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FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°15 - MARS 2008
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Finance & Développement durable La fi nance et le développement durable sont-ils compatibles? Oui, nous répondent trois directeurs fi nanciers d’entreprises actives dans des métiers liés à l’environnement. Mieux: ils peuvent se renforcer l’un l’autre, même si les équilibres ne sont pas forcément toujours faciles à trouver. Pour Georges Hübner (HEC-ULg), refuser de s’inscrire dans le cadre du développement durable risque même d’être pénalisant. Finance Management vous livre également des conseils en matière d’audit énergétique et de bilans « carbone », ainsi qu’une grille de lecture des investissements « responsables ».
Dossier
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°15 - MARS 2008
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FISCALITÉ DOSSIER
TEXTE : LAURENT CORTVRINDT
La fi nance et le développement durable sont-ils compatibles? Oui, nous répondent trois directeurs fi nanciers d’entreprises actives dans des métiers liés à l’environnement. Mieux: ils peuvent même se renforcer l’un l’autre, même si les équilibres ne sont pas forcément toujours faciles à trouver. Témoignages et partage d’expériences.
Il faut pouvoir allerau bout de ses idées
P our Deep Green, une PME bruxelloise âgée de huit
ans et spécialisée dans le traitement des terres
polluées par désorption thermique, le dévelop-
pement durable constitue naturellement un vé-
ritable cheval de bataille. Par ses activités, elle se doit d’être un
exemple en matière de développement durable. Frédéric Zoller,
son Chief Financial Offi cer, explique comment une politique res-
pectueuse de l’environnement peut permettre, en même temps,
de minimiser les coûts et de multiplier le nombre de clients.
« Depuis le début, nous connaissons bien nos ‘faiblesses’ dans
ce domaine: principalement la consommation d’énergie, expli-
que-t-il. C’est pourquoi, nous avons focalisé nos efforts sur la
réduction du caractère énergivore de notre technologie pour
faire en sorte de diminuer au maximum l’impact sur l’environ-
nement des opérations de traitement. » Au niveau fi nancier,
Deep Green a également très vite mis en place une compta-
bilité analytique pointue afi n de suivre ses coûts. « Cela a per-
mis de confi rmer que la principale facture servait à couvrir les
besoins en énergie. Veiller à notre empreinte environnemen-
tale prenait, d’un seul coup, autant d’importance pour notre
image et pour nos fi nances! »
A l’horizon 2011, Deep Green espère faire baisser sa dépense
énergétique de 75%. Pour y arriver, la PME a développé un plan
d’économie sur cinq ans, composé d’objectifs successifs et de
Key Performance Indicators pour suivre les progrès. Si la pre-
mière phase de diminution des coûts a pu s’effectuer à frais
contenus – suppression de l’usage de combustibles nobles,
suppression des déperditions de chaleur grâce à de meilleures
isolations des machines et des sites, réduction des volumes à
dépolluer via un prétraitement adéquat des terres, etc. –, la
suite des opérations passe, par contre, par des investissements
importants. « Pour les concrétiser, nous devons faire appel à des
fi nancements externes. Nous considérons ces investissements
comme une nécessité en matière d’image et de rentabilité. Car,
si nous souhaitons positionner la société correctement sur le
marché, nous devons aller au bout de nos idées. »
GARANTIE DE RÉSULTATPour rencontrer ces objectifs ambitieux, Deep Green a innové
technologiquement en brevetant un tout nouveau procédé d’as-
sainissement: le thermopile. « Energétiquement 90% plus sobre
que nos solutions actuelles, le thermopile associe, par ailleurs, éco-
nomie et développement durable. Ce système permet en effet d’as-
sainir un sol à 100% même si les terres sont diffi ciles d’accès com-
me, par exemple, sous un bâtiment. » Plus besoin d’excaver: Deep
Green intervient in situ avec, à la clé, une garantie de résultat et
une sortie du bien immobilier des registres des sols pollués de la
région. Une valeur ajoutée énorme pour les clients. Tout fi nan-
cier averti aura donc aisément saisi l’attrait de la formule. Avec
un coût de décontamination largement inférieur à la plus-value
que l’on peut réaliser sur la vente d’un bien immobilier désormais
sain, portefeuille et environnement sont tous deux gagnants.
Chez Thenergo, le développement durable est également au
cœur des activités. Société active depuis 2002 dans le déve-
loppement et l’exploitation de projets d’unités décentrali-
sées de production d’énergie basés sur la biomasse, le biogaz
et la cogénération, son éventail de compétences lui permet
de créer des synergies uniques avec ses partenaires et ses
clients. Les interlocuteurs belges, hollandais ou allemands
de Thenergo peuvent être très différents mais ils se révèlent
principalement actifs dans l’industrie et l’agriculture. Les
unités décentralisées conçues par Thenergo sont destinées
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à transformer de la biomasse, du biogaz ou du gaz naturel en
énergie durable (électricité et chaleur).
Ces unités, généralement bâties sur le site des partenaires
(premiers utilisateurs de l’énergie produite), sont principale-
ment alimentées par les déchets produits sur place. Au sein
du business model de Thenergo, la synergie en matière d’éner-
gie durable constitue d’ailleurs un élément clé. Cette synergie
résulte tout d’abord de la combinaison effi cace de diverses
activités durables et opérationnelles, du design du concept
à la vente de l’électricité produite. Thenergo se focalisant
sur les projets entre un mégawatt et 20 mégawatts, toute la
réalisation peut être menée en étroite collaboration avec les
partenaires. Actuellement, vingt projets, pour un total équi-
valent à 63 MW, sont en activité et 300 MW se trouvent soit
en phase de développement, soit sont identifi és.
COMPATIBILITÉ PARFAITE Thenergo fi nance entièrement ou partiellement la conception des
unités et propose à ses partenaires des possibilités de co-investis-
sements. Pour défi nir les rendements et retours souhaités, cha-
que projet sera, bien entendu, scrupuleusement étudié. Avec un
tel business model, Christophe Van Nevel, Chief Financial Offi cer
de Thenergo, souligne la compatibilité parfaite entre développe-
ment durable et fi nances. « Notre activité professionnelle permet à
nos partenaires de trouver une solution pour éliminer leurs déchets.
Et cette matière récupérée va nous servir de base pour produire de
l’énergie que nous allons ensuite revendre à nos clients. Les surplus
alimenteront par ailleurs le réseau », dit-il. Quand on sait que les di-
rectives européennes exigent un quota de 20% d’énergie « verte »
à l’horizon 2020, on se rend vite compte des lendemains chan-
tants et de l’immense marché qui attendent Thenergo.
