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Chapitre III
PPRROOPPRRIIEETTEESS MMEECCAANNIIQQUUEESS
DDEESS MMAATTEERRIIAAUUXX ::
EETTUUDDEE DDEE LLAA
PPRROOPPAAGGAATTIIOONN SSOOUUSS––CCRRIITTIIQQUUEE
DDEE FFIISSSSUURREESS
66
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a rupture des céramiques est généralement initiée à partir de défauts
préexistants. La détermination des propriétés mécaniques reste l’étape de
jugement du procédé d’élaboration ainsi que des propriétés intrinsèques de l’hydroxyapatite et
du phosphate tri–calcique élaborés. En ce sens, et pour donner une évaluation quantitative des
comportements mécaniques de ces matériaux, on se limite, dans un premier temps, à quelques
essais significatifs, expliqués ci–dessous, permettant de relever systématiquement le module
d’YOUNG, la dureté VICKERS, la contrainte à la rupture et la ténacité des échantillons déjà
préparés. Néanmoins, dans la deuxième partie de ce chapitre, notre étude sera axée
essentiellement sur la propagation sous–critique dans l’HAP, le β–TCP et le HAP/β–TCP
(70/30).
L
III.1– MODULE D’YOUNG ET DURETE
III.1.1– Module d’YOUNG
La connaissance du module d’YOUNG est très importante pour la caractérisation
des céramiques. Il est en effet fortement lié à la microstructure de ces matériaux. La présence
de pores, de micro–fissures, … etc. est révélée automatiquement par une variation plus ou
moins grande de ce paramètre.
La méthode utilisée pour la mesure du module d’YOUNG fait appel à la
connaissance des fréquences de vibrations propres des éprouvettes. Les mesures sont
effectuées par une méthode dynamique sur des éprouvettes parallélépipédiques de dimensions
3x5x40 mm3. L’appareil utilisé est de type ‘GRINDO–SONIC’. L’échantillon,
momentanément déformé par une impulsion de choc, oscille autour de sa position d’équilibre.
L’appareil analyse son comportement vibratoire pour en extraire la composante fondamentale.
En effet, L’énergie acquise par la pièce sollicitée par un choc se dissipe sous forme de
vibrations qui seront, entre autres, fonction des caractéristiques du matériau. Le résultat se
présente ainsi sous forme numérique, dénommée lecture ‘GRINDO–SONIC’, R, (durée en
milli–seconde de deux périodes de vibration fondamentale), valeur inversement
proportionnelle à la fréquence propre de vibration de l’échantillon, F :
67
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RF
610.2= (E.III.1)
Le module d’élasticité en, GPa, sera donc calculé à partir de l’expression :
)(..10.94642.0 23
9 νζFUL
WmE ⎟
⎠⎞
⎜⎝⎛= − (E.III.2)
où : m : Masse (en g)
W : Largeur (en mm)
L : Longueur (en mm)
U : Epaisseur (en mm) et U<L
F : Fréquence propre de l’échantillon
ζ(ν) : Facteur de correction prenant en compte le rapport U/L
22
42
422
)536.114081.01(338.61
)17.22023.01(34.8868.0)8109.00752.01(585.61)(
⎟⎠⎞
⎜⎝⎛+++
⎟⎠⎞
⎜⎝⎛++
−⎟⎠⎞
⎜⎝⎛+⎟
⎠⎞
⎜⎝⎛+++=
LU
LU
LU
LU
νν
νννννζ
ν : Coefficient de POISSON du matériau
Le tableau III.1 compare la valeur du module d’Young, trouvée dans la littérature
à celle mesurée pour les échantillons préparés en hydroxyapatite, en phosphate tri–calcique et
en composite hydroxyapatite/phosphate tri–calcique (70/30) (20 échantillons pour chaque
matériau). On remarque que les valeurs ont le même ordre de grandeur.
III.1.2– Dureté VICKERS
Parmi les techniques permettant de mesurer la dureté, qui est une propriété
physique caractérisant la résistance du matériau aux déformations plastiques locales, nous
avons utilisé la méthode VICKERS. Il s’agit d’une pénétration statique sur les surfaces polies
des échantillons, réalisée par une pyramide en diamant d’un micro–indenteur ‘WOLPERT’.
Cette pyramide est à base carrée ayant un angle de 136° entre deux faces latérales opposées
(figure III.1).
68
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HAP β–TCP HAP/β–TCP (70/30)
Mesure 112 ± 2 100 ± 2 102 ± 2 Module d’YOUNG
(GPa) Littérature 87.8 [AKAO81]-
112 [DEWI81]
95 [AKAO84]-
115 [MILO99] -
Tableau III.1– Comparaison des valeurs de module d’YOUNG expérimentales et bibliographiques
136°
2d
2c
Figure III.1– Empreinte d’indentation du diamant Vickers
69
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Des charges de 50 N sont appliquées à l’indenteur au milieu de la face polie des
échantillons pendant 20 secondes (trois échantillons pour chaque nuance). Un ordinateur
couplé à l’indenteur est utilisé afin de mesurer la dureté VICKERS ainsi que la longueur de la
fissure radiale qui est généralement bien visible sur l’échantillon. La dureté VICKERS (en
GPa) sera donc définie par :
2854.1dPHv = (E.III.3)
P étant la charge (en kgf), qui produit l’empreinte de diagonale d (en mm).
Des mesures de dureté ont été effectuées à faibles charges (500 g) sur des
échantillons en hydroxyapatite et en β–phosphate de calcium frittés à des températures
comprises entre 1000°C et 1400°C. Elles sont représentées avec les valeurs de densité sur la
figure III.2. Les deux courbes montrent clairement la même allure, pour chaque matériau,
avec un accroissement avant de se stabiliser au delà des températures de frittage optimales.
