaquéeausolm’évitantainsidemefairerenverserparcettevoiture,quipassedevantmoi à vive allure. Je hurle de peur en me cachant les yeux et c’est à ce moment-là que je prendsconsciencequ’unhommem’entouredesesbras,pourmeprotéger.Ceparfaitinconnuvientdemesauverlavie.
Je relève doucement la tête vers lui en me plongeant dans ses yeux verts. Ils sont magnifiques etl’affectiondesonregardmetoucheprofondément.C’estunhommed’unecinquantained’années,lestraitstirésetlescheveuxgrisésparletemps.Ilm’inspireimmédiatementconfianceetjenepeuxdétachermesyeuxde son regard chaleureux. Ilm’aide àme relever etm’accompagne jusqu’àmavoiture, où jemeposeuninstantcontreelle,afindemeremettredemesémotions.
—Est-cequetoutvabien?medemande-t-ilenprenantmonvisageencoupe.—Oui,jevaisbien,lerassuré-jed’unevoixfaible.—Vousdevriezfaireplusattentionlorsquevoustraversez.LacirculationsurSeattleàcetteheurede
lajournéeesttrèsdense,meconseille-t-il,inquiet,enjetantunœilfureteuràlarue.—Jenecomprendspascequivientdeseproduire?Onauraitditquecettepersonnefonçaitdroitsur
moi.Leslarmesmemontentauxyeuxetjetentederavalercetteangoissegrandissantequiprendenotage
monventre.—Faitesattentionàvous,mademoiselle,ajoute-t-ilencaressantmajouedesonpouce,commepour
vérifiersijevaisbien.Ilrecule,m’adresseunsignedetête,puistraverselarouteendisparaissantaucoindelarue.Pourquoi ai-je le terrible pressentiment que cet homme au volant me voulait dumal ? Ce qui me
bouleverse,d’autantplus,estquesasilhouettenem’estpasétrangère…
«Lebonheurc’estdecontinueràdésirercequel’onpossède.»
GrégoireDELACOURTSource:Lalistedemesenvies-2012
-17-
ZackHemsey-TheWay
SunriseNight-clubMardi20mai201421h45
Aïden
Dans la limousine qui nous mène au Sunrise, William me paraît tendu. Je n’ose entamer laconversation concernant l’incident qui s’est produit cet après-midi, tant j’en suis encoreprofondémentbouleversé. Donovan nous en a fait un bref résumé au téléphone, et à l’heure actuelle, nous n’avonsaucunepistesérieusesurleconducteur.Toutcequenoussavonsc’estqu’unevoiture,surgissantdenullepart,afoncédroitsurMelinda.Elleauraitpulablessergrièvement,voirepire: latuer.Heureusementqu’ilsetrouvaitlà…
—Siseulement,ilavaitpureleverlaplaqued’immatriculation…,pensé-jeàvoixhauteenvérifiantl’écrandemontéléphone.AucunmessagedeMelinda…Àquoit’attendais-tu?—Maisquefaisait-il là-bas?demandeWilliamensetournantversmoi.N’était-ilpascensérester
danssatanière?Leplann’ajamaisétéqu’ils’approched’aussiprès.Décidément,vousaveztousperdulatête,maparole.
—Il a toutes les raisonsdumondedevouloir également laprotéger.Toutestma faute : jen’auraijamaisdûlarevoir.
—Tuenconnaissaisparfaitementlesrisques,sansparlerdesesséancesdepsychanalysequiviennentmettrelefeuauxpoudres.Certes,c’estlameilleurechosequ’ellepuissefaire,maistusaisaussiqu’elleencourtdesrisquesàserapprocherdelavérité.
—J’enaipleinementconscience,William…Quelquechosedegraves’estproduitdanslebureaudeVictor, ce soir-là. Malheureusement, elle n’aura pas eu le temps de me confier tout ce qu’elle avaitdécouvert,beaucouptropfurieuseaprèsmoi…,dis-jeenbaissantlégèrementlatête.
J’aiétéleroidesconscettenuit-là.— La faute à qui ? Tu imagines ce qu’elle a pu ressentir en apprenant la sinistre vérité que tu
t’acharnaisàluicacher?merappelle-t-ild’untonglacial.Siellesesouvientdecequis’estréellementproduitcettenuit-là,jenedonnepascherdevosvies.
—Oui,maislejeuvientirrémédiablementdechanger…Cettefois,Victorvientd’amorcersonplanmachiavélique.Maiscequejen’arrivetoujourspasàsaisir,c’estlesraisonsquilepoussentàprendrelerisquede…
—… tout perdre ? termine-t-il,ma phrase, en hochant la tête.Tu as raison, je n’avais pas encorerelevécedétailôcombienparadoxal.Victorneveutpasquetul’approchesetnoussavonstouslesdeuxpourquoi.Quelquechosenouséchappe…,ajoute-t-ilenfronçantlessourcils.
—Oui,maisquoi?demandé-jeenledévisageant.—S’il arrivaitmalheur à sa fille, il risquerait de perdre son droit à la présidence et serait alors
soumisauvoteduconseild’administration.Etnoussavonsquidétientunegrandepartiedesactions,àprésent…,déduit-il.
William,perdudanssespensées,poselamainsursonmentontoutencontinuantderéfléchir.—Non,toutcelan’aaucunsens…,ajoute-t-il,perplexe.Jetentederemettredel’ordredansmesidées,maistoutesnossuppositionsnemènentnullepart.Et
si…?Ehmerde,non?!—Tupensesque l’incidentdecetaprès-midin’estpas l’œuvredeVictor,n’est-cepas?Réponds-
moi,William!demandé-je,effrayé.—Jepensequequelqu’und’autreenveutàMelinda,maisqui?Etsurtout,pourquoi?lâche-t-ilenme
fixantdesonregardscrutateur.—Quipourraitbienluivouloirdumal…?Sicen’est…!?—Lataupe!s’exclame-t-ild’untonglacialremplidesentences.Ilhochelatêtepouraccentuersesdiresquiserévèlenttoutsaufabsurdes,cettefois.—Putain!m’écrié-jedansunfrissond’effroietdepanique.Jepasselamainsurmonvisageententantderetrouvermoncalme,maiscettepeurquimeterrorise
n’enfinitpasdemeterrasser.MonDieu,maisquedois-jefaire?— J’ai bien peur qu’un nouveau pion vienne s’ajouter à l’équation et a priori, il a déjà un train
d’avancesurnous,conclutWilliamensecouantnerveusementlatête.—Nousdevonsabsolumentdécouvrirquiestlataupeavantqu’ellenemettelamainsurmafemme.
CeconnarddeVictoretmoiavonsdoncunennemiencommun…—L’affairesecomplique…Sinousn’allonspasauboutdenotreplan,nousn’auronsjamaisassezde
preuvespourlefairetomberetl’inculper,s’inquièteWilliamenjetantunregardaffoléàBen,lequeln’apasditunmotdepuisnotredépartdupenthouse.
Maispourquoisonsilencemeparaît-il,toutàcoup,suspicieuxetterriblementpréoccupant?—Ilnouslesfauttoutes…,s’immisceBenenfindanslaconversation.Noussavonsqu’ilestderrière
l’accidentdesKyle.Noussavonsaussiqu’ildétournedesfondsetqu’ilprépareungroscoupavecunCubain du cartel de la drogue, appelé Ramirez. Mais n’oublions pas son dernier coup de poker ennommantMelindacommevice-présidenteafindeseprotéger.S’iltombe,elletomberaaussi,accuséedecomplicitéetdeblanchimentd’argent.
—Ce rendez-vous avec ceRamirez est primordial. Nous pourrions enfin le coincer, ainsi que cetrafiquantd’armes,etlesenvoyertoutdroitenprison,confirmeWilliamentapantdupoingdanssamain.
—M.Collinsaraison.Sanspreuvesirréfutables,notredossierainsiquetousnosenregistrementsnesontpasrecevablesdevantuntribunal,nousrappelle-t-ilennousramenantàlaterribleréalité.
—Nousdevonslaprotéger!dis-je,horsdemoi,enserrantlespoings.— Tu ne peux pas être partout, Aïden. Et Donovan ne peut intervenir comme il le souhaite, sans
qu’ellenesoitaucourant.Àmoinsdeluiavouertoutelavérité,jenevoiscommenttupeuxassurersasécurité24heuressur24,mefaitremarquerWilliam.
—Jem’interdisdecommettrelamêmeerreur…Cette journée a été des plus éprouvantes. Entrema prise de bec avec Emma et celle deMelinda,
j’avaisdéjàlatêtesensdessusdessousenfindematinée.Sansparlerdecetteentrevuechaotiqueavecmavice-présidentequi commenceà sévèrementmegonfler. Je suisperduet j’ai l’impressionque toutm’échappe. LeDr Philips m’a paru confiant concernant la guérison deMelinda.Mais également trèscourageuse, et surtout déterminée à aller au bout de ses séances afin de recouvrer la mémoire. Il acommencéàentrerdanslesdétailsdesonaccidentetcelam’aprofondémentbouleversé.Mêmesicettenuit-làrestepourmoiunedespiresdemavie,jesaisaussiquenousdevronsluiavouerlavéritétôtoutard.
22h15
NousarrivonsenfindevantleSunrise.Bensegareunpeuplusloinafindenepasattirerl’attentionsurnous.Notreconversationdanslavoiturem’alaisséungoûtameretjen’aiplusaucuneenviedemenoyerdans le brouhaha d’un night-club. William me fait signe d’ouvrir la portière, connaissant déjà mamauvaisehumeurlégendaire.
—Allez,descends!m’ordonne-t-ilenmepoussantgentimentverscelle-ci.Noussortonsetjeremarquele4x4deDonovangarédel’autrecôtédelarue.Ilnousrejointaussitôt
ensoufflantdesinformationsdanssonoreillette.—Quefaites-vousici?demandé-je,surprisdelevoirdevantleSunrise.—VotrefemmeetEmmasontentréesici,ilyaquelquesminutes,répond-ilenmemontrantd’unsigne
detêtelenight-club,oùl’enseignelumineuseéclairel’entréebondéedemonde.
—Vousvoulezdirequ’ellessetrouventdanscebar?—Oui,M.Kyle.C’estexactementceque jeviensdevousdire,meconfirmeDonovanenbaissant
légèrementlatête.J’observeWilliamquifaitminedenepascomprendre.—Laisse-moideviner ?Tuétais aucourant, n’est-cepas ?Etpourquoinem’a-t-onpasprévenu?
demandé-jed’unevoixcourroucéeendévisageantDonovan.—Désolé,M.Kyle.Jeviensàpeined’arriveretnousallionsfaireunpointsurlasituationavantde
vousappeler,sedéfend-ilenjetantunregardinquietàBen.—Ettoi?Jenepréfèremêmepastedemandercommenttulesais?Jepensaisquetuavaismisun
termeàtoutça?continué-jeàquestionnerWilliamenl’attrapantparlebrasafinqu’ilmeréponde.— L’amour et le sexe sont un cocktail explosif, mec, balance-t-il de but en blanc en haussant les
épaules.—L’amour?Maisdepuisquandtu…Jerelâchececrétinavantquejeneluicolleànouveaumonpoingenpleinegueule.Cettehistoireentre
euxnemeplaîtpasdutout…Jeconnaissonpointfaible,etilnerimeabsolumentpasavecl’amour,oùjenesaisquelautresentimentquil’anime.Emman’estpasenrestenonplus,séductricecompulsive,unvraiaimantàmecscettenana.Maisjeneveuxpasqu’ellesouffre,etjenevaiscertainementpaslaissercetabrutiluibriserlecœur.
—L’enfoiré!pesteBenenmefaisantreculerdosàlavoiture.Regardez,Messieurs!ordonne-t-ilenfaisantunsignedetêteversl’entréeduSunrise.
Unhommeencostumesombresortd’un4x4noirenjetantunregardcirculaireàlarue.Troishommesl’entourent et l’accompagnent jusqu’au videur qui se tient à l’entrée du club. Il s’entretient quelquessecondesavecl’und’eux,puisleslaisseentrer.
—Quiest-ce?—C’estMiller,merépondWilliamensepassantlesmainsdanslescheveux.—Miller?LeKevinMiller?demandé-jeconfirmationtantlarageboutdéjàdansmesveines.—Ouais,celui-làmême,Aïden,attesteWilliamencroisantleregardnoirdemonchefdelasécurité.—Allons-y,messieurs!tonneBenférocementensedirigeantversl’entréeduclub.
22h27
Nousentronstouslesquatredanslenight-club.Donovanrejointlebar,quisetrouvesurnotregauche,etnousremarquonsimmédiatementKevinMilleraccoudéaucomptoir,unebièreà lamain.Sonregardcontemplatifestrivésurlapistededanse,unsouriremalicieuxauxlèvres.Jetentededécouvrircequisuscitesonattention,etàmongranddésarroi,ils’agitdeMelindaetEmmaquidansentavecfrénésie.
— Je vais me le faire ! craché-je en m’avançant, mais Ben pose sa main sur mon torse pour
m’interdiredepasser.— Donovan ? Ne le quitte pas des yeux, je me charge de la sécurité de M. Kyle et de ces…
demoiselles,souffle-t-ildanssonoreilletteenguettantlesfillessurlapiste.Melinda, cette jeune femme innocente que j’ai rencontrée il y a des années, a laissé place à une
créature dangereuse et terriblement provocante. Elle porte une robe bustier couleur or qui lui tombescandaleusement sous les fesses. Puis ses escarpins, aux talons démesurés, lui confèrent une alluresensuelle et délicieusement alléchante. Putain ! La décharge électrique qui vient de gagner monentrejambevamerendrecinglé!
Emma, elle, continue de sauter sur place en balançant les bras d’avant en arrière, au rythme de lamusique.Lorsquesoudain,unhommes’approched’elleenglissantsamainautourdesanuque,lefrontposé contre le sien.Elle se colle immédiatement à lui en se déhanchant lascivement contre son corpsd’athlète.Àcombiendeverresd’alcoolensont-elles,là?—L’enfoiré!ditWilliam,fouderage,ensemordantlepoing.—Calme-toi,ellenefaitquedanseravecce…mec,commenté-jeenréprimantunsouriremaladroit.Emmasetournedosàl’hommeetbalancesensuellementsesfessesd’avantenarrièrecontrecelui-ci,
lequelglissedéjàsamainsursonventrenuenremontantverssapoitrine.—J’aimeraistevoirlorsquemonsieur«l’investisseur»rejoindratadulcinéesurlapistededanse.
Onenreparlera,OK.?déclare-t-ilenallantverslecomptoirlumineuxpourcommanderàboire.Quelquechosemeditquelasoiréevaêtrefortementmouvementée…
«Lesouvenirseremetàvivrequandonluirendsaliberté.»
DidierVANCAUWELAERTSource:Lejournalintimed’unarbre-2011
-18-
DavidGuetta-WhenLoveTakesOver
SunriseNight-clubMardi20mai2014
Melinda
—J’adorecettechanson!—Moiaussietsurtoutlebeaubrunquidanseàmescôtés,ditEmmaquicontinuedesefrottercontre
lui.Je lève lesbrasen l’airensautant surplaceau rythmede lamusique.Lesparolesnem’ont jamais
sembléaussivraiesquecesoir.SiAïdenétaitlà,jeluiferaisavalerchaquemotpourqu’ilss’imprimentdanssatête.Nousétionsàdeuxdoigtsd’êtreheureuxetlevoilàquis’emmureànouveaudanssatourdeverre,refusantderépondreàmesquestions.
—Qu’ilailleaudiable!—Qu’est-cequetudis?medemandeEmmaensepenchantversmoi.—Jedisaisqu’ilailleaudiable!—Quiça?!Jelèvelesyeuxauciel.—Monex-patrontoutàfaitdétestable!—Ah!Legrandbrunaucorpssculptédanslapierre?Ouais,unvraiappelausexe,cemec!Non,
maistuasraisondel’éviter!semoque-t-elledemoienéclatantderire.—Iln’estpasleseulmecàlasurfacedelaTerre!luifais-jeremarquer.—Ouais,jesaisbien…Maisc’estleseulquihantetespensées,hein?Nemedispasquetunelui
sauterais pas au cou, s’il apparaissait comme parmagie au bar, là-bas par exemple ? dit-elle enmefaisantsignederegarderderrièremoi.
Jemetourneetcroiseleregardséducteurd’Aïden.—Oh,putain!Tucroisqu’ilmesuit?demandé-jeenlevantlamainpourlesaluer,lequelmesourit
enbuvantd’untraitsonverre.—Aucuneidée.Maisentoutcas,situlevoulais,tuauraisdroitàunenuitdebaiseintense,éclate-t-
ellederire.—Tues irrécupérable!Jamaisde lavie jenecoucheraiànouveauavecce…tasdemuscleset…
beaucommeundieu,avoué-jeenmemordillantlalèvre.Je reste là, à le dévorer demes yeux gourmands. Je suis loin d’être discrète, au vu de son regard
brûlant qui glisse à présent, sensuellement sur mon corps en fusion. Putain ! Je suis foutue ! J’aivéritablementcemecdanslapeau!Aïdenporteuntee-shirtblancquimoulesontorseviril,sansparlerdecepantalonsombrequiluicollescandaleusementaucul.Ahbravo,mevoilààfantasmer,unenouvellefoissurlui.Merciàl’alcool!
—Bonsoir,Melinda!Jemetourneaussitôtverscettevoixquejereconnais.—Kevin?Maisquefaites-vousici?luidemandé-je.—Jesuisvenuprendreunverre,puisjevousaiaperçusurlapiste,merépond-ilencommençantà
danser.Etvous?Unesortieentrecopines?ajoute-t-ilensouriantàEmmaquicontinueàsefrottersansvergogneàsanouvelleproie.
—Oui,j’enavaisgrandementbesoin,dis-jetimidementenguettantducoindel’œilAïdenquinousobserved’unairsuspicieux.Melindanefaitça!Netombepasdanscepiègestupide!Je danse avec plus de sensualité enm’avançant versKevin qui se colle àmoi. Je passemes bras
autourdesoncouenmedéhanchantcontresoncorps.—Vousêtesmagnifique,Melinda.Votrebeautéembellitcetterobequevousportezàravir,cesoir,me
complimente-t-ilenposantsesmainssurmataille.Aïdennetientplusenplaceetcommandeencoreàboireauserveur.Puisilposeunregardférocesur
nous,mêléàdelajalousie.Jejureraivoircettemêmeflammebrûlantequijaillissaitdesesyeuxcettenuit-làsurlaplage.Toutàcoup,unejeunefemmebrunes’approchedeluietposesamainsursontorse.Elleluisoufflequelquechoseàl’oreilleetAïdenéclatederireenglissantsamainsursanuquetoutenmeguettantduregard.
—Non,mais,c’estquicettepoufiasse?!demandeEmmaennousrejoignant.—Quiça?dis-jed’unairdésintéressé.—Cettepétasselà-basquisecolleàAïden?!Nemedispasquetunel’aspasvu?dit-elleenla
montrantdiscrètementd’unsignedetête.—Ahtiens?Jenel’avaismêmepasremarqué.—Unplanculpeut-être,vasavoir?répond-elleenhaussantlesépaules.Quipartàlachasseperdsa
place!balance-t-elleenmedécochantunclind’œiltaquin.—Trèsdrôle,MlleScott!Ilveuts’amuser?Ehbienquelapartiecommence!
KevindévisageEmma,puisAïdenenfronçantlessourcils.—C’estlui,n’est-cepas?medemande-t-ilencontinuantdel’observer.—Oui,c’estAïdenKyle,confirmé-jeenmeserrantencoreunpeuplus.Kevinnichesatêteaucreuxdemoncouenhumantmonodeur,cequimeprovoqueunfrisson.—Vousêtessibelle,siattirante,Melinda.Ilmedéposeunchemindebaisersducreuxde l’oreille jusqu’àmeslèvresqu’il frôledélicatement
dessiennes.—Non,Kevin.Cen’estvraimentpasunebonneidée,dis-jeensecouantnerveusementlatête.—Parcequ’ilsetrouveici?Sansmelaisserletempsdeluirépondre,ilsepencheversmoietm’embrasseàpleineboucheenme
serrantcontresoncorps,oùsonmembretendupressedurementmonbas-ventre.Oh,monDieu!J’ailatêtequitourneavectoutl’alcoolquej’aiavalé.Cebaiserréveilleenmoiune
envieirrépressibledemeperdreaveclui.Jesaisquec’estpurementphysiqueetquemoncorpstraîtreveutuniquementrépondreàunbesoinsexuel.
Brusquement,desmainsvirilesm’arrachentàsesbrasetmeretournentenmetenantparlesépaules.Ehmerde!Jememordilleleslèvres,terriblementembarrassée,maisaussitrèsamusée.Aïdenmefixedeson regard ahuri, extrêmement choqué et sans dire unmot. Puis il nous dévisage tour à tour, les yeuxassombrispar lacolère.Àquelmomentva-t-ilexploser?Àvouloir joueravec le feu,mevoilààmeconsumersurplace.
Aïdenmerelâcheets’avancedangereusementversKevinenluidisant:—Jen’aiaucuneconfianceenvous,etvotrepetitjeunemèneraàrien!—Dequelpetit jeuparlez-vous?Lemien,oubien levôtre,M.Kyle? lui répond-ilens’avançant
aussiverslui.Ils se fusillent du regard, les poings serrés, en se tenant l’un en face de l’autre. Emmame rejoint
rapidement,suiviedeWilliamquim’al’airégalementsurlesnerfs.—Vousnesavezmêmepasoùvousmettezlespieds,M.Miller.Sivousl’approchezencoreunefois,
jevousfaisravalervotresourirearrogant!leprévient-ilférocement.—Elleestassezgrandepourdécideravecquielleveutrentrer,cesoir,dit-ilenhaussantunsourcil
fulminant.Ohnonnonnon!—Écoutez-moibien,espèced’enfoiré?!lanceAïdend’unevoiximpitoyabletoutenl’attrapantparle
coldesachemise.Jenevouslediraipasdeuxfois,éloignez-vousd’elle!—Sinon?Vousmeréserverezlemêmesortqu’àsonpère?—Peut-êtrebien,voirepire…Jemetâteencore…Maismavengeanceseralongueetdouloureuse.Illerelâcheetreplacesoigneusementsachemiseenluitapotantdoucementlajoue.—Bravo,petit,ajouteAïdenensemoquantdelui.
Kevinréajustesachemiseetmeregardeétrangementenfronçantlessourcils.—Jenevaismêmepasmesalirlesmainsavecvous,M.Kyle.Laviolencen’ajamaisétélameilleure
façonderéglerundifférend.Jevaismettrevotre…pertedecontrôlesurlecomptedelafatigueoubiendelajalousie?
—Croyezbienquesij’avaisréellementperdulecontrôle,vousneseriezdéjàpluslàpourenparler!luiassène-t-ild’unevoixdédaigneuse,cequimefaitsortirdemesgonds.