Recourir à des sources d’énergie peu onéreuses – ou problé-
matiques pour un partenaire obligé de s’en débarrasser – afi n
de les utiliser comme fuel pour générer de l’électricité sem-
ble donc constituer un exercice aisément rentable. Ce n’est
pourtant pas le cas. Il faut avant tout veiller à décentraliser le
modèle. Car, pour conserver toute leur effi cacité, la biomasse
et le biogaz ne peuvent être transportés trop loin. C’est pour-
quoi les unités de production devront, de préférence, se situer
à proximité des sources de fuel… et, de ce fait, des locations
très proches des déchets naturels (bois, déchets organiques,
etc.) ou des locations auprès des partenaires et clients.
TOUJOURS ATTENTIFS Dans chaque projet, Thenergo doit donc minimiser les ris-
ques. « La maison organise le fi nancement, par projet, auprès
des banques. Nous nous occupons ensuite de la réalisation,
seuls ou avec des partenaires propriétaires de déchets qui ne
possèdent pas nécessairement les compétences ou le capital
pour développer une centrale énergétique, explique Christo-
phe Van Nevel. Pour y arriver, et il s’agit là d’un point capital,
nous ne faisons pas de recherche et développement. Nous pré-
férons privilégier l’utilisation unique de technologies qui ont
déjà prouvé leur effi cacité. Bien entendu, notre savoir-faire per-
mettra d’apporter une touche créative à chaque concept. »
Thenergo accorde une attention particulière à la gestion des
stocks et à l’approvisionnement en matières premières. L’en-
treprise rachète notamment certaines fi rmes – comme par
exemple Leysen Group en septembre 2007 – productrices de
grandes quantités de matières premières susceptibles de servir
« Nous avons focalisé nos ef-forts sur la réduction du ca-ractère énergivore de notre
technologie pour en diminuer au maximum l’impact sur
l’environnement. »
Frédéric Zoller: « La mise en place d’une comptabilité analy-tique pointue afi n de suivre nos coûts a permis de confi rmer que la principale facture servait à couvrir les besoins en énergie. Veiller à notre empreinte environnementale pre-nait, d’un seul coup, autant d’importance pour notre image et pour nos fi nances! »
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de fuel. « En réalité, nous nous occupons de tout, y compris la
gestion des centrales. Nous déléguons uniquement la construc-
tion. Les marges bénéfi ciaires y sont les plus basses pour nous. »
Pour augmenter ses bénéfi ces, Thenergo focalise d’ailleurs
une part de ses ressources sur les ventes et le commerce de
l’énergie. En Allemagne par exemple, où le marché de l’électri-
cité n’est pas libéralisé, les contrats de fourniture d’électricité
peuvent porter sur des durées de vingt années. En Belgique
ou aux Pays-Bas, les marchés libéralisés ne permettent pas ce
type de conventions à long terme particulièrement rémuné-
ratrices. Il faut, dans ce cas, travailler à moyen terme avec des
contrats plus fragiles.
En tant que CFO, Christophe Van Nevel considère le dévelop-
pement durable comme une donnée essentielle du monde fi -
nancier actuel. « Les capitaux investis se révèlent en effet assez
conséquents. Les constructions coûtent de l’argent, les investis-
sements importants s’établissent – projet par projet – sur une
durée considérable de dix à vingt ans… Il faut toujours s’assurer
de la rentabilité des dossiers, exiger des retours minimums ga-
rantis… Nous devons nous montrer très sélectifs. » Grâce à son
business model unique et à ses critères de sélection pointus,
Thenergo récolte toutefois les fruits de son labeur: en 2007,
l’entreprise a fi guré à la 65e position d’un top 100 réalisé par
CNBC et reprenant les sociétés les plus durables d’Europe.
FLEXIBILITÉ OPÉRATIONNELLESelon Christophe Van Nevel, le CFO actif dans le secteur du
développement durable doit accorder une large part de son
temps à la levée de fonds et au fi nancement. En 2007, Thener-
go a, par exemple, réalisé la levée de fonds la plus importante
de l’histoire d’Alternext-Paris où la société est cotée en bourse:
70 millions d’euros. Néanmoins, il ne faut pas pour autant né-
gliger l’intégration des diverses composantes qui forment The-
nergo: chaque entité possède son propre régime juridique et il
faut veiller à consolider les différentes fi nances statutaires.
Autre enjeu de taille: la future orientation politique européen-
ne en matière de production d’énergie. Car la voie classique
se stabilise, voire diminue face aux faibles investissements
des grands fournisseurs traditionnels et, parallèlement, la
consommation augmente. « Si rien ne change, l’Europe va dès
lors très prochainement devoir importer de l’énergie. Et dans
cette position de dépendance par rapport à l’étranger, possé-
der des centrales d’électricités locales peut se révéler fort avan-
tageux. Car, à l’inverse des solutions solaires ou éoliennes, la
technologie que nous utilisons n’est pas tributaire du climat. Si
l’on détient l’accès au fuel, on possède la certitude de pouvoir
produire l’électricité à tout moment. »
Grâce à cette fl exibilité opérationnelle, les projets de The-
nergo n’en sont que plus rentables. Cela n’empêche cepen-
dant pas Christophe Van Nevel d’estimer qu’à long terme, le
marché de l’énergie va se consolider. « Aujourd’hui, Thenergo
bénéfi cie d’une croissance très forte au niveau organique et
non-organique. Nous avons notamment été assez actifs sur les
acquisitions, par exemple Leysen ou ENRO, fi n d’année passée.
Dans les années à venir, on peut s’attendre à une consolidation
plus étendue ou les sociétés traditionnelles d’énergie pourront
reprendre de plus petites fi rmes actives dans le développement
durable. Cela s’est déjà matérialisé en France avec EDF qui re-
prend des participations dans le secteur éolien. »
RÉALISER LA BALANCEAutre entreprise ayant l’environnement dans son « core busi-
ness »: le parc Paradisio, par ailleurs société anonyme cotée
sur Euronext Bruxelles. Situé près d’Ath, il offre une journée
d’émerveillement au contact de plus de 4.000 animaux sau-
vages du monde entier. Sur le site de l’ancienne abbaye de
Cambron, aux arbres séculaires et aux bâtiments historiques,
Paradisio poursuit également une trentaine de programmes
scientifi ques pour la préservation d’espèces menacées. Les
« Entre point de vue écologi-que et besoins indispensables au succès de l’investissement, il faut toujours faire la balance entre plusieurs paramètres. »
FISCALITÉ DOSSIER
Christophe Van Nevel: « Il peut exister une compatibilité parfaite entre développement durable et fi nances. Notre activité professionnelle permet à nos partenaires de trouver une solution pour éliminer leurs déchets. Et cette matière récupérée va nous servir de base pour produire de l’énergie que nous allons ensuite revendre à nos clients. »
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chiffres du parc sont impressionnants: plus de 600.000 visi-
teurs par an (+ 30%), une hausse de 24% du chiffre d’affaires,
une progression de 38% du bénéfi ce de l’exercice, une propo-
sition de dividende de 0,65 €/action (+ 44%)…
Yvan Moreau, son directeur fi nancier, a donc toutes les rai-
sons du monde d’être satisfait du bilan. Parmi les raisons
expliquant ce succès, les enquêtes menées auprès du public
mettent en avant l’attractivité du plus grand jardin chinois
d’Europe, inauguré à l’été 2006. D’une superfi cie de trois
hectares, ce jardin permet de découvrir un pan entier de la
culture et des civilisations chinoises. Il marque également un
tournant dans le développement de Paradisio. Le parc sou-
haite pouvoir proposer à ses visiteurs de réaliser, en une seule
journée, un voyage aux quatre coins du monde à travers dif-
férents univers animaliers, botaniques, paysagers et culturels
reconstitués le plus richement possible. Ainsi, un jardin indo-
nésien devrait être inauguré au début de la saison 2008.
