Download - Estudio Comparativo de Visee
Université de Montréal
Les différentes versions des pièces pour guitare de Robert de Visée : étude comparative
Par David Jacques
Faculté de musique
Travail de recherche présenté à la Faculté des études supérieures en vue de l’obtention du grade de Doctorat
en musique option musique ancienne
mai 2007
Copyright, David Jacques, 2007
1
INTRODUCTION
Qui s’étonne, en ce début de XXIe siècle, d’entendre une pièce musicale dans une version
autre « qu’originale »? L’improvisation dans la musique occidentale, bien qu’elle ait toujours
existé, est omniprésente majoritairement dans les styles que sont le jazz et la musique
populaire. De plus, avec le progrès dans les domaines de la communication et de l’audio, tous
sont à même de reconnaître les nombreuses différences d’interprétation d’une même chanson
ou d’un même thème musical et la multiplication de leurs versions. Par exemple, on ne
compte plus le nombre d’enregistrements des chansons des Beatles ou des nombreux
standards de jazz. Les libertés que prennent les musiciens de jazz sont parfois étonnantes,
déformant ou ornant le thème à un point où il nous est parfois difficile de le reconnaître. Les
styles que sont le jazz et la musique populaire sont plutôt liés à une tradition orale et la
notation musicale, s’il y en a une, est souvent très dépouillée, ne laissant à l’interprète qu’un
simple squelette musical qu’il faut décorer sous l’inspiration du moment. Dans le cas de la
musique populaire, on peut même aller jusqu’à dire que la partition musicale n’est absolument
pas nécessaire et que des notions élémentaires et instinctives d’harmonie conjuguées à une
bonne oreille suffisent largement à l’apprentissage des plus grands succès.
Quant à elle, la musique classique des dernières décennies, avec l’avènement de l’ordinateur
et de tous ces moyens techniques absolument révolutionnaires, a un peu privé l’interprète de
cette liberté. Les partitions sont de plus en plus explicites, indiquant jusque dans le moindre
détail les paramètres de l’interprétation : les nuances, la vitesse, les rythmes et même les
timbres. Le fossé entre le compositeur et l’interprète se creuse de plus en plus depuis l’époque
du Romantisme. Les compositeurs écrivent souvent de la musique qu’ils ne peuvent pas jouer
eux-mêmes. En revanche, les instrumentistes virtuoses sont rarement compositeurs. Ainsi,
pour freiner les ajouts qui déformeraient leurs œuvres et trahiraient leurs pensées, les
compositeurs sont de plus en plus précis dans leurs indications.
Chez plusieurs musiciens-compositeurs du XVIIe siècle, la partition comporte très peu
d’indications. L’interprète fait souvent face à une partition squelettique à partir de laquelle il a
tout le loisir d’improviser et d’orner.
2
La tradition orale est bien présente à cette époque, ce qui favorise les libertés d’exécution
dans les domaines de l’ornementation, du choix des instruments1, de l’improvisation, des
rythmes et des contours mélodiques, etc. Dans ce sens, la partition musicale ou la notation en
tablature, bien qu’elles donnent plusieurs indices pour l’interprétation, ne sont en fait que de
faibles balbutiements de l’idée originale du compositeur.
Quand on se penche sur le nombre de versions des pièces de Robert de Visée retrouvées (189
pièces en 730 versions) à ce jour – manuscrites ou publiées – on fait face à la réalité de
l’importance de la transmission orale et cela démontre les extrêmes libertés que se
permettaient les interprètes de la guitare du XVIIe siècle. Contrairement aux éditions ou
manuscrits de pièces de clavecin de la même époque, très peu d’indications d’ornements sont
ajoutées aux pièces pour guitare. Lorsque celles-ci sont adaptées pour d’autres instruments, le
dépouillement des partitions est flagrant, favorisant du coup l’expansion des possibilités
rythmiques, harmoniques et d’ornements.
Fort heureusement, ces libertés d’interprétation sont régies par des principes musicaux tels
que les formes, les mouvements de danses, etc. Il est donc vrai que : « Les plus belles pièces
perdant infiniment de leur agrément si elles ne sont exécutées dans le goût qui leur est
propre2.» Il serait erroné de croire que l’interprétation de la musique baroque n’a aucune règle
ni aucun cadre. Dans son recueil de 1716, Robert de Visée dénonce les transformations
extrêmes qu’ont subies certaines de ses compositions : « Quelques unes de ces pièces, qu’on
m’a surprise, sont répandues dans le monde, mais si peu correctes et même si défigurées que
je suis obligé de les désavoüer3. » Et Denis Gaultier d’ajouter : « J'ay appris par mes amis que
les pièces que j'ay mis au jour sont tellement changées, et si fort défigurées quant on les
envoye en provinces, ou hors du Royaume, qu'elles ne sont plus connoissables4. » Quelle est
donc la part de liberté souhaitée ou souhaitable ? Certains compositeurs semblent s’attendre à
une interprétation plus littérale de la part des musiciens, tandis que d’autres comme Robert de
Visée suggèrent eux-mêmes, par de multiples versions d’une même œuvre, plusieurs
possibilités d’interprétations.
1 Les musiciens et compositeurs jouaient souvent de plusieurs instruments. Certaines pièces de leur composition étaient souvent transcrites en plusieurs versions et jouables sur divers instruments. 2 Marin Marais, Pièces de viole, 3e livre, 1711. 3 Robert de Visée, Pièces de théorbe et de luth Mises en Partition, Dessus et Basse, Paris, CL Roussel, 1716, Avertissement. 4 Denis Gaultier, Pièces de luth, 1670.
3
Ce travail de recherche a pour objectif de mettre en lumière l’approche souple de Robert de
Visée à travers l’étude des différentes versions. Nous constaterons que cette approche est
directement liée au goût musical français du XVIIe siècle, soit l’utilisation de l’inégalité
rythmique et une ornementation riche et souvent improvisée, comme faisant partie du
langage.
4
CHAPITRE 1
Robert de Visée et son époque
1.1 Robert de Visée et le succès de ses pièces à la cour de Louis XIV
Pour parler du succès des pièces de Robert de Visée, il incombe de parler de la place de la
guitare en France sous Louis XIV. Dans le journal de Dangeau de 1686, nous apprenons que
Robert de Visée divertissait Louis XIV en jouant de la guitare, le soir, à son chevet.
« ... Sa Majesté se couche toujours sur les huit heures et soupe à dix heures dans son lit, il fait
d’ordinaire venir Vizé pour jouer de la guitare sur les neuf heures...5 »
Pour un musicien de l’époque, avoir l’honneur d’une telle tâche et bénéficier d’un si grand
degré d’intimité avec le roi est en soit une immense source d’inspiration et
d’accomplissement. La délicatesse de la guitare, très en vogue à la cour de Versailles, et
l’habileté avec laquelle Visée la maîtrise en font un candidat de choix pour agrémenter
l’oreille de Sa Majesté. Il su probablement bien entretenir le goût du souverain pour la guitare
puisqu’il devint son professeur. De nombreux courtisans parleront du talent de guitariste de
Louis XIV. De plus, selon la princesse palatine, « il ne connaissait aucune note de musique,
mais il avait l’oreille juste et il jouait de la guitare mieux qu’un maître, arrangeant sur cet
instrument tout ce qu’il voulait. » Vrai passionné de musique et de danse, Dangeau ajoute
qu’il s’entraînait : « à s’en rendre malade. » Il parut en tout dans 21 spectacles et on peut
supposer qu’il s’accompagnait à la guitare pour quelques-uns.
L’intérêt de Louis XIV pour la guitare favorise évidemment une éclosion de virtuoses, de
compositeurs et d’amateurs. À partir de 1650, Bernard Jourdan de la Salle, un Espagnol, est
chargé de faire l’éducation musicale du roi de France. Paradoxalement, c’est surtout l’école
italienne qui domine la région à cette époque. En effet, Francesco Corbetta, un Italien, est sans
contredit le plus grand virtuose et un des seuls guitaristes à faire véritablement une carrière
internationale de concertiste. En 1664, un autre guitariste important arrive à Paris en
provenance de Suède, où il œuvrait auprès de la reine Christine : Angelo Michele Bartolotti,
Italien associé au cercle de « musiciens italiens du Cabinet de Sa Majesté. »
5 Journal de Dangeau, 9 mai 1686.
5
La principale caractéristique de l’école italienne est de juxtaposer la technique des rasguados6
et celle des notes pincées, ce qu’on appelle alors le jeu « mixte ». Giovanni Paolo Foscarini
aurait été le premier, vers 1630, à insérer des séquences pincées dans des œuvres en style
battu. Corbetta et Bartolotti influenceront nombre de guitaristes en utilisant à profusion cette
nouvelle tendance dont l’apogée sera atteint vers 1680 avec Robert de Visée. Ce jeu mixte
adapté pour servir les danses en vogue à la cour donnera naissance au style typique de la
guitare baroque française.
La profession de « Maître de guitare » est reconnue depuis 1640 et de nombreux professeurs
de renom l’exercent à Paris. On peut dire qu’à cette époque la guitare connaît un véritable
essor. C’est seulement à la mort de Corbetta et de Bartolotti en 1681 et 1682 que les
guitaristes français trouvent véritablement leur place. Avant le premier livre de guitare de
Visée, seulement quatre autres volumes ont été publiés par des guitaristes français (François
Martin : Pièces de guitairre à battre et à pincer, Paris, 1663; Antoine Carré : Livre de
Guitarre... avec la manière de toucher sur la partie ou basse continüe, Paris, 1671; Rémy
Médard : Pièces de Guitarre, Paris, 1676; Henry Grenerin : Livre de Guitarre et autres pièces
de musique, meslées de symphonie avec une introduction pour jouer de la basse continüe,
Paris, 1680). Visée dédiera une pièce à Corbetta dans son premier livre de guitare : Tombeau
de Mr Francisque (Francisque Corbette!). Cette pièce est l’une des rares à porter un nom.
On peut dire que l’un des derniers représentants de l’école française est François Campion
(1685-1747). Par l’usage et la recherche de nouveaux accords, il tentera d’ouvrir de nouvelles
voies à la guitare. À l’instar de plusieurs autres guitaristes, il se tournera finalement vers le
théorbe vers la fin de sa vie.
Visée se verra accorder l’honneur ultime de « Chantre ordinaire de la chambre du Roy »,
devenant officier de la cour en 1709. En 1719, il obtient enfin la charge de « Maître de
guittarre du Roy » après le décès de Louis Jordan de la Salle. Il lèguera ces titres à son fils
François quelques années plus tard. Un dernier paiement fait au nom de Robert de Visée est
émis en 1732, ce qui suggère qu’il est peut-être décédé cette année-là. Même si nous ne
connaissons pas sa date de naissance ni celle de sa mort, il est intéressant de noter que Visée 6 « ... Il faut faire couler les doigts de la main droite en descendant et finir par le pouce en adoucissant et les touchant l’une après l’autre, selon que la mesure le permettra » (Robert de Visée, Livre de guittarre dédié au roi, 1682, p.5). Il faut tout de même marquer la différence entre cette technique et les notations de notes « séparées », qui indiquent plutôt un jeu arpégé qu’un rasguado.
6
est mentionné par Corette parmi « les anciens Maitres de la Guitarre [qui] ont vécu près de
cent ans7 ». Voilà qui donne quelques pistes, mais malheureusement aucune certitude.