—Tun’esqu’unconnardarrogant!Ilsetourneimmédiatementversmoienmepointantdudoigt:—Toi,turentresavecmoi!—Certainementpas!Jenet’appartienspas!refusé-jeencroisantlesbrasettournantlégèrementla
tête.—Jeneteledemanderaipasdeuxfois!Tun’esqu’unepetiteemmerdeuse!—Ettoiqu’unsalopard!D’unseulmouvement,ilmesoulèveetmeportesursonépaule.—Reposezlàimmédiatement!luiordonnesévèrementKevin.—Elleestàmoi!Àmoi!dit-ilenlepoussantd’unemain.—Laisse-moidescendre!Tun’aspasledroitdem’emmenerdeforce!—Ehbien,ça,c’estquetucrois,monange!J’enaitouslesdroits!Turentresavecmoi,quecelate
plaiseounon!braille-t-ildevantleregardamusédesgenssurlapiste.—Jetedéteste!—Etmoidonc!Jelefrappesurledosententantdem’extirperdesesbras,maisenvain.—Maistuvasmereposeràlafin!—Ladernière foisque je t’aiportée, tune t’enespasplein, lâche-t-ild’unevoixpleinede sous-
entendus,englissantsesmainssousmarobe.—Tun’esqu’ungoujat!Toutlemondeéclatederireetjecacheimmédiatementmonvisageentremesmains,tantlahonteva
finirparmetuer.Aïdensefrayeuncheminàtravers lafouleetsortenfindececlubmaudit,oùjen’yremettraicertainementplusjamaislespieds.Jerelèvelatêteententantderemettredel’ordredansmescheveux et remarqueBen qui ouvre la portière arrière de la limousine. Il pleut des cordes et je vaisarrivertrempéeàlavoiture.
—Ben!Dieusoitloué.Enfinunhommesensé…Dites-luiqu’iln’apasledroitdem’enleveretdem’emmenercommebonluisemble!
Benluisouritenhaussantlesépaules,puismerépond:—Jesuisdésolé,MlleEvans,maisjen’aipasreçul’ordred’intervenir.—Comment?!
—Biententé,monange,ditAïdenquimeposeenfinsurlesol.Ilmeserrecontreluienentourantmatailledesesbraspuissants.— Je te laisse un quart d’heure avant deme supplier de te garder avecmoi, cette nuit, dit-il avec
arroganceenfrôlantseslèvresauxmiennes,sanspourautantm’embrasser.Jetentedemedégagerdesesbras,maisilresserreencoresonétreinteimpitoyable.—Allez,dixminutes,toutauplus,surenchérit-ilenriant.—Ohtoi,jetedéteste!Jamais!Tuentends?!Ilmerelâcheetm’obligeàmonterdanslavoiture.Jem’assoisleplusloinpossibleetessayed’ouvrir
laportière.Benprendplaceauvolantetsetourneversmoi:—Lesportièresarrièresontcondamnées,sécuritéenfantoblige,MlleEvans.Jesoufflebruyammentencroisantlesbras,pourmarquermonmécontentement.Aïdens’installeàmes
côtés en me guettant de son regard brûlant que je sens déjà glisser sur ma peau mouillée. Je doisressembleràrienaveccetteaversequim’esttombéedessus…
—Allons-y,Ben.—Forever?—Oui…Jedoisreprendrelà,oùtouts’estarrêtésamedidernier.—Certainementpas!râlé-jedeplusbelle.—C’estcequel’onverra,dit-ilenvérifiantl’heureàsamontre.Encorehuitminutesavantquetune
mesuppliesderesteravecmoi,cettenuit.J’ouvrelabouchedansun«O»parfaittantilmesidèreavecsonegosurdimensionné.—Fermezlabouchetrèschère,c’estdangereuxfaceunhommetelquemoi.Jesecouenerveusementlatêtepourrefusersapropositionindécente.Ils’approchedemoietjerecule
immédiatement,dosàlaportière.Horsdequestiondecéderàlatentation!—Oùcomptes-tualler,commeça?medemande-t-il,amuséenhaussantunsourcilarrogant.—Loindetoncorps…detoi!merattrapé-jemaladroitement,enlereluquantavecgourmandise,bien
malgrémoi.Ilposesamainsurmongenouenremontanttoutdoucementversl’intérieurdemescuisses,maisjele
repousseaussitôtenserrantlesjambes.— Tu en meurs d’envie… Je sens d’ici les effluves de ton désir envahir ton ventre face à cette
obsessionnelletentationquejefaisnaîtreentoi.Jememordillelalèvrenerveusement,déjàprochedupointderupture.Non,necraquepas!—Non…,réponds-jesansgrandeconviction,cequiluiarracheunsouriredesatisfaction.Ilguettesamontreenlevantunsourcilétonnéversmoienhochantlatête.—Quoi?demandé-je,sentantdéjàlaconneriemonumentaledontilvafairepreuve.—Dansquelquessecondes,tumesupplierasderesteravecmoi.LatensionnerveuseaccumuléedepuisnotredépartduSunriseetlacolère,mesortentdemesgonds.
Jelèvelamainpourlegifler,maisill’attrapeaussitôtenlaposantcontrelavitre,oùlapluiecontinuedetomber.
—Tonvisagehantechacunedemesnuits.Plusjamais,mavieneseralamêmesanstoi.Nemerésistepas,Melinda!
Sesyeuxs’assombrissentetsonsoufflechaudquicourtsurmapeau,m’embrasentinstantanément.Jenepeuxluirésisterpluslongtemps…Ilmemanqueterriblement…Etj’aiuneenviefolledecéderàlatentationetdepasserlanuitaveclui.
—Supplie-moi,m’ordonne-t-il en collant son front aumien.Dis-moi combien je temanque, avouecombientutemeursloindemoi.Putain,Melinda!Hurle-moicombientum’aimesencore!
—D’accord,d’accord!Jet’aime!Voilà,tuescontent!?Toutàcoup,ilécraseseslèvressurlesmiennesenglissantsalangueàtraversellesetm’embrasse,
sansmelaisserletempsdereprendremonsouffle.Levoilà,unenouvellefoisemportéparsesdémons…Jefrissonnedeplaisirentremblantcommeunefeuille.Lemanquequejeressensdepuisdesjoursestenfincombléparsesbrasquientourentfermementmataille.Audacieuse,jem’assoisàcalifourchonsurluienmelaissantalleràcettevaguedéferlantequivientunenouvellefoisdes’abattresurmavie.
«Combiendegenssevoientaccorderunetellechance,dis-moi?Lachancequel’élu
deleurcœurretombeéternellementamoureuxd’eux?»
NicholasSPARKSSource:Commeavant-2006
-19-
TinaArena-ShowMeHeaven
ForeverMardi20mai201423h35
Aïden
Ben nous dépose devant Forever et part garer la voiture dans le garage.Main dans lamain, noustraversons l’allée sous une pluie battante. Celame rappelle tant cette nuit-là, où nous sortions de cerestaurantenriantauxéclatscommedeuxadolescentsinsouciants.Toutàcoup,Melindas’arrêtenetentirantsurmamainpourmeramenerverselle.Elles’approchedemoiennoyantsesyeuxauxcouleursdel’océandanslesmiens.
—Dépêche-toi,nousallonsêtretrempés!luidis-jeenluifaisantsigned’avancer.Ellesecouedoucementlatêteens’avançantversmoi,commecaptivéeparcequ’ellevoitenmoi.—Quesepasse-t-il,Melinda?demandé-jeenlaprenantdansmesbras.Sarobetrempéecontremoncorpsbrûlantn’apaiseenrienl’envieenivrantequimesubmergedepuis
notredépartduSunrise.Ellerenverselatêteenarrièrepournoyersonvisagesouslapluiequiredoubledeforce,puislarelèveenrivantsonregardhypnotiqueaumientoutenentrouvrantlégèrementlabouche.
—Quesepasse-t-il?Jesensbienqu’elleveutmedirequelquechose.—Aïden…Chaque fois que je suis avec toi, j’ai l’impression qu’une force là, au creux de mon
ventre,m’enchaîneirrémédiablementàtoi.J’agrippesanuqueentremesmainsetlasondeduregardafindesaisircequisetramedanssatête.—Allez,viens.Rentronsàlamaison,luidis-jeenposantmonfrontcontrelesien,sanslaquitterdes
yeux.Unemontéedelarmesmesubmerge,sansqu’aucunenecoule.J’ailagorgenouéeetjesuisbouleversé
parcequejevoisnaîtreaufonddesonregardscrutateur.L’espoirquiéclotautréfondsdemonêtreest-ilunsimplemirageoubienMelindase rapprocherait-ellede lavérité? Jeprendsconscienceau fildesjoursquipassent,quejesuiscertainementlaréponseàtoutessesprières,stimulantsamémoireafindelaramenerversmoi,chezelle…
—Non,restonsencoreunpeuici,souslapluie,dit-elle.Jefaisminedenepascomprendresonentêtementàrestersousl’aversetorrentiellequinoustombe
dessus,n’osanttroublercemomentquin’appartientqu’àelle.Monangecreuseaufonddetoi,maisparpitié,reviens-moi…— C’était une nuit où il pleuvait comme aujourd’hui…, commence-t-elle en plongeant ses yeux
troublantsdanslesmiens.Jecouraissouslapluieentenantlamaindecethomme,commecesoiret…—Et?demandé-jeprécipitammentenglissantmesdoigtsdanssescheveux.Jesuisauborddel’explosion,etsiellecontinueàsesouvenirdecemomenttorride,jenedonnepas
cherdecettepetiterobescandaleusequ’elleporte.—J’entendsdeséclatsderire…Jepourraispresquesentirsachaleuréveilléechacundemessens
et…seslèvresseposeravecdélicatessesurlesmiennes…Moncœurmanqueunbattementlorsquel’imagelimpidedecettesoiréemerevientenmémoirecomme
si nousy étions.Dieuque cette nuit-là futmagique, torride, et unedesplusbelles denotrevie.Nousétionssiheureux…
—Aïden?—Pardon, j’étaisperdudansmespensées,réponds-jeencroisantsonregardintensequis’ancreau
mien.—Jesuisdésoléedeteconfiercela,étantdonnéquejel’aipartagéavecunautre,dit-elle,unsourire
auxlèvres.—Pasdu tout,non! Ilest importantque tu recouvres lamémoire !m’exclamé-je,paniquéà l’idée
qu’elleabandonne.—Tiens,j’auraiimaginéquetuseraisblessé,voirejaloux,ajoute-t-elleententantdedevinerceque
jeressens.Oùveut-elleenvenir?—Non,je…—Queressens-tu?—Jedoisaccepterquetupuissesavoirunpasséetque…—Que j’enaiaiméunautre?Follement?Passionnément?Jesensencoresachaleurenvahirmon
corpsetsapeaucaresserlamienne.Hummm…,gémit-ellesensuellementenapprochantseslèvres.Jenevaispastenir!Maisàquoijoue-t-elleàlafin?!—Sesmainsglissaientsurmapeauluisantedesueur,etremontaientlelongdemondosendessinant
des petites arabesques. Je le sens encore agrippermes cheveux comme tu le fais, à cet instant, et sa
langueparcourirmoncorps...—Stop!Jelasoulèveetelleentoureimmédiatementsesjambesautourdemataille.—Tun’auraisjamaisdûjoueràcepetitjeu-là,avecmoi!—Ahoui?Etpourquoiça?Est-cequemessouvenirsteseraientfamiliers?—Quoi?Ellevientdem’assenerlecoupdegrâceetmevoilà,commeunconàladévisagersanssavoirquoi
répondre.Ohputain!Confus,j’écrasemeslèvressurlessiennesafindelafairetaireetgagnerquelquesminutesderépit.Elleresserresoncorpstrempécontrelemien,quineluirésisterapaslongtemps.
Je rejoins l’entrée de Forever et ouvre précipitamment la porte en la refermant avec le pied. Jel’adosse contre la porte en continuant à l’embrasser tout en glissant mes mains sous sa robe, que jeretroussejusqu’àsataille.Sonsoufflechaudquiémanedesabouchemeprovoqueuneondedévastatricedanstoutmoncorps.J’aiuneenvieirrépressibledemeglisserenelleetd’entermineravectoutecettemerde.Dieuquej’aibesoind’êtreavecelle!
Ellereculesatêteenlapenchantlégèrement.—Fais-moi l’amour ! Je veuxme perdre dans tes bras, cette nuit, susurre-t-elle en caressantmon
visagedureversdelamain.—J’aitellementenviedetoi,maisdemain?—Quoidemain?demande-t-elle.— Demain, nos soucis seront toujours là et tu reviendras à la charge avec toutes ces questions
auxquellesjenepeuxrépondre…,luiavoué-je,désespéré.—Oui,jesais…Promettons-nousunechose,tuveux?Aucunequestion,cettenuit.C’est,d’accord?—Jenesuispascertainquetupuissestenircegenredepromesse,dis-jeenriant.—Jevaistenter…dem’ytenir.Seulementparfois,tuessifroid,simystérieuxsurtonpassé,quecela
mefaitpeur.Etpuisilyacetteautrefemme,celledonttuasétéamoureux…,meconfie-t-elle,leslarmesauxyeux.
C’est la première fois que je ne vois pas de tristesse au fond de ses yeux, mais plutôt une viveémotion…Ellemeparledecetteautrefemme,commesi…Non,c’estimpossible!Jesèchedélicatementseslarmesduboutdesdoigtsetluiréponds:
—Jenesuispasparfait,Melinda.Maisilyaunechosedontjesuiscertain,aujourd’hui.—Quoidonc?souffle-t-elleenplongeantsonregardémudanslemien.—C’estquejet’aime,toi,etdetoutmonêtre.Pasmêmetoutecettemerdequinousentourenepourra
jamaisbriserl’amourquej’éprouvepourtoi.—Etj’enaipleinementconscience…Maisjesaisaussiquelorsquelesoleilselèverademain,nous
devronsnousséparer…Toutserapareil, rienn’aurachangé,Aïden.Tuvoudrasdétruiremafamille,etmoi,jeferaitoutpourt’enempêcher.
—Ton père,Melinda, et non ta famille, corrigé-je. Ce soir, je veuxme nourrir de toi, de chaquecentimètrecarrédetapeaudélicateetsucrée.Tefairemiennejusqu’àcequel’aubes’éveillepetitàpetitsurtapeau.
J’écrasemeslèvressurlessiennesetl’enviequiéclotaucreuxdemonventrenemepermetpasdegarder lecontrôlesurmesémotions.Jemelaisseallerauplaisircharneldesoncorpsenglissantmesdoigts jusqu’à la dentelle de ce bout de tissu, qui couvre encore son intimité.D’un geste franc, je luidéchireetlajettesurlesol.
—Aïden!lance-t-elle,surprise,enriant.C’étaitunedemespréférées!—Ahoui?Ettucomptaisporterceboutdetissu,cesoir,quiestunvéritableappelauviol,alorsque
jen’étaismêmepascenséêtrelà?—Maistuétaislà,monamour…,glousse-t-elleenfrottantsonnezaumienpourm’amadouer.— Et tu risques de me sentir encore, dis-je en baissant la braguette de mon pantalon. Plus
profondément,ajouté-jeenlibérantmonmembredurementdresséquicaresseàprésentsapeauhumide.Melinda écarte un peu plus ses jambes autour de ma taille afin de se frotter à lui. J’empoigne
fermementmonsexeetl’approchedesonuniversquimesembleprêtàmerecevoir.—Jevaistefairel’amourcommeunmalade...—Jenecomptepasterésister.Elle renverse la tête en arrière en poussant un gémissement de satisfaction lorsque je la pénètre
sèchement jusqu’à la garde. Je la serre contremoi en lui offrant des vas et viens langoureux tout enl’embrassantdanslecreuxdel’oreille.
Melindaglissesesmainslelongdemonventreetattrapemontee-shirtqu’ellesoulèvesauvagementenlebalançantpar-dessusmonépaule.
—Jeveuxsentirtontorsecontremapoitrine,dit-elleencaressantmontorse.—Nousnesommespasquitteslà,luifais-jeremarquerenregardantsarobe.—Qu’attends-tupourmeladéchirerégalement?—Jepréfèredeloinresterentoi...Dieuquetuestrempée,Melinda.—Encoretonegosurdimensionné?!Jehausseunsourciltaquinetluirépondsenappuyantplusfort:—Ettoi,tuasvul’effetquetumefais.Jesuisàdeuxdoigtsdemedéverserentoi…Jamais,tune
m’asautantfaitbanderquecesoir.Elle déglutit avec difficulté, puis se lèche les lèvres d’une façon si érotique que mon sexe réagit
instantanémentenluioffrantuncoupdereins,quiluiarracheungémissementdeplaisir.—J’aiuneenviefolledejoueravectoncorps,jusqu’àcequetunepuissesplusmarcher.—Tuenesbiencertain?Ladernièrefoisquetum’aspromisunetellechose…—Netentepaslediable!grogné-jeférocementenlamaintenantplusfermementparlataille.—Plusfort,Aïden!m’ordonne-t-elleenmeserrantcontreelle.
—Viens,montonsàl’étage?luiproposé-je.Elleacquiescetimidementetjelaportejusqu’ànotrechambre,sansquittercecorpshumideetchaud
danslequelj’aidécidédemeréfugier.Ellefroncelessourcils,étonnée,puisunsourirenaîtauborddeseslèvres,commesiellecomprenaitquec’estbienaufondducouloirquejel’emmène.
—Pourquoi?Dis-moipourquoi,Aïden?—Parcequejenevoispasunautreendroitoùpasserlanuitaucreuxdetesbras,monange.—J’aibesoindesavoir…Jesecouelatêtepourrefuserdeluirépondre,etposeunbaiserchastesurseslèvrestoutenouvrantla
porte.—Aucunequestion…,luirappelé-jeenluisouriant.Ellem’embrasse,puismerépond:—Aucune…Jequittesoncorpsbrûlantenlaposantsurlesoletluidis:—Jereviens,nebougepas.Elleacquiesceenmesourianttendrement.Jeprendsquelquessecondespourallumerquelquesbougiesafinderendrel’ambianceplusfeutréeet
plus romantique. J’adore contempler son corps sous la lueur de celles-ci. Elles forment des jeux delumièremagnifiquessursapeau,cequinefaitqu’attisermonenvieardente.J’allumelatoutedernièresurlacommode,puislarejoinsetl’entraîneverslelit.Elleseretournedosàmoietpassesescheveuxpar-dessussonépauleentournantlégèrementsonvisageversmoi,commepourm’inviteràluiretirersarobe.
—J’ai tellementenviedesentir toncorpsnucontre lemien, lui soufflé-jeenmepenchantpour luimordillerlelobe.
Elle frissonne sous la tendresse de ma langue délicate qui glisse jusqu’au creux de son cou. Jedescendslentementlezipdesarobe,laquelletombeaussitôtàsespieds.Melindasetournealorsversmoi,etmesyeuxnepeuvents’empêcherde lacontempleravecvénération…Cette femmeest toutemavie.
—Chaque foisque jemeplongedans tesyeux, j’ai la sensationvertigineusedemenoyerdansunocéandemilleetunemerveilles,luisusurré-jeenprenantsonvisageencoupe.
—Etmoij’yvoisunavenir,certes,ilresteencoreincertain,mais…,commence-t-elleenfronçantlessourcils,cherchantencoresesmotspourdécrirecequ’elleressent.Uneforcequejen’expliquepasmepousseàchaquefoisàgarderespoir,àlutterpournous.
Jemepencheverselleetembrasseseslèvresourléesquis’entrouvrentdéjà.Malanguesefrayeuncheminà l’intérieuroù la siennevient s’accorderà laperfectionavec lamienne. J’agrippeaussitôt sanuqueafind’intensifiernotrebaiser.Puismamaindescendlelongdesoncou,etsursapoitrineoùjem’yattardepourjoueravecsontétondouloureusementdresséetainsiluioffrirplusdeplaisir.Sarespirations’accélèreetsonsoufflechaudsusciteenmoiuneviolentedéchargeélectrique.Voilàcequecettefemme
provoqueenmoi,unevaguedéferlantesurmaviequibalayetoutsursonpassage.J’avanceafindelafairereculeretl’aideàs’allongersurlelit.Jelarejoinsenm’accoudantau-dessus
d’elle tout en l’embrassant.Mon corps tendu se frotte durement au sien.Melinda renverse la tête enarrièreensecambrantetenenroulantsesjambesautourdematailleafindesentirmonmembrecaressersensuellementseschairshumidesetbrûlantesdedésir.
—J’aidestasd’idéesquimepassentparlatête,cesoir,luiavoué-jeenléchantseslèvres.Jedescendsjusqu’àsapoitrine,sanslaquitterdesyeuxenempoignantfermementsesseinsentremes
mains.—Ahoui?Quellessortesd’idées?demande-t-elleenfaufilantsesdoigtsdansmescheveux.—J’aienviedetefairehurlerdeplaisir,etdetefairel’amourtoutelanuitdurant…Temarquerde
monempreinteafinquetumesentesencoredemainmatinlorsquetumequitterasànouveau.Elleplonge sesyeuxaffamésdans lesmiensen serrantdavantagemescheveux.Elledirigema tête
vers sa poitrine, m’invitant à déguster son téton tendu. J’enroule ma langue autour et le mordilleimpitoyablement,puism’attardesurl’autreenluiréservantlemêmesort.Jetraceduboutdeslèvresunchemin de baisers mouillés jusqu’à son ventre en m’attardant sur son nombril, ce qui lui arrache ungémissement.
—Aïden, je t’enprie,ne t’arrêtepas,mesupplie-t-elleenappuyant surma têteet levant lebassinpourm’indiquerdecontinuer.
Jeglissemesmainssursatailleafindelatenirfermement,etdescendsaveclenteurverssonuniverstrempéqui attenddésespérémentque jevienne legoûter.Ma langue s’y invitedélicatement, et sans laquitterdesyeuxjeladégusteavecdélectationetgourmandise.
—Aïden…,gémit-elleenfermantuninstantlesyeux.Jejoueavecsonboutonquigonflesouslapressiondemalangueexperteenglissantdélicatementun
doigtjuste-là,puisunautreencoreafindeluidonnerplusdeplaisir.J’accélèrelerythmeeffrénédemalanguequilalècheetdemeslèvresquil’aspirent,sentantdéjàsonplaisirmontéentremesdoigts.Toutàcoup,ellesecambreenhurlantmonprénom.Sesjambestremblentetsoncorpsfrissonnecontrelemien,puislavagueorgasmiquelaquittepeuàpeuenrelâchantlentementlatensionquil’habitait.
—Jen’enaipasterminéavectoi,Melinda, lapréviens-jeenremontantjusqu’àseslèvresgonfléesquej’embrassefougueusement.
—Jetedésiretellement,tuesunDieudusexe!melance-t-elle,lesjouesroséesparl’orgasmequejeviensdeluioffrir.
—MlleEvans!Emmadéteintsurvous,oubienc’estl’alcoolquifaitdessiennes!dis-jeenriant.—Ettun’asencorerienvu,lâche-t-elleenmerepoussantavecsesmains.Allonge-toi,moiaussij’ai
enviedem’amuseravectoi.Monmembredouloureuxetimpatientrépondimmédiatementensedressantdavantagecontremonbas-
ventre.Jenevaispastenirlongtemps…Jem’allongealorssurledosenlaregardants’approcherdemoi,
telleunelionneguettantsaproie.—Nejouepasavecmoi,Melinda.Jesuisauborddecommettreuneconneriemonumentaleet…Elleposeimmédiatementsondoigtsurmeslèvresafindemefairetaire.—Moiaussijepeuxterendrefou,tuveuxquejetemontre?Putaindebordeldemerde!Ellevafinirparmetuer!—Montre-moi,soufflé-jed’unevoixsaccadéeenglissantmesdoigtsdanssescheveux.Melinda dépose une traînée de petits baisers surmes lèvres, surmon cou et surmon torse, où sa
languevientléchermestétonsendescendantversmonventre.Ellerelèvesonvisageversmoienmefixantdesonregardardenttoutenattrapantmonsexedanssa
main.—Putain,Melinda!Ellelecaresseens’attardantsurlesommetenformantdepetitscerclesavecsonpouce.—Melinda…—Chut!dit-elleenapprochantseslèvres.Ehmerde!Elle dépose un baiser surma verge, puis la glisse dans sa bouche enm’avalant goulûment. Elle y
enroule sa langue chaude et délicate en continuant de me caresser, et descendant vers mes testiculesqu’ellemalaxeavecdouceur.
