Download - FM52
Avec l’accélération des échanges internationaux, nos entreprises peuvent de moins en moins se contenter du petit marché belge. Conseils pour le CFO et témoignages.
« Glocal » CFODossier
>EN PRATIQUESOMMAIRE
N°52 - DÉCEMBRE 2011
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°52 - DÉCEMBRE 2011
20
L e travail du CFO est devenu plus technique: il
doit à la fois faire face à la complexifi cation des
législations internationales et à une gestion du
risque de plus en plus exigeante. Ces change-
ments, Grégoire Tondreau, Principal chez Roland Berger Strategy
Consultants, une entreprise de conseil internationale présente
dans 33 pays, les constate tous les jours chez ses clients. « Au
delà des idées toutes faites, plusieurs phénomènes impactent le
métier du CFO depuis plusieurs années, observe-t-il. La volatilité
des prix des matières premières ou des cours de la Bourse s’est
intensifi ée rendant son travail plus compliqué, car c’est souvent
lui qui est chargé de prévoir les risques et éviter les impacts fi nan-
ciers. Dans de nombreuses sociétés, cette capacité d’anticiper est
liée au profi t qu’elles pourront dégager. Dans le secteur aérien, par
exemple, les rares compagnies qui s’en sortent sont celles qui ont
un CFO qui parvient à prévenir les variations des prix du kérosène,
notamment avec des couvertures de prix (hedging), ainsi que les
FISCALITÉ DOSSIER : OPTIMISATION DES COÛTS
Avec les changements induits par l’accélération des rapports internationaux, le CFO a vu son métier et son parcours de carrière évoluer. D’un spécialiste en comptabilité, on lui a demandé de devenir un stratège qui épaule le CEO et ne se contente plus de constater les performances de son entreprise. L’heure est clairement à l’anticipation dans une perspective « glocale ».
FISCALITÉ DOSSIER
TEXTE : FLORENCE THIBAUT
« C’est bien souvent le CFO qui fait qu’une entreprise gagne de l’argent ou en perd. C’est un créateur de valeur. »
De super comptable à créateur de scénarios
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°52 - DÉCEMBRE 2011
possibilités de leasing d’avions. C’est bien souvent le CFO qui fait
qu’une entreprise gagne de l’argent ou en perd. C’est un créateur
de valeur, il s’est transformé en centre de profi t à part entière. »
FAIRE LA DIFFÉRENCEDe plus en plus, le CFO s’implique dans tous les niveaux de
son entreprise. Il mesure la performance de manière tra-
ditionnelle et participe à sa création en assistant le CEO au
niveau stratégique: investissements à réaliser, recherche de
capitaux, nouveaux marchés où s’établir… Il lui faut contrôler
de nombreux paramètres extérieurs à l’entreprise et mettre
en place des outils fi nanciers techniques, les outils tradition-
nels ne répondant plus à la complexité actuelle. A lui de déve-
lopper ses compétences, de s’entourer des bons spécialistes
et de former ses équipes en fonction de ces challenges.
« Il n’existe plus de plan à dix ans où on mise sur une
hypothèse de croissance par défaut. Le CFO doit parvenir à
voir à long terme en ajustant perpétuellement en fonction
du court terme. Il lui faut donc élaborer différents scénarios
pour adapter sa vision et être le plus réaliste possible, précise
Grégoire Tondreau sur base de l’étude CFOs make the diffe-
rence réalisée par Roland Berger en 2010. La problématique
du financement est aussi devenue une source d’inquiétude, le
directeur financier doit à présent chercher des capitaux plus
loin et séduire des investisseurs internationaux. Attirer des
investissements a toujours été une de ses tâches, mais il doit
aujourd’hui aller plus loin pour le faire. Il ne peut plus seule-
ment s’adresser à son banquier local. Le CFO doit ainsi déve-
lopper son argumentaire et réussir à convaincre des investis-
seurs du Brésil, du Qatar ou de Chine où il est en compétition
avec d’autres projets issus du monde entier, il doit pouvoir
s’adapter à ces nouvelles logiques. »
UNE PERLE RARE L’augmentation des réglementations fi nancières est aussi
une charge pour le directeur fi nancier. On ne peut pas lui de-
mander de maîtriser la technicité de toutes les règles. Il peut
déléguer à des spécialistes, tout en gardant la responsabilité
fi nale. Accélération de la volatilité à prévoir, recherche d’in-
vestisseurs internationaux et maîtrise du risque occupent à
présent une grande partie de la journée du CFO. Son parcours
de carrière est également plus mouvementé que par le passé.
« Il y a dix ans, il était réaliste de commencer dans le dépar-
tement comptabilité, de progresser dans la hiérarchie avec les
années et de devenir CFO en cours de route. Aujourd’hui, cette
progression linéaire n’est plus vraiment envisageable, il n’y a
plus de voie royale, ajoute-t-il. Les critères sont plus exigeants,
on ne recherche plus uniquement un expert des réglementa-
tions comptables. Par exemple, on demande presque automati-
quement à un CFO d’avoir une expérience internationale, d’être
mobile et d’accepter de voyager très souvent. C’est devenu très
diffi cile pour une entreprise d’engager un bon CFO, les profi ls
sont rares. Hors, aujourd’hui, un bon CEO ne peut fonctionner
sans un excellent CFO à ses côtés. »
Ce dernier a aussi pour mission de comprendre le business
pour donner des avis pertinents et trouver les bons investis-
seurs pour ses projets. Ce qui fait un bon CFO en 2011, c’est
sa capacité de synthèse d’une réglementation fi nancière de
plus en plus complexe, d’évaluer les risques sur les taux de
change et des matières premières, ainsi que son potentiel à
trouver des capitaux. « Une fois la crise passée, je pense que le
CFO devra conserver son regard critique, sa capacité de challen-
ger le business et rester un facteur d’accélérateur de croissance
en aidant à prendre les bonnes décisions. C’est un métier pas-
sionnant, respecté et respectable, même s’il est très exigeant »,
conclut Grégoire Tondreau.
Grégoire Tondreau: « Le CFO ne peut plus seulement s’adresser à son banquier local. Il doit réussir à convaincre des investisseurs du Brésil, du Qatar ou de Chine en compétition avec d’autres projets issus du monde entier. Il faut pouvoir s’adapter à ces nouvelles logiques. »
« On demande au CFO d’avoir une expérience internationale, d’être mobile et d’accepter de voyager très souvent. »
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°52 - DÉCEMBRE 2011
22
A LA UNE : JEAN-LOUIS ALBERT
TEXTE : CHRISTOPHE LO GIUDICE - PHOTOS : RENATO BAIO
Depuis plus de dix ans, la maison de Jean-Louis Albert, c’est l’avion, ou
quasi! « J’ai voyagé 330 jours par an ces cinq dernières années », illustre-
t-il avec un sourire. L’homme a évolué dans des pays aussi
différents que la Suisse, les Etats-Unis, le Bénin, la Norvège, l’Arabie
Saoudite, le Liban, etc. Fort d’un bagage plutôt atypique, ce directeur fi nancier bien rompu aux exigences
de l’international, livre sa vision des enjeux d’une carrière en fi nance au niveau d’une région, voire même à
l’échelle du monde entier.
