Pr Alloui Laboratoire de Biochimie U3 2021
EXPLORATION BIOCHIMIQUE DE LA FONCTION RENALE
I- INTRODUCTION :
Les maladies rénales n’entraînent souvent aucun symptôme. Pour en faire le diagnostic et en suivre
l’évolution, les médecins se sont depuis longtemps fondés sur l’analyse de l’urine puis du sang.
La seule qualité de l’urine a été initialement étudiée, sa couleur, son odeur, sa saveur… Par la suite les
progrès de la biochimie, de la biologie et de la physiologie ont permis de doser divers constituants du
sang et de l’urine.
La mesure de la fonction rénale est importante car elle a des implications diagnostiques, pronostiques et
thérapeutiques.
II- PRINCIPALES FONCTIONS DU REIN :
- Le rein est la voie principale d'excrétion des déchets métaboliques non volatils, certains d'entre eux
étant potentiellement toxiques, c’est le cas : de l'urée, l'acide urique, la créatinine, et de l'acide oxalique ;
- Le rein élimine un grand nombre de produits chimiques exogènes (toxines, médicaments) et leurs
métabolites ;
- Le rein participe également au catabolisme des protéines de petit poids moléculaire et à
l'interconversion métabolique qui régule la composition des fluides biologiques ;
- Le rein joue un rôle central dans le maintien du volume et de la composition ionique des fluides de
l'organisme (homéostasie). Les modifications importantes de débit des urines et de leur composition
traduisent les capacités du rein à s'adapter à une situation physiologique ou pathologique donnée ;
- Enfin, le rein participe aux fonctions endocrines de l'organisme, il est le site de production de
nombreuses hormones et est aussi la cible et l'effecteur endocrine d'hormones synthétisées dans
l'organisme ou dans le rein lui-même.
Les principales fonctions du rein sont résumées dans le tableau suivant :
Maintien du volume et de la composition ionique des liquides de l’organisme (Homéostasie)
Excrétion des déchets métaboliques terminaux (urée, créatinine, Ac urique, oxalate…)
Détoxification et élimination des toxines, médicaments et de leurs métabolites
Régulation endocrine des volumes extracellulaires et de la pression artérielle (système rénine
angiotensine, prostaglandines, système kallikrérine)
Contrôle endocrine de la masse érythrocytaire (érythropoïétine)
Contrôle endocrine du métabolisme minéral (calcitriol)
Catabolisme des protéines de petits poids moléculaires (ß2 microglobine, chaine légères, insuline...
Interconversion métabolique (Néoglucogenèse, métabolisme lipidique)
Synthèse de facteurs de croissance (IGF1, EGF)
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III- METHODES D’EXPLORATION DE LA FONCTION RENALE :
La fonction rénale correspond au débit de filtration glomérulaire (DFG) qui s’exprime en millilitre par
minute. Le DFG correspond au volume de sang débarrassé des déchets azotés (urée, créatinine, acide
urique) par les reins chaque minute. Le DFG normal est de 120mL/min par 1,73m2. Ce chiffre varie avec
l’âge, le sexe et la surface corporelle.
Il existe de nombreux moyens pour évaluer la fonction rénale :
1. Le dosage sanguin de molécules éliminées par le rein (créatinine, urée, cystatine C et ß2
microglobuline) ;
2. La mesure de la clairance de la créatinine endogène selon la formule classique (clairance=U×V/P) ;
3. Les formules qui permettent d’estimer la clairance de la créatinine endogène (formule de Cockcroft)
ou le DFG (formules Modification of diet in renal disease [MDRD] et Chronic kidney disease
epidemiology collaboration [CKD - EPI]) ;
4. Les mesures de référence (isotopiques ou non isotopiques) du DFG.
Cette abondance de moyens masque le fait qu’il reste très difficile de nos jours de déterminer la fonction
rénale car aucun test n’est parfait en termes de précision, de facilité d’accès ou de rapport coût/utilité.
III-1-Dosage sanguin de molécules éliminées par le rein
III-1-1-La créatinine
- La créatinine sérique a été longtemps la référence pour évaluer la fonction rénale (FR), il s’agit d’un
déchet métabolique azoté, produit terminal du catabolisme de la créatine phosphate musculaire.
Pour un individu donné, la production de créatinine est stable et dépend essentiellement de sa masse
musculaire et en partie (10%) de l’apport alimentaire en viande.
