MEMOIRE DE STAGE
Effets de l’origine géographique sur le comportement
de reproduction d’un insecte parasitoïde, Psyttalia
lounsburyi (Hymenopterae : Opiinae)
Grégory MOLLOT Master 1 S3 « Ecologie, Evolution et Plasticité des Génomes »
Encadrant
Dr Xavier Fauvergue
Laboratoire d’accueil Equipe Biologie des Populations en Interaction (BPI)
UMR 1301 INRA – UNSA – CNRS « Interactions Biotiques et Santé Végétale »
Centre INRA de Sophia Antipolis
Origine géographique et comportement de reproduction d’un insecte parasitoïde : Psyttalia lounsburyi
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Juin 2008
Photo de la page de garde : « un mâle et une femelle Psyttalia se nourrissant de miel » (photo personnelle)
Origine géographique et comportement de reproduction d’un insecte parasitoïde : Psyttalia lounsburyi
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Table des matières
Résumé .................................................................................................................................... 5
I) Introduction ........................................................................................................................ 6
1) L’hybridation en biologie de l’invasion............................................................................... 6
a) Divergence des populations...................................................................................... 6
b) Hybridation intraspécifique...................................................................................... 7
c) L’hybridation peut favoriser les bioinvasions .......................................................... 8
d) L’isolement reproducteur peut contraindre l’hybridation ........................................ 9
2) Une approche originale ........................................................................................................ 10
a) Un programme de recherche basé sur la lutte biologique ........................................ 10
b) Le modèle biologique : une guêpe parasitoïde......................................................... 10
c) La recherche de partenaire sexuel ............................................................................ 10
d) Objectifs ................................................................................................................... 12
II) Démarche expérimentale.................................................................................................. 13 1) Tâches préalable aux expérimentations : l’élevage des parasitoïdes ................................... 13
a) Préparation du milieu d’élevage............................................................................... 13
b) Elevage des hôtes ..................................................................................................... 13
c) Elevage des parasitoïdes........................................................................................... 12
2) Plan expérimental................................................................................................................. 14
a) Traitements ............................................................................................................... 14
b) Structure du plan expérimental ................................................................................ 14
c) Mesures .................................................................................................................... 14
d) Analyse des données ................................................................................................ 15
3) Protocole expérimental ........................................................................................................ 15
a) Conditionnement des parasitoïdes............................................................................ 15
b) Expérience de recherche de partenaire..................................................................... 16
III) Résultats & discussion .................................................................................................... 16 1) Lieu d’atterrissage................................................................................................................ 16
2) Temps de latence et temps de vol ........................................................................................ 18
3) Limites de l’expérience........................................................................................................ 19
IV) Perspectives ...................................................................................................................... 19
Références ............................................................................................................................... 21
Origine géographique et comportement de reproduction d’un insecte parasitoïde : Psyttalia lounsburyi
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Origine géographique et comportement de reproduction d’un insecte parasitoïde : Psyttalia lounsburyi
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Résumé Pour Ernst Mayr (1963), une espèce biologique se défini comme une communauté de
populations, reproductivement isolées d’autres communautés et occupant une niche
écologique particulière dans la nature. L’isolement reproducteur est donc au cœur de cette
notion, ce mécanisme est un moteur pour l’évolution. L’isolement prézygotique agi avant la
fécondation, et l’isolement postzygotique, après. Les bioinvasions suscitent de plus en plus d’intérêt dans la société, que ce soit d’un
point de vue agronomique, santé, biodiversité, protection de l’environnement ou même
purement académique. Il reste énormément d’inconnus dans le déroulement d’une invasion.
Le seul moyen d’étudier les paramètres sur le terrain est d’en provoquer une
intentionnellement (en réalisant plusieurs répétitions), et c’est l’ambition d’un projet ANR
« bioinvasion-biodiversité » actuellement en cours à l’INRA, en utilisant une application
concrète, la lutte biologique classique.
L’hypothèse de travail est qu’une hybridation pourrait expliquer le succès invasif
d’une population dans une zone donnée. Le stage propose de s’intéresser plus
particulièrement à l’isolement prézygotique et à ses composantes, chez un insecte parasitoïde,
Psyttalia lounsburyi, qui sera utilisé pour lutter contre la mouche de l’olive. L’objectif de mon
travail est de tester l’effet de l’éloignement géographique et génétique sur le comportement de
reproduction de cet insecte à certaines étapes clés précédant la fusion des gamètes, en
comparant le comportement de recherche de partenaire sexuel en fonction de l’origine
géographique. La finalité étant de guider les lâchers qui auront lieu dès l’été 2008 dans le sud
de la France et en Corse. Sur le comportement testé dans ce travail, les résultats n’ont pas
montré de différence significative. Les causes de ce résultat seront discutées.
Mots-clé : Comportement de reproduction ; isolement prézygotique ; hybridation
interspécifique ; bioinvasion ; parasitoïde.
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I) Introduction
1) L’hybridation en biologie de l’invasion
a) Divergence des populations
Une espèce biologique occupe une aire de répartition qui lui est propre, qui peut être
constituée de plusieurs types d’environnements. Les forces évolutives (voir encadré 1) qui
s’exercent sur un ensemble d’individus dans un environnement donné (une population)
entraînent une adaptation à l’environnement local. De ce fait, on constate que les populations
qui occupent des environnements différents ont tendance à diverger les unes des autres d’un
point de vue génétique et phénotypique (Questiau, 1999). Cette divergence est d’autant plus
importante que les pressions de sélections locales et la dérive génétique sont fortes, et que les
migrations d’individus entre les populations sont faibles (Dodd, 1989). Aussi, il a été montré
que la compatibilité reproductrice entre populations est corrélée à leur degré de divergence.