Toutes ces années passées auprès du roi de France, la place de choix qu’il a occupée à sa cour
et sa longévité ont contribué grandement à la propagation de sa musique. Robert de Visée a
inspiré plusieurs musiciens de l’époque tels que François Couperin (qui cite une de ses
gavottes). Jean-François d’Andrieux, aussi, lui empruntera la première mesure de l’allemande
de sa première suite de clavecin (c.1704), et François Campion prendra l’une de ses gavottes
comme modèle. Même au XXe siècle, plusieurs de ses airs ont inspiré le compositeur
Alexandre Tansman (1897-1986) dans l’un de ses concertos, André Jolivet (1905-1974) pour
un Tombeau et Larry Coryell (1943- ) pour une base d’improvisation jazz !
1.2 Robert de Visée : multi instrumentiste
On peut déduire que la très grande majorité des pièces imprimées de Robert de Visée ont été
écrites à l’origine pour la guitare de par le langage idiomatique propre à l’instrument
(spécialement pour les préludes, les passacailles et les chaconnes). D’ailleurs, aucune
chaconne ou passacaille et très peu de préludes ont été transcrits pour un autre instrument tant
il semblait inutile de tenter une quelconque adaptation de certaines techniques (battues,
campanelles, etc.) à d’autres instruments. Multi instrumentiste, Visée jouait aussi très bien du
théorbe, du luth, de la viole et excellait comme chanteur. Comme le suggère certains
manuscrits, il a écrit de nombreux préludes et pièces spécialement pour le théorbe et le luth.
Plusieurs de ces pièces proposent des lignes de basses assez difficilement imaginables sur la
guitare, même après une adaptation soignée. Par exemple, cette chaconne de Visée qui se
trouve à la page 288 du Manuscrit de Saysenay a très évidemment été pensée pour le théorbe
à cause de sa ligne de basse toujours bien présente, mais l’influence de la guitare se fait tout
de même sentir au tout début avec ces accords battus, inhabituels au théorbe.
7 Michel Corette, Les Dons d'Apollon, 1762, page D.
7
En effet, la technique du jeu battu existait aussi chez les luthistes et théorbistes, « à la façon
de la guitare (…) en levant le petit doigt pour jouer un grand accord avec le pouce ou en
glissant l’index des aiguës vers les graves8 ». Dans la deuxième décennie du XVIIIe siècle, la
guitare perd du terrain et le théorbe prend peu à peu sa place. Voilà pourquoi un grand
nombre de pièces manuscrites pour théorbe se retrouvent dans les manuscrits d’élèves ou
d’admirateurs de Visée.
Je crois qu’il est réaliste de penser que c’est spécifiquement le talent de guitariste de Robert
de Visée qui lui a permis de se tailler une place de choix à la cour et parmi l’élite musicale de
son temps. C’est donc pour cette raison que son répertoire pour guitare est incontestablement
la part la plus importante de son œuvre. Il suffit de penser à toutes ces pièces qui ont été
conçues pour la guitare puis adaptées à d’autres instruments et même à la musique de
chambre tant elles étaient appréciées. On sait également qu’il a offert de nombreuses
distractions au roi avec sa guitare – solo ou en groupes –, le continuo étant assuré aussi bien
par le théorbe que par la guitare.
Ainsi, dans plusieurs cas, on peut avancer que les pièces de musique de chambre ont d'abord
été composées pour la guitare, puis transposées ensuite et non l’inverse. D'ailleurs, Visée écrit
dans sa préface du livre de 1682 : « Comme mes amis ont trouvé que le chant de mes pièces
avoit quelque agrément, ils m’ont obligé d’en mettre une partie en musique9. »
Visée a pour collègues des musiciens et compositeurs – dont quelques-uns aux noms
célèbres – tels que Marais, Philibert, Descoteaux, Buterne, Rebel et Fourcroy. Dans une lettre
à sa fille datée de 1696, Madame de Sévigné écrit: « Les jeunes gens, pour s’amuser,
dansèrent aux chansons, ce qui est présentement en usage à la Cour. Joua qui voulut, et qui
voulut prêta l’oreille au joli concert de Vizé, Marais, Descoteaux et Philibert. » Autres
témoignages: « Le soir, chez Madame de Maintenon, le roi entendit Vizé et Descoteaux et les
fit jouer longtemps10 » ; « Mr le Duc fit venir Descoteaux, Filibert et Vizé pour la musique,
Mezzerin et Pasquariel pour quelques scènes italiennes11 » ; « Le soir, le roi, revenant de
Trianon, passa chez elle, où il trouva une très belle symphonie, composée de Des Coteaux
8 Anonyme, The Burwell Lute Tutor, p.45. 9 Robert de Visée, Livre de guittarre dédié au roy, Paris, Bonneüil, 1682, p.4. 10 Le Mercure Gallant, Paris, 1702, vol. VIII, p.366. 11 Marquis de Dangeau, Journal de la cour de Louis XIV depuis 1684 jusqu’en 1715, Paris, 1854, vol. 5, p.112.
8
pour la flûte allemande, de Vizé pour le théorbe, de Buterne pour le clavecin et de Fourcroy
pour la basse de viole. Le roi s’y arrêta assez longtemps12 ».
La plupart des témoignages d’époque concernant Robert de Visée nous le présentent comme
continuiste, rarement comme soliste. Il n’est pas étonnant qu’il se soit attaché à transcrire ses
pièces de guitare pour des petites formations de musique de chambre.
12 Mémoires de Marquis de Sourches, cf. Norbert Dufourcq, p.34.
9
CHAPITRE 2
Les différentes versions des pièces de Robert de Visée
2.1 Recension et particularités des différentes versions
2.1.1 Livre de Guittarre dédié au Roy (Paris, Bonneüil), 1682
Les pièces contenues dans le premier livre avaient toutes déjà été entendues par Louis XIV
lors des divertissements offerts par Robert de Visée. Bien que le recueil s’adresse aux
guitaristes et que la notation y soit en tablature, quelques pièces sont présentées pour basse et
dessus, à la fin du volume, pour permettre aux autres instrumentistes tels que les violonistes,
les clavecinistes et les gambistes de les jouer. De cette façon, Visée s’impose non seulement
comme guitariste, mais comme compositeur et chambriste à la cour et favorise ainsi la
diffusion de la musique pour guitare et l’intérêt pour celle-ci.
Dans son Advis aux musiciens, il mentionne que s’il « s’écarte quelques fois des règles c’est
l’instrument qui le veut ». Le compositeur justifie les renversements d’accords et des lignes
brisées par les changements d’octaves par le simple fait de chercher en premier lieu à
« satisfaire l’oreille préférablement à tout ». Ainsi, dans l’exemple suivant, extrait de la
Sarabande de la suite 7 en do majeur, le tout premier accord fait entendre un renversement qui
semble étrange à l’écrit, mais qui sonne très bien sur une guitare à cinq chœurs. Visée se
préoccupait de bien utiliser la guitare, de la mettre en valeur.
Dans ce recueil de Visée on retrouve une prédominance des sarabandes (douze au total). Les
suites s’enchaînent de quarte en quarte et alternent les modes mineurs et majeurs, bien qu’un
plus grand nombre de pièces soient écrites en mode mineur. Voici l’enchaînement des suites
par tonalités : la mineur, la majeur, ré mineur, ré majeur, sol mineur, sol majeur, do mineur,
10
do majeur, sol majeur, Chaconne en fa. On observe ainsi une nette dominance des tonalités
qui permettent l’utilisation de plus de cordes à vide.
Dans les versions pour basse et dessus, les suites ne comportent pas de passacaille ni de
chaconne, mais présentent un seul prélude. Ces mouvements constitués du langage
idiomatique typique de la guitare – tels que les accords battus, les dissonances crées par
l’accord même de l’instrument ou, dans le cas des préludes, simplement à cause de la fonction
plus spécifiquement instrumentale du mouvement – ne figurent pas dans ces versions, car ils
seraient difficilement transposables.
La huitième suite, en sol majeur, demande un accord tout à fait nouveau, soit si, ré, sol, ré,
sol. Cet accord favorise une mélodie plus aiguë qu’à l’ordinaire tout en gardant une aisance de
jeu au bas du manche. Les compositeurs pour guitare à cinq chœurs utilisent souvent des
accords nouveaux et non conventionnels. Ainsi, dans Nouvelles Découvertes de François
Campion (Paris, 1705), le compositeur utilise un accord différent pour chaque suite!
L’aisance avec la lecture de la tablature permet de passer d’un accord à un autre sans avoir à
développer de nouveaux réflexes de lecture.
Ce premier livre de Visée contient la dédicace au roi, un «Advis aux interprètes», une table
des ornements (l’auteur n’en donne pas les règles d’exécution), cinquante-neuf pièces pour
guitare notées en tablature française, vingt-quatre des pièces sont transcrites et chiffrées sur
deux portées (clés de sol et fa), l’extrait du privilège.
2.1.2 Livre de Pièces pour la Guittarre (Paris, Bonneüil), 1686
Dans son deuxième livre, Robert de Visée semble vouloir remédier à un obstacle bien précis...
ses pièces sont trop difficiles! Même à l’époque, le désir d’être joué était constant. Mais
comme Visée a peut-être été l’élève du célèbre Francesco Corbetta qui lui, se régalait de
complexités, il lui a fallu un premier essai pour se rendre à l’évidence : le niveau des
guitaristes est beaucoup moins élevé qu’il ne le souhaitait. À la même époque, Remy Médard
vante ses propres mérites dans la dédicace de l’un de ses livres, disant qu’il a été capable
d’écrire des pièces à la fois belles et faciles, contrairement à Corbetta : « Je pretens avoir
entierement suivi la maniere du fameux Francisque Cornet, qu’il m’a communiquée pendant
11
quelques mois avec cette différence que j’ay trouvé pour mes pièces une facilité qu’il ne s’est
pas donné la peine de chercher13. »
Contrairement au livre de 1682, celui de 1686 ne respecte aucun ordre quant à l’enchaînement
des tonalités. Ainsi, les tonalités des suites se succèdent de cette façon : ré majeur, sol majeur,
quatre pièces isolées en la mineur, si mineur, mi mineur et un menuet en do majeur. À la fin
de ce deuxième volume, on trouve encore une répétition de certaines pièces retranscrites en
notation sur deux portées. Le livre contient la dédicace au roi, un rappel de l’Advis du premier
livre, une table des ornements (toujours sans indication d’interprétation), trente-trois pièces
notées en tablature (seize des pièces sont transcrites et notées en musique sur deux portées :
clés de fa et sol), et l’extrait du privilège. On note aussi que dans les deux livres, la gravure
est très soignée. Dans le second, elle est par contre plus espacée et contient moins de systèmes
par page.
2.1.3 Le Livre de pièces de théorbe et de luth, mises en partition dessus et basse,
(Paris, Belanger-Hurel), 1716
Ce recueil est publié sous le règne de Louis XV et destiné au Duc d’Orléan. À cette époque,
Visée est conscient que plusieurs versions de ses pièces circulent de par le monde et il sait que
certaines sont très défigurées : « Quelques unes de ces pièces qu’on m’a surprise, sont
répandues dans le monde, mais si peu correctes et même si défigurées que je suis obligé de les
désavoüer14. » La publication est en notation moderne et non en tablature car : « le nombre de
ceux qui entendent la tablature est si petit que j’ay cru ne devoir pas grossir mon livre
inutilement15. » La même année, François Campion ajoute : « Je dirai ici que l’usage de la
tablature d’abc est pernicieuse pour ceux qui veulent faire quelque progrès sur le théorbe16. »
Le livre vise particulièrement le violon, le clavecin et la viole de gambe plutôt que le luth et le
théorbe comme l’indique le titre. Aussi, 25 des 86 pièces de ce recueil se retrouvent dans ses
publications antérieures pour guitare, tandis que 11 pièces n’ont jamais été retrouvées sous
forme de pièces pour luth ou théorbe. Tout comme les livres pour guitare, on note que les
13 Rémy Médard, Pièces de guitarre, Paris, 1676, Avertissement. 14 Robert de Visée, Pièces de théorbe et de luth mises en partition, dessus et basse, Paris, Hurel-Bélanger, 1716, Avertissement. 11 Ibid. 16 François Campion, Traité d’accompagnement, Paris, 1716, introduction.