La création du jardin chinois a pourtant essuyé de vives cri-
tiques de la part d’associations de protection de l’environ-
nement. De nombreux matériaux ont en effet été importés
de Chine, par containers… « Le souci d’authenticité a prévalu
durant toute la construction du jardin, exclusivement réalisée
par des artisans chinois, explique Yvan Moreau. Il faut certai-
nement y trouver la principale clé du succès. Ces matériaux
spécifi ques ne pouvaient de toute façon être produits sous nos
latitudes. D’un point de vue écologique, il ne s’agissait peut-
être pas de la meilleure décision. Mais cela répondait à d’autres
besoins indispensables au succès de l’investissement. Il faut
toujours faire la balance entre plusieurs paramètres. »
VERS LA BIOMÉTHANISATIONLa quête pour un développement durable est un chemin qui
reste largement à explorer. S’il « carbure » aujourd’hui es-
sentiellement au mazout, des systèmes plus « verts » sont
à l’étude, comme dans nombre de grandes entreprises. Une
réfl exion initiée par la quantité importante de déchets de na-
ture organique récoltés au parc – excréments des animaux,
déchets du restaurant et des visiteurs, etc. « Nous avons
d’abord pensé au lombricompostage. Un procédé qui permet
de décomposer les matières organiques, le papier et même le
carton, grâce à des vers de terre qui transforment le tout en ter-
reau réutilisable. Ensuite, de fi l en aiguille, nous avons envisagé
la biométhanisation ».
Le méthane, produit à partir des déchets organiques, pourra être
brûlé dans un moteur de cogénération qui permettra, non seu-
lement de produire de l’électricité pour les besoins de Paradisio,
mais aussi de récupérer de la chaleur pour alimenter les bâti-
ments en hiver. Par le passé, le parc a déjà eu l’occasion d’expé-
rimenter la cogénération grâce à une unité placée par Electra-
bel et l’intercommunale d’électricité locale. « Nous produisions
de l’électricité pour eux et, en échange, nous pouvions récupérer
la chaleur pour notre oasis. Cela nous permettait également de
bénéfi cier d’une unité de secours car un parc animalier comme
le nôtre ne peut se permettre des pannes de courants de plus de
quelques heures. Ce type de solution permettait également d’aug-
menter notre autonomie par rapport au réseau électrique. » Mal-
heureusement, l’expérience a dû être abandonnée…
Néanmoins, Yvan Moreau a pu se rendre compte que possé-
der sa propre unité de fabrication d’électricité et de chaleur
permet de répondre à plusieurs besoins en même temps. Pre-
mièrement, diminuer la facture de rejets des déchets doréna-
vant recyclés et réutilisés au sein même du par cet, deuxiè-
mement, réduire les dépenses énergétiques. « Si l’estimation
chiffrée de l’implantation d’une unité de biométhanisation que
nous menons actuellement se révèle positive, et si le retour sur
investissement peut s’envisager sur une durée d’environ dix
ans, alors nous sauterons le pas. »
Pour le directeur fi nancier, un investissement, même consé-
quent, dont la rentabilité est garantie ne bloque en aucun
cas d’autres fi nancements. D’autres pistes, pour diminuer les
consommations énergétiques sont d’ailleurs déjà envisagées.
« Mon pouvoir de fi nancier consiste à proposer un investisse-
ment rentable. Justifi er une innovation pour des seules raisons
écologiques dépasse, par contre, ma sphère décisionnelle. Cela
ne veut pas dire que l’investissement ne se fera pas. Mais d’autres
considérations entreront alors en ligne de compte: image de
marque de Paradisio, problématique environnementale… »
Yvan Moreau: « Mon pouvoir de fi nancier consiste à pro-poser un investissement rentable. Justifi er une innovation pour des seules raisons écologiques dépasse, par contre, ma sphère décisionnelle. Cela ne veut pas dire que l’in-vestissement ne se fera pas. Mais d’autres considérations entreront alors en ligne de compte. »
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FISCALITÉ DOSSIER
TEXTE : LAURENT CORTVRINDT
Pour que l’ensemble des objectifs environnementaux nécessaires à la survie de la planète soient rencontrés, l’adhésion de la communauté fi nancière sera indispensable. Selon Georges Hübner, professeur Deloitte de gestion fi nancière à HEC-ULg, les premiers signes vont vers une convergence d’intérêts entre fi nance et développement durable. Mais il reste du chemin à parcourir. Entretien.
Refuser de s’inscriredans le cadre du développementdurable devient pénalisant
Est-ce que fi nance et développement durable semblent, aujourd’hui, compatibles?Georges Hübner: « Nous comptons jusqu’ici très peu d’études
spécifi ques sur lien entre le développement durable et la
gestion de portefeuille pour répondre avec certitude. La rai-
son est simple. Nous possédons surtout des informations
sur des fonds ou des véhicules d’investissements théma-
tiques plus généraux. Par le passé, ceux-ci mélangeaient
des notions d’éthique, de ‘socialement responsable’ et de
développement durable, deux notions pourtant différentes
mais généralement regroupées dans une même catégorie
d’investissement. Il faut savoir que les préoccupations envi-
ronnementales et de développement durable sont, dans les
investissements fi nanciers, assez récents. Les préoccupa-
tions éthiques, par contre, ont une histoire plus ancienne.