Entre local et global, le niveau de granularité est différent
«
L a fi nance n’était pas une voie toute tracée pour
Jean-Louis Albert. Pragmatique et cartésien, attiré
par les technologies, il a d’abord décroché un di-
plôme d’ingénieur industriel spécialisé en électri-
cité, pour ensuite compléter ce bagage en gestion et en fi nance,
avec un MBA à la European University, un Executive Program en
fi nance à l’Insead et un Master en fi scalité à la Solvay Business
School. « Le monde des ingénieurs m’a intéressé et beaucoup appris,
mais j’ai eu peur de m’y enfermer, confi e-t-il. J’ai très vite eu envie de
connaître d’autres volets, ce qui fait sans doute de moi un respon-
sable fi nancier au background un peu atypique. »
Après un premier contrat chez Cockerill-Sambre préalable au
service militaire, il rejoint une équipe projet au sein du dépar-
tement technique et maintenance de Continental Pharma,
puis saisit l’opportunité de rallier Proximus, dans le dépar-
tement engineering. « C’était le grand début du GSM en Bel-
gique et tout le réseau était à développer, raconte-t-il. Cette di-
mension de pionnier m’a beaucoup plu, d’autant que la culture
d’entreprise y était très différente de celle de l’ex-RTT. » Après
deux ans, Jean-Louis Albert connaît un premier changement
de cap vers le département marketing, dans une fonction de
Product Manager. « Je trouve essentiel de développer sa com-
préhension du fonctionnement des autres départements,
«
« Le grand mal qui ronge les entreprises réside, selon moi, dans le fonctionnement en silos. »
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°52 - DÉCEMBRE 2011
23
« Selon qu’on évolue au plan local ou
global, le rôle du directeur fi nancier
n’est pas plus ou moins stratégique.
Les préoccupations sont simplement
différentes, avec d’autres
instruments fi nanciers à mobiliser,
d’autres normes à maîtriser, d’autres
cultures de reporting. »
Jean-Louis Albert
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°52 - DÉCEMBRE 2011
24
dit-il. Le grand mal qui ronge les entreprises réside, selon moi,
dans le fonctionnement en silos. »
L’étape suivante le mène à la concurrence, chez Mobistar,
d’abord en marketing, puis en tant que contrôleur de ges-
tion pour le département engineering. « En quelques années,
en ayant eu la chance de rencontrer des gens qui m’ont fait
confi ance et m’ont offert ma chance, j’ai pu évoluer dans trois
départements, se félicite-t-il. Le bénéfi ce est énorme et doit
faire réfl échir en entreprise où, trop souvent, on regarde ce qu’il
vous manque plutôt que votre potentiel de développement et
l’enrichissement que de telles mobilités peuvent représenter. »
SE « VENDRE »Ces premières années de carrière très variées lui ont apporté
une faculté d’analyse des chiffres très différente de celle d’un
directeur fi nancier au parcours plus conventionnel, estime-t-
il. « Il m’est plus facile de traduire les processus industriels en
chiffres et vice-versa. D’autre part, on peut plus diffi cilement
me piéger dans la constitution d’un budget ou lors d’une ana-
lyse de résultats. Je connais bien la façon qu’ont les directeurs
opérationnels d’aborder les choses, ce qui me permet de les
challenger sur leur propre terrain de façon constructive, plutôt
que d’aboutir à la confrontation de deux mondes qui s’observe
souvent en entreprise. »
De son passage au marketing, Jean-Louis Albert retient aussi
l’importance pour la fonction fi nancière de se « vendre » et de
prendre en compte des volets plus émotionnels, par exemple
l’existence de différentes cultures, et notamment profession-
nelles. « Il est ainsi extrêmement profi table de pouvoir expli-
quer en amont l’impact réel que peut avoir la fi nance sur les
autres départements. Il faut par exemple faire comprendre
qu’un budget, ce n’est pas seulement une contrainte, mais
que c’est un outil qui peut les aider et qu’on peut travailler
ensemble à améliorer leur performance. »
Au tournant de l’an 2000, Jean-Louis Albert rallie la pratique
« télécom » du pôle consulting chez Arthur Andersen, alors
en quête de managers expérimentés provenant de l’indus-
trie. Une très belle école qui l’amène aux quatre coins du
monde (Norvège, Arabie Saoudite, Afrique du Sud, Liban, etc.)
sur des projets très variés: valorisations d’opérations, restruc-
turations d’activités et préparation à la vente, lancements de
nouvelles licences ou projets, IPO, etc. « J’ai pu découvrir des
approches fi nancières elles aussi très différentes, parfois avec la
limite budgétaire n’entrant même pas dans les priorités: c’est
tout autre chose que de pouvoir travailler sur un projet où la
fi nalité stratégique prime avant tout. »
DIFFÉRENTES CULTURES C’est alors un de ses clients, la division Wireless de la société
américaine Titan, active dans le secteur de la défense, qui lui pro-
pose la fonction de directeur fi nancier Europe et Afrique. Avec de
beaux défi s à la clé puisque de gros investissements sont à me-
ner sur l’Afrique de l’Ouest. Là encore, les enseignements sont
nombreux, notamment le niveau élevé de reporting exigé, l’at-
tente de rendements élevés à court terme et, en face, l’équilibre
à trouver avec la gestion de cultures locales. « On travaillait par
exemple au Bénin, caractérisé par une culture de type marxiste,
proche de celle qu’on peut trouver en Chine », illustre-t-il.
Sur le continent africain notamment, le groupe a réalisé de
très nombreuses acquisitions et ce portefeuille d’activités
fragmenté doit être restructuré et recentré. Par la suite, Titan
va toutefois décider de se dégager de ces opérations télécoms
en Afrique pour se recentrer sur son métier de base, la dé-
fense. Jean-Louis Albert prend alors en charge de gros chan-
tiers de préparation à la vente et de désinvestissements, en
particulier pour quatre fi liales locales.