- Il s’agit d’une petite molécule (PM =113Da) qui circule librement dans le sérum et qui est librement
filtrée par le glomérule ce qui en fait à première vue une substance intéressante pour évaluer le DFG.
- En fait, la créatinine n’est pas seulement filtrée mais également sécrétée par le tube contourné
proximal et dans le tube digestif, cette sécrétion étant négligeable chez le sujet normal.
- La relation entre la créatinine plasmatique et le DFG n’est pas linéaire (relation hyperbolique inverse)
et les variations de la créatinine sérique sont inverses avec celles du DFG : si le DFG diminue de 50 %,
la créatinine plasmatique est multipliée par 2.
- La créatinine est soumise à des fluctuations de son taux sérique qui ne dépendent pas de la filtration
glomérulaire (voir tableau 1).
- Chez l'adulte, la créatininémie est d'environ 8 - 12 mg/L chez l'homme, et 7 - 10 mg/L chez la femme.
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Tableau 1 : Les facteurs influençant la créatininémie sans modification réelle du DFG.
AUGMENTATION
Corps cétoniques
Céphalosporines Interférence de dosage avec la méthode de jaffé
Cimétidine
Trimetoprime (Bactrim®) Inhibition de la sécrétion tubulaire de créatinine
Stéroïdes anabolisants
Musculation Augmentation de la masse musculaire
Supplémentation orale en créatine
Alimentation riche en viande bouillie Augmentation de la production de la créatinine
DIMINUTION
Fonte musculaire, amputation Production réduite de créatinine
Régime alimentaire restreint en protéines
Végétarien Ingestion Production réduite de créatinine
III-1-2-L’urée
- C’est une molécule très hydrosoluble, de petite masse moléculaire (60 Da), électriquement neutre et
est la forme principale d'élimination des déchets azotés du métabolisme des protéines chez l'Homme.
- La plus grande partie de l'ammoniac (NH3), produit dans le foie par la désamination des acides
aminés, est transformée en urée (uréogenèse), au niveau du foie et du cerveau.
- L'urée est complètement filtrée par le glomérule et réabsorbée partiellement, de façon inversement
proportionnelle au débit urinaire.
- La concentration plasmatique d'urée est de 0.18 – 0.42 g/L et dépend de trois facteurs :
▪ La fonction rénale (le DFG) ;
▪ Le débit urinaire ;
▪ La production d'urée qui varie elle-même selon l'apport protidique alimentaire et le catabolisme
protéique. La production d'urée est ainsi augmentée par les lyses cellulaires, un saignement
digestif (réabsorption intestinale d'urée formée par la dégradation des protéines sanguines), un
traitement glucocorticoïde.
- L’urée sanguine n’est pas un bon indice d’évaluation de la FR car elle reflète surtout le catabolisme
protidique dont l’importance influe largement sur le taux de génération quotidien de l’urée contrairement
la créatininémie est un meilleur reflet de la filtration glomérulaire car la créatinine dépend de la masse
musculaire jugée stable.
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III-1-3- Cystatine C et ß2 microglobuline
III-1-3-1-Cystatine C
- La cystatine C est une petite protéine sérique de 13kDa dont le comportement rénal pouvait en faire un
bon marqueur de la filtration glomérulaire. En effet, cette protéine, produite de façon constante par
l’ensemble des cellules nucléées, est librement filtrée par le glomérule puis complètement réabsorbée
par les tubes rénaux où elle est catabolisée.
- Son taux sérique n’est pas influencé que par la filtration glomérulaire et certaines situations cliniques
comme un index de masse corporelle élevé, un tabagisme actif, une CRP élevée, une dysthyroïdie ou
un traitement par stéroïdes peuvent modifier son taux sérique.
- Par ailleurs, il semble exister une élimination extrarénale de cystatine C en cas d’insuffisance rénale.
- Enfin, le dosage de la cystatine C est coûteux et n’a pas fait l’objet d’une standardisation.
III-1-3-2-ß2microglobuline
-La ß2microglobuline a le même comportement rénal que la cystatine C mais pas d’élimination
extrarénale même en cas d’insuffisance rénale avancée.
-Cependant, son taux sérique est influencé par des facteurs extrarénaux comme les infections et les
cancers qui élèvent ce dernier.