Ceci confirme le choix de ces températures, puisque la densification totale est presque atteinte
et le grossissement de grains est limité.
III.2– TENACITE ET RESISTANCE EN FLEXION
Sur une machine hydraulique ‘INSTRON 8512’, le facteur critique d’intensité de
contrainte et la contrainte à la rupture de nos matériaux sont mesurés par des essais de flexion
quatre points à la température ambiante, sur des éprouvettes (3x5x40 mm3) entaillées. La
déformation de l’éprouvette pendant l’essai se fait par déplacement de la traverse avec une
vitesse de 0.3 mm/min. L’équipage de flexion est schématisé sur la figure III.3.
Le principe de la mesure du facteur d’intensité de contrainte d’un matériau,
consiste à introduire dans l’échantillon un défaut de taille connue, a, et à appliquer à
l’échantillon une sollicitation mécanique, P. Plusieurs techniques sont proposées pour la
détermination de la ténacité d’un matériau. Cependant, dans cette partie, nos mesures sont
réalisées par les méthodes S.E.N.B. (Single Edge Notched Beam) en flexion quatre points et
en faisant appel à la technique d’indentation.
70
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89
91
93
95
97
99
101
1000
1050
1100
1150
1200
1250
1300
1350
1400
Température de frittage (°C)
% D
ensi
té th
éoriq
ue (3
.16
g/cm
3 )
0
100
200
300
400
500
600
Dur
eté
(Hv)
HAPHAP
9091
929394
9596
979899
100
1000
1050
1100
1150
1200
1250
1300
Température de frittage (°C)
% D
ensi
té th
éoriq
ue (3
.07
g/cm
3 )
200
300
400
500
600
700
800
900
1000
Dur
eté
(Hv)
ββ-TC-TCPP
Figure III.2– Variations des densités et des duretés avec la température de frittage de l’HAP et du β–TCP
71
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U
df
dC
W
PC/2PC/2
Figure III.3– Configuration et chargement d’une éprouvette de mesure en flexion quatre points
72
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En flexion quatre points, les valeurs du facteur critique d’intensité de contrainte
sont calculées à partir de la relation :
aYK RIC ..σ= (E.III.4)
Où σR : Contrainte à la rupture donnée par l’expression :
2..2).(3
UWddP cfC
R
−=σ (E.III.5)
PC : Charge appliquée à la rupture (en N),
df : Distance entre deux appuis côté flexion (en mm),
dc : Distance entre deux appuis côté compression (en mm),
W : Largeur de l’éprouvette (en mm),
U : Epaisseur de l’éprouvette (en mm),
Y : Facteur de la forme pour a/U < 0.6 tel que
432
23.1453.1371.7552.1106.1 ⎟⎠⎞
⎜⎝⎛+⎟
⎠⎞
⎜⎝⎛−⎟
⎠⎞
⎜⎝⎛+⎟
⎠⎞
⎜⎝⎛−=
Ua
Ua
Ua
UaY
a : Profondeur de l’entaille (en mm).
La ténacité est aussi mesurée dans ce paragraphe en utilisant la méthode
d'indentation. LAWN et al. [LAWN80] montrent que sa valeur est proportionnelle à la dureté,
Hv, la diagonale de l’empreinte d’indentation, d, au module d’YOUNG, E, et à la longueur de
fissure produite par l’empreinte (voir figure III.1).
12
018.04.0
−⎟⎠⎞
⎜⎝⎛=
dc
HvEdHvKIC (E.III.6)
73
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Le tableau III.2 compare les propriétés mécaniques (contrainte à la rupture et
ténacité) mesurées à celles trouvées dans la littérature. On remarque que les deux méthodes
utilisées pour mesurer la ténacité donnent des valeurs du même ordre de grandeur et que nos
résultats sont comparables à ceux trouvés dans la littérature avec une dispersion des valeurs
de la contrainte à la rupture relevées dans la littérature et qui correspondent à des procédés de
frittage différents (frittage naturel, pressage à chaud).
III.3– METHODE DE DOUBLE TORSION
De nombreuses méthodes existent pour la mesure et l’analyse de la propagation
lente des fissures dans les céramiques. Ces différentes méthodes peuvent être divisées en deux
groupes :
Les méthodes indirectes qui consistent à calculer les lois de fissuration à partir de
plusieurs essais mécaniques, en supposant à priori la forme de la loi V–KI de la variation
de la vitesse de propagation de fissure, V, avec le facteur d’intensité de contrainte, KI.
Les méthodes directes où la vitesse des fissures est obtenue par mesure de l’allongement
de fissures et enregistrée en fonction du facteur d’intensité de contrainte appliqué.
Les méthodes indirectes, telles que la fatigue statique et la fatigue dynamique,
présentent de multiples avantages, notamment la simplicité de la géométrie des éprouvettes
utilisées et la caractérisation des fissures représentatives des défauts réels. Mais en revanche,
ces méthodes ignorent les détails des lois de propagation de fissures, V–KI, et utilisent plutôt
une loi moyenne.
Parmi les méthodes directes, la double torsion est une méthode simple qui
présente l’avantage de permettre une détermination rapide et directe de la forme précise des
courbes V–KI, en particulier des trois stades souvent rencontrés dans les céramiques.