Puis, ce sera quatre années chez Syngenta, un groupe suisse actif
dans l’agroalimentaire, tout d’abord pour restructurer la fi nance
du site de production de Seneffe, puis dans une fonction globale
de contrôleur pour la division fl eurs. « Là encore, il y avait pas
mal d’acquisitions de sociétés avec une exigence forte en matière
d’harmonisation du reporting. » Début 2010, Jean-Louis Albert
rejoignait un cabinet de consultance, toujours établi en Suisse,
pour mener un projet d’établissement d’usines de production en
verre plat clé sur porte dans des pays de la zone Méditerranée,
dont la Grèce. Jusqu’à ce que ces projets soient mis en veilleuse
en raison de la crise fi nancière et économique…
MONDES SÉPARÉS Question: pour exercer de telles fonctions à l’international, le
profi l et les compétences du directeur fi nancier doivent-elles
être différentes ou spécifi ques par rapport à celles requises
dans une fonction plus locale? Jean-Louis Albert répond réso-
lument par l’affi rmative. « Il faut des profi ls différents: ce sont
des mondes totalement séparés. Dans un rôle local, le directeur
fi nancier va encore s’occuper de comptabilité, de gestion admi-
nistrative, par exemple, alors qu’à l’international, ces matières
sont hors de son scope. Il travaillera plutôt sur des projets d’in-
vestissement, sur des benchmarks et des analyses de variance,
etc. Tout est aussi question d’échelle: quand on parle de bud-
gets de 20 millions ou de trois milliards d’euros, d’une unité ou
d’une cinquantaine de sites, le niveau de granularité sera diffé-
rent et les principaux points d’attention aussi. »
Sa fonction n’est pas pour autant plus ou moins stratégique,
mais elle a des préoccupations différentes, souligne-t-il. « Ce
sont d’autres instruments fi nanciers qu’il faut mobiliser – par
exemple, le cash pooling, les crédits documentaires, etc. –,
A LA UNE : JEAN-LOUIS ALBERT
« Par son côté cartésien, souvent, le directeur
fi nancier risque de passer à côté de la nécessité de bien
gérer le volet culturel. »
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°52 - DÉCEMBRE 2011
d’autres normes fi nancières et comptables qu’il faut maîtri-
ser, d’autres cultures de reporting auxquelles il faut pouvoir se
faire. L’approche varie également selon les géographies. Aux
Etats-Unis, elle est beaucoup plus centrée sur le court terme
avec une priorité mise sur le cash; en Afrique, il s’agit plus d’une
fi nance de projets sur dix à quinze ans, avec une rigueur bien
plus importante qu’on pourrait le penser car les systèmes sont
calqués sur le modèle français… »
Le Belge a clairement des atouts pour évoluer dans un contexte
international. « En tant que Belge, on se caractérise par une rela-
tivement grande ouverture d’esprit et une plus grande capacité à
s’intégrer et à être reconnu. Le Belge est modeste – trop peut-être
– et se défi nit plutôt par ce qu’il n’est pas, ce qui peut aider dans les
grands groupes. Nous partons plutôt de ce que nous connaissons
pour analyser les différences et nous adapter, alors que d’autres
vont souvent chercher à imposer leur propre système. »
DE LA PROACTIVITÉ Evoluer dans de grands groupes internationaux, c’est aussi
devoir s’accommoder de « grosses machines » caractérisées
par des processus décisionnels relativement longs. « Le mana-
gement est généralement de haut niveau, extrêmement com-
pétent, mais aussi marqué par l’existence de certaines baron-
nies, précise Jean-Louis Albert. Il faut pouvoir faire preuve d’un
peu de diplomatie. On y a par ailleurs l’avantage de pouvoir dis-
poser d’outils complexes et pointus permettant des approches
très rigoureuses, par exemple en matière d’investissements,
alors que dans une petite société familiale, la part d’émotion-
nel est beaucoup plus importante. »
Jean-Louis Albert pointe encore l’attention à porter au volet
culturel. « Par son côté cartésien, souvent, le directeur fi nancier
risque de passer à côté de cet aspect. D’un côté, le fi nancier a
cet avantage d’avoir un certain nombre de repères standards
partout dans le monde mais, de l’autre, une telle réalité peut
comporter le piège de ne pas être suffi samment attentif à
toutes les différences qui peuvent s’exprimer. »
Une certitude: le directeur fi nancier se doit de développer une
forte proactivité, conclut-il. « Gérer les fi nances, c’est fi nalement
assez facile quand tout va bien. Mais tout l’art consiste à garder
le cap dans la tempête. Dans ce contexte, il faut développer une
capacité beaucoup plus active à préparer des scénarios, en se foca-
lisant sur la mécanique des coûts variables, sur une compréhen-
sion des chiffres en profondeur, etc. Le directeur fi nancier ne peut
se contenter de regarder dans le rétroviseur pour s’assurer que les
chiffres suivent bien le plan. Aujourd’hui, dans le monde dans le-
quel on vit, plus on développe une vision solide et des alternatives
possibles, plus on a de chances de bien négocier les virages. »
« Plus on développe une vision solide et des alternatives possibles, plus on a de chances de bien négocier les virages. »
Jean-Louis Albert: « A l’international, vous pouvez décou-
vrir des approches fi nancières très différentes, parfois avec
la limite budgétaire n’entrant même pas dans les priori-
tés: c’est tout autre chose que de pouvoir travailler sur un
projet où la fi nalité stratégique prime. »
26
Des CFO à la conquête du monde
I néluctable, la mondialisation pousse
les entreprises à sortir de leur zone
de confort. « La mondialisation a
certes été un facteur d’augmentation
de la concurrence, mais elle a surtout donné un
grand coup d’accélérateur dans les échanges
internationaux et a généré de formidables
opportunités pour les entreprises ambitieuses
et innovantes, observe Michel Delville, CFO d’
Imerys, le leader mondial des produits de spé-
cialités à base de minéraux. Le CFO a un rôle
stratégique à jouer pour accompagner cette
accélération. La vieille image du spécialiste des
données chiffrées qui reste dans son bureau à
lire des bilans a bel et bien vécu.
Certes, le CFO reste le responsable de l’éla-
boration et de la publication des comptes
de l’entreprise, de leur transparence et de
leur conformité aux normes comptables en
vigueur, mais on lui demande en outre au-
jourd’hui d’être un gestionnaire dynamique,
d’avoir une vision prospective et innova-
trice et de trouver de nouvelles sources de
création de valeur. Pour cela il doit autant
être capable d’évaluer les projets et les mar-
chés porteurs pour l’entreprise qu’être actif
sur l’optimisation des coûts et les leviers
de compétitivité. Il doit également être le
‘généraliste’, le curieux et l’interlocuteur
avisé qui va poser les bonnes questions afi n
de cerner les enjeux stratégiques d’un projet
créateur de valeur par exemple… »
Après des études de droit menées à l’ULg et
une licence en administration des affaires,
Michel Delville choisit de s’orienter vers l’éco-
nomie d’entreprise. Il démarre sa carrière
dans le contrôle de gestion, au sein d’une
fi liale belge du Groupe de services pétrolier
Avec l’accélération des échanges internationaux, nos entreprises peuvent de moins en moins se contenter du petit marché belge. De nouvelles régions du monde s’offrent à elles avec le Brésil, la Chine ou l’Inde pouvant apparaître comme de nouveaux eldorados à conquérir. Pour accompagner ces évolutions, le directeur fi nancier doit concilier ancrage local et ambitions internationales. Partage d’expériences.