—Ralentis,Melinda!Putain!Siellecontinue, jerisquedejouiret jem’interdisquecettenuitd’amourse terminedecettefaçon.
Ellesecouelatêtepourrefuser.Bientropexcitéeettentéed’allerauboutdecettefellationdémentielle.Vaincu,jem’agrippeàsescheveuxpourluidonnerlerythmequimeferamonterauseptièmeciel.
—Avale-moiencore,plusfort!Ohoui!Jemecambre sous l’orgasmedévastateurqu’ellem’offre, sans relâchermonmembrequ’elle avale
plusprofondémentetqui sedéchargedans sabouche.Elle ralentit le rythmede ses lèvres,puisde samainenléchantmavergejusqu’àladernièregouttedeplaisir.Puissabouchemequitteetellerelèvesesyeuxbrûlantsversmoienremontantjusqu’àmonvisage.
Jesuisbouchebée,aphone,sanscomprendrecequivientdeseproduire.Cettefemmeserévèleêtreunevraietigresseetellevientdeprendreledessussurmoi.
—Jen’enaipasterminéavecvous,M.Kyle!Ellefrottesonsexeaumien,lequelseréveilledéjàpourundeuxièmeroundetoù,cettefois,jecompte
bienmenerladanse.—Ahoui?D’unseulmouvement,jel’attrapeparlatailleetlaretourneenmepositionnantau-dessusd’elle.—Jevaismenourrirdetoijusqu’àl’aube,luimurmuré-jeenpassantungenouentresesjambesafin
delesécarter.
Elle écarquille les yeux, surprise. Son souffle chaud qui caressemes lèvres tout près des siennesélectrisetousmessens.J’empoignealorsmonmembreetleglisseenelle.
—J’aitellementenviedetoi,sentirtoncorpssurmoi…Embrasse-moi,Aïden…Jem’allongedetoutmonpoidssurelleencaressantsonvisagedureversdelamaintoutenluifaisant
l’amour.—Jet’aime,Melinda…Ellelèveunsourcilmalicieuxetmerépondsimplement:—Forever,Aïden…
«Trèssouvent,ledésordredelamémoireesttelquenousnesavonsplussinousinventons
unpersonnageousic’estuneagréableréminiscence.»
MichelDéonSource:Taisez-vous,j’entendsvenirunange-2001
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ForeverMercredi21mai201409h21
Melinda
J’entendslesvaguess’échouersurlesablefindelaplageprivédeForever.Aïdenadéjàquittélelit,me laissant seule faceàmesdémons. Je saisquecette journéevaêtre éprouvante etque la réalitévareprendresesdroits.Cettenuit,aucreuxdesesbras,aétémagique,maismalheureusement,elleaprisfindèsquej’aiouvertlesyeux.
Avantdedescendre,Aïdenm’alaisséunpetitmotsurl’oreilleraccompagnéd’uneroseblanche.Jerelislapetitecarteensouriantbêtement:
«BonjourmonAnge,Cettenuit,tuasétémerveilleuseetjesais
combientuvasavoirfaimàtonréveil,alorsjesuisdescendutepréparerunpetitdéjeuner.Jet’ailaissé
undemestee-shirts,passe-leetrejoins-moi!Jet’aime…»
Jeme relève enm’asseyant sur le lit, la petite carte serrée tout contremon cœur.Cet homme estdécidémenttrèsromantique.Jelarelispourlatroisièmefois,puislaposesurlatabledechevetàmadroiteettombenezànezaveclaphotodeleursalliances.
—Ellessontmagnifiques…,soufflé-jeenprenantlecadrephoto.Pourquoim’a-t-ilfaitvenirici,sitoutestencoresoigneusementàsaplace,commesiletempss’étaità
nouveau arrêté de tourner dans cette chambre ?N’avait-il pas peur que je parte en courant comme lasemaine dernière ? Et pourtant, je ne bouge pas et reste là, à contempler cette photo, sans aucune
amertume,sanshaine…Jemesurprendsmêmeàglissermesdoigtssurlesanneauxetsur«Forever».—Pourquoitoutm’estsifamilierlorsquejesuisaveclui?pensé-jeenlereposantàsaplace.Jesaisquenosparentsétaientdanslemêmelycée,etparconséquentqu’ilsvivaientaussiàVashon
Island.Puisilyalevisaged’AlicequinequitteplusmespenséesdepuisceflashàlalibrairiedeMme
Cross,laquelles’esttrouvéeextrêmementembarrasséepartoutesmesquestions.Jepressensaufonddemoiquel’onmecachequelquechose,maisquoi?Sansoubliercetteguerreimpitoyablequ’Aïdenlivreàmonpère. Peut-être queMaria pourrame répondre ?Elle avait commencé àme confier que lesKyleétaientenvacancessurl’île,l’étéoùseproduisitleurtragiqueaccidentd’avion,maisBenrompitnotreconversation.AvecAïdendanslesparages,celavaêtredifficiledeluitirer,àelleaussi,lesversdunez.
Je me lève, passe son tee-shirt, qui m’arrive juste au-dessus des genoux, et quitte la chambre. Jerejoinslacuisineentraversantlesalonaveccettevuepanoramiquegrandiose,dontjenemelassepasderegarder. Soudain, j’entends Aïden en pleine discussion avec Maria. Je m’approche doucement del’embrasuredelaporteettendsl’oreille:
—Jen’ensaisrien,Maria.—Tusaisparfaitementbienquetunepourraspascontinueréternellementàluimentir?luidit-elle.—Jeneluimenspas,j’ometssimplementdeluiavouerdesvéritésquirisqueraientdefreiner…—Filho,tavengeancen’aideraenrienvotrehistoire.Plustuécraserassonpère,etplusellesebattra
àsescôtésettulesaisaussibienquemoi,luirappelle-t-elled’unevoixinquiète.—J’aifaitunepromesseetjevaislatenir,quoiqu’ilm’encoûte,s’entête-t-il.—Tuaségalementpromisdel’aimeretdelaprotéger…—Cettefemmen’existeplus,jedoismetournerversl’aveniretmefaireuneraison.Non?!Ilyabienuneautrefemme…Jedoisenavoirlecœurnet!—Bonjour!dis-jeenentrantdanslacuisined’unevoixquiseveutréjouissante.—Bonjour,machérie,meditMariaquipréparedestartinesgrillées.Aïdenmerejointetmeprendtendrementdanssesbrasendéposantunbaisersurmeslèvres.—Tuasbiendormi?demande-t-ilpleindebienveillance.J’ai encore, malgré toute la tendresse qu’il me porte, un goût amer en bouche, suite à leur petite
conversation.—Trèsbien,merci,réponds-jeenluisouriant.—Benarapportétonsac,cematin.Tul’avaisoubliéaubaretEmmaaeulagentillessedeleramener
chezelle,mefait-ilsavoirenm’accompagnant jusqu’aucomptoirde lacuisine,où jeprendsplacesurunedeschaises.
—Cheznous,corrigé-jeenluisouriantexagérément.—Peuimporte,ilestlà,dit-ilenlevantlesyeuxaucieletrejoignantMaria.J’enfouismatêteentremesmains.—Est-cequetoutvabien,machérie?demandeMariad’untoninquiet.
—Oui,merci.Justeunvilainmaldetête,réponds-jeenmemassantlestempes.—Lafauteàqui?Quandonnesaitpasboire,onneboitpas!megrondeAïden.—Sijen’avaispasbu,jeneseraiscertainementpaslà!luifais-jeremarquerenrelevantlatêtepour
luiadresserunregardmauvais.— Je ne suis pas certain que l’alcool y soit pour quelque chose, Mlle Evans, ajoute-t-il d’un ton
arrogant.—Àvotreplace,jen’enseraispasaussiconvaincu.Ilmesouritenmedécochantunclind’œilaguicheurquim’empourpreaussitôt.—C’estbiencequejepensais,confirme-t-il,fierdelui.Ilprendunverrequ’ilremplitd’eauetmeletendavecuncachetdeparacétamol.—Prendsça,tutesentirasbeaucoupmieuxdansquelquesminutes,medit-ilgentiment.Jeleregardesuspicieusementetluidemande:—Tun’aspasplutôtdel’aspirine?Aïdengrimaceimmédiatementeninspirantprofondément:—Non,désolé.Jen’enaipas,dit-ilensecouantlatête.—Jedoisenavoirdansmonsac,attends.Aïdenposesonverreetlecomprimédevantmoi,puiscontournelecomptoirdelacuisine.Sansme
laisserletempsdechercheràl’intérieur,ill’attrapeetlevidesurleplandetravail.—Maisqu’est-cequetufais?—Tuvois, iln’yarien.Avalececomprimé,dépêche-toi!m’ordonne-t-ilenmesurveillantdeson
regardnoirtoutenremettantmesaffairesdansmonsac.J’attrapemonverred’eauetavalemoncomprimé,sansoserajouterquoicequecesoit.—Merci!lâche-t-ilenrejoignantMariaquimedévisageavecdegrosyeux.—Enfait?—Quoi,encore?râle-t-ilaprèsmoi,enseservantuncafé.—Jesuisallergiqueàl’aspirine,dis-jeenréprimantunsourireamusé.—Jen’ensavaisrien!—Tiensdonc…Etquenosparentsétaientamis,tun’ensavaisriennonplus?—Ilsn’étaientpasamis!s’emporte-t-ilenfrappantdupoingsurlecomptoir.—Calme-toi,filho,luidemandeMariaenposantsamainsurlasienneafind’apaisersacolère.Ilacquiesceetprendsatasseàcaféqu’ilporteàseslèvresenmeguettantdesonregardfâché.—Tiens,machérie,meditMariaenmetendantunetartinedepaingrillée,saupoudréedecacao.—Hummm,jevaismerégaler,merci.—CommentvaSnow?medemande-t-elle.—Ilseplaîtbeaucoupaumanoir,maisj’aiétéétonnéedelevoirarriver.— Il doit être si heureux de te savoir… près de lui, pense-t-elle en me souriant tendrement. En
revanche,c’estPedroquisesentbienseuldepuissondépart,ajoute-t-elleenriant.—Souhaitez-vousqu’ilrevienne…—Certainementpas!objecteimmédiatementAïdend’untonbourru.Jerestebouchebéedevantsasoudaineméchancetéenverscepauvrechien,sigentiletsiaffectueux.— Tu n’as décidément pas de cœur. Pourquoi prendre un chien si c’est pour l’abandonner à la
premièrevenue?Peut-êtrequetesautresconquêtesn’enontpasvoulu?mehasardé-jeàdemanderd’unevoixironique.
—Peut-êtrequ’ellesétaientbeaucoupplusintéresséesparlemaître?—Aïden!lereprendimmédiatementMariaquis’insurgedevanttantd’impolitessedesapart.—Tun’esqu’un…—Lavéritétefaitmal?Cen’estpasmoiquiaisautésurlapremièrevenue!remet-ilsurletapismon
escapadeenboîtedenuitetcebaiseravecKevin.—Maisdequiparles-tu,filho?demandeMaria,sanscomprendre.—Mad…CettejeunedemoiselleétaitauSunrise,hiersoir.—Tonclub?—Commentçatonclub?!demandé-jed’unevoixétonnée.—Peuimporte!crache-t-ilsévèrement.ElleyétaitavecdecesmecsàlacondesEntreprisesEvans.
J’aibienfailliletaillerenpièceetleproposerauSeattleArtMuseum,dit-ilenmefoudroyantduregard.—Etalors?continueMariasanscomprendre.Jesecouenerveusementlatêtepourluiinterdired’endireplus.Jesensquejevaismourirdehonte
dansquelquessecondes.—Elle était collée à cet enfoiré en se déhanchant commeun cobrahypnotisépar son charmeurde
serpent.Etbienentendu,pourcouronnerletout,ellel’embrassaitàpleinebouche.—Tun’esqu’ungoujat!l’insulté-jeenquittantmachaise.—Tuvaspeut-êtrelenier?Tucroisquejenesaispasquetuvascourirlerejoindre?!Quimeditque
tunecouchespasavecluiaussi!Jecontournelecomptoiretmedirigerapidementverslui,rougedecolère.—Jetedéteste!hurlé-jeenlegiflantviolemment.Nem’approcheplus!—Tumereviendras!—Courstoujours!balancé-jeenquittantprécipitammentlacuisine,afind'allermerhabilleretquitter
cettemaisondemalheur.
«Ilsemblequ’ilexistedanslecerveauunezonetoutàfaitspécifiquequ’onpourrait
appelerlamémoirepoétiqueetquienregistrecequinousacharmés,cequinousaémus,cequidonneànotreviesabeauté.»
MilanKUNDERASource:L’insoutenablelégèretédel’être-1990
-21-
MileyCyrus-TheClimb
QuartierBelltown,SeattleUnmoisplustard…
Melinda
J’essaye de soulevermes paupières,mais en vain… J’ai trèsmal à la tête,mais cettemain quicaresseavectendressemonvisagemedonnelaforcedecontinueràmebattre.—Melinda,jesuislà…Tupeuxyarriver…C’esttropdifficile…Jesuissifatiguéeetmoncorpsnerépondplusderien.Jesuispriseenotage
decelitquimeretientàlui.J’aimeraistantsortirdecesommeil,maisjen’arrivepasàm’échapperdecetteobscuritédanslaquellejesuisplongée.—Hum…,gémis-jeensoulevantdoucementlespaupières.Jeperçoisenfinlalumièredujour,maiselleestsidouloureusequejesuistentéedemerendormir.
Soudain, un visage apparaît au-dessus demoi et ses yeux troublants se plongent aussitôt dans lesmiens. Ils sont un vaste et magnifique ciel bleu, où les rayons du soleil s’y reflètent dedans.Malheureusement,mavuetroublem’empêchedemettreuneimagelimpidesurcethommequisetientprèsdemoi.—Qui…êtes-vous?tenté-jetantbienquemaldeprononcer.L’hommebaisselatête…Jeperçoissadouleur,satristesseaussi,maiscequimebouleverseleplus
estcevidevertigineuxquisecreuseenmoilorsquej’entendssavoixmesouffler:—Jet’aimetellement,monange…
—Monange?!crié-jeenmerelevantprécipitammentsurmonlit,levisageensueur.Soudain,lanauséememonteàlagorge.Jemeprécipiteàlasalledebains,attenanteàmachambre,et
vomis au-dessus de la cuvette. Les larmes aux yeux, j’entoure mon ventre douloureux, victime despasmes.Puisjemeredresseenfinetm’assoissurlecarrelagefroid,latêteposéecontrelemur.Ilfaut
absolumentque j’enparleauDrPhilips… Jeme sens si fragile en cemoment. Toutes ces dernièresépreuvesm’ontexténuée,c’estévident.J’aiencorerêvédelui…Serait-ceunflashd’undemesréveilsàl’hôpital?Jeposemamainsurma
poitrine,commepourapaiser lesbattementsrapidesdemoncœur.Savoixdouceetapaisantem’estsifamilièreetplusletempspasse,plusj’aicettecertitudequecethommearéellementfaitpartiedemavie.Maisalors,oùsetrouve-t-il?Etpourquoiessaye-t-ondésespérémentdemecacherlavérité?
Jemerelèveetm’avanceverslesfenêtresquidonnentsurunevueimprenabled’EliottBay.CelafaitdéjàunmoisquejevisavecEmmaetKylan.AprèscetteviolentedisputeavecAïden,c’esticiquej’aitrouvé refuge. Je n’ai plus jamais eudenouvelles de lui, c’est peut-êtremieux ainsi.Chaque jour quipasse,jemerépètequejedoisl’oublieretallerdel’avant,maisallezledireàcecœurquisenoiedansl’entêtement.Mesamism’onttellementsoutenue.Jamais,jenepourraiassezlesremercierpourtoutelagentillessequ’ilsontfaitpreuveàmonégard.
L’appartementesttrèsagréableàvivreetjem’ysensàprésent,presquecommechezmoi.IlestsituédanslequartierdeBelltown,àquelquesminutesàpiedsduSeattleArtMuseum.J’avoueavoirressentiun peu d’appréhension en arrivant avecmes valises, face à tout ce luxe ostentatoire,mais l’ambiancechaleureusequiyrègnem’apaisainstantanément.Noussommesaudernierétageetlegrandbalconnousoffreunevueincroyablesurlefrontdemer.Snowyestallongéetluiaussi,atrouvésaplaceparminous.Par ailleurs,Aïden n’a pas l’air disposé à venir le récupérer, et celame convient parfaitement.Nousavonségalementunesalledesportau rez-de-chaussée,ainsiqu’unesalledecinéma,oùnouspouvonsnousretrouverentreamis.
Cematin, le soleil brille et annonce unemerveilleuse journée… Pourquoi cela ne m’enchante-t-ilguère?J’ail’impressiondem’éteindreàpetitfeu,deperdrepiedetespoirchaquefoisquejerêvedelui…Lemanquequisecreuseaucreuxdemonventremeprouvecombiensonabsenceabriséquelquechoseenmoi.LeDrPhilipscomprendmonmal-êtreetmonenvieviscéraledemettreunvisagesurcettevoix…Maisilpenseaussiquejenedoispasbrûlerlesétapes:
«Seulletempsvouspermettrad’avancerverslaguérison.Unpasaprèsl’autre,Melinda»
Pourtant, lorsquemon cœur s’emballe, c’est toujours l’image d’Aïden quim’apparaît, tout commemaintenantsurlescarreauxlorsquejerelèvemesyeuxlarmoyantsversl’horizon.
—Jedevienscomplètementcinglée…,constaté-je,attristée,ensecouantdoucementlatête.J’attrapemontéléphone,posésurlechevetprèsdemonlit,etsorsdemachambre.Jelongelecouloir
etpénètredanslesomptueuxetvastesalon,oùKylanetEmmasontassisfaceaucomptoirengranitdelacuisine.
—Bonjour!lessalué-jeencaressanttendrementlebrasdeKylanetenposantunbaisersurlefront
d’Emma.—Salut,mon chat. Comment s’est passée ta nuit ?me demandeKylan en se levant pour allerme
préparermonnuagedelait.Ilnesepassepasunmatin,oùiln’ypensepas.Ilestadorable…—Bien,merci,réponds-jeenluisouriant.JemetournelégèrementversEmmaenposantmontéléphonesurlecomptoir.Voilàcequem’apporte
monnouveaustatutdevice-présidente:êtrecollée24heuressur24àcemaudittéléphone.— Et toi, Emma ? Tu es encore rentrée bien tard cette nuit, je me trompe ? demandé-je tout en
m’installantprèsd’elle.Commechaquejour,elles’empressedeposertendrementsatêtesurmonépauletoutenmerépondant.—Iln’étaitpastard,jediraimêmequ’ilétaittrèstôt, ironise-t-elleenseredressantets’étirantles
brasenl’air.—Jecroisqu’elleseficheeffrontémentdetoi,monpetitchat,mefaitremarquerKylanenlevantun
sourcilamuséversnotreamie.—Jelecroisaussi,dis-jeenriant.—C’étaitunenuitdesplusmagiquesetdes…plustorrides…,roucoule-t-elled’unevoixpleinede
sous-entendus.Puiselleattrapesatartinedepaingrilléeetmorddedansavecappétit,ennousguettantdesonregard
malicieux.—Ahoui?Etquiétaitl’heureuxélu,cettefois?l’interrogeKylanenposantmatassedevantmoi.Emmaécarquilleaussitôtlesyeuxens’arrêtantnetdemâcher,lesjouesécarlates.—J’attends?!insisteKylanenmedécochantunclind’œilcomplice.—Ehbien…C’étaitunmec…,commence-t-elle,labouchepleine,cequim’arracheunsourire.—Sansdéconner?! lanceKylanquiposesonpoingsursahanche,pour lui fairecomprendrequ’il
attenduneréponse.Emmam’observeducoindel’œil,etjelèveimmédiatementunsourcilinterrogateur.—Sérieux?Maisquelleimportancecelafait-il?tente-t-elled’esquivercommeuneadolescenteprise
lamaindanslesac.Jesaisparfaitementdequiils’agit,maisl’entendresoufflersonnomm’amusegrandement,mêmesi
celam’inquiètedelasavoiravecl’amid’Aïden.Ellerépètesanscessequ’iln’yariendesérieuxentreeux.
—Unsimplejouet,l’a-t-ellenomméunsoir.Je n’y crois pas une seuleminute. Ses yeux pétillants et ses joues rosées la trahissent chaque fois
qu’elleprononcesonprénom.—Bien,jevaisprendreunedouche,lesfilles.Ettoi,Emma,notreconversationn’estpasterminée?!
Jeveuxtouslesdétails,etlespluscroustillantsenpremier!dit-ilenluidéposantunbaisersurlehautde
latête.Jelèvelesyeuxaucieltantcesdeux-làsontcommeculetchemise!Iln’yenapasunpourrattraper
l’autre.Soudain,mon téléphonevibresur lecomptoiretqu’ellen’estpasmasurprisedevoirapparaître le
prénomdeKévin.Emma,curieusepournepaschanger,sepencheaussitôtpourvérifierquic’est.—Kévin?Encore?râle-t-elleengrimaçant.—Jesaisquetunel’appréciespas,maisnousnesommesquedesimplescollèguesdetravail,donc
respire!larassuré-jeendécrochant.—Etmoi,jesuislaReined’Angleterre!lâche-t-elle,déjàexaspérée.—Allô?Je tire la langue à Emma. Excédée, elle colle immédiatement son oreille à mon téléphone afin
d’entendrenotreconversation.Jelarepousse,maisellerevientdeplusbelle.—Bonjour,Melinda.Commentallez-vous?—Jevaistrèsbien,merci.Etvous?—Beaucoupmieuxdepuisquelquessecondes…,glisse-t-iltendrementàmonoreille.JeposelamainsurmeslèvrespourmarquermonexcitationenbattantdescilsversEmma,laquelle
reculeencroisant lesbras,mécontente.J’adoreme jouerdecettepetite têteblonde !Puis jemets letéléphonesurhaut-parleurafinqu’ellepuissesuivrenotreconversation.
—Ilfaituntempsmagnifique,aujourd’hui. Ilseraitdommagedepasser la journéeenfermédansunappartement.Qu’enpensez-vous?medemande-t-il.