Nous détenons donc peu de preuves pouvant attester claire-
ment de la performance fi nancière d’investissements dans
du développement durable… »
La situation a-t-elle néanmoins évolué?Georges Hübner: « Jadis, les investissements éthiques en entre-
prises constituaient des placements de deux types. Le premier
revêtait un aspect négatif: les sociétés se refusaient à investir
dans un certain nombre de secteurs ou à recourir à certaines
pratiques considérées comme immorales. Le second prônait
une vision plus positive: les fi rmes décidaient d’améliorer les
conditions de travail, de négociation… pour tendre vers un meil-
leur équilibre avec le reste du monde. L’évolution fut relative-
ment longue, et a principalement été initiée par le Royaume-
Uni. A présent, nous disposons d’un faisceau de preuve assez
net et assez clair pour dire, qu’effectivement, investir dans de
l’éthique ne présente, statistiquement, pas de rendement infé-
rieur à un fonds d’investissement ‘traditionnel’ sans préoccu-
pations éthiques particulières. Le ‘socialement responsable’ est
alors venu se greffer sur cette conception et, récemment, nous
avons fi nalement vu émerger des préoccupations d’investis-
sement dans le développement durable. Des préoccupations
aujourd’hui relayées au niveau des entreprises. »
Un investissement dans des actifs pour une durée déterminée, tout en visant un rendement optimal, semble-t-il dès lors compatible avec la notion de durabilité?Georges Hübner: « Oui. A mon sens pour deux raisons et c’est
ce que les éléments d’appréciation actuellement en notre pos-
session semblent confi rmer. Tout d’abord, il faut savoir que la
valeur d’une entreprise représente fondamentalement la va-
leur actuelle de ses revenus futurs. Quand on cherche à investir,
directement ou indirectement, via un fonds de placement dans
une entreprise, on se préoccupe donc de l’ensemble des reve-
nus que cette ‘maison’ va générer. Et ce, même si l’on vise du
court ou du moyen terme dans son horizon de placement, tout
simplement parce que les décisions que vont prendre ces socié-
tés auront obligatoirement un impact sur leur valorisation… et
« Les préoccupations environ-nementales et de développe-ment durable sont, dans les investissements fi nanciers,
assez récentes. »
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donc sur leur taux de rendement. A priori, il n’existe donc pas de
contradiction entre l’horizon d’investissement de l’investisseur
potentiel et l’horizon d’investissement de l’entreprise.
Et dans le cas du développement durable, les coûts engagés
plus ou moins immédiatement devraient, à l’avenir, précisé-
ment engendrer un impact positif relativement important.
Ensuite, graduellement, nous avons observé un nombre
croissant de mesures d’activisme, soit directement de la part
des actionnaires, soit de la part des pouvoirs publics. Ce fut
notamment le cas via le respect du protocole de Kyoto et tout
le mouvement associé. Les entreprises ont dû s’inscrire dans
une logique de développement durable par la réduction de
la pollution, par des mesures qui aboutissent à plus d’écono-
mies de moyens… Et ces éléments de pression font en sorte
que les ‘boîtes’ qui refusent de se soumettre à ces infl uences
extérieures font courir un risque majeur en termes de péna-
Le Bureau fédéral du Plan publie tous les deux ans un rap-
port fédéral sur le développement durable, rédigé par la Task
force développement durable. Ce rapport s’adresse autant à
la société civile qu’au monde politique et aux services pu-
blics pour les aider à réfl échir à la façon dont se développe
leur pays et à son impact sur l’état du monde. Quatre rap-
ports ont ainsi été publiés en dix ans. « Sur la voie d’un dé-
veloppement durable? » en 1999, « Un pas vers un dévelop-
pement durable? » en 2003, « Comprendre et gouverner le
développement » en 2005… et « Accélérer la transition vers
un développement durable » en 2007. On remarque qu’au fi l
du temps, le point d’interrogation a disparu…
Ces documents fédéraux montrent comment le processus
de transition vers un développement durable a déjà engagé
la Belgique dans un projet de société, mondialement et loca-
lement, à long comme à moyen terme. Le quatrième rapport,
remis au gouvernement et présenté à la presse ce 18 février,
est essentiellement tourné vers l’avenir. Il présente des ob-
jectifs de développement durable ambitieux et il trace deux
chemins pour les atteindre à l’horizon 2050. Le document
analyse également les changements de modes de consom-
mation et de production en général et des systèmes éner-
gétique et alimentaire en particulier. Le rapport montre que
des tendances actuelles les concernant sont insoutenables
dans la durée parce qu’elles ont des impacts négatifs pour
les êtres humains, l’environnement et l’économie.
Et, si au cours des dernières années la société a réalisé des
progrès dans la voie d’un développement durable, des chan-
gements plus profonds s’avèrent toutefois nécessaires. Le rap-
port formule donc un certain nombre de recommandations
aux autorités fédérales pour adapter leurs politiques: les dix à
quinze prochaines années doivent marquer une accélération
de la transition vers un développement durable et les politi-
ques menées doivent y contribuer. « Accélérer la transition
vers un développement durable » met donc l’accent sur la
prospective et explore présent et avenir en proposant:
- 21 objectifs de développement durable (ODD) sociaux,
environnementaux et économiques qui doivent avoir été
réalisés en 2050 pour concrétiser la transition vers une
société en développement durable;
- une analyse des tendances insoutenables de nos modes
de vie actuels et des progrès déjà accomplis dans la réa-
lisation de ces ODD concernant nos modes de consom-
mation et de production ainsi que nos systèmes énergé-
tiques et alimentaires;
- une évaluation de la politique fédérale menée jusqu’ici
en matière de développement durable, qui complète les
évaluations approfondies publiées antérieurement dans
les trois premiers rapports fédéraux.
Pour réaliser les 21 ODD d’ici 2050, deux scénarios de déve-
loppement durable ont été ébauchés avec l’aide d’un panel
d’experts. Appelés Pyramide et Mosaïque, ils suivent, dans un
premier temps au moins, des chemins différents. Pyramide
met l’accent sur une coopération internationale renforcée et
des progrès techniques à grande échelle. Mosaïque se focalise
davantage sur les ambitions nationales et des changements
importants dans les comportements individuels. Les 21 ODD
à concrétiser découlent des engagements internationaux de
la Belgique. Ils concernent la protection, le rétablissement et
la promotion des trois capitaux de base du développement:
les capitaux humain, environnemental et économique.
Le rapport propose une première formulation de tels objectifs:
- Capital humain:
* tous les pays auront atteint un indice de développe-
ment humain d’au moins 0,8;
* l’espérance de vie moyenne dans le monde augmen-
tera progressivement pour atteindre 76 ans…
- Capital environnemental:
* chaque pays se développera dans les limites de la ca-
pacité de charge des écosystèmes. La Belgique dimi-
nuera son empreinte écologique;
* la température sera au minimum de 2°C plus élevée
que durant la période préindustrielle…
- Capital économique:
* dans tous les pays du monde, la dette publique attein-
dra un niveau supportable par les budgets annuels;
* tous les actifs fi nanciers seront investis selon les prin-
cipes de la responsabilité sociale des entreprises…
Le rapport complet peut être consulté, téléchargé et com-
mandé via http://sustdev.plan.be
Accélérer la transition vers un développement durable
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lités et de coûts d’adaptation pour leurs actionnaires. Ils
risquent en effet d’induire une déperdition de la valeur fu-
ture qui pourrait affecter l’entreprise.