FISCALITÉ DOSSIER
TEXTE : FLORENCE THIBAUT
Michel Delville: « Le repli sur soi conduit
à l’impasse. Les entreprises européennes
spécialisées peuvent être compétitives à
condition de continuer à innover pour main-
tenir leur leadership technologique dans les
segments à haute valeur ajoutée. »
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°52 - DÉCEMBRE 2011
27
franco-américain Schlumberger. Après un an, il saisit l’opportu-
nité d’un transfert au siège parisien pour confi rmer son ancrage
dans la fi nance opérationnelle en milieu international, forte-
ment teintée de culture anglo-saxonne. En une dizaine d’années,
il touchera à des métiers industriels aussi divers que le transport
et la distribution d’électricité (transformateurs et appareils de
mesure et de protection) ou de carburants (stations services)
et la carte à puce. Une exposition précoce aux pays émergents
(Brésil, Mexique…) lui donnera le gout de l’international et il
passera également quelques années aux Pays-Bas et aux Etats-
Unis. Il rejoindra Imerys en 1999 où il occupe à présent le poste
de CFO, après avoir exercé divers rôles, de directeur fi nancier de
Division (Matériaux, Céramiques, Pigments et Additifs ), celui de
Directeur du Contrôle de Gestion, et plus récemment celui de
General Manager Europe à l’opérationnel pour la Branche Pig-
ments pour Papier et Emballages.
ŒIL CRITIQUE Imerys est un groupe coté à Paris spécialisé dans les miné-
raux industriels, dont l’actionnaire de référence est le Groupe
GBL (Albert Frère, conjointement avec Paul Desmarais du
Canada). L’entreprise, implantée dans 47 pays avec un effectif
de 16000 personnes, réalise un chiffre d’affaires d’environ 3,6
milliards d’euros à partir de ses quelques 240 sites miniers
et industriels. Elle possède un portefeuille d’une trentaine
de minéraux qu’elle extrait, enrichit et transforme à l’aide de
traitements physiques et mécaniques. Ses produits trouvent
une myriade d’applications industrielles chez de nombreux
clients aux quatre coins du monde en raison de leurs fonc-
tionnalités recherchées (conductivité pour la graphite qui
se retrouve dans les batteries lithium-ion, résistance ther-
mique pour les réfractaires etc..). La société s’est développée
par croissance organique et par croissance externe. Il y a dix
ans, environ 10% de son chiffre d’affaires était réalisé dans les
pays émergents. Aujourd’hui, la proportion se situe autour de
28% suite à des acquisitions, notamment en Inde et en Chine.
« Dès mon premier emploi, j’ai été immergé dans un contexte in-
ternational précise-t-il, au sein d’un grand groupe organisé par
lignes de métiers mondiales. C’est sans doute pourquoi je ne per-
çois pas la mondialisation comme une menace, mais comme un
phénomène naturel et une source d’opportunités, pour les en-
treprises comme pour les carrières. Bien sûr, elle peut bousculer
notre confort européen, mais il faut aller au-delà. Le repli sur soi
conduit à l’impasse. Aujourd’hui, le retour du protectionnisme
n’aurait pas de sens, la production n’est plus concentrée: les
chaines de production sont déjà internationales. Les entreprises
européennes spécialisées peuvent être compétitives à condition
de continuer à innover pour maintenir leur leadership technolo-
gique dans les segments à haute valeur ajoutée. »
Depuis les années 80, le rôle du responsable fi nancier s’est
étoffé et ne se limite plus à la comptabilité, ajoute-t-il. « De
responsable des comptes, il est devenu un gestionnaire à part
entière, il doit en outre développer une vision stratégique. La
culture anglo-saxonne a grandement infl uencé les méthodes de
management en Europe et a, par exemple, beaucoup contribué
à développer le Contrôle de Gestion et à en faire un partenaire
indispensable de la prise de décision. L’évolution des outils infor-
matiques et leur utilisation à des fi ns analytiques et décision-
nelles a également accéléré ce processus. Le paysage économique
a aussi évolué, il est aujourd’hui indiscutablement mondial. Dès
qu’une entreprise atteint une certaine taille critique, elle doit se
développer à l’international et elle le fait par l’exportation, en
multipliant ses implantations à l’étranger ou par croissance ex-
terne. Le CFO est forcément impliqué dans toutes ces décisions. »
Le rôle du CFO est d’autant plus crucial actuellement, puisque la
crise a limité les possibilités de fi nancement. « L’accès au crédit
et le niveau de génération de cash fl ow sont devenus particulière-
ment déterminants pour la viabilité de beaucoup d’entreprises. Le
CFO doit s’assurer que son entreprise dispose des ressources fi nan-
cières nécessaires à son développement. Il doit également veiller à
la bonne allocation des ressources et à la bonne gestion du cash
(besoin en fonds de roulement…). Spécialiste de la fi nance, il inter-
vient aussi dans tous les domaines de gestion – production, stra-
tégie commerciale – afi n de modéliser les différentes alternatives
et aider à prendre les meilleures décisions. Il allie connaissance des
chiffres et celle des différents leviers de l’entreprise, ce qui en fait
un interlocuteur de choix du CEO, qui peut en outre également
apprécier son œil parfois critique… »
IMPLICATION ET PROXIMITÉQuelle que soit la taille de l’entreprise, le CFO est devenu un ac-
teur majeur du comité de direction. S’assurer du cash fl ow, des
sources de fi nancement et des bons investissements à faire
font à présent partie de ses tâches prioritaires. Ses clients se
trouvant parfois à des milliers de kilomètres, il doit surveiller le
bon déroulement des paiements et le besoin de fonds de rou-
lement. Volontariste, il pose aussi les questions qui dérangent.
« Être curieux, mobile, avoir la volonté d’entreprendre et une
bonne capacité d’adaptation, bien connaître les marchés,
maîtriser les chiffres de son entreprise et apprécier travailler
avec les équipes commerciales et opérationnelles, font partie
des qualités d’un bon directeur fi nancier, complète Michel Del-
ville. Le CFO doit également s’impliquer dans la mise en place
et l’animation de la fonction fi nance dans l’ensemble de la so-
ciété. Cette gestion de proximité de la ligne fonctionnelle – qui
doit bien sûr être adaptée à la taille et à l’organisation de l’en-
treprise – est essentielle. Elle doit aider à garantir l’applica-
« La vieille image du spécialiste des données chiffrées qui reste dans son bureau à lire des bilans a bel et bien vécu. »
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°52 - DÉCEMBRE 2011
28
tion des règles du groupe en son sein (normes comptables, bud-
get et reporting, contrôle interne, etc.). Elle permet également
la gestion des carrières des fi nanciers en facilitant la mobilité
interne. J’en ai bénéfi cié moi-même et j’ai toujours aujourd’hui
un grand plaisir à promouvoir des fi nanciers méritants au Bré-
sil, aux USA ou en Chine ou à les voir passer à l’opérationnel. »
Le marché belge étant limité de par sa taille, beaucoup de
sociétés ont besoin de s’installer à l’étranger et luttent pour
se faire une place. Les coûts du travail étant très élevés, il
leur faut trouver d’autres manières de dégager des marges.