En général plus la divergence génétique est grande et plus l’isolement reproducteur est grand,
Cette règle a notamment été illustré par le phénomène de renforcement qui peut conduire à la
spéciation (Coyne & Orr, 1989, voir encadré 1). La compréhension des mécanismes
d’isolement reproducteur, qu’ils soient pré- ou post-zygotiques, est cruciale pour étudier la
compatibilité entre des populations divergentes dans le cadre d’une hybridation
intraspécifique (Mallet, 2005).
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Encadré 1 : Les mécanismes de l’évolution
- Forces évolutives, elles s’exercent sur les populations et sont susceptibles de modifier la fréquence des
génotypes, elles peuvent modifier des caractères morphologiques, physiologiques ou comportementaux. Elles se
caractérisent par différents mécanismes que sont la mutation, la dérive, la sélection naturelle, la migration
(Danchin & al., 2005).
La mutation : elle résulte d’erreurs commises lors de la réplication des gènes et entraîne l’apparition de
nouveaux génotypes. Elle peut se produire de différentes manières (substitution, délétion, insertion) mais sa
fréquence d’apparition reste assez faible par génération, et à elle seule, la mutation n’est pas un facteur évolutif
entraînant de rapides variations des fréquences alléliques. La théorie neutraliste de l’évolution conjugue l’action
des mutations avec celle de la dérive.
La dérive génétique : processus de fluctuation aléatoire de la fréquence des gènes au cours des
générations. Elle est à l’origine de la fixation hasardeuse de certains allèles, son impact est inversement
proportionnel à la taille de l’échantillon. Dans le cas des petites populations, la composition alléliques va
largement fluctuer.
La sélection naturelle : processus de tri entre différents variants phénotypiques en fonction de la
capacité à survivre et à produire une descendance féconde. Darwin en a fait le moteur de l’évolution. Il y a
sélection si les différents génotypes ne participent pas de façon égale à la constitution génotypique de la
génération suivante, donc si l’un d’entre eux à un avantage sélectif sur un autre.
La migration : elle correspond au flux de gènes existants entre les sous populations d’une même
espèce, par le biais du déplacement des individus.
- L’expérience de Coyne & Orr
Coyne & Orr ont démontré en 1989 les relations qui existent entre quatre variables (isolement pré- et
post-zygotique, distance génétique et distributions géographiques) sur 42 paires d’espèces de drosophile. Ils ont
montré qu’au fur et à mesure que le temps s’écoule depuis la séparation entre deux espèces, les modifications du
génome qui s’accumulent dans chacune d’entre elles augmentent leur distance génétique. Cette divergence
génétique entre les espèces les amène à ne plus rencontrer ou à ne plus se reconnaître, ce qui constitue
l’isolement prézygotique. S’il y a reconnaissance, un contact secondaire entre les deux espèces leur permettant
de s’hybrider malgré tout, les différences génétiques mèneront à une descendance non viable ou stérile, c’est
l’isolement postzygotique.
b) Hybridation intraspécifique
La production d’hybrides à partir de souches d’origines géographiques différentes est
contrainte par des barrières morphologique, physiologique ou même comportementale, c'est-
à-dire par leurs préférences à certaines étapes clés précédant la fécondation des gamètes. Ce
mécanisme d’isolement reproducteur prézygotique, pouvant empêcher le déroulement de
l’accouplement, et qui est un facteur important pour maintenir la séparation entre les
populations (Kirkpatrick, 2002), se traduit par des choix de partenaires sexuels qui vont
influencer la structure génétique de la descendance.
D’un point de vue individuel, les conséquences de l’hybridation entre individus
différenciés sont à l’origine de phénomènes qui peuvent être bénéfiques, néfastes ou sans
effets (Edmands, 2002). Les conséquences de l’hybridation intraspécifique peuvent se traduire
par une augmentation de fitness (voir encadré 2) dans la descendance, appelée hétérosis (voir
encadré 2), et une augmentation de l’aptitude phénotypique, la vigueur hybride (Edmands,
2007, voir encadré 2). Ces deux conséquences peuvent à terme provoquer la réduction voire
l’extinction des souches parentales (Facon, 2005) si l’hybride est devenu plus compétitif.
Plusieurs mécanismes expliquent ce phénomène :
- l’hétérosis est le résultat de la création de relations épistatiques (voir encadré 2) qui
n’existaient pas chez les parents, dans ce cas, l’interaction nouvellement créée entre deux ou
plusieurs gènes engendre une descendance plus performante que les parents
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- la superdominance (voir encadré 2) peut aussi
expliquer l’apparition de l’hétérosis et son augmentation de
fitness par l’effet synergique de deux allèles dominants
- une simple relation de dominance entre de « bons
allèles », correspondant à de meilleures performances
phénotypiques sur un caractère donné.
A contrario, on peut aussi s’attendre à l’effet
inverse, c'est-à-dire à ce que la progéniture souffre de
dépression hybride (voir encadré 2). Les mécanismes
responsables de cet effet néfaste sont les mêmes que ceux
cités ci-dessus, mais leur effet est inversé. Dans ce cas, une
diminution dans la viabilité et/ou la stérilité s’exprime en
deuxième génération (F2) ou dans les générations suivantes,
compromettant ainsi le maintient de la descendance
(Edmands, 2002). Dans de très rares cas, l’hybridation
n’aura aucune conséquence.
D’un point de vue populationnel, le mélange de
matériel génétique provenant de populations qui ont
divergés, va conduire à une augmentation de la variance
génétique (voir encadré 2) dans la population de
descendants. Cette plus grande variabilité lui permet d’avoir
une plus grande prise à la sélection naturelle pour
finalement permettre un plus grand pouvoir d’adaptation
aux conditions locales.
c) L’hybridation peut favoriser les
bioinvasions
Ce phénomène d’hybridation est supposé
particulièrement important en biologie de l’invasion (Facon,
2005). En effet, il n’est pas rare de constater que les
populations invasives soient le résultat d’introductions
multiples de propagules provenant d’environnements
différents, suivies d’hybridations dans la zone envahie
(Ellstrand, 2000). La littérature a largement documenté ce
phénomène dans le monde végétal, comme pour le cas de
Spartina anglica, taxon dérivé des deux taxons parentaux
Spartina alterniflora et Spartina maritima (Ellstrand, 2000),
une plante pérenne qui a envahie l’Europe.