En résumé, si les preuves actuelles restent encore limitées,
elles tendent néanmoins à montrer que refuser de s’inscrire
dans le cadre du développement durable devient particuliè-
rement pénalisant. Ce nouveau phénomène est une consé-
quence bénéfi que de la poussée progressive de l’opinion
publique et des nombreux signaux d’alarme tirés aux quatre
coins du monde par rapport à la dégradation des conditions
climatiques et environnementales générales. »
Le public est-il prêt à investir dans ce type de fonds?Georges Hübner: « Je crois qu’en tout cas une clientèle existe.
J’en veux pour preuve le nombre croissant de véhicules d’in-
vestissement qui annoncent leur focus sur le développement
durable. Un peu comme ce fut le cas pour les investissements
éthiques, une certaine méfi ance a d’abord régné avant qu’on ne
s’aperçoive que ces placements dans des sociétés aux compor-
tements socialement ou environnementalement responsables
fonctionnent aussi bien que les autres. Et, ensuite, une vérita-
ble clientèle s’est mise à émerger. Cette clientèle sera d’autant
plus convaincue des produits que les premières entreprises à se
conformer à un code de conduite en matière de développement
durable vont générer des valeurs intéressantes. Elles seront en
effet moins pénalisées quand il faudra obligatoirement basculer
vers des techniques de production plus propres… On peut donc
raisonnablement penser que ces fi rmes seront susceptibles de
générer davantage de valeur… et dès lors prédire un avenir assez
fl orissant pour les investissements durables. »
Encore faut-il savoir comment se lancer…Georges Hübner: « Absolument. L’investissement direct sup-
pose des moyens importants. Cela peut notamment freiner
un certain nombre de candidats entrepreneurs intéressés par
des projets de développement durable. Mais l’investissement
indirect, via des types de véhicules comme les SICAV ou les
fonds d’assurance dédiés à reconvertir les sommes levées
dans des actions de développement durable, se révèlent très
accessibles. Et comme cette ‘barrière’ à l’entrée devient beau-
coup plus ténue, simultanément, l’offre est en train d’éclore.
L’obstacle ‘pécuniaire’ ne devrait donc pas demeurer trop im-
portant. Car il faut bien se rendre compte que l’investisseur
fi nancier, abstraction faite de son comportement citoyen et
de ses propres préférences en matière de développement du-
rable, se préoccupe essentiellement du rendement. Si le coût
de départ reste élevé, mais que le rendement sur base de la
valorisation des projets et de la valorisation économique des
entreprises suit l’investissement produit, il n’y a aucune rai-
son particulière de craindre de s’engager.
Il s’agit d’une simple logique de fi nancement: on peut massive-
ment investir à partir du moment où les revenus espérés sont
plus importants que le coût engendrés. De plus, nous disposons,
à l’heure actuelle, d’une variété suffi sante de véhicules d’inves-
tissement. Ils sont réellement à la disposition du tout public.
Cela permet d’ailleurs d’opérer une diversifi cation de porte-
feuille nécessaire et parfaitement saine au niveau de l’orthodo-
xie fi nancière, sans négliger le développement durable. Je suis
convaincu qu’il est d’ores et déjà possible d’investir 100% de ses
actifs dans des fonds qui possèdent comme critère de s’inscrire
dans une logique de développement durable. »
« Il est d’ores et déjà possible d’investir 100% de ses
actifs dans des fonds qui possèdent comme critère de
s’inscrire dans une logique de développement durable. »
Georges Hübner: « Les sociétés qui refusent de se soumettre à la logi-que de durabilité font courir un risque majeur en termes de pénalités et de coûts d’adaptation pour leurs actionnaires. Il comporte une pos-sible déperdition de la valeur future pouvant affecter l’entreprise. »
FISCALITÉ DOSSIER
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°15 - MARS 2008
9E n quelques années, le projet CO2logic a forte-
ment évolué. Les calculs des émissions de CO2 des
membres des familles et des amis des deux fon-
dateurs, ainsi que les conseils prodigués pour ré-
duire ces rejets, ont en effet rapidement fait place à une véritable
entreprise. Car, en 2005, le vent tourne pour Tanguy du Monceau
et Antoine Geerinckx: le protocole de Kyoto initie le développe-
ment d’un nouveau marché – celui de la chasse aux émissions de
CO2 – et crédibilise automatiquement leur activité.
Une démarche particulièrement légitime sur notre continent,
initiateur du changement climatique depuis la révolution in-
dustrielle. Si on prend les émissions de CO2
par personne, Bel-
ges et Européens se placent en effet, contrairement à ce que
l’on pourrait parfois penser, loin devant les pays émergeants.
Face à ce constat et forts de leurs compétences en ingénierie,
en fi nance et en marketing, les associés se jettent à l’eau et
créent CO2logic, un produit global, qui sensibilise les gens, les
encourage à prendre conscience de leur impact et, par-dessus
tout, permet une action immédiate et prolongée.
INTÉRÊTS FINANCIERSEn Belgique, 363 entreprises doivent répondre aux obligations
de Kyoto en diminuant leurs rejets. Trois possibilités s’offrent
à elles. La première constitue bien entendu la démarche élé-
mentaire: réduire les émissions de CO2 du pourcentage de-
mandé. Mais si ce n’est pas possible, deux cas restent envisa-
geables: proposer d’« acheter » le pourcentage manquant à
une autre entreprise « modèle » qui, elle, aurait diminué ses
rejets d’un pourcentage supérieur à ce qui lui était demandé
ou contribuer, pour une partie, à un projet de compensation
dans un pays en voie de développement.
CO2logic a justement repris cette dernière idée mais à un niveau
volontariste, pour toutes les autres entreprises sur notre terri-
toire et, bien entendu, pour les particuliers. « Nous travaillons
beaucoup avec le tertiaire. Dans ce secteur, on peut prendre
rapidement des décisions dont les impacts seront importants,
explique Tanguy du Monceau. J’estime d’ailleurs que fi nance et
développement durable sont compatibles car ce type d’activité
offre un retour sur investissement non négligeable. »
Par ailleurs, le gérant de CO2logic voit dans le développement
durable quatre axes essentiels susceptibles d’attirer l’atten-
tion des fi nanciers. Les jeunes cadres sont aujourd’hui par-
ticulièrement sensibilisés aux enjeux planétaires, au chan-
gement climatique et vont, de plus en plus, vouloir travailler
pour une entreprise qui se montre responsable. Cela va in-
fl uencer leur façon de travailler et l’image de marque de l’en-
treprise. Se lancer dans une politique fi nancière environne-
mentale permet également d’anticiper une future législation,
comme par exemple la « taxe carbone » dont on parle très
ouvertement en France. Il n’est absolument pas utopique de
croire qu’un jour ce type de fi scalité touchera tout le monde,
engendrant automatiquement un coût sur le bottom line.