74
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Contrainte à la rupture (MPa) Ténacité (MPa√m) Mesures
Mesures Littérature 4 points Indentation
Littérature
HA
P 52 ± 10 50 [HUSS97]-
196 [JARC76] 0.95 1
0.97 [VANL95]-
1 [HALO94]
β–TC
P
55 ± 10 60 [TORI87]-
126 [AKAO84] 1.2 1.1 1.14 [AKAO84]
HA
P/β–
TCP
(70/
30)
60 ± 10 80 [TORI87]-
187 [JARC76] 1.3 1.34 -
Tableau III.2– Comparaison des propriétés mécaniques expérimentales et bibliographiques
1
1,5
2
2,5
3
3,5
4
10 15 20 25 30 35
Longueur de fissure (mm)
Com
plai
sanc
e x1
0-7 (
m/N
)
HAP
β-TCP
HAP/β-TCP
Figure III.4– Complaisance en fonction de la longueur de fissure pour l’HAP, le β–TCP et le
composite HAP/β–TCP (70/30)
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III.3.1– Complaisance
La détermination de l’expression du facteur d’intensité de contrainte, KI, est
fondée sur une analyse de la complaisance de l’échantillon. WILLIAMS et al. [WILL73]
suppose que la complaisance, définie comme le rapport du déplacement du point d’application
à la charge, varie linéairement avec la longueur de fissure, a. Elle est donnée par
l’expression :
DaBC += . (E.III.9)
Où B et D sont des constantes propres au matériau
Expérimentalement, cette hypothèse de linéarité est généralement bien vérifiée
dans la plupart des céramiques sauf au niveau des extrémités de l’échantillon.
Les variations de la complaisance de l’hydroxyapatite et du phosphate tri–calcique
avec l’allongement de fissure se présentent sous forme d’une droite en accord avec la théorie
(figure III.4). Le tableau III.3 regroupe les coefficients B et D calculés à partir d’une
régression linéaire ainsi que les valeurs théoriques de B données par l’expression analytique
suivante [TIMO51] :
Ψ=
....3
3
2
UWEWB m
Th (E.III.10)
Où Wm : Distance entre rouleaux,
E : Module d’YOUNG,
W : Largeur de l’éprouvette,
U : Epaisseur de l’éprouvette,
Ψ : Facteur de calibration :
⎟⎠⎞
⎜⎝⎛−⎟
⎠⎞
⎜⎝⎛+⎟
⎠⎞
⎜⎝⎛−=Ψ
UW
WU
WU
2exp4.2264.11 π
Les courbes de complaisance C = C(a) sont mesurées pour des longueurs de
fissures comprises entre 10 mm et 30 mm. En effet, au delà de ces bornes des effets de bords
sont inévitables comme le montrent certains auteurs [PLEK79].
76
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HAP β–TCP HAP/β–TCP (70/30)
Théorique 7.5x10-6 9.8x10-6 10-5
B (N-1) Mesuré 8x10-6 10-5 9x10-6
D (m/N) 6x10-8 3x10-8 5x10-8
Tableau III.3– Valeurs de B et D de l’HAP, le β–TCP et le composite HAP/β–TCP (70/30)
Wm
U
WP
Figure III.5– Chargement de l’éprouvette de double torsion
77
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III.3.2– Facteur d’intensité de contrainte Grâce au mode particulier de chargement [FULL79, OUTW74, WILL73], la
méthode de double torsion, proposée par KIES et CLARCK [KIES69], a obtenu un grand succès
par rapport aux autres méthodes. Elle permet la possibilité de réaliser des propagations stables
de fissures dans un grand domaine de vitesses.
La méthode de double torsion a été utilisée pour plusieurs types de matériaux pour
révéler les lois de propagation [CHEV00, CHEV01, CHEV96A, CHEV96B, CHEV97, CHEV99B,
CICC00, EBRA00A, GREM00, RHAN97, SAÄD00]. La configuration de double torsion (figure
III.5) donne une expression du facteur d’intensité de contrainte indépendante de la longueur
de fissures :
PUW
WK mI .
.)1.(3.
Ψ+
=ν (E.III.7)
P : Charge appliquée,
ν : Coefficient de POISSON ≈ 0.3
Cependant, puisqu’elles font intervenir des fissures de l’ordre de quelques
millimètres au moment où les fissures dépassent rarement quelques dizaines de microns dans
les structures, les techniques directes sont souvent sujettes à des critiques. Des interrogations
ont également souvent porté sur l’indépendance effective de KI avec la longueur de fissure
[SHET79]. En effet, la distribution non uniforme des contraintes au cœur de l’éprouvette
entraîne un front de fissure courbé [POLL79, WILL73] alors que l’expression analytique de KI
proposée dans la littérature est fondée sur un front de fissure droit.
78
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Des corrections de vitesses de fissures sont proposées dans la littérature pour
mettre en considération le front courbe de fissure [EVANS72, POLL79, SHETT79], mais ne
prennent pas en compte la variation du facteur d’intensité de contrainte avec l’accroissement
de fissure. La compréhension et la quantification de cette dernière semblent être inéluctable
pour la détermination précise des lois de propagation sous–critique de fissures. Quelques
études théoriques, notamment par éléments finis, ont été réalisées [TRAN77]. L’étude semble
très intéressante vue que la variation du facteur d’intensité de contrainte apparaît fortement
dépendante du profil de fissure.
Avec l’expression (E.III.7) du facteur d’intensité de contrainte, un décalage est
observé entre les résultats obtenus dans le cas de la zircone (figure III.6), d’où l’idée de
CHEVALIER [CHEV96B] de corriger cette expression et d’exprimer le coefficient d’intensité de
contrainte en fonction de la charge, mais aussi du rapport de la longueur de fissure, a, sur la
longueur d’entaille, a0. Il a ainsi obtenu l’expression :
32
6
0
...
)1.(3. ⎟⎟⎠
⎞⎜⎜⎝
⎛Ψ+
=aaP
UWW
K mI
ν (E.III.8)
Avec cette nouvelle expression, les décalages sont éliminés, mais le coefficient
d’intensité de contrainte ne dépend plus seulement de la charge appliquée, ce qui complique
très légèrement l’exploitation des résultats de double torsion. L’exposant, de l’ordre de 6/32
reste cependant inférieur aux valeurs généralement rencontré dans la plupart des autres essais.