Par contre, nos connaissances sur le processus invasif d’une
espèce animale sont très limitées et assez récentes. Des
observations et l’étude de certains cas d’invasions fortuites
tels que le lézard cubain Anolis sagrei en Floride (Facon
,2005), ou l’escargot Melanoides tuberculata en Martinique
(Kolbe, 2004) ont permis de montrer que l’hybridation était
impliquée dans l’invasion.
Encadré 2 : Génétique des
populations
- Fitness (Valeur sélective) :
Mesure, absolue ou relative, du
succès d’un génotype au sein
d’une population donnée,
apprécié d’après sa variation de
fréquence entre deux
générations (Danchin et al.,
2005).
- Aptitude phénotypique :
capacité d’un individu (ou
capacité moyenne d’un
phénotype) à produire des
descendants matures,
relativement aux autres
individus de la même
population et au même moment
(Danchin et al., 2005).
- Hétérosis (vigueur hybride) :
augmentation de fitness dans la
descendance d’un croisement
entre parents génétiquement
divergents (Edmands, 2002).
- Epistasie : terme souvent
utilisé en génétique des
populations pour désigner une
interaction entre gènes, il
s’applique aux situations dans
lesquelles l’effet génétique des
différents loci qui contribue a
un trait phénotypique n’est pas
additive (Hartl & Clark, 1997).
- Superdominance : aussi
appelée supériorité de
l’hétérozygote, quand la fitness
de l’hétérozygote est plus
élevée que les deux
homozygotes réunis (Hartl &
Clark, 1997).
- Dépression hybride :
diminution de fitness exprimée
en deuxième génération ou
dans les générations suivantes
due au croisement entre des
parents génétiquement
divergents (Edmands, 2002).
- Variance génétique :
variance d’un trait qui résulte
des différences génétiques
parmi les individus d’une
population (Hartl & Clark,
1997).
Origine géographique et comportement de reproduction d’un insecte parasitoïde : Psyttalia lounsburyi
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Ces observations en biologie de l’invasion ont permis de générer une hypothèse :
l’hétérosis et/ou une augmentation de la variance génétique suivie d’une sélection post-
introduction pourrait expliquer le succès invasif.
d) L’isolement reproducteur peut contraindre l’hybridation
Cette hypothèse soulève néanmoins un autre problème. En effet, des traits
phénotypiques impliqués dans la reproduction (recherche de partenaires sexuels,
accouplement, fécondation…) peuvent aussi diverger soit par sélection directe (Questiau,
1999), soit de façon indirecte par pléiotropie (voir encadré 3), ce qui peut alors entraîner des
isolements reproducteurs, et empêcher l’hybridation.
L’évolution adaptative de l’isolement prézygotique après un contact secondaire, a été
considérée dans la littérature comme la cause de la divergence des préférences pour tel ou tel
trait (choix du partenaire sexuel). Lors de la reproduction, la divergence des préférences
conduit à une faible probabilité de rencontre entre les souches différenciées, ce qui entraîne
une faible fréquence d’hybride produit (Servidio, 2001).
D’une manière plus générale, il y a donc des avantages et des inconvénients aux
différents types de croisements. On peut considérer qu’il existe un continuum qui va de
l’autofécondation ou du croisement entre apparentés, et donc la dépression de consanguinité
(voir encadré 3), au croisement interspécifique, autre source de diminution de fitness
(outbreeding depression). Dans ce continuum, il existe un optimum qui va varier selon les
espèces et/ou les conditions environnementales. La question se pose donc dans le cas de la
colonisation d’un nouveau milieu, pourrai-t-il y avoir un bénéfice à l’hybridation entre
différentes populations d’une espèce invasive se retrouvant dans la même zone cible ? Les
discussions abordant ce point restent assez contradictoires, et le processus même de l’invasion
biologique, notamment lors des premières phases, est peu connu.
Encadré 3 : Précisions
- Sélection directe : la sélection est dite directe quand l’allèle privilégié affecte la fitness sans tenir compte du
fond génétique dans lequel il est trouvé (Servidio, 2001).
- Pléiotropie : la fitness est déterminée par beaucoup de gènes qui interagissent les uns avec les autres ; les gènes
ont un effet pléiotropique sur le phénotype, ils peuvent tous potentiellement affectés tout les traits d’un
organisme (Hartl & Clark, 1997).
- Dépression de consanguinité (Inbreeding depression) : diminution de fitness dans la descendance de parents
proches génétiquement (Edmands, 2002).
- Outbreeding depression : Diminution de fitness dans la descendance d’un croisement entre parents
génétiquement divergent (Edmands, 2002).
Origine géographique et comportement de reproduction d’un insecte parasitoïde : Psyttalia lounsburyi
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Bactrocera oleae, la mouche de l’olive
(Photo : R. Copeland)
2) Une approche originale
a) Un programme de recherche basé sur la lutte biologique
Les paramètres déterminants le succès ou l’échec d’une invasion sont supposés être
liés à la démographie de la population et à sa structure génétique, cependant il ne s’agit que
d’une hypothèse, étant donné la difficulté de détection de l’invasion dans ses phases précoces,
et de son suivi. L’étude de ces paramètres fait l’objet
d’un programme de recherche (financement ANR) dont
la finalité est de mieux comprendre les facteurs qui
expliquent les succès et les échecs des bioinvasions.