FISCALITÉ DOSSIER
TEXTE : LAURENT CORTVRINDT
Sensibiliser, encourager à prendre conscience de son impact sur l’environnement et, surtout, permettre une action immédiate et prolongée: c’est la mission que s’est fi xée CO2logic, la première entreprise belge active dans les bilans carbones et la compensation de CO2. Son gérant et co-fondateur nous explique les dessous de la démarche.
Comment devenir« CO2 neutre »
Tanguy du Monceau: « Dans le tertiaire, on peut pren-dre rapidement des décisions dont les impacts seront importants. J’estime d’ailleurs que fi nance et dévelop-pement durable sont compatibles car ce type d’activité offre un retour sur investissement non négligeable. »
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°15 - MARS 2008
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Par ailleurs, la limite des énergies fossiles est bientôt atteinte.
Les prix vont donc continuer à augmenter et il faudra, tôt ou
tard, se tourner vers l’économie basse en carbone. Dès lors,
pourquoi attendre au lieu d’ouvrir immédiatement de nou-
velles opportunités? Enfi n, Sir Nicholas Stern (Stern Review),
célèbre économiste de la Banque mondiale, s’est fendu d’un
rapport accablant sur l’économie du changement climatique.
« Il précise que si nous n’investissons pas 1% du PIB jusqu’en
2050, cela va ‘coûter’ 20% du PIB. Autant dire que tous les sec-
teurs seront frappés… »
Voilà pourquoi, citoyens du monde et Européens en parti-
culier, nous devons nous détacher de l’habitude d’accéder
sans restreinte à une énergie fossile fi nancièrement aborda-
ble. « Je suis d’ailleurs convaincu que les pays développant en
premier des solutions vont tirer de larges bénéfi ces en matière
d’emploi, d’économie, de technologie, de recherche et dévelop-
pement… Comme l’a prouvé le rapport Stern, les fi nanciers doi-
vent se projeter sur le long terme et la neutralité en CO2 fera
bientôt partie des valeurs centrales de l’entreprise. »
RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE Aujourd’hui, CO2logic poursuit donc pleinement l’objectif de
sensibiliser le public au problème de l’effet de serre et encou-
rage l’entreprise à faire face à sa responsabilité sociale en ma-
tière d’émissions de CO2 dans l’atmosphère. Quatre manières
de contrôler et d’atténuer les niveaux de CO2 sont envisagea-
bles et CO2logic soutient chacune d’entre elles: réduction
des activités occasionnant les émissions (par exemple, usage
réduit du véhicule), réduction de la pollution à la source grâce
à une amélioration technologique (par exemple, utilisation
de véhicules plus écologiques), recours à des matières pre-
mières énergétiques alternatives ou comportant moins de
carbone (par exemple, électricité « verte »), compensation
des émissions en participant aux projets relatifs au carbone
(par exemple, ceux de biomasse soutenus par CO2logic en
Inde, certifi és par les Nations Unies).
Si chaque individu et chaque entreprise réduisait et compen-
sait – même modestement – ses émissions, le problème du
réchauffement climatique en serait positivement touché. Et,
pour que tout un chacun puisse se rendre compte de l’impact
environnemental des ses activités, un calculateur d’émissions
est disponible sur le site de CO2logic. « Ce petit outil, très simple
d’utilisation et particulièrement instructif, permet trop souvent
de nous rendre compte à quel point nos gestes quotidiens se
révèlent polluants. Pour les entreprises, la démarche est un peu
différente. Elle se compose de quatre étapes. Nous commençons
par défi nir les objectifs. Ensuite, nous réalisons un bilan carbone
de leurs émissions de CO2 pour donner un état des lieux. Une
fois cette prise de conscience effectuée, nous faisons des proposi-
tions de pistes d’action de réduction. Et fi nalement, nous offrons
au client la possibilité de compenser le solde incompressible, ou
diffi cilement réductible, de ses émissions. »
Pour l’avenir, les audits carbones semblent d’ailleurs consti-
tuer un créneau prometteur. En France, ils sont même déjà
remboursés à 50% par l’État. « Le bilan carbone, comme ceux
que nous proposons, est en réalité beaucoup plus global qu’un
audit énergétique qui, lui, ne mesure que les consommations
de bâtiments. Alors, pourquoi proposer en Belgique unique-
ment une déductibilité fi scale pour les audits énergétiques? »
Dans le même ordre d’idées, l’Allemagne essaye de diminuer
ses émissions de 36% pour 2020, le Royaume-Uni et la France,
respectivement, de 60% et de 75% d’ici 2050 et la Norvège a
déclaré vouloir devenir le premier pays « CO2 neutre »… Il est
grand temps que la Belgique emboîte sérieusement le pas
de nos pays voisin! Néanmoins Tanguy du Monceau, reste
optimiste, ravi que la Banque Européenne d’Investissement
ait fait appel à son entreprise pour réaliser un bilan carbone
des activités de l’institution. « Des entreprises CO2 neutres,
des membres du gouvernement qui compensent leurs trajets
en avion… tout cela devrait bientôt faire partie de notre quoti-
dien, j’en suis persuadé. »
DOSSIER
Dix conseils pour s’inscrire dans le développement durable
1. Remplacez une ampoule standard par une ampoule
fl uorescente compacte et vous réduirez votre émis-
sion de CO2 de 67,5 kg par an.
2. Marchez, faites du vélo ou prenez les transports en
commun plus souvent. Vous réduirez votre émission
de CO2 de 300g par kilomètre non parcouru avec vo-
tre véhicule, moteur froid.
3. Vous réduirez votre émission de CO2 de 1.080 kg par
an en recyclant la moitié de vos déchets ménagers.
4. Une pression adéquate des pneus peut augmenter
de 3% les kilomètres parcourus avec un seul plein. Et
chaque litre de carburant épargné réduit votre émis-
sion de CO2 de 2,4 kg.
5. Chauffer de l’eau consomme énormément d’énergie.
Utilisez moins d’eau chaude en installant un pom-
meau de douche à débit réduit (émission de CO2
réduite de 157 kg par an) et lavez vos vêtements à
froid ou à l’eau tiède (émission de CO2 réduite de
225 kg par an).