-Les dosages immunologiques de ß2microglobuline sont par ailleurs coûteux.
La cystatine C et la ß2microglobuline ne doivent pas être utilisés au quotidien pour l’évaluation de la FR
et aucune société savante ne recommande pour l’instant leur usage pour le dépistage ou le suivi des
maladies rénales chroniques.
III-2-La mesure de la clairance de la créatinine endogène selon la formule classique
(clairance=U×V/P)
- La mesure de la clairance de la créatinine endogène selon la formule classique (C=U×V/P) La
clairance de la créatinine endogène appelée aussi clairance mesurée a été longtemps l’examen de
référence d’évaluation de la fonction rénale.
- Elle repose sur la classique formule des clairances rénales : clairance=U.V/P où :
• U : concentration urinaire en créatinine (mg/L) ;
• V : débit urinaire ou diurèse des 24h en ml/min ;
• P : concentration sérique en créatinine (mg/L).
- Les erreurs très fréquentes concernant le recueil urinaire sur 24heures, ce recueil perturbe beaucoup
le quotidien du malade ambulatoire et est difficile chez le sujet âgé, grabataire ou ayant des troubles
visuels ou de la compréhension (voir tableau 2).
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- La clairance de la créatinine est approximativement égale au DFG chez le sujet à FR normale.
- Cette approximation n’est plus valide en cas d’insuffisance rénale car la fraction de créatinine sécrétée
augmente avec la concentration plasmatique.
Tableau 2 : Technique de recueil correct des urines de 24 h.
Vider la vessie à 8 h du matin et jeter les urines
A partir de cette heure jusqu’au lendemain à 8 h, recueillir toutes les urines dans le bocal
Pendant la période de collection, vider la vessie avant d’aller à la selle
Le lendemain à 8 h, vider la vessie et conserver les urines avec l’ensemble de la collection ;
(noter le volume, selon les cas apporter un échantillon ou la totalité des urines)
III-3-DFG estimé par équation
Des équations d’estimation du DFG ont été développées pour s’affranchir du problème du recueil
urinaire.
Trois formules sont principalement utilisées : Cockcroft, la formule MDRD et la formule CKD-EPI.
III-3-1-L’équation de Cockcroft & Gault
- La formule de Cockcroft est une estimation de la clairance de la créatinine endogène et non pas du
DFG (voir encadré 1).
- En raison de l’inclusion du poids dans le numérateur comme index de la masse musculaire, l’équation
a tendance à surestimer la clairance de la créatinine chez les patients ayant une proportion atypique de
masse musculaire (ex : syndrome œdémateux, surpoids, obésité). En revanche l’inclusion directe de
l’âge dans le numérateur a tendance à sous-estimer la clairance de la créatinine chez les sujets âgés.
Encadré 1 : Formule de la clairance
de Cockcroft et Gault
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III-3-2-Formule « Modification of diet in renal disease » MDRD
-La formule (MDRD) donne une estimation du DFG (voir Encadré 2).
- Cette formule a été mise au point en 1999 à partir de DFG mesurés par une méthode de référence
(clairances isotopiques) et des caractéristiques cliniques et biologiques (âge, sexe, poids, taille, race,
urée sanguine et albuminémie) de 1628 patients. Le but de cette étude était d’évaluer l’impact d’un
régime pauvre en protéines sur la progression de la néphropathie chez les insuffisants rénaux.
- La complexité de la formule (même dans sa version simplifiée) nécessite un ordinateur de poche ou
une calculatrice on line.
- À l’inverse de la formule de Cockcroft, la clairance MDRD n’a pas à être corrigée pour la surface
corporelle.
- La corrélation entre le DFG mesuré par une méthode de référence et le DFG estimé par la formule
MDRD est bonne et légèrement supérieure à celle de la formule de Cockcroft et Gault.
III-3-3-Performances comparées des deux formules pour évaluer la fonction rénale
Globalement, la formule MDRD semble avoir une performance légèrement supérieure à la formule de
Cockcroft chez les malades porteurs d’une insuffisance rénale chronique. Chez le sujet, ayant une
fonction rénale normale, les deux formules ont une performance équivalente. Au vu de ces résultats, il
n’est pas justifié d’abandonner la formule de Cockcroft. Les deux formules sont imprécises chez les
malades ayant des valeurs extrêmes d’âge et de poids, chez les malades ayant une faible production de
créatine (myopathies, paraplégie, végétarien, cirrhose, dénutrition) et en cas de fonction rénale normale.