Emmasecoueimmédiatementledoigtpourmedemanderderefuser.—Ehbien…Jen’avaisriendeprévu…,réponds-jeenhaussantlesépaules,devantleregardahuride
monamie.—Unebaladesurlaplagenousferaitleplusgrandbien,surtoutaprèscettesemaineintensepasséeau
bureau,mepropose-t-il.Emmasecouelatêtefurieusementenagitantlesmainsdevantelle.Jefroncelessourcilsenluilançant
unregardnoir.Jesuisassezgrandepourprendremespropresdécisions!Kevinseraclelagorge,attendantuneréponsedemapart.—Jepassevousprendre…disonsdansuneheure?suggère-t-ild’unevoixenthousiaste.— Avec grand plaisir, Kevin. Je vous attends ! accepté-je, en jetant un œil à la poupée blonde
enragée.—Àtoutàl’heure,Melinda.—Àtoutàl’heure!Jeraccroche,sansosercroiserleregardfurieuxd’Emma.Jepeuxpresqueentendrelaminuteriedela
petitebombeàretardement,déjàprêteàexploser.—As-tuseulementconsciencedecequetuviensdefairelà?rouspète-t-elleaprèsmoid’unevoix
sévèreenquittantsachaise.C’estfait!—Emma, nous allons simplement faire une balade sur la plage, rien de plus,me défends-je, sans
grandeconviction,jedoisbienl’avouer.—Ah oui ?Et tu crois sincèrement qu’il n’y voit aucune arrière-pensée ? Surtout après ce baiser
magistralquituluiasoffertauSunrise?medemande-t-elle,excédée,entournantenronddanslapièce.—Biensûrquenon!Ilnem’aplusjamaisfaitlamoindreavance,dumoinspas…—Pasquoi?Jegrimaceensongeantàtouscesdéjeunersdansmonbureau,maisilesthorsdequestionquejelui
confiecela.Kevinetmoin’avonsplusjamaisremissurletapiscebaiser.Jedoisavouerquej’étaisbienéméchée,cesoir-là.Etpuis,rendreAïdenjalouxm’avaitgrandementamusée.Cettenuit-làdanssesbrasfutmerveilleuse…Malheureusement,ellepritfin…
—Pasquoi?insiste-t-elleenmesortantdemespensées.—Riendutout,tenté-jed’esquiverendescendantdemachaisepourallermepréparer.—Ohnon ! J’attendsune réponse et nememenspas, car tun’es pasdouéepour ça !me fait-elle
remarquerencroisantlesbrascontresapoitrine.—Maisquelesttonproblème,àlafin?Jenedoisrendredescomptesàpersonnequejesache?!—Maisquesepasse-t-ilici?J’ailoupéquelquechose?intervientKylan,sanscomprendre.Ilnousrejoint,uneserviettenouéeautourdelataille,ennousfaisantdegrosyeuxronds.—C’est lafautede…Ahhhhh!Jemecassedansmachambre,moi!J’enaipleinleculdetoutce
bordel!s’écrieEmmaens’ébouriffantlescheveux.Elle traverse lesaloncommeunefurie toutengrognantdanssabarbe.Nousrestonsplantés là,à la
regarderdisparaîtredans lecouloir,etclaquer laportedesachambretoutencontinuantderâler touteseule.Jebaisselatête,peinéed’avoireucettedisputeavecelle.C’estlapremièrefoisqu’elles’emporteaprèsmoid’unemanièreaussivirulente.Jesaisqu’ellen’appréciepasKevin,etce,carelleneluifaitabsolument pas confiance. Pourtant, il me paraît être un homme honnête, et sa présence àmes côtés,depuisquejesuisauxEntreprisesEvans,m’aétéd’ungrandsecours.Ilm’atantapprissurlemondedesaffairesetaujourd’hui,jemesensplusàl’aisefaceaupostequej’occupe.Ilestvraiquenouspassonsbeaucoupdetempsensemble,maiscelarestetoutàfaitprofessionneletamical.
—Melinda?Ques’est-ilpassé?medemandeKylan,soucieux.—Kevinaappeléet…m’ainvitéeàpasserlajournéeaveclui,avoué-jetimidement.—C’estdoncpourçaqu’elles’estemportée,comprend-ilenpassantsamainsursonvisage.Tusais
aussibienquemoiqu’elleneleportepasdanssoncœur.Allez,cen’estrien…Ellevasecalmer,etcesoir, toutserarentrédansl’ordre,d’accord?meconsole-t-ild’unevoixrassuranteenmeprenantdanssesbras.
—Jel’espère,Kylan…
11h25
J’aipassémarobeendentelleblanche,cellequejeportaislejouroùAïdenm’aemmenéeàlaplaged’Alki,etunchapeaudepaille.Oui,jesaisc’estunchoixstupidequeceluidesetorturerunpeuplusl’esprit…Kevinvientdem’envoyeruntextopourmeprévenirqu’ilm’attenddéjàenbas.Emma,elle,esttoujours enferméedans sa chambre, lamusiqueà fond.Partir commeçamepeine atrocement,mais jedoisapprendreàcanalisermesémotions.
Je sors de l’appartement, le cœur lourd, et appuie sur le bouton d’appel.Une fois à l’intérieur del’ascenseur,destasdequestionsfusentdansmatête,cequin’apaiseenrienlabouled’angoissequis’estnichéeaucreuxdemonventre.Commentvasepassercettejournée?EtsiEmmaavaitraison,lorsqu’elleditqueKevinestattiréparmoi?Commentréagirais-jes’iltentaitquelquechose,aujourd’hui?Ilesttrèsgentil,maisilresteuninvestisseurimportant.Jeneveuxpasquecelanuiseànotrecollaboration.Surtoutqueleschosesaubureaus’avèrentdéjàtrèscompliquéescommecela,sansyajouteruneamourettepassagère.Non,Melinda!Stop,ilnesepasserarien!MavieestsensdessusdessousdepuismonarrivéeàSeattle.Jamais,jen’auraiimaginéqu’ellepuisse
prendreunpareiltournant.J’ail’impressionquetoutm’échappeencemoment.Malgrémesséancesdepsychanalyse,jen’arrivetoujourspasàmettreunvisagesurl’hommedemesrêves,etneparlonsmêmepasdecetaccidentquilui,àl’airdes’êtrecarrémenteffacédemamémoire.Mescauchemars,eux,sontdeplusenplusrares,voilàaumoinsunpointpositif…
Ma semaine est rythmée comme une horloge bien réglée. Je passe les trois premiers jours auxEntreprisesEvans.Lesdeuxderniers,oùjenetravaillepas,jemerendsàmaséancedepsychanalyseetlesheuresqui lesprécèdent sont exténuanteset terriblementéprouvantes.Sansparlerdemesnuits,oùmon cerveau analyse tout dans les moindres détails, en m’envoyant des signaux sans queue ni tête.J’avouequ’ilm’estplusfaciled’alleraubureau,afind’ynoyermonchagrindansletravail.Puisarriveleweek-end…Parfois,jerentreàVashonIsland,oujerestesurSeattle,commeaujourd’hui.
En ce qui concernemes investigations, j’attends toujours que le chef de la policeme rappelle, etquelquechosemeditqu’ilneleferapas.Unsalecoupdemonpère?Certainement…Etcommejeneveux pas attirer son attention sur moi, je ne dis rien. Reste à savoir quelles sont les raisons qui lepoussent à faire cela ? Encore une zone d’ombre dansma sinistre existence. La lettre, celle que j’aienvoyéeàl’hôpitaldeVashonIslandafind’avoirunecopiedemondossiermédical,estpourlemomentrestéesansréponse.Àcroirequelemondeentieraconspirécontremoicesdernièressemaines.
Abandonner?Voilàcequimetraversel’espritlorsquejerepenseàtousleseffortsquej’aifaitsetquinem’ontmenéeàrien,sicen’est,àcemanqueterriblequisecreusechaquejourdansmavie.Mamèremerépètesanscessedeluifaireconfianceetqueseulletempspourram’aideràrépondreàtoutesles
questions restées sans réponses.Aïden, lui, vit toujours dansmon cœur douloureux etmeurtri par sonabsence.Maisaussiparcelledel’hommesansvisagedontpersonnen’al’airdisposéàmeparler.
—Ma vie est dans le chaos le plus total…, constaté-je d’une voix désespérée, en posantma têtecontrelaparoidel’ascenseur.
-22-
Daughtry-StartOfSomethingGood
Plaged’Alki,WestSeattleSamedi21juin201412h05
Melinda
IroniedusortquedeseretrouversurcetteplageaveccettevuemagnifiquedonnantsurForever.D’ici,jepeuxvoirlavillas’étendredetoutesasplendeurcommeunereineleferaitàsontrône.Jen’arriveplusàdétachermonregarddecetendroitquibienmalgrémoi,estdevenusicheràmoncœur.J’aimeraistantrevoirMaria et Pedro, des personnes si attachantes, si chaleureuses. En dépit du fait que je possèdeencorelaclé,jen’oseyremettrelespiedsetcelam’attristeprofondément.Etpuis,Aïdenmemanque…Oui,c’estindéniable…Ilmemanqueterriblement…
—Melinda?Vousêtestoujourslà?m’appelleKevinenagitantlamaindevantmoi.—Oh,pardon!Jemanqueàtoutesmespolitesses,m’excusé-je,confuse.—Vousétiezàdixmillelieuesd’ici,jeunedemoiselle.—Non,pastantqueça,avoué-jeenmemordillantnerveusementlalèvre.Ilseretourneetfroncelessourcilstoutencherchantdesyeuxl’objetquisuscitemonintérêt.Puisil
revientversmoienmesouriant:—L’horizon?tente-t-ildedeviner.Jesecouelatête,embarrassée.—Lesnuages?Maisoui !Cesont lesnuages,n’est-cepas?Quelpetitanimalavez-vousvucette
fois-ci?demande-t-ilenriant.—Non,pascettefois,dis-jeenriantàmontour.—Allez,jevaisarrêterdevoustorturer.Nousavonstousnosjardinssecrets,n’est-cepas?—Toutàfait!
Kevinpose leplaidsur le sableet lepanierdupique-niquequ’ila faitpréparerà sonhôtel.Nousprenons place timidement l’un près de l’autre et ce déjeuner plus intime, que ceux que nous prenonshabituellement au bureau, semble nous embarrasser. Cela dit, le cadre romantique avec cette vuemagnifiquesurl’océann’arrangerien.
—Vinblanc?propose-t-ilensortantdeuxverresàpiedetunebouteilledupanier.—Volontiers.Illadéboucheetverselevintoutenmeguettantdesonregardpétillant.—Merci,Kevin, dis-je en tentant de décrochermes yeux des siens qui se veulent de plus en plus
troublants.Ilmeregardeavecunetelleintensité,quej’ensuistoutechose,toutàcoup.Ilseverseégalementun
verrepuislelèveendisant:—Àcettemerveilleusejournée!Nous trinquons ensemble en nous souriant timidement. Emma n’avait peut-être pas tort, enfin de
compte.Le regardqueposeàprésentKevin surmes lèvresetquiglisse sensuellement surmoncorpsm’empourpreaussitôt.Oualorsc’estlevinquimemonteàlatête…J’avaled’untraitmonverre,sentantdéjàlatensionmontéeenflèche.
—Vousêtessibelle,Melinda,souffle-t-ilenpassantunemèchedecheveuxderrièremonoreille.Apriori,cen’estpaslevin!—Merci,Kevin.Avez-vouseudesnouvellesducontratHoffman? tenté-jed’esquiverenramenant
surletapiscedossierépineuxquinousattendsurlebureaulundi.—Profitezdoncdecettejournée,etoubliezlesEntreprisesEvans,dit-ilenmeservantunautreverre
devin.J’acquiesceenleportantàmeslèvres,toutenluisouriant.Nous déjeunons en discutant de tout et de rien. Il me parle de ses études et de son parcours
professionnelquisontincroyables.C’estunhommebrillant,exigeantetextrêmementintelligent,etquinedoit sa carrière prestigieuse qu’à lui-même.Un travail de longue haleine,mais qui a été couronné desuccès. Je lui parle de mes études, quelque peu mouvementées par mon accident de voiture. Nousdiscutonsavecbeaucoupd’aisance,et rionsdenosdéboiresd’étudiants.Ceque j’appréciedesapart,c’estquelesujet«Accidentdevoiture»esttrèspeuévoqué.Aucunepression,aucunstress,justeuntrèsbonmomentavecl’océanàpertedevue.Iln’apaseuuneenfancefacile,avecunpèretrèspeuprésentetunemèreaccaparéeparsontravail.
—Jesuisdésolée,Kevin.Celan’apasdûêtrefacilepourvous?—Effectivement…Lavien’apastoujoursétéclémenteavecmoi,maisquandjevoisvotresourire,je
sais qu’elleme réserve encore bien des surprises. Je suis si heureuxd’être à vos côtés,Melinda,mesouffle-t-ilencaressantmajoue.
Je baisse légèrement la tête. Lorsque je relève mes yeux vers lui, son regard étincelant capte
immédiatementlemien.—Vousêtessibelle, sicourageuseetcequevous faiteschaque jouraubureau,est incroyable.Ce
mondedans lequelnous travaillonsest rudeet impitoyable.Maisvous?Vous l’affrontezetaunomdequoi?Lafamille…C’estremarquable…,mecomplimente-t-ilenmesourianttendrementtoutenposantsamainsurlamienne.
—Merci, Kevin. Je le dois à mon grand-père et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour lasauver…Mêmesicelam’estterriblementdifficile…
— Je comprends… Votre père m’a confié combien la situation se révèle pour vous tout à faitinconfortable.
—Ahoui?dis-jeenlevantunsourcilétonné.—Oui.Ilm’aparlévaguementde…M.Kyle.Jegrimaceenmemordillantlalèvre.EhMerde!Moiquivoulaiséviterlesujet,etbienc’estloupé.—C’estcethommequivousabrisélecœur,n’est-cepas?demande-t-ilensepenchantversmoipour
croisermonregard.Jetournelégèrementlatêteafind’esquiverlesien.J’ailecœurquivamesortirdelapoitrine,tantla
douleurvivedesonabsencemeblesseencore.Kevinrelèvemonmentonversluietmesyeuxlarmoyantscroisentlessiens.
—Ilnevousméritepas.Si j’avais lachanced’avoirune femme tellequevousdansmavie, je lasuivrais au bout dumonde. J’abandonnerai n’importe quelle vengeance afin de vous rendre heureuse.Sait-ilaumoinslachancequ’ilad’avoirvotreamour?
—Jeneressensplusrienpourlui.Oublié,envolé!mens-jeenlevanthautlatête.Les larmes qui menaçaient de couler, roulent à présent sur mon visage et me trahissent. Elles
confirmentcombienAïdenestencorebienprésentauxtréfondsdemonâme.JecontemplediscrètementForeverducoindel’œil,meremémorantcemomentsurlaplage.Jamais,jenepourraisoubliertouscesinstantsprécieuxquenousavonspartagésensemble…
Aïdenattrapemonvisageentresesmains.Sonregardperçantmetraverseetj’ylistantd’amour,deforce,desincérité.Cesyeux-lànemententpas.Ilestamoureuxdemoi;jepeuxlesentirjusqu’auplusprofonddemonêtre.Cethommeestancréici,dansmoncœur,etnoussommesliésparquelquechosedepuissant,depresqueindestructible.C’estindéniable,nousnousappartenonsl’unàl’autre…—Jet’aimedetoutmoncœur,detoutmonêtre,detoutemonâme,etcedepuislepremierjouroù
monregardacroiséletien.Tuesarrivéeàunmomentdemavieoùj’avaisleplusbesoindetoi.Ilseraclelagorge,submergéparl’émotionetunecertainesouffrancepalpable.—…et tum’as sauvédes ténèbres, enme rendant la lumière.Tu es toutemavie, jemebattrai
jusqu’àlafinpourtoi.Personnenepourram’éloignerdelafemmequej’aime,toi.Jeteprometsquetrès bientôt, notre vie va changer. Les pièces du puzzle vont se remboîter, donnant un sens à nos
existences,mesusurre-t-ildesavoix,cettevoixsifamilièreetrassurante,quimetroublesansquejecomprennepourquoi.Jepassemesbrasautourdesoncouenmeserrantcontresoncorpsbrûlantdedésir.Cesmotsme
touchentetréveillentenmoiuneenvieirrépressibledelefairemien.Aïdenmesoulèvedanssesbras,mes jambes entourant sa taille. Il m’embrasse fougueusement. Tandis qu’il traverse la terrasse, jesèchelesquelqueslarmesencorefraîchementposéessursapeau.Ilm’allongesursonlit,secoucheprèsdemoi,etdénoueledrapautourdemapoitrine.Puisilpassesamaindoucesurmonvisagepourendessinerchaquetrait,laglisselelongdemoncou,passantentremesseins.Jemecambresoussescaresses quimeprocurent des ondesdeplaisir jusque-là. Il s’attarde surmon ventre, où il dessinequelquechosequejetentededeviner.—C’estlesignedel’infini
1,n’est-cepas?luidemandé-je,émueetheureusequ’illeconnaisselui
aussi.—Jeledouble,carnosviessecroisentinlassablement,puisreviennentscellerleurpacteunefois
encore. Nous sommes liés indéfiniment pour l’éternité. Ce signe se réfère à des choses qui n’ontaucunelimite,toutcommel’amourquejeressenspourtoi.—Tuesl’amourdemavie…Jet’aime,AïdenKyle…—Forever,Melinda…
Jeposemamainsurmeslèvrestremblantes,étouffantunsanglot.Kevinm’étreintimmédiatementdanssesbrasencaressantmondospourmeréconforter.
—Calmez-vous…Jesuislà…Jemeblottiscontrelui,leregardrivéverscettemaisonimmaculéequicontinueàhanterettourmenter
monesprit.Dieuqu’ilmemanque!Ladouleurs’arrêtera-t-elleunjour?Lorsquejevoissonvisagesedessinerdansmamémoire,j’ail’impressionqu’unepartiedemoim’aétéviolemmentarrachée,commeretenuecaptivedelui.J’aienviedemelibérerdesonsouveniretenmêmetempsc’est laseulechosequ’ilmereste.Sonsouvenir…
Jereculeenséchantmeslarmesduboutdesdoigts,terriblementgênéed’avoircraquédevantKevin.Ilmesouritgentimentenfouillantdanssapoche,d’oùilensortunmouchoir.
—Pardonnez-moi,jedoisêtreridicule,dis-jeenl’attrapant.Merci.—Neditespasdebêtises,Melinda.Vousêtesencoreblesséeetc’est toutàfaitnormal,maisvous
devezallerdel’avant,àprésent,meconseille-t-ilenséchantdélicatementduboutdesdoigtsunelarmesurmajoue.
—Vousavezraison,maiscommentfaire?Commentoublier,eteffacerdenotremémoirequelqu’unquenousavonstantaimé?demandé-je,enproieunenouvellefoisauxlarmes.
—Effacer ?Vous ne le pourrez jamais…Mais vous finirez par l’oublier et vous passerez à autrechose,m’assure-t-ilenhochantlatête.
—Le temps guérit toutes les blessures… Si vous saviez combien même le temps n’aide en rien,Kevin.
—Jeseraiàvoscôtésquoiqu’ilarrive…Jeseraitoujourslà,pourvousetuniquementpourvous.Sivoussaviezcombienvouscomptezàmesyeux,etbienplusquevousnepourrezjamaisl’imaginer.Etcesoir-là, au Sunrise…Non, il m’est impossible d’oublier notre baiser…, déclare-t-il en guettant meslèvres.
Ils’enapprochelentementetsonsoufflechaudquilescaresseprovoqueunedéchargeélectriqueaucreuxdemonventre.Non,jenepeuxpasfaireça…Sesyeuxseplongentdanslesmiensetilm’embrasseavec douceur, sansmequitter de son regard brûlant. Il prendmonvisage en coupe en intensifiant sonbaiser.Timidement,jepassemesbrasautourdesoncouenluirendantcelui-ci.
00h11
Kevinsegaredevantl’Olympus.Jeguettel’appartement,maislalumièredusalonestéteinte.Emmaestcertainementcouchéeetcelam’arrangegrandement.Jesuissiperturbéeettroubléeparcequis’estproduitsurlaplagecemidi.Mêmesicelan’aétéqu’unsimplebaiser, j’avouequ’ilm’abouleversée.Nousavonsensuiteterminédedéjeuneretsommesallésfaireunelonguebaladesurlaplage,maindansla main. Aucun de nous n’a souhaité discuter de ce baiser. Puis Kevin m’a emmenée dîner dans unrestaurantenborddemer.
—Bien…Vousvoilàarrivée,dit-ilencoupantlemoteuretsetournantversmoi.Ilsepencheetglissesesdoigtsdansmescheveuxenmecontemplantdesonregardcharmeur.—Jetenaisàvousremercierpourcettemerveilleusejournée.Vousn’imaginezpascombienelleaété
libératricepourmoi,luiavoué-jetimidement.—Sicelavousapermisd’allermieux,j’ensuisravi.—Oui,jevaisbeaucoupmieux,merciinfiniment.Kevin sepenchepourdéposerunbaiser chaste surmes lèvres, sansmequitterdesyeux.Lorsqu’il
m’observedecettefaçon,jeperdstousmesmoyens.J’ail’impressionqu’iltentedelireenmoi,etcelameperturbe.Aïdenlefaisaitégalement,maisluiréussissaitàentrerdansmatêteetdansmoncœur…Mevoilààprésent,àlescomparer…Maisqu’est-cequinetournepasrondchezmoi!?
—Bonnenuit,Melinda.Onsevoitlundiaubureau?medemande-t-ilenreculantetfaisantdémarrerlavoiture.
—Oui,àlundi,réponds-jeenouvrantlaportièreetsortant.Jetraverselarueetcomposelecodepourouvrirlaporte.Jemetourneetlesaluedelamain.Ilme
souritets’engagesurlarouteendisparaissantaucoindelarue.Jeremonteàl’appartement,lecœurbattantlachamade.Jem’adosseàlaparoivitréedel’ascenseur
enfrôlantduboutdesdoigtsmes lèvres.Jenesaispassi je ressensde l’affectionoubienunesimple
attirancephysiquepourlui,maislemanquequejesensnaîtreenmoimebouleverse.J’aitantbesoindetendresse,demesentirdésiréeetsurtoutcomprise.Toutestsisimpleaveclui…Nousallonsdel’avantenfaisantdemesfaiblesses,uneforce.Aïden,lui,étaitsitourmenté,siperdufaceànotrehistoireetànossentiments.Ilréveillaitenmoimespeursetmesangoisses.J’éprouvaistoujourscettebouled’anxiétéaucreuxdemonventre.Cethommestimulaitmamémoire,c’estindéniable,maisilnourrissaitégalementl’enviededécouvrirquijesuis.Etaujourd’hui,cebesoind’êtreunefemmedite«normale»,m’afaitunbienfou.
À y regarder de plus près,Kevinme permet de l’oublier et d’aller de l’avant…Et puis, il est siattentif, si bienveillant àmon égard. Son sourire charmeur et son regard captivantme troublent.Maisvoilà, il n’est pas Aïden, et ne le sera jamais. Ce baiser, aussi agréable fût-il, n’est rien comparé àl’intensitéquejeressentaislorsquemeslèvresseposaientsurlessiennes.Cesbaisersétaientprofondsetremuaientenmoidesémotionsextrêmementfortes.
Jesorsdel’ascenseur,retiremeschaussuresetm’avanceverslaporteoùj’yglisselentementmaclédanslaserrure.J’ail’impressiond’êtreuneadolescentequirentreendoucechezsesparents.J’ouvrelaporteetlarefermedélicatement,sansfairedebruit.Pournepasm’attirerlesfoudresd’Emma,jetraversele salon à pas de loup afin de regagnerma chambre discrètement. Lorsque soudain, la lumière de lalampe,setrouvantsurlaconsolederrièrelecanapé,s’allume.Emmam’attend,l’airpenaud,assisesurlefauteuil.
—Jet’attendais,dit-elleenselevant.Elles’avanceversmoi,medébarrassedemeschaussuresetlesposeausol.—Jesuisdésolée,Melinda,murmure-t-elleencaressantmajouedureversdelamain.—Tudoismefaireconfiance,Emma.Aussifragilequejepuisseteparaître,jevaisbien.Tusais?
Cettejournéem’afaitbeaucoupdebien,larassuré-jeenluisouriant.—Plusjamais,jeneveuxmefâcheravectoi,etencoremoinsàcaused’unmec,dit-elleenmeprenant
danssesbras.—Moinonplus,machérie,soufflé-jeenlaserranttendrementcontremoi.OùestKylan?demandé-je
enreculant.—Ilaappelépourprévenirqu’ilnerentreraitpas,répond-elleavecunairmalicieux.—Unenuitmouvementéepourluiaussi,hein?lataquiné-je,pourluirappelerlasienne.—Ouais…Etcomptesurmoipourluiarracherlesversdunez!prévient-elleenéclatantderire.—Pourquoiiln’yaquemoiquisoissage?demandé-jeenl’entraînantverslacuisine.—Arrêtede teplaindre !Unenuitavec tonex-patron, toutà faitdétestable,valaitàelleseuleune
semaine de baise intense ! déclare-t-elle en continuant de rire. D’ailleurs, je te conseille d’aller lerejoindre.Unplanculn’ajamaistuépersonne,mefait-elleremarquerenm’adressantunclind’œil.