III.3.3– Propagation lente des fissures dans les phosphates de calcium
Le diagramme V–KI, a été obtenu sur une machine ‘SCHENK TREBEL’ (figure
III.7), en combinant deux essais : « l’essai de relaxation » et « l’essai à charge constante ».
79
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10
10
10
10
10
10
-12
-10
-8
-6
-4
-2
3 4 5 6 7
Figure III.6– Comparaison des courbes V–KI de la Zircone 3Y–TZP avant et après correction
[CHEV96B]
: Relaxation, pas de correction. : Relaxation, avec correction de KI : Contrainte constante, pas de correction : Contrainte constante, avec correction
Echantillon
Porte échantillon
Table traçante
Figure III.7– Machine d’essais mécaniques ‘SCHENK TREBEL’
80
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III.3.3.1– Essais de relaxation
La méthode de relaxation de charge, dite « à déplacement constant », permet
d’avoir les trois stades de la courbe V–KI. Elle consiste à charger rapidement l’échantillon
jusqu’à propagation de la fissure. Le déplacement est alors bloqué et l’enregistrement de la
chute de charge au cours du temps permet de remonter à la loi V–KI pour des vitesses
supérieures à 10-7 m/s. Ainsi on obtient avec un seul essai toute une partie de la courbe V–KI,
en mesurant uniquement la charge appliquée, la charge finale après relaxation et la longueur
finale de la fissure propagée.
La propagation de fissure dans ce genre d’essais doit être relativement importante
(allongement de fissure supérieure à 2 mm). Sinon l’incertitude est très importante sur la
variation de complaisance, ce qui fausse tous les résultats qu’on pourra avoir. En effet, c’est
vrai que l’ordre de grandeur des valeurs de vitesses est correct, mais la pente de la loi V–KI
peut varier du simple au triple.
Cet essai est utilisé pour mesurer les grandes vitesses (entre 10-7 m/s et 10-2 m/s).
Par contre, il n’est pas adapté aux faibles vitesses, pour lesquelles une faible variation de
température peut induire une grande influence sur les résultats.
III.3.3.2– Essais à charge constante
L’essai de double torsion à charge constante permet de compléter la courbe pour
les vitesses faibles. Le principe est d’appliquer à l’éprouvette une charge constante. On
mesure l’allongement de la fissure, ∆a, et on peut remonter à la vitesse de propagation de
fissure, V, en connaissant la durée de l’essai, ∆t.
taV∆∆
= (E.III.11)
Ainsi, on obtient, à chaque essai, un point de la courbe V–KI pour les faibles vitesses. On peut
considérer que le facteur d’intensité de contrainte reste constant si l’allongement de la fissure
est faible (de l’ordre de 100 µm).
81
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Néanmoins, quelques précautions sont indispensables pour réaliser cet essai :
après un positionnement délicat des éprouvettes, il faut faire une mise en charge suffisamment
rapide, mais pas trop : assez rapide pour qu’on puisse considérer que la fissure ne se propage
pas avant que la charge désirée soit atteinte (ceci est surtout important pour les essais courts),
mais assez lente pour que la machine régule bien et ne dépasse pas la charge voulue (ce qui
peut entraîner une rupture de l’éprouvette). Typiquement, nous avons procédé avec une
vitesse de mise en charge de 1200 N/min.
Dans le but d’avoir plus de précision sur la mesure du temps d’essai, nous avons
imposé une rampe de charge trapézoïdale. Cette forme de rampe permet de définir
précisément la vitesse de chargement (1200 N/min), la charge à atteindre (entre 20 et 55 N), la
durée de l’essai et la vitesse de déchargement (1200 N/min). Ainsi, nous avons évité les
déchargements trop brutaux, qui induisent parfois des oscillations de la machine et donc la
rupture de l’éprouvette.
Les dimensions exactes des fissures sont mesurées à l’aide d’un microscope
optique ‘ZEISS AXIPHOT’ avec une précision de 2 µm. Pour déterminer une courbe V–KI
complète et étudier l’existence d’un seuil, il est nécessaire de réaliser des essais à des vitesses
de fissures très lentes de l’ordre de 10-10 à 10-12 m/s. De tels essais nécessitent des temps de
maintien sous charge de l’ordre de quelques jours ; ainsi leur nombre est limité pour des
impératifs de temps. Les vitesses les plus faibles que nous avons pu mesurer avec cette
méthode sont de l’ordre de 10-10 m/s.
III.3.3.3– Diagrammes V–KI des phosphates de calcium dans l’air
Après avoir optimisé le mode d’élaboration pour l’hydroxyapatite, le phosphate
tri–calcique et le composite hydroxyapatite/phosphate tri–calcique (70/30), dans le but
d’obtenir un matériau dense avec une microstructure homogène, nous avons réalisé des tests
de relaxation et des tests de propagation à charge constante dans une large gamme de charges,
en particulier pour les faibles valeurs de KI. Les résultats de relaxation et de mesure de
propagation de fissure à contrainte constante obtenus dans l’air pour l’HAP, le β–TCP et le
composite HAP/β–TCP sont dressés dans un diagramme V–KI sur la figure III.8 pour des
vitesses de 10-10 m/s à 10-2 m/s.