Aucune formule n’est adaptée à l’insuffisance rénale aiguë et à la grossesse.
III-3-4-Formule « Chronic kidney disease epidemiology collaboration »
- La formule CKD-EPI, publiée en 2009, donne comme MDRD, une estimation du DFG (voir Encadré 3).
Encadré 2 : Formule MDRD
(estimation du débit de filtration
glomérulaire).
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- Cette formule a été mise au point à partir de DFG mesurés par une méthode de référence (clairances
isotopiques) et des caractéristiques cliniques et biologiques (âge, sexe, race, créatinine) de plus de 8000
patients inclus dans différentes études.
- Comme la formule MDRD, la complexité de la formule CKD-EPI nécessite un ordinateur de poche ou
une calculatrice on line.
- La formule CKD-EPI n’a pas à être corrigée pour la surface corporelle.
- Comparée à la formule MDRD, CKD-EPI prédit un peu mieux le DFG des patients ayant un DFG
supérieur à 60mL/min. Elle n’est pas plus précise que MDRD pour les malades ayant un DFG inférieur à
60mL/min.
III-4-Les mesures de référence isotopiques et non isotopiques du débit de filtration glomérulaire
- Ce sont les méthodes de référence (gold standard) de mesure du DFG.
- Plusieurs traceurs sont utilisés : l’inuline, l’iohexol, l’iothalamate marqué à l’iode125, l’EDTA marqué au
chrome 51 et le DTPA marqué au technétium 99. L’iohexol est un produit de contraste iodé utilisé à
faible dose non néphrotoxique.
- Le marqueur idéal est l’inuline car cette substance métaboliquement inactive est librement filtrée par le
glomérule puis n’est pas secrétée ni réabsorbée par les tubes rénaux. La mesure du DFG par l’inuline
Encadré 3 : Formule CKD-EPI
(estimation du débit de filtration
glomérulaire).
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est invasive puisqu’elle nécessite une perfusion intraveineuse prolongée et la mise en place d’une sonde
urinaire.
- Quel que soit le traceur utilisé, ces clairances sont coûteuses et difficiles à mettre en œuvre.
De plus, ces examens sont entachés par des erreurs de mesure en particulier dans les laboratoires peu
entraînés.
En pratique, leur utilisation est limitée à la mesure précise de la fonction rénale :
▪ Au cours des essais thérapeutiques ;
▪ Chez le candidat à un don de rein : transplantation à partir d’un donneur vivant ;
▪ Chez le patient à fonction rénale apparemment normale devant bénéficier d’un traitement
néphrotoxique (par exemple, traitement d’un psoriasis sévère par cyclosporine A).
IV- L’INSUFFISANCE RENALE AIGUË :
IV-1-Définition
- L’IRA est définie classiquement par une baisse rapide, en quelques heures ou jours, de la filtration
glomérulaire avec pour conséquence d’une part une rétention de toxines urémiques et notamment de
déchets azotés (avec pour témoin une élévation rapide de l’urémie et de la créatininémie) et d’autre part
une perte de l’homéostasie hydrique et électrolytique.
- L’IRA est une affection le plus souvent réversible.
IV-2-Mécanismes et étiologies de l’IRA
L’atteinte responsable d’une IRA siège à l’un des trois niveaux définis comme suit :
▪ IRA pré-rénale, ou fonctionnelle : par hypo perfusion rénale liée à une hypovolémie et/ou des
troubles l’hydratation.
▪ IRA rénale proprement dite, organique ou parenchymateuse dont la variété la plus habituelle est
représentée par la nécrose tubulaire aiguë NTA. Les autres atteintes parenchymateuses sont
interstitielles, glomérulaires et artériolo-capillaires.
▪ IRA post-rénale, ou obstructive : bilatéral ou unilatéral sur rein anatomiquement ou
fonctionnellement unique.
Leur association étant possible, sous la forme d’une IRA mixte.
Pour qu’une IRA se constitue, la lésion rénale doit nécessairement être brutale, massive et bilatérale
Les deux causes les plus fréquentes d’IRA sont la nécrose tubulaire aiguë NTA et l’IRA fonctionnelle
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IV-3-Tableau biologique d’une IRA :
Ce sont les conséquences métaboliques de l’insuffisance rénale aiguë.