— Merci, Mlle Scott, de me rappeler combien passer une nuit avec cet homme arrogant étaitdélicieusement…
—Torride?!—C’estça!confirmé-je,enmeremémoranttousnosmomentsintensesetbrûlants.Aprèsavoir fait lapaixcommedeuxcopinesd’école,nousnoussommes installéesconfortablement
dans le salon de jardin qui se trouve sur la terrasse, avec une bonne tasse de thé. Snow est venuimmédiatement s’allonger à mes pieds en remuant la queue, heureux de me voir de retour. Emma asouhaité que je lui racontema journée avec Kevin et bien entendu, je ne lui ai pas confié ce baiseréchangésurlaplage.Pourquoi?Jenesaispasvraiment…Maisj’aisentiuncertainmalaises’installerentrenousetautourdenotreconversation.Ellem’aparueinquièteetsuspicieuseàsonégard.Elleneleportedécidémentvraimentpasdanssoncœur.
«Aussitôtqu’unroiserelâchesurcequ’ilacommandé,l’autoritépérit,etlereposavecelle.»
LouisXIVdeFranceSource:Mémoirespourl’instructionduDauphin-1992
-23-
Cinqjoursplustard…EntreprisesEvansJeudi26juin2014
Victor
Cematin,c’estunvéritablecataclysmequis’abatsurlesEntreprisesEvans.Nousvenonsdeperdreundenosplusgrosclients.Aprèsavoirpasséuneheureautéléphoneafindetenterdeleraisonner,quellenefutsaréponse:
«Notresociéténesouhaiteplustravailleravecvous.Vosinvestissementsdouteuxetlesactionsenbourseontpesélourdsurlabalance.»
Effectivement,lesactionsenboursedégringolentdejourenjouretellesn’ontjamaisétéaussibassesquecesdernièressemaines.Lapertedenosplusgrosclientsarefroidiplusieursdenos investisseurs,sansparlerdenoscomptes.LaNationaleSea,elle,vientderejeternotredemandedeprêt,etc’estdéjàlacinquièmebanquequirefusedenousavancerdel’argent,bientropfrileuseàl’idéedenejamaisenrevoir la couleur. J’attends encore la réponse d’une dernière du quartier d’affaires. Si jamais, jen’obtienspasuneréponsefavorabledesapart,jecrainsquenousdevionsmettrelaclésouslaporte.Cepetitmorveuxvafinirparnousruiner!
Melinda a déjà débloqué des fonds personnels pour sauver l’entreprise, mais cela ne suffira pas.Kevin, lui, commence à voir d’unmauvais œil tout ce qui se trame autour de nous. Si nous perdonsencore des clients, nous serons définitivement ruinés. Ashley refuse catégoriquement d’investir dansl’entreprise,voulantsauvegarderlepatrimoinequeluialaissésonpère.Ilsavaitpertinemmentcequ’ilfaisaitenluiléguantunepartiedesafortune.Enfoiré!
Lesinvestisseurs,eux,sontprêtsàretirerleursbilles,etnosactionnairesàvendreleurspartsauxplusoffrants.Malheureusement, je n’ai pas lesmoyens de les acquérir. Seul un homme resté dans l’ombredepuisdessemainesnedaigneintervenir.Cefameuxactionnaireanonymequiaencoreracheté7%de
l’entreprise,etquelquechosemeditqu’ilvacontinuer.Maisenaurait-il le temps?Quelestdoncsonintérêtàinvestirdansuneentreprisequisetrouveauborddelafaillitetellequelanôtre?
Cerendez-vousavecceRamirezestprimordial.Jepourraiainsiinvestiretinjecterdel’argentdanslescaissesafinde reculer l’inévitable.Si seulement,nouspouvions faireaffaireensembleetperdurerdansletempscettecollaborationflorissante.Onfrappeàlaporte.—Entrez!tonné-jesévèremententournantenronddansmonbureau,leregardimpitoyablerivésur
cettetourdeverre.Kurtentreenfindansmonbureauaveccefameuxdossieràlamain.—NousdevonspasserauplanB!Jeveuxquecefilsdeputetermineaufondd’untrou!luiordonné-
je,fouderage.—Tout est prêt pour passer à l’action et nous débarrasser une bonne fois pour toutes de ce petit
morveux!merépondKurtd’unairsatisfait.—C’estledossier?demandé-jeenlepointantdudoigt.—Oui,monsieur.Cen’estplusqu’unequestiondetemps.—Parfait,Kurt…Ensuite, nous le ferons liquider et tout cela passera pour un vieux règlement de
compte.—Notrecheramis’estdébarrassédudossierdel’enquête.Iln’yaplusaucunetracedecelle-ci,ni
mêmesurlesserveursdelapolice.Nullepart,m’assure-t-ilenhochantlatête.—Bien,ilafaituntravailremarquable.Nouslerécompenseronsplustardcommeilsedoit.—Malheureusement,nousavonsunautreproblème,Victor.—Quoidonc?—LedossiermédicaldeMelindaesttoujoursd’actualité.Nousavonsdéjàréussiàrécupérerceluide
votrefemme,ainsiqueceluiduDrParker.Maisnoussavonségalementqu’ilyenexisted’autrescopies,dontceluidu…
—Du?demandé-jeprécipitamment.—DuDrPhilips.Lenouveaumédecindevotrefille,merappelle-t-il.Sesséancesdepsychanalyse
vontlamenertoutdroitàcetteconversationdanslebureau.— Je n’ai pas vraiment l’impression que les choses évoluent dans ce sens-là, pour le moment.
Attendonsencoreunpeuavantdenousdébarrasserdelui.S’illuiarrivaitquelquechose,celaéveilleraitlessoupçonsetnotreprioritén’estpaslà.
—Bien,Victor.Quandsouhaitez-vouslancerl’opération?—Dansquelquesjours…,réponds-jeenm’installantsurmonsiège.—Mais…Letéléphonesonnesurmonbureau.J’appuiesurl’interphoneenlevantledoigtpourfairetaireKurt:—Oui?
—M.Evans,votrefilleetM.Millersontarrivés,m’annonceMaryline,masecrétaire.—Faiteslesentrer,jevousprie.—Bien,monsieur.MelindaetKevinentrentdansmonbureau,levisagetendu.—Tuveuxbienm’expliquercequisepasse?demande-t-elleenhaussantlavoix.—Jevousaifaitvenir,carnousavonsàdiscuterdel’avenirdesEntreprisesEvans,luifais-jesavoir
enguettantlaréactiondeKevinquigrimacedéjà.—Quesepasse-t-il?demande-t-il,inquiet.—Nousallonsavoirunproblème,réponds-jesimplement.Jeleurfairepartdesderniersévénementsetleurréactionnesefaitpasattendre.—Maiscommentest-ilpossibled’enêtrearrivélà?demandeMelindaenposantsesmainsàplatsur
monbureau.—MmeCooperdoitmerappelerdanslamatinée.Notredossierestpasséhiersoirencommission.—Ahoui?Etquinousditquesabanquevaaccepterdenousfinancer?—Rien,Melinda,maisnousdevonsresterpositifs.— Victor, je ne veux pas vous paraître pessimiste, mais la situation est critique. J’ai investi une
sommecolossaleauseindevotreentreprise,etjenevoispasoùestmonintérêtàrester,m’achèveKevinenlevantunsourcilarrogant.Ilnevapass’ymettre,luiaussi!—Votreintérêt?Sérieusement?demandé-je,offenséparsespropos.Melindaseredresseimmédiatementversluietposesamainsursonépaule.— Kevin, vous ne pouvez pas nous abandonner, je vous en supplie, l’implore-t-elle d’une voix
attristée.Illadévisage,sanssavoirquoirépondre.Puisilmejetteunregardfroidendéglutissantpéniblement.
Tevoilàdoncprisaupiège.C’estparfait!—Trèsbien,Melinda.Maisc’estpourvousquejefaiscela,sinonj’auraidéjàretirémesbillesde
cetteentreprise,avoue-t-il.—Merci,Kevin.La sonnerie du téléphone retentit et rompt cemoment délicieusement intéressant.Tout à l’air de se
passercommeprévu,dumoinsdececôté-là.J’appuiesurl’interphone:—Oui?—MmeCooperestenligne,M.Evans,meprévientMaryline.—Passez-la-moi,etquel’onnenousdérangepas,ordonné-jed’untonbourru.—Bien,monsieur.JejetteunregardinquietàMelindaetKevinquiserapprochentdemonbureau.Kurts’éloignesentant
déjàmacolèrenoirebouillirenmoi.
—MmeCooper,commentallez-vous?demandé-jeenprenantenfincetappelcapital.—Bien,merciàvous.Commevouslesavez,hiersoiraeulieuunecommissionafindedécidersi
notrebanquevoussuivrait.—Jevousécoute.—Jesuismalheureusementauregretdevousannoncerquenotrebanqueneleferapas,m’informe-t-
elled’untondésolé.—Maisjenecomprendspas?Vousaviezl’airplutôtconfiantelasemainedernière?luirappelé-jeen
merelevantbrusquement.—Notrebanqueaunnouvelassocié.Celui-cin’apasapprouvévotredemande,etauvudesmillions
qu’ilvientd’investir,nousavonsdécidédelesuivre.J’ensuissincèrementdésolée,M.Evans.J’espèrequevoustrouverezuneautrebanquequipourraaccéderàvotrerequête.
—Puis-jesavoirquiestvotrenouvelassocié?demandé-je,sachantdéjàquipeutsetrouverderrièrececomplot.
—Ouibiensûr.Lui-mêmeasouhaitéquevouslesachiez.Demain,uneannonceofficiellesortiradanslesjournaux.Ils’agitduP.-D.GdechezKyleEntrepriseet…
Jeraccrocheimmédiatement,sansmêmeluilaisserletempsdeterminersafoutuephrase.—Espèced’enfoiré!Kurtdébarrassez-moidecepetitmorveux!hurlé-jeférocementenbalayantde
lamaintoutcequisetrouvesurmonbureau.—Calmez-vous,Victor!lanceKevin.Jenevoisplusriendevantmoi,àpeinelevisagedececonnardquivientunenouvellefoisdecreuser
sapropretombe.—Stop!Nonnnn!s’exclameMelindaentombantàgenoux,levisageentrelesmains.Taisez-vous!
gémit-ellededouleurensecouantnerveusementlatête.— Melinda ? Que se passe-t-il ? panique Kevin en s’accroupissant immédiatement près d’elle.
Apportezdeluidel’eau,Kurt!Ilpartrapidementluichercherunepetitebouteilledanslebardemonbureauetl’apporteàKevinqui
enretirelebouchon.—Tenez,buvezunpeu,Melinda.Elleécarteviolemmentlabouteilledelamain,laquelletombeparterre.—C’estimpossible…,murmure-t-elleenlevantsesyeuxterrorisésversmoi.Jereculeinstinctivement.Maisqueluiarrive-t-il?—Cette porte en bois ?C’est celle de ton bureau, n’est-ce pas ? dit-elle en se relevant, aidée de
Kevin,lequelmelanceunregardglacial.—Dequoimeparles-tu?demandé-je,enfaisantminedenepascomprendre.—Cettenuit-là…Tuétaisenfermédans tonbureauet tuhurlaisaprèsquelqu’un…,hésite-t-elleen
fronçantlessourcils,tentantdesesouvenirdequelquechose.
Kurt s’avance et sort son arme discrètement. Je lui fais signe immédiatement de la tête, pour luiordonnerde la ranger.KevinagrippeMelindadans sesbraspour laprotéger, laquellecontinuedemedévisager,sansprendreconsciencedecequisetramedansmonbureau.
—Oui…voilà,c’estça…Tuasprononcécesmêmesmots-là,reprend-elle,levisageblanccommeneige.Dequiparlais-tu,hein?
Elles’extirpedesbrasdeKevinets’avancelentementversmoienajoutant:— De ce petit morveux…Morveux…De ce petit morveux…, répète-t-elle plusieurs fois comme
choquéeparmesmots.—Jenecomprendsrienàcequeturacontes!—Ques’est-ilpasséderrièrecetteporte?Danstonbureau,aumanoir?!dit-elled’unevoixeffrayée
enposantsamaintremblantesurseslèvres.—Jenesaisabsolumentpasdequoitu…Tout à coup, elle recule précipitamment et traversemon bureau en courant. Elle ouvre la porte et
s’enfuitdanslecouloir,enpleurs.—Kurt,surveillez-la!requiers-jeenguettantlaréactiondeKevin.—Bien,monsieur.Kurtsortdemonbureauenrefermantlaportederrièrelui.Kevin,furieux,s’avanceversmoiensortant
sonarme.—Jevoisquetum’ascachédeschoses?dit-ilenmevisant.Jelèveimmédiatementlesmainsenl’air.—Cen’estpascequetupenses!Baissetonarme,Kevin!luiordonné-je,paniqué.—Ahoui?Ehbien,jet’écoutesalefilsdepute!
-24-
CabinetduDrPhilipsJeudi26juin201410h51
Melinda
J’aiquittélebureaudemonpèrecommeunefurie.JepensequeMarylineadûmeprendrepourunefolle,mais l’état dans lequel jeme trouvais a eu raison demoi. Lesmots demon père continuent derésonnerenéchodansma tête…Petitmorveux… Iln’yaplusaucundoute, ilétaitbienderrièrecetteporteenboisquin’estautrequecelledesonbureauaumanoir…Quemecache-t-il?Etdequiparlait-il?D’Aïden?Jesuissiperdue…
Fortheureusement,noussommesjeudi,jourdemaséancedepsychanalysehebdomadaire.Àprésent,jecomprendsmieuxpourquoimonpèreainsistécematinautéléphonepourmefairevenird’urgenceaubureau.Aïdenaencorefrappé…Lorsquej’aicroiséKevindansl’ascenseur,luinonplusnesavaitpascequi se tramait. Il s’est montré si bienveillant envers moi tout à l’heure. C’est vraiment un hommeformidable.
J’arriveaucabinetaveccettesensationétranged’êtresuiviedepuismondépartdesEntreprisesEvans.Jemonteàl’étageetmedirigerapidementversl’accueil.Jesuisencoreàfleurdepeau,etmesyeuxsontgonflésd’avoirtantpleuré.
—Bonjour!J’airendez-vousavecleDrPhilipsà11h00.Jedoisabsolumentlevoir!—Calmez-vous,MlleEvans.Lemédecinvavousrecevoirdansquelquesminutes.Jepeuxvousoffrir
unverred’eau?mepropose-t-ellegentimentenquittantsonsiègepourmerejoindre.—Non,jeneveuxrien,merci.J’aiseulementbesoindevoirleDrPhilipsdetouteurgence,insisté-je,
affolée.—Melinda!JemeretourneetaperçoisEmmaquiarriveencourant.Ellem’agrippeaussitôtdanssesbras.—J’aifaitaussivitequepossible.Jesuistombéesurunconnard.Uneespècedechauffeurdetaxiàla
conquiadûavoirsonpermisdeconduiredansunepochettesurprise!Commentvas-tu?demande-t-elleenmetâtantlevisageetlesbrascommepourvérifierquejen’airien.
—Jesuisdésoléedet’avoirembêtéeavectoutcela,dis-je,embarrassée.—Tuplaisantes?Jamais,jenet’aurailaisséeseuledansunmomentpareil.Lasecrétaire,rassurée,retournes’assoirennouslaissantseules.J’entraîneimmédiatementmonamieà
l’écartetluichuchotediscrètement:—Ilmefautcedossiermédical.Jesuiscertainequ’unepartiedelavéritésetrouveàl’intérieur.—Etalors?Quecomptes-tufaire?medemande-t-elleenhaussantlesépaules.Jejetteuncoupd’œilàlasecrétaireetluiréponds:—Jevaistenterdedétournerl’attentionduDrPhilips,etenprofiterpourfouillerdedans.—Non,maistuescinglée!?—Chut!dis-jeensecouantlamaindevantellepourlafairetaire.Net’inquiètepas,mêmesituvois
quelquechosed’étrange,d’accord?—D’étrange?—Oui,cen’estpaslapeined’alerterlasécuriténationale,ironisé-jeenlevantlesyeuxauciel.—Trèsdrôle!Ahahah,laisse-moirire!semoque-t-elledemoiencroisantlesbras.—Jepeuxcomptersurtoi?—Cen’estpasunebonneidée,MlleDuSnob.Écoute-moi…Soudainement,laportedubureauduDrPhilipss’ouvre.Ilsouhaiteunebonnejournéeàsonpatientet
m’invite à entrer. Il jette un drôle de regard à Emma, laquelle l’observe étrangement tout en allants’assoirensalled’attente.
—Jet’attendsici,dit-elled’untoninquiet.J’entredanslebureau,suiviedudocteurquirefermederrièrenous.Commeàchaqueséance,ilprend
placesurlecanapéetmoisurlefauteuil.Ilpensequec’estimportantdenepasperturbernoshabitudes,etquecelanouspermetderesterdansunclimatdeconfiance.
—Bonjour,Melinda.Vousme semblez tendue, jeme trompe ? demande-t-il en ouvrant ce fameuxdossiermédical.
—Oui,je…J’aieudesflashscematinetcelam’abeaucoupperturbée.J’aienfinréussiàouvrirlaporteenbois,luiconfié-jeenguettantmondossier.
—Bien,vousavezfaitungrandpasenavant.Jesuisextrêmementfierdevous.Queressentez-vous?—De la peur, de la panique et puis… après avoir pleuré toutes les larmes demon corps, j’étais
heureuse,rassurée…etfièredemoi.—Etvouslepouvez.C’estuneréactiontoutàfaitnormale.Vousallezpasserpardiversesémotions,
etce,chaque foisquevousvoussouviendrezd’un fragmentdevotrepassé.Celavavousbouleverser,maisaussivouspermettredefaireunpasdeplusverslaguérison,m’assure-t-ilenhochantlatêtepourappuyersespropos.
—C’estexactementcequej’airessenti,docteur.—Souhaitez-vousquel’onparledecequevousavezvu?J’acquiesceetbaisselégèrementlatêteversmesdoigtsquis’entortillentdéjàentreeux.— Melinda, nous ne sommes pas obligés d’en discuter aujourd’hui. Nous pouvons, si vous le
souhaitez,reprendrenotreconversationausujetdevossentimentsàl’égarddeKevin?mepropose-t-ilgentiment,sentantdéjàmonmalaise.
—Rienn’avraimentchangéentrenous,dumoinsévolué.Jeresteincapabledecéderàsesavances,aussihonnêtessoient-elles…Jerêvetoujoursdecettevoixdouceetrassurante…D’autresfois,c’estlevisage d’Aïden qui m’apparaît… Je suis si perdue, lui confié-je, désespérée, en relevant mes yeuxmalheureuxverslui.
Tout à coup, je remarque que la carafe d’eau sur son bureau est vide. Il suit mon regard et medemandegentiment:
—Souhaitez-vousunverred’eau?—Saisiscettechance!mehurlemaconscience.—Ohoui,jevousenseraireconnaissante,merci.Toutescesémotionsm’ontdonnéesoifetunverre
d’eaubienfraismeferaitleplusgrandbien,affirmé-je,enguettantmondossierqu’ilposesurlatablebasse.
—Jerevienstoutdesuite.Le Dr Philips se lève et sort de son bureau en refermant la porte derrière lui. Je me lève
immédiatement et ouvre le dossier où apparaissent ses notes. Je le feuillette rapidement en tentant detrouverdesindicesoudesinformationsconcernantmonaccidentdevoiture.Lorsquesoudain,jetombesurunecopiedemesrésultatsbiologiqueseffectuésàl’hôpitaldeVashonIsland.
«Hémorragiesévère:Besoind’unetransfusionsanguined’urgence…IncompatibilitéavecledonneurVictorEvans»
«RésultatsdutestADNdepaternité:LepèreprésuméVictorEvansestexclud’être
lepèrebiologiquedelapatienteMelindaEvans.»
—Oh,monDieu!C’estdonccelaquel’onmecache?murmuré-je,lesyeuxrivéssurledocument.Je le savais, je l’ai toujourssuetaujourd’hui, j’enaienfin lapreuve.Noussommesbeaucoup trop
différentsetcettecolèrequ’ilalimenteenversmoin’estpasdignedecelled’unparentenverssonenfant.Victorn’estpasmonvraipère…Leslarmesauxyeux,jecontinueàconsultertouteslesinformationsententantdegardermoncalme.Puisjefinispartombersurundocumentprovenantdel’hôpitaldeVashonIsland.C’estuncourrieradresséauDrPhilips,datantd’ilyaquinzejours.Pourquoin’ont-ilspasalors
réponduaumien?
«LeDrParkeraétélicenciédenotrehôpitaletradiédel’ordredesmédecinsdepuisplusdeuxans.»
Maisques’est-ilpassé?Jedescendsplusbaspourtrouverlaraisondesonlicenciementetsurtoutlemotifdesaradiation.C’estlà!
«Nousavonsdécouvertqu’iladministraitdestraitementsàsespatientsquin’étaientpasjustifiés.Beaucoupsesontretrouvésdépendantsdecertainsmédicamentsetontdûsuivreunedésintoxication.
Leplusterrible,estquelapatienteenquestion«MelindaEvans»asuiviuntraitementquinecorrespondaitabsolumentpasàsapathologie.Iln’étaitpasadaptédanssoncas,etn’auraitjamais
pul’aiderdanssapossibleguérison.»
Je savais que ce traitement n’était pas fait pour moi ! Pourtant, mon père m’avait fortementrecommandéleDrParker…Ohnon!Ehmerde!Était-ildemècheaveclui?Etpourquellesraisons?
Tout à coup, j’entends leDr Philips remercier sa secrétaire et s’approcher de la porte. Je refermeaussitôtledossierenlereplaçantcommeilétait,puisretournem’assoirsurmonfauteuil.Jesècheauplusviteleslarmesquiperlentaucoindemesyeux,afinqu’ilneremarquerien.Ilentreetmerejointavecungrandverred’eau.
—Voilà,pourvous,dit-ilenmeletendant.—Merci.J’attrape le verre et le porte à mes lèvres. Le Dr Philips s’installe sur le canapé et jette un œil
suspicieux vers le dossier qu’il amalencontreusement abandonné sur la table basse. Il aurait fallu yréfléchiravant,docteur!Puissonregards’attardesurmoi.Jeboisdoucement,tentanttantbienquemald’avoirl’airnaturel.
—Merci, jeme sens déjà beaucoupmieux, dis-je en posant le verre sur la table basse tout en luisouriant.
—Jevousenprie.Unmalaises’estclairementinstallédanslebureau,etjesaisexactementàquoiilpense.Sonregard
inquisiteurnecessedesonder lemienetmemetfranchementmalà l’aise.J’ai l’impressiond’étoufferdans cette pièce. Ce que je viens de découvrir pourrait bien tout changer.Victor n’est donc pasmonpère…Mamèreétaitbienentenduaucourant,maissavait-elleégalementqueleDrParkermedroguait?Jemesenstrahieettrompéeparmaproprefamille…
Jemelèvedoucementetcontournelefauteuil.—Veuillezm’excuser,maiscettejournéeaétééprouvante.Peut-onreprendrelaséancelaprochaine
fois,s’ilvousplaît?Àdirevrai, jenemesenspascapabledediscuteraujourd’hui,déclaré-jeenme
mordillantlalèvre.Faitesqu’ilmecroit…—Bien entendu,Melinda.Nous nous revoyons jeudi prochain à lamême heure, accepte-t-il en se
levant.Sitoutefois,vousaviezbesoindemevoiravant,n’hésitezpasàjoindremasecrétaire.—C’estpromis,docteur.Ilmeraccompagnejusqu’àlaporte,etmesouhaiteunebonnejournéetoutenmeserrantlamain.Je
traverse rapidement la salled’attenteen faisant signeàEmmademesuivre, cequ’elle s’empressedefaire.