82
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0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1,0
1,1
1,2
1,3
1,4
1,5
1,6
1,7
1,8
Facteur d'intensité de contrainte (MPa√m)
Vite
sse
de p
ropa
gatio
n de
fiss
ure
(m/s
)
10-10
10-9
10-8
10-7
10-6
10-5
10-4
10-3
10-2
10-1
10+0
Essais de relaxation Essais à charge constante
Stade III
Stade II
Stade I
Stade III
Stade II
Stade IStade I
Stade II
Stade III
KIC, β–TCPKIC, HAP KIC, HAP/β–TCP
KI0
, β–T
CP
KI0
, HA
P
KI0
, HA
P/β –
TC
P
Figure III.8– Diagramme V–KI dans l’air des phosphates de calcium
HAP β–TCP HAP/β–TCP (70/30)
A (KI en MPa√m) 3.3x104 3x10-5 1.5x10-44
Stad
e I
n 55 34 206
A (KI en MPa√m) 3.6x10-4 1.07x10-4 1.8x10-9
n 7 10 20
Stad
e II
KII (MPa√m) ≈ 0.7 ≈ 1 ≈ 1.55
A (KI en MPa√m) 0.8 3.9x10-13 2.3x10-66
n 52 140 271
Stad
e II
I
KIII (MPa√m) ≈ 0.85 ≈ 1.3 ≈ 1.67
Tableau III.4– Paramètres de propagation de fissures
83
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Les courbes globales présentent chacune trois stades différents, qui sont
généralement observés dans les céramiques [LAWN93]. Chaque stade peut être décrit une loi
(V=A.Kn) [CHEV99B, EBRA00A, FETT92, RHAN97]. La présence des trois stades notés I, II et
III sur la figure suggère fortement que la corrosion sous contrainte par les molécules d’eau est
le mécanisme clé pour la propagation de fissures dans ces matériaux. Pour chacun d’entre
eux, les paramètres de propagation de fissure, A et n, de chaque stade sont regroupés dans le
tableau III.4. Les paramètres KII et KIII, qui représentent les facteurs d’intensité de contrainte
correspondant au début des stades II et III, ne sont déterminés qu’approximativement puisque
la transition entre les stades semble se faire progressivement.
La mise en évidence d’un seuil de propagation de fissure, KI0, est d’une
importance tout à fait capitale puisqu’elle définit un domaine de contraintes sûr du point de
vue propagation sous critique. Elle a été effectuée par extrapolation à partir des points du
diagramme V–KI, correspondant à une chute brusque de la vitesse de propagation de fissure
(voir figure III.8). Les seuils de propagation très faibles obtenus pour l’hydroxyapatite et le
phosphate tri–calcique signifient que les deux matériaux sont extrêmement sensibles à la
propagation sous critique de fissure. Ceci prouve que l’HAP et le β–TCP sont des céramiques
que l’on ne peut pas utiliser comme composants structuraux sans prendre des soins extrêmes.
D'autre part, comme on peut le voir sur la figure, la ténacité KIC a été également déterminée
par extrapolation de la courbe V–KI aux vitesses élevées (10-2 m/s). Ces deux grandeurs sont
représentées dans le tableau III.5 pour les trois bio–ceramiques.
Les résultats montrent que le phosphate tri–calcique est plus tenace que
l'hydroxyapatite. La propagation a lieu au dessous des valeurs de ténacité en accord avec
celles déjà mesurées par la méthode de flexion quatre points et par la méthode d’indentation.
La normalisation des courbes V–KI par la ténacité (figure III.9) montre que l’HAP est moins
sensible à la propagation de fissures que le β–TCP. En effet la propagation se fait dans un
domaine de facteur d’intensité de contrainte de 3.00 =−
=∆
IC
IIC
IC KKK
KK pour l’hydroxyapatite
et 0.4 pour le phosphate tri–calcique.
84
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HAP β–TCP HAP/β–TCP (70/30)
KI0 (MPa√m) ≈0.6 ≈0.85 ≈1.5
KIC (MPa√m) ≈0.9 ≈1.35 1.7
Tableau III.5– Valeurs de KI0 et de KIC
10-1010-910-810-710-610-510-410-310-210-110+0
0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1 1,1
KI/KIC
Vite
sse
de p
ropa
gatio
n de
fiss
ures
(m/s
)
ββ-TC-TCPP
HAPHAP HAP/HAP/ββ-TC-TCPP
Figure III.9– Lois de comportement des trois matériaux, normalisées par leurs ténacités respectives
85
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En revanche, le composite hydroxyapatite/phosphate tri–calcique (70/30) a non
seulement une ténacité beaucoup plus élevée que le phosphate tri–calcique, mais également
un seuil plus important. La pente du stade primaire de l’hydroxyapatite est quatre fois plus
grande que pour le composite et le diagramme V–KI est décalé vers les fortes valeurs du
facteur d’intensité de contrainte. Ce matériau est moins sensible à la propagation sous–
critique que l’hydroxyapatite et le phosphate tri–calcique, puisqu’il a un domaine de
propagation de fissure plus faible :
)()(
)()(1.0
)/()/(
TCPKTCPK
HAPKHAPK
TCPHAPKTCPHAPK
ICICIC −−∆
<∆
<≈−−∆
ββ
ββ
De tels résultats sont aussi obtenus pour d’autres composites tel que les
alumine/zircone [CHEV00] ; l’ajout d’une deuxième phase se traduisant par une augmentation
de la résistance à la fissuration.
III.3.4– Influence du milieu environnant sur la propagation sous
critique de fissures
Afin de comprendre les mécanismes de propagation de fissure dans
l’hydroxyapatite, le phosphate tri–calcique et le composite hydroxyapatite/phosphate tri–
calcique (70/30), et en particulier le rôle de l'eau, des essais de relaxation sont effectués sur le
même échantillon de chaque matériau, à température ambiante dans trois milieux différents :
air ambiant, eau et huile de silicone (RHODORSIL 710, RHONE POULENC, France)
caractérisée par un faible taux d'humidité. Nous avons utilisé un montage de double torsion
adapté à l’étude dans les milieux liquides.