Notion d'une fonction rénale normale auparavant et sur l'existence de reins de taille normale
Rétention azotée : élévation rapide de la créatininémie et de l’urémie les deux éléments essentiels
du diagnostic d’IRA, il y a aussi une hyperuricémie
Surcharge hydrosodée avec hyponatrémie de dilution
Hyperkaliémie (facteur de gravité) plus fréquente et plus sévère en cas d’oligoanurie exposant à
des troubles du rythmes et de la conduction voire à l’arrêt cardiaque par fibrillation ventriculaire
Acidose métabolique apparaissant pour des pH inférieurs à 7.20 et prédisposant à des troubles
du rythme ventriculaire facilités par des anomalies électrolytiques associées
Hypocalcémie et hyperphosphorémie généralement modérées et asymptomatiques
Anémie souvent multifactorielle
IV-3-Bilan biologique d’IRA :
Tout un panel d’examens biologiques est nécessaire pour faire le diagnostic positif, apprécier le
retentissement et approfondir le diagnostic étiologique
Bilan de base En seconde intention
Protides totaux
Recherche d’une protéinurie d’une hématurie et d’une
leucocyturie à la bandelette urinaire sur urine fraiche,
voire dosage pondéral de la protéinurie sur urine des 24h
Uricémie Ionogramme urinaire (natriurèse)
Urémie, créatininémie
Ionogramme sanguin
Calcémie et phosphorémie
Bicarbonates
Hémogramme complet
IV-4-Distinction IRA fonctionnelle /IRA parenchymateuse
IV-4-1-Rapport Urée/Créatinine
-L’urémie normale étant d'environ 4 à 5 mmol/l et la créatininémie d'environ 100 µmol/l, le rapport
urémie/créatininémie a une valeur normale de 35 à 50.
-Dans la plupart des IRA, ce rapport est normal puisque la rétention de ces deux substances est
conjointe, le rapport demeurant ainsi inchangé.
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-Un rapport augmenté avec une valeur nettement supérieure à 50 indique une IRA pré-rénale entraînant
une élévation disproportionnée de l'urémie par rapport à la créatininémie. La réabsorption accrue de
l’urée dans les situations d’hypovolémie.
IV-4-2-Valeur étiologique de la natriurèse
-L’ionogramme urinaire est souvent discriminant. En effet, lors d’une IRA fonctionnelle, l’intégrité du
parenchyme rénal et les fonctions tubulaires sont préservées ainsi l’hyperaldostéronisme secondaire à la
déshydratation ou à l’hypoperfusion rénale est à l’origine d’une réabsorption sodée importante avec une
natriurèse qui est alors basse.
-Une natriurèse inférieure à 20 mmol/l est en faveur d’une origine fonctionnelle de l’IRA.
Tableau 4 : Indices plasmatiques et urinaires permettant le diagnostic d’IRA fonctionnelle ou
parenchymateuse.
IRA fonctionnelle IRA parenchymateuse
Urée plasmatique Très augmentée Augmentée
Créatinine plasmatique Normale ou peu augmentée Augmentée
Natriurèse < 20 mmol/l * >40 mmol/l
* : en l’absence de diurétique
V- L’INSUFFISANCE RENALE CHRONIQUE IRC :
V-1-Définition :
L’insuffisance rénale chronique est définie par une diminution prolongée et définitive de la fonction
rénale secondaire à des lésions irréversibles du parenchyme rénal. La formule MDRD donne l’estimation
la plus précise de la fonction rénale. Ce calcul de la clairance de la créatinine permet de faire le
diagnostic de gravité de l’insuffisance rénale et d’en définir le stade. La classification de la maladie
rénale chronique est définie en 5 stades (voir tableau 5).
Tableau 5 : Classification de la maladie rénale chronique
Stade DFG (ml/mn/1.73m2) Définition
1 >90 Maladie rénale chronique* avec DFG normal ou augmenté
2 60 à 89 Maladie rénale chronique avec DFG légèrement diminué
3 30 à 59 Maladie rénale chronique modérée
4 15 à 29 Maladie rénale chronique sévère
6 <15 Maladie rénale chronique terminale
* : avec marqueur d’atteinte rénale : protéinurie, hématurie, leucocyturie ou anomalies morphologiques ou
histologiques ou dysfonction tubulaire, persistant plus de 3 mois.
