UNIVERSITE D’ANTANANARIVO
Faculté de Droit, d’Economie, de Gestion et de Sociologie
Département : Economie
Second Cycle-Promotion Sortante
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Option : « Administration »
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PROMOTION HARENA
MEMOIRE DE FIN D’ETUDES POUR L’OBTENTION DU DIPLOME DE
MAITRISE ES- SCIENCES ECONOMIQUES
EMPLOI ET REDUCTION DE LA PAUVRETE
A MADAGASCAR
Par : MAHASOLO Richade Christian
Date de soutenance : 15 Avril 2016
Encadreur : Monsieur RAMIANDRISOA Olivier
Date de dépôt : 15 Avril 2016
i
REMERCIEMENTS
Avant toutes choses, nous tenons à remercier Dieu, car sans lui ce mémoire ne serait pas
arrivé à son terme. Ensuite nous remercions :
Monsieur le Président de l’Université d’Antananarivo
Monsieur le Doyen de la Faculté de Droit d’Economie, de Gestion et de Sociologie
Monsieur le Chef de Département en Economie de l’Université d’Antananarivo
Tous les enseignants et personnels de la Faculté DEGS
Ma famille qui m’a toujours soutenue durant mes études et surtout pendant
l’élaboration de ce mémoire
Tous mes amis et à toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont contribué
à l’élaboration de ce travail
Monsieur RAMIANDRISOA OLIVIER, enseignant chercheur à l’Université
d’Antananarivo, Faculté DEGS, pour ses conseils avisés et son encadrement.
ii
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS
SOMMAIRE
LISTE DE TABLEAUX
LISTE DES GRAPHIQUES
LISTE DES ABREVIATIONS ET ACRONYMES
INTRODUCTION
PARTIE I : APPROCHES THEORIQUES DE L’EMPLOI ET DE LA PAUVRETE
CHAPITRE I : LA PAUVRETE
A. Le concept de la pauvreté
B. Les indicateurs de la pauvreté
CHAPITRE II :LES THEORIES DE L’EMPLOI ET DU MARCHE DU TRAVAIL
A. Approches traditionnalistes du fonctionnement du marché du travail
B. Approches récentes du dysfonctionnement du marché du travail :
PARTIE II : L’EMPLOI ET LA PAUVRETE A MADAGASCAR
CHAPITRE I : SITUATION DE LA PAUVRETE, DE L’EMPLOI ET DU MARCHE DU
TRAVAIL A MADAGASCAR
A. Cas de la pauvreté
B. Cas de l’emploi et du marché du travail
CHAPITRE II : ANALYSE DE LA RELATION ENTRE LA PAUVRETE, L’EMPLOI ET
LE MARCHE DE TRAVAIL
A.Approche économétrique
B.Approche statique
CONCLUSION
ANNEXES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
TABLE DES MATIERES
RESUME ANALYTIQUE
iii
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1: Evolution de l'incidence de la pauvreté par Faritany
Tableau 2: Evolution de l'intensité de la pauvreté par Faritany (ex-province)
Tableau 3: Evolution en chiffre du taux de la pauvreté à Madagascar entre 2001 et 2012
Tableau 4: Structures des emplois (en %) par le milieu de résidence et de secteur institutionnel
Tableau 5: Revenus salariaux moyens nominaux par catégorie socioprofessionnelle et selon le
secteurinstitutionnel (unité: millier d'Ariary)
Tableau 6: Taux de sous emploi lié à la durée du travail, selon le genre et selon l'âge
iv
LISTE DES GRAPHIQUES
Graphique 1: Equilibre et chômage
Graphique 2: Taux de salaire et temps de recherche
Graphique 3: Pyramide des âges de la population de Madagascar
Graphique 4: Evolution à court terme de la pauvreté entre 2001 et 2012
Graphique 5: Structure démographique de la population active
Graphique 6: Taux d'activité par sexe et par âge en 2012
Graphique 7: Taux de chômage par âge
Graphique 8: Taux de chômage par région
Graphique 9: Taux de sous emploi lié au revenu du travail selon le niveau d'instruction
Graphique 10: Emploi inadéquat et ratio de pauvreté selon le genre en 2010
Graphique 11: Emploi inadéquat, ration de la pauvreté et extrême pauvreté selon le
niveaud'instruction en 2010
v
LISTE DES ABREVIATIONS ET ACRONYMES
BIT : Bureau International du Travail
DIAL : Développement, Institutions et Analyses de Long terme
DSRP : Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté
ENEMPSI : Enquête Nationale sur l’Emploi et le Secteur Informel
ENSOMD : Enquête Nationale sur le Suivi des Objectifs du Millénaire pour
leDéveloppement
EPM : Enquête Périodique auprès des Ménages
FID : Fonds d’Intervention pour le Développement
HIMO : Haute Intensité de Main d’Œuvre
IDH : Indicateur de Développement Humain
IRD : Institut de Recherche et de Développement
IPH : Indicateur de Pauvreté Humaine
INSTAT : Institut National de la Statistique
MADIO: Madagascar Dial Instat- Orstom
OMEF: Observatoire Malgache de l’Emploi et de la Formation
OIT : Organisation Internationale du Travail
PED : Pays En Développement
PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement
PPA : Parité des Pouvoirs d’Achats
RNDH : Rapport National sur le Développement Humain
SMIG : Salaire Minimum Garanti
UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l’Enfance
1
INTRODUCTION
Depuis longtemps, le thème de la « Pauvreté » est devenu au cœur de préoccupation des
économistes et de la société toute entière. La réduction de la pauvreté était l’objectif essentiel
de ces derniers. Malgré tout cela le problème de la pauvreté persiste toujours et avec de plus
en plus d’ampleur. On ne pourra jamais totalement lutter contre la pauvreté, le monde que
nous vivons est, dès son origine, caractérisé par les inégalités et les différences dans toutes ses
formes si on ne cite que les inégalités sociales et économiques entre les riches et les pauvres.
Il ne sera jamais possible d’éliminer la pauvreté dans le contexte social dans lequel nous
vivons. D’où, pour être réaliste, avoir le but de « réduire la pauvreté » est approprié. « Tu
mangeras à la sueur de ton visage »1 dit la bible, et pour le Président Américain Théodore
Roosvelt (1858-1919), la sueur constitue la condition sine qua non de l’émergence de la
délivrance. Effectivement, l’homme est destiné à travailler pour gagner sa vie. En d’autres
termes, c’est l’insertion au travail, en l’occurrence, « l’emploi » qui est le principal moyen
pour tous de vivre convenablement et de réduire la pauvreté. Particulièrement, depuis son
indépendance jusqu’à nos jours, Madagascar se trouve dans une situation critique surtout en
ce qui concerne la pauvreté.
De nombreuses données provenant des différents organismes internationaux entre autres la
Banque Mondiale, le FMI (Fonds Monétaires Internationales) et le PNUD (Programme des
Nations Unies pour le Développement) montrent fort bien l’état misérable de la pauvreté que
la majorité de la population malagasy endure. Selon l’ENSOMD ou l’Enquête Nationale sur
le Suivi des Objectifs du Millénaire pour le Développement à Madagascar (2012-2013), au
niveau international, sur la base du seuil à 2$ PPA, 91%2 de la population soit 19 383 000
environ sur la population totale de 21 300 0003 vivent dans l’extrême pauvreté ; et au niveau
national, par rapport au seuil de 535 603 Ar/personne/an, 71,5%4 soit 15 229 500 malagasy
sont classés comme pauvres. En effet, Madagascar est généralement un pays très pauvre. A
Madagascar, la pauvreté et le chômage sont deux phénomènes très préoccupants. Plus crucial
encore est que l’emploi ne protège nécessairement contre la pauvreté. En effet, il a été
constaté que 27,5% des actifs occupés vivent en dessous du seuil de pauvreté d’après EPM.
1 BIBLE, Genèse 3 :19
2 ENSOMD 2012-2013, Objectif : 01 «Eliminer l’extrême pauvreté et la faim », p.xiv
3 F.Bost et al. , Images économique du monde, 2012.
4 ENSOMD, Op cit p.xiv
2
D’où le choix de cette présente étude intitulée « Emploi et réduction de la pauvreté à
Madagascar » afin d’améliorer la prise de conscience nationale sur l’ampleur et la profondeur
de la pauvreté à Madagascar et surtout d’apporter un éclairage et une aide aux décideurs à
mettre en œuvres des politiques économiques et sociales pour réduire la pauvreté. En fait,
cette étude sera centrée sur l’emploi qui est la première clé, pour les hommes vivants en
société, d’ouvrir la voie vers le développement, la croissance économique ainsi que la
réduction de la pauvreté.
Mais la question qui se pose est de savoir : Dans quelles mesures l’emploi permet-il de
réduire efficacement la pauvreté à Madagascar ? En fait, la réalisation de la réduction de la
pauvreté, en matière d’emploi, est axée aux hypothèses suivantes : la création d’emploi et
l’amélioration de la qualification de toute la population active.
La méthodologie suivie, dans l’accomplissement de ce mémoire, est nombreuse.
Préalablement, des recherches bibliographiques ont été effectuées au près des différentes
bibliothèques et centres d’études à savoir la Bibliothèque Universitaire, le Centre d’Etude
Economique (CEE), l’Institut Français Madagascar (IFM). Il y a aussi des recherches de
documents dans le Centre de Recherche, d’Etudes et d’Appui à l’Analyse Economique à
Madagascar (CREAM). En outre, plusieurs recherches sur internet ont été souvent faites pour
avoir d’autres sources d’informations. Des collectes de données sont aussi effectuées au près
du centre de documentation de l’Institut National de la Statistique (INSTAT). Malgré cela, il
existe des difficultés à cause de l’insuffisance des données disponibles.
Pour porter de plus amples analyses à ce sujet, en premier lieu, le recours aux approches
théoriques sur l’emploi et la pauvreté nous est un atout nécessaire. En second lieu, l’étude sera
consacrée à faire des analyses empiriques de l’emploi et de la pauvreté à Madagascar.
3
PARTIE I : LES THEORIES DE LA PAUVRETE DE ET
L’EMPLOI
4
La création de l’emploi constitue le premier clé de la réduction de la pauvreté dans un pays.
Par l’emploi, les travailleurs gagne de revenu nécessaire à leur subsistance et donc mener la
vie qu’ils entendent. Dans cette première partie, nous allons faire rappel des cadres théoriques
de l’emploi et de la pauvreté. Ainsi on s’efforce d’apprécier l’étude de l’emploi et de la
pauvreté. Notre étude se subdivise donc en deux chapitres dont le premier concerne la
pauvreté, et le deuxième chapitre concerne l’emploi.
Chapitre I : LA PAUVRETE
La pauvreté est un phénomène complexe, multidimensionnel et persistant. Partout dans le
monde, la pauvreté existe mais c’est son ampleur et son aspect qui diffère. Aujourd’hui, elle
est devenue l’une des préoccupations majeures de toute la société. La lutte contre la pauvreté
est devenue un problème commun et universel. Beaucoup de théoriciens et des analystes de
discipline variée ont fait des études sur la pauvreté dans le but de cerner le tout de la pauvreté,
pourquoi elle existe et persiste toujours, quelles sont les solutions possibles à mettre en œuvre
pour la réduire voire même l’éradiquer… En fait, ce chapitre a pour objet de faire le point sur
l’étude de la pauvreté en vue de clarifier tous ce qui semble obscure dans la considération et
surtout dans la connaissance de ce phénomène.
A. Le concept de la pauvreté
Du fait de la complexité du concept de la pauvreté nous ouvrons cette partie spéciale qui traite
la notion de la pauvreté. La littérature sur le concept de pauvreté est extrêmement abondante
et diverse. Dans ces écrits, la pauvreté n’est pas définie dans le même sens. Ce qui conduit à
une identification différente des pauvres. De plus, de nombreux débats apparaissent aussi dans
le sillage. Le PNUD et la Banque Mondiale consacrent des ressources et des activités dans la
lutte contre la pauvreté et affichent les efforts qu’ils déploient dans l’aire de préoccupation du
développement. Le concept de pauvreté gagne de plus en plus d’audience dans la scène
nationale qu’internationale depuis la contribution massive du PNUD et La Banque Mondiale
en la matière. Ils ont contribué même à donner de la définition à pauvreté. Dans cette partie
nous allons donc citer leur définition de la pauvreté. Ensuite, sera analysé, le concept de
5
pauvreté selon les trois types d’écoles suivants : l’école welfarist, l’école des capacités et
l’école des besoins de base.
1. La pauvreté selon le PNUD et la Banque mondiale
Dans le rapport de 2000, le PNUD distingue spécifiquement trois genres de pauvreté :
L’extrême pauvreté :
Selon le PNUD, une personne vit dans la pauvreté extrême si elle ne dispose pas des revenus
nécessaires pour satisfaire ses besoins alimentaires essentiels habituellement définis sur la
base de besoins caloriques minimaux.
La pauvreté générale ;
Une personne vit dans la pauvreté générale si elle ne dispose pas des revenus suffisants pour
satisfaire ses besoins essentiels alimentaires et non alimentaires, tels l’habillement, l’énergie
et le logement.