Nousdévalonsrapidementlesescaliersetrejoignonsmavoiture.—Qu’as-tudécouvert?demande-t-elleenouvrantsaportière.—Tuveuxvraimentlesavoir?J’ouvrelamienneetmontedanslavoiture.Emmas’assoitrapidementetpassesaceinturedesécurité.
J’en fais demême en regardant dansmon rétroviseur.Cette boule d’angoisse nichée au creux demonventreetcettesensationd’êtresuivienemequittentplus.
—Alors?demandeEmma.— Je ne suis pas uneEvans… Je ne suis pas la fille deVictor, lui annoncé-je en démarrant et en
m’engouffrantdanslacirculation.—Waouh…—Etcen’estpastout…Tutesouviensquejet’aiparléduDrParker?Lemédecindel’hôpitalde
VashonIsland?—Oui,et?—Il a été radiéde l’ordredesmédecins. J’ai enfin lapreuvequ’ilmedroguait intentionnellement
pendant desmois.Maismon petit doigtme dit quemon… queVictor n’est pas tout blanc dans cetteaffaire,conclus-jeenhochantlatête.
Emmafouillerapidementdanssonsacàmainetensortsonportable.—Quefais-tu?—J’envoieuntextoàmaresponsable.—Non,jeneveuxpasquetuaiesdessoucisavectontravail,Emma.Onvadéjeuneretensuitejete
ramènechezKyleEntreprise,dis-jeenregardantdansmonrétroviseur.J’aivraimentl’impressionquequelqu’unnoussuitdepuisnotredépartducabinet.—Certainementpas!objecte-t-elleencontinuantdepianotersursontéléphone.—Non,ilenesthorsdequestion!insisté-jeentournantàdroiteafindevérifiersiunevoiturevame
suivre.Une berline noire qui ressemble à celle qui avait tenté de me renverser, tourne rapidement et se
rapprochedenous.Ehmerde!—Ne t’inquiète pas,Mlle Du Snob. J’ai des contacts chez Kyle Entreprise qui me permettent de
prendrecertaineslibertés,ricane-t-ellecommeunegamine.—Jevoisqueleschosesévoluententrevous?remarqué-jeensurveillantmonrétroviseur.—Absolumentpas,maislechantagesexuelfonctionnetrèsbienavecsoncerveausadique.Etjenete
parlepasdeceluiquisetrouveenhaut,hein?dit-elleenéclatantderire.Jesuisdamnéeaveccettefille!—Qu’est-cequeturegardescommeçadepuistoutàl’heure?demande-t-elleensetournant.Jedéglutispéniblementenm’arrêtantaufeurouge.Jemeretourneafindetenterdevoirquisetrouve
auvolant.—Ohputain!m’exclamé-jeendévisageantEmmaquiécarquillelesyeux.—Quoi?demande-t-elleenproieàlapanique.—C’estl’hommeàlacasquette.Celuidelaberlinenoirequiatentédemerenverserlemoisdernier!—Tuenessûre?!demande-t-elleenscrutantlevéhicule.—Oui,Emma!Putain,ilnoussuitdepuisnotredépartducabinet!Ehmerde!Jefaisquoimaintenant
?paniqué-jeenvoyantlefeupasséauvert.—Rouletranquillement,etfaiscommesitunel’avaispasremarqué,d’accord?KyleEntreprisese
trouveàtroisminutesenvoiture!—Horsdequestiond’yretourner!refusé-jeobstinémentenm’avançantavecrapidité.Jebifurqueàgaucheenfaisantcouinermespneusetm’engagerapidementàtraverslacirculation.La
berlinecontinuedemesuivreetserapprocherapidement.—Melinda!Rouleroule!ordonneEmmad’unevoixaffoléeensedandinantsursonsiège.—Arrêtedebougercommeça!Tumestressesencoreplus!—Jenepeuxpasm’enempêcher,c’estnerveux!Putain,plusvite!Maisdépêche-toi!—Etjefaisquoiàtonavislà?!Ahhhhh!J’esquivedejustesseunemotoquiserabatsansprévenirdevantnous.—Mêmemagrand-mèreconduitmieuxquetoi!—Trèsdrôle!JemefaufileentrelesvoituresenroulantcommeunemaladeàtraverslesruesdeSeattle.—Faisgaffe!Uncamionfreinedevantnous!Ralentiiiiiis!—Certainementpas!J’accélèrepiedauplancherafindepasserdevantletaxiquisetrouvedansmonanglemort.Yes! Je
passe avec justesse sur la gauche et parviens à semer la berline, qui reste bloquée par le camion demarchandises.Unemontéed’adrénalinemesubmerge,mêléeàlapeur.Jetrembledetoutmonêtre,maisjem’interdisd’ypenserpourlemoment.Ilfautabsolumentquejenoussortedelà.
—Tourneàdroite,justelà!meconseilleEmmaenpointantsondoigt.—Jet’aiditquejeneveuxpasyaller!rouspété-je,entêtée.Inopinément,Emmaattrapemonvolantet le tournesèchementafind’emprunterunepetite ruellequi
mènetoutdroitauxparkingsdechezKyleEntreprise.—Ahhhhhhhhhhhhh !Non,mais tu es complètement timbrée ! hurlé-je en essayant de reprendre le
contrôledemavoiturequicontinueàchassersurlecôté.Je tente de freiner tant bien que mal, mais ma voiture vient terminer sa course contre des sacs-
poubelle.—Est-cequeçava,Emma?Riendecassé?demandé-je,lesyeuxfermés,enm’agrippantauvolant
commeàunebouéedesauvetage.—Ouais,je…Cen’étaitpasunesuperidée,hein?Jemetourneverselleengrimaçant.Elleadesyeuxrondscommedesbillesetregardedroitdevant
elle.—Tuessûrequeçava?insisté-je,inquièteenposantmamainsurlasienne.—Ouais, j’ai connu des joursmeilleurs,Mlle Du Snob, souffle-t-elle enme souriant exagérément.
Rappelle-moideneplusjamaistelaisserconduire.Cettefillevafinirparmerendrechèvre!Soudain,levrombissementd’unmoteurnousfaitsursauter.Nousnousretournonsettombonsnezànez
avecl’hommeàlacasquette,camoufléderrièreseslunettesdesoleil.Jevisualiseenfinetreconnaislelogo sur celle-ci…C’est un aigle blanc. Le sigle officiel des Seahawksde l’équipe de football deSeattle!
—Dégagedelà!crieEmmaenfrappantsurletableaudebord.—Ehmerde!Jefaisunepetitemarchearrièreetm’engouffredanslaruelleàviveallure,poursuivieparlaberline
qui continue à nous coller au train. Son pare-chocs frappe violemment le nôtre et nous pousse versl’avant.
—Ohputain!Lesparkingssontjusteenface!Dépêche-toi!—Mais c’est une avenue là-bas ! Je fais comment pour passer sans encastrer d’autres bagnoles ?
demandé-jepaniquéeenaccélérantencorepourtenterdelasemer.—Jen’ensaisrien!Maisc’estmieuxquederesterici,prisesaupièged’unmalademental!Jevoisapparaîtrel’entréeduparkingprivéettraverselarouteenmanquantdeprèsunevoiture.La
berlinefreinebruyamment,bloquéeparunautocardetouristes.—Nonnnn!Etmaintenantlacarteduparking?!—Fonce!Ons’enfout!J’exploselabarrièreetpénètreenfindanslessous-solsdelatourdeverre.Jetraverseleparkinget
megarediscrètementaufonddecelui-ci,àl’abridesregards.—Ohlavache…,bégaieEmma.J’ailecœurquitambourinecommeunmalade,etlesoufflecourt.Mesjambestremblentetjen’arrive
pas encore à réaliser ce qui vient de se produire. Subitement, les lumières d’un véhicule s’allument
derrièrenous.—Ohputain!hurlé-jed’effroienmeretournant.Quelqu’unsortet s’approche lentementenpointantunearmedansnotredirection. Jen’arrivepasà
visualisersonvisage,quiestmasquéparlalumièredesfeux.Jefermelesyeuxenplongeantmonvisageentrelesmains.Emmam’entoureaussitôtdesesbras,satêtenichéeaucreuxdemoncou.
J’entends ses pas résonner dans le parking et s’approcher de nous. Puis, tout à coup, un bruitmétalliquefrappesurmavitreetnousfaitsursauterdepeur.
—MlleEvans?Emma?Jeconnaiscettevoix?!JemeredressedoucementetlèvedesyeuxapeurésversDonovan,legorilled’Aïden.Iljetteunœil
auxsiègesarrière,rangesonarmeetouvremaportière.Jesorsentitubant,unemainposéesurmatête.—Est-cequetoutvabien,mesdemoiselles?—Jevaisbien,Donovan,lerassureEmmaquinousrejoint.Ettoi,Melinda?J’ailatêtequitourne,etmesjambestremblenttellementquejemanquedetomberausol.Donovanme
rattrapeaussitôtdanssesbrasafinquejenem’écroulepas.—J’aisimplementlatêtequitourneet…malàl’estomac,dis-je,enposantmamainsurleventre.J’ailanauséequimemonteàlagorgeettoutdevientflouautourdemoi.—Melinda!JetournelégèrementlatêteetaperçoisAïdenquicourtversnous,levisagetendu,suiviparBenetson
équipedesécurité.Lorsquejecroisesonregardtroublant,moncœurmanqueunbattement.Ensera-t-iltoujours ainsi ? Cette emprise enivrante qu’il a surmoi et surmes hormones traitresses. Il remercieDonovanetmeprendaussitôtdanssesbrasenm’allongeantdélicatementsurlesol.
—Est-cequetuvasbien,monange?Dis-moiquelquechose?Jet’ensupplie!—Tuasunedrôledetête…—Quoi?—Oui,tuasplusieursyeuxettonnezesténorme…Ilbouge,dis-jeenmemoquantdelui.Jeposelamainsursonvisageetluisouris.—Tuessûrequeçava?insiste-t-ilenhaussantunsourcilcurieux.—Ouais,j’aijustelatêtequitourne…Tunem’asjamaisrappelée,mêmepasuntexto.—Tunel’aspasfaitnonplus,mesignale-t-ilenriant.—Tun’esqu’unconnardarrogantettrèssexydanscettechemise…verte?C’estunedrôledecouleur
ça?—Elleestbleu,Melinda.Tuvasdevoiralleràl’hôpitalavantquetun’oubliesaussilescouleurs,se
moque-t-il,àsontourdemoi,enposantunbaiserpleindetendressesurmonfront.—Alorsça,c’esttrèspetit,M.Kyle,luifais-jeremarquerenlevantledoigtetlesecouantdevantson
nez.
Soudain,mavisionsetroubleetjerenverselatêtesurlecôté,necontrôlantplusmonproprecorps...Jesuissifatiguée,silassedemebattre…
—Melinda?!Jefermedoucementlesyeux.C’estlenéant,lenoirtotal.
15h05
Je soulève lentement mes paupières et son visage se dessine doucement devant mes yeuxensommeillés.Ilesttellementbeau…
—Melinda?—Quiêtes-vous?demandé-jeenbattantdescils.Envahiparlapeur,ilagrippeinstantanémentmonvisageencoupeensondantmonregard.—Non?Nemedispasquetunetesouviensplusdemoi?JeréprimeunsourireamuséetAïdenlèveaussitôtunsourcilcurieuxenreculantlégèrementlatête.—Jetefaismarcher,dis-jeenrianttoutenposantmesmainssurlessiennes.—Nemerefaisplusjamaisça!megronde-t-ild’unevoixsévère.—Oh,jesuisdésolée,memoqué-jegentimentdelui.Aïdenapprochesonvisageenguettantmeslèvres.—J’aieusipeur,terriblementpeurqu’iltesoitencorearrivéquelquechosedegrave.Il colle son front aumien en plongeant ses yeux amoureux au tréfonds demon être. Le voilà, une
nouvellefois,àtenterdelireenmoi.Lorsquejesuisdanssesbras,jesuisunvéritablelivreouvert…—Aïden,jevaisbien,d’accord?lerassuré-jeenregardanttoutautourdemoi.—Tuesàl’hôpital.Onattendencoretesrésultatspourrentreràlamaison.—Àlamaison?—Oui,dèsquetusortirasd’ici,jeteramèneraiàForever.Nousavonsunelonguediscussionquinous
attend.—Ahoui?Etausujetdequoi?Vuquetunesouhaitesrépondreàaucunedemesquestions?dis-je
d’untonlas,enremettantcesujetépineuxsurletapis.—Jerépondraiàtoutestesquestions,c’estpromis.Maispourlemoment,tudoistereposeret…Sans lui laisser le temps de terminer sa phrase, je l’embrasse immédiatement en glissantmes bras
autourdesoncou.Jesenssonsourirenaîtresurmeslèvres.Ils’allongedoucementprèsdemoipourmeserrercontrelui.Jesuisenvahieparunedoucechaleurquisubmergemoncorpsetquiselogejuste-là.Puis des images apparaissent lentement dans ma tête, comme des petits fragments qui viendraientreprendre place dansmamémoire. Je ferme les yeuxpourme laisser envahir par ce passé, à qui j’aidécidéd’ouvrirlesportes…
«Ilm’étreinttendrementcontresoncorpsnu.Noussommessurlaplage…Lesoleilsecouchesurl’horizon…J’entendslesmouettescrierdanslecielbleuetlabrisemarineglissertendrementsurnospeauxluisantesdesueur…Ilm’embrassefougueusementetsonsoufflechaudquicaressemeslèvres,
meconsumeentièrement…J’ailecorpsenfusionetl’enviequej’aidemeperdreavecluiestinsupportableàmaîtriser.Ilprendmonvisageencoupeetseglisseenmoienintensifiantsonbaiser.
PuisAïdenmeregardedroitdanslesyeuxet…»
—Aïden?!Je sursaute dans ses bras en cherchant dans son regard, perdue devant tout ce flot d’images et
d’émotions.—Quesepasse-t-il?— J’ai encore eu ce flash…Depuis des semaines, tu apparais dansmes rêves, comme cette voix
rassurantequihantemesnuits…—J’ensuistouché,dit-ilenm’adressantunclind’œiltaquin.—Netefichepasdemoi!Nousétionssurlaplageet…—Et?—Nousfaisions…l’amour,avoué-jeenm’empourprant.— Peut-être devrais-je te rafraîchir la mémoire alors ? lâche-t-il en écrasant ses lèvres sur les
miennes.
«Melinda…Melinda,jet’aimetellement…»
Àprésent,c’estautourdecettevoixderésonnerdansmatête…PlusAïdenm’embrasseenmeserrantfortementcontrelui,pluselledevientdistincte…C’estterrifiant!Maisquiest-ceàlafin?!
«Monangetombéduciel…Melinda,reviens-moi…Jet’ensupplie…»
J’interrompsnotrebaiserenreculantmonvisageaveccettevoixquicontinuedansmatête,puisquis’éteinttoutdoucement.
— Mon ange…, chuchoté-je, en soulevant lentement les paupières. C’est la deuxième fois quej’entendscettevoixm’appelercommetulefaisavecmoi…
—Oh,Melinda…—Maisquies-tu,Aïden?Jet’ensupplie,dis-le-moi?—Monange,nevois-tudoncrien?C’estpourtantsiévident.Onfrappeàlaporte.Unefemmeenblouseblancheentre,undossieràlamain.—Bonjour,MlleEvans.JesuisleDrReese,dit-elleennousrejoignant.Jeviensd’avoirvosrésultats.
—Est-cequetoutvabien,docteur?demandeAïdenprécipitammentenseredressant.—Vousallezdevoirsortir,M.Kyle.—Comment?!s’offusque-t-il.—Jesuistenueausecretmédical,doncsivotre…Simapatientesouhaiteenparleravecvousaprès
notreentrevue,etbienjen’yvoisaucuneobjection.Maispour lemoment, jedoism’entretenirseuleàseuleavecelle,luirépond-elled’untonferme.
Aïdenplongesonregardinquietdanslemien,puismedéposeunbaisersurlefront.—Jereviensaprès,d’accord?Jenesuispasloin.—Pourquoiai-jelasoudaineimpressionquetunem’espasétranger?—Peut-êtreparcequenousnousconnaissons?Arrêtedetetorturerl’esprit.Nousavonstoutletemps
d’endiscuteraprès.—Merci,d’avoirétélà,àmonréveil.Jen’auraipassupportédemeretrouverunenouvellefoisseule
etabandonnéesurunlitd’hôpital…,soufflé-jeencaressanttendrementsonvisage.—Jamais,jenet’abandonnerai.Jet’enfaislapromesse.Ilselève,hochelatêteendirectiondudocteur,puissortdelachambreenrefermantlaportederrière
lui.—Bien,MlleEvans.J’aivosrésultatsetnousdevonsendiscuter,commenceleDrReesed’untonqui
mesembleinquiétant.—Quesepasse-t-il,docteur?
«Toutchoixreprésentaitundanger:dèslorsqu'onavaitchoisi,ilfallait
renonceràtouteslesautrespossibilités.»
J.K.ROWLINGSource:Uneplaceàprendre-2012
-25-
LisaGerrard-NowWeAreFree
HôpitaldeSeattleJeudi26juin201415h17
Aïden
Jesorsdelachambre,etrefermelaportedoucementderrièremoienm’adossantàelle.Lasituationm’échappe... J’ai tellement peur pour elle, et la voir allongée sur ce lit d’hôpital me rappelledouloureusementsonaccidentdevoiture.Sijecontinue,jevaisfinirparlaperdre.Voilàpourquoijesuisrestééloignéd’ellependanttoutescesannées.Samèreetmoisavionspertinemmentqu’ilreviendraitàlachargesijem’enapprochais.Deuxchoixs’imposentencoreàmoi,toutcommeilyatroisans…Soit,jemetsuntermeàmavengeanceetjesauvemoncouple,enm’occupantalorsdeMelindacommej’auraidûlefaire,afinquenouspuissionsreprendrenotrerouteensemble.Soit,jepoursuiscettevengeancequim’aveugle,aurisquedelaperdredefaçonirréversible,cettefois.
—Putain!Quedois-jefaire?!murmuré-jeenglissantmesmainsdansmescheveux.Je m’interdis de la revoir sur un lit d’hôpital. Jamais plus, je ne veux voir son visage apeuré et
décomposé par la douleur…Cette nuit-là, l’orage s’abattait avec violence sur l’île et il tombait descordes…Etpuiscefutledrame,unrêvequipritfin…
Troisansplustôt…
—Melinda!Nebougepas,jet’ensupplie!Jevienstechercher!hurlé-jeencontournantrapidementlavoiture.
La berline s’est encastrée avec une telle violence dans l’arbre que je n’arrive pas à ouvrir les
portières.Melindapleureenposantsesmainstremblantessurlavitrefissurée,certainementdûauchoccontresatête.Sonvisageestcouvertdesang,etj’yremarqueimmédiatementsavilaineblessure.
—Aïden,j’aisipeur…OhmonDieu?!crie-t-ellecomplètementpaniquée.—Monange,regarde-moi!Putain,Melinda,regarde-moi!Elleplongesonregardaffolédanslemienencontinuantdepleurer.—Jevaistesortirdelà,tum’entends?Jetiresurlapoignée,maisenvain.Soudain,le4x4s’avanceetBensortenmerejoignantavecson
fusild’assaut.—Poussez-vous,M.Kyle.Madame,protégez-vousavecvotrerobe!—Quoi?Non?!Jenepeuxpas,c’estmarobedemariée…Jamais!proteste-t-elleenétatdechoc.Je
dois rentrer au manoir et la mettre dans sa housse. Hein, mon amour ? Nous allons être si heureuxensemble,medit-elleentremblant.
Benmedévisageetnouscomprenonstouslesdeuxqueletraumatismeàlatêteestbienpirequ’iln’yparaît.
—Baissez-vous!luiordonne-t-il.Melindaclignedespaupières,apeurée.—Maintenant!Ellerelèveimmédiatementsarobesursonvisageententantdes’éloignerdelaportière.Benporteun
coup sec à la vitre, qui explose violemment sous l’impact. Il retire rapidement sa veste et dégage lesboutsdeverrequirestent.
—Melinda!Donne-moitamain!luidis-jeenluitendantlamienne.Elle s’extirpedifficilementvers l’extérieur,et je l’agrippeaussitôtdansmesbraspour l’aideràen
sortir.—Voilà,toutvabien,monange.Tuessaineetsauve,larassuré-jeenl’allongeantsurlesoltoutenla
tenantcontremoi.—J’aisimal,Aïden,gémit-ellededouleurenglissantsamainjusqu’àsonventre.Ehmerde!—Nonnnnn!Maisqu’est-cequejeviensdefaire!hurlé-je,terrorisé,enregardantverslecieloùla
pluiecontinuedetomber.Jamais,jen’aivoululuifairedumal!Toutàcoup,Melindasemetà tousserpéniblement, labouchepleinedesang. J’écarquille lesyeux
devantcetableauhorrifiantetlarelèveimmédiatementenlaportantdansmesbras.—Parici,M.Kyle,mefaitsigneBenenm’ouvrantlaportièredu4x4.J’allongemafemmesurlessiègesarrièreetlarejoinsenposantsatêtedélicatementsurmesjambes.
Bendémarreaussitôtenprenantladirectiondel’hôpital.Ilattrapesontéléphoneetlesprévientdudramequivientdeseproduire.
—Dis-moiquenousallonsencoreêtreheureux?medemandeMelinda.
Savoixfaiblem’arracheunfrissondepanique.—Jetelepromets…Calme-toi,nousseronsbientôtarrivés,monange,luisoufflé-je,lesyeuxnoyés
delarmes.Ben!Dépêchez-vous!luiordonné-je,d’unevoixsaccadéeparlapeur,toutencaressantlescheveuxdemafemme.
—PourquoiAïden?souffle-t-elledifficilementenplongeantsonregardmalheureuxdanslemien.—Je suisdésolé…Tellementdésolé…Tun’aurais jamaisdûmonterdanscettevoiture…Jem’en
veuxterriblement,situsavais…,luiconfié-jeenpleurant.— Jusqu’à ce que la mort nous sépare, Forever…Mais, s’il m’arrive quelque chose, tu dois me
promettredecontinueràgarderespoir…Nelaissepaslacolèreobscurcirtoncœur…—Commentlepourrai-je,sanstoi…Tuestoutcequ’ilmerestedanscebasmonde.—Noussommesarrivés!prévientBen,entournantbrusquementàdroite.Ilsegaredevantl’entréedesurgencesetquitteprécipitammentlavoiture.Ilm’aideàsortirMelinda,
laquelle commence déjà à tourner de l’œil. Je la soulève en la prenant dans mes bras, et la portejusqu’auxportesautomatiques.