« La Belgique est naturellement internationale de par sa pe-
tite taille et sa situation géographique, elle est habituée aux
échanges internationaux. Multilingue, elle est plus réceptive
aux contacts multiculturels. Le cas de la France est un peu diffé-
rent et c’est peut-être une des raisons qui expliquent pourquoi
on y trouve plus de réticences face à la mondialisation. Mon
conseil aux entreprises belges, PME comme sociétés internatio-
nales, serait de se concentrer sur les produits ou services à forte
valeur ajoutée: les produits de commodités à faible valeur ajou-
tée sont devenus trop chers à produire pour être compétitifs. Il
faut plutôt développer ses spécialités et ne pas se limiter à son
marché national. Dans le luxe et les technologies par exemple,
il y a encore beaucoup de potentiel. Pour réussir tout cela il est
indispensable que l’on continue à former de bons ingénieurs
en Belgique, pas seulement des fi nanciers. Il faut aussi que l’on
diffuse une culture de la créativité et l’envie d’entreprendre…»
100% D’EXPORTATIONSPaul Adam a rejoint le groupe Sonaca en tant que Chief Finance
et Strategy Offi cer il y a deux ans. Après des études d’ingé-
nieur civil à l’Université de Liège, il suit un master à Stanford
puis commence sa carrière professionnelle à l’Agence Spatiale
Européenne. Après avoir travaillé pour Matra/Spacebel et Ge-
neral Motors, il est engagé chez McKinsey, où il reste 12 ans.
« Le voyage a toujours fait partie de mon parcours », déclare-t-
il. Notamment engagé pour réorganiser les activités du groupe
Sonaca afi n d’affronter la crise, il participe à son implantation en
Chine en 2010. L’entreprise de construction aérospatiale basée à
Gosselies exporte 100% de sa production vers des constructeurs
aériens étrangers comme Airbus, Embraer, Bombardier ou Das-
sault. Le groupe possède des usines au Canada, aux Etats-Unis,
en Belgique et au Brésil. Le site de Gosselies emploie ainsi près
de 1.600 personnes dont plus de 300 ingénieurs.
Spécialisé depuis 30 ans dans le design, la conception et la
production de bords d’attaque d’ailes d’avions, le construc-
teur produit également des panneaux d’ailes et des tronçons
de fuselage. La fabrication des pièces est centralisée. « Les
grandes tôles sont produites en Belgique et envoyées à toutes
les unités dans le monde. Le savoir-faire et les équipements
spécifi ques se trouvent en Belgique, précise Paul Adam. Les pe-
tites pièces sont fabriquées au Brésil et ensuite envoyées sous
formes de kits, elles sont assemblées localement. Le CFO doit
aider à l’optimisation de cette ‘supply chain’, en tenant compte
notamment des coûts de transport, de la complexité logistique
et des taxes de douane éventuelles. Chaque fois qu’on éta-
blit une entité dans un pays, nous devons la certifi er. Chaque
constructeur a ses propres certifi cations, cela prend donc un
certain temps. Le troisième élément de complexité est lié aux
modes de fi nancement locaux, il est important de s’entourer de
partenaires sur place. En Chine, par exemple, nous possédons
70% de la société, les 30% restants appartiennent à un parte-
naire établi à Hong Kong. Au Brésil, notre partenaire détient
33%. En Amérique du Nord, nous avons 100% du capital. »
UN PIED EN ASIE Depuis quelques années, la Sonaca poursuit une logique d’expan-
sion et souhaite s’attaquer sérieusement au marché asiatique.
Leader dans une niche, l’entreprise a créé trois fi liales au Brésil
en 2000. Elle a ensuite établi deux fi liales aux Etats-Unis et au
Canada suite à des acquisitions en 2004. Le groupe s’est ensuite
installé en Chine pour mieux desservir le marché asiatique, le
premier bord d’attaque « chinois » a été livré en octobre 2011. Il
envisage également une présence en Inde d’ici quelques années.
« Notre objectif est de nous rapprocher de nos clients. L’assem-
blage fi nal des pièces se fait toujours localement, explique Paul
Adam. Nos emplacements sont stratégiques, par exemple, la Bel-
gique s’occupe des livraisons en France, Angleterre ou Allemagne
et sert des clients proches comme Dassault. Nous avons souhaité
nous installer en Chine car le secteur de l’aviation s’y développe
à grande vitesse. Nous avons accompagné Airbus. C’est une zone
à fort potentiel et d’autres clients existants vont sûrement s’y
établir. Les Etats-Unis sont aussi une zone de croissance, mais
essentiellement pour des questions de renouvellement de parc.
Leur fl otte est plus vieille qu’en Europe. Quand je suis arrivé à
la Sonaca, le groupe était déjà international, mais était plutôt
organisé suivant une logique de silos. Nous allons aujourd’hui
vers une philosophie transversale et une gestion plus intégrée. »
Le secteur de l’aviation est soumis à de plus en plus de concur-
rence. Si dans les années 80, beaucoup de sociétés étaient dé-
tenues par les Etats, c’est beaucoup moins le cas aujourd’hui.
« A l’époque, la fabrication des différentes parties de l’avion était
répartie par pays. Par exemple, l’Espagne s’occupait de créer
l’empennage, l’Angleterre les ailes, l’Allemagne, le corps central
du fuselage, la France la pointe avant et la Belgique, la par-
tie avant de l’aile, ce qui explique le choix de notre activité. Ce
modèle limitait la concurrence. Cette répartition géographique
n’existe plus. Il y a toujours certaines spécialités, mais de plus
FISCALITÉ DOSSIER
« C’est important de partager le même
vocabulaire, une manière de chiffrer et un suivi des
budgets standardisés. »
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°52 - DÉCEMBRE 2011
29
en plus de sociétés choisissent de diversifi er leur production, il
y a davantage de concurrence au sein de l’Europe. Il existe, par
exemple, une dizaine de sociétés qui font du fuselage et se font
la guerre sur ce terrain-là. L’industrie nous pousse à rester com-
pétitif en investissant en R&D pour rester innovant. »
NÉGOCIATION ET STRATÉGIELe rôle du CFO est de développer ses équipes locales afi n de
s’appuyer sur des relais dans les différentes fi liales. Il lui faut
parfois négocier avec des partenaires locaux qui n’ont pas la
même approche ni les mêmes attentes, ce qui lui impose une
certaine agilité. « Mon rôle est d’accompagner le CEO dans les
décisions stratégiques, souligne Paul Adam. En discutant avec
d’autres CFO, je me suis rendu compte que ce volet stratégique est
devenu plus important dans les grands groupes internationaux.