La pauvreté humaine (Benicourt, 2001).
La pauvreté humaine, quant à elle, est présentée comme l’absence des capacités humaines de
base : analphabétisme, malnutrition, longévité réduite, mauvaise santé maternelle, maladie
pouvant être évitée. La pauvreté humaine est intrinsèquement liée à la notion de
développement humain, qui est sortie et utilisé au début des années quatre-vingt dix suite à la
référence aux travaux d’Amartya Sen.
Selon PNUD, le développement humain représente l’élargissement des possibilités et des
choix offerts aux individus. Plus précisément, « les trois possibilités essentielles sont celles de
vivre longtemps et en bonne santé, d’acquérir des connaissances et un savoir, et de pouvoir
accéder aux ressources nécessaires pour vivre dans des conditions décentes ». Donc, c’est par
rapport au développement humain que la pauvreté humaine est définie.
Le PNUD déclare ainsi que « la pauvreté n’est pas un phénomène unidimensionnel, un
manque de revenus pouvant être résolu de façon sectorielle. Il s’agit d’un problème
multidimensionnel qui nécessite des solutions multisectorielles intégrées ».
6
La Banque Mondiale par rapport au PNUD ne parle pas explicitement de la « pauvreté
humaine ». Bien qu’elle ne donne pas de définition précise des types de pauvreté analyse, elle
fait la distinction entre :
La pauvreté absolue
La pauvreté absolue correspond à un niveau de revenu nécessaire pour assurer la survie des
personnes. En général, ce seuil est calculé en fonction d’un régime alimentaire de base.
La pauvreté relative (Benicourt, 2001).
La pauvreté relative reflète une conception plus axée sur la répartition des revenus; elle
signifie avoir « moins que les autres ». Cette notion renvoie au niveau de revenu nécessaire
pour participer et vivre dans une société particulière5.
De simple constat on peut dire donc que la classification de la pauvreté abordée par la Banque
mondiale est particulièrement centrée sur l’aspect monétaire. Elle n’omet pas d’évoquer les
interrelations entre les différentes facettes de la pauvreté, et explique que l’étude approfondie
de certains secteurs ou domaines est fondamentale pour saisir la pauvreté dans sa complexité.
Ces domaines sont la santé et l’éducation, la vulnérabilité ou l’incertitude et le risque frappant
particulièrement les populations pauvres, le manque de parole « voicelessness » et le manque
de pouvoir «powerlessness ».
La Banque mondiale affirme que la pauvreté a des « dimensions multiples », de « nombreuses
facettes » et qu’elle est « la résultante de processus économiques, politiques et sociaux
interagissant entre eux dans des sens qui exacerbent l’état d’indigence dans lequel vivent les
personnes pauvres » Par conséquent, la Banque mondiale décrit la pauvreté comme suit : « la
pauvreté, c’est la faim, c’est être sans abri, c’est être malade et ne pas pouvoir voir un
médecin, c’est ne pas avoir de travail, s’inquiéter de l’avenir et vivre au jour le jour ».
Ainsi, la pauvreté monétaire englobant la pauvreté extrême ou pauvreté absolue et la pauvreté
générale ou pauvreté relative, relève plutôt de la démarche de la Banque Mondiale, tandis que
la pauvreté humaine semble être un concept spécifiquement onusien d’où PNUD. Ainsi la
5 Cela correspond essentiellement aux besoins en matière de logement et d’habillement.
7
version du PNUD et de la Banque Mondial voyons maintenant l’approche par école de la
pauvreté.
2. La pauvreté selon les différentes écoles de pensée
Les trois différentes écoles suivantes ont chacun leurs spécificités et leurs propre visions dans
la considération de la pauvreté.
a. L’école welfarist
Pour les welfarists, la « chose » en question est le bien être économique (Asselin et Dauphin,
2000). En fait, les welfarists ramènent le concept de bien-être soit directement au concept
d’utilité commun en économie, soit indirectement via le terme bien-être économique compris
comme l’utilité générée par la consommation totale6. L’utilité est conçue, dans ce cas, comme
un état mental, tel que le bonheur, le plaisir, ou la satisfaction du désir procuré à une personne
par la consommation ou la possession de biens et services. En effet, L’approche «welfariste »7
exprime le bien-être en fonction du niveau d’utilité atteint par un individu.
Selon cette approche, un individu est pauvre si elle n’atteint pas un certain niveau d’utilité
permettant d’atteindre un certain niveau de vie. Ravaillon (1994) affirme aussi que cette
approche place la conceptualisation du bien-être dans l’espace de l’utilité dont la satisfaction
définit le niveau de bien-être.
D’ailleurs, cette approche est associé à ce qui est appelé « l’approche par le revenu de la
pauvreté ». Dans l’approche fondée sur le revenu, la pauvreté est simplement un manque de
revenus (ou de consommation). Il y a pauvreté lorsque certaines personnes, dans une société
donnée, ont si peu de revenus qu’elles ne peuvent pas subvenir à des besoins de base définis
par rapport à la société. Plus les revenus d’une personne sont élevés et plus elle a de biens à sa
disposition. La possession et la consommation des biens, y compris des services, permettent
aux individus de mener une vie meilleure. Toutefois, cette possession n’est qu’un moyen au
service d’une fin. Comme le souligne Sen (1985), « ce qui compte, en définitive, c’est ce que
nous pouvons ou ne pouvons pas faire, ce que nous pouvons ou ne pouvons pas être ». Ainsi,
6 J. TINBERGEN, « On the measurement of welfare », Journal of Econometrics, 1991, vol.50, p.7.
7 Il est à remarquer que, d’après Asselin et Dauphin, dans leur analyse sur la mesure de la pauvreté, l’école
welfarist est actuellement l’approche dominante et que la Banque Mondiale, l’un des leaders parmi les
organismes de développement, promeut fortement le concept welfarist de la pauvreté.
8
il convient de tenir le niveau de vie d’une personne à l’aune des objectifs individuels qu’elle a
la possibilité de réaliser et non des moyens qu’elle possède pour les réaliser.
C’est sous cet angle de raisonnement que Sen a développé les concepts des «
fonctionnements» ou «functionings » en anglais et des « capacités » ou « capabilities » en
anglais (Asselin et Dauphin, 2000).
Un fonctionnement est la réalisation d’un objectif, tandis qu’une capacité est l’aptitude à le
réaliser. Ainsi, les fonctionnements sont directement liés au type de vie que mènent
effectivement les individus, tandis que les capacités sont les possibilités dont ils disposent
pour mener la vie de leur choix. Tout cela constitue l’objet d’étude de l’école suivante :
l’école des capacités.
b. L’école des capacités :
Pour cette école, la « chose » qui manque n’est ni l’utilité ni la satisfaction de besoins, mais
des habiletés ou capacités humaines. Cette approche a pris naissance dans les années 80,
fondée par Amartya SEN. L’analyse de la pauvreté par les capacités de Sen (1985) traduit le
bien-être à travers des droits positifs des individus et essaie de transposer ces droits dans un
espace mesurable à l’aide du concept de « fonctionnement ». Le type de vie que mène un
individu est fonction de ses capacités à bien combiner ses atouts physiques et ses savoir-faire
ou habiletés, c’est-à-dire la liberté que possède un individu de choisir parmi tous ses
fonctionnements potentiels ceux qui lui permettront de satisfaire ce qu’il attend de sa vie ou
ce qu’il a raison de valoriser. Donc chaque individu peut accéder ou non à un minimum vital
dans un contexte social et environnemental donné.
Selon l’approche de SEN, la valeur de la vie d’une personne dépend d’un ensemble de façons
d’être « being » et de faire « doing ». L’ensemble de ces façons d’être et de faire détermine ce
qu’on entend par « fonctionnements » ou « fonctionings ». Les fonctionnements sont donc des
accomplissements, dont avoir de l’utilité est un exemple. Les capacités réfèrent à la liberté de
choisir parmi les divers fonctionnements. L’école des capacités considère donc comme
pauvre, une personne qui n’a pas les capacités d’atteindre un certain sous-ensemble de
fonctionnements. En d’autres termes, un individu est défini comme pauvre s’il ne dispose pas
des capacités fondamentales. Ceci veut dire aussi qu’il y a pauvreté lorsque le manque de
9
capacités fondamentales provient d’un accès insuffisant aux biens, que ce soit par les
marchés, l’approvisionnement, ou d’autres canaux non commerciaux.
Ainsi, dans l’approche fondée sur les capacités, le type de vie que mène un individu est
fonction de ses capacités à bien combiner ses atouts physiques et ses savoir-faire ou habiletés,
c’est-à-dire la liberté que possède un individu de choisir parmi tous ses fonctionnements
potentiels ceux qui lui permettront de satisfaire ce qu’il attend de sa vie ou ce qu’il a raison de
valoriser (Asselin et Dauphin, 2000). Donc chaque individu peut accéder ou non à un
minimum vital dans un contexte social et environnemental donné.
c. L’école des besoins de base :
L’approche de besoins de base est apparue explicitement dans les années 77 par opposition à
l’école welfarist. Les besoins de base est une approche directe au problème de la pauvreté vue
comme un degré inacceptable d’inéquité sociale. Même si cette approche fut défini de façon
plus opérationnelle à la fin des années 77, historiquement, l’économiste anglais Rowntree,
dans son étude intitulé « Poverty : A study of Town Life », publiée en 1901, est reconnu
comme le premier auteur ayant analysé et mesuré sérieusement le concept de besoins de base
(Asselin et Dauphin, 2000). Rowntree a travaillé essentiellement sur trois catégories de
besoins de base, l’alimentation, le logement et les articles ménagers comme les chaussures,
les vêtements et le carburant.
Cette école considère en outre que « la chose » manquante dans la vie des pauvres est un petit
sous-ensemble de biens et de services spécifiquement rassemblant les biens de base de tous
les être humains. Ils sont dits « de base » car leur satisfaction est considérée comme préalable
à l’atteinte d’une certaine qualité de vie ; ils ne sont pas perçus comme contribuant
nécessairement au bien-être. Comme Lipton (1994) le dit, on doit « être » avant « d’être
bien».
En effet, Cette école8 met l’accent sur les besoins individuels relatives à des commodités de
base. Il s’agit, par exemple, de la nourriture, de l’eau potable, des aménagements sanitaires,
d’un logement, des services de santé et d’éducation de base, etc. En général, cette approche
non-utilitariste de l’analyse de pauvreté s’appuie sur le fait qu’un individu doit pouvoir
8 Cette école est la deuxième en importance après l’école welfarist
10
satisfaire un certain nombre de besoins fondamentaux tels qu’une nutrition ou une
alimentation adéquate, un logement et un habillement décent.
Mais, l’un des difficultés auxquelles se confronte cette approche, est la détermination même
de ces besoins de base. De ce fait, la mise en œuvre de cette approche pose d’énormes
difficultés à cause de ce problème de détermination.
Par exemple, qu’est-ce qu’un bon habillement ? Quel type ou genre d’habillement faut-il
adopter pour que cela puisse être considéré comme bon dans une société?
Toutes les conceptions avancées précédemment ont leur authenticité malgré la limite de
l’approche soutenue. Particulièrement, en ce qui concerne les trois écoles, même si elles
diffèrent, elles impliquent toutes le fait qu’une certaine « chose », à définir, n’atteint pas un
niveau considéré comme un minimum raisonnable. C’est-à-dire, qu’une personne est jugé
pauvre lorsqu’elle manque, par rapport au minimum raisonnable, de la chose en question.
On a vu qu’il a plusieurs façons de définir la pauvreté. Formellement, tout le monde s’accorde
sur le fait que le concept pauvreté se définit par l’identification d’un espace unidimensionnel
ou multidimensionnel. Mais il ne suffit pas de s’entendre sur la signification du terme «
pauvreté » pour enfin pouvoir identifier les pauvres. Il est nécessaire de considérer aussi les
indicateurs de pauvreté.
B. Les indicateurs de la pauvreté
Les indicateurs de pauvreté varient Selon la définition donnée à la pauvreté. En prenant la
définition donnée par Asselin et Dauphin, en 2000, l’indicateur de la pauvreté est une variable
mesurable d’une dimension particulière spécifiée. Plus d’un indicateur peuvent être
nécessaires pour décrire une dimension de la pauvreté.
Par exemple, si on suppose que la dimension de la pauvreté est le revenu permanent du
ménage, alors, l’indicateur serait les dépenses totales annuelles d’un ménage. Si la dimension
de la pauvreté est être adéquatement nourrie, l’indicateur est la consommation journalière de
denrées de base comme le riz.
11
Il faut signaler que l’indicateur de pauvreté ne doit pas être confondu avec une « mesure de
pauvreté » ni avec un indice de pauvreté. Généralement, les mesures et les indices de pauvreté
vont plus loin que les indicateurs de pauvreté en donnant un sens précis eu niveau critique
appelé « seuil de pauvreté ». En principe, ce seuil de pauvreté détermine en retour, la pauvreté
d’un individu. Lorsque ce seuil est bien défini, on peut dire certainement qu’une personne est
considérée comme pauvre quand elle vit dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au
seuil de pauvreté fixé.