Nous représentons sur la figure III.10 les courbes V–KI obtenues dans les
différents milieux. Dans les deux liquides, nous remarquons la présence d’un seul stade dans
le domaine étudié. Pour l’huile, ce stade unique correspond au troisième stade observé lors de
la propagation dans l’air. Ceci nous permet de conclure que le stade III correspond bien aux
conditions de vide. Dans le cas de l’eau, la pente de la courbe V-KI est à rapprocher de celle
du stade primaire dans l’air.
86
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0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5
Vite
sse
de p
ropa
gatio
n de
fiss
ures
(m
/s)
I
II
III
I
β−TCP
10+0
Facteur d'intensité de contrainte (MPa√m)
Huile
AirEau
10-1
10-2
10-3
10-4
10-5
10-6
10-7
10-8
10-9
10-10
0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9
II
I
III
I
II
I
III
I
II
I
III
I
II
I
III
I
II
I
III
I
HuileAirEau
ΗΑP
Facteur d'intensité de contrainte (MPa√m)
10-2
10-3
10-4
10-5
10-6
10-7
10-8
10-9
10-10
Vite
sse
de p
ropa
gatio
n de
fiss
ures
(m
/s)
10-10
10-9
10-8
10-7
10-6
10-5
10-4
10-3
10-2
1,4 1,5 1,6 1,7 1,8
Facteur d'intensité de contrainte (MPa√m)
Vite
sse
de p
ropa
gatio
n de
fiss
ures
(m/s
)
HAP/β−TCP
HuileAirEau
I
II
III
I
Figure III.10– Diagrammes V–KI obtenus dans l’air, dans l’eau et dans une huile de silicone
87
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Notons également que le seuil qu’on peut déduire des courbes V-KI dans l’eau
pour chaque matériau (tableau III.6) est légèrement inférieur à celui mesuré dans l’air, alors
que les valeurs du paramètre, n, qui caractérise la propagation de fissures dans l’eau, sont
comparables à celles du stade I dans l’air.
L’ensemble de ces résultats explique la forte influence de l’humidité sur les
ténacités apparentes, comme l’avait montré DE WITH et al. [DEWI81]. La sensibilité de ces
bio–céramiques à la propagation sous critique peut être expliquée par la présence de liaisons
ioniques dans les oxydes, qui favorisent l’adsorption de l’eau sur les faciès de la rupture, d’où
la forte chute de l’énergie de surface en présence de l’eau.
Les lois de propagation de fissure dans l’eau peuvent être utilisées pour obtenir un
ordre de grandeur des vitesses de propagation dans une solution RINGER, plus ou moins
représentative du milieu physiologique dans le corps humain. Ceci est dû au fait que la
présence des différents sels dans la solution RINGER n’a pas d’influence sur la propagation de
fissures. CHEVALIER [CHEV96B] a prouvé cette réalité, dans le cas d’une zircone 3Y–TZP
(figure III.11).
88
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HAP β–TCP HAP/β–TCP (70/30)
n 84.4 52.6 146.4
KI0 (MPa√m) ≈ 0.4 ≈ 0.6 1.3
Tableau III.6– Valeurs de n et de KI0 des trois matériaux dans l’eau
Figure III.11– Courbes V–KI obtenus pour une zircone bio–médicale dans l’air ( ), dans l’eau ( ), en solution physiologique ( ), dans une huile de silicone ( ) et sous vide secondaire (∆) [CHEV96B]
Sous frittage Optimum de frittage Sur frittage
% Densité théorique
(3.16 g/cm3) ≈ 96 ≈ 98 98
HA
P
Taille de grain (µm) 1.4 2 2.7
% Densité théorique
(3.07 g/cm3) ≈ 96 98 98
β–TC
P
Taille de grains (µm) ≈ 3 7 12
Tableau III.7– Densités et tailles de grains des nuances en HAP et en β–TCP
89
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III.3.5– Influence de la microstructure sur la propagation sous
critique dans l’HAP et le β–TCP
Nous avons réalisé des tests complémentaires de relaxation sur deux autres
nuances, en hydroxyapatite et en β–phosphate de calcium, frittées à des températures en
dessous et en dessus de la température optimale de frittage : à 1150°C et 1250°C pendant 3
heures pour l’HAP, et à 1100°C et 1250°C pendant 7 heures pour le β–TCP. La taille de
grains et la densité de chaque nuance sont représentées sur le tableau III.7. La figure III.12
représente les diagrammes V–KI pour les trois nuances de chaque matériau. On confirme
encore une fois que 1200°C pour l’HAP et 1180°C pour le β–TCP (optimisées par
dilatomètrie dans le chapitre précédent) correspondent bien aux températures optimales de
frittage puisqu'elles correspondent à la ténacité la plus élevée. Nous observons que d’une
façon générale les lois de propagation sous critique se décalent vers les faibles facteurs
d’intensité de contrainte beaucoup plus pour les nuances sur–frittées que pour celles sous–
frittées. Ceci se traduit par une chute spectaculaire de la résistance à la propagation de fissures
pour les matériaux frittées à 1250°C.
Une telle chute peut être expliquée soit par une transition du mode de rupture
inter–trans–granulaire, soit par une transformation de phase (β α) dans le cas du β–TCP ou
une décomposition en phosphate tri–calcique pour l’HAP, qui peut avoir lieu aux alentours de
1250°C. En effet, la phase β du phosphate tri–calcique est stable à température ambiante et
jusqu'à 1180°C [BIGN02] et l’hydroxyapatite peut se décomposer même à des températures
inférieures à 1300°C (Cf. premier chapitre). Ce point sera précisé dans les paragraphes
suivants.