12
tonalités mineures y prédominent nettement. Il contient une dédicace au Duc d’Orléan,
l’extrait du privilège et un avertissement.
2.1.4 Autres pièces
Une quarantaine de pièces pour luth et théorbe apparaissent aussi dans différentes éditions ou
manuscrits anonymes du XVIIIe siècle. On peut trouver un bon nombre d’arrangements de
pièces de Lully, Fourcroy, Tonty, Marais, Couperin, Vaudeville et Dubut arrangées par Visée.
Plusieurs pièces se retrouvent dans le manuscrit de Besançon, dit Manuscrit Vaudry de
Saizenay . Malheureusement, il est impossible de dater avec assurance ces dizaines de pièces.
La popularité des pièces de Visée est telle que plus de 730 versions différentes des 189
compositions originales sont connues, mais toutes ne semblent pas honorer l’originale17.
Des pièces peuvent être trouvées dans différentes éditions ou manuscrits ayant probablement
appartenus aux élèves de Visée. Il faut citer, entre autres, le livre de François Le Coq, celui de
Murcia ou ce recueil anonyme du XVIIIe siècle conservé à la Bibliothèque nationale de
France, à Paris (Rés F 844) qui contient quelques pièces nouvelles en plus d’une sélection de
plusieurs autres des recueils de 1682 et 1686.
Parmi toutes les pièces manuscrites trouvées, plusieurs pourraient être antérieures à 1682,
puisque dans la dédicace de son Livre de guittarre, Visée mentionne qu’il « est l’ouvrage de
plusieurs années ». Dans tous les cas, la seule autre publication que l'on connaisse date de
1716, et il est étonnant qu'un auteur à succès ait laissé passer tant de temps sans ne rien faire
imprimer...
L’existence d’un troisième livre pour guitare datant de 1689 est suggérée dans un article de
Fétis (Biographie Universelle des Musiciens, 1865, 2e édition, p.365 / 366), et dans le New
Grove (Robert Strizich et David Ledbetter). Mais rien ne prouve de façon sûre son existence.
À peu près tout ce qu’a écrit Visée est groupé sous la forme traditionnelle de la suite
française. Malgré que le compositeur n’accorde pas vraiment d’importance à la suite en tant 17 « Quelques unes de ces pièces, qu’on m’a surprise, sont répandues dans le monde, mais si peu correctes et même si défigurées que je suis obligé de les désavoüer. » Robert de Visée, Pièces de théorbe et de luth mises en partition, dessus et basse, Paris, Hurel-Bélanger, 1716, Avertissement.
13
que tel. Chaque mouvement peut être joué indépendamment, le nombre de sections par suite
est très variable (de 3 à 12) et, bien souvent, ils n’ont en commun que la tonalité. D'ailleurs, le
livre de 1716 comporte des mouvements des livres de 1682 et 1686 transposés et insérés dans
de nouvelles suites. Il existe même des compositeurs sans scrupule (en l'occurrence Santiago
de Murcia) qui insèrent des danses de Visée dans leurs propres suites sans donner aucun crédit
au véritable auteur.
Selon les recherches de Gérard Rebours, qui s’est attaché à dénombrer les différentes versions
des pièces de Visée, quatre d’entre elles semblent avoir joui d’un de véritable succès (Voir
son Index thématique et tableau de concordances, Éditions Symétrie, France, 2001).
• La gavotte R 5.04 (Livre de Guitarre, 1682, p.25) : 17 versions dénombrées. Cette
gavotte est publiée pour la première fois dans le livre de 1682, puis reprise dans le
livre de 1716. Par ailleurs, elle est conservée dans un recueil de Murcia (Passacalles y
Ombras, 1732), et apparaît dans plusieurs manuscrits, dont le Vaudry de Saizenay.
Dans un manuscrit intitulé Recueil d’airs de guitare (Res. 844), la version comporte
même des paroles : « J’aurai beau pleurer ».
• L'allemande R 1.21 "La Royalle" (Pièces de Théorbe et de Luth..., 1716, p.81) : 15
versions. La plupart – manuscrites et d’auteurs anonymes – sont sous forme de
tablature pour clavier. Bien que la pièce ait été publiée pour la première fois par Visée
en 1716 pour basse et dessus, il existe une version en tablature de clavier
(Musikhandskrift : ex-libris de Matthias Silvius Svenonis, Stockholm) qui date de
1709. Puis une autre retrouvée au même endroit en 1721. Les autres datent plutôt de la
deuxième moitié du XVIIIe siècle.
• La gigue R 4.04 (Livre de Guitarre, 1682, p.36) : 14 versions. Publiée par Visée en
1682 et en 1716, cette gigue apparaît notamment aussi dans le recueil Pièces de
guittarre de différents auteurs de Gallot (compilé entre 1664 et 1684), dans le Recueil
de pièces de guittarre composées par Mr François Le Cocq (1729), transcrite pour le
luth dans le Princes An’s Lutebook (Den Haag, Gemeentemuseum, Ms. 4. E.73, milieu
du XVIIIe siècle) et pour théorbe dans le Vaudry de Saizenay.
• La gavotte R 5.16 (Pièces de Théorbe et de Luth..., 1716, p.79) : 14 versions. La seule
éditée par Visée date de 1716. Une version manuscrite est trouvée à Stockholm en
1715 dans le recueil de luth ex-libris de Otto Frederik Stalhammar, une autre dans un
14
recueil allemand de viole de gambe d’auteur inconnu daté de 1695-1699 (Kassel,
Landesbibliothek und Murharsche Bibliothek der Stadt, Ms 4 Mus. 108.6).
2.2 Les causes possibles de la multiplication des versions
2.2.1 Le chant
« Je me suis attaché au chant le plus que j’ai pû pour les rendre au moins naturelles, me connoissant trop bien pour prétendre me distinguer par la force de ma composition j’ai tasché de me conformer au goust des habiles gens, en donnant à mes pièces, autant que ma faiblesse me la pû permettre le tour de celles de l’inimitable Monsieur de Lulli18. »
Ce n’est pas un secret, demandez-le aux compositeurs de musique à succès : plus la mélodie
est simple, rythmiquement épurée et se mémorise bien, plus l’œuvre sera facilement
transmissible et jouira fort probablement d’une célébrité inversement proportionnelle à sa
simplicité. Jean-Baptiste Lully l’avait compris et fit du « beau chant » sa marque de
commerce. Robert de Visée l’imitant, le nombre impressionnant de versions de ses pièces
laissées par d’autres musiciens témoigne de ce succès.
Le chant est un moyen très primitif d’expression artistique. Une fois mémorisé, un motif
musical, un thème ou une phrase peut se transmettre d’une personne à une autre en y étant
plus ou moins modifié et altéré en cour de route. Le degré d’authenticité de l’œuvre transmise
oralement sera directement lié à la capacité de mémorisation de l’intermédiaire.
Un exemple célèbre est celui de Wolfgang Amadeus Mozart à la Chapelle Sixtine qui
mémorisa le plus justement possible le Miserere d’Allegri dont la partition était tenue secrète
et qu’il entendait pour la première fois. Heureusement, Mozart avait des capacités de
mémorisation extraordinaires et il réussit à mettre par écrit l’intégralité de l’œuvre avec une
fidélité étonnante.
Bien que le nombre de recueils imprimés additionné aux pièces manuscrites étaient de plus en
plus accessibles au XVIIe siècle, il n’en reste pas moins qu’une quantité énorme de musique
18 Robert de Visée, Livre de Guittarre dédié au Roy, Paris, Bonneuil, 1682, p.4.
15
se joue, s’apprend et se transmet de façon orale ou à l’oreille. Un bon exemple de ce
phénomène est celui de Lully qui jouait à l’oreille des centaines de pièces de sa composition :
« (...) lorsqu'il voyoit une guitare chez lui ou ailleurs. Il s'amusoit volontiers à battre ce chaudron-là, duquel il faisoit plus que les autres n'en font. Il faisoit dessus cent Menuets et cent Courantes qu'il ne recueilloit pas, comme vous le jugez bien : autant de perdu. Je crois encore une fois, que cette différence ne venoit que de ce que la guitare est un instrument badin, d'un petit mérite, & dont il ne se soucioit pas de jouer au premier ou au second degré19. »
Ces cent menuets et ces cent courantes jamais notés ont probablement dû être joués à l’oreille
par de nombreux guitaristes tant Lully suscitait leur admiration. Sans aucune note écrite, le
seul moyen de pouvoir les rejouer était simplement de les mémoriser lors d’une exécution
publique du maître. À travers des transmissions orales ou à cause des mémoires douteuses, les
pièces de Robert de Visée ont probablement subi des déformations qui ont obligé l’auteur à
les désavouer.
Au Moyen Âge, on avait une méthode pour mémoriser des mélismes très complexes et parfois
interminables : on y ajoutait des mots ou des phrases. Cette méthode était tellement répandue
qu’elle a contribué à l’évolution directe de la musique savante de la fin du Moyen Âge et du
début de la Renaissance.
La neuropsychologie moderne nous apprend que : « les deux hémisphères cérébraux ont une
indépendance dans l’interdépendance, chacun ayant une relative supériorité pour une
fonction. Le gauche est le seul à posséder des capacités phonologiques, le droit ne peut
produire de la parole mais il gère les mélodies. Le corps calleux, qui unit les deux
hémisphères, transforme la cohabitation en collaboration20. » Un texte peut être mémorisé
plus facilement si on le soutient par une mélodie et vice versa. C’est peut-être pour cette
raison qu’une version de la gavotte R. 5.04 comporte des paroles.
« De nombreux travaux permettent de conclure que la voie mélodique est privilégiée dans la
constitution d’un lexique musical, cette voie intervient plus que la mémoire du rythme dans la
rétention mnésique des chansons et des airs21. » La mélodie semble plus rapidement
19 Lecerf de la Vieville, Comparaison de La musique Italienne et de la musique Française , Bruxelles, c. 1705, p. 183/184. 20 Bernard Lechevalier, Le cerveau de Mozart, Paris, Odile-Jacob, 2003, p.56. 21 Ibid., p.54.
16
mémorisée que le rythme. Par conséquent, on observe dans les versions des pièces de Visée
laissées par d’autres musiciens de l’époque plusieurs différences au plan du rythme qui
tendent à justifier ce phénomène. Additionné à l’ambiguïté que propose l’inégalité rythmique
à la française, il n’est pas étonnant de voir des versions qui semblent dénaturer l’original.
2.2.2 Les transcriptions pour d’autres instruments
Multi instrumentiste et « maître de guitare », Robert de Visée était prisé pour ses talents de
guitariste, mais aussi de continuiste et de professeur. Mises à part ses prestations
guitaristiques privées pour le roi, rares sont les sources qui rapportent ses activités
professionnelles à la guitare. Bien qu’aimées, ses pièces pour guitare étaient très difficiles à
jouer comme il le rapporte lui-même : « Il est utile d’avertir que les pièces du second [livre]
sont d’une bien plus facile exécution que les premières, dont les difficultés peuvent en avoir
rebuté beaucoup de personnes22. » Cette première affirmation laisse entendre que peu de
guitaristes jouaient ses pièces. Par contre, il était courant de les adapter pour d’autres
instruments comme le suggère son avertissement du livre de 1716 : « le but de cette
impression est le clavecin, la viole et le violon sur lesquels instruments elles ont toujours été
concerté23. » Avec l’édition de ce recueil, plusieurs pièces sont enfin disponibles pour les
concerts de musique de chambre, signées de la main de Robert de Visée.