En effet, le seuil de pauvreté est déterminé par rapport aux niveaux de vie da la population.
Être pauvre, c’est, par exemple, avoir un revenu très inférieur à celui dont dispose la plus
grande partie de la population. Pour l’Eurostat, une personne est pauvre si son niveau de vie
est inférieur à 60% du niveau de vie médian9 de la population française.
Par la suite, pour avoir une analyse bien cohérente dans cette étude, il est de notre choix de
retenir les indicateurs retenus par les différents types d’approches qu’on vient de citer ci-
dessus. Il s’agit, d’une part, de l’indicateur de pauvreté humaine inventé par le PNUD, et,
d’autre part, des indicateurs spécifiques correspondant respectivement aux trois types d’écoles
: l’école welfarist, l’école des capacités et l’école des besoins de base. Il est à noter que, pour
le cas de la Banque Mondiale, l’indicateur de la pauvreté est similaire à ce qui est retenu par
l’école welfarist ou l’utilitariste.
1. L’indicateur de pauvreté humaine ou l’IPH
L’indice de pauvreté humaine (IPH) a été récemment proposé par le PNUD et appliqué par la
plupart des pays du monde. L’IPH est un des composants de l’indice de développement
humain (IDH). Basé sur des indicateurs simples et non monétaires, cet indice cherche à
mesurer les déficits des individus en termes de pourcentage des adultes analphabètes et des
services procurés par l’économie dans son ensemble axée sur le pourcentage des individus
n’ayant pas accès aux services de santé, celui des individus n’ayant pas accès à l’eau potable
et celui des enfants de moins de 5 ans victimes de malnutrition.
9 La médiane est la valeur qui partage la population étudiée en deux parties égales. Appliquée aux niveaux de
vie de l’ensemble de la population, cela donne : la moitié de la population a un niveau de vie inférieur au niveau de vie médian, l’autre moitié a un niveau de vie supérieur.
12
Cet indice est obtenu à l’aide de la formule suivante :
IPH1= 1/3[(P1+P2+P3)] 1/3
Avec P1 : le pourcentage de personnes qui meurent avant 40 ans ;
P2 : la proportion des personnes analphabètes ;
P3 mesure du niveau de vie moyen en termes de manque.
Ce dernier (ce P3) est la moyenne arithmétique de trois indicateurs de non-accès à l’eau
potable, de non-accès aux services de santé et de la proportion des enfants frappés de
malnutrition. On peut déduire par là que les conditions de vie matérielle ne sont pas bien
prises en compte par cet indice, notamment les caractéristiques de l’habitat et la possession de
biens de consommation durables. Aussi, dans la réalité, les trois paramètres de l’IPH ont-ils le
même poids en termes de valeurs qui ignorent les valeurs socioéconomiques réelles des
populations?
Cet indicateur reste pertinent, vu que les sous-indicateurs pris en compte reflètent
suffisamment des aspects importants relatifs aux mauvaises conditions de vie des individus, et
ceci malgré ses limites incontestables.
2. Les indicateurs privilégiés par les différentes écoles :
Les trois concepts de pauvreté discutés dans la section précédente privilégient nécessairement
certains indicateurs sur d’autres. Les indicateurs varient, de ce fait, selon les écoles. Les bons
indicateurs ne sont pas aussi les mêmes pour les écoles de bien-être, des capacités et des
besoins de base.
Pour l’école welfarist, un individu est pauvre lorsqu’il manque de bien-être économique. En
conséquence, puisque ce type d’école met en valeur l’approche monétaire exprimant le bien-
être en fonction du niveau d’utilité atteint par un individu, alors les indicateurs retenus
correspondent aux types de revenu ou dépenses. Dans le cas de l’école des capacités, les
indicateurs privilégiés sont liés aux indicateurs d’accès. Desai (1995) qui a tenté de rendre
l’approche opérationnelle suggère aussi d’utiliser le taux de mortalité et l’espérance de vie,
pour juger de la capacité des individus à prévenir la mortalité et morbidité évitables, de même
que tous les indicateurs de satisfaction de besoin de base. Au plan des capacités interagir
socialement, Desai propose d’utiliser des indicateurs de mobilité sociale de même que des
indicateurs de droits à associer avec d’autres.
13
Au contraire, pour les besoins de base, il est difficile d’observer directement leur satisfaction.
Donc, on peut penser à tous les indicateurs dans le domaine de la nutrition, de l’éducation, de
la santé, du logement, et des vêtements, en favorisant les indicateurs d’accomplissement.
Dans le cadre de cette première partie, l’emploi et la pauvreté sont difficiles à appréhender. La
principale conclusion dans cette approche théorique se résume dans le fait que la pauvreté est
un phénomène complexe au vu de son caractère multidimensionnel et des différentes facettes
sous lesquelles elle peut se présenter. Certes, l’importance des questions de l’emploi face à la
pauvreté justifient la nécessité d’étude empirique sur le cas de Madagascar.
CHAPITRE II : LES THEORIES DE L’EMPLOI ET DU MARCHE DU TRAVAIL
Le problème de chômage fait l’objet premier des théories sur le fonctionnement du marché du
travail. Ce problème du chômage depuis la fin du XIXème siècle, est devenu le problème
socioéconomique le plus préoccupant de nos sociétés. Ainsi, le chômage est au centre de
débat pour les théoriciens de l’emploi. Les divergences entre ces théoriciens concernent
notamment les facteurs du chômage et les mesures pouvant y être mises en œuvre. Sous cet
angle, nous allons donc parler de la divergence qui oppose les néoclassiques à les
keynésiennes dans le cadre de l’analyse traditionnelle du chômage.
A. Approches traditionnalistes du fonctionnement du marché du travail
Ce sont les néoclassiques et les keynésiens qui sont les premier avoir débattu les problèmes de
l’emploi. Ces derniers ont des visions très différentes et surtout antagonistes à propos de
l’analyse explicative sur le dysfonctionnement du marché du travail.
1. La théorie néoclassique
La pensée néoclassique est apparue dans la seconde moitié du XIXème siècle. Nombreux sont
les fondateurs10
de cette pensée, à savoir Léon Walras (1834-1910), Vilfredo Pareto (1848
1923) et Alfred Marshall (1842-1924).
En principe, la théorie néoclassique est basée sur des fondements microéconomiques.
Montoussé, en 2002, évoque que « l’originalité de la théorie microéconomique néoclassique,
parfois dénommée « marginalisme », est de ne pas raisonner sur des quantités globales, mais
sur des quantités additionnelles appelées marginales ». D’ailleurs, la théorie néoclassique
10
Mandrara, Cours sur l’introduction à l’économie et Histoire de la pensée économique, cours première année.
14
raisonne dans un cadre d’économie pure ou d’économie modélisée basée sur des calculs
mathématiques. En effet, cette théorie suit une démarche normative dans la mesure où les
équilibres sur le marché du travail ne sont pas ce qui est, mais ce qui doit être. Ainsi,
l’approche néoclassique est axée sur les hypothèses du modèle de concurrence pure et parfaite
qui sont au nombre de cinq : l’atomicité, l’homogénéité, l’absence de barrière à l’entrée ou le
libre accès, la transparence et la mobilité.
Les hypothèses citées précédemment sont développées par (Duthil, 2004) dans son livre
intitulé « Economie de travail et des ressources humaines ». En effet, dans le cadre du marché
du travail : l’hypothèse d’atomicité implique que les intervenants sur le marché du travail sont
très nombreux et sont caractérisés par une taille économique faible au regard de la dimension
du marché. Les offreurs et les demandeurs concourent ensemble à la détermination du prix
d’équilibre, mais aucun ne peut influencer, par son comportement individuel, le
fonctionnement du marché. L’hypothèse d’homogénéité indique que le travail, demandé et
offert, est identique pour tous les operateurs sur le marché. Le prix est l’unique support de la
concurrence à l’exclusion de toute autre particularité du produit. Le libre accès représente
l’absence de barrière qu’elle soit de nature juridique, technique ou financière, et ne limite
l’arrivée de nouveaux offreurs ou demandeurs. La transparence du marché clarifie l’idée que
tout offreur ou demandeur dispose d’une information parfaite, obtenue sans délai et sans coût.
Le salaire d’équilibre est donc unique. Etant également informé, aucun demandeur de travail
ne paie un salaire plus élevé que la rémunération d’équilibre. De même, aucun offreur de
travail n’offre ses services à un prix inférieur au salaire du marché. Enfin, la mobilité suppose
que le travail est parfaitement mobile d’un emploi à un autre, d’un secteur d’activité à un
autre, et d’une région à une autre. En fait, les économistes d’inspiration néoclassique suivent
ces hypothèses comme étant la doctrine fondamentale de l’analyse économique. Or, c’est à
partir de là naissent les diverses controverses en ce qui concerne la conception du marché du
travail, en l’occurrence celle du chômage.
Dans la théorie néoclassique de l’emploi, le travail est un bien comme un autre qui s’échange
sur un marché (Pourcel, 2002). C’est la confrontation entre offres de travail émanant de la
population active et demandes de travail émanant des employeurs qui détermine
simultanément le taux de salaire d’équilibre et le niveau d’emploi d’équilibre. Ce salaire est
égal à la productivité marginale du travail (Duthil ,2004). Ceci veut dire que « le salaire d’une
personne employée est égal à la valeur qui serait perdue si l’emploi était réduit d’une unité ».
15
De plus, l’utilité du salaire, quand un volume donné de travail est employé, est égale à la
désutilité marginale de ce volume d’emploi. La désutilité, dans ce cas, incorpore toutes les
raisons qui poussent l’individu à refuser le travail au lieu d’accepter un salaire considéré
comme inférieur à un certain minimum.
D’ailleurs, l’offre de travail résulte d’un arbitrage travail-loisir : les travailleurs comparent
l’utilité de leur travail c'est-à-dire le salaire et sa désutilité qui est le temps de loisir. En
principe, plus le salaire augmente, plus forte est l’offre de travail. D’une manière précise, plus
le prix du travail est élevé, plus les offreurs du travail sont incités à proposer et vendre leurs
services ou rechercher des heures supplémentaires lorsqu’ils ont déjà un emploi, au détriment
des loisirs (Pourcel, 2002). Au contraire, plus le salaire est bas, moins les individus sont prêts
à offrir du travail. Donc, l’offre de travail est une fonction croissante du salaire réel.
Quant à la demande de travail, elle repose sur le calcul maximisateur de l’employeur. Les
entreprises offrent des emplois sur lesquels elles vont embaucher des travailleurs. Comme le
principe sur l’offre, la demande du travail suit une logique selon laquelle l’accroissement du
salaire incite l’entreprise à arrêter sa décision d’embauche à un niveau inférieur, inversement,
elle propose des emplois supplémentaires lorsque le salaire diminue. Ainsi, plus le salaire
augmente, plus faible est la demande de travail. D’où, la demande de travail est une fonction
décroissante du salaire réel. Le graphique suivant montre ce mécanisme.
Graphique 1: Equilibre et chômage
Source : Pourcel, Le chômage, 2002, p.58
16
Ce graphique illustre l’analyse néoclassique en termes d’équilibre et chômage. Ici,
l’intersection des deux courbes de l’offre et de la demande de travail correspond au point
d’équilibre qui assure l’égalité entre l’offre et la demande de travail. Conformément aux
hypothèses de concurrence pure et parfaite, les agents ne sont pas victime de l’illusion
monétaire. Ils tiennent compte du salaire réel (w/p avec w=salaires et p= indice des prix).
Dans ce cas, lorsque le marché fonctionne convenablement, le salaire est parfaitement flexible
et permet d’égaliser l’offre et la demande de travail.
Tous ceux qui souhaitent être embauchés au salaire d’équilibre peuvent l’être. C’est pourquoi,
la théorie néoclassique du marché du travail reprise par Pigou dans The Theory of
unemployment, précise que le chômage est forcement volontaire. Ainsi donc, le salaire est
égal à la productivité marginale du travail et le chômage apparait dès que le salaire réel est
supérieur à la productivité marginale du travail. En principe, tous les salariés qui acceptent de
travailler au salaire d’équilibre trouveront un emploi. Ainsi, selon cette approche, le chômage
doit être volontaire, car c’est la manifestation du refus des agents de travailler au salaire que
fixe par le marché. D’où la solution classique pour la réduction du chômage correspond à la
baisse du salaire pour l’accroissement de la demande de travail par les entreprises.
2. La théorie keynésienne
La théorie keynésienne a fait sa première apparition dans la Théorie générale de l’emploi, de
l’intérêt et de la monnaie (1936) de John Maynard KEYNES (1883-1946), dont il est le
précurseur. Ce dernier raison de la macroéconomie par opposition à la microéconomie de ces
rivaux théoriques. Keynes est ainsi le principal fondateur de l’analyse macroéconomique. Il
adopte un vison différent par rapport à la théorie néoclassique. Keynes rejette les postulats de
la microéconomie néoclassique et considère que l’analyse économique doit être
macroéconomique. L’analyse économique doit s’appuyer sur l’étude de grandeurs globales,
d’agrégats (Montoussé, 2002). En outre, les keynésiens raisonnent dans le cadre de
l’économie réelle (Montoussé, 2002). Cela implique que les analyses économiques, dans
l’approche keynésienne, ne visent qu’à expliquer la réalité économique et à proposer des
solutions concrètes face aux problèmes posés.
Concernant le dysfonctionnement du marché du travail, Keynes conteste l’existence d’un
marché du travail tel que le définissent les économistes néoclassique. Le travail n’est pas une
17
marchandise comme une autre. Le marché du travail ne détermine pas le niveau de l’emploi.
La fixation du niveau de l’emploi ne découle pas de la libre confrontation de l’offre et de la
demande de travail, mais du niveau de la demande globale (Keynes, 1936). Selon Keynes, le
niveau de l’emploi résulte de mécanismes macroéconomiques et non de mécanismes
microéconomiques.
Le niveau de l’emploi n’est pas fixé sur le marché du travail, mais il en résulte directement du
niveau global de la production qui lui-même résulte du niveau global de la demande effective,
c’est-à-dire la demande anticipée par les entreprises. Dans ce cas, des équilibres de sous-
emploi sont possibles de se réaliser si l’équilibre sur les marchés ne permet pas d’employer
toute la population active. Il en résulte, de ce fait, un chômage involontaire qui résulte de la
différence entre le niveau de l’emploi et l’effectif de la population active.
Selon Keynes les salaires sont rigides parce qu’en grande partie, les salaires sont régis et doit
obéir des normes institutionnelles telles que le droit du travail et la négociation. Le salaire
nominal est rigide à la baisse (Duthil, 2004). Cette rigidité peut être aussi du par l’illusion
monétaire, par l’asymétrie d’information ou bien l’imperfection de l’information, par la
rationalité limitée des salariés, par l’existence d’un salaire minimal imposé par les
législations nationales, et par la persistance des syndicats qui veillent à la progression des
salaires nominaux.
Les salariés à cause de l’illusion monétaire n’ajustent pas donc leurs comportements aux
variations du salaire réel mais aux variations du salaire nominal et ne s’intéressent pas à
l’évolution du niveau général des prix mais à l’évolution du salaire fixé par les entrepreneurs.
Pour Keynes par opposition à la solution classique du chômage, la baisse des salaires ne fait
qu’aggraver le sous-emploi car si le salaire représente un coût pour les entreprises, il est aussi
un revenu pour la collectivité. Une baisse des rémunérations exerce donc un effet pervers sur
la demande effective en diminuant la consommation des salariés et source déflation qu’aucun
mécanisme spontané ne peut stopper. L’Etat doit intervenir pour relancer la demande
effective. Et par anticipation donc, les entreprises vont accroitre leur offre d’emploi. C’est la
solution keynésienne du chômage.
La conception néoclassique du marché du travail s’oppose donc à la théorie keynésienne du
chômage au point de la détermination de l’offre de travail et la prise en compte des salaires
réels et salaires nominaux. Pour les néoclassiques, le chômage est un phénomène
18
microéconomique et il est volontaire car les forces du marché équilibrent automatiquement
l’offre et la demande du travail. Pour Keynes, le chômage peut être involontaire et c’est un
phénomène d’origine macroéconomique.
Bref, la théorie néoclassique et la théorie keynésienne ont chacun leur propre raisons et
visions du mécanisme du marché du travail.
Pour unifier la conception néoclassique et keynésienne, une théorie appelée « théorie de
synthèse » apparaît pour faire la synthèse entre les deux comme son nom l’indique. Voyons
cette théorie.
3. Théorie de la synthèse
Introduite par E. Malinvaud et J-P. Benessy (1977), la théorie de la synthèse ou encore la
théorie du déséquilibre fait une synthèse entre les approches néoclassiques et keynésienne.
Ici on suppose l’existence de deux marchés : le marché des biens et services, et le marché du
travail. Comme hypothèse, on considère que les prix et les salaires à court terme sont fixes
(Pourcel, 2002). Dans cette théorie, deux situations peuvent être présentées. Le chômage
classique existe, lorsqu’il y a un déséquilibre entre l’offre et la demande dans les deux types
de marchés : l’offre est supérieure à la demande dans le cadre du marché du travail tandis que
l’offre est inférieure à la demande dans le cas du marché des biens et services. Par contre sur
les deux marchés, l’offre est toujours supérieure à la demande, d’où le chômage keynésien.
Par conséquent, les échanges se réalisent à des prix qui n’égalisent pas l’offre et la demande
(prix de deséquilibre), et entrainent un déséquilibre entre les quantités demandées et offertes
(Pourcel, 2002). Pour le régime du chômage classique, dès que les prix sont très bas, les
entreprises ne sont pas inciter à satisfaire la demande et de créer des emplois. Donc, seule la
baisse du salaire qui permet de résorber le déséquilibre. En ce qui concerne le type de
chômage keynésien, par rapport à l’excès de l’offre, les entreprises ne peuvent pas produire
davantage à cause de l’insuffisance de la demande effective. Dans cette situation, seule une
politique de relance, sous l’intervention de l’Etat, qui garantit le retour à l’équilibre.
En effet, ces deux régimes de chômage doivent être traités de façons différentes avec des
remèdes différents. Mais les analyses ne restent pas là, toutes choses évoluent dans le temps.
A cause de la contestation de la doctrine néoclassique reposant sur l’hypothèse utopie et
19
fiction de la concurrence pure et parfaite qui, il y a une apparition des nouvelles recherches
renforcées par les travaux des autres théoriciens économiques. Ces recherches sont faites dans
le but d’introduire des éléments justifiant les phénomènes repérés sur le marché du travail. Il
s’agit des analyses récentes en matière de l’évolution du chômage.
B. Approches contemporaines du dysfonctionnement du marché du travail :
Les analyses traditionnelles du fonctionnement du marché du travail restent très contestables
pour expliquer l’évolution structurelle du chômage. Ainsi, de nombreuses nouvelles théories
mettant en valeur d’autres analyses explicatives du chômage émergent progressivement à
partit des années 60. En effet, dans les années 1960-1970, selon la note de (Duthil, 2004),
trois analyses partielles entrant dans le cadre strict de l’analyse néoclassique présentent des
causes très ponctuelles de l’évolution du chômage.
Ces théories sont, entre autres, la théorie du capital humain et la « théorie du job search »
ainsi que la théorie de la segmentation du marché du travail remettant en cause les hypothèses
CCP.
1. La théorie du capital humain
Initié par Becker11
en 1964, cette théorie considère que l’individu gère un capital qu’il
constitue à partir d’investissement en formation ou en éducation (Duthil, 2004). Le capital
humain est, de ce fait incorporel ou immatériel et parfaitement hétérogène entre les individus.
D’après l’affirmation de Duthil, ce capital humain est défini comme « l’ensemble des
capacités productives d’un individu provenant de l’acquisition préalable de connaissances
générales ou spécifiques ainsi que l’expérience passée notamment sur des systèmes de
production ». En effet, le capital humain comprend la formation initiale et continue c’est-à
dire toutes les connaissances théoriques et pratiques que le travailleur peut mobiliser dans son
activité de production, et le changement de lieu de travail qui accroît l’expérience et les
transferts de compétence.
Cette théorie remet en cause l’hypothèse d’homogénéité du travail préconisée par le CCP.
Chaque individu cherche à maximiser le meilleur profit de son stock de capital humain car
l’investissement en capital humain inclut un coût qui doit être compensé par un gain
11
Prix Nobel d’économie en 1992.
20
monétaire. Donc, le travail n’est plus homogène, mais il diffère selon le niveau du capital
humain de chaque individu.
Par conséquent, compte tenu du fait que chaque individu est sensé former un investissement
en formation, l’insuffisance de développement du capital humain individuel conduit certains
actifs à être au chômage puisque, en réalité, les demandeurs de travail ou les entreprises
n’embauchent que des travailleurs ayant la capacité et la compétence pour avoir la rentabilité
de son entreprise. Le chômage est donc expliqué par l’inadéquation de la demande de travail
avec l’offre de travail. D’où, la solution à ce type de chômage consiste, pour tout individu, à
compléter sa formation pour être conforme aux besoins de l’entreprise, voire aux besoins de
l’offre d’emploi.
2. La théorie de la recherche d’emploi :
La théorie de la recherche d’emploi, appelée encore « Théorie de job search » accuse
l’hypothèse d’information parfaite des agents économiques (Montoussé, 2002). Le chômage
est expliqué par l’imperfection de l’information et la durée de recherche d’un emploi. Ainsi,
Grangeas et Le page montrent, en 1993, dans leurs travaux sur l’économie de l’emploi, que le
chômage est la conséquence des délais de prospection du marché, inévitables dès lors que
l’information est imparfaite. C’est la théorie de la recherche d’emploi qui correspond à un
processus d’acquisition d’informations, sur la nature des postes de travail et sur le niveau de
salaires offerts, de la part des offreurs de travail ou, de recherche d’informations sur la qualité
et les performances attendues des travailleurs de la part des demandeurs de travail. En fait,
cette théorie en matière d’information imparfaite sur le marché du travail est développée par
Stigler (1962). Ce dernier explique que l’imperfection de l’information est causée par deux
raisons distinctes mais liées. D’une part, l’acquisition de l’information est coûteuse et,
d’autre part, chaque agent n’a besoin que d’une information partielle mais précise pour
prendre une décision.
Il existe, pour chaque décision, une quantité optimale d’information à acquérir, à tout
moment. La recherche d’emploi à un taux de salaire qui satisfait les travailleurs, implique des
coûts d’information à savoir les coûts12
liés à la candidature, le coût d’opportunité ainsi que le
12 Duthil (2004) explique que les coûts liés à la candidature correspondent aux coûts d’information sur
l’entreprise, coûts de transport et de présentation personnelle qui sont directs et variables. Le coût
21
coût psychologique. Par rapport à l’existence de ces coûts, l’offreur de travail vise à trouver,
parmi les offres d’emploi et de salaire, le gain monétaire le plus élevé ou le plus satisfaisant.
C’est la comparaison entre les deux grandeurs, le coût et le gain, qui limite le temps alloué à
la recherche fonction du temps consacré à la recherche de ceux-ci. Illustré dans le graphique
ci-dessous, la production de l’information est fonction croissante du temps consacré à la
recherche. Au début de sa recherche, le travailleur se fixe un salaire de « réservation » ou «
d’acceptation », c’est-à-dire un salaire minimal qu’il juge acceptable pour le type d’emploi
recherche.
Graphique 2: Taux de salaire et temps de recherche
w
w0
Source : Duthil, Economie du travail et des ressources humaines, 2004, p.83
En principe, lorsque le travailleur rencontre une offre d’emploi, dont le salaire est supérieur
ou égal à ce niveau, alors il l’accepte et abandonne ses recherches. D’après le graphique, au
fur et à mesure qu’il accumule de l’information et accroît ses recherches, le travailleur élève
ses prétentions salariales. Selon la théorie de la recherche, « sans cesse au cours de sa
recherche, l’individu se trouve confronté aux choix alternatifs suivants : soit accepter la
proposition d’emploi qui s’offre à lui mais à un niveau de salaire inférieur à ses prestations,
soit refuser l’offre d’emploi afin d’investir dans la recherche d’un emploi mieux rémunéré »
(Duthil, 2004).
De leur côté, les demandeurs de travail, les entreprises s’exposent à des coûts liés à
l’embauche. D’après Duthil, une firme peut ne pas avoir immédiatement un poste vacant. Elle
d’opportunité concerne le manque à gagner du fait de la recherche d’emploi puisque le temps consacré à celle-ci aurait pu être affecté à une activité productive, source de rémunération. Le coût psychologique est associé à la situation de demandeur d’emploi et à la précarité que cela suppose.
22
sélectionne alors des candidats pour optimiser son embauche en modifiant éventuellement la
définition de la fonction, la qualification recherchée et le salaire offert. Cette sélection
comporte des coûts tels que les coûts de publication de l’offre d’emploi dans le cas de
recrutement externe, les coûts de sélection des candidats ainsi que les coûts liés au
dysfonctionnement dus à la vacance du poste. Alors, pour compenser ces coûts et notamment
maximiser le profit, les demandeurs ne recrutent que les travailleurs ayant les niveaux de
formation et d’efficacité productive le plus élevés. Par conséquent, la difficulté de
connaissance du marché, dans ce cadre, est à l’origine d’une persistance, voire même
l’aggravation du chômage.
3. La théorie de la segmentation du marché du travail :
Au fil du temps, une toute nouvelle théorie s’est développée dans les années 80 ; la théorie de
la segmentation du marché du travail. Cette théorie qui a fait son apparition dans les années
1960-1970 aux Etats-Unis fait la distinction au marché du travail interne au marché externe »
à l’entreprise (Duthil, 2004).
La théorie de la segmentation du marché du travail.
Selon cette théorie, inventée par Doeringer et Piore, en 1969, le marché se divise en deux
segments. Sur chacun de ces marchés, il y a des règles spécifiques de recrutement, de
rémunération ou de promotion interne. Il s’agit du marché primaire et marché secondaire.
Le marché primaire regroupe les emplois les mieux rémunérés, les plus stables et les plus
attirants occupés par les membres les plus privilégiés de la population active. Les relations de
travail sont institutionnalisées et codifiées. En fait, sur ce marché, il existe, en plus du salaire
élevé, une meilleure condition de travail, un statut social, une reconnaissance de salaire dans
l’organisation ainsi que de fortes possibilités de promotion interne et de mobilité externe
volontaire. La motivation et les bons résultats sont récompensés. Ainsi, ce marché concerne
surtout les salariés de sexe masculin qualifiés et résidents.
Le marché secondaire se caractérise par les éléments inverses par rapport au marché primaire.
Il rassemble les emplois précaires, routiniers, qui encouragent, d’après Duthil, les
caractéristiques de dépendance, de discipline envers les règles et l’autorité, l’adhésion aux
buts de la firme. Les relations de travail y sont personnalisées, d’où, aucun syndicat ne vient
23
perturber le jeu de la concurrence. Ce marché touche, en particulier, les personnes sans
qualifications, les jeunes, les femmes et les immigrés.
En effet, cette segmentation du travail entraine un dysfonctionnement du marché de travail. A
cause de l’existence des inégalités entre les deux marchés, des instabilités font surface. Il y a
l’instabilité de la demande de travail liée à la production et il y a des instabilités dans les
emplois secondaires subsistant du fait des comportements des salariés. Enfin, l’instabilité des
entreprises persistent aussi, dans l’exercice de leurs activités
Bref, toutes les théories sur le dysfonctionnement du marché du travail tendent à chercher des
explications à l’existence du chômage. Comme on a pu constater il existe plusieurs théories
explicatives du chômage et à chaque explication vient des propositions pour y remédier. Mais
le problème, en général, réside, dans l’absence de coordination des actions des agents
économiques face à la réalité du phénomène économique existant : d’où l’émergence d’un
grand problème tant économique que social, dans le monde entier, qui est la pauvreté. Ci-
après donc nous allons parler de la pauvreté.
24
PARTIE II : L’EMPLOI ET LA PAUVRETE A MADAGASCAR
25
Cette partie a pour objet d’analyser la pauvreté et l’emploi à Madagascar. Pour établir une
analyse pertinente sur la question de pauvreté et l’emploi à Madagascar, nous allons faire le
diagnostic du pays en premier lieu. Pour ce faire, nous étudions d’une part les principales
causes et l’évolution de la pauvreté à Madagascar et d’autre part, expliciter les
caractéristiques et les problématiques de l’emploi. En second lieu, nous portons notre étude
sur une présentation de quelques éléments d’analyses sur l’interaction entre l’emploi et la
pauvreté, ainsi que les stratégies de réduction de la pauvreté.
CHAPITRE I : SITUATION DE LA PAUVRETE, DE L’EMPLOI ET DU
MARCHE DU TRAVAIL A MADAGASCAR
Avec une population de 22,9 millions d’habitants dont 56,1% âgés de 15 à 64 ans en 2014
(United Nations, 2015), Madagascar est l’un des pays en développement les moins avancés.
La majorité de la population vit dans la pauvreté. Pour 1995-2005, l’indicateur de
développement humain ou IPH correspondait à un taux de pauvreté de 63,0% dans chacune
des dimensions13
considérées.
Cette estimation de la pauvreté humaine semble cohérente avec le fait que, depuis une dizaine
d’années, plus de deux tiers des malgaches sont pauvres en termes monétaires (République de
Madagascar, 2005 ; Ministère de l’économie, des finances et du budget, 2006). Actuellement,
la situation de la pauvreté ne cesse de s’aggraver. Selon l’enquête nationale sur le suivi des
objectifs du millénaire pour le développement à Madagascar, mise en œuvre entre 2012 et
2013, par rapport aux seuils internationaux, environ 91%14
de la population malagasy qui est
estimée près de 21,3 millions d’habitants vivent dans la pauvreté.
En général, l’état de la pauvreté à Madagascar est lié aux problèmes de l’emploi et du marché
du travail. Le présent chapitre tente de faire un diagnostic sur ces problèmes de pauvreté,
d’emploi et du marché du travail.
13 Une probabilité de décès avant 40ans de 27,8%, un taux d’analphabétisme des adultes de 29,4%, une
proportion d’individu ayant accès à l’eau potable de 55%, un taux de malnutrition des enfants de moins de 5 ans de 33% ( UNDP, 2OO5). 14 L’utilisation du seuil de 2 dollars PPA de 2005, associé aux taux d’inflation 2005 et 2012 aboutit à ce taux.
Quant à l’extrême pauvreté à 1,25 $ PPA, elle touche 77,1% de la population du pays (ENSOMD, 2012-2013).
26
D’une part, la mise en œuvre de politique socioéconomique efficace comme remèdes
nécessaires à la réduction de la pauvreté passe, au préalable, par une meilleure connaissance
des mécanismes explicatifs de la pauvreté et son évolution. D’autre part, afin de mieux
comprendre le fonctionnement de l’emploi et du marché du travail, il convient d’apprécier
successivement les structures ou caractéristiques et les problématiques de l’emploi.
A. Cas de la pauvreté
Dans cette partie, nous allons étudier la pauvreté à Madagascar. Pour ce faire dans un premier temps
nous allons examiner les facteurs déterminants de la pauvreté à Madagascar et dans un second
temps l’évolution de la pauvreté dans le pays.
1. Les facteurs déterminants de la pauvreté :
Les causes de la pauvreté à Madagascar sont multiples. Elles sont à la fois exogènes, c'est-à-
dire liées à la crise internationale, et endogènes qui sont des sources propres du pays. En
revanche, il n’est pas possible de citer tous les facteurs de la pauvreté. De ce fait, l’analyse
s’intéresse, en particulier, sur les principales sources endogènes à savoir la faible capacité de
gestion de l’Etat, les caractéristiques démographiques et les crises sociopolitiques cycliques.
a. La faible capacité de gestion de l’Etat
La faiblesse de l’Etat en matière de gestion est visible à travers sa difficulté à mettre en œuvre
des politiques économiques efficaces. Cette faiblesse peut être expliquée par diverses raisons.
A Madagascar, il y a une forte concentration du pouvoir et des personnels de l’Etat au niveau
central. Or, ces derniers sont sous-utilisés et mal payés. D’où l’apparition des conséquences
qui sont relativement lourde entre autres, la complexité des procédures administratives, la
prolifération de la corruption, le non-respect de la législation fiscale, notamment le manque de
cadre d’orientation permettant de coordonner les actions de l’Etat, du secteur privé et le reste
de la société civile. En effet, les fonctionnements des Ministères se trouvent cloisonnés
laissant les bailleurs de fonds fixer les priorités et les projets à mettre en œuvre. Tout ce
phénomène aggrave ainsi la pauvreté puisque c’est au niveau de l’Etat, principal moteur et
acteur de développement économique et social, des dysfonctionnements persiste en matière de
gestion.
27
b. Caractéristiques démographique
Par rapport au pays d’Afrique Subsaharienne, le taux d’accroissement de la population à
Madagascar est relativement élevé selon le Rapport national de 2010. Si ce taux n’est que
2,3% dans les pays d’Afrique Subsaharienne, il s’élève à 2,8% à Madagascar. Ce phénomène
est accentué par la longévité relativement élevée des Malagasy qui ont une espérance de vie
moyenne période de transition démographique avec une fécondité encore très forte.
Selon le rapport élaboré par l’Unicef 2009, la population malagasy est estimée à 19,1 millions
dont 78% des ruraux maintenant on estime ce nombre de population à 22.9 millions, soit une
augmentation de 3,1 millions en 7 ans seulement.
D’après les pyramides des âges de l’année 2005 et 2015, la population malgache est une
population jeune. Environ 85% de cette population vit dans le milieu rural d’après le
Ministère de la fonction publique, du travail et des lois sociales en 2006. Donc à Madagascar,
la pauvreté est un phénomène majoritairement rural.
En rapport à cela, d’après l’ENSOMD (2012-2013), les pauvres du milieu rural connaissent
un degré de dénuement plus important que ceux de la capitale puisque l’intensité de la
pauvreté rurale est très forte avec un taux de 36%, comparée à celle de la capitale avec 9%.
Madagascar est aussi caractérisé par l’abondance de la population à charge par rapport à la
population active. Cela constitue un problème crucial qui accentue l’état de la pauvreté. Ainsi,
annuellement, près de 60000 jeunes avec un niveau de qualification très bas arrivent sur le
marché de l’emploi pour gagner leur vie (Ministère de la fonction publique, du travail et des
lois sociales, 2006).
c. Crises sociopolitiques cycliques
Depuis son indépendance, Madagascar a connu quatre crises sociopolitiques : en 1972, 1991,
2002 et 2009 (Unicef, 2010). Selon le rapport de l’Unicef, les crises ont entrainé des effets
néfastes tant sur le plan économique que social. Au cours et à la fin de chaque crise, la
population malagasy assiste à l’appauvrissement général, au ralentissement des activités
économiques, à la montée générale de l’insécurité et de la corruption. Les crises ont produit
aussi une forte perte d’emplois formels, le renchérissement du coût de la vie, le ralentissement
des activités des unités de production ainsi que l’arrêt ou la réduction des services publiques.
28
Selon l’ENSOMD (2012-2013) : « la crise post-électorale de la fin 2001 était caractérisée par
des grèves de longue durée15
ayant paralysé l’île : machine administrative bloquée et activités
économiques pratiquement à l’arrêt, surtout dans le secteur formel urbain. Au cours de cette
même période, la recolonisation du secteur informel est apparue : plus de 62% des travailleurs
du secteur formel ont changé d’emploi et se sont réfugiés dans le secteur informel ».
En outre, les différentes crises ont provoqué une désorganisation économique et sociale
caractérisée par une aggravation du phénomène de pauvreté et de vulnérabilité (Unicef, 2010).
En effet, il y avait une émergence d’une nouvelle catégorie de pauvres notamment dans les
milieux urbains comme la capitale. Mais des déficits en termes d’alimentation, de revenu et
surtout d’emploi ont caractérisé les crises.
D’après le rapport de l’enquête emploi 2010, à cause de la faillite des unités de production et
des entreprises, il y avait une destruction du marché du travail. Il s’agit, entre autres, de
l’augmentation du chômage et du sous-emploi, ainsi que l’effondrement du pouvoir d’achat
des travailleurs et un accroissement de l’inégalité et de la pauvreté. Par exemple, à travers
l’enquête annuelle sur l’emploi, une forte baisse de -5,6% des revenus mensuels moyens en
termes réels a été constatée entre 2001 et 2002. De plus, selon l’ENSOMD (2012- 2013) le
taux de sous-emploi global16
a augmenté de 10 points en une année : 52,7% en 2001, à 62,7%
en 2002, et le taux de chômage est passé de 4,4% à 7,5%.
En effet, les crises sont les origines essentielles de la pauvreté puisqu’elles affectent
gravement la vie de la population dans son ensemble. A l’instar de ces crises, les
caractéristiques démographiques de la population et la faiblesse de la capacité de gestion de
l’Etat sont des causes non négligeables de l’aggravation de la pauvreté à Madagascar.
2. L’évolution de la pauvreté
Pour apprécier l’évolution de la pauvreté à Madagascar, deux sources quantitatives sont
présentées. Ce sont les sources provenant du Rapport National Madagascar en 2010, et de
l’Enquête Nationale sur le Suivi des Objectifs du Millénaire pour le Développement mise en
œuvre entre 2012 et 2013.
15
Plus de 7 mois 16 Le taux de sous-emploi global indique la proportion des individus en situation de chômage, ou de sous
emploi lié à la durée de travail, ou d’emplois inadéquats dans l’ensemble de la population active
29
a. Dans le cadre du Rapport National Madagascar
Selon ce rapport, quelle que soit la définition de la pauvreté adoptée, Madagascar fait partie
des pays les plus pauvres du monde. Les indicateurs macroéconomiques indiquent que la
nation s’est globalement appauvrie au cours des quarante dernières années.
Entre 2001 et 2005, selon le rapport mondial sur le développement humain du PNUD,
Madagascar a gagné six positions dans le classement mondial selon l’indicateur de
développement humain qui est passé de 149ème à 143ème sur un total de 177 pays (PNUD,
2008). En effet, au cours de cette période, sauf en 2002, Madagascar a fait des progrès en
matière de l’IDH traduisant le changement de l’espérance de vie à la naissance, du taux de
scolarisation, du taux d’alphabétisation des adultes et le revenu Parité de Pouvoir d’Achat.
Graphique 3: Evolution des dix dernières années de l'IDH
Sources : Rapport sur le Développement Humain (in Rapport National Madagascar, 2010-p.7)
D’après le dernier rapport sur le développement en 2010, le niveau d’IDH de Madagascar est
de 0,435. Le taux brut de scolarité calculé pour tous les niveaux de scolarisation confondus se
situe à 74%, tandis que l’espérance de vie à la naissance est de 61,2 ans. Cependant, ce niveau
d’IDH n’est pas uniforme pour tous les territoires en raison de la faiblesse du niveau de
revenus monétaires.
Par ailleurs, le taux de pauvreté à Madagascar n’a pas vraiment eu de changement significatif.
Au niveau national, l’incidence de la pauvreté est restée autour de 70% environ. Pour les
différentes ex-Provinces, la tendance de l’évolution du taux de la pauvreté reste la même.
Certaines provinces sont plus touchées et représentent les taux de pauvreté très élevés. C’est
le cas de la province de Fianarantsoa, Toamasina et Toliara. Entre 1993 et 1999, l’incidence
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010
IDH
30
de la pauvreté diffère selon le milieu de résidence. Dans le milieu urbain, elle s’est
relativement stabilisée et est évaluée respectivement à 50,1% et de 52,1%. Par contre, dans le
milieu rural, elle s’accroît jusqu’à un niveau plus élevé : 74,5% en 1993, et 76,7% en 1999.
Tableau 1: Evolution de l'incidence de la pauvreté par Faritany
1993 1997 1999 2005 2010
EX-Province
Antananarivo 68 66,4 61,7 57,7 66,8
Fianarantsoa 74,2 75,1 81,1 77,6 88,2
Toamasina 77,9 79,8 71,3 71,9 78,3
Mahajanga 53,2 73,8 76 70,2 71,6
Toliara 81,1 82 71,6 74,8 82,1
Antsiranana 60,2 62,3 72,6 64,2 68,1
Milieu de
Résidence
urbain 50,1 63,2 52,1 52 54,2
Rural 74,5 76 76,7 73,5 82,2
Madagascar 70 73,3 71,3 68,7 76,5
Sources: EPM 1993, 1997, 1999, 2005, 2010 (in Rapport National Madagascar, 2010-p.7
Concernant l’intensité de la pauvreté en 2010, elle est de 35% au niveau national. En effet, en
moyenne, si on ramène la consommation des non pauvres au niveau du seuil de pauvreté,
alors la population aurait une consommation moyenne inférieure à 35% du seuil de pauvreté.
D’une autre manière, il faudrait une hausse moyenne des consommations de 35% pour qu’il
n’y ait plus de pauvres. Si on regroupe les ménages par milieu de résidence, correspondant à
la variation des ratios de la pauvreté, la hausse est plus importante en milieu rural qu’urbain
31
Tableau 2: Evolution de l'intensité de la pauvreté par Faritany (ex-province)
1993 1997 1999 2005 2010
EX-Province Antananarivo 27,8 29,1 26 19,4 24,6
Fianarantsoa 33,7 32 40,2 30,6 44,7
Toamasina 33,7 39,3 32,6 3,9 36,5
Mahajanga 18,6 29,1 36,5 26,2 27,9
Toliara 42,8 46,4 33,7 32,9 44,2
Antsiranana 22 23,9 32 25,2 29
Milieu de Résidence urbain 17,5 29,6 21,4 19,3 21,3
Rural 33,1 34,7 36,1 28,9 38,3
Madagascar 70 30,3 33,6 32,8 34,9
Sources: EPM 1993, 1997, 1999, 2005, 2010 (in Rapport National Madagascar, 2010-p.8)
b. Dans le cadre de l’Enquête Nationale sur le Suivi des Objectif du Millénaire pour le
Développement à Madagascar
Selon l’enquête permanent effectué auprès de ménager, l’évolution du taux de la pauvreté entre
2001 et 2012 se résume dans le tableau suivant. :
32
Tableau 3: Evolution en chiffre du taux de la pauvreté à Madagascar entre 2001 et 2012
2001 2002 2005 2010 2012
Madagascar
Seuil national 69,6 80,7 68,7 76,5 71,5
Seuil 1,25$PPA courant 75,6 88,1 76,3 82 77,1
Seuil 2$PPA actualisé 87,8 93,9 91,1 93,2 91
Urbain
Seuil national 44,1 61,6 52 54,2 48,5
Seuil 1,25$PPA courant 51,8 73,6 60 60,7 55,8
Seuil 2$PPA actualisé 73,5 87,1 80,9 81,9 80
Rural
Seuil national 77,1 86,4 73,5 82,2 77,3
Seuil 1,25$PPA courant 82,6 92,3 80,8 87,4 82,5
Seuil 2$PPA actualisé 92,1 95,5 94 96 93,7
Source : INSTAT/EPM 2001, 2002, 2005, 2010, 2012 (in ENSOMD, 2012-p.137)
D’après cette enquête nationale, quel que soit le seuil de pauvreté considéré, l’évolution de la
pauvreté à Madagascar suit une même tendance : une forte hausse du ratio de pauvreté entre
2001 et 2002, puis une baisse importante entre 2002 et 2005, une nouvelle forte hausse entre
2005 et 2010, et finalement, une légère baisse entre 2010 et 2012. En principe, cette donnée
est expliquée par les évolutions des agrégats macroéconomiques et la persistance des crises
cycliques répétées sur les conditions de vie de la population. Les variations sont moins
accentuées avec le seuil de 2$PPA, phénomène dû au fait que la distribution de la
consommation par tête est très étalée vers les niveaux pauvres et les plus pauvres et indique la
disparition petit à petit de la classe moyenne au sein de la société malagasy.
Entre 2002 et 2010, à cause des crises politiques de 2002 et de 2009, les conditions de vie des
ménages se détériorent. Par la suite, les chocs provenant de ces crises aggravent la situation de
la pauvreté aussi bien dans le milieu urbain qu’en milieu rural. Toutefois, entre 2010-2012,
après le choc brutal de 2009, un phénomène d’ajustement ou d’adaptation stabilise la situation
des ménages.
33
B. Cas de l’emploi et du marché du travail
Cette partie sera consacrée à l’analyse de l’emploi et du travail à Madagascar. Dans ce cadre, nous
allons voir d’abord les caractéristiques de l’emploi et du marché de travail à Madagascar ensuite les
problèmes y afférents.
1. Les caractéristiques de l’emploi
Le diagnostic de l’emploi et du marché de l’emploi à Madagascar montre qu’ils sont
caractérisés par un taux d’activité élevé, par la prédominance de secteur informel et par de
mauvaise condition de travail. Ces caractéristiques sont parmi tant d’autre mais nous avons
expliqué ci-après ceux qu’on a jugés nécessaires d’en parler.
a. La population active : taux d’activité élevé
Le taux d’activité à Madagascar est structurellement élevé. Presque tout individu d’âge adulte
et physiquement apte travaille de 66,1% correspondant aux offres disponibles sur le marché
de travail. Pour ceux qui sont légalement en âge de travailler, ce taux s’élève à 90,2%.
Graphique 4: Structure démographique de la population active
Sources : INSTAT/ EPM 2010 (in Razafimanatena, « Les conditions du marché du travail
dans un contexte de crise à Madagascar : cas de l’année 2010 », 2010-p.14)
D’après le graphique ci dessus, plus de la moitié de la population active c'est-à-dire 59,8%
sont des adultes âgés de 25 à 65 ans. Parmi les autres catégories de la population, 27,5% des
travailleurs sont âgés de 15 à 24 ans ; et les enfants de 6 à 10 ans représentent 3,6% des actifs.
34
D’ailleurs, suivant l’enquête nationale sur l’emploi et le secteur informel en 2012, 79% de la
population potentiellement active réside en milieu rural avec un taux de 65% ; et ce taux
d’activité est plus élevé vu dans le graphique ci-après, le taux d’activité suit les étapes
successives de cycles de la vie cursus scolaire, en général, les individus intègrent dans le
d’activité ne cesse d’augmenter, et il atteint son niveau maximum pour les 40 à 45 ans. Par la
suite, dès 45 ans, ce taux diminue lentement jusqu’à l’âge de la retraite.
Graphique 5: Taux d'activité par sexe et par âge en 2012
Homme Femme Ensemble
Sources : INSTAT/DSM-PNUD-BIT-IRD/DIAL, ENEMPSI 2012-p.24
b. Prédominance du secteur primaire et informel
L’économie malgache est caractérisée par la prépondérance du secteur agricole et informel
d’après les données de l’ENEMPSI 2012. D’une part, selon la structure des emplois par
branches d’activité, le secteur primaire à Madagascar est important dans la création des
emplois. En 2012, 80% des emplois créés en milieu rural se trouvent dans le secteur primaire.
Par exemple, dans la région Sofia, 9 emplois occupés sur 10 sont des emplois issus du secteur
primaire. Or, d’après les informations provenant de l’EPM en 2010, dans le cadre de ce
secteur, les activités agricoles concernent notamment les agricultures de subsistance peu
mécanisées. En outre, selon l’ENEMPSI, en 2012 le commerce et les autres services
n’occupent respectivement que 7% et 2,8% des emplois (cf. annexe 1). Hormis l’agriculture,
conformément à l’ENSOMD 2012-2013, les activités les plus habituelles correspondent aux
activités de commerce et aux services privés autre que l’éducation et la santé. Par conséquent,
avec un taux de 70% du point de vue global, le secteur agricole reste un important pourvoyeur
d’emploi à Madagascar.
0%
20%
40%
60%
80%
100%
120%
5 à 9 10 à 14 15 à19 20 à 24 25 à 29 30 à 34 35 à 39 40 à 44 45à 49 50 à 54 55 à 59 60 et +
35
D’autre part, à côté du secteur primaire, le secteur informel constitue une part importante dans
la structure de l’emploi. Autrement dit, le secteur informel est l’un des traits caractéristiques
des emplois créés à Madagascar : en 2012, 9 emplois sur 10 se trouvent dans le secteur
informel selon l’ENEMPSI 2012. D’après cette dernière, la majorité des activités dérivant du
secteur informel est effectuée par les régions d’Analamanga et de DIANA avec un taux
respectif de 40,8% et 28%. En revanche, c’est également dans ces mêmes régions que la
création d’emploi dans le secteur formel est la plus importante. Mais, d’une manière générale,
le secteur informel est aussi un autre grand pourvoyeur d’emploi.
En ce qui concerne les autres secteurs tels que le secteur public et les entreprises associatives,
selon toujours les données ci-après, ils constituent seulement une moindre proportion
d’emploi créé. La part de l’administration publique est de 6,3% en milieu urbain, et 1,6% en
milieu rural. Dans la réalité, cela est due à cause des difficultés d’accès à ces secteurs compte
tenu des étapes et procédures à suivre si on ne cite que le cas des concours aux différents
postes administratifs.
Tableau 4: Structures des emplois (en %) par le milieu de résidence et de secteur
institutionnel
Milieu Administration
publique
Entreprise
Formelles
Entreprises
Informelles
Hors
Agriculture
Entreprises
Informelles
Agricoles
Entreprises
Associative
Total
Urbain 6,3 11,3 36,7 44,6 1,2 100
Rural 1,6 1,9 13,1 83 0,4 100
Sources: INSTAT/DSM-PNUD-BIT-IRD/DIAL- ENEMPSI 2012-p.36
c. Mauvaises conditions d’activités
Selon le Directeur Général du BIT lors d’une conférence tenue à Santiago le 14 décembre
2010, « la qualité de l’emploi détermine la qualité d’une société. Renoncer à cette idée serait
condamné des millions de travailleurs à un avenir incertain » 17
(in Razafimahefa, 2013). A
Madagascar, cette affirmation touche certainement la situation dans le marché du travail
puisque les conditions d’activités des travailleurs sont inadéquates.
17 Source : http://www.ilo.org/global/about-the-ilo/press-and-media-centre/news/
36
En général, ces conditions d’activités sont caractérisées par une accentuation de l’inégalité
salariale, la segmentation du marché du travail formel ainsi que la faible incidence du travail
décent (PNUD, INSTAT, OIT, 2010).
D’abord, selon le rapport sur le développement humain, l’inégalité des conditions de
rémunérations et la baisse du salaire réel sont des traits marquants des conditions d’activités à
Madagascar. Cette inégalité concerne à la fois les revenus salariaux du secteur public et du
secteur privé formel au sein de la catégorie socioprofessionnelle (Ministère de la fonction
publique, du travail et des lois sociales, 2006).
De plus, les résultats issus d’une étude menée par le BIT sur le marché du travail à
Madagascar (Lachaud, 2006) montrent l’existence de la segmentation du marché du travail
dans le secteur formel. A titre illustratif, plus de 56% du différentiel des gains sont dus aux
différences des rendements des dotations dans les deux secteurs d’activités impliquent que les
salariés du secteur public gagnent 74% de plus que les salariés du secteur privé (PNUD,
INSTAT, OIT, 2010).
Tableau 5: Revenus salariaux moyens nominaux par catégorie socioprofessionnelle et
selon le secteur institutionnel (unité: millier d'Ariary)
cadre Supérieur ou
moyen
Ouvrier ou salarié
qualifié
Ouvrier
non
qualifié
Ensemble
Secteur Public 2994 1546 616 1966
Secteur Privé
Formel
2312 1197 518 900
ONG 2481 1115 385 1030
Ensemble 2771 1309 481 991
Sources : INSTAT/DSM/EPM 2005
Enfin, le travail décent n’est qu’un mirage à Madagascar. Les principes du travail décent18
ne
sont pas respecter (PNUD, INSTAT, OIT, 2010), puisque la plupart de la population active
18 Le travail décent regroupe divers éléments : possibilités d’exercer un travail productif et convenablement
rémunéré, sécurité au travail et protection sociale, équité et liberté pour les êtres humains d’exprimer leurs
37
exerce encore d’emploi non protégé, concrétisé par l’absence de contrat écrit. D'après
l’ENSOMD (2012-2013), l’affiliation au système de protection sociale, à la caisse de retraite
ou à des congés payés, est très faible car moins de 6% des actifs occupés en sont couverts. Ce
sont les ménages pauvres qui ne bénéficient ni la protection sociale ni les avantages sociaux
par rapport aux riches. Selon le niveau de consommation du ménage, les actifs occupés dans
les ménages pauvres exercent des activités à très faible protection sociale.
Ainsi, les caractéristiques ou les structures de l’emploi à Madagascar présentent des
imperfections de divers ordres dans tous les secteurs, au niveau de la population active et des
conditions de travail. Donc de nombreux problèmes subsistent.
2. Problématiques de l’emploi
a. Forte quantité-faible qualité d’offre de travail
L’afflux important d’offre de travail par rapport à sa faible qualité constitue un problème
majeur dans le marché du travail à Madagascar. L’insertion au travail est beaucoup plus
importante tant dans le milieu rural qu’urbain dont le taux d’activité touche respectivement de
67% et 58% d’après le rapport national sur le développement humain en 2010. Or, les offres
de travail émanant des travailleurs sont, en grande partie, de mauvaise qualité. Selon toujours
le même rapport, l’une des causes affaiblissant la qualité de travail à Madagascar est liée au
niveau d’instruction (cf. annexe 2). Ce dernier qui indique le niveau de compétence du capital
humain reste encore assez faible : en 2005, plus de 83% de la population active n’ont pas
dépassé le niveau d’éducation primaire et seulement 3% ont pu suivre l’enseignement
supérieur (PNUD, INSTAT, OIT, 2010). Donc, en principe, l’insuffisance du niveau de
capital humain diminue le niveau la qualification des travailleurs et provoque des effets
contradictoires sur l’état de la qualité et de la quantité d’offre de travail. Autrement dit, les
difficultés d’accès à l’éducation augmentent la quantité de l’offre de travail mais affaiblit sa
qualité.
b. Insertion précoce des enfants dans le monde du travail
Selon l’EPM 2010, les enfants de moins de 18 ans représentent 53,4% de la population soit
plus de la moitié de la population totale en 2010. Conformément aux donnés de l’ENEMPSI
préoccupations, de s’organiser et de participer à la prise de décision qui influent sur leur vie, égalités de chances et de traitements pour l’ensemble des hommes et des femmes (PNUD, INSTAT, OIT, 2010).
38
en 2012, la plupart de ces enfants ne fréquentent plus l’école mais intègrent au marché du
travail à cause du manque d’argent ou bien des contraintes financières et des difficultés de la
vie19
. A titre d’exemple, d’après l’ENEMPSI, sur la population des 6 à 9 ans, 21% ne vont
plus à l’école mais cherchent des travails afin de survivre. De plus, en 2005, plus de 10% de la
population active ont entre 6 et 15 ans (PNUD, INSTAT, OIT, 2010), et en particulier, dans la
région d’Androy, plus d’un quart de la main d’œuvre disponible sont des enfants.
En outre, les résultats de l’enquête nationale sur le travail des enfants (BIT/IPEC/INSTAT,
2007) montrent que parmi les enfants de 5 à 17 ans, 28% sont économiquement actifs. Par
conséquent, l’insertion précoce des enfants demeure une réalité qui fait partie des attributs
négatifs de l’environnement du travail à Madagascar.
a. Chômage et aggravation du sous emploi
Chômage
Le chômage est un indicateur de tensions sur le marché du travail et montre le désajustement
entre offre et demande. Selon l’ENSOMD (2012-2013), le niveau de chômage est
relativement faible à Madagascar et il est un phénomène urbain comme le montre le tableau
ci-dessous. En 2013, le taux de chômage est globalement estimé à 3,6% tandis qu’il était de
1.7% en 2012. Généralement, la faiblesse de ce taux de chômage est produite par l’abondance
de l’activité agricole et du secteur informel où la plupart du temps, l’entrée est libre.
Tableau 6 : Taux de chômage par milieu
Milieu de résidence Taux de chômage (en %)
Urbain 4,5
Rural 1,1
Ensemble 1,7
Sources : INSTAT/ENSOMD 2012-2013, p.16
D’ailleurs, selon l’ENEMPSI 2012, le chômage concerne plus les femmes que les hommes.
En 2012, environ 6 chômeurs sur dix sont des femmes. Particulièrement, le niveau de
chômage est très élevé chez les jeunes comme le montre le graphique ci-après. En outre, le
19 Le travail des enfants est aussi expliqué par les pressions économiques subies par les ménages, l’apport de
revenu supplémentaire, la baisse de revenus apportés par les adultes suites à la perte d’emploi ou à la réduction du temps de travail. Mais, l’insertion précoce des enfants sur le marché du travail aboutit à une baisse du niveau de capital humain et de productivité
39
taux de chômage augmente au fur et à mesure que le niveau d’éducation et le niveau de vie
sont plus élevés. Il est estimé à moins de 2% chez les non instruits à plus de 10% chez les
universitaires, aux environs de 2% chez les ménages des quartiers inférieurs et à environ de
5% chez les ménages les plus riches (PNUD, INSTAT, OIT, 2010).
Graphique 6: Taux de chômage par âge
Sources : INSTAT/DSM-PNUD-BIT-IRD/DIAL, ENEMPSI 2012, p.28
Par ailleurs, à Madagascar, le niveau de chômage diffère selon les régions, il atteint un niveau
plus élevé qui est entre 7 à 8% dans la région de DIANA, et est à faible niveau dans les
régions d’Itasy et d’Androy. Mais selon l’ENEMPSI 2012, le taux de chômage évolue car
presque la moitié des régions a un taux de chômage inférieur à 0,5%.
Aggravation du sous emploi
L’ENSOMD (2012-2013) permet d’appréhender les deux facettes du sous emploi sur le
marché du travail : le sous-emploi lié à la durée du travail et la situation d’emplois inadéquats.
Le sous-emploi lié à la durée de travail fait référence aux individus travaillant moins de 35
heures par semaine. Le taux de sous-emploi lié à la durée du travail est la proportion des
employés, dont l’horaire hebdomadaire descend à moins de 35 heures, par rapport à
l’ensemble des actifs occupés.
0
0,5
1
1,5
2
2,5
3
3,5
5 à 9 10 à 14 15 à19 20 à 24 25 à 29 30 à 34 35 à 39 40 à 44 45à 49 50 à 54 55 à 59 60 et +
Ensemble
40
Quant à la situation d’emplois inadéquats, elle se réfère à la faiblesse de la productivité
effective des travailleurs laquelle est due à des conjonctures difficiles comme l’inadéquation
formation-emploi, faiblesse de la rémunération20
et mauvaises conditions de travail.
D’une part, conformément aux données de cette même enquête, le sous-emploi lié à la durée
du travail constitue un problème du marché du travail à Madagascar. En 2012, près de quatre
actifs occupés sur dix travaillent effectivement moins de 35 heures par semaine contre leur
gré. La situation varie selon les caractéristiques démographiques individuelles. Les femmes
sont plus affectées que les hommes, puisque plus de 46% d’entre elles sont concernées.
D’ailleurs, les travailleurs de la tranche d’âge de la vie active, entre 15 à 65 ans, sont plus
épargnés avec seulement un taux de sous-emploi lié à la durée de travail de 36%.
L’ENSOMD (2012-2013) montre que compte tenu de la faible capacité de l’économie à
absorber la main d’œuvre qui se présente sur le marché du travail, la concurrence est assez
rude et les rares opportunités d’emplois sont allouées à plein temps aux travailleurs les plus
efficients.
Tableau 7: Taux de sous emploi lié à la durée du travail, selon le genre et selon l'âge
Unité : %
Age Homme Femme Ensemble
5 à 14 ans 65,4 70,3 67,7
15 à 64 ans 28,2 43,3 35,7
65 ans et plus 45,6 56,8 50,6
Ensemble 32,9 46,4 39,5
Sources : INSTAT/ENSOMD 2012-2013
D’ailleurs, selon le secteur institutionnel, c’est dans la catégorie des emplois indépendants que
le cas du sous-emploi par rapport à la durée est le plus important, avec plus de 40%. Par,
contre, d’après l’ENSOMD (2012-2013), c’est dans le secteur privé formel comme la zone
franche que le sous-emploi est faible, avec seulement 11,6 %.
20 Rémunération moins du Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti ou SMIG en vigueur : 100000 Ariary par
mois au moment de l’enquête.
41
D’autre part, en se référent toujours aux résultats de l’ENSOMD (2012-2013), la situation
d’emploi inadéquat regagne du terrain en 2012. Les salariés touchant mois du salaire horaire
minimum, au prix courant, représentent plus de 44,8% de l’ensemble des salariés.
Ensuite, sur la base des données de l’enquête, plus de 65% des travailleurs non instruits sont
touchés par ce type d’emploi s’il ne concerne qu’environ 8% des individus de niveau
universitaire.
En outre, d’après l’analyse comparative du sous-emploi lié au revenu en 2005 et celle de 2010
(Razafimanantena, 2013), pour les travailleurs sans instructions et ceux possédant le niveau
primaire, les taux de sous rémunérations sont respectivement en baisses. Au contraire, pour
les travailleurs ayant le niveau secondaire et supérieur, cette forme de sous-emploi a
augmenté. Selon INSTAT dans l’EPM 2005, 2010, malgré les variations opposées des
incidences des sous-emplois liés au revenu du travail, le taux de sous-emploi des sans
instructions est 3,8 fois plus que celui des travailleurs ayant le niveau supérieur.
42
CHAPITRE II : ANALYSE DE LA RELATION ENTRE LA PAUVRETE,
L’EMPLOI ET LE MARCHE DE TRAVAIL
A Madagascar, la pauvreté et le chômage sont deux phénomènes très préoccupants. Plus crucial
encore est que l’emploi ne protège nécessairement contre la pauvreté. En effet, il a été constaté que
27,5% des actifs occupés vivent en dessous du seuil de pauvreté d’après EPM. Cela nous a donc
incités à poser la problématique suivante : Dans quelles mesures l’emploi permet-il de réduire
efficacement la pauvreté à Madagascar ? Pour répondre à cette question nous avons eu recours à
des approches économétriques et statiques sur la relation entre la pauvreté et l’emploi.
A. Approche économétrique
Dans cette approche, il existe deux analyses différentes mais semblables, d’un côté une
analyse (Rakotobé, 1992) sur la relation entre le statut, l’offre d’emploi et l’autre côté, une
analyse (Lachaud, 2008) sur l’impact du marché du travail sur la pauvreté.
a. Statut, offre d’emploi et pauvreté
Les résultats d’analyse d’un test sur l’estimation d’un modèle économétrique (Rakotobé,
1992) montrent qu’il y a une relation entre le statut d’emploi du chef de ménage ou du
principal21
support économique sur le marché du travail et le niveau de vie des ménages.
En général, plusieurs variables sont considérées dans cette analyse pour expliquer l’état de la
pauvreté : la variable dépendante qui est l’indice composite de consommation, c'est-à-dire les
consommations mensuelles comme l’électricité, la nourriture, l’eau,… ; et les variables
indépendantes désignant le statut du chef de ménage, l’âge du chef de ménage, la taille du
ménage et le nombre des personnes employés par ménage. D’après le test, Rakotobé affirme
que, sauf la taille du ménage, le pouvoir explicatif des variables indépendantes et du variable
dépendante est approximativement homogène. Selon cet analyste : « la taille du ménage
exerce un effet négatif sur le niveau de vie du ménage car une augmentation de la taille du
ménage réduit le revenu par tête du ménage, toutes choses égales par ailleurs ».
Mais, en particulier, dans son test, Rakotobé précise qu’il existe une forte indépendance du
niveau de vie des ménages à l’égard du statut du chef de ménage. Autrement dit, le statut du
21
Celui dont le revenu du ménage est le plus élevé.
43
chef de ménage est une variable très significative dans l’explication de la pauvreté. Si le
principal support économique du ménage passe du statut de travailleur irrégulier au statut de
travail indépendant ou de salarié protégé, alors, le revenu par tête du ménage augmente
améliorant par la suite l’état de la pauvreté.
Par rapport à l’offre de travail, le résultat du test évoque que le taux d’offre de travail
augmente avec le niveau de vie. Dans la société malgache, l’offre du travail est relativement
précoce notamment dans le cas des plus vulnérables. Or ces derniers n’occupent que des
emplois subalternes (Rakotobé, 1992).
c. Impact du marché du travail sur la pauvreté
L’analyse d’un modèle économétrique effectuée par Lachaud en 2008 sur le cas de
Madagascar, a pour objectif d’estimer la probabilité d’appartenance des ménages à un
segment de vie en fonction de variation des caractéristiques des ménages ou des personnes qui
les dirigent.
Les variables explicatives du modèle adoptée par Lachaud sont quasiment pareilles à celles de
Rakotobé. Elles se réfèrent à l’instruction du chef de ménage et des autres membres, la
démographie du chef de ménage, le statut du travail de chef de ménage, la proportion des
personnes employées, le statut de migrant, la possession d’actifs spécifiques pour le secteur
rural comme la charrette, la charrue.
Les résultats d’analyse (Lachaud, 2008) montrent que le mode de participation au marché du
travail du chef de ménage spécifie la réduction des privations. Si le chef de ménage a un de
ces statuts de travail : ouvriers non qualifiés et manœuvres, agriculteurs de subsistance,
chômeurs, inactifs, plutôt que cadre ou salarié protégé, alors, toutes choses égales par ailleurs,
les chances de forte pauvreté augmentent. En d’autres termes, le fait d’exercer un travail
précaire ou inadéquat est source de plus grande privations comparativement à la situation du
travail protégé.
En outre, selon l’observation de Lachaud, l’instruction et la formation professionnelle du chef
de ménage sont des facteurs puissants de réduction des privations et de la pauvreté. il précise
que : « toutes choses égales par ailleurs, les ménages dont le chef est sans instruction ont
44
moins deux fois plus de chance d’être dans le segment des très pauvres que ceux qui sont
gérés par une personne ayant au moins le niveau supérieur car l’accès des chefs de ménage à
l’enseignement supérieur induit presque trois fois plus de chance d’être à la tête de groupes
ayant le niveau de vie le plus élevé »
B. Approche statique
Dans cette approche, en se basant sur les données statistiques, l’analyse prend uniquement en
considération la liaison entre l’emploi inadéquat et la pauvreté.
a. Corrélation positive entre l’emploi inadéquat et ratio de pauvreté
Graphique 7: Emploi inadéquat et ratio de pauvreté selon le genre en 2010
Sources : INSTAT/DSM/EPM 2010
D’après le graphique, d’une part, la liaison entre l’emploi inadéquat et la pauvreté est positive.
Ceci veut dire que si le taux d’emploi inadéquat augmente, le ratio de la pauvreté accroît
également. D’autre part, selon le genre, les femmes sont les plus touchées de la pauvreté par
rapport aux hommes puisque le ratio de la pauvreté atteint respectivement 77,3% et 76,4 % en
2010.
45
b . Corrélation négative entre l’emploi inadéquat, ratios de la pauvreté, et niveau
d’instruction
Graphique 8: Emploi inadéquat, ration de la pauvreté et extrême selon le niveau
d'instruction en 2010
Sources : INSTAT/DSM/EPM 2010
Selon ce graphique, le ratio de pauvreté dépend du niveau d’instruction. Pour les sans
instructions, le ratio de pauvreté atteint un niveau maximum avec un taux de 80% environ. En
outre, plus le niveau d’instruction augmente, plus la pauvreté diminue. Par exemple, pour le
niveau secondaire, le ratio de la pauvreté s’élève jusqu’à 60% alors que, pour le niveau
supérieur, ce ration tourne autour de 20%.
Ainsi, toutes les approches précédentes mettent en évidence l’existence du lien entre la
pauvreté et l’emploi. Parmi les variables explicatives de la pauvreté, ce sont la situation
d’emploi et le niveau d’instruction qui déterminent le plus l’état de la pauvreté. Or ces
approches présentent une certaine limite en évoquant que plus le niveau d’instruction est
supérieur, plus la probabilité d’être pauvre diminue. A Madagascar, selon le rapport national
en 2010, les cadres et les intellectuelles sont touchés par le sous-emploi qui représente des
manques à gagner importants en termes de productivité. Néanmoins, le niveau d’instruction
demeure l’un des facteurs importants de la réduction de la pauvreté faisant l’objet étude
suivante.
46
C. Approche empirique
Théoriquement, dans l’analyse traditionnelle du fonctionnement du travail, le chômage est
causé par le dysfonctionnement du marché du travail, par le déséquilibre entre l’offre et la
demande de travail ainsi que par l’imperfection de l’information. Or cette théorie ne prend pas
en compte les réalités du marché de l’emploi à Madagascar. Malgré le désajustement sur le
marché du travail, le taux de chômage à Madagascar reste faible. D’après l’ENEMPSI, en
2012, le taux de chômage par région au sens du BIT est en dessous de 0,5% dans la moitié des
régions de Madagascar. En effet, les théories n’expliquent pas toujours la réalité.
Néanmoins, les analyses récentes sur le dysfonctionnement du marché du travail
correspondant à la théorie de capital humain, la théorie de la recherche d’emploi et à la théorie
de segmentation du marché du travail mettent en évidence les phénomènes préexistants dans
le monde du travail. Le niveau du capital humain, toutes choses égales par ailleurs, est un
facteur déterminant du statut de l’emploi. En outre, les réactions des agents économiques,
vérifient toujours la théorie de la recherche d’emploi qui postule que : « sans cesse, au cours
de la recherche du travail, l’individu se trouve confronté à deux choix alternatifs, soit
d’accepter la proposition d’emploi qui s’offre à lui mais à un niveau de salaire inférieur à ses
prestations, soit refuser l’offre d’emploi afin d’investir dans la recherche d’un emploi mieux
rémunéré ».Quant à la théorie de la segmentation du travail, elle coïncide incontestablement
avec les caractéristiques et les structures du marché du travail à Madagascar.
D’ailleurs, les résultats d’analyse empirique de l’emploi, du marché de travail et de la
pauvreté mettent en évidence l’importance du déséquilibre du marché du travail et la situation
de la pauvreté à Madagascar. La hausse de la pauvreté dans le pays est fortement liée à la
crise de l’emploi qui s’est aggravée ces cinq dernières années.
47
CONCLUSION
Pour conclure, ce travail de mémoire a permis d’apprécier l’emploi et la pauvreté à
Madagascar. Particulièrement, les analyses menées, au cours de cette étude, montrent l’état
extrême de la pauvreté à Madagascar. La majorité de la population malagasy vit dans la
pauvreté qui touche différemment les milieux urbains et ruraux. Les facteurs explicatifs de la
pauvreté, à Madagascar, sont, en général, liés à la faible capacité de gestion de l’Etat, aux
caractéristiques démographiques de la population ainsi qu’à la persistance des crises
sociopolitiques cycliques. Mais, l’incapacité de nombreuse population malagasy à obtenir au
moins un niveau de vie et de bien-être correspondant à un minimum acceptable par les normes
de la société est, en grande partie, le reflet des structures de l’emploi et du fonctionnement du
marché du travail à Madagascar. En réalité, les caractéristiques de l’emploi et du marché du
travail sont très critiques et présentent des imperfections. Les populations actives travaillent
dans des conditions médiocres et exercent leurs activités dans des cadres divers,
principalement dans le secteur informel et agricole ne procurant que de faible revenu
insusceptible d’améliorer le niveau de vie. Or, l’emploi constitue pour la plupart des pauvres
la principale source de revenu et le moyen de sortir du dénuement. Etant un pilier des activités
économiques, la situation de l’emploi est déterminante pour la réduction de la pauvreté dans
la mesure où le travail occupe une place prioritaire à toute politique de relance économique
notamment en matière de création d’emploi. En revanche, la création d’emploi n’est qu’une
condition nécessaire mais insuffisante pour réduire efficacement la pauvreté à Madagascar.
Elle doit être accompagnée par l’amélioration du niveau de qualification de toute la
population active à travers le renforcement de l’éducation ou plus précisément du capital
humain. Finalement, si le secteur informel est devenu le symbole d’un enjeu primordial dans
le monde du travail, quel serait l’avenir du marché du travail à Madagascar?
48
ANNEXES
Annexe 1: Graphique de Taux de chômage par région
Sources : Source : RNDH 2010, p.59
49
Annexe 2 : Tableau de la répartition de la population active par région selon le niveau
d'éducation (en %)
Sources: INSTAT/DSM/ EPM 2005 (in RNDH, 2010-p.50)
50
Annexe 3: Age de la population active par région
Sources: INSTAT/DSM/ EPM 2005(in RNDH, 2010-p.51)
51
Annexe 4: Taux de chômage en dessous de 0,5% dans la moitié des régions de
Madagascar
Taux de chômage par région au sens de BIT
Sources: INSTAT/DSM-PNUD-BIT-IRD/DIAL, ENEMPSI 2012-p.29
52
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Ouvrages
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Ressources internet
http://www.ilo.org/global/about-the-ilo/press-and-media-centre/news/
www.persee.fr
www.refdoc.fr
55
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS…………………………… …………………………………………….i
SOMMAIRE…….…………………………………………………………………..…………ii
LISTE DE TABLEAUX.……………………………………………..……………………….iii
LISTE DES GRAPHIQUES………………………………………………………...………...iv
LISTE DES ABREVIATIONS ET ACRONYMES………….…………………………….….v
INTRODUCTION ................................................................................................................................... 1
PARTIE I : LES THEORIES DE LA PAUVRETE DE ET L’EMPLOI ................................................ 3
CHAPITRE I : LA PAUVRETE ............................................................................................................. 4
A. Le concept de la pauvreté ............................................................................................................... 4
1. La pauvreté selon le PNUD et la Banque mondiale ................................................................ 5
2. La pauvreté selon les différentes écoles de pensée ................................................................ 7
B. Les indicateurs de la pauvreté....................................................................................................... 10
1. L’indicateur de pauvreté humaine ou l’IPH ........................................................................... 11
2. Les indicateurs privilégiés par les différentes écoles : .......................................................... 12
CHAPITRE II : LES THEORIES DE L’EMPLOI ET DU MARCHE DU TRAVAIL ............................................... 13
A. Approches traditionnalistes du fonctionnement du marché du travail ...................................... 13
B. Approches contemporaines du dysfonctionnement du marché du travail : ............................... 19
PARTIE II : L’EMPLOI ET LA PAUVRETE A MADAGASCAR .................................................... 24
CHAPITRE I : SITUATION DE LA PAUVRETE, DE L’EMPLOI ET DU MARCHE DU TRAVAIL
A MADAGASCAR ............................................................................................................................... 25
A. Cas de la pauvreté ....................................................................................................................... 26
1. Les facteurs déterminants de la pauvreté ............................................................................. 26
2. L’évolution de la pauvreté ..................................................................................................... 28
B. Cas de l’emploi et du marché du travail ...................................................................................... 33
1. Les caractéristiques de l’emploi ................................................................................................ 33
2. Problématiques de l’emploi ................................................................................................... 37
56
CHAPITRE II : ANALYSE DE LA RELATION ENTRE LA PAUVRETE, L’EMPLOI ET LE
MARCHE DE TRAVAIL ..................................................................................................................... 42
A. Approche économétrique ....................................................................................................... 42
B. Approche statique ................................................................................................................... 44
C. Approche empirique .................................................................................................................. 46
CONCLUSION ..................................................................................................................................... 47
ANNEXES ............................................................................................................................................ 48
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES .............................................................................................. 52
TABLE DES MATIERES ..................................................................................................................... 55
RESUME ANALYTIQUE ........................................................................................................................... 57
Nom : MAHASOLO
Prénoms : Richade Christian
Titre du mémoire : Emploi et réduction de la pauvreté à Madagascar
Nombre de page : 46
Nombre de tableaux : 06
Nombre de graphiques : 11
Encadreur : Monsieur RAMIANDRISOA OLIVIER
Adresse de l’auteur : Lot 77 VT Bis P Andohanimandroseza
RESUME ANALYTIQUE
L’emploi est la première source de revenu pour contre carre la pauvreté monetaire. Il est donc
la clé de sortir de la pauvreté. La majorité de la population malagasy vit dans la pauvreté
extrême. On peut deceler cette situation au manque de l’emploi qui est irrésolvable dans le
pays depuis fort longtemps. Cet état de la pauvreté est donc le reflet du fonctionnement de
l’emploi et du marché du travail. Avec un taux d’activité très élevé, l’emploi est caractérisé
par la prédominance du secteur primaire et informel ne procurant que de faible revenu
insusceptible de satisfaire les besoins. De plus, de nombreux problèmes subsistent, dans le
marché du travail, entre autres, la forte quantité par rapport à la faible qualité d’offre de
travail, l’insertion précoce des enfants dans le monde du travail, ainsi que le chômage et
l’aggravation du sous emploi. D’ailleurs, à Madagascar, une grande masse de la population
active occupe des emplois précaires pour survivre. D’où, l’emploi décent n’est qu’un mirage.
Or, l’emploi est un pilier des activités économiques. Ainsi, la situation d’emploi est
déterminante pour la réduction de la pauvreté à condition que le travail occupe une place
prioritaire à toute politique de relance économique.
Mots clés : emploi, pauvreté, réduction de la pauvreté, Madagascar