La partie comptable est souvent gérée par des collaborateurs du
CFO qui peut alors se concentrer sur des activités à forte valeur
ajoutée comme la découverte de nouveaux marchés ou la créa-
tion de nouveaux partenariats. Quand je suis arrivé à la Sonaca, il
y avait des défi s opérationnels importants. Une restructuration et
un plan social ont du être mis en place. Il fallait impérativement
réduire les coûts. Dans ce cas de fi gure, le CFO participe à défi nir les
objectifs fi nanciers et opérationnels, son rôle est très important. »
Parmi ses axes stratégiques, le groupe a pour objectif de travail-
ler sur de nouveaux partenariats à l’étranger. La région wallonne,
en tant qu’actionnaire majoritaire, souhaite ouvrir le capital à
des investisseurs privés dans les mois à venir.
VERS LE MOYEN ORIENTAprès des études de commerce à l’IAG (UCL), Patrick Vogne a dé-
marré sa carrière chez Deloitte, il a ensuite été contrôleur de ges-
tion chez Bull, un groupe informatique français. Il a eu l’occasion de
travailler à Paris pour cette société où il était contrôleur de gestion
pour l’Europe et à la Réunion d’où il dirigeait les activités fi nancières
de l’océan indien. Puis, il a été amené à travailler chez Schindler
comme CFO pour une période de douze ans tout en menant de
nombreuses missions internationales. « J’ai toujours travaillé pour
l’étranger ou de l’étranger », détaille-t-il. Il est aujourd’hui CFO pour
le groupe Herstal depuis un peu plus de trois ans.
Le groupe wallon se compose des trois marques: FN Herstal,
Browning et Winchester. Il autour de deux grands pôles d’ac-
tivités: le pôle civil –les armes et les accessoires de chasse et
de tir sportif pour les particuliers – et le pôle militaire –les
armes légères pour la défense et les forces de l’ordre. Entiè-
rement détenu par la région wallonne depuis 1997, le groupe
est présent en Europe et aux Etats-Unis et dessert des clients
partout dans le monde au travers d’un large réseau d’agents
locaux, chacun des ses métiers possédant ses canaux de dis-
tribution propres. Le groupe compte près de 3.000 employés.
La concurrence est extrêmement forte comme dans beau-
coup de secteurs, les budgets accordés à la défense étant
souvent en diminution dans le contexte économique actuel.
Certains concurrents essayent de casser les prix, le groupe
mise plutôt sur le maintien de la qualité de ses produits et la
réduction de ses frais de production et de fonctionnement.
« En tant que CFO, j’ai notamment un rôle de support par rap-
port aux activités commerciales. Mon département intervient
sur des questions précises comme des garanties bancaires ou la
validation des aspects fi nanciers relatifs à des contrats à l’export,
explique Patrick Vogne. Comme dans toute multinationale, je
suis en contact régulier avec les directions fi nancières de nos dif-
férentes fi liales. Une bonne communication passe également
par la défi nition et la mise en place d’outils de gestion communs
et spécialisés. C’est important de partager le même vocabulaire,
une manière de chiffrer et un suivi des budgets standardisés. De
manière générale, le rôle du CFO s’est considérablement étendu
depuis plusieurs années. Il doit être vraiment polyvalent et plu-
ridisciplinaire. Il doit assurer les activités classiques de reporting
et le suivi des activités mais tout en créant de nouvelles oppor-
tunités pour son entreprise. Des aspects, comme l’exposition
aux changes existaient déjà, mais s’intensifi ent considérable-
ment dans cette période de troubles monétaires avec des effets
considérables pour les sociétés tournées vers l’export. Pour le
résumer, c’est un homme de chiffres et un catalyseur d’inno-
vation. » Davantage amené à se pencher sur une législation
internationale également de plus en plus complexe, le CFO
voit sans cesse sa zone de compétence en train de s’élargir.
Paul Adam: « Mon rôle est d’accompagner le CEO dans les décisions stratégiques. Ce volet stratégique est devenu plus important dans les grands groupes internationaux. »
« L’industrie nous pousse à rester compétitif en
investissant en R&D pour rester innovant. »
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°52 - DÉCEMBRE 2011
30
Comment investir et exporter à l’étranger
Q uel scénario choisir et avec quel cadre légal?
Quel pays est le plus intéressant fi scalement?
Comment se protéger juridiquement? Les zones
d’inquiétude ne manquent pas. Des cabinets de
conseil fi scal comme De Witte & Viselé Associates se sont spé-
cialisés dans l’expertise comptable à la carte, la consolidation et
la fi scalité à la fois à caractère régional, national et multinational
pour encadrer ces entreprises et les assister dans leurs démarches.
Avec une trentaine de collaborateurs tous issues des Big Four et
répartis dans trois bureaux, la volonté du cabinet est de s’adresser
plus particulièrement aux PME qui ont souvent besoin d’être ac-
compagnées pour se lancer. Sous l’impulsion de Rolf Declerck, Tax
Partner chez DWVA, le cabinet a choisi de se cibler sur la Chine,
particulièrement intéressante au niveau fi scal. Intermédiaire, il
met aussi en relation ses clients avec ses partenaires locaux. Le
conseiller (le consultant ?) répond à nos questions.
Quelles sont les lois de référence dans notre droit concernant
le commerce international?
Rolf Declerck: « Il existe tout d’abord deux grands principes
en matière de fi scalité internationale. Le premier concerne
la souveraineté fi scale nationale. En effet, chaque pays peut
promulguer ses propres règles fi scales et les appliquer sur
son territoire. Ce principe est également connu sous le nom
de ‘principe de l’Etat de résidence’, chaque pays pouvant en
principe imposer ses ressortissants sur leur revenu mondial.
Le second principe général de droit fi scal est celui de ‘l’Etat de
la source’, le revenu sera imposé dans le pays où il a été géné-
ré. Sont ici concernés les revenus du travail ainsi que les reve-
nus mobiliers (intérêts et dividendes) récoltés dans un autre
Etat et qui subiront dans celui-ci une retenue à la source.
Un ‘confl it’ entre ces deux principes de souveraineté fi scale peut
mener à une double imposition: un même revenu est taxé deux
ou plusieurs fois dans des Etats différents. Par exemple, les divi-
dendes taxés dans le chef de la société fi lle ‘distributrice’, comme
c’est le cas en Chine, le sont une nouvelle fois dans le chef de la
société-mère ‘receveuse’ belge. Pour prévenir ce phénomène, la
Belgique a conclu avec 88 autres pays des conventions préven-
tives de double imposition, qui règlent la compétence de taxa-
tion de chacun. Une nouvelle convention préventive de double
imposition a d’ailleurs été conclue avec la Chine, mais n’est pas
encore entrée en vigueur. La Belgique a d’ailleurs été un des pre-
miers pays à la mettre en forme. Le but de ces conventions est de
stimuler les activités à l’international.
FISCALITÉ DOSSIER
TEXTE : FLORENCE THIBAUT
Pour bon nombre d’entreprises, sortir du marché belge s’impose et, face à de nouvelles opportunités à l’étranger – exportations ou création d’un bureau local –, certaines peuvent se sentir perdues dans les démarches à entreprendre. Aller chercher des clients à l’étranger entraîne en effet des conséquences fi scales et légales. Focus sur la Chine.