Le choix de l’instrument n’importait pas tellement à Visée qui adaptait sans cesse ses succès
pour un groupe de musiciens aussi bien que pour un élève de luth ou de théorbe. Il a par
conséquent produit lui-même plusieurs versions de ses propres pièces. La nature même de
l’instrument utilisé, son ambitus, ses difficultés techniques, mais surtout ses possibilités et ses
caractéristiques idiomatiques ont inspiré par eux-mêmes à Visée des versions différentes.
22 Robert de Visée, Livre de pièces pour la guittarre dédié au roy, Paris, Bonneüil, 1686, p.3. 23 Robert de Visée, Pièces de théorbe et de luth mises en partition dessus et basse, Paris, Hurel-Bélanger, 1716, Avertissement.
17
2.2.3 L’improvisation
Puisque Robert de Visée adapte ses pièces pour divers instruments, il n’est pas étonnant que
les ornements puissent être joués de façon différente et à divers endroits au cours de la pièce.
Selon le tempo choisi et prenant en compte les possibilités techniques d’un instrument par
rapport à un autre, on fait face à des possibilités d’ornementation très différentes. L’important
est de ne jamais perdre de vue que l’exécution des ornements a pour but ultime d’imiter la
voix et d’exprimer une émotion. Comme l’écrit Quantz : « Ce n’est pas assez de savoir jouer
les ports de voix chacun selon sa nature, lorsqu’ils sont marqués : encore faut-il savoir les
ajouter convenablement lorsqu’ils ne sont pas écrits24. »
La première écoute d’une pièce ornée à outrance peut confondre l’auditeur sur la mélodie
originale voulue par le compositeur. Lorsque vient le temps de la reproduire ou de la
transcrire de mémoire, on peut faire face à une version franchement différente. Ainsi, Georg
Muffat émet un avertissement aux interprètes de l’époque :
« J’ose dire que tout le secret des ornements du jeu à la française est contenu comme en un abrégé en ces dix règles, desquelles (outre ce que j’ai dit dans les articles précédents) dépend une douceur, vigueur et beauté particulière de cette méthode, qui la fait distinguer des autres. Cependant, on manque facilement et en quatre sortes, à cette principale partie de la Mélodie, que certains vains mépriseurs croient être de peu d’importance; à savoir par omission, par impropriété, par excès et par inhabilité. Par omission, la mélodie et l’harmonie en deviennent nues et sans ornement. Par impropriété, le jeu se rend rude et barbare ; par excès, confus et ridicule ; par inhabilité, lourd et contraint. C’est pourquoi il faut user de tant d’assiduité à faire ces précieux ornements de la musique, toutes les fois qu’il en est besoin, de tant de circonspection à en connaître les vrais endroits et de tant de dextérité à les bien exprimer, que négligeant un seul port de voix en montant, ou un seul tremblement sur un mi ou sur un dièse de bonne note ou se méprenant à sauter en haut à un seul tremblement ou à se servir ailleurs que nous n’avons enseigné d’une exclamation désolée ; ou trouvant la moindre difficulté à donner promptement et distinctement un tour coulant à ces figures, souvent, ceux qui s’imaginent déjà au comble de la perfection lulienne font bientôt connaître qu’ils ne sont pas encore assez expérimentés en ce style25. »
Un bon exemple de cette ambiguïté mélodique que cause l’ajout d’ornements se trouve dans
cette allemande du premier livre (1682) de Robert de Visée à la mesure 8.
24 Johann-Joachim Quantz, Versuch einer Anweisung die Flöte traversiere zu spielen, Berlin, 1752. 25 Georg Muffat, Florigium, chapitre V, 1695.
18
Le sol qui se trouve au deuxième temps fait clairement partie de la mélodie dans la version
pour basse et dessus, mais interprété à la guitare, il pourrait très bien n’être qu’un ornement de
la basse, laissant ainsi le si comme unique note mélodique des deux premiers temps.
L’improvisation à outrance était certainement une cause de la déformation mélodique de
plusieurs pièces.
Exemple tiré de Robert de Visée, les deux livres de guitare Paris 1682 et 1686 – La guitare en France à l’époque baroque :
transcription de la tablature et interprétation par Rafael Andia, Hélène Charnassée et Gérard Rebours, Paris, p.52.
19
CHAPITRE 3
Les particularités de la guitare
Avant de comparer les versions des œuvres de Robert de Visée, il incombe de se pencher sur
les particularités de la guitare à cinq chœurs. L’étude des caractéristiques de l’instrument
donnera de bonnes pistes pour expliquer les différences, les ajouts ou les modifications
apportées à une pièce lors de sa transcription pour un autre instrument ou pour un groupe
d’instrumentistes.
3.1 L’accord de la guitare à cinq chœurs en France La plus ancienne indication concernant l’accord de la guitare à cinq chœurs en France se
trouve dans le recueil de Luis de Briçeño Metodo mui facilissimo para aprender a tañer la
guitarra (Paris, 1626). L’accord avalé26 est impératif pour interpréter la musique proposée
dans ce recueil. Quatorze ans plus tard, dans un traité sur les instruments laissé manuscrit par
Pierre Trichet, on y apprend qu’un bourdon sur la cinquième corde était aussi possible en
France. Cependant, il n’y a aucune indication claire concernant le quatrième chœur :
« ils montent ordinairement la guiterre de cinq rangs de cordes doubles, sauf la chanterelle, qu’aucuns veulent estre simples [...] Pour l’accorder telle qu’elle est aujourd’hui, et la mettre en son vrai ton naturel, il faut commencer par la plus grosse chorde, qui est une des cinquièmes, laquelle doibt servir de guide pour accorder sa compagne qu’il faut hausser d’une octave plus haut, comme estant plus desliée. Puis il faut venir aux quatrièmes que l’on doibt hausser d’une quarte plus haute que les précédentes. Les deux autres qui viennent après que l’on nomme tierces doivent estre tendues d’une autre quarte plus hautes que les quatrièmes. Par après les secondes doivent estre plus hautes que les tierces d’un diton ou tierce majeure. Finalement la chanterelle se doibt hausser d’une quarte plus que les secondes; tellement que depuis la plus basse corde jusques a la plus haute il y a une douzieme que l’on nomme autrement diapason diapente (...)27 »
En 1670, Francesco Corbetta avise ses lecteurs d’utiliser le bourdon au quatrième chœur, ce
qui implique une habitude chez les guitaristes français de l’époque de l’accorder à
26 En 1636/37, Marin Mersenne décrit l’accord avalé de cette façon « Ces notes se prononcent ainsi Ré, Sol, Ut, Mi, La, par où l’on void que le son de la 5. chorde est plus haut dun ton que celuy de la 3 : ce qui est particulier à l’accord de la guiterre » (Livre 2, Proposition XIV, f. 95). 27 Pierre Trichet, Traité des instruments. 1640. F : Psg MS.1070.
20
l’unisson : « Je vous avertis de mettre une octave a la 4.me corde de. la. re. sol. Parce que les
deux unissones ne composent point d’harmonie28. » La même année, Antoine Carré ajoute
aussi le même avertissement : « Fault mettre a la guitarre une octave on quattriesme29. »
Finalement, dans son livre de 1682, Robert de Visée poursuit dans le même sens : « J’ay esté
obligé de transposer les pièces de musique acause de l’estendüe de la Guitarre qui va jusques
en D la ré en haut, il ne faut pas oublier une octave a la quatrieme corde, elle y est très
nécessaire30. » Voici donc à quoi ressemble l’accord de la guitare chez Visée :
3.2 La tablature Le système de notation en tablature existe depuis fort longtemps. Avant même l’invention du
système de notation musicale que nous connaissons existait différents moyens de représenter
graphiquement la position des doigts sur le manche d’un instrument à cordes et même sur
divers instruments à claviers.
À l’époque baroque, les deux systèmes de notation en tablature les plus courants sont la
tablature italienne qui utilise les chiffres pour indiquer le doigt à placer sur la touche ainsi que
la tablature française qui emploie plutôt des lettres de l’alphabet. La différence majeure entre
les deux n’est cependant pas le choix des chiffres ou des lettres, mais bien le sens qu’on lit la
musique. L’italienne propose une manière d’écrire les sons graves vers le haut de la tablature
de sorte que l’écrit devient le miroir du manche de l’instrumentiste, tandis que la française
propose d’écrire les sons aigus vers le haut de la tablature comme pour symboliser leur
hauteur réelle.
Les deux systèmes se propagent vite dans presque toute l’Europe, sauf en Allemagne vers la
fin du Moyen Âge ou l’on opte pour une notation très différente. Selon Sebastian Verdung,
28 Francesco Corbetta, La guitarre royalle, Paris, 1671, p.8. 29 Antoine Carré, Livre de guitarre, Paris, 1671, p.1. 30 Robert de Visée, Livre de pièces pour la Guittarre dédié au Roy, Paris, 1682, p.6.
21
c’est Konrad Paumann qui en aurait été l’inventeur vers le milieu du XVe siècle (Musica
getutscht..., Basel, 1511, fol. K, 3 v.). Chaque case de l’instrument fretté se voyait associer
une lettre de l’alphabet. Le problème est que l’invention avait été pensée pour le luth à 5
chœurs et lorsqu’on commença à ajouter des chœurs supplémentaires à l’instrument, on devait
sans cesse trouver une nouvelle façon de noter ces nouvelles cases sans tout changer du
système auquel on s’était habitué. Ces bouleversements dans l’histoire du luth en Allemagne
ont créé une multitude de différences de notations. Face à l’évidence d’un moyen anti-
évolutif, on abandonna cette tablature vers les années 1600.
Selon François Campion, l’une des causes du lent déclin du luth à partir de 1640 environ est
l’utilisation de la pernicieuse tablature31. Par cet obstacle non négligeable, le répertoire écrit
pour luth pouvait difficilement intéresser les autres instrumentistes, à moins qu’ils ne puissent
décoder eux-mêmes le système de tablature. De plus, il rebutait de nombreux apprentis
luthistes qui finissaient par abandonner. Campion n’est pas le seul, ni le premier à soulever le
problème. Dans son Livre de musique pour le lut publié en 1680, Perrine innove et, pour la
première fois, écrit des pièces de luth en notation de musique de manière semblable à celle
pour instruments à claviers, soit sur deux portées (clé de fa et sol). Il justifie son choix dans sa
préface : « La désaffection du publique est simplement due à la grande difficulté
d’apprentissage de la tablature A.b.c qui a été d’usage jusqu’à maintenant (...) Voilà une des
causes de l’abandon de cet instrument royal32. »
Dans son évolution parallèle au luth, la guitare opte elle aussi pour la notation en tablature.
Cette méthode conçue pour à peu près tous les instruments à cordes pincées permettait donc
aux musiciens pratiquant plusieurs instruments d’une même famille de passer aisément d’un à
l’autre. Comme nous l’avons vu précédemment, de nombreuses versions sont les fruits de ce
phénomène de polyvalence des instrumentistes.
3.3 Les batteries La batterie ou rasguado, est une technique rendue possible sur un instrument possédant un
petit nombre de cordes. En effet, l’efficacité avec laquelle la main parcourt une petite distance
sur un instrument à cinq chœurs – comme une guitare baroque – ne trouve pas son égal chez 31 François Campion, Traité d’accompagnement et de composition, 1716. 32 Perrine, Livre de musique pour le lut, 1680, préface.