6. Evitez les produits suremballés, vous pouvez dimi-
nuer votre émission de CO2 de 540 kg en réduisant
vos déchets de 10%.
7. Baissez votre thermostat de 2°C et vous réduirez vo-
tre émission de CO2 de 900 kg par an.
8. Planter un seul arbre lui permettra d’absorber 1 ton-
ne de CO2 au cours de son existence.
9. En éteignant votre téléviseur, votre lecteur DVD, vo-
tre PC portable ou votre chaîne stéréo plutôt que de
les mettre en veille, vous réduirez votre émission de
centaines de kg par an.
10. … et passez le mot!
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« Les investissements ‘verts’ ne sont pas des ‘bonnes œuvres’ »
En tant que première banque privée indépendante en Belgi-
que, la Banque Degroof gère le patrimoine de ses clients dans
une perspective de long terme. « Dans ce contexte, les préoccu-
pations environnementales occupent une place de choix: à quoi
bon gérer au mieux un patrimoine si notre planète devient invi-
vable? », souligne Etienne de Callataÿ, son Chief Economist. La
Banque Degroof a donc décidé d’agir concrètement en faveur
d’un meilleur environnement en s’engageant directement ou
indirectement dans plusieurs projets. Elle a également décidé
de procéder à un audit de son impact climatique, afi n de pos-
séder une vue d’ensemble sur ses émissions.
« Nous avons dès lors pu prendre des décisions ciblées, et en
connaissance de cause, afi n de réduire nos rejets en CO2 », in-
dique-t-il. La Banque Degroof a aussi participé à la compen-
sation de CO2 – mécanisme prévu dans le cadre du Protoco-
le de Kyoto – en soutenant un projet écologique et durable
situé en Inde. Celui-ci tend à valoriser les déchets agricoles
des fermiers locaux afi n de produire de l’électricité propre et
renouvelable. Parallèlement à cette dynamique nouvelle, la
banque met sur pied un fond de private equity qui investit
dans des projets de biomasse en Europe.
« Il s’agit d’une première pour notre institution mais nous te-
nions à montrer que, par son métier, une institution fi nanciè-
re peut apporter sa contribution à l’édifi ce du développement
durable », justifi e-t-il tout en soulignant qu’investir pour
une durée déterminée tout en visant un certain rendement
se révèle tout à fait compatible avec la notion de développe-
ment durable. « On peut aisément concilier des objectifs éthi-
ques et fi nanciers dans certaines circonstances. Dans d’autres
cas, il faudra par contre procéder à un arbitrage. »
La Banque Degroof a ainsi décidé d’internaliser son coût
environnemental externe pour arriver à la neutralité en
CO2. « La rentabilité ne sera donc peut-être pas acquise à un
horizon rapproché. Mais nous croyons profondément au bien
de cette politique ». Par contre, l’introduction en bourse d’Air
Energy a permis à la banque de prélever ses commissions
tout en permettant à ses clients d’accéder à un investisse-
ment « vert » et heureux. En tout état de cause, Etienne de
Callataÿ pense que la plupart des investisseurs intéressés
par des produits éthiques sont disposés à subir une légère
déperdition en termes de rendements si leurs investisse-
ments garantissent une utilité sociale plus directe.
« Nous ne présentons d’ailleurs pas les investissements ‘verts’
ou notre fonds de private equity comme des ‘bonnes œuvres’,
relève Etienne de Callataÿ. Nous les considérons comme des
placements intéressants et qui participent à une tendance
fi nancièrement rentable. » Si l’investissement de base rela-
tivement conséquent en private equity destine la formule
à une clientèle plus ciblée, l’introduction en bourse d’Air
Energy était, quant à elle, accessible à tous les portefeuilles.
« Sur les marchés fi nanciers, il reste donc certainement de la
place pour ce type d’investissement. Néanmoins, il ne faut pas
perdre de vue une certaine rationalité. Le secteur durable ne
pourra sans doute pas procurer durant plusieurs décennies
des rendements supérieurs aux investissements classiques, à
profi ls de risques correspondants. » La diversifi cation fi nan-
cière reste donc, encore et toujours, un leitmotiv.
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°15 - MARS 2008
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FISCALITÉ DOSSIER
TEXTE : LAURENT CORTVRINDT
En matière d’énergie, les défi s que devront relever nos entreprises au cours des années à venir sont énormes. Si la production d’énergie « verte » peut contribuer à réduire notre dépendance aux énergies fossiles, l’autonomie énergétique devra passer par une diminution des consommations. Dans cette optique, l’audit énergétique constitue une étape indispensable.
Audit énergétique:pourquoi et comment
L ors de la mise en place d’une politique de ges-
tion de l’énergie, l’audit énergétique permet
d’identifi er les postes consommateurs, d’asso-
cier des consommations énergétiques et des
coûts à chaque produit et de dégager des pistes d’amélioration.
L’audit énergétique doit être vu comme une photo de l’utilisa-
tion de l’énergie dans une entreprise qui permet de répondre
à de nombreuses questions: quelle est la quantité d’énergie
consommée? A quoi sert-elle? Comment suivre l’évolution
de ces consommations dans le temps? Comment améliorer
la situation? L’audit constitue donc une étape indispensable
pour toute entreprise – industrielle ou tertiaire – souhaitant
entamer une démarche de diminution de ses consommations
énergétiques. Grâce à ce nouvel outil de gestion, elle pourra
produire davantage à moindre coût.
Les Chambres de commerce et d’industrie de Wallonie, en
collaboration avec le ministère de la Région wallonne, ont
lancé le projet Energy Pooling Wallonie. Son objectif: soutenir
les entreprises dans leurs démarches de maîtrise des coûts
énergétiques en agissant directement sur leur consomma-
tion, via quatre piliers: les tribunes fournisseurs informent
sur les technologies performantes et l’utilisation rationnelle
de l’énergie (URE), les formations gratuites aux audits éner-
gétiques permettent aux entreprises tertiaires ou indus-
trielles de réaliser elles-mêmes l’audit énergétique de leurs
installations, les « Guichets énergie-entreprise » répondent
aux questions que l’entreprise se pose en matière d’énergie
et, enfi n, Energy Pooling informe les entreprises sur la libéra-
lisation des marchés de l’électricité et du gaz et propose des
groupements d’achats aux entreprises qui le souhaitent.
Pour être convenablement mené, l’audit énergétique mobilise
une équipe interne travaillant en étroite collaboration avec un
expert. Mais, contrairement à ce que nombre de managers
pensent, il ne se destine pas uniquement aux multinationales.
Toute entreprise peut en tirer profi t: l’énergie coûte de plus en
plus cher, réduire ses coûts permettra d’améliorer ses prix et
sa position concurrentielle sur le marché ; diminuer ses émis-
Les coûts fi nanciers d’un audit peuvent être estimés à
25.000 euros pour une grande entreprise et varient de
4000 euros à 10.000 euros pour une PME (dépend de
la taille du site, du nombre de vecteurs énergétiques
consommés, de la complexité du process…), selon sa taille
et ses activités. Ces frais sont toutefois, en partie, fi nan-
cés par les pouvoirs publics en Wallonie et en Région de
Bruxelles-Capitale. La Région Wallonne intervient, par
exemple, à hauteur de 60% des coûts externes (expert
et étude de faisabilité) pour toute entreprise souhaitant
réaliser un audit énergétique. Pour les entreprises dési-
reuses d’adhérer à un accord de branche, 75% des coûts
– externes et internes cette fois – pourront même être
remboursés. Pour bénéfi cier de ces avantages, une seule
condition, mineure, à remplir: l’étude doit être réalisée
par un expert agréé et indépendant de l’entreprise de-
mandeuse. Les pourcents restants sont, quant à eux, dé-
ductibles d’impôts. Depuis 2005, sur toutes les provinces
de la Région wallonne, les CCI ont formé 50 entreprises
à l’audit industriel. Elles possèdent toutes d’importantes
consommations énergétiques et sont, en majorité, reliées
à la haute tension. Selon les estimations, elles ont identi-
fi é un potentiel de 8% à 15% d’économie d’énergie. Pour
la formation à l’audit tertiaire, dix entreprises (Ethias,
Partena, RTBF…) suivent actuellement le premier cycle de
formation. Les résultats sont attendus…
L’audit en chiffres
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°15 - MARS 2008
13sions de CO
2, c’est aussi éviter les taxes européennes et natio-
nales qui se mettent en place, prendre de nouvelles habitudes
de consommation ou utiliser les énergies renouvelables per-
met de limiter sa dépendance énergétique.
La réduction des consommations d’énergie se déroule en
quatre étapes: 1. connaître et comprendre ses consomma-
tions énergétiques (c’est l’audit énergétique), 2. s’informer,
se documenter, se faire conseiller, 3. améliorer l’utilisation de
l’énergie et 4. penser sa consommation sur le long terme et
songer aux énergies renouvelables. L’audit, quant à lui, peut
être découpé en trois phases essentielles. La première phase
concerne l’analyse de la situation et des besoins actuels et
futurs de l’entreprise.
RÉSULTATS ESCOMPTÉS« Il s’agira de procéder à la quantifi cation et à la qualifi cation
de l’énergie consommée pour chaque activité », explique Sa-
mantha Straet, conseillère Energy Pooling. La qualifi cation
consiste à décrire les combustibles utilisés, les températures
et les fl uides nécessaires à la combustion ainsi que les prix de
revient de chaque élément. Quant à la quantifi cation, il s’agit
d’évaluer les débits d’énergie consommée par unités de temps.
« Par l’analyse des factures et en suivant l’évolution des consom-
mations en fonction des années, l’entreprise pourra déterminer
si ses consommations se révèlent raisonnables ou non. »
Selon le profi l de l’entreprise, les deuxième et troisième
phases permettront ensuite d’identifi er les postes consom-
mateurs et de déterminer des pistes d’amélioration ainsi
que certaines priorités. « Pour une entreprise tertiaire, l’audit
énergétique sera axé principalement sur le bâtiment et la
sensibilisation du personnel. Pour les entreprises aux activités
industrielles, l’audit sera principalement axé sur les processus
– identifi cation des vecteurs énergétiques, identifi cation des
‘usages’, attribution d’une consommation énergétique à cha-
cun des usages) et ensuite sur le bâtiment. »
Le but d’un audit énergétique consiste, évidemment, à débou-
cher sur des projets concrets d’amélioration continue, rentables
sur une période inférieure ou égale à quatre ans. Il ne faut toute-
fois pas perdre de vue que s’il permet de qualifi er et de quantifi er
la consommation énergétique par activité, l’audit reste basé sur
des hypothèses et des estimations quant aux mesures réelles
d’énergie. Ainsi, une fois achevé, la mise en place d’une compta-
bilité analytique énergétique s’impose. Un audit ne permet, en
effet, pas à lui seul de réduire la consommation. Son effi cacité
dépendra du suivi que l’on daignera lui accorder!
Enfi n, la complexité de l’audit dépendra bien entendu de la
structure de l’établissement et de ses objectifs. Néanmoins, si
le travail est correctement accompli, l’audit devrait au moins
permettre : de dégager une vision claire de l’utilisation de
l’énergie dans une entreprise; de posséder une base essentielle
pour pouvoir déterminer dans quel domaine agir, avec quels
moyens et avec quelle rentabilité; de créer un outil durable
d’aide à la décision et de formuler un guide permettant de chif-
frer les améliorations ou d’identifi er les disfonctionnements.
Toutes les PME et PMI de la Région wallonne peuvent faire ap-
pel gratuitement à la cellule Energy Pooling la plus proche. Plus
d’infos: www.energypooling.be
Exemples des performances obtenues
Consommation du site Amélioration
Type entreprise Energie primaire
Litres mazout ou Nm³ de gaz
équivalents
Nbre de ménage
équivalent (4 personnes + 1 voiture)
Nbre de pistes d'amé-
liorations évaluées
Gain Gain
GJp Litres ou Nm³ Ménages Nombre % Euros / an
Agroalimentaire sans process (stockage et conditionnement de légumes)
12.400 339.261 62 18 11 % 8.500
Chimiste (Production d'acides) 152.000 4.158.687 760 22 8 % 81.500
Industrie Agroalimentaire 245.000 6.703.146 1.225 35 18 % 385.000
Papeterie 1.640.000 44.870.041 8.200 29 11 % 660.000
Sidérurgie 6.110.000 167.168.263 30.550 25 24 % 5.360.000
Cimentier 9.340.000 255.540.356 46.700 26 6 % 1.780.000
Un audit comprend l’étude de la répartition des énergies à travers les sites, ainsi que la recherche et l’évaluation des pistes d’amé-
lioration des performances énergétiques. Les exemples donnés sont liés à une entreprise auditée et ne doivent donc pas être
prises comme référence pour les performances de la fédération. La maintenance de l’audit est réalisée en interne par l’équipe
énergétique qui a fait l’audit et permet le suivi des performances énergétiques. Ceci demande 1 à 2 jours de travail par an. 1 GJp
= 1 giga joule primaire = 1 milliard de joules. L’équivalent en litre de gasoil et nombre de ménages est approximatif car il dépend
évidemment du type d’énergie consommé : gaz, gasoil, électricité, propane...