Dans le cadre de ce programme, un des aspects est de
tester l’effet de l’hybridation sur le déroulement d’une
invasion, en utilisant la lutte biologique classique
comme méthode expérimentale. La lutte biologique
classique est définie comme l’introduction
intentionnelle d’insectes parasitoïdes (pas uniquement)
exotiques pour un établissement permanent, afin de
lutter contre un ravageur (Malausa, et al., sous presse).
b) Le modèle biologique : une guêpe
parasitoïde
Nous disposons au laboratoire de deux souches d’une guêpe parasitoïde, Psyttalia
lounsburyi (Hymenopterae : Braconidae*), qui a pour hôte unique Bactrocerae oleae
(Dipterae : Tephritidae) (photo), la mouche de l’olive, un ravageur mondial en oléiculture.
Les deux souches ont des origines géographiques différentes, l’une ayant été collecté au
Kenya entre 2002 et 2005 à une altitude d’environ 2000 mètres, et l’autre provenant d’Afrique
du Sud, à environ 350 mètres d’altitude, les deux sites étant espacés de 3500 kilomètres. La
distance génétique calculée entre les deux souches nous donne un indice de divergence très
fort, Fst = 0.28 (Bon et al., sous presse), semblable à ceux calculés entre deux sous espèces
différentes. Dans son aire de répartition d’origine, P. lounsburyi est un des ennemis naturels
de B. oleae, qui infeste les oliviers sauvages. Le pourtour méditerranéen abrite une espèce
proche, P. concolor, qui ne parvient pas à s’établir dans les zones aux hivers trop froids,
malgré des lâchers réalisés depuis 1927 pour lutter contre la mouche de l’olive.
L’approche expérimentale par l’introduction d’une guêpe parasitoïde constitue un
modèle de choix pour tester nos hypothèses sur l’effet de l’hybridation sur les bioinvasions,
tout en s’intégrant dans un programme de lutte biologique classique.
L’adaptation de ces deux populations, de la même espèce mais géographiquement
isolées, à leurs environnements respectifs peut être mise en évidence par une comparaison de
leurs traits d’histoire de vie et de leurs comportements, des plus simples aux plus complexes,
d’une différence entre leur rythme d’activité (Fleury & al., 1995) jusqu’à des comportements
de choix de partenaire sexuel, à l’origine de l’isolement reproducteur prézygotique.
c) La recherche de partenaire sexuel
Le comportement de reproduction des braconidés est largement détaillé dans la
littérature (Matthews, 1974 ; Petters, 1985 ; Kimani & Overholt, 1995), et la séquence des
évènements qui la compose est bien connue. Typiquement, elle inclue ces différentes
composantes : attraction, reconnaissance, orientation, « wing-fanning » ou vibration des ailes
* Braconidae : taxon de l’ordre des hyménoptères, caractérisé souvent par la présence d’un
long ovipositeur (organe de ponte) chez les femelles.
0.2 mm
Origine géographique et comportement de reproduction d’un insecte parasitoïde : Psyttalia lounsburyi
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(photo 1a), montage (photo 1b), antennation, copulation et toilette post-copulatoire
(Matthews, 1974, voir encadré 4).
La communication sexuelle des insectes parasitoïdes se caractérise principalement par
des phéromones volatiles émises par les femelles et qui induisent la recherche, la cour, et le
comportement d’accouplement des mâles (Fauvergue, et al., 1999). La spécificité des
phéromones (composition qualitative et quantitative) pourrait contribuer à l’isolement
reproducteur prézygotique (Danci, 2006) et contraindre l’hybridation. Par exemple, chez
certaines espèces de parasitoïdes, les mâles ne sont pas attirés par les phéromones émises par
une femelle d’une autre espèce (Eller et al., 1984).
Les signaux acoustiques peuvent constituer aussi un mécanisme d’isolement
reproducteur (Danci, 2006). Certain braconidés utilisent des signaux chimiques, visuels et
acoustiques. Les mâles sont attirés par les phéromones cuticulaires des femelles, et répondent
par une vibration bioacoustique de leurs ailes (Hardy, 2005), appelé « wing-fanning », qui
augmente en retour l’activité de la femelle. Dans ce cas, les signaux chimiques des femelles
sont similaires à travers les différentes espèces, mais les signaux acoustiques émis par les
mâles apparaissent comme être propre à chaque espèce (Rungrojwanich & Walter, 2000).
On ne comprend pas bien que la rencontre soit souvent le résultat de la recherche
active des mâles (qui utilisent pour se guider les signaux chimiques des femelles), et que
l’accouplement soit souvent le résultat de la sélection et de l’acceptation des femelles (qui
peuvent utiliser des signaux venant du mâle).
Photo 1a. Vibration des ailes (wing fanning)
d’un mâle à l’approche de femelles (photo
personnelle)
Photo 1b. Le mâle monte sur la femelle en
vue d’un accouplement (photo personnelle)
0.5 mm
0.5 mm
Origine géographique et comportement de reproduction d’un insecte parasitoïde : Psyttalia lounsburyi
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Encadré 4 : Comportement de reproduction des guêpes parasitoïdes
Le comportement de cour chez les guêpes parasitoïdes a été étudié en détails dans seulement quelques espèces
(Petters, 1985), mais des similarités dans les patterns existent (Matthews, 1975). La séquence des évènements
chez des Opiinae (même famille que P. lounsburyi et P. concolor) a par exemple été documenté chez
Diachasmimorpha kraussi et D. longicaudata par Rungrojwanich (2000):
d) Objectifs
Mon projet de stage vise à tester s’il existe des isolements prézygotiques qui peuvent
freiner, voire empêcher l’hybridation entre les individus génétiquement différents. Nous
disposons au laboratoire des deux souches parentales, Kenya (K) et Afrique du Sud (AFS), et
nous avons produit les deux types d’hybrides possibles à partir de ces deux souches
♂K×♀AFS (H1) et ♂AFS×♀K (H2). Ceci va nous permettre de tester l’effet de l’origine
géographique sur le comportement de reproduction de P. lounsburyi, et plus particulièrement
sur la recherche des mâles vis-à-vis de la spécificité des phéromones femelles, et ainsi,
l’isolement reproducteur ou de manière plus modérée, l’assortiment (préférence). Cela nous
permettra aussi de tester la performance des hybrides pour l’accouplement, et d’une certaine
façon, la vigueur ou la dépression hybride.