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V-2- Étiologies de l’IRC :
- Un grand nombre de maladies peut être à l’origine d’une IRC et le rythme de progression de ces
maladies vers l’IRT est très variable en fonction de la maladie (voir tableau 6).
- Les unes affectent primitivement les reins, les autres peuvent conduire à une atteinte rénale comme le
diabète, l’hypertension artérielle ou les maladies systémiques
- Les néphropathies diabétiques et hypertensives représentent près de la moitié des causes d’IRC.
Tableau 6 : Principales causes d’insuffisance rénale terminale selon le Registre REIN 2006.
Cause de l’IRCT Incidences
Diabète 22%
HTA / Néphropathies vasculaires 24%
Glomérulonéphrites 12%
Polykystose 7%
Pyélonéphrites / NIC 4%
Autres 19%
inconnues 18%
V-2- Tableau biologique d’une IRC avancée (le syndrome urémique)
- Des dizaines de toxines s’accumulant au cours de l’insuffisance rénale sont responsables du syndrome
urémique, l’urée et la créatinine ne représentent que des marqueurs indirects de l’accumulation de ces
nombreuses toxines. Le suivi de ces 2 marqueurs est une simplification extrême des conséquences du
syndrome urémique.
- Le syndrome urémique est l’ensemble des manifestations cliniques et biologiques associées à
l’insuffisance rénale chronique avancée.
- Le syndrome urémique et l’altération de l’état général associés à l’insuffisance rénale avancée ne sont
pas uniquement liés à la réduction des capacités excrétrices, en effet, un grand nombre de fonctions
métaboliques et endocriniennes sont aussi affectées par l’insuffisance rénale et sont responsables par
exemple de l’anémie, de la malnutrition, du métabolisme anormal des glucides, lipides et des protéines.
De plus les concentrations plasmatiques de nombreuses hormones comme par exemple la PTH,
l’insuline, la prolactine, les stéroïdes sexuels, sont modifiées par l’insuffisance rénale, ceci en rapport
avec le défaut de catabolisme, d’élimination rénale ou de régulation.
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Les altérations biochimiques apparaissent tardivement lorsque 50 % ou plus des néphrons ne sont
plus fonctionnels
Le déficit d’excrétion des déchets azotés : ↑ de l’urémie de la créatininémie et de l’uricémie
Les désordres hydroélectrolytiques : Défaut de concentration de l’urine
L’hyperkaliémie est rare avant le stade préterminal
Les troubles de l’équilibre acide-base :
L’acidose métabolique n’est généralement observée qu’au stade préterminal liée à un défaut
d’élimination de la charge
Les troubles du métabolisme glucido-lipidique :
Intolérance au glucose
Résistance à l’insuline
Augmentation de la triglycéridémie avec une hypoHDLémie
La cholestérolémie totale est généralement normale
Les désordres phosphocalciques liés au déficit de production du calcitriol en raison d’une
diminution de l’activité de la 1α-hydroxylase :
Hypocalcémie chronique
Hyperphosphatémie importante
Hypersécrétion de PTH
Le déficit immunitaire et les problèmes infectieux
Diminution de la bactéricidie, du chimiotactisme et de l’activité phagocytaire des polynucléaires
neutrophiles.
Baisse de la réponse anticorps des lymphocytes B ;
Altération des monocytes ;
Lymphopénie habituellement modérée
Le déficit en érythropoïétine et les troubles hématologiques :
Anémie normochrome normocytaire non régénérative
VI-EXPLORATION D’UNE PROTEINURIE :
VI-1-Définition
- La protéinurie, définie comme la présence de protéines dans les urines, est la manifestation la plus
commune d'une néphropathie soit primitive, soit secondaire ou d'une uropathie.
- Il est admis que la protéinurie physiologique est comprise entre 50 et 100 mg/24 heures. Elle est
constituée d'albumine (20 à 55 %), d'IgG (15 à 20 %), de protéine de Tamm-Horsfall (30 à 40 %)
d'origine tissulaire et de protéines d'origine tubulaire de faible masse moléculaire.
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- Une protéinurie pathologique est définie quantitativement par une excrétion journalière supérieure à
150 mg/24 heures de protéines et/ou qualitativement par la présence de protéines normalement
absentes de l’urine.