22
les luths qui cumulent les chœurs jusqu’à en posséder treize ou quatorze. En raison de ce
contraste d’évolution, un chisme stylistique a eu lieu entre les deux instruments. La batterie
est donc une technique qui différencie le jeu pour guitare de celui pour luth; on peut presque
parler d’une technique idiomatique. Comme nous l’avons vu précédemment, les luthistes et
théorbistes utilisaient à l’occasion les batteries pour jouer « à la façon de la guitare ».
Attestée dès le XVIe siècle par Juan Bermudo dans sa Declaracion de instrumentos
musicales33, la batterie est la principale technique utilisée jusqu’au milieu du XVIIe siècle.
Dans l’Encyclopedie Universelle, Marin Mersenne ne parle pas du jeu en notes pincées, mais
plutôt des différents systèmes de notation des accords qui semblent établis tels que l’Alfabeto
Italien, le Cifras espagnol ainsi que le système de notation spécifique de « Monsieur
Martin34 ». Mersenne parle aussi des différentes possibilités rythmiques et sonores du jeu en
batteries, se référant aux auteurs italiens Pietro Millioni, Ambrogio Colonna et Luis de
Briceño.
Comme nous l’avons vu précédemment, les guitaristes de la deuxième moitiée du XVIIe
siècle s’intéressèrent davantage au style de jeu mixte, juxtaposant des accords battus à de
galantes mélodies en notes pincées. Chez Robert de Visée, aucun des systèmes mentionnés
par Mersenne n’est utilisé. Comme c’est le cas chez la grande majorité des guitaristes
français, Visée insère dans la tablature les notes qui demandent l’intervention d’un doigt de la
main gauche pour être jouées, sous-entendant les cordes à vide qui font partie de l’accord
désiré, puis il note la façon de jouer la batterie. Dans l’exemple suivant, le premier accord
joué à battre est un do majeur avec la note sol à la mélodie. Bien qu’aucun signe ne soit
indiqué sur la troisième corde, un sol à vide sera obligatoirement joué.
Lorsque la mélodie est une note à vide faisant partie d’un accord battu, Visée inscrit le
symbole pour la corde à vide qui, en autre cas, n’apparaîtrait pas dans la tablature (voir la
première mesure de l’exemple suivant). Lorsque la mélodie est la deuxième corde à vide, il 33 Juan Bermudo, Declaracion de instrumentos musicales, Ossuna, 1555, f28b. 34 Il ne s’agirait probablement pas de François Martin dont la publication de 1663 – bien qu’elle présente des pièces avec des accords battus, n’utilise pas cette notation.
23
inscrit un point sur la première ligne indiquant la note à ne pas jouer (voir la deuxième mesure
de l’exemple suivant).
La façon d’interpréter une batterie dans l’œuvre de Robert de Visée est d’un raffinement hors
du commun, la maîtriser est tout un art. Dans l’Advis du livre de 1682, Visée donne un
exemple d’exécution de la batterie qui se joue en utilisant le pouce en plus des doigts.
« Quand on trouvera un accord marqué de cette manière Il faut faire couler les doigts de la main droitte en descendant et finir par le poulce en adoucissant, et les touchant l’une après l’autre, selon que la mesure le permettra si c’est une noire, ou une croche, qui ne permette pas de demeurer beaucoup, et que cette mesme marque soit au dessus de la batterie, il faut battre du poulce seulement, si c’est un coup en haut, et que ce soit une blanche ou une noire pointée il faut relever du premier et du second doigt en touchant de mesme qu’en descendant les cordes l’une après l’autre, et si c’est une noire ou une croche, relever du premier doigt brusquement quand il y aura des points sur quelques unes des lignes ainsi que vous voiée, il ne faut pas toucher les cordes qu’elles désignent affin d’évitter les dissonances et aussi pour rendre le chant plus distingt. Il faut que le poulce tombe dessus, et en remontant que le premier doigt fasse le mesme effet que le poulce. J’ai cru a propos de faire observer ces petites règles pour rendre la batterie plus délicatte affin que ceux qui jouront mes pièces ne tombent pas dans l’inconvenient ou je me suis trouvé plusieurs fois en joüant celle des autres35 ».
La direction de la batterie est aussi un élément très important pour les compositeurs de
l’époque. Battre un accord vers le bas ne donne pas le même résultat sonore que le battre vers
le haut. Ainsi, pour marquer un rythme ou faire ressortir une hémiole par exemple, on
favorisera une battue vers le bas, tandis qu’une battue vers le haut suggère un temps faible, un
contre-temps ou donne un résultat sonore plus léger. L’utilisation du pouce ou des doigts
donne aussi un résultat très différent. Ainsi, dans son livre de 1671, Francesco Corbetta donne
un bon exemple de batterie complexe qu’on appelle repicco et qui se veut un ornement en
soit. En plus d’indiquer la direction par la hampe de la note, il indique par sa longueur s’il
désire une batterie jouée avec les doigts ou avec le pouce.
35 Robert de Visée, Livre de guittarre dédié au roy, Paris, Bonneüil, 1682, p.5.
24
Exemple tiré de The guitar and it’s music de James Tyler et Paul Sparks, New York, 2002, p. 176.
Visée utilise parfois un trait vertical sous les notes dans la tablature pour indiquer une
technique singulière du pouce « Cette marque dessous les lettres c’est pour les toucher du
pouce36. » En utilisant les mêmes exemples que Visée, Castillon ajoute : « Ces traits de
dessous, c’est pour tirer du pouce; bien souvent en faisant couler le pouce sur les lettres, en
forme de batterie37. » Puisque Visée n’utilise jamais l’annulaire à la main droite (voir les
explications sur les doigtés), il est évident que cette technique s’apparente à la batterie. Le
pouce seul doit alors couler sur les cordes indiquées dans la tablature.
3.4 Les campanelles Le jeu en campanellas ou campanelles rappelle celui de la harpe ou le son de petites cloches
qui résonnent. Pour exécuter une campanelle, il suffit de faire entendre une suite de notes
conjointes en utilisant pour chaque note, ou presque, un chœur différent. Voici à quoi
ressemble une campanelle mise en tablature par Rémy Médard :
Rémy Médard, Livre de pièces de guittare, Paris, 1676, p. 5. Le résultat sonore sera le suivant :
36 Robert de Visée, Livre de pièces pour la guittare dédié au Roy, Paris, 1682, p.7. 37 Castillon, Chapitre Explication des marques et des signes de la tablature de la guitare.
25
Une particularité de ce jeu est l'accord avalé, c'est à dire que les chœurs 4 et 5 sont accordés
une octave plus haut qu’à la normale :
Le théorbe utilise aussi l’accord avalé. Ses première et deuxième cordes sont plus graves que
la troisième :
Pour bien faire usage de cette technique, il est avantageux d’avoir un instrument ainsi
accordé. L’effet créé par les campanelles est difficilement transposable à un autre instrument.
On remarque cette technique pour la première fois dans le premier livre d’Angelo Michele
Bartolotti (ca. 1615-1681) Libro primo di chitarra spagnola publié en 1640. Les troisième et
sixième mesures de l’exemple suivant montrent clairement l’accord avalé utilisé par
Bartolotti.
Prélude tiré du Libro secondo di chitarra spagnola d’Angelo Bartolotti, Rome, 1655/6, p. 69.
Robert de Visée fait un usage minimal des campanelles, mais il profite largement des
possibilités musicales qu’offre l’accord avalé pour rendre certains passages plus légers ou liés
ou pour créer des dissonances. Par l’étude de sa tablature, on remarque une utilisation plus
systématique des liaisons techniques. L’accord préconisé par Robert de Visée (voir 3.1) réduit
les possibilités d’utilisation des campanelles. Ainsi, les transcriptions de ses pièces pour
guitare seront rarement trahies par les campanelles.
26
3.5 Les liaisons Il est raisonnable de penser que les liaisons ou cheutes n’étaient à peu près pas utilisées au
XVIe siècle. Du moins, elles sont absentes de tout livre imprimé et manuscrit du cette époque.
Elles apparaissent vraisemblablement pour la première fois dans le livre de Girolimo
Kapsperger Libro primo d’intavolatura di chitarrone en 1604. Quant à la première apparition
dans un livre de guitare, on la devrait à Giovanni Paolo Foscarini dans son ouvrage Il primo,
secondo, e terzo libro publié en 1630.
Pour un guitariste moderne, les liaisons techniques font partie intégrante de la technique de
leur instrument. Mais pour un instrumentiste à cordes pincées de l’époque baroque, il s’agit ni
plus ni moins que d’un ornement. La raison en est fort simple : la première note d’un groupe
de notes liées est la seule à être pincée par la main droite. Le résultat sonore produit par les
autres notes articulées uniquement par les doigts de la main gauche, soit de façon ascendante
ou descendante, diffère légèrement au niveau du timbre. Contrairement à la note pincée, les
notes liées subséquemment offrent un résultat sonore plus faible, mais très fluide. Cette
fluidité qu’offre la liaison technique aux guitaristes modernes leur permet de pouvoir venir à
bout du répertoire virtuose des XIXe et XXe siècles.
Le danger pour un guitariste d’aujourd’hui qui s’intéresse au répertoire baroque est de vouloir
rendre toutes les liaisons symétriques, de les régulariser en formant systématiquement des
paires, ou de les placer toujours à des endroits équivalents de façon à tenter de créer une
articulation « logique », enlevant du coup tout le charme de l’ornement original. C’est
d’ailleurs un problème majeur de la plupart des éditions modernes du répertoire baroque. Bien
au contraire, les compositeurs du XVIIe siècle adoraient placer des liaisons sur des temps
faibles ou encore à cheval entre deux mesures, soulevant du coup une irrégularité rythmique
fort intéressante et très typique. De plus, ils groupaient régulièrement un nombre impair de
notes, ce qui contribuait à appuyer ce sentiment d’irrégularité.
Robert de Visée, Livre de guittare, 1682, Prélude, p.50.
27
Chez les compositeurs français, l’irrégularité rythmique créée par ces liaisons techniques sert
souvent à marquer l’inégalité qui leur est typique.
Quelques compositeurs dont Francesco Guerrau indiquent des liaisons qui impliquent
plusieurs notes sur plusieurs chœurs différents, ce qui sous-entend une subdivision des
liaisons en plusieurs petits groupes.
Francesco Guerau, Poema harmonico, compuesto de varias cifras por el temple de la guitarra espanola, Madrid, 1694, Marizapalos.
3.6 Les doigtés Bien que Robert de Visée soit avare d’indication concernant les doigtés de la main gauche, il
nous donne en revanche plusieurs possibilités de doigtés de main droite. Indiquer les doigtés
de la main droite n’est pas une pratique courante à cette époque et plusieurs compositeurs ne
les indiquent jamais. C’est notamment le cas d’Antoine Carré, François Martin et de
pratiquement tous les Italiens et Espagnols. Visée écrit un point ( . ) pour indiquer l’utilisation
de l’index et deux points ( .. ) pour l’utilisation du majeur. Une barre oblique ( | ) marquée
sous une note isolée indique l’utilisation du pouce. Ce même signe marqué sous un groupe de
notes se réfère plutôt à un jeu en batterie (voir les explications sur les batteries).
C’est surtout dans le Manuscrit de Sayzenay que nous avons accès à des exemples de doigtés
de main droite chez Visée. On constate qu’il n’utilise jamais l’annulaire ni l’auriculaire pour
le jeu pincé, même dans des positions très écartées. En exemple, la pièce de théorbe La
Montfermeil mesure 8 (p. 308) ainsi que la courante (p. 358) mesure 10. Dans Les dons
d’Appolon, Michel Corette parle aussi de cette technique de main droite excluant l’annulaire.