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°52 - DÉCEMBRE 2011
31
Une fois la compétence de taxation attribuée à un Etat, c’est
la législation nationale de celui-ci qui établira l’imposition
effective du revenu. Par exemple, conformément à la conven-
tion préventive de double imposition conclue entre la Bel-
gique et la Chine, les dividendes d’origine chinoise récoltés en
Belgique doivent être exemptés en Belgique, ce qui, en droit
interne belge, est effectué par le biais du régime des Reve-
nues Défi nitivement Taxées (RDT). »
Qu’en est-il des réglementations européennes?
Rolf Declerck: « Dans un contexte européen, il s’agit égale-
ment de tenir compte des directives fiscales européennes:
exemption à la source des dividendes, intérêts et rede-
vances, réorganisation pan-européennes de sociétés lors de
fusions ainsi que de la jurisprudence en matière fiscale de
la Cour Européenne de justice – exemple: l’arrêt Cobelfret
concernant la déduction des RDT. Mais cela ne s’applique
évidemment pas aux relations avec la Chine dans la mesure
où celle-ci n’est pas membre de l’Union européenne. Il faut
également prendre en compte l’importance croissante des
prix de transfert, en vertu desquels les opérations fiscales
entre des entreprises liées doivent se dérouler dans des
conditions identiques à celles qui existeraient entre entre-
prises indépendantes. Cela renvoie au principe communé-
ment appelé ‘at arm’s lenght’. »
Comment une entreprise belge peut-elle construire des tran-
sactions profi tables avec des partenaires internationaux
comme la Chine? Quelle est la structure juridique et fi scale
en la matière?
Rolf Declerck: « Une entreprise belge désireuse d’investir à
l’étranger peut envisager deux types de directions: d’dabords
la direction ‘outbound’ où des moyens fi nanciers sont investis
à l’étranger, notamment par le biais de capitaux, de prêts ou
d’octroi de licence, et aprèiès, la direction ‘inbound’ où les
revenus et les bénéfi ces sont rapatriés vers la Belgique. Logi-
quement, les investisseurs désirent réaliser ce rapatriement
de revenus de la façon la plus fi scalement avantageuse avec
la retenue à la source la plus basse possible dans le pays ou
le revenu est généré. Dans ce cadre, la forme sous laquelle
la société exerce ses activités à l’étranger est importante.
L’expansion internationale d’une société belge peut en effet
connaître différentes phases:
- l’exportation (pas de présence fi scale à l’étranger),
- une succursale, soit l’extension juridique de la maison-mère.
Il s’agit de la même entité juridique, mais qui sera considérée
fi scalement indépendante. Dans ce modèle-ci, il peut y avoir
un risque de double imposition,
- des bureaux de représentation si la masse critique le justi-
fi e: en Chine, par exemple, ces entités sont taxées, bien que
sur une base limitée (cost-plus) et ont accès au marché local.
Elles ne peuvent cependant pas effectuer de transactions
commerciales en Chine, ni accepter de l’argent de clients. De
plus, la transformation ultérieure d’une telle entité est un
processus long, fastidieux et couteux. Par conséquent, cette
façon de commencer un négoce avec la Chine, assez courante
par le passé, tend à se raréfi er avec les années,
- une fi liale opérationnelle ou ‘WOFE’ soit « wholly owned
foreign enterprise »: ses revenus seront en principe taxés à
25% (Corporate Income Tax), taux qui sera dans certains
« Une nouvelle convention préventive de double
imposition a été conclue avec la Chine, mais n’est pas
encore entrée en vigueur. »
Rolf Declerck: « Tout comme les sociétés américaines, il est préférable pour les sociétés belges de conserver en Belgique leur know-how/marques/technologies et de travailler en Chine par le biais d’un système de licence ou de prêts. »
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°52 - DÉCEMBRE 2011
32
cas diminué à 15% (pour des activités high tech par exemple).
Les fl ux de revenus avec des actionnaires belges seront régis
par la convention préventive de double imposition Belgique-
Chine et la retenue à la source sur les dividende s, intérêts et
royalties sera dans tous les cas de 10%, en vertu de la conven-
tion préventive en vigueur.
Changer de modèle en cours de route est très fastidieux, il
faut donc y faire très attention lors du choix de la structure.
Les frais pour démanteler une société sont également très
élevés. Notre rôle est d’être proactif et d’anticiper les diffi cul-
tés. Il nous faut à la fois prévoir la constitution de la structure,
mais aussi son départ potentiel. La fi scalité évolue constam-
ment, c’est tout l’intérêt de notre métier. »
Avoir des activités à Hong-Kong offre-t-il d’autres avantages?
Rolf Declerck: « Dans le troisième cas de figure, une struc-
ture fiscale optimale peut se mettre en place via des socié-
tés intermédiaires à Hong-Kong, le rapatriement des béné-
fices d’Hong-Kong vers la Belgique n’étant soumis à aucune
retenue à la source. Il en va de même pour les intérêts qui
sont également exemptés, et les redevances qui ne sont
soumises qu’à une retenue de 4,95%, mais ou la législa-
tion belge prévoit un crédit d’impôt forfaitaire de presque
18%. L’Etat belge ne voit pas pour autant la place financière
comme un paradis fiscal. En ce qui concerne les dividendes,
la retenue à la source entre la Chine et Hong-Kong s’élève à
5%, ce qui permet une économie de 5% par rapport à une
structure directe avec la Chine. L’avantage est aussi qu’il n’y
pas de coûts fiscaux supplémentaires à Hong-Kong, étant
donné que le régime de taxation territoriale appliqué sur
place: les revenus de provenance étrangères (et donc de
FISCALITÉ DOSSIER
« Les principaux atouts de la Belgique sont d’abord les connaissances techniques
et le know-how, puis la qualité de ses produits et
les marques. »
Tout comme son homologue FIT, l’agence Flanders Invest-
ment and Trade, l’AWEX est notamment chargée de pro-
mouvoir les exportations des entreprises situées dans sa
région en poussant les entreprises wallonnes à être plus
performantes à l’international. Organisme d’intérêt public,
l’Agence wallonne à l’Exportation et aux Investissements
étrangers a été créée en avril 2004. Dotée d’une personna-
lité juridique, elle emploie 459 collaborateurs dont 100 at-
tachés économiques et commerciaux envoyés à l’étranger
comme relais locaux. Elle possède également un réseau
international de 7 bureaux de conseil.
Avec 4.300 demandes en 2010, le nombre de dossiers
qu’elle reçoit chaque année est en constante augmenta-
tion et reflète l’attrait de l’étranger pour les entreprises
wallonnes. Près de 5.000 entreprises font ainsi partie de
son fichier client. 47 projets ont été achevés l’année passée
dont deux en Chine, deux au Japon, six aux Etats-Unis et
sept au Royaume-Uni. L’ensemble de ces projets a mené à
la création de près de 1.653 emplois directs. Si le volume
des exportations wallonnes a fortement diminué entre
septembre 2008 et mai 2009, il augmente progressive-
ment depuis la fin 2009.