Un des moyens de tester ces hypothèses est d’étudier le comportement de recherche de
partenaires sexuelles des mâles. L’utilisation d’un tunnel de vol est nécessaire pour observer
les différentes composantes de ce comportement, dans une situation où la seule variable est
EMERGENCE
Attraction vers l’arbre des hôtes
Vol aléatoire dans la canopée et/ou
installation sur une feuille Prend position sur une feuille
♂ ♀
Vers une feuille
ou une femelle Reste tranquille
Approche la femelle
Signaux chimiques
ou visuels
Molécule cuticulaire
et signaux visuels
Reste sur la feuille
Signal acoustique
(wing-fanning)
Non réceptive Réceptive - reste tranquille
- ailes repliées sur l’abdomen
- antennes pointées en avant
- Monte sur la femelle
- Wing-fanning
- Tape ses antennes sur le
thorax de la femelle
COPULATION
Origine géographique et comportement de reproduction d’un insecte parasitoïde : Psyttalia lounsburyi
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l’origine géographique de la femelle, et la spécificité présumée de leurs phéromones
sexuelles. L’attraction à distance des femelles et l’orientation des mâles sont des facteurs qui
influencent la probabilité de rencontre des insectes, ce qui pourraient être déterminant dans la
nature.
Etant donné le degré de divergence des souches parentales, on s’attend à ce que les
combinaisons homogamiques (rencontre entre individus de la même souche) soient plus
probables, à l’exception du cas où les hybrides sont plus vigoureux que les populations
parentales (hétérosis et/ou augmentation de variance génétique).
III) Démarche expérimentale
1) Tâches préalables aux expérimentations
a) Préparation du milieu d’élevage
Pour mener à bien nos expériences, il faut au préalable mettre en place l’élevage des
parasitoïdes. Cette étape à pour but de faire pondre des femelles au stade larvaire de son hôte
de substitution, Ceratitis capitata, la mouche des fruits. Pour cela, nous préparons du milieu
d’élevage destiné à nourrir l’hôte. Ce milieu est composé de 1.5 litre d’eau osmosée, de
Nipagine, un fongicide (3g), du benzoate de sodium (3g), d’acide chlorhydrique 30% (3.6ml),
de levure de bière (171g), de poudre de carotte (185g) et de flocons de pomme de terre
(300g), il s’agit d’un milieu nutritif, que l’on peut conserver à température ambiante environ
trois semaines.
b) Elevage des hôtes
L’élevage de Ceratitis capitata nécessite beaucoup de travail, et il est primordial pour
l’élevage des parasitoïdes. Une personne expérimentée conduit la production de l’hôte, dans
la perspective de lâcher massivement des parasitoïdes comme agent de contrôle du ravageur.
Les hôtes produits ont alimenté l’élevage des parasitoïdes qui ont été utilisé dans l’expérience.
c) Elevage des parasitoïdes
Les différentes tâches à effectuer pour maintenir l’élevage des insectes s’organisent de
façon cyclique. Les individus d’une souche sont placés dans une boîte d’élevage cylindrique
dans laquelle ils sont nourris (avec du miel) et hydratés. Les quatre souches ont été
constituées par l’apport d’insectes issus de l’élevage de masse. Pour les deux souches
hybrides, une génération où les deux souches parentales se rencontrent (Kenya et Afrique du
sud) a été nécessaire.
La première étape consiste à faire pondre les femelles. Pour cela, nous disposons dans
chaque boîte une boule d’infestation, constituée d’un objet sphérique enrobé de milieu
d’élevage et de larves de son hôte de substitution puis refermé par du parafilm. Nous laissons
sept heures d’infestation avant de récupérer les larves.
Une fois la phase d’infestation terminée, nous mettons les larves potentiellement
parasitées dans une autre boîte avec du milieu. Les larves passent par le stade de pupe et une
semaine après, les cératites émergent et nous prenons soin de les retirer. Les pupes restantes
sont isolées dans des tubes à hémolyse fermés par du coton, lesquels sont placés dans des
beurriers classés par souche. Cette dernière opération a pour but d’obtenir des adultes naïfs de
tout contact avec les autres individus de même sexe ou de sexe opposé.
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2) Plan expérimental
a) Traitement
Dans le cadre de cette expérience, il y a deux traitements : la lignée dont l’insecte est
issu, et la lignée de l’insecte qu’on va lui présenté. Dans chaque traitements, les différents
niveaux (ou modalités) correspondent aux différentes lignées:
- lignée Kenya (K)
- lignée Afrique du Sud (AFS)
- lignée hybride H1 (♂ K × ♀ AFS)
- lignée hybride H2 (♂ AFS × ♀ K)
Pour cette expérience sans choix du partenaire sexuel, il y a seize niveaux de
traitement. Le design expérimental est factoriel, l’un des facteurs étant l’origine du mâle, et
l’autre, l’origine de la femelle.
b) Structure du plan expérimental
Pour les expériences sans choix du partenaire sexuel, le comportement d’un mâle (K
ou AFS ou H1 ou H2) est testé lorsqu’il est présenté à une femelle (K ou AFS ou H1 ou H2)
de façon randomisée. Les seize niveaux de traitement possibles sont répétés trente fois. La
réalisation des répétitions est contrainte par le nombre d’insectes naïfs disponibles. Cinq
semaines complètes (7 jours) d’observations sont nécessaires pour effectuer l’ensemble de
l’expérience.
c) Mesures
Dans le cadre de l’observation du comportement des insectes parasitoïdes lors de la
recherche du partenaire sexuel, on va suivre le comportement du mâle dans les différents
niveaux de traitements, dans l’enceinte du tunnel de vol (schéma 1.). Le mâle sera donc
l’individu focal.