—Ausecours!Jevousensupplie!C’estmafemme!J’entre dans le hall des urgences et un médecin arrive immédiatement en poussant un brancard,
accompagnéd’uneinfirmière.—Bonsoir.JesuisleDrParkeretvoicil’infirmièreCatherine.IlprendlesconstantesdeMelindaetexaminesespupillesàl’aided’unepetitelampetorche.—MadameKyle,vousm’entendez? Je suis leDrParker et jevaisvous emmener toutde suite au
bloc.Sansprêterlamoindreattentionaumédecin,elletournesonvisageangéliqueverslemien.— Forever, Aïden…, murmure-t-elle en me souriant, puis elle ferme ses magnifiques yeux aux
couleursdel’océan.—Melinda?Melindaaaaaaaaa!?l’appelé-jeenprenantsonvisageentremesmainsensanglantées.Soudain,ellerenverselatêteenarrière,prisedeconvulsionsviolentes.Benm’attrapeparlebrasen
medemandantdereculer.—Allez !On l’emmène,on l’emmène !ordonne lemédecinenpoussantaussitôt lebrancard, et en
disparaissantderrièrelesportesbattantes.—Melindaaaaaaaaa!
Denosjours…
Jesecouenerveusementlatêtepoureneffacerlesimagesdecettenuittragique.Maisellesnecessent
demehanter,merappelantcombienmavengeanceadéjàeudesconséquencesterriblessurnosvies.—C’estterminé!J’abandonne!dis-jed’untondéterminéenm’avançantverslescloisonsvitréesde
sachambre.Melindam’aperçoitetmesourittendrementtoutenécoutantlemédecin.Jeluienvoieundouxbaiser
de lamainen lui adressantunclind’œil complice.LeDrReese se tourneversmoi et secoue la tête,amusée.Oui,madécisionestprise:c’esttoiquejechoisis…Nousavonstantperdu.Ilestgrandtempsquejemetteuntermeàmavengeance…etquejeluiavoue
quijesuisréellement.S’illuiarrivaitmalheur,jamaisjenepourraismelepardonner.Jemedoisd’êtreàsescôtés.Êtredanssavie,pouvoirmeréveillerchaquematindanssesbras,apaisersessouffrances,sestristesses,etreprendrelà,oùtouts’estarrêté.Siellemepardonne,jeprometsd’abandonnertoutecetteguerre.MaisVictornouslaissera-t-ilenfinenpaix?Vais-jedevoirsignerunpacteaveclediableafindetrouverlebonheur?Àquellourdchantagevais-jeunenouvellefois,devoirfaireface?
—Mon ange ?Dès que tu sortiras d’ici, je t’avouerai toute la vérité, aussi difficile soit-elle àentendre,pensé-jeenluisourianttendrement.
JerejoinsWilliametEmmaquisontdanslasalled’attente.BenetDonovansontégalementassisprèsd’eux. Ilsse lèvent tous immédiatement lorsqu’ilsmevoientarriver.Emmacourtversmoietseblottitdansmesbras.
—Aïden,dis-moiqu’ellevabien,jet’ensupplie?!sanglote-t-elle.—Elles’estréveilléeetsesouvientdemoi,larassuré-jeencaressantsescheveux.—Non?!s’émerveille-t-elleenlevantsonvisagelumineuxversmoi.—Oui,enfinellesesouvientdeM.Kyle,cepatronarroganttoutàfaitdétestable,corrigé-jeenriant.—Tun’esqu’unidiot!lance-t-elleenmerelâchantetmetapantsurlebras.—Maisoh!C’estunehabitudechezvousdetapersurlesmecs?rouspété-jeenfrottantmapeau.— Je t’avais prévenu que je te ferais bouffer tes couilles, s’il lui arrivait quelque chose ! Donc
estime-toi heureux que je ne te les arrache pas ! balance-t-elle devant tout le monde, sans aucunevergogne.
Williaméclatederire,maisàmonregardnoir,illèvelesmainsensignedereddition.—Quandest-cequ’ellepourrasortird’ici?demandeEmmaenpassantsonbrassouslemien.—Bientôt,jepense.LeDrReesen’apasvouluendiscuterdevantmoi,luiconfié-jeenrejoignantles
autres.—Heureuxquevotrefemmen’aitrien,M.Kyle,meditBend’unevoixrassurée,cequimetouche.—Merci.J’observetoutlemondeendéglutissantpéniblement.Jen’aipluslechoixetjedoism’ytenir…—J’aiquelquechoseàvousdireetjevousannoncedèsmaintenantquejenereviendraipassurma
décision.
Toutlemondeseregarde,sanscomprendre.Emmaresserresonbrasautourdumienenlevantdesyeuxcurieuxversmoi.
—Quesepasse-t-il,Aïden?—Aujourd’hui,lorsqueMelindaesttombéeinconscientedansmesbras,jevouslaisseimaginerles
violentesimagesquim’onttraversél’esprit,commencé-jetoutenguettantleursréactions.Jamais,jenemelepardonneraiss’illuiarrivaitquelquechose…
—Oùveux-tuenvenir,mec?demandeWilliam,préoccupé.—Nemeditespasque…?ajouteBen,sansoserterminersaphrase.—Jesuiscertainquemesparentsauraientapprouvémadécision.Jadis,j’avaispromisàmamèrede
toujoursveillersurmafamille,etc’estcequej’aichoisidefaire,aujourd’hui.Mêmesinousn’auronsplusjamaislachancede…
—Nousseronstoujourslà,meconsoleEmmaencaressanttendrementmonbras.Williams’avanceversmoienplongeantsesyeuxdéçusdanslesmiens.—Tunepeuxpasfaireça?As-tupenséàtoutescesviesbrisées?Àtesdéfuntsparents,àquinous
voulonsrendrejustice?medemande-t-ilenjetantunregardaffoléàBenquigrimace,sanspourautants’immiscerdansnotreconversation.
— Justement, William. Combien de vies devront encore être sacrifiées ? Combien de malheursdevrontencores’abattresurnous?Jeneveuxpaslaperdre,plusjamais.
—Maisellenesesouvientpasdetoi,mec?merappelle-t-ilfroidement,telunpoignardquiseplantedansmoncœur.
—Certes,maisellesesouvientdel’hommequejesuisaujourd’hui…Combiendepersonnesontlachancedevoirl’amourdeleurvieretomberinlassablementamoureuxd’eux?Etce,malgréletempsquipasse,etl’oublipoursapart…Oui,jesuisprêtàprendrelerisquedeluiavouertoutelavérité.
Toutlemondem’al’aircomplètementstupéfaitparmadécision,maisjenereviendraipasdessus…Emma,enlarmes,posesamainsurmonvisageetmedit:—Jesuissifièredetoi…C’estlaplusbellepreuved’amourquetupuissesluifaire…—Mais?Ilyaunmais,n’est-cepas?Elleacquiesceenmesouriantetrépond:—Mais réussiras-tu à vivre sans venger les tiens ?Victor va continuer en liberté, etMelinda aux
EntreprisesEvans.Commentlevivras-tu?—Jel’emmènerailoind’ici…Assezpourl’éloignerdeluietdesescombines!pesté-jeenserrant
lespoings.—Tunepourraspas,Aïden,dit-elleensecouantdoucementlatête.Tunelepourrasjamais…Ettu
saisparfaitementpourquoi.—Ellea raison,mec.Melindanepartira jamais,encoremoinssielledécouvre lavérité,confirme
William.Prendsletempsd’yréfléchir,tuveux?demande-t-ilenposantunemaincompatissantesurmon
épaule.—Jedois retourner lavoir.Rentrezchezvousàprésent,d’accord? Jevous tiensaucourant, leur
conseillé-jeimpatientd’allerlarejoindre.—Jenevous lâchepasd’unesemelle,objecteaussitôtBenencroisant lesbras,pourmarquerson
refuscatégorique.JeluisourisetrejoinslachambredeMelinda.Jejetteunœilàl’intérieur,àtraverslacloison,afinde
m’assurerqu’elleestenfinseule.Jesuisterriblementinquietpourelle,etj’aibesoindesavoirsiellevabien.
—Ehmerde?!Oùest-elle?m’écrié-je,affolé,enouvrantlaporteavecfracascontrelemur.J’entredans lachambreet remarqueque son sacn’estplus là,nimême lesclésdemavoitureque
j’avaislaisséessurlebureau.Benaccourtimmédiatementenjetantunregardcirculaireàlapièce.—Maisques’est-ilpassé?demande-t-ilenouvrantlafenêtreafindejeterunœildehors.—Aucuneidée?Ellen’étaitdéjàpluslà,lorsquejesuisarrivé,luiréponds-jed’unevoixsaccadée
parlapeurentournantenrond.—Nousavonsunproblèmeetpasdesmoindres!—OùsetrouveVictor?!Ellerisqueàtoutmomentdetombersoussesgriffes!paniqué-je.—Ilesttoujoursàsonbureau,M.Kyle.—Attendez,uneminute?!Elleaprisl’AudiA8,donc…—Nousallonspouvoirlalocaliser!déduitBenimmédiatementenattrapantsontéléphone.Salut,j’ai
besoinquevouslocalisiezlalimousine…Maisquellebandedenazes!Sijevousledemande,c’estquejenesuispasauvolantdecetteputaindebagnole!braille-t-ilsévèrementaprèssonéquipe.Quoi?!Vousenêtescertain?
Benmelanceunregardangoissé,etraccrochesansajouterquoiquecesoit.—Oùest-elle?—ElleretourneàVashonIsland…—Chezsesparents?—Jecrainsquenon,M.Kyle…LeGPSindiquequ’ellesedirigeversl’hôpital…—Jevaismelafaire!Cettefois,ellevam’entendre!
-26-
Evanescence-MyHeartIsBroken
VashonIslandJeudi26juin201421h35
Melinda
Voilàoùm’amenéemafuite:àVashonIsland.Cesdernièresheuresontétééprouvantesetenmêmetemps,ellesontrévéléunevéritéquejenevoulaispasaccepter.VictorEvansn’estdoncpasmonpère.Cequiexpliquecefossévertigineuxquis’estcreusédavantageentrenousdepuistroisans.Depuisquandest-ilaucourantque jenesuispassafillebiologique?L’a-t-ilseulement toujourssu?Cepèrefroid,cruel,dénuédesentimentsetquejepensaisêtrelemien,nel’estpas.Unsimpleimposteurquiaprislaplaced’unautre.Maisalorsquiestmonvraipèreetoùest-il?Aufonddemoi,jesaisqu’ilnepeutpasêtrepirequelemonstrequimeservaitdepèrejusqu’àencorecematin.Victors’estrévéléaugrandjouraveccettecrisequ’ilapiquéedanssonbureauetquiaétéunevéritablerévélation.
Pourcouronnerletout,Aïdenaréveilléenmoiuntroublantsouvenir,uneémotioncachéeaufinfonddemonêtre:sadouceprésencefamilière.Cethommenem’estpassiétrangerquecelaetjemedoisdedécouvrir ce qu’il cache. Simes soupçons s’avèrent fondés, je pourrai alors lui avouer ce que leDr
Reese m’a diagnostiquée. Mais jusque-là, je dois garder le secret, sinon il risque de m’enfermer àForeverpourl’éternité.
Jesorsduferry,souslapluiequicommenceàtomber,etroulejusqu’auparkingafindemereposerquelquesminutes.Jemegareetposematêtesurlesiègeenfermantuninstantlesyeux.JevoisencorelevisageattristéduDrReeselorsqu’ellem’aannoncéemesrésultats:
«Votreétatdesantéresteextrêmementpréoccupant.Vousdevezvoussoignerauplusvite.Unenouvellecrisepourraitvousêtrefatale.Vosfantômesvousempêchentd’allerdel’avantetde
retrouverunevienormale.Etjeneparlemêmepasdevosmauxdetêteetdevosnausées.N’oubliez
pasquevostroublesdelamémoirevontempirer.Melinda,vousdevezprendreunedécisionleplusrapidementpossible.Jesaiscombiencelavavousêtredifficile,surtoutaprèscequejeviensdevousconfiersurvotreétatdesanté.Entantquemédecin,jenevousencouragevraimentpasàalleraubout
deceprojetsuicidaire.»
Jesecouelatêtepourenévacuertoutessesparoles.Jen’aipasledroitdefairecelaetjecomptebienmebattre,etce,jusqu’àlafin.Ilnemerestequepeudetempsdevantmoiavantquelegroupedesécuriténemeretrouve.Jesaispertinemmentqu’ilsm’ontdéjàlocalisée.Àprésent,jen’aipluslechoix.J’éteinsmonportable,quinecessedesonnerdepuismondépartdeSeattle, lebalancesurlessiègesarrièreetdémarrelavoiture.Allez,Melinda!
21h55
J’arrive enfin devant l’hôpital deVashon Island là, où tout s’est terminé.Aux dires duDr Philips,j’étaisencoreconscienteàmonarrivée,mais jen’enaiaucunsouvenirnonplus.Jesorsde lavoitureavecl’idéefolledemettrelamainsurmondossiermédical.Revenirenceslieuxmebouleverse,etmerappelle tant de mauvais souvenirs. Ce séjour pénible dans ma chambre, mes nuits tourmentées, marééducationdouloureuseetsurtoutceréveildanslapeaud’uneautre.
J’empruntel’alléequimèneauxurgences,etentre.Jem’approchedel’infirmièredegarde,quisetientàl’accueil,lenezplongédansundossier,etluidemandeàvoixbasse:
—Bonsoir,excusez-moidevousdéranger,maisjesouhaiteaccéderàmondossiermédical.—Avez-vous eu l’autorisation de la direction ? Toute demande doit être adressée à leur service,
répond-ellesèchement,sansmêmeregarder.—Euh, j’attends toujours une réponse de leur part. C’est très urgent, dis-je gentiment en espérant
qu’elleaccèdeàmarequête.—Jenepeuxrienfairepourvous.Revenezdemainauxheuresd’ouvertureafind’endiscuteravecla
secrétaire,ajoute-t-elleenquittant l’accueiletallantchercherunvieuxmonsieurensalled’attente.Parici,monsieur.Non,maisquelleconnasse!Discrètement,j’empruntelecouloirsurlagauchequimèneauxascenseursetmonteau5eétage,oùse
trouve le service dans lequel j’ai séjourné. Lorsque je sors, je tombe nez à nez avec le bureau desinfirmières.Unejeunefemmequejereconnaisimmédiatements’approchedemoi.
—Melinda ?Mais que faites-vous ici, à cette heure-ci ? demande-t-elle en vérifiant l’heure à lamontrequiestaccrochéeàsablouse.
—Bonsoir,Catherine.Jecherchedel’aideetjenesaisvraimentplusversquimetourner,dis-jeenéclatantensanglotsentremesmains.
LatensionquejetentaistantbienquemaldecanaliserdepuismondépartdeSeattlevientd’exploser.Jesuisàfleurdepeau…
—Là…Venezdoncparlà…Vousallezmeracontercequivousarrive,d’accord?Ellepassesonbrassouslemienetm’entraîneverssonbureau.—Asseyez-vous.Jevousapportedel’eau.—Merci.Jejetteunœilautourdemoi.Rienn’achangéici,toujourscesmêmesmursfroidsetdénuésdechaleur
humaine. J’ai toujours détesté cet endroit. Heureusement que les infirmières étaient douces etsympathiques,toutcommel’aétéCatherineavecmoi.
Ellerevientavecunepetitebouteilled’eaufraîcheetmelatend.—Buvez,s’ilvousplaît.Votreteintpâlem’inquièteterriblement,dit-elleenprenantmonpouls.Eten
plus,votretensionestfaible,remarque-t-elleens’asseyantprèsdemoi.Quevousarrive-t-il?Elleposesamainsurlamienneetmesourittendrement.Jemeconfiealorsàelle,commejel’aifait
tantde fois, lorsqu’elleme trouvait recroquevillée surmoi-mêmeetenpleursdansmon lit, là-bas,del’autrecôtéducouloir.
22h15
—DieuduCiel!s’exclame-t-elle,choquée,unemainposéesursapoitrine.—Vouscomprenezàprésent,quellessontlesraisonsquimepoussentàvoirmondossiermédical?
tenté-jedemejustifier.—Oui, etvousn’êtespas la seulevictimeduDrParker,bienmalheureusement,meconfirme-t-elle
tristement. Sa famille en a beaucoup souffert et sa femme le quitta juste après sa radiation. Elle nesupporta pas ce qu’il avait fait à tous ces pauvres gens. Je la connaissais bien, c’était une charmantepersonne.
—Encoreunevictimeparmitantd’autres…Aidez-moi,jevousprie,demandé-jeenserrantsamaindanslamienne.
Catherineregardeverslesétagères,quisetrouventderrièrelebureau,etmerépond:—Jen’aipasledroitdevousledonnersansl’avaldemadirection.Jerisqued’êtrerenvoyéeetde
perdremondroitd’exercer.Jesuis touchéeparvotrehistoire,mais jenepeuxpas.Jesuisdésolée,seconfond-elleenexcuse,cequejerespecte.
Elleadelapeineetjelevoisbiendanssesyeux.—Queferiez-vousàmaplace?demandé-jeenplongeantmonregarddésemparédanslesien.—C’est un véritablemiracle,même si cela reste très risqué.Mais si j’étais à votre place, j’irai
jusqu’aubout,meconforte-t-elledansmonchoix.Catherine caresse tendrementmes cheveux et les replace derrièremon épaule. Puis elle fronce les
sourcilsetserelèvebrusquement.—Jevaism’absenter cinqbonnesminutes, le tempsdedescendre à l’accueil et demeprendreun
café.Maisjevousinterdisd’ouvrirletiroirtoutenbasdececôté-là,dit-elleenlemontrantdudoigt,unsourirecompliceaucoindeslèvres.
Jemelèveàmontouretlaprendsdansmesbras.—Merci,Catherine.Jamais,jenepourraioubliercequevousvenezdefairepourmoi.—Vousêtessicourageuse,Melinda.Jevoussouhaitebonnechanceetj’espèrequevoustrouverezles
réponsesquevouscherchez.Catherinem’embrassesurlefrontetsortdubureaudesinfirmières,melaissantlà,faceàmonDestin.
Suis-je prête à découvrir ce que l’onme cache ? Jeme précipite derrière le bureau et cherchemondossier.
—A…B…C…E!Ilestlà!JelesorsetleposesurlebureauafindelefeuilleterrapidementavantleretourdeCatherine.Jene
veuxpasabuserdesagentillesseetluicauserdestorts.Jetrembleentournantlespagesrapidementettombesurunefeuilled’admissiondatantdusoirdemonaccident.Suis-jeprêteàdécouvrircequis’estréellementpassécettenuit-là? Je ferme lesyeuxetprendsuneprofonde inspirationavantde la lire.Allez,Melinda!
«Jeunefemmede23ans,transportéed’urgenceàl’hôpitalparsonmari…Présentantunefortehémorragieetuntraumatismecrânien…»
—Mari?Non,maisc’estimpossible?!Jeseraisalorsmariéeàunhomme?pensé-jeàvoixbasseenposantmamainsurmonfront.C’estdoncluiquim’auraitsauvéelaviecettenuit-là?
Jesècherageusementdureversdelamainmeslarmesetcontinueàlire.Letempsm’estcomptée,jedoissaisircettechancequim’estenfinofferte.
«Lapatiente,enceintede14semaines,présenteunehémorragiegraveetnécessiteunetransfusionsanguined’urgence…
Décollementplacentairequimetendangerlaviedufœtus…Transporterd’urgenceaublocopératoire…Faussecouche…»
—Oh,monDieu…Jeglisseinstinctivementmamainsurmonventreenlecaressanttendrement.—C’estpourcelaqueleDrReese…J’étouffeunsanglotaveclepoing,tantj’aicettecolèreaufonddemoncœur,quiestprêteàexploser.
Commentont-ilsosémecacherunechoseaussigrave?!
Soudain,j’entendsuneportequisereferme.J’attrapelafeuilled’admissionquejeglissehâtivementdansmonsacàmain,etrefermeledossierquejeremetsàsaplace.Jereparsdiscrètementenguettantlecouloir.Lechamplibre,jecoursjusqu’àl’ascenseuretappuiesurleboutond’appelavecfrénésie.Àmagrandechance,ilarriverapidementetjem’engouffreàl’intérieurenserrantcontremapoitrinemonsacoùsetrouveunepartiedemavie.
«Nevousdécouragezpas;c’estsouventladernièreclefdutrousseauquiouvrelaporte.»
PauloCOELHOSource:Lemanuscritretrouvé-2012
-27-
JasonWalker-Down
VashonIslandJeudi26juin201422h55
Melinda
Je sorsde l’hôpital sousunepluiebattante. Je lève la têtevers le ciel afind’ynoyermonchagrin.Comment est-il possible d’oublier toute une partie de sa vie ? Je pensais simplement avoir perdu lessouvenirsliésàmonaccident,maismonmari?C’estdoncluiquihantemesnuitsdepuistroisans?Etpuis,ilyacebébé…Voilàpourquoijeressenscevideincommensurables’emparerdemoichaquematinlorsquej’ouvrelesyeux.Cetaccidentm’aarrachéeàtouslesêtresquim’étaientchers.Oùestl’hommequej’aiépouséetquejedevaiscertainementaimerplusquetoutaumonde?Commentvais-jeoublierAïdenet surtoutmettreunecroix sur les sentimentsprofondsque j’éprouvepour lui ?Lorsque je suisarrivéeici, j’avaisimaginéunefinplusheureusepourluietmoi.Malheureusement,cequejeviensdedécouvrir ne s’accorde aucunement avecmes soupçons.C’est tout bonnement impossible… Il n’auraitjamaispumefaireunetellechose.Jamais!Jesuisterriblementperdue.
Jemedirigeversmavoitureetm’installeauvolantenregardantverscethôpital.C’estdoncici,quenoscheminssesontséparés?Ici,oùtoutabasculédanslenéant…
—Tum’aspromisdem’aimerpour l’éternité,etpuis tum’assauvée lavie…Aujourd’hui, tun’espluslà,pourquoi?Pourquoim’as-tuabandonnée,aumomentoùj’avaisleplusbesoindetoi?demandé-jeenbaissantlatêteversmesmainstremblantes,quis’agrippentauvolant.
J’ail’impressionquejenesuisplusmaîtredemoi-même,nesachantplusquijesuisréellement.Quelgâchis…ToutescessemainesdetravailetdeséancesdepsychanalyseavecleDrPhilipspour
enarriver là, etdécouvrir lavérité aussi cruellement…J’aibesoind’avoiruneconversationavecmamère,etce,dèscesoir.Jem’interdisdepasserunenuitdeplusdanslebrouillarddanslequelmavieestplongée.Ellevadevoirm’avouertoutecettesinistrevérité,sinonjenedonnepascherdenotrerelation.
Jefaisdémarrerlavoiture,déterminéeàleverlevoilesurmonexistence.Quisuis-je?Etoùsetrouvel’hommequej’aiépousé?
Jeprendsimmédiatementlaroutepourrejoindremamère.Auboutdequelquesminutes,j’aperçoislepanneauquim’indiquede tourneràdroite,maisuneforcemepousseàcontinuer toutdroit. Je jetteuncoupd’œil rapideà lamaisonoùaucune lumièren’estallumée.Elledoitcertainementdéjàdormir…Moncorpsestcommeenpilotageautomatique,attiréparl’océanquicommenceàsedessinerdevantmoi.Ladirectionque j’emprunteestdoncbiencellequi longe lesplages,et toutensuivantmoninstinct, jebifurqueàdroite.Cetteroutemeditquelquechose…Ellemènevraisemblablementàunmanoirquisetrouvesurleshauteursdel’île.Aussiétrangequecelapuisseparaître,jepressensaufonddemoiquecetendroitnem’estpastotalementétranger…
—C’estdingueça…,murmuré-jeenbaissantlégèrementlatêteafindelecontempler.Pourtant,jenemesouvienspasd’yêtredéjàvenue…,ajouté-jeenm’arrêtantdevant leportaildeferforgéqui,àmagrandesurprise,estouvert.