28
Manuscrit Vaudry de Saizenay, La Montfermeil, m.8, p.308. Idem, Courante, m.10, p.358. Contrairement aux Espagnols et Italiens qui marquent les doigtés de la main gauche presque
systématiquement, les français les indiquent rarement. François Campion en marque quelques
uns dans son livre de 1705 : Nouvelles découvertes sur la guitarre. Il utilise alors des chiffres
1,2,3,4 respectivement pour l’index, le majeur, l’annulaire et l’auriculaire. Quelques autres
pièces manuscrites en tablature française notent les doigtés de la main gauche avec des points,
comme les Italiens et les Espagnols : un point indiquant l’index, deux points le majeur, etc..
Visée n’indique que trois doigtés pour la main gauche pour toute son œuvre imprimée.
Curieusement, ces doigtés ne semblent pourtant pas indispensables comme on peut le voir
dans les deux exemples suivants :
Robert de Visée, Livre de pièces pour la guittare dédié au roy, Idem., Passacaille, mesure 37, p.39. 1686, Gigue, mesure 11, p.30.
29
CHAPITRE 4
Comparaison des versions imprimées
La recension des différences entre les pièces pour guitare et leurs versions en notation pour
basse et dessus nous apprend beaucoup de choses quant aux possibilités d’interprétation et
d’arrangement. Dans presque toutes les pièces existantes en plusieurs versions, on dénombre
des différences de rythmes, de mouvements, de métrique, de tonalités, de signes d’agrément,
d’harmonie et de contours mélodiques. Voici en annexe (1-2-3) quelques pièces sélectionnées
qui serviront à illustrer ces différences.
4.1 Les rythmes, les mouvements et la métrique
« Dans la mesure à deux temps marquée par un 2, dans celle à trois temps marquée par un 3, les croches se passent de deux à deux, c’est-à-dire que, quand elles sont par nombre pair, la première est longue, la deuxième brève. Dans toutes les autres mesures, les croches se passent également, mais on doit passer de deux en deux, généralement dans toutes les mesures, les doubles croches et même faire aussi sentir cette nuance lorsqu’on exécute des triples croches. Ces différentes manières de passer les valeurs ne doivent être employées que dans les parties chantantes et jamais dans celles qui ne sont que d’accompagnement. C’est donc à celui qui exécute à ne les employer que dans les traits auxquels elles peuvent donner des charmes, et à les éviter quand elles sont susceptibles de nuire à la beauté des chants38. »
La musique de Robert de Visée fait partie de cette époque où la notation musicale n’est
souvent qu’une indication que doit compléter l’exécutant. Et comme disait François
Couperin : « De même qu’il y a une grande différence entre la grammaire et la déclamation,
plus grande encore est la différence entre la théorie musicale et l’art de bien jouer39. »
L’inégalité rythmique dans la musique française ne doit pas être jouée systématiquement. Des
règles subtiles de base servent à organiser le « bon goût ».
Alors que la notation de l’Ars Nova avait atteint des sommets en complexité, la nécessité
nouvelle de se faire imprimer au début du XVIe siècle l’obligea à se simplifier. La diversité
rythmique n’ayant pas pour autant disparue, une série de règles non écrites devaient
38 A.-F. Emy de l’Ilette, Théorie musicale, Paris, 1810. 39 François Couperin, L’art de toucher le clavecin, Paris, 1717.
30
s’appliquer aux valeurs les plus courtes de la mesure. Par exemple, dans une mesure où l’unité
rythmique est la noire, ces conventions d’inégalité s’appliquent aux croches.
Cette inégalité rythmique est aussi variable selon le mouvement. Elle peut très bien
s’accentuer dans les cadences ou dans les ralentis et diminuer jusqu’à disparaître
complètement dans les mouvements plus rapides : « Les passages rapides, dans un
mouvement très vif où le temps ne permet pas de jouer inégalement et où l’on ne peut appuyer
et accentuer que la première de quatre notes40. »
On dénombre plusieurs différences de notation rythmique dans l’œuvre de Robert de Visée.
Ces différences sont des indices de souplesse dans l’interprétation des rythmes. Dans le
prélude présenté en Annexe 2, on remarque aisément trois notations bien différentes. La
version de 1716, en 2/2, semble suggérer un tempo modéré, regroupant les croches par quatre.
Cette manière de jouer les croches est, selon Fray Thomas de Sancta Maria, « la plus raffinée
de toutes41. » Les trois premières croches sont légèrement pressées de manière à permettre
une accentuation délicate et une prolongation à peine perceptible de la quatrième. D’ailleurs,
la version de 1686 pour guitare semble appuyer cette hypothèse avec ses rythmes sur
quelques temps forts qui ne permettent pas de jouer le temps faible de façon inégale. Il est
intéressant de noter que la version pour guitare, contrairement aux deux autres, débute par une
levée mélodique et non par une note de basse sur le premier temps, ce qui suggère une
articulation par quatre et non par deux. Par opposition, la version basse et dessus de 1686 est
en 4/4 et suggère un tempo plus lent et des rythmes pointés. Il est aussi évident que les
croches sont groupées par deux et non par quatre.
Dans sa tablature de guitare, Robert de Visée note rarement les rythmes pointés. Par contre,
les inégalités sont souvent sous-entendues par des liaisons techniques. La sarabande présentée
en Annexe 3 en est un bon exemple.
40 Johann-Joachim Quantz, Versuch einer Anweisung die Flöte traversiere zu spielen, Berlin, 1752. 41 Fray Thomas de Sancta Maria, Arte de taner Fantasia, Valladolid, 1565.
31
À partir de la mesure 13, ces liaisons techniques sont jouées d’un temps faible à un temps fort,
ce qui a pour effet de reproduire les rythmes pointés qui peuvent se jouer doublement pointés
dans les deux autres versions.
Plusieurs variantes rythmiques autres que l’inégalité apparaissent dans presque toutes les
pièces en plusieurs versions. D’ordre général, le rythme des levées dans les allemandes est
différent à la guitare. On retrouve souvent des accords battus en rythmes pointés,
contrairement aux versions pour basse et dessus où la levée est pratiquement toujours une
seule croche. Cette levée rythmique à la guitare qu’on remarque uniquement dans les
allemandes est toujours jouée en battant vers le haut pour aboutir sur le temps fort avec une
battue vers le bas.
Les autres variantes rythmiques s’apparentent plutôt à l’ornementation mélodique. Ces
agréments notés dans la tablature ou dans la portée musicale déplacent quelques fois les
accents et créent par la force des choses des instabilités rythmiques fort intéressantes. Aussi,
32
ils imposent une rythmique précise voulue par le compositeur, contrairement aux ornements
notés en signes qui s’interprètent de façon plus libre.
Les tempi à adopter pour l’interprétation des pièces de Robert de Visée sont étroitement liés
aux mouvements de danses auxquels ils se rattachent. Cependant, puisque la musique de
Visée se veut plutôt dédiée au concert qu’à la danse, il peut y avoir une certaine latitude quant
au juste tempo à adopter. Celui-ci peut aussi varier dépendamment des instruments pour
lesquels les pièces sont écrites. D’ailleurs, les instrumentistes de l’époque semblent se fier
plutôt au caractère général qu’inspire la danse plutôt qu’à la danse elle-même, ce qui fera dire
à Quantz : « Il y a souvent des disputes entre les danseurs et l’orchestre, parce que ceux-ci
trouvent que les musiciens ne jouent pas dans le juste mouvement 42. »
4.2 Les tonalités
Robert de Visée choisit ses tonalités en tenant compte des deux facteurs suivants :
l’instrumentation et les suites dans lesquelles la pièce est insérée. Contrairement au livre de
1686, celui de 1682 propose un cycle des tonalités. En 1682, les suites s’enchaînent par
quartes (excepté pour la dernière suite en sol majeur qui utilise un accord nouveau) et
alternent les tons mineurs et majeurs de la façon vue précédemment dans le chapitre sur la
recension des versions : la mineur, la majeur, ré mineur, ré majeur, sol mineur, sol majeur, do
mineur, do majeur, fa majeur (une chaconne seulement), sol majeur. Dans les versions pour
guitare, Robert de Visée utilise les tonalités qui permettent l’utilisation du plus grand nombre
de cordes à vides possible. Le livre de 1716 étant destiné à une toute autre instrumentation, il
utilise des tonalités qu’on ne trouve nulle part dans ses pièces pour guitare (sib majeur, fa
mineur). Dans ce livre, il place une à la suite de l’autre les suites aux tonalités homonymes
majeures et mineures (ré mineur, ré majeur ; sol mineur, sol majeur).
Chaque pièce est indépendante et pourrait très bien se replacer dans n’importe quelle suite.
Dans le livre de 1716, le compositeur a réinséré plusieurs pièces publiées auparavant dans de
nouvelles suites. Le tableau qui suit montre tous les changements de tonalités effectués par
Visée.
42 Johann-Joachim Quantz, Versuch einer Anweisung die Flöte traversiere zu spielen, Berlin, 1752.
33
Pièce 1682 guitare 1682 basse et dessus 1686 guitare 1686 B et D 1716
Prélude R 0.09 Si m La m La m
Allemande R 1.01 La m Sol m
Allemande R 1.02 La M Sol M
Allemande R 1.03 Ré m La m Do m
Allemande R 1.04 Sol m Ré m
Allemande R 1.05 Do m Sol m
Allemade R 1.07 Sol M Ré M
Allemade R 1.10 Sim La m La m
Courante R 2.01 La m Sol m Sol m
Courante R 2.02 La M Sol M
Courante R 2.03 Ré m La m Do m
Courante R 2.08 Sol M Ré M Ré M
Sarabande R 3.01 La m Sol m
Sarabande R 3.02 La M Sol M
Sarabande R 3.09 Do m Sol m
Sarabande R 3.11 Sol M Ré M
Sarabande R 3.12 Sol M Ré M
Sarabande R 3.16 La M Sol M
Sarabande R 3.17 Si m La m La m
Gigue R 4.01 La m Sol m Sol m
Gigue R 4.04 Sol M Fa M Fa M (Ré M dans la version manuscrite)
Gigue R 4.06 Sol M Ré M Ré M
Gigue R 4.10 Si m La m
Gavotte R 5.02 La m Sol m
Gavotte R 5.08 Sol M Ré M
Gavotte R 5.09 Ré m Do m
Menuet R 6.01 Ré m La m
Menuet R 6.10 La M Sol M
Bourrée R 7.03 Sol M Ré M
Muzette R 10.03 Do M (Sol M dans la version manuscrite)
Les transpositions sont toujours à la quinte supérieure ou simplement un ton plus haut ou plus
bas. Le choix de la tonalité à la guitare est souvent en rapport avec la possibilité de faire
34
entendre la mélodie sur les deux premiers chœurs, laissant au moins trois autres chœurs
disponibles pour y placer quelques notes harmoniques. Le choix de la tonalité pour un
ensemble de musique de chambre est en lien avec la brillance des instruments et leurs
registres respectifs. À ce sujet, il ne faut pas oublier que les pièces transcrites en notation
moderne par Robert de Visée étaient destinées à être jouées au violon, au clavecin et à la
viole. On comprend pourquoi les tonalités choisies favorisent toujours l’utilisation des cordes
à vide. Dans le cas des tons de sib majeur et de fa mineur qui sont utilisés dans le livre de
1716, le compositeur voulait probablement un son plus sourd, moins brillant.
4.3 Les agréments
Selon des auteurs de l’époque, la raison d’être des agréments serait de « rendre le chant plus
agréable43 » et « de faire briller l’harmonie de part et d’autre comme autant de pierres
précieuses44 ». Ils sont décrits comme étant : « un, ou plusieurs petits sons, qu’on entremêle
parmi les autres sons ordinaires45 », une « inflexion ou modification de la voix ou de la parole
par laquelle on exprime les passions et les affections naturellement ou par artifice46 ».