Les variables indépendantes aux expériences sont :
- la température (°C)
- l’hygrométrie (%)
- la pression atmosphérique (hPa)
Les mesures à effectuer sont basées sur des items comportementaux précis,
préalablement enregistrés dans un appareil de mesure, un Event Recorder. Ces items
comportementaux correspondant au mâle et qui seront suivis sont les suivants :
- le lâcher du mâle sur la branche d’olivier
- le décollage
- le vol
- l’atterrissage (lieux : parois du tunnel ou cible)
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Schéma 1. Représentation de l’olfactomètre (tunnel de vol) dans lequel les insectes parasitoïdes
sont observés. Les lettres indiquent la séquence des évènements qui sont enregistrées, les nombres
indiquent les différentes composantes du tunnel.
d) Analyse des données
La distribution des données qui résulte de cette expérience représente une proportion
de mâle ayant atteint la cible. On applique un test du khi-deux pour détecter s’il existe des
différences significatives entre les niveaux de traitements. L’hypothèse nulle est que la
fréquence de succès (atterrissage sur la cible) observée est la même dans tout les échantillons.
Si le khi-deux calculé est inférieur au khi-deux seuil, alors on ne rejette pas l’hypothèse nulle
au risque α=0.05, et on considère que la fréquence de succès est la même quelque soit
l’origine géographique.
Un modèle de régression complexe, un modèle linéaire généralisé (GLM) va être
appliqué aux données pour confirmer les résultats des tests de khi-deux.
3) Protocole expérimental
a) Conditionnement des parasitoïdes
Les individus mâles qui ont émergé dans les tubes à hémolyses sont placés dans des
cages en plexiglas hermétiques mais aérées dès le matin pour qu’ils puissent s’initier au vol,
sur lesquels sont notés la souche, la date d’émergence et la date de l’expérience pour lesquels
ils vont servir. Les individus sont nourris et hydratés pour que leur état physiologique soit à
son optimum. Les mâles devront avoir 24h révolu de vie « naïve » avant de servir à
l’expérience.
Les mâles sont conditionnés pour l’expérience étant donné qu’ils doivent voler vers
une cible où se trouvent les femelles et d’où sont diffusés les phéromones sexuelles volatiles.
♂ ♀
a b c
a. Lâcher du mâle sur la branche
b. Décollage, orientation
c. Atterrissage à proximité de la femelle
1. Branche d’olivier
2. Phéromones
3. Cylindre aéré
4. Flux laminaire
1 2 3
4
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Ils sont placés au moins 4 heures avant l’expérience dans la pièce où se situe l’olfactomètre
pour qu’ils s’habituent aux conditions abiotiques.
Les femelles, sont placées dès leur émergence (le matin) dans des tubes aérés dans
lesquels est disposé du coton dentaire imbibé d’eau et à l’intérieur desquels du miel a été
déposé sur les parois. Elles devront avoir 24h de vie « naïve » avant de servir à l’expérience.
b) Expérience de recherche de partenaire
i) Réglages des conditions abiotiques
Vitesse du flux laminaire dans l’olfactomètre moyenne : 22 cm.s
-1
Température moyenne: 26.1 °C
Hygrométrie Relative moyenne: 53.2 %
ii) Expérience sans choix de partenaire
Cette expérience consiste à tester l’attraction à distance des mâles par les femelles, par
l’intermédiaire des phéromones sexuelles volatiles qu’elles émettent dans un tunnel de vol. Ce
tunnel est une cage en plexiglas de grande dimension dans laquelle circule un flux laminaire
unidirectionnel, et éclairée par des néons. Une femelle est placée dans un cylindre (épaisseur
2cm, diamètre 5cm) fermé à ses deux extrémités par une maille fine de manière à ce que l’air
provenant de la pompe diffuse dans le tunnel les phéromones sexuelles volatiles. Ce cylindre
est placé sur une plateforme en plexiglas fixée au plancher du tunnel à une hauteur de 10cm.
Le mâle est placé à 30cm du cylindre sur une branche d’olivier fixé elle aussi au plancher du
tunnel. Les données sont enregistrées, à l’aide de l’ Observer dès le lâcher du mâle sur la
branche.
IV) Résultats & discussion
1) Lieu d’atterrissage
Nous avons dans un premier temps testé l’effet de l’origine géographique de la femelle
sur la probabilité qu’un male (quelque soit son origine) se dirige vers elle, et l’effet de
l’origine géographique du male sur la probabilité qu’il se dirige vers une femelle (quelque soit
son origine). Les résultats suggèrent qu’il n’y a aucun effet dans les deux cas (pour l’origine
de la femelle : ddl=3 ; α=0.05 ; χ²=2.9780 ; P=0.3950 ; et pour l’origine du mâle : ddl=3 ;
α=0.05 ; χ²=0.9428 ; P=0.8151).
La table 1 représente les résultats des tests de khi-deux effectués sur les tables de
contingence, nous avons pour chaque type de femelle, la taille de l’échantillon N, la
proportion de mâle (toutes origines géographiques confondues) qui a atteint la cible. Les
valeurs de χ² et de P calculées indiquent que l’origine géographique n’a pas d’effet sur la
probabilité qu’un mâle se dirige vers une femelle dans notre expérience.