Curieuse, je roule jusqu’à l’entrée du manoir qui s’étend de toute sa splendeur devant mes yeuxéblouispartantdebeauté.Ilmerappelleceluideceflash,oùuncouplemesaluaitdelamain…Serait-ce possible que… Non ?! Le cadre est magnifique et les jardins arborés, ainsi que la roseraie sontsplendides.Jegarelavoituredansl’alléeetsorssansfairedebruit.Lemanoirestplongédanslenoiretje n’ai pas l’impression qu’il soit habité. Je contourne lamaison sansme poser lamoindre question,commesimespasétaientguidésparuneforcequejenem’expliquepas.Tiens !Des écuries ? Jem’avance jusqu’à là-bas et ouvre les grandes portes en bois. Je jette un
regardcirculaireàl’intérieur,maisiln’yaaucuncheval.Étrange?Toutàcoup,moncœurs’emballeetj’ai l’impressionqu’unebouled’angoisses’estnichéeaucreuxdemonventre.Jepose lamainsurmapoitrinecommepour tenterdecalmer l’inquiétudequis’emparedemoi.Une impressiond’étouffementmesubmergeetunemontéedelarmesmenacedecoulerlorsquejereconnaisl’endroitquis’éveillelà,devant mes yeux effarés. Des imagesme reviennent tout doucement en tête… Jem’avance en frôlantdélicatementduboutdesdoigtslesportesenboisdesboxes.
— Il y avait des chevaux ici, j’en suis certaine. Là, tout au fond, se trouvait des bottes de paille,soigneusement empilées lesunes sur les autres,dis-je en tournant surmoi-mêmecommesi les écuriesprenaientsoudainementviedevantmoi.Oh,monDieu!
Jemeprécipiteversledernierbox,quisetrouveàmagauche,etchercherapidementquelquechosesurlebois,commesij’étaisobsédéeàl’idéedeletrouver.
—Non!Je glisse lentement mes doigts sur les initiales gravées dans le bois, tout en me souvenant d’un
fragmentdemonpassé,quirevientcommeparmagieàlasurface.—M…A…C’estimpossible!soufflé-jeenreculantetterminantdosauboxquisetrouvederrière
moi.
Jen’arriveplusàdécrocherdesyeuxcetteterriblevéritéquisedessinepetitàpetitdevantmoi.Jemesouviensdecettenuit-là…
C’étaitunsoird’été…Nousétionsici,allongéssurunebottedepaille,blottisl’uncontrel’autre.Ilmeserraittoutcontreluienmemurmurantcombienilm’aimait.Jen’arrivetoujourspasàvoirsonvisage,maisjeressenstoutl’amourqu’ilmeportait.Jemesentaisprotégéeetensécuritécettenuit-là,commes’ilétaitmonhavredepaix.Oui,sesbrasprotecteursm’entouraientetsesmainsfrôlaientdélicatement mes cheveux. Puis elles descendaient vers mon ventre… légèrement arrondi. Sa voixglissaitalorsàmonoreillesesdoucesparolesréconfortantesetaffectueuses:— Mon ange… Dans quelques jours, tu deviendras ma femme et Dieu sait combien j’en suis
heureux…Vousêtes toutemavieet je serai toujours làpourvousdeux,quoiqu’il sepasse…quoiqu’ilm’encoûte.Jevousprotégeraitoujours…
— Noooooon ! hurlé-je en tombant à genoux, le visage entre les mains, où sa voix continue derésonnerdansmatête,priseenotageparsonsouvenir.Jeneveuxplust’entendre.Non,stop!
— Je t’aime, Melinda… Reviens-moi… Souviens-toi de moi, mon ange… Melinda ?Melindaaaaaaaaa?!
— Stop ! Par pitié ! J’ai tellement mal ! Mais où es-tu ?! continué-je de hurler en me relevantprécipitamment.
Jequitte les écuries enmedirigeantdirectementvers laportequimèneà la cuisine, à l’arrièredumanoir.Jeconnaiscetendroit,etmêmesijenemetspasencoredevisagesurmessouvenirsperdus,jesaisaumoinsunechose:cemanoirétaitmonportd’attache.Complètementaffolée,j’entreàl’intérieuràlarecherchedemessouvenirsperdus,etcoursjusqu’auhalld’entrée.Guidéeparlalueurdesbougiesquiilluminentlapièce,jepénètreenfindanslegrandsalondonnantsurl’océan.Unefemmesetientfaceauxbaiesvitrées, le regard rivévers l’horizonoù lapluiecontinuede tomber. Jem’avancedoucement, lecœurtambourinantdansmapoitrineetlarespirationsaccadéeparlapeuretl’angoisse.
—Quiêtes-vous?demandé-jeavecappréhensiontoutenm’approchantd’elle.Sansréponsedesapart,jeréitèremaquestionavecplusdeconviction:—Quiêtes-vous?!Toutàcoup,ellebaisselégèrementlatêteetsetourneenfinversmoi.—Ohputain!Jecouvremabouchedemamaintoutenreculantdequelquespas.—Bonsoir,Melinda.—Maman?
23h17
Jerestelà,àladévisager.Maisquefait-elleici?Jepressensàtraverstouslesporesdesapeau,sonprofondmalaise,maisaussisonabandon.Va-t-elleenfinm’avouerlavérité?Jesaiscombiencelle-civam’achever,maisellemepermettraégalementdedécouvrirquellejeunefemmej’étaisavantmonaccident.Lesimagesquidéfilentdansmatêtesontdansundésordretelquelaconfusionrègneenmoi.Jen’arriveplusàcernerlevraidufauxetl’uniqueimagequimerevientàcetinstantprécis,estcelled’Aïden.Jeprendsalorsconsciencequemavievaprendreuntournantdécisif.
—Nousétionsterriblement inquietspourtoi,Melinda!Tun’aurais jamaisdûquitter l’hôpital!megrondemamère,sansoserm’approcher.
Elleinspireprofondémentenessuyantsesyeuxduboutdesdoigtstoutenmecontemplantd’uneminedéconvenue.
—Nous?Etcommentsais-tuquej’étaisàl’hôpital?demandé-jeenfronçantlessourcils.—Oui,nous…Tousceuxquit’aimentetquiteprotègent…—Jenecomprendspas,maman?Dequimeparles-tu?l’interrogé-jeengardantmesdistances,même
siquelquespasnousséparentàpeinel’unedel’autre.—C’estunelonguehistoire…,ajoute-t-ellesimplementensetournantànouveauversl’horizon.—J’ai besoin de comprendre et je suis prête à découvrir toute la vérité, aussi difficile soit-elle à
entendre,insisté-jeenposantmesmainscontremoncœur.Tout à coup, j’entends une voiture arriver et se garer sur l’allée de gravillons. Des lumières
éblouissentlesfenêtresduhalld’entrée,puiss’éteignent.Maisquiest-ceàcetteheuresitardive? Jecroiselesbras,secouéeparunviolentfrisson.Mesjambessemettentàtrembler,etlapaniques’emparepeuàpeudemoi.Jerestequelquessecondesàguetterlaporte,maispersonnen’entre.
Mamère,toujoursleregardplongéversl’océan,nedaignedireununiquemot.Sonsilencen’arrangeen rien l’inquiétude que je ressens,mais jem’interdis de rebrousser chemin. Ce soir, elle va devoirm’avouercequ’ellemecachedésespérémentdepuisdesannées,mêmesiceladoitm’anéantir.
—Oùsommes-nous?Etsurtout,quefais-tuici?—Jesuisdanslemanoirdemesdéfuntsamis,merépond-elled’unevoixchargéed’émotions.—Amis…?C’estdoncpourçaquej’ailasensationqu’ilnem’estpasétranger.Jediraimêmequ’il
m’est… familier. En arrivant ici, j’avais l’impression d’être comme « chez moi », constaté-je enregardantautourdemoid’unœilcurieux.
—C’estparcequetuesdéjàvenuici,machérie,m’avoue-t-elle,sansosermefaireface.—Jelesavais…,soufflé-jeencontinuantàscruterleslieuxafindemesouvenirdequelquechose.—C’estunelonguehistoire,Melinda…Ilyadeçaplusieursannées,lorsquejen’étaisencorequ’une
enfant,jemesuisliéed’amitiéàunepetitefille.Noussommestrèsvitedevenueslesmeilleuresd’amiesdu monde, inséparables comme les deux doigts de la main. Alice était si belle, si courageuse et si
bienveillante.Jepouvaiscomptersurelleàtoutmoment…Oui,elleétaitcommeunesœurpourmoi.—Alice?Lamèred’Aïden…Jelesavais…Maisetmoi?Qu’est-cequejeviensfairedanstoute
cettehistoire?demandé-je,sanscomprendre.Sansmêmeprêterlamoindreattentionàmaquestion,mamèreseplongealorsavecmélancoliedans
sonpassétroublantetmystérieux.—Nousétionsdeuxgrandesromantiques,croyantaupreuxchevalierblanc, toutcommetoi…Puis,
unefoisarrivéesaulycée,nousfaisionslacharmanteconnaissancededeuxgarçons.Ilsétaientsigentils,sigalants,maisund’entreeuxsetrouvaitêtreplusambitieux,plustéméraire:ils’agissaitdeVictor…
—Papa?Ellemarqueuntempsd’arrêt,certainementbouleverséeparcequ’ellevientdem’avouer.Jerestelà,
suspendueàseslèvres,attendantlasuitedesonrécit.Puisellereprendenhochantlatête:—Oui…Alicetombatrèsviteamoureused’Edward,cejeunehommesidifférentdesonmeilleurami.
Bienentendu,Victorvitcetteidylled’untrèsmauvaisœil.Ilétaitfouamoureuxd’Aliceetils’armadespirescombinespourlesséparer,aupointd’allerjusqu’àéchafauderdesplansmachiavéliques.Maisrienn’yfit,AliceetEdwardétaientfaitsl’unpourl’autreetpasmêmeVictorneréussitàlesséparer.
—Papadétestaitdonclepèred’Aïden,toutçaparcequ’il…—…luiavaitvolél’amourdesavie,termine-t-ellemaphrase.—Commentas-tuputombersoussoncharme?—JemesuissimplementlaisséeséduireparVictor,pensantqu’ilchangeraitetqu’ildeviendraitce
jeunehommesensiblequejepercevaisaufonddelui.Maislahainequ’ilnourrissaitàl’égardd’Edwardne désemplit pas pour autant. À la fin demes études supérieures, il me demanda enmariage et… tunaissaisquelquesmoisplustard…Quelquesmois?Victorn’étantpasmonpère,ilsepeutquecesoitunjeunehommerencontréaucours
desesétudes…Ohputain!—EthanCross…,murmuré-jeenmanquantdeperdrel’équilibre.Jem’assoisrapidementsurlecanapédecuirblanc,quisetrouveprèsdemoi,interditefaceàcette
révélation.Soudain,lesparolesdeMmeCrossrésonnentdansmatête:
—Ilétaitbeau,hein?commente-t-elled’unevoixtendreencaressantlevisagedesonfils.—Très,MmeCross,attesté-jeenhochantlatête.J’auraiunequestionàvousposer,sivousmele
permettez?Elle sourit etacquiesce toutencontemplant laphotode son fils.Puiselle se tourneversmoiet
posesamainsurmonvisage.—Tuessijolie,ettonsourire…,commence-t-elle,sansterminersaphrase.—Votrefilsétaitdanslamêmeclassequemesparents?Seconnaissaient-ils?demandé-jeenlui
montrantdudoigtleportaitdemonpère,puisceluidemamère.
MmeCross grimace et fermeun instant les yeux, commepour reprendre ses esprits, puis ellemerépondenposantsamainsurlamienne:—Oui,Melinda.TesparentsetEthanétaientensembleaulycée,confirme-t-elled’unevoixtendue,
cettefois.—Jen’ensavaisrien…Étaient-ilsamis?—Monfilsétaitunêtreàpart,différentdesjeunesdesonâge.Ilétaittrèsintelligent,maisaussi
ungrandrêveur.Ilpassaitleplusclairdesontempsàlabibliothèque,àlireetàflânerdanslesalléesdecelle-ci,enquêted’unnouvelouvrage.C’étaitquelqu’undetrèsgentil,Melinda.—Celanerépondpasàmaquestion…,luifais-jeremarquergentiment.Elleinspiredoucement,terriblementembarrasséeetconfusefaceàmoninsistance.—Tonpèreetluin’étaientpasamis,lâche-t-elle,sanstropvouloirendire.—Etmaman?ajouté-je,encore.—Tamaman?dit-elleensouriant.Ilsfaisaientpartiedumêmeclubdelectureaulycéeetvenaient
trèssouventàmonanciennelibrairie.Tusaiscombientamèreaimelalittérature,toutcommetoi,merappelle-t-elletoutendéposantunbaisersurmonfront.—D’accord,donc ils étaientamis…,conclus-jeenhochant la têteet enmereplongeantdans le
livre.—Oui,ilsfirentleursétudesensemble.Plustard,Ethanvinttravailleravecmoiàlalibrairie.Etta
mère,elle,acceptaderejoindretongrand-pèredansl’entreprisefamiliale…—Etaprès?—Après…ilyeutcetincendie…,peine-t-elleàmerépondre.
—Jesuisaucourant,maman…J’aieuaccèsàmondossiermédical.Mamère secouenerveusement la têteet éclate en sanglots entre sesmains. Je la rejoinsaussitôt et
l’entouredemesbras,latêteposéecontresondos.—Tupeux toutmedire... Jamais jen’oserai te juger, je te lepromets, la rassuré-jeafinqu’ellese
confieàmoi.— Je ne peux pas, Melinda. C’est terriblement douloureux… Même après toutes ces années, le
souvenirdetonpèreestencorebienlà,dit-elleenposantlamainsursapoitrine.J’ail’impressionquec’étaithier…,sanglote-t-elleensetournantversmoipourmeprendredanssesbras.
—C’était lui,hein? Je suis lapetite filledeMmeCross,n’est-cepas?demandé-jed’unevoixenpriseàl’émotion.
—Oui,machérie.Situsavaistoutcequejevoudraistedire,maisjemedoisdeteprotéger,dit-elleenmeserrantdavantagecontreelle.
Jelarelâchedoucementetreculedequelquespasenlasondantduregard.—Jesuisdonclafilled’EthanCross,cejeunehommedonttuétaisfolleamoureuse.Maisvoilà,après
qu’ilaitperdulaviedanscetincendieterrible,tuasdécidéd’épouser…Victor.—Nousétionsdéjàfiancésàcetteépoque,confie-t-ellehonteusement.J’ai toutfaitpourannulerce
mariage,maislesoiroùj’airompunosfiançailles…Ethanmourut.—Cequejenesaisispas,c’estlesraisonsquit’ontpousséeàépouserunhommeaussimachiavélique
que lui ? Tu savais pertinemment qu’il était dédaigneux, et tu as tout demême accepté de devenir safemme?demandé-je,sanscomprendre,enprenantplacesurlecanapé.
—Jen’avaispas lechoix,Melinda.Jenevoulaispasquemonbébénaissesanspère,et jevenaisd’intégrer l’entreprisede tongrand-pèrepourmon stagede find’année. J’avais si peurdu regarddesautresetdu«qu’en-dira-t-on».Alors,lorsqueVictormeproposacettedernièrechance,j’yvisuneportedesortie,etj’acceptaidemaintenirlacérémonie.Deuxsemainesplustard,nousétionsmariés.
—AliceetEdwardl’étaientdéjà,eux?—Oui,dès la findesesétudes,EdwarddemandaenmariageAlice.Puis ilssemarièrenteteurent
Aïden.Alice dut jongler entre ses cours et sa vie de famille,mais elle était si heureuse. Pendant quecertainespartaient danser, elle, restait à pouponner sous lesyeux émerveillésd’Edward. Ilmonta trèsvitesasociétéetenl’espacedequelquesannées,KyleEntreprisedevintunedesplusgrossessociétésdupays,meracontemamère.
—Victorétait jalouxdeleurmariageetdusuccèsquerencontraitEdward…Toutprendsonsensàprésent,dis-jeenprenantconsciencedelasinistreréalité.
—C’étaitterriblementcompliquépournous…Pendantdesannées,etce,jusqu’àcequ’ils…—…meurent,terminé-jesaphrase,sentantdéjàlechagrinlasubmerger.—Oui…Victor alimenta unehaine féroce envers lesKyle et il ne cessa jamais de les persécuter.
Chaquefoisqu’EdwardréussissaitlàoùVictoréchouait,sahainenefitqu’accroîtreencore.Lesannéespassèrentetilscoupèrentdéfinitivementlesponts.Aliceetmoi,onsevoyaitencachetteici,afindenepasattirerlafoudreencoreunpeuplussurleurcouple.NousavonstoutfaitpourvouspréserverAïdenettoi,maisvoilà…leDestinendécidaautrement…
—Commentça,leDestin?—Nousvousavons tenuà l’écart l’unde l’autre toutescesannéesafindevousprotégerdeVictor.
Aliceetmoiavionssipeurqu’ilsevengesurnosenfants.—Doncnousn’étionspasamis?Nousn’avonsmêmejamaiseu lemoindrecontact,n’est-cepas?
demandé-jeenmerelevantprécipitamment.—Jesuissidésolée,Melinda….Jen’étaispasaucourant,Alicemel’acachée…—Quet’a-t-ellecachée,maman?soufflé-jed’unevoixtremblante.Jepourraispresqueentendremaconsciencemesupplierd’ouvrirlesyeuxdevantcettevéritéqueje
n’oseencoreadmettre…Aïdenserait-il…?Leslarmesmemontentauxyeuxetjetentetantbienquemaldegardermoncalmefaceàcetterévélation…PuislesinitialesAetMgravéesdanslesécuries,ainsiquelesparolesduDrReesemereviennententête:
«Melinda,vousn’avezpluslechoix…Chaquejourquipasse,vousrisquezvotrevieetlasienne…IlestgrandtempsdemettreaucourantAïden…»
Jem’approchedemamère enplongeantmesyeuxmalheureuxdans les siens. Je dois prendremoncourage à deuxmains… J’inspire profondément, etme décide enfin à lui poser cette question quimerongelessangsdepuisplusieursheures:
—Àquiappartientcettevoixquimeprotègedepuistroisans,maman?—MonDieu,Melinda…C’estpourtantsiévident,machérie…Lavéritéestlà,soustesyeuxdepuis
toujours…,m’avoue-t-elleenpleurs.Soudain, le claquement d’une porte nous fait sursauter. Ma mère, affolée, scrute l’entrée puis me
dévisage.Jejetteuncoupd’œilfurtifverslehall,maisjenevoistoujourspersonne.C’estuneambianceà couper au couteau ici… Il continue à tomber des cordes dehors et on peut entendre les vaguess’échoueravecviolencesurlaplage.L’oragegronde,etlanuits’annoncedesplusviolentes.L’ambiancedanslemanoirestdevenueterriblementpesante.
—Maman ?Dis-moi qui est cet homme dont je rêve, je t’en supplie ! Je sais que nous avons étémariés et que… j’ai perdu notre bébé…Pourquoim’a-t-il abandonnée sur ce lit d’hôpital, alors quej’avaistantbesoindelui?!demandé-jed’unevoixécorchéeparladouleur.
Tout à coup, des pas résonnent dans le hall d’entrée. Je reste là, immobile, à les entendre serapprocherpetitàpetitdenous.J’ailecœurquimanqueàbattementlorsqu’ilss’arrêtentjustederrièremoi.Jen’osemeretournertantlapaniqueetl’angoissemegagnenttoutentière.
—L’hommedetesrêvessetrouvejustederrièretoi,mesoufflemamèreenétouffantunsanglotavecsamain.
—Jesuislà…Regarde-moi,Melinda.J’inspireprofondément, sentantdéjàsadoucechaleurmehapperde l’intérieur.Aujourd’hui, jesais
que c’est notre amour inconditionnel et unique qui nous a préservés de l’oubli. Le cœur serré, jemetournelentementverscettevoixquim’aprotégéedemescauchemars,maisquim’aaussirendueespoirlorsquedans lapénombredemesnuits, jenouscherchaissans fin…Pendantces trois longuesannées,cettevoixdouceetchaleureuseavécudansmamémoiredéfaillante,sans jamaiss’éteindreuneuniquefois…Àcetinstantprécis,jeprielecielquecesoitlui,etseulementlui…
Jelèvemesyeuxremplisd’amourverssonvisagequis’éveilleàprésentdansmamémoire.Soudain,mes jambes se dérobent sousmes pieds et ilme rattrape de justesse dans ses bras enme serrant toutcontresoncœur,commeill’atantfaitdansmesrêves.
—OhmonDieu !C’est donc, toi ? soufflé-je d’unevoix tremblante, tout enplongeantmon regardcontemplatifdanslesien.
Remerciements
Jetenaisàremerciertoutesmeslectrices,àquij’aidédiéd’ailleurscetome2.Vousavezcruenmoi,encettehistoireetjevousenremercie.Mercipourtoutcequevousm’apportezchaquejour,pourvotregentillesseetvosmarquesd’affection,quimesont trèsprécieuses.En tantqu’auteuret en tantqu’êtrehumain,nousn’avonspastoujoursconfianceennous,etDieusaitcombienc’estmoncas:pMaisgrâceàvous,jecommenceàcroireenmesécrits…Jevousadore♥
Merciàmongrouped’amiesetàlaTeamFOREVER.ÀClémenceLucas,macacahuèteenrobéedechocolat ! I love you !!! À mon demi-cerveau, Céline Langenove qui a passé un nombre d’heuresincalculablessurcetome2,àsefendrelapoire!Jet’aimemachérie♥Àmadada,Dariamonamieetmonattachédepressequej’embrassepartoutLOL.Tequierobaby!Àmatitine,ValentineMartinot,quinousfaitrireetavecquinouspassonsdesmomentsmagiques.Jet’aimemaloutreLol♥ÀmaMaïtéquej’aimedetoutmoncœur♥ÀSonia,malivro-thérapiequiesttoujourslàpourmoiavecunboncapuccino♥Àmeslectricestestquisontdevenuesdemerveilleusesamiesetquej’embrassebienfort….Ehbien,çaenfaitdumondeàremercier !Bref,cettebandedenanasdéjantéesquisontauprèsdemoidepuisplusd’unanetquimeconsolent,meprotègentetm’apportent tout l’amourdont j’aibesoin.Ellessontdevenuescommeunefamillepourmoietsansleursoutien,jeneseraipeut-êtremêmepaslàpourvousécriremesremerciements…
Àmamaisond’ÉditionsReines-Beaux!GrosbisousàTerry,Arnaud,Maud,William,Antha…♥♥♥Jesuiscertained’oublierquelqu’un…Onvamele fairepayerplus tard :pAllezonseretrouveau
Tome3deFOREVER!!!Merciiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii♥
Bêtisier
Etvoilà, le traditionnel«Bêtisier»dontvous raffolez (rires…)J’aiencoreémerveillémesamies,meslectricestest,ainsiquemescorrectrices…BonnelectureLOL!
TOP3
Pour ne pas déroger à la règle, un de mes personnages a encore changé de nom au cours del’écritureduT2.LeDrParkerestdevenusoudainementleDrCarter.Heureusementquejem’ensuisaperçueavant(Rires…)!!!
TOP2
«—Tiens,machérie,meditMariaenmetendantune tartinedemaingrillée…(Oh?Sérieux?Unemaingrilléeàquoi?XPTDR!!!)…unetartinedepaingrillée,saupoudréedecacao.»
TOP1
«—Jetedésiretellement, tuesunDieudusexe!melance-t-elle, lesrouesrosées…(Elleadesrouesrosées?!N'oubliespasdelesregonflerdetempsentemps!:')…lesjouesroséesparl’orgasmequejeviensdeluioffrir.»
Prochainement
10sinonrien!
Sortieprévuele09/09/2016
Dumêmeauteur
MyDestiny2estprévuenfind’année2016!
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