- Il existe peu de variations physiologiques de la protéinurie en fonction du sexe et de l’âge, sauf lors de
la grossesse où une légère protéinurie pouvant atteindre 300 mg/24 heures est observée au cours des
2e et 3e trimestres de la grossesse. Elle doit être distinguée de la protéinurie observée au cours de la
prééclampsie.
VI-2-Caractérisation d’une protéinurie pathologique
L'analyse de la protéinurie est un des examens urinaires les plus demandés au laboratoire. Une fois
décelée, il est important de la caractériser de façon quantitative et qualitative afin d'en déterminer
l'étiologie et doit toujours être un signe d’appel pour évaluer la fonction rénale.
Les protéinuries se caractérisent par :
▪ La nature des protéines éliminées ;
▪ Leur caractère permanent ou intermittent (orthostatisme par exemple) ;
▪ L'importance de la quantité éliminée :
• Faible abondance : < 1 g/24 heures ;
• Moyenne abondance : < 3 g/24 heures ;
• Forte abondance : > 3 g/L.
VI-3-Diagnostic d’une protéinurie : bénigne ou pathologique ?
VI-3-1-Circonstances de découverte
Une protéinurie est souvent découverte de manière fortuite pendant une visite de médecine du travail ou
scolaire (dépistage par bandelette urinaire), un bilan de santé, une vaccination, un suivi d’une
grossesse, une hospitalisation, ou encore lors d’un bilan urinaire dans un laboratoire de biologie
médicale.
VI-3-2- Protéinuries intermittentes
Ce sont les plus fréquentes ; elles sont causées par des conditions physiologiques ou pathologiques qui
ne sont pas associées avec une morbidité ou une mortalité. Intermittente ou transitoire, la protéinurie est
souvent inférieure à 1 g/L, avec une prédominance d’albumine :
▪ Protéinurie orthostatique : les plus fréquentes des protéinuries intermittentes, elles sont souvent
comprises entre 150 mg/24 h et 1 g/24 h sur des urines recueillies chez le sujet debout, mais
inférieures à 150 mg/24 h lorsqu’il est allongé. Elles sont rencontrées chez environ 20 % des
adultes jeunes et disparaissent pour la très grande majorité avec l’âge ;
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▪ Protéinuries fonctionnelles liées à des modifications temporaires de l’hémodynamique rénale au
décours d’une fièvre, d’un exercice violent, d’un stress, d’une exposition au froid et lors de la
grossesse.
VI-3-3- Protéinuries permanentes
Elles sont rénales, pré et post-rénales
VI-3-3-1-Protéinuries rénales
▪ Elles sont majoritairement glomérulaires avec une nette prédominance d’albumine (> 70 % de la
protéinurie) ;
▪ Elles sont « plus ou moins sélectives » selon l’absence ou la présence de protéines de masse
moléculaire plus élevée, comme les IgG. La protéinurie sera dite sélective si elle est composée
par plus de 80 % d'albumine.
▪ Les protéinuries tubulaires sont moins fréquentes et restent modérées (< 1 g/L). Elles sont
constituées en majorité de protéines de faible Mr ; l’albumine en représente moins de 30 %.
▪ Les protéinuries mixtes (souvent > 1 g/L) associent une composante glomérulaire majoritaire (50
à 60 % d’albumine) à une composante tubulaire minoritaire.
VI-3-3-2-Protéinuries pré et post-rénales
Les protéinuries pré- et post-rénales sont la traduction d’une production ou d’une libération de protéines
« en amont » ou « en aval » du rein.
▪ Protéinuries pré-rénales : On peut citer les chaînes légères libres monoclonales (protéinurie dite
de « Bence Jones »), les fragments d’hémoglobine (hémolyse intravasculaire) ou de myoglobine
(rhabdomyolyses).
Du fait de leur faible Mr, elles passent dans les urines en l’absence de toute lésion organique ou
fonctionnelle du rein réalisant une protéinurie de surcharge. Dans le myélome multiple, la
protéinurie de « Bence Jones » peut atteindre des valeurs très élevées (plus de 10 g/24 h).
▪ Les protéinuries post-rénales sont liées à la présence de protéines issues de la lymphe ou du
plasma à l’occasion d’un saignement ou d’une inflammation du tractus urinaire.