L’ornementation instrumentale a en fait pour objectif ultime d’imiter la voix.
Il existe en France au XVIIe siècle différents points de vue en rapport avec l’ornementation de
la musique. François Couperin déclare alors : « … mes pièces doivent être exécutées comme
je les ai marquées, et qu’elles ne feront jamais une certaine impression sur les personnes qui
ont le goût vray tant qu’on observera pas à la lettre tout ce que j’ay marqué, sans
augmentation ni diminution47 », mais il semble qu’ils soient beaucoup plus nombreux à
penser le contraire. Nicolas Matteis nous propose cette idée : « Pour faire valoir le morceau de
ton mieux, tu dois faire plusieurs agréments de ta propre invention car c’est un grand souci
pour le compositeur de les noter 48» ou encore Rousseau qui remarque que « les maîtres du
goût-du-chant le marque seulement avec du crayon jusqu’à ce que les écoliers sachent le
placer eux-mêmes49. » Il faut aussi mentionner les problèmes techniques reliés à la gravure de
43 Étienne Loulié, Éléments ou principes de musique, Paris, 1696, p.66. 44 Georg Muffat, Florilegium II, Passau, 1698, p.44. 45 Op.cit, p.66. 46 Marin Mersenne, Harmonie Universele, 1637. 47 François Couperin, Troisième livre de pièces de clavecin, Paris, 1722, Préface. 48 Nicolas Matteis, The False Consonnance of Musik, Londres, 1682, p.79. 49 Jean-Jacques Rousseau, Dictionnaire, 1775.
35
tous les ornements qui obligent les musiciens à s’exercer à les improviser: « la difficulté
d’apposer des caractères à tant de notes qu’il en faudrait m’en a fait rapporter au jugement de
celui qui touchera comme je fais des cadences qui sont communes ainsi que chacun sait50. »
Dans cette conception de l’interprétation des ornements, l’improvisation et le spontané sont au
cœur du plaidoyer. Il n’y a rien de plus contradictoire que de noter à la lettre ce qui devrait se
sentir naturellement. Ainsi, « tout ornement donnant l’impression de sécurité de la chose
apprise est hors de son caractère, et de ce fait, inutile et nuisible51.» Et il y a tant d’autres
témoignages d’époque qui appuient cette idée.
La conception de l’écriture des ornements semble en partie diviser les clavecinistes et
l’ensemble des autres musiciens comme l’indique Carl Philippe Emmanuel Bach :
« Les chanteurs ainsi que les autres instrumentistes, s’ils veulent bien exécuter leur pièce, ne peuvent davantage se passer de la plupart de nos agréments que la plupart de nos clavecinistes eux-mêmes ; mais ceux-ci possèdent de façon plus ordonnée, tant qu’ils attribuent aux agréments des signes convenus par où ils indiquent clairement la manière de jouer leur morceau. Comme on n’a pas toujours pris cette précaution, et qu’on a voulu au contraire tout indiquer à l’aide de peu de signes, il est beaucoup plus pénible aux autres musiciens qu’aux clavecinistes d’apprendre les agréments52. »
Quoi qu’il en soit, l’écriture pour guitare ou pour tout autre instrument de Robert de Visée
n’échappe pas à cette remarque. À la manière de Lully, lorsqu’il confie la mélodie à un violon
ou un autre instrument mélodique, il n’emploie que le signe « + » pour indiquer l’exécution
d’un ornement (le plus souvent un tremblement), se fiant sans doute au talent et à l’instinct
improvisateur des musiciens. Mais il ne faudrait pas conclure que ce signe indique toujours le
seul et même ornement. D’ailleurs, Muffat nous met en garde contre un tel simplisme:
« Ceux qui sans discrêtion décrivent les agrémens de la méthode françoise, comme s’ils offusquoient l’air ou l’harmonie, & ne consistoient qu’en de seuls tremblemens ; n’ont certes guère bien examiné cette manière, ou n’ont jamais entendu jouër de vrais élèves, mais seulement peut être de faux imitateurs de l’Ecole de feu Mr de Lully. Car au contraire ceux qui ont pénétré la nature & la diversité, la beauté & le sublime, le vrai lieu, & le légitime usage tirez du plus pur de la belle méthode du chant, n’y ont rien remarqué jusqu’à ce jour qui mette le moindre obstacle à la distinction de la mélodie, ou à la justesse de l’harmonie ; mais au contraire y ont trouvé en abondance
50 Jehan Titelouze, Hymnes de l’église, 1623. 51 Antoine Geoffroy-Dechaume, Les secrets de la musique ancienne, Fasquelle, France, 1964, p.69. 52 Carl Philip Emmanuel Bach, Essai sur la vraie manière de jouer des instruments à clavier, Berlin, 1753, p.II, article 1, paragraphes 14 et 15.
36
tout ce qui est capable d’enrichir, d’adoucir & de réveiller par une activité admirable de toutes parts, ce qui se pourroit trouver dans ces deux principales parties de la musique de simple, de rude ou de languissant. Mais parce que le nombre de ces agrémens est plus grand, que plusieurs ne s’imaginent, je ne toucheray ici que les principaux avec brièveté, me réservant d’en traitter un jour, avec l’aide de Dieu, plus amplement ailleurs53. »
Ses pièces pour guitare contiennent, quant à elles, une plus grande diversité de signes - quoi
que bien peu comparé à d’autres compositeurs comme Jean-Henry d’Anglebert ou François
Couperin. La cheute, la tirade, le tremblement, le martellement et le miolement. Ici, il
incombe de décrire brièvement chacun de ces ornements utilisés par Visée, car comme le
disait Monteclair : « On est pas tout à fait d’accord sur la figure ni sur le nom des agréments
qui se pratiquent pour la propreté du chant français54. »
Aussi, le contexte mélodique suggère naturellement l’usage de certains ornements plutôt que
d’autres. Une ligne mélodique descendante favorise l’utilisation du tremblement, de la tirade
ou du martèlement, tandis qu’une ligne ascendante favorise la cheute.
53 Georg Muffat, Florilegium II, Passau, 1698, p.49. 54 Michel Pignolet de Monteclair, Nouvelle méthode pour apprendre la musique, Paris, 1709.
37
4.4 L’ornementation mélodique
Les pièces pour guitare contiennent beaucoup plus d’ornementations mélodiques écrites dans
la tablature que les versions pour musique de chambre des mêmes livres ou de celui de 1716.
Lorsqu’on compare les mélodies d’une même pièce, on remarque que la version pour musique
de chambre est toujours plus dépouillée, ce qui permet dans plusieurs cas de dissocier
l’ornementation de la mélodie réelle dans les pièces pour guitare.
Par exemple, à la mesure 4 de cette allemande « La Conversation », Visée fait entendre un
retard au troisième temps dans la version pour guitare tandis que la version pour musique de
chambre propose une simple résolution. Le même exemple nous est proposé à la mesure 5 au
troisième temps. On remarque également à la mesure 2 une mélodie harmonisée à la tierce et
jouée de manière arpégée dans la version pour guitare comparativement à une version
beaucoup plus simple dans l’autre cas.
Robert de Visée, Allemande « La Conversation », version pour guitare.
Robert de Visée, Allemade « La Conversation », version pour musique de chambre.
Au XVIIe siècle, l’ornementation mélodique improvisée, puis notée, était souvent utilisée
avec excès par les musiciens. C’est fort probablement une des raisons qui ont fait dire à Visée
38
que ses pièces n’étaient souvent plus reconnaissables et qu’il se devait presque de les
désavouer. Mais il n’était pas le seul à subir ces déformations exagérées. Pensons à tous ces
compositeurs, surtout en Italie, qui se pliaient aux caprices des chanteurs, leur donnant
toujours la possibilité d’éblouir, d’épater – ou de lasser – le public avec leurs Da Capo ornés
et virtuoses. Les instrumentistes faisaient de même et profitaient en particulier des
mouvements lents pour décorer abusivement les lignes mélodiques (ex : Corelli : Sonates
Op.5 ; Händel : Concertos pour orgue). Dans plusieurs cas, la mélodie se distingue avec
évidence, tandis que, d’autres fois, l’interprète doit faire un travail d’analyse pour découvrir la
véritable ligne mélodique et pour ainsi jouer de manière ornementale ces agréments insérés
dans le texte musical. Visée offre des dizaines d’exemples d’ornementations mélodiques de
« bon goût », inspirants pour les interprètes et c’est en comparant les versions de ses pièces
que nous en découvrons toute la richesse.
4.5 Les conduits et les fins de sections
Les petits conduits mélodiques et les fins de sections étaient pratiquement toujours
improvisés. Évidemment on entend ici par improvisation un choix instinctif et spontané parmi
des lignes conjointes souvent très familières.
Les conduits sont pratiquement toujours une succession de notes conjointes quittant un accord
pour en joindre un autre. Il sert simplement à créer une transition. Le conduit peut faire le lien
entre deux accords différents (ex : V- I) ou entre deux accords du même degré (ex :I-I). Voici
deux versions de la fin de la première section d’une même allemande (R1.03). Dans cet
exemple, Robert de Visée propose deux conduits possibles qui nous guident vers la reprise
(V-I).
39
Les fins de sections des pièces pour guitare sont traitées de façon bien différente que celles
pour instruments à archet ou à vent. Si ces derniers offrent un soutien sonore qui permet de
faire entendre les valeurs écrites des notes, ce n’est pas le cas de la guitare ou de tout autre
instrument à cordes pincées. Afin de combler les trous sonores causés par des cordes dont la
vibration décroît dès qu’elles sont pincées, les guitaristes du XVIIe siècle préféraient rythmer
la mesure avec des notes de l’accord plutôt que de laisser le son s’éteindre sur une valeur de
note qu’ils souhaitaient longue. Ces notes ajoutées entretiennent le rythme et permettent ainsi
de garder le son plus longtemps. Robert de Visée utilise à profusion cette manière de faire
comme on peut le constater en regardant la fin de la première section de l’allemande R1.03
tirée du livre de 1682.
4.6 La réalisation harmonique
Certaines pièces pour guitare ne peuvent exprimer toute la pensée harmonique de Robert de
Visée. Parfois, seule la réalisation sur deux portées lui permet de nous faire entendre toute la
richesse harmonique de ses pièces. L’accord rentrant de la guitare offre de beaux effets qui la
distinguent. Cependant, le manque de basse oblige souvent le compositeur à se concentrer sur
40
la mélodie et à opter pour une harmonie simplifiée. La ligne de basse, qui guide normalement
l’harmonie, joue donc souvent un rôle secondaire.
La flexibilité harmonique chez Robert de Visée se comprend aisément à la simple étude du
menuet en ré mineur tiré du deuxième livre (voir Annexe 1). Dès la première mesure on
remarque déjà une différence harmonique. Dans la version pour guitare, seul un accord de ré
mineur est battu, tandis que dans celle sur deux portées, il y a clairement un accord de
dominante qui ponctue le deuxième temps. Puis, les mesures 2 et 3 de la même version nous
proposent un enchaînement harmonique I-V- IV-II-V-I très riche si on le compare au simple
I-V de la version pour guitare.
Outre le manque de basse, il s’avère parfois techniquement impossible de jouer sur la guitare
certains passages que l’on trouve écrits en notation sur deux portées et destinés à un groupe
d’instrumentistes. C’est précisément le cas de la première mesure de ce menuet. Il n’est pas
possible de tenir à la fois la mélodie et de faire entendre un do# à la basse en même temps.