90
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10-10
10-9
10-8
10-7
10-6
10-5
10-4
10-3
10-2
0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1
Vite
sse
de p
ropa
gatio
n de
fiss
ure
(m/s
)
Facteur d'intensité de contrainte (MPa√m))
Frittage, 1200°C
Frittage, 1150°C
Frittage, 1250°C
Frittage, 1180°CFrittage, 1100°C
Frittage, 1250°C
Frittage, 1180°CFrittage, 1100°C
Frittage, 1250°C
10-10
10-9
10-8
10-7
10-6
10-5
10-4
10-3
10-2
10-1
10+0
Vite
sse
de p
ropa
gatio
n de
fiss
ures
(m/s
)
Facteur d'intensité de contrainte (MPa√m))
0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1 1,1 1,2 1,3 1,4
HAP
β-TCP
Figure III.12– Effet de la microstructure sur les lois de propagation de fissure dans les phosphates de
calcium
91
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III.3.6– Influence de la transformation βα ↔ du TCP sur la
propagation sous critique dans le composite HAP/β–TCP La phase β du phosphate tri–calcique est généralement considérée stable
jusqu’aux alentours de 1180°C, puisque ce matériau se transforme au delà de cette
température en α–TCP (Cf. chapitre I). Cependant, après revenu à 850°C la phase α subit une
transformation inverse βα → . Dans le but de révéler l’effet de ce recuit sur les lois de
propagation de fissures dans le composite HAP/β–TCP (70/30), des essais de relaxation ont
été réalisés sur le même échantillon avant et après traitement thermique à 850°C pendant dix
heures d’un échantillon du composite fritté à 1200°C pendant 7 heures. Les résultats de cet
essai sont représentés sur la figure III.13. Après recuit, on voit bien le décalage de la courbe
de propagation de fissures vers les fortes valeurs du facteur d’intensité de contrainte. Les
propriétés mécaniques du matériau sont donc améliorées. Ce qui peut être dû à la
transformation de phase βα → , comme il peut être dû à des effets de courbe R
correspondants à des longueurs de fissures relativement grandes.
III.3.7– Cheminement de fissure dans l’HAP et le β–TCP
De nombreux travaux, fondés sur l’analyse du cheminement des fissures dans les
céramiques, ont permis d’expliquer les phénomènes de renforcement qui peuvent intervenir
pendant la propagation de fissures. En effet, la description du renforcement par transformation
de phase est aujourd’hui possible, grâce aux observations de CHEVALIER [CHEV96B] et
GREMILLARD [GREM02] dans une zircone 3Y–TZP, et de MARSHALL et al [MARS90] dans les
Ce–TZP. Grâce aux travaux de SAÄDAOUI [SAÄD91], EBRAHIMI [EBRA00A, EBRA00B] et de
LATHABAI et al [LATH91] on comprend bien, ainsi, les mécanismes de pontage dans les
alumines.
92
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10-8
10-7
10-6
10-5
10-4
10-3
10-2
1,3 1,4 1,5 1,6 1,7 1,8
Facteur d'intensité de contrainte (MPa√m))
Vite
sse
de p
ropa
gatio
n de
fiss
ures
(m/s
)Recuit
(850°C, 10h)
Figure III.13– Effet de la transformation βα ↔ , avant et après traitement thermique à 850°C pendant 10 heures, sur les lois de propagation de fissure dans le composite HAP/β-TCP
93
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Cependant aucune étude similaire n’a encore été engagée, à notre connaissance,
sur les matériaux à base de phosphate de calcium. Nous avons donc réalisé des observations
au Microscope Electronique à Balayage ‘MEB’ pour avoir des informations quant aux
phénomènes qui entrent en jeu pendant la propagation de fissure dans l’hydroxyapatite et le
phosphate tri–calcique, et pour pouvoir expliquer les résultats du paragraphe précèdent
concernant la chute des résistances des matériaux frittés à 1250°C.
Les figures III.14 et III.15 montrent la microstructure des différentes nuances
d’HAP et de β–TCP. Nous remarquons plus d’hétérogénéité pour la microstructure des
nuances frittées à 1250°C. La résistance plus faible des nuances sous–frittées par rapport à
celles sur–frittées peut être expliquée par le fait qu’on n’a pas encore atteint la densification
totale du matériau, et ceci est confirmé par les porosités observées dans les microstructures de
ces matériaux (figures III.14 et III.15 (a-1)).
L’observation des faciès de rupture révèle que la propagation de fissure se fait,
pour les trois températures de frittage du phosphate tri–calcique, suivant un mode mixte,
majoritairement trans–granulaire (figure III.15). Dans le cas de l’hydroxyapatite, on observe
une transition du mode inter au mode trans–granulaire vers 1200°C. Cette transition peut
expliquer la chute des propriétés mécaniques des matériaux sur–frittés, puisqu’elle correspond
généralement, dans les céramiques, à une chute importante de la résistance : la transition est
liée à l’augmentation de la taille des grains. Pour l’HAP et le β–TCP, cette transition
correspond à une augmentation de taille de grains relativement (voir tableau III.7) de l’ordre
du micromètre (µm).
Les courbes de diffraction X (figure III.16) montrent qu’il n’y a pas eu de
décomposition de l’hydroxyapatite frittée à 1250°C puisqu’il s’agit bien de la fiche JCPDS de
l’HAP. Par contre, le spectre du phosphate tri–calcique avant et après frittage à 1250°C
montre des pics différents : le matériau qui était sous forme β, s’est transformé en phase α
après frittage à cette température. C’est cette transformation qui est à l’origine de la chute des
propriétés mécaniques du β–TCP fritté à 1250°C.