VII- LA MICROALBUMINURIE :
VII-1-Définition
- La microalbuminurie est définie par une excrétion urinaire d'albumine comprise 30 et 300 mg/24
heures.
- Il existe une grande variabilité intra-individuelle dans l'excrétion de l'albumine urinaire chez les sujets
indemnes d'affection uro-néphrologique ou diabétique. Les valeurs peuvent varier du simple au double
du jour au lendemain.
Pr Alloui Laboratoire de Biochimie U3 2021
- Bien que le terme de microalbuminurie soit communément admis et utilisé, le terme de
paucialbuminurie est préférable (le préfixe « pauci » exprime une notion de quantité, alors que le préfixe
« micro » fait référence à une notion de taille impropre dans ce cas).
VII-2-Valeur seuil
- Les valeurs seuil utilisées pour le dépistage sont inférieures à 30 mg/24 heures sans distinction d'âge
et de sexe.
- Pour les résultats exprimés en albumine/créatinine, en raison de l'excrétion urinaire de la créatinine
plus élevée chez l'homme, il convient de différencier les valeurs seuil de dépistage en fonction du sexe :
Le rapport albumine/créatinine doit être inférieur à 2,5 mg/mmol (ou 17 mg/g) chez les hommes, et
inférieur à 3,5 mg/mmol (ou 25 mg/g) chez les femmes.
- En fonction des résultats, on classe les sujets en trois catégories : normoalbuminurie,
microalbuminurie, macroalbuminurie.
VII-3-Intérêt pathologique
La présence d'une microalbuminurie n'a pas la même valeur chez le diabétique de type 2 que chez le
diabétique de type 1 :
▪ Chez le diabétique de type 1, elle est le premier signe biologique traduisant l'atteinte
microangiopathique du rein, avec risque d'évolution vers l'insuffisance rénale en l'absence de
prise en charge ;
▪ Chez le diabétique de type 2, elle témoigne surtout, comme pour la population générale, d'un
risque cardiovasculaire accru, et dans une moindre mesure, d'un risque d'évolution vers
l'insuffisance rénale ;
▪ Une microalbuminurie supérieure à 30 mg/24 heures à plusieurs reprises, en l'absence d'une
autre pathologie uronéphrologique et de déséquilibre aigu du diabète, comporte un risque de
mortalité coronarienne multiplié par 3 dans les 10 ans qui suivent.
De plus, son intérêt comme marqueur indépendant de risque cardiovasculaire est de plus en plus
démontré dans la population générale :
▪ Dans l'hypertension artérielle essentielle, la microalbuminurie constitue un facteur de risque
parfaitement intégré et indépendant des autres facteurs athérogènes (tabagisme, réaction
inflammatoire sub-clinique, dyslipidémie) chez les sujets non diabétiques, hypertendus ou
présentant une hypertrophie cardiaque ;
Pr Alloui Laboratoire de Biochimie U3 2021
▪ Au cours d'un infarctus du myocarde en dehors du fait que l'albuminurie augmente, le rapport
albumine/créatinine est un facteur indépendant de mortalité. Des valeurs supérieures à 50 mg/g
(5,6 mg/mmol) à j1, 30 mg/g (3,4 mg/mmol) à j3 et 20 mg/g (2,3 mg/mmol) à j7 sont de mauvais
pronostic dans l'évolution de la maladie.
VII-CONCLUSIONS
- En pratique médicale courante, la créatinine sérique qui permet de calculer les formules (Cockcroft,
MDRD ou CKD-EPI) est l’outil de base de l’exploration de la fonction rénale. Reste des situations où la
créatinine et les formules qui l’utilisent sont mises en défaut. C’est alors au clinicien de tenter
d’apprécier, dans le contexte clinique, la fonction rénale de son patient.
- Il est important de faire la part des choses entre les présentations clinicobiologiques de l’IRA et de
l’IRC.
- L'interprétation d'une protéinurie tient compte de la nature des protéines éliminées, de son caractère
permanent ou intermittent (orthostatisme par exemple), de l'importance de la quantité éliminée.
- Actuellement, on tend à attribuer à la microalbuminurie un rôle pronostique dans la population
générale, et plus particulièrement en cas d'hypertension artérielle ou après un accident ischémique
cardiaque ou cérébral sans notion d'antécédent de diabète.
Pr ALLOUI. Mai 2021