Robert de Visée propose donc une ligne plus liée et une harmonie épurée.
Une simplification harmonique pour des raisons techniques ou simplement pour alléger le jeu
de l’instrumentiste, voilà qui semble être un choix tout à fait normal. Mais voici qu’aux
mesures 9 et 11 Robert de Visée nous propose des enchaînements d’accords bien différents
d’une version à l’autre. Dans les deux cas, cet enchaînement harmonique modulant nous guide
vers la tonalité temporaire de do majeur. La version sur deux portées nous fait logiquement
entendre une marche harmonique conventionnelle, tandis que la version pour guitare nous
surprend quelque peu avec un accord de fa majeur sur les deux premiers temps de la mesure 9
et un enchaînement II-V-I en do majeur à la mesure 11.
41
CONCLUSION
En 1680, Robert de Visée est classé parmi les « Maîtres de son temps pour le théorbe et la
guitare55 ». Vers la fin du XVIIe siècle, son nom apparaît toujours en premier dans l’annuaire
des professeurs de musique (de guitare) à Paris. Quelques années après sa mort,
l’encyclopédie de Diderot56 l’associe au mot « guitare ». Assurément, Visée est toute une
pointure pour les guitaristes des générations suivantes. Plusieurs d’entre eux ont transcrit pour
guitare à six cordes – qui remplaça progressivement la guitare à cinq chœurs dès la fin du
XVIIIe siècle – plusieurs pages de son œuvre. En 1880, Napoléon Coste donne quelques
versions de pièces de Robert de Visée – qu’il appelle « pages curieuses » – pour la guitare à
six cordes dans son Livre d’Or du Guitariste, op.52. Depuis, on ne compte plus les éditeurs
qui ont publié des pièces de Visée, la plupart du temps avec l’ajout d’une harmonie plutôt
romantique et une adaptation maladroite pour la guitare moderne. Ces arrangements
malhabiles auraient pu être évités par l’étude des particularités de la guitare à cinq chœurs
utilisée par Visée ou par l’étude des exemples de transcriptions donnés par le compositeur lui-
même.
La musique de Visée fait toujours partie du répertoire des étudiants en guitare classique des
conservatoires, écoles de musique et universités à travers le monde. En plus d’être confrontés
à la problématique de l’instrument lui-même, les guitaristes du XXIe siècle qui interprètent
Visée font face à une esthétique qui est bien éloignée de celle où ils évoluent. La connaissance
du style, l’application des ornements, la souplesse rythmique, par exemple, sont des
problèmes beaucoup plus grands qu’ils se doivent de surmonter.
La première barrière qui sépare le guitariste moderne du répertoire pour guitare baroque est la
tablature. Pour cette raison, des transcriptions fidèles de Robert de Visée éditées en notation
moderne telles que Robert de Visée, Œuvres complètes pour guitare57 de Robert Strizich ou
l’ouvrage collectif Robert de Visée, les deux livres de guitare Paris 1682 et 1686 – La guitare
55 Le Gallois, Lettre à Mademoiselle Régnault de Solier touchant la musique. 56 Diderot, Encyclopédie, Vol. VII, 1757, p.1011. 57 Robert Strizich, Robert de Visée, Œuvres complètes pour guitare vol.15, Paris, Heugel-Paris, 1969, 112 p.
42
en France à l’époque baroque : transcription de la tablature et interprétation58 sont d’une
très grande utilité et facilitent une première approche. Évidemment, la meilleure solution
serait l’apprentissage des différents systèmes de tablatures. Malheureusement, très peu
d’institutions offrent cette formation aux guitaristes. L’autre obstacle de taille est l’accord de
la guitare à six cordes – dite classique- qui diffère de la guitare baroque. Voici les différences
entre les deux accords :
Accord de la guitare baroque chez Robert de Visée
Accord de la guitare classique
La guitare classique n’utilise pas l’accord avalé et possède plus de basses. Lire les pièces de
Visée en tablature avec une guitare ainsi accordée donnerait donc un résultat sonore bien
différent. L’effet de campanelle serait naturellement impossible, sauf par la modification des
doigtés que suggère la tablature. Les lignes seraient parsemées de sauts d’octaves et de
renversements d’accords non souhaitables. De plus, le registre grave de la guitare serait
totalement inactif.
Quant à lui, Robert de Visée savait tirer parti des ressources de chaque instrument pour lequel
il écrivait ou transcrivait une pièce. Cet important principe devrait nous guider vers des
adaptations qui mettent en valeur les instruments pour lesquelles on les destine. Par exemple,
dans un arrangement pour guitare classique, il serait très intéressant d’ajouter des basses
lorsque celles-ci semblent appropriées. À cet effet, il serait avantageux de consulter les
versions pour luth, théorbe ou ensemble. Dans l’exemple suivant, l’ajout de basse ne dénature
aucunement l’intention du compositeur :
58 Rafael Andia, Hélène Charnassée, Gérard Rebours, Robert de Visée, les deux livres de guitare Paris 1682 et 1686 – La guitare en France à l’époque baroque : transcription de la tablature et interprétation, Éditions Transatlantiques, 320 p.
43
Version pour guitare cinq choeur Adaptation possible pour la guitare classique
Puisque Visée utilise peu les campanelles, une transcription pour guitare classique ne
souffrirait pas de l’absence de cet effet. Par contre, si on voulait adapter une pièce d’un autre
compositeur qui utilise plus fréquemment les campanelles, il serait possible de recréer ces
effets par l’utilisation de doigtés appropriés. Voici un exemple d’adaptation possible de
campanelle pour la guitare classique :
Campanelle sur une guitare à cinq choeurs Campanelle adaptée à la guitare classique
La technique des batteries peut parfaitement se transposer sur une guitare classique, mais on
peut aussi décider de ne pas l’utiliser. Dans ce cas, on pourrait très bien s’inspirer des versions
pour théorbe ou pour luth.
Version pour guitare à cinq choeurs Arrangement pour guitare à 6 cordes Arrangement pour guitare à 6 cordes avec batterie sans batterie
Le registre grave de la guitare classique permet de faire entendre des lignes de basses
indépendantes. Ces lignes peuvent parfois suggérer une harmonie légèrement enrichie à
l’exemple du menuet présenté en annexe 1. Un bon arrangement pour guitare de ce menuet
devrait puiser des éléments dans la version de 1716. Voici un exemple possible d’un tel
arrangement :
44
Robert de Visée, Menuet en ré mineur
Il semble évident que la raison de la publication de 1716 de Robert de Visée était de remettre
les pendules à l’heure. Le simple aveu : « Quelques unes de ces pièces, qu’on m’a surprise,
sont répandües dans le monde, mais si peu correctes et même si défigurées que je suis obligé
de les désavoüer59 » justifie la parution du recueil de pièces qui, pour certaines, avait déjà été
éditées auparavant dans les livres de 1682 et 1686. Il est clair que les pièces ne sont pas
« défigurées » parce qu’elles sont adaptées à d’autres instruments. Elles le sont probablement
par excès d’ornements, par déformation excessive des lignes mélodiques, du rythme, de
l’harmonie, etc..
L’ouverture d’esprit avec laquelle Visée adapte ses pièces pour divers instruments donne tout
simplement raison aux guitaristes qui s’attachent à arranger ses pièces pour la guitare
classique. Malgré cet incitatif, l’étude approfondie du style français à l’époque de Lully reste
nécessaire et un préalable à une interprétation sensible, variée, naturelle, souple et
authentique.
59 Robert de Visée, Pièces de théorbe et de luth mises en partition, dessus et basse, Paris, Hurel-Bélanger, 1716, Avertissement.
45
BIBLIOGRAPHIE
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46
REBOURS, Gérard. Index thématique et tableau de concordances, France, Éditions Symétrie, 2001, 73 p. SADIE, Julie-Anne. Guide de la musique baroque, France, Fayard, les indispensables de la musique, 1995, 732 p. STRIZICH, Robert. Robert de Visée, Œuvres complètes pour guitare vol.15, Paris, Heugel-Paris, 1969, 112 p. TYLER, James. The Early Guitar, a History and Handbook, London, Oxford University Press, 1980, 176 p. VISÉE (De), Robert. Pièces de théorbe et de luth mises en partitions dessus et basse, Fac-similé de l’édition Belanger-Hurel, Paris, 1716, Madrid, Arte-Tripharia, 1983. 111 p. WADE, Graham. Traditions of the Classical Guitar, London, John Calder, 1980, 270 p. Manuscrits Archives communales d’Agen II no 149. Benediktinerstift, Furth bei Göttweig, Ms. Lautentablatur Nr. 2. Bibliothèque Nationale de France, Paris, Res.844, Recueil d’airs de guitare. Bibliothèque Nationale de France, Paris, Vmb ms. 58. Bibliothèque Nationale de France, Paris, Vmc ms. 61. Bibliothèque Nationale de France, Paris, Vm7 6265. Bibliothèque Nationale de France, Paris, Res 1402. Bibliothèque Nationale de France, Paris, Res 1106. Bibliothèque Nationale de France, Paris, Res 1820. Bibliothèque Nationale de France, Paris, Res. Vmf ms. 49, Catharina De Ryck her boeck. Bibliothèque Nationale de France, Paris, Vm7 6222. Bibliothèque Nationale de France, Paris, Vm7 675. Bibliothèque Municipale, Besançon, Ms. 279.152, Manuscrit Vaudry de Saizenay (commencé en 1699). Bibliothèque Royale Albert 1er, Bruxelles, Ms. II 5551 D : Recueil des pièces de guitarre composées par Mr François Le Cocq.
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48
ANNEXE 1
49
ANNEXE 2
50
ANNEXE 3
51
I
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION ………………………………………......................................... 1 CHAPITRE 1 Robert de Visée et son époque
1.1 Robert de Visée et le succès de ses pièces à la cour de Louis XIV............ 4 1.2 . Robert de Visée : multi instrumentiste .................................................... 6
CHAPITRE 2 Les différentes versions des pièces de Robert de Visée
2.1 Recension et particularités des différentes versions 2.1.1 Livre de Guittarre dédié au Roy (Paris, Bonneuil), 1682 ...... 9 2.1.2 Livre de Pièces pour la Guittarre (Paris, Bonneuil), 1686 ..... 10 2.1.3 Livre de pièces de théorbe et de luth, mises en
partition dessus et basse, (Paris, Belanger-Hurel), 1716 ........ 11 2.1.4 Autres pièces .......................................................................... 12
2.2 Les causes possibles de la multiplication des versions
2.2.1 Le chant ................................................................................... 14 2.2.2 Les transcriptions pour d’autres instruments ........................ 15 2.2.3 L’improvisation ....................................................................... 17
CHAPITRE 3 Les particularités de la guitare
3.1 L’accord de la guitare à cinq chœurs en France......................................... 19 3.2 La tablature ................................................................................................... 20 3.3 Les batteries ................................................................................................. 21
3.4 Les campanelles .......................................................................................... 24 3.5 Les liaisons ................................................................................................ 26 3.6 Les doigtés ................................................................................................. 27
CHAPITRE 4 Comparaison des versions imprimées
4.1 Les rythmes, les mouvements et la métrique ............................................... 29
4.2 Les tonalités ................................................................................................ 32
II
4.3 Les agréments ............................................................................................. 34
4.4 L’ornementation mélodique ........................................................................ 37
4.5 Les conduits et les fins de sections ............................................................... 38
4.6 La réalisation harmonique ........................................................................... 39
CONCLUSION ............................................................................................................. 41 BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................ 45 ANNEXE 1....................................................................................................................... 48 ANNEXE 2....................................................................................................................... 49 ANNEXE 3....................................................................................................................... 50