« On constate un intérêt croissant pour notre système d’aides,
explique Marie-Christine Thiry, directrice du service des
incitants fi nanciers. Notre marché domestique étant devenu
trop exigu, de plus en plus d’entreprises cherchent de nou-
veaux marchés. Le seul critère pour bénéfi cier de bourses de
l’AWEX est d’être un opéateur économique wallon. Notre ob-
jectif fi nal est de développer l’emploi dans la région. »
Pour stimuler les entreprises de sa région à développer
davantage d’activités hors de nos frontières, l’AWEX a mis
en place une série de « coups de pouce » afin de les assister
dans les différentes étapes de leur stratégie commerciale.
Plusieurs catégories d’aides et de services gratuits sont
ainsi accessibles aux entreprises localisées en Wallonie,
quelles que soient leur taille et leur catégorie, afin d’en-
courager leur développement international. Cumulables,
ils peuvent être de nature financière ou logistique. Ces
services sont conçus pour couvrir toutes les étapes de la
démarche exportatrice: de l’information, à la promotion, à
la prospection, à la formation et à la stimulation financière
jusqu’aux financement internationaux.
« Nous proposons quatre ensembles de bourse: un support à
la promotion, nous remboursons 50% des impressions d’ar-
ticles, supports médiatiques ou autres dépliants. Nous avons
eu plus de 1.000 demandes de ce type l’année passée. Ensuite,
une aide à la prospection, nous remboursons 50% des frais de
transport et d’hébergement pour trois voyages s’il s’agit d’un
COUPS DE POUCE À L’EXPORTATION
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°52 - DÉCEMBRE 2011
33
Chine) ne sont pas taxables à Hong-Kong. Les revenus lo-
caux sont, en revanche, taxés au taux de 16,5%.
Les plus-values provenant d’une vente ultérieure de la struc-
ture hong-kongaises ne sont pas taxables en Belgique. En
revanche, la vente d’une structure similaire en Chine donnera
lieu à une taxation en Chine. Il est important que la société
hong-kongaise ait une ‘substance’ minimale, quelques tra-
vailleurs locaux, une activité économique minimale, sous
peine que la Belgique ne lui reconnaisse pas la nationalité
hong-kongaise et que par conséquent, la convention préven-
tive de double imposition entre la Belgique et Hong-Kong ne
s’applique pas. Je conseille également toujours à mes clients
d’aller y faire quelques visites par an pour avoir des frais à
montrer lors d’un contrôle fi scal.
Selon moi, ce n’est pas uniquement la convention préventive
de double imposition entre la Belgique et Hong-Kong qui
rend la structure Belgique-Hong-Kong-Chine intéressante,
mais la combinaison unique de cette convention avec l’accès
aux nombreux avantages fi scaux que la Belgique offre pour
toute une série d’activités. par exemple, des mesures fi scales
attractives dans le domaine de la recherche et du dévelop-
pemenD et l/innovatio), de fi nancement nles intéretsintérêts
notionellesnotionnels), de modes de distribution (taxation
possible sur base d’un cost plus), de profi t excessifs (Ruling
Prix de transfert), holding, provisoirement du moins, dans la
mesure où la note Di Rupo prévoitscertaines restrictions à
ces mesures fi scales favorables. »
Comment une entreprise peut-elle se protéger juridique-
ment dans ce contexte? Quelles sont les instances à saisir en
cas de litige?
Rolf Declerck: « Comme mentionné ci-avant, opérer par le
biais d’un bureau de représentation en Chine est difficile.
Par ailleurs, pour les structures comportant des sociétés
intermédiaires à Hong-Kong, il est important qu’il y ait une
des activités à Hong-Kong pour pouvoir invoquer la conven-
tion préventive de double imposition entre la Belgique et
Hong-Kong. D’un point de vue chinois, les principaux atouts
de l’Europe et de la Belgique, sont d’abord les connaissances
techniques et le know-how, ensuite, la qualité de ses pro-
duits et en troisième lieu les marques. Les entreprises belges
désireuses de faire des affaires avec la Chine doivent en être
conscientes et protéger ces atouts pour éviter les contrefa-
çons, notamment les marques et le know-how en les bre-
vetant sur le marché chinois et plus particulièrement pour
les situations de joint ventures, il existe un risque que le
partenaire chinois s’approprie le know-how ou enregistre
plus tard la technologie en son nom propre. C’est la raison
pour laquelle entamer un négoce en Chine sans partenaire
ou travailleurs chinois est très difficile, pour ne pas dire
impossible, surtout quand on ne maîtrise pas la langue. Les
manières de travailler y sont également très différentes. Le
pays est tellement grand que c’est difficile de savoir où com-
mencer. Tout comme les sociétés américaines, il est préfé-
rable pour les sociétés belges de conserver en Belgique leur
know-how/marques/technologies et de travailler en Chine
par le biais d’un système de licence (droit d’usage). »
Existe t-il des accords européens à ce sujet?
Rolf Declerck: « Au niveau fi scal, il n’existe pas de réglemen-
tation directe étant donné que les directives européennes
s’appliquent uniquement entre Etats membres. Le domaine
des douanes fait peut-être exception à cette règle – au su-
jet du commerce des biens, pas de services. La Chine étant
considérée comme ‘Etat tiers’, il existe des règles relatives aux
prélèvements à l’importation, les entrepôts de douane et les
tarifs de douane. En revanche, il existe des accords commer-
ciaux comme l’Accord de coopération commerciale et écono-
mique EU-Chine et l’Accord OMC EU-Chine. Au niveau fi scal,
les règles de l’OCDE prennent aussi une importance accrue,
notamment au niveau des prix de transferts. »
marché en dehors de l’Union européenne. La troisième
aide proposée est le bonus PME. Lorsqu’une entreprise se
déplace dans un salon à l’étranger pour la première fois,
nous prennons en charge 50% de ses frais de voyage et
50% des frais de location – stand, tickets d’entrée. Si elle
y est déjà allée, nous offrons alors un subside classique et
remboursons la moitié des frais de voyage. Notre présence
est fortement concentrée en Europe, mais nous visons éga-
lement l’Asie. Nous poussons nos entreprises à aller plus
loin. »
Certifi ée ISO 9001, l’agence est obligée de respecter
certains délais fi xes comme dix jours maximum pour
signifi er l’accusé de réception, 30 jours pour instruire le
dossier et donner un avis et 30 jours pour effectuer le pai-
ment si le projet est validé. En plus des missions écono-
miques ou des stands collectifs lors de foires à l’étranger,
l’agence wallonne organise des formations en langues et
du coaching spécialisé en communication. Le nouveau
programme « Awex 2.0 » créé il y a moins d’un an forme
les entreprises à mieux utiliser les outils webs dans leur
prospection. Un projet « workfl ow » permettra d’ici peu
aux entreprises de suivre l’évolution de leur dossier en
ligne étape par étape sur le site. Tous les documents y
sont déjà téléchargeables.