94
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(a-1) (a-2)
(b-1) (b-2)
(c-1) (c-2)
Figure III.14– Images MEB de l’HAP frittée à différentes températures ((a) 1150°C, (b) 1200°C, (c) 1250°C) : Microstructures (1) et faciès de rupture (2), mettant en évidence le changement de mode de
rupture suivant la température du frittage
95
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(a-1) (a-2)
(b-1) (b-2)
(c-1) (c-2)
Figure III.15– Images MEB du β–TCP frittée à différentes températures ((a) 1100°C, (b) 1180°C, (c) 1250°C) : Microstructures (1) et faciès de rupture (2), mettant en évidence un mode de rupture trans–
granulaire pour les trois températures du frittage
96
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20 22 24 26 28 30 32 34 36 38 40 42 44 46 48 50 52 54
2θ (degrés)
Inte
nsité
rela
tive
HAP
Avant frittage
Après frittage(1250°C, 3h)
20 22 24 26 28 30 32 34 36 38 40 42 44 46 48 50
2θ (degrés)
Inte
nsité
rela
tive
Après frittage(1250°C, 7h)
Avant frittage
β -TCP
Figure III.16– Diagrammes de diffraction X réalisés sur des échantillons en (a) l’HAP et (b) β–TCP avant et après frittage à 1250°C
97
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Le tableau III.8 regroupe le module d’YOUNG, mesuré par méthode ultrasonore,
pour les trois conditions de frittage de l’hydroxyapatite et du phosphate tri–calcique. Encore
une fois, les températures optimales de frittage correspondent aux valeurs maximales, comme
reporté dans la littérature dans le cas de l’hydroxyapatite [DEWI81]. Au dessous de ces
températures, le module d’YOUNG est plus faible, et ceci peut être attribué à la présence d’une
porosité résiduelle. Au dessus de la température optimale de frittage, la chute du module
d’YOUNG peut être expliquée par une micro–fissuration du matériau [HALO94]. En effet,
pendant le refroidissement, les contraintes résiduelles dues à l'anisotropie des grains peuvent
être suffisantes pour favoriser la propagation de fissures, puisque la ténacité et le seuil sont
faibles.
L’observation du cheminement des fissures après propagation, lors des essais de
relaxation de charge sur les éprouvettes de double torsion en phosphate tri–calcique frittées à
1180°C pendant 6 heures, a révélé la présence de branchements et de pontage (figure III.17).
Ces mécanismes induisent un renforcement du matériau et peuvent expliquer les propriétés
mécaniques plus élevées du β–phosphate de calcium comparées à celles de l'hydroxyapatite
où aucun renforcement n'est observé (rupture principalement trans–granulaire).
III.3.8– Influence du vieillissement
Dans le but d'étudier la stabilité des propriétés mécaniques de l’hydroxyapatite et
du β–phosphate de calcium dans des milieux immergés, deux essais de relaxation sont
effectués dans l’air sur le même échantillon de chaque matériau avant et après vieillissement
dans de l’eau à 37°C pendant six semaines (durée correspondant grossièrement au temps
nécessaire à la production in vivo de l'os curatif [PITO87]). Juste après les six semaines, et
avant de les tester, les échantillons sont essuyés puis mis à l’étuve à une température de 40°C
pendant 24 heures.
98
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Sous frittage Optimum de frittage Sur frittage
HAP 104 ± 2 112 ± 2 106.5 ± 2 Module d’YOUNG
(GPa) β–TCP 81 ± 2 100 ± 2 85 ± 2
Tableau III.8– Evolution du module d’YOUNG avec la température de frittage de l’HAP
Figure III.17– Branchement de fissures et pontage dans le phosphate tri–calcique
99
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Comme le montre la figure III.18, l’effet du vieillissement sur les lois de
propagation de fissure est bien prononcé aussi bien pour l’HAP que pour le β–TCP. Une forte
chute des propriétés mécaniques et un décalage des lois de propagation de fissures vers les
faibles facteurs d'intensité de contraintes sont observés.
Une telle chute a été observée dans l'hydroxyapatite par RAYNAUD et al.
[RAYN97]. Ceci est probablement dû à l'attaque progressive des joints de grains par les
molécules d'eau faisant apparaître des porosités. Cette hypothèse est confirmée par nos
résultats qui montrent une chute significative de la densité pour les deux matériaux après
vieillissement. D’une valeur initiale de 98%, elle passe à 94% pour l’hydroxyapatite et à 95%
pour le phosphate tri–calcique. Il est très intéressant également de noter qu’après
vieillissement, le deuxième stade est beaucoup plus étroit pour l’HAP, et disparaît
pratiquement dans le cas β–TCP. L'eau adsorbée à la surface du matériau provoque une
diffusion plus aisée au front de la fissure et limite le stade II.
100
TTrrooiissiièèmmee cchhaappiittrree PPrroopprriiééttééss mmééccaanniiqquueess ddeess mmaattéérriiaauuxx :: EEttuuddee ddee llaa pprrooppaaggaattiioonn ssoouuss ccrriittiiqquuee
10-7
10-6
10-5
10-4
10-3
10-2
0,5 0,7 0,9 1,1 1,3 1,5
facteur d'intensité de contrainte (MPa√m)
Vite
sse
de p
ropa
gatio
n de
fiss
ure
(m/s
)
Vieillissement
(6 semaines, 37°C)
β-TCP
10-8
10-7
10-6
10-5
10-4
10-3
10-2
0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1
Facteur d'intensité de contrainte (MPa√m)
Vite
sse
de p
ropa
gatio
n de
fiss
ures
(m/s
)Vieillissement
(6 semaines, 37°C)
HAP
Figure III.18– Lois de propagation de fissures dans l’HAP et le β–TCP avant et après vieillissement
dans l’eau à 37°C pendant 6 semaines
101