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Table 1. Un test de χ² a été réalisé pour chaque type de femelle pour tester s’il existe des différences entre les
pourcentages de succès des quatre types de mâle. Dans tout les cas, il n’y a pas de différence significative
(α=0.05).
La figure 2 montre la proportion de mâles ayant atteint la cible (atterrissage) en
pourcentage, en fonction de son origine géographique et de celle de la femelle. Il correspond
au nombre de mâles qui ont atteint la cible par rapport au nombre total de mâles testés (pour
une modalité). Les légères variations observées ne sont pas significatives.
Pour confirmer les tables de contingence pour l’ensemble des données, nous avons
utilisé un modèle linéaire généralisé (table 3.). Les tests corroborent l’hypothèse que l’origine
géographique du mâle et celle de la femelle, donc la divergence génétique des différentes
souches, n’a pas d’influence sur la probabilité que la recherche de partenaire sexuel se termine
par une rencontre. Il se dirige vers une femelle indépendamment de son origine, il n’y pas de
choix olfactif du mâle par rapport à la femelle a ce niveau de leur comportement de
reproduction.
Femelle N Pourcentage de réussite ddl χ² P
AF 110 44.55 3 0.7708 0.8564
H1 111 50.45 3 2.2554 0.5211
H2 100 44.00 3 1.0339 0.7930
KE 108 38.89 3 2.4824 0.4785
Figure 2. Pourcentage de succès (atterrissage du mâle sur la cible) en fonction de
l’origine géographique de la femelle, et du mâle. L’origine géographique du mâle est
représentée par une couleur. Le nombre sur le bord extérieur de chaque barre indique
la taille de l’échantillon, effectif total=429. AF=Afrique du Sud, KE= Kenya,
H1=Hybride numéro 1 (♂KE×♀AF), H2 = Hybride numéro 2 (♂AF×♀KE).
2028
2827 28
2726
28
25
2927
25
27
27
27
30
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
AF KE H1 H2
Origine de la femelle
Po
urc
en
tag
e
AF KE H1 H2
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Etant donné qu’il n’y pas d’effets des variables introduites dans le modèle, le modèle
le plus parcimonieux est uniquement basé sur la moyenne des succès, qui est égale à 0.45
[0.40-0.49].
Table 3. Un modèle linéaire généralisé effectué sur les différentes sources. En éliminant à chaque
fois une source, nous observons que seul l’intercept a une valeur de χ² significative. Les valeurs
correspondantes aux différentes sources sont celles calculées à l’étape précédant son élimination. Ce
test nous permet de calculer le pourcentage de succès avec un intervalle de confiance à 95% :
pourcentage de réussite=0.4452, intervalle de confiance à 95%=[0.3988 ; 0.4926].
2) Temps de latence et temps de vol
Les observations ont permis d’effectué d’autres mesures sur lesquelles nous pouvons
tester l’influence de l’origine géographique, des données qui décrivent aussi le comportement
de recherche de partenaire. Le temps de latence, c'est-à-dire le temps entre le lâcher du mâle
sur la branche d’olivier et son envol, nous informe sur la motivation du mâle, et le temps de
vol qui nous informe sur la précision du vol en direction d’une femelle, sont des facteurs qui
peuvent être une source de variation.
Un modèle linéaire généralisé appliquée aux données concernant le temps de vol
montre qu’il existe un effet de l’origine géographique du mâle sur son temps de vol
(χ²=17.25 ; P=0.0006), et un effet de l’origine géographique de la femelle sur le temps de vol
des mâles (χ²=10.29 ; P=0.0163). Nous avons fait un test de khi-deux sur la différence des
moyennes des moindres carrés pour détecter quelles sont les modalités qui diffèrent (table 4.).
Effet Mâle Femelle Mâle Femelle Estimation Erreur
standard ddl χ² P
♂ AF H1 0.0050 0.0109 1 0.21 0.6441
♂ AF H2 0.0177 0.0101 1 3.08 0.0793
♂ AF KE 0.0325 0.0093 1 12.18 0.0005*
♂ H1 H2 0.0126 0.0095 1 1.75 0.1857
♂ H1 KE 0.0275 0.0087 1 9.90 0.0017*
♂ H2 KE 0.0149 0.0076 1 3.78 0.0518
♀ AF H1 0.0122 0.0084 1 2.07 0.1500
♀ AF H2 0.0122 0.0085 1 2.04 0.1533
♀ AF KE -0.0137 0.0103 1 1.78 0.1820
♀ H1 H2 0.0000 0.0077 1 0.00 0.9955
♀ H1 KE -0.0259 0.0096 1 7.26 0.0071**
♀ H2 KE -0.0259 0.0097 1 7.13 0.0076** Table 4. Test du khi-deux sur la différence des moyennes des moindres carrés pour détecter quelles sont les
modalités qui diffèrent. Les valeurs de P marquées d’un astérisque sont significativement différentes des autres.
Ces résultats suggèrent que les mâles ont tendance à voler plus longtemps quand ils
viennent du Kenya (quelque soit l’origine de la femelle), et que les mâles (quelque soit leur
origine) volent moins longtemps quand les femelles viennent du Kenya. Cependant il parait
Source ddl χ² P
♀ 3 2.98 0.3943
♂ 3 0.94 0.8159
♀*♂ 9 5.61 0.7781
intercept 1 5.13 0.0235
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difficile d’interpréter ces différences observées : la quantité de phéromones libérées par la
femelle pourrait influencer la capacité du mâle à la reconnaître et à se diriger vers elle, dans
ce cas, si la femelle libère peu de phéromone, le mâle va devoir voler plus longtemps pour
reconnaître et suivre le signal.
Le modèle linéaire généralisé appliqué aux données concernant le temps de latence n’a
pas détecté de différence (table 5.). L’origine géographique des individus n’influence pas le
temps de latence.
Table 5. Un modèle linéaire généralisé effectué sur les différentes sources. En éliminant à chaque
fois une source, nous observons que seul l’intercept a une valeur de χ² significative.
3) Limites de l’expérience
Les expérimentations et l’utilisation d’insectes parasitoïdes dans l’enceinte d’un tunnel
de vol sont contraintes par leur état physiologique lors du test. Il est nécessaire d’être
rigoureux lors de leurs manipulations. Les conditions abiotiques du tunnel peuvent être
différentes (lumière artificielle, flux laminaire pour le vent) de celles auxquelles les insectes
sont confrontés dans leur habitat naturel. Ces différences dues à la technique, mais qui
peuvent être aussi dues aux conditions climatiques, comme les variations de pression
atmosphérique, pourraient affecter leur comportement et biaiser les résultats. Les analyses
effectuées sur les effets du jour et de l’heure à laquelle ont été fait les mesures signalent qu’il
y a un fort effet jour, c'est-à-dire que certains jours les mâles (quelque soit leur origine) vont
plus vers les femelles que d’autres, augmentant ainsi la difficulté des observations.
V) Perspectives
Les résultats apportés par cette expérience ne répondent que partiellement au problème
posé. Faute de temps, il ne nous a pas été possible de faire toutes les expériences nécessaires
pour répondre de façon plus juste, étant donné l’investissement pour mettre au point l’élevage
et le maintien des parasitoïdes, ainsi que le temps suffisant pour l’ajustement des conditions
pour l’expérience de l’olfactomètre (réglage des modalités qui offraient le plus de succès en
moyenne).
Nos résultats infirment simplement l’hypothèse que l’origine géographique du mâle a
un effet sur le comportement de recherche de son partenaire sexuel. Cependant, ces résultats
sont en accord avec le cas d’une sélection sexuelle classique : c’est la femelle qui choisi le
mâle, et celui-ci choisi une femelle quelque soit son origine, c’est un phénomène issu de
l’évolution. L’anisogamie désigne une asymétrie dans la taille des gamètes chez une espèce à
reproduction sexuée. Le sexe femelle produit un petit nombre de gros gamètes, généralement
peu mobiles, le sexe mâle à l’inverse produit un grand nombre de gamètes très mobiles
(Danchin, et al., 2005). Dans ce cas, la femelle va beaucoup investir dans le développement
du zygote, et elle a un intérêt à sélectionner le mâle qui va la féconder, alors que le mâle,
s’investi à produire énormément de gamètes pour multiplier sa probabilité de féconder
l’ovocyte. Le choix exercé par les femelles est une conséquence de l’anisogamie, et peut
Source ddl χ² P
♀ 3 1.76 0.6246
♂ 3 0.49 0.9204
♀*♂ 9 6.25 0.7146
intercept 1 223.75 <0.0001
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générer une pression importante pour l’évolution des caractères mâles, alors que le contraire
est beaucoup moins vrai.
Une expérience sur la parade nuptiale de P. lounsburyi est en cours pour compléter
notre analyse des mécanismes d’isolement prézygotique pouvant contraindre l’hybridation de
cet insecte parasitoïde. Il s’agit de regarder s’il y a un accouplement entre un mâle et une
femelle dans le temps qu’il leur est imparti. Les mesures sont basées sur des items
comportementaux précis qui décrivent la séquence des évènements qui composent la parade
nuptiale. Pour l’instant les résultats préliminaires (pas assez de répétitions) suggèrent que les
individus d’origine Sud-Africaines ont une plus grande probabilité de s’accoupler lorsqu’ils se
sont rencontrés (proportion d’insectes qui s’accouplent en fonction de l’origine : ♂AF=54%,
♂KE=48%, ♂H1=28%, ♂H2=48%, ♀AF=58%, ♀KE=43%, ♀H1=31%, ♀H2=52%)
notamment comparés aux hybrides 1. Les résultats nous indiquent aussi qu’il pourrait y avoir
une sélection sexuelle des mâles par les femelles dans un cas uniquement : les femelles
kényanes s’accouplent un peu plus avec des mâles sud-africains (64% de succès) et kenyans
(58% de succès) qu’avec les mâles H1 (16% de succès) ou H2 (22% de succès), mais plus
d’analyses et de répétitions sont nécessaires pour confirmer ces résultats.
Ces données signifient qu’une expérience complémentaire de parade nuptiale en
situation de choix (un mâle est présenté aux quatre types de femelle possible en même temps)
doit être effectuée pour confirmer l’hypothèse que la sélection sexuelle des femelles est la
barrière prézygotique qui peut freiner l’hybridation intraspécifique, étant donné que les mâles
sont attirés par tout les types de femelle.
Pour les lâchers d’insectes parasitoïdes qui auront lieu l’été 2008, les résultats apportés
par cette étude prouvent que les mâles sont attirés par les femelles de l’autre origine, c’est à
dire que les femelles kényanes accepteront les mâles sud-africains et vice versa. D’autre part,
nous savons aussi que l’élevage des hybrides est possible, donc il pourrait bien se produire
une hybridation sur le terrain. Si nous lâchons ensemble des mâles et des femelles des deux
origines, la génération suivante sera aussi constituée des deux types d’hybrides. Dans ce cas,
la barrière postzygotique pourrait être une sélection qui agit en défaveur des hybrides si leur
capacité à s’accoupler est réduite, ce qui les amènerait à disparaître. Sauf si les hybrides
possèdent d’autres aptitudes qui les rendraient plus aptes que leurs parents, l’hybridation de
Psyttalia lounsburyi ne serait pas un facteur favorisant l’invasion, ce qui d’une façon générale
est en désaccord avec la plupart des cas exposés dans la littérature sur ce sujet, dans lesquels
l’hybridation est déterminante (Ellstrand, 2000, Kolbe, 2004, Facon, 2005